Falcon 4.0

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : MicroProse (Alameda)
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Testé sur : PC (Windows 9x) & Macintosh
Présent au sein des compilations :

  • Modern Warfare Collection (1999 – PC (Windows 9x)
  • Totally Flying (2001 – Windows)
  • Falcon : Collection (2015 – Linux, MacOS, Windows)
  • Falcon 3.0 : Gold (2023 – Linux, MacOS, Windows)

En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Falcon (jusqu’à 2000) :

  1. Falcon (1987)
  2. Falcon A.T. (1988)
  3. Falcon 3.0 (1991)
  4. Falcon (TurboGrafx-16) (1992)
  5. Falcon 4.0 (1998)

Version PC (Windows 9x) & Macintosh

Date de sortie : Décembre 1998 (PC) – Mai 1999 (Macintosh)
Nombre de joueurs : PC : 1 à 2 (avec deux ordinateurs reliés par un câble null-modem) –  2 à 16 (via Internet, modem ou réseau local)
Macintosh : 1 à 4 (via modem)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous PCem
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium 166MHz – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – API : Direct3D, Glide
Configuration sonore : Dolby Surround supporté

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 603e – OS : System 7.5.3 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : API : Glide

Vidéo – L’introduction du jeu :

Au fil d’une décennie où tout sera décidément allé extrêmement vite, la mutation du statut de « simple machine de bureau » à « ordinateur multimédia » puis à « système capable de rivaliser avec les consoles » (voir à « master race », diront certains…) du PC aura également fait quelques victimes. Pas uniquement du côté de la concurrence – désormais réduite, du côté des ordinateurs personnels, à un Macintosh pesant moins de 10% du marché – mais aussi et surtout du côté de la ludothèque en elle-même. Autrefois bâtie autour de genres adaptés aux caractéristiques de l’ordinateur d’IBM – nommément les jeux de rôles, les jeux de stratégie, les simulations et les jeux d’aventure –, la bibliothèque du PC aura basculé à la fin des années 90 vers une offre plus variée tournant principalement autour du FPS et de la 3D triomphante.

Ironiquement, cette diversification ne sera pas passée loin de sonner le glas des genres susmentionnés, car si la stratégie avait réussi sa mue en se débarrassant de son austérité et de sa délicate courbe d’apprentissage avec l’arrivée du temps réel (elle était même en pleine âge d’or, avec des titres comme Homeworld, Starcraft ou Total Annihilation, tous parus entre 1997 et 1999), l’aventure était en train de vivre ses dernières grandes heures avec Grim Fandango et The Longest Journey, et le jeu de rôle avait frôlé la disparition pure et simple avant que Baldur’s Gate ne vienne lui offrir un second souffle. Quant à la simulation, qui avait sur le papier tous les éléments pour vivre ses plus belles heures – des processeurs surpuissants et des cartes accélératrices 3D en soutien –, elle aura bien connue une forme de baroud d’honneur avec la série des Jane’s Combat Simulations et autres F22 Air Dominance Fighter, mais elle se sera surtout déplacée du côté de l’accessibilité et de la simulation automobile, les simulateurs de vol, pour leur part, restant plus que jamais réservés à un public de niche prêt à passer des heures avec le nez dans un manuel épais comme le bottin, ce qui n’était déjà plus exactement la norme de la période. Parmi les derniers monstres sacrés d’un genre qui aura pratiquement disparu au cours de la décennie suivante figure Falcon 4.0, qui demeure aujourd’hui encore un des titres de références pour les amateurs de pilotage de F-16 avec sa suite de 2005, Allied Forces.

Un bon moyen, au passage, de mieux cerner les raisons du déclin du simulateur de vol en tant que genre. Car autant le dire tout de suite : on aura rarement pu juger plus pleinement de l’extraordinaire complexité du fonctionnement d’un jet qu’en lançant Falcon 4.0. La saga a toujours été réputée pour son réalisme, et elle n’était visiblement pas décidé à changer de cap – et autant vous prévenir : si vous vous imaginez empoigner le manche à balai et aller abattre des chasseurs adverses après vingt secondes de consultation de la carte de référence du jeu, vous allez être très, très déçu.

Certes, par définition, une simulation présente toujours un degré de complexité ; même les simulateurs adaptés de Star Wars, X Wing et Tie Fighter, ne se laissaient pas dompter en cinq minutes et demandaient un peu d’investissement pour cerner les gigantesques possibilités de l’interface et du moteur de jeu – même Wing Commander nécessitait un détour par le manuel, c’est dire ! Mais avec Falcon 4.0, comme avec beaucoup des simulations de pointe de la période, on aborde un autre niveau : musclez-vous les genoux, car il vont devoir héberger l’imposant manuel du jeu et ses 579 pages pendant un petit bout de temps. Première étape : préparez-vous à aborder dans l’ordre, et sans doute plusieurs fois, les quelques trente-et-une (!) missions d’entraînement du jeu, car aucune n’est superflue et toutes se révèlent rigoureusement indispensables pour espérer manœuvrer et utiliser votre Fighting Falcon à vingt millions de dollars. Si vous n’avez pas déjà une connaissance absolue de la signification de termes comme FPM, ADI, AOA, HSI, RWS ou ACM, n’espérez même pas avoir une chance de tirer quelque chose de l’impressionnant tableau de bord de l’appareil et de ses très nombreuses capacités. Même les connaisseurs des précédents épisodes auront tout intérêt à ne pas sauter une seule étape de la très longue courbe d’apprentissage du jeu : jouer à Top Gun, en vrai, ce sont des mois de formation et ce n’est pas pour rien.

Bien que le titre présente des options de configuration permettant à la fois de simplifier le modèle de vol et de tempérer les capacités de l’I.A. adverse afin d’avoir une petite chance de parvenir à cibler un ennemi sans maitriser les dizaines de modes radar ayant chacun une fonction spécifique devant être utilisée à la perfection en fonction du type d’adversaire et de la distance à laquelle il se trouve (avec, naturellement, la moitié de ces modes à destination des cibles au sol), même le modèle « simplifié » est déjà atrocement complexe – l’entrainement ne vous préparant en rien aux adaptations qu’il opère.

Quels que soient vos choix, il faudra obligatoirement une main sur le joystick, une autre sur le clavier dont chaque touche a une, sinon plusieurs, fonction, voire une troisième que vous devrez vous faire greffer à grands frais pour empoigner la souris afin de simplifier la navigation sur le tableau de bord – car oui, certaines actions comme le ciblage peuvent nécessiter que vous allier déplacer un curseur manuellement. Soyons au moins reconnaissant au programme d’avoir eu l’excellente idée d’inclure un système de « freeze », sort de pause active qui vous permet d’agir pendant que le temps est « gelé », car on doit souvent réaliser une dizaine d’actions dans un laps de temps extrêmement court au milieu d’un dogfight endiablé. Si tout ce que je viens de décrire vous intimide, autant vous préparer psychologiquement : on ne lance pas Falcon 4.0 pour se lancer dans le feu de l’action dix minutes plus tard, ni même deux heures. Avant d’aller gagner votre guerre, il va falloir la mériter !

La bonne nouvelle, c’est que le contenu vaut la chandelle : outre l’engagement immédiat qui permet d’affronter sans tarder chasseurs, bombardiers et/ou cibles au sol avec la présence ou nom d’unités antiaériennes et un mode multijoueur à réserver à une élite de passionnés du genre, la star du logiciel est indéniablement ses trois campagnes dynamiques toutes intégralement situées en Corée (car oui, l’ennemi sera ici la Corée du Nord).

« Dynamique » étant ici le mot-clef, car loin de vous proposer une succession de missions établies face à des forces prédéterminées, le jeu réévalue en permanence vos objectifs en fonction des mouvements et du statut des forces adverses – aériennes, navales ou au sol. Car ne vous attendez pas à survoler un grand désert pour aller attaquer une unité isolée : vous êtes en permanence au sein d’une escadrille lancée au-dessus d’un vaste champ de bataille, et ce sont des centaines de cibles qui se présenteront à vous – ce qui signifie qu’apprendre à identifier les vôtres et à réclamer des informations par radio afin d’y parvenir constituera une part de la difficulté. Mais cela signifie aussi et surtout qu’il va falloir apprendre à outrepasser vos ordres et à faire un maximum de dégâts pour vous simplifier les choses sur la durée, chaque unité ennemie détruite étant une unité de moins sur votre route pendant la suite de la campagne – mais évidemment, plus vous prenez de risques, plus vous et vos collègues pilotes risquez d’y laisser des plumes…

Ces formidables campagnes justifient à elles seules le colossal investissement que nécessite le jeu pour être dompté – sans même parler de le maîtriser. Avec le recul, on comprend aisément que les simulateurs de vol poussés aient quelque peu échoué à sortir de la niche où leur approche hyper-exigeante les avaient cantonnés : avoir des missions d’entraînement didactiques prenant le joueur par la main point par point sans avoir à ouvrir l’imposant manuel aurait assurément fait un bien fou à une expérience qui n’est clairement pas à destination des joueurs pressés.

Avoir un mode « arcade » plus basique, avec juste une poignée de fonctions indispensables (ciblage, choix des armes, tir) grandement automatisées aurait également rendu la courbe d’apprentissage un peu moins écrasante – ce n’est pas la philosophie du genre, c’est sans doute une erreur mais c’est à prendre ou à laisser. Si vous avez vraiment envie de découvrir ce que signifie réellement piloter un chasseur, vous aurez ici un des tout meilleurs représentants du genre, et même si la 3D fait son âge et que faire tourner le programme sur les configurations modernes pourra se révéler délicat, les joueurs venus chercher exactement cette exigence et cette difficulté seront aux anges pour de très, très nombreuses heures. En revanche, si le simple fait d’avoir à subir un didacticiel de quinze minutes vous fatigue au moment de lancer un jeu, soyons clair : ce type de jeu n’est pas pour vous, et sans un changement drastique de vos attentes, Falcon 4.0 ne viendra rien modifier à cet état de fait. Voilà au moins une chose qui n’aura jamais cessé d’être vraie au fil de l’histoire vidéoludique.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18/20

Falcon 4.0 est sans doute l'un des tout derniers avatars de la simulation de pointe à l'ancienne : celle qui nécessite de compulser un manuel de 579 pages, qui a plusieurs fonctions pour absolument toutes les touches du clavier et dont la courbe de progression évoquant les pires flancs de l'Everest passe par la bagatelle de 31 missions d'entrainement. C'est l'exact opposé d'un titre accessible : c'est un jeu exigeant, réaliste jusqu'à l'excès, qui ne cherche jamais réellement à faire des cadeaux en dépit des indispensables options de configuration pour tempérer un peu la difficulté et le réalisme. Une fois cette philosophie acceptée, la bonne nouvelle est que le logiciel de MicroProse est l'un des meilleurs en la matière, avec un modèle de vol irréprochable et une campagne dynamique parmi les plus impressionnantes du genre ; la mauvaise étant que même les fonctions les plus basiques demanderont des heures d'entrainement pour être maîtrisées. Ce n'est clairement pas un jeu pour tout le monde, mais si vous avez pris votre pied avec Falcon 3.0, Longbow 2 ou F-15 – ou que vous êtes à a fois dévoué, curieux et patient –, attendez-vous à y engloutir des mois. Une référence à destination des joueurs les plus exigeants.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une phase d'apprentissage aussi longue qu'intimidante...
– ...notamment parce que le modèle de vol simplifié est déjà particulièrement complexe

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Falcon 4.0 sur un écran cathodique :

Grim Fandango

Développeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Titres alternatifs : Deeds of the Dead (titre de travail), Tim’s Dead Game (titre de travail)
Testé sur : PC (Windows 9x)
Figure au sein de la compilation : LucasArts Classic : The Entertainment Pack (Windows)
Le remaster du jeu : Grim Fandango : Remastered (2015 – Android, iPad, iPhone, Linux, MacOS, PlayStation 4, PS Vita, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox One, Xbox Series)
En vente sur : GOG.com (Linux, MacOS, Windows), Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Steam.com (Linux + SteamOS, MacOS, Windows), Xbox.com (Windows, Xbox One, Xbox Series)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : Octobre 1998
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : CD-ROM (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris, joypad, joystick
Version testée : Version CD-ROM émulée sous PCem
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 133MHz – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 6.0 – API : Direct3D – RAM vidéo : 2Mo – Résolution supportée : 640×480

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il s’est produit au cours des années 1990, en l’espace de quelques années à peine, un phénomène que personne n’avait anticipé : le jeu d’aventure est mort.

Encore considéré comme un des genres – si ce n’est LE genre – rois sur ordinateur à la sortie des années 80, avec un pic qu’on pourrait situer quelque part autour de l’année 1993, voilà soudain que le pourvoyeur de titres de légendes à la Day of the Tentacle, à la Gabriel Knight ou à la The Secret of Monkey Island aura pour ainsi dire disparu du paysage en même temps que sa matérialisation la plus célèbre, le point-and-click, avant même l’arrivée du nouveau millénaire.

Là où les joueurs de 1995 semblaient encore s’esbaudir en découvrant Full Throttle, The Dig, The Beast Within ou Discworld, ceux de 1996 semblaient déjà de plus avoir cure de Toonstruck ou de The Neverhood, et si un titre parvenait encore à tirer de temps en temps son épingle du jeu (comme Les Chevaliers de Baphomet), le constat était implacable : les attentes des joueurs avaient changé, et tourner en rond entre une succession d’écrans dans l’attente de trouver enfin la solution à une énigme n’était plus considéré comme le sommet du plaisir vidéoludique. Il faut dire qu’entretemps, l’aventure était devenue une composante qui s’était répandue, comme la narration et la mise en scène, dans à peu près tous les autres domaines vidéoludiques, et que tout à coup même des FPS à la Half-Life, des jeux de stratégie à la Starcraft ou des jeux d’action à la Metal Gear Solid offraient une approche nouvelle de la relation entre récit et gameplay – et ils s’y prenaient plutôt bien, les bougres. Et tandis que l’un des maîtres du genre, l’immense studio LucasArts, semblait désormais voué à empiler les jeux STAR WARS de qualité variable, il aura malgré tout livré au monde une forme de cadeau d’adieu, sans doute involontaire, au genre qui avait bâti l’essentiel de sa notoriété – avec nul autre que l’immense Tim Schafer, qui signait là sa dernière collaboration avec le studio avant de partir fonder Double Fine – à la baguette. Et ce qui aurait pu n’être qu’un grand jeu d’aventure de plus restera malgré lui comme le bouquet final annonçant la fin du genre avant que The Longest Journey ne vienne définitivement fermer la porte. Héritage ô combien ironique pour Grim Fandango, un titre tournant précisément autour du thème… de la mort.

La mort, c’est d’ailleurs un peu le personnage que vous incarnez : Manuel Calavera. C’est en tous cas immédiatement ce à quoi il fait penser, squelette armé d’une faux qui accueille les trépassés à leur arrivée au Pays des Morts… lequel n’est au final qu’une sorte de purgatoire, un simple point de passage avant le « véritable » Paradis appelé le « Neuvième monde ». Ce passage est d’ailleurs tout sauf métaphorique puisque rejoindre l’ultime destination représente un long voyage à pied de quatre longues années… sauf à bénéficier d’une des formules à la carte distribuées par notre « Manny », agent de voyage vendant les moyens de locomotion vers la félicité en fonction du karma de ses « clients », le Graal étant représenté par le « Neuf Express », un train ultra-rapide permettant de rejoindre le Neuvième Monde en seulement quatre minutes.

Jusqu’ici, tout va pour le mieux dans le pas-tout-à-fait-meilleur des neuf mondes, mais il se trouve que la situation est loin d’être idyllique lorsqu’on la regarde du point de vue de Manuel : visiblement coincé dans ce qui ressemble à un travail communautaire qui l’interdit de rejoindre la « vraie » mort, le voilà en plus dans une impasse professionnelle où lui, autrefois vendeur prolifique, est devenu un loser héritant systématiquement de tous les dossiers pourris pendant que son collègue Domino remporte tous les meilleurs contrats et gravit les échelons avec une réussite insolente – en lui glissant, au passage, quelques peaux de banane. Bien décidé à ce que la roue tourne, Calavera ne va cependant pas tarder à mettre involontairement le doigt sur une conspiration au sein du DDM (le Département Des Morts) où il travaille, laquelle va commencer à se matérialiser via la sublime Mercedes Colomar, une véritable sainte qui se retrouve pourtant privée du billet de Neuf Express auquel elle avait droit. Le début d’un longue épopée qui va s’étendre sur quatre ans et à travers tout le Pays des Morts, et qui va mêler polar, film noir, ambiance sud-américaine et lutte des classes. Tout un programme.

Il convient d’ailleurs de saluer d’entrée le premier et véritable « héros » du jeu : son univers. Alors qu’on pouvait s’attendre à un Pays des Morts banalement lugubre rempli des inévitables références gothiques et /ou TimBurtonienne, le choix d’inscrire le récit dans un monde original dont la principale source d’inspiration est la fête des morts mexicaine est une idée de génie dotant immédiatement Grim Fandago d’une identité unique, avec son esthétique improbable issue d’une rencontre entre l’Art déco et les motifs aztèques (!) et ses habitants inspirés des calaveras mexicaine qui donnent leur nom au personnage principal du jeu. Viennent s’y ajouter une atmosphère des années 50 dans les costumes, l’architecture et l’ambiance générale et de multiples références aux polars de la période, tendance Le Faucon Maltais et Casablanca.

Un mélange détonnant qui accouche d’une direction artistique mémorable, laquelle n’a d’ailleurs pas pris le début du commencement d’une ride, magnifiée par des centaines de décors méticuleusement modélisés en 3D avant d’être parcourus via des vues en caméra fixe à la Alone in the Dark ou à la Resident Evil. Une approche finalement assez novatrice pour le genre et qui aura appelé à un nouveau moteur de jeu dans lequel on contrôle Manny comme on le ferait en vue subjective, avec des commandes hélas assez raides, et où l’interface passe via les touches du clavier ou du joystick plutôt que par des icônes à l’écran. Conséquence : Grim Fandango n’est techniquement déjà plus un point-and-click, laissant la place à une maniabilité « tank » pleinement inscrite dans l’air du temps, mais l’apparence volontairement taillée à la serpe de ses protagonistes lui permet de transformer les limites de la 3D temps réel de 1998 en un style à part entière – un privilège que ne serait pas amené à connaître Escape from Monkey Island, le deuxième et dernier jeu à chercher à tirer profit d’un moteur taillé sur mesure pour cet univers.

L’autre bonne nouvelle, c’est aussi et surtout qu’on sent d’emblée une ambition palpable pour le jeu – pas uniquement dans sa réalisation sublime, comme on vient de le voir, mais aussi et surtout dans la qualité de l’écriture et la durée de l’aventure. Si on pouvait parfois penser que LucasArts avait perdu une partie de son mojo après un Full Throttle beaucoup trop court ou un The Dig qui laissait transparaitre une partie de son développement chaotique, on est rassuré d’emblée par le charisme hallucinant de personnages qui ne sont pourtant que des squelettes figurés par une poignée de polygones. Le moindre dialogue est comme toujours un petit bijou, et le plus infime second rôle est introduit avec énormément de soin ; Grim Fandago est assurément l’un des derniers titres à conférer la motivation de résoudre chacune de ses énigmes pour le simple plaisir de découvrir le prochain cadre, le prochain interlocuteur et la prochaine idée géniale d’un univers fascinant de la première à la dernière molécule.

Il convient d’ailleurs de tirer un grand coup de chapeau à la qualité du doublage français qui n’a rien à envier à celui des meilleurs dessins animés de la période, avec pour seul regret quelques choix de timbre pas toujours optimaux pour certains personnages masculins, mais l’interprétation comme la traduction sont juste parfaites et ne sont surpassées, d’une très courte tête, que par une version originale absolument fabuleuse. Le plus impressionnant reste la taille du jeu, qui permet entre autres destinations pittoresques comme la Grande Forêt Pétrifiée ou le Bout du Monde de visiter pas moins de deux villes dont la deuxième, Rubacava, qui sert de cadre à tout le deuxième chapitre (le jeu en compte quatre, un pour chaque année) et à une partie du quatrième, est si étendue qu’on en vient à regretter qu’un système de voyage rapide ne soit pas à disposition ! Surtout, le moindre café enfumé, le moindre tripot illuminé ou le plus petit salon de tatoueur regorgent de détails qui rendent le monde du jeu extraordinairement palpable, et si le jeu nécessite déjà facilement cinq à six heures rien que pour être complété en ligne droite, vous pouvez facilement multiplier le total par dix pour espérer boucler l’aventure sans une solution à portée de main.

Car il y a beaucoup d’énigmes, et certaines sont particulièrement vicieuses – le nombre d’actions à exécuter pour parvenir à accéder au troisième chapitre est ainsi proprement intimidant et demande de garder la tête bien froide devant toutes les problématiques à gérer en même temps. Le jeu n’est jamais inutilement vache : il distribue énormément d’indices et d’informations à qui veut bien les entendre, même si les passages les plus frustrants sont ceux qui reposent sur des actes à faire en temps limité, ce qui n’est pas toujours facile à accomplir avec une maniabilité aussi lourde.

Rassurez-vous : comme toujours avec LucasArts, votre personnage ne peut pas mourir – et pour cause, il est déjà décédé ! – mais les autres ne seront pas aussi chanceux, car il existe bel et bien une mort au-delà de la mort, et la présence de fleurs sur une tombe n’aura jamais trouvé une application aussi littérale… Quoi qu’il en soit, il faudra souvent batailler pour parvenir à progresser, mais chaque minute passée au contact de ces morts terriblement vivants est un tel plaisir que je ne peux que vous conseiller de retarder au maximum le recours à une solution. Grim Fandango est une véritable lettre d’amour à un genre dont il avait peut-être conscience d’être l’un des derniers représentants, une oeuvre qui va au-delà du simple plaisir ludique pour s’affirmer comme un vrai jeu d’auteur, intemporelle, inaltérable, et tant pis pour pour les quelques petites maladresses vite pardonnées de son maniement. Comme un cruel symbole, le titre unanimement salué à sa sortie par une presse vidéoludique qui le voyait comme ce qu’il était – l’un des derniers géants du genre – aura également été le seul développé par LucasArts à ne pas avoir généré un centime de profit (son budget de développement de 3 millions de dollars y étant sans doute pour quelque chose). Célébré depuis lors, à nouveau disponible via un remaster hélas un peu trop buggé pour son propre bien, Grim Fandango est un titre à redécouvrir d’urgence, un des derniers témoignages de cette magie inexplicable qui nous poussait à passer des heures dans un monde imaginaire sans autre chose à faire que discuter, visiter et cogiter, au point de finir par ressentir un petit pincement à la simple idée de le quitter. Qui pensait qu’on pouvait se sentir aussi bien dans le Pays des Morts ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Meilleure aventure de 1998 (Power Play, février 1999)
  • Meilleur jeu d’aventure de l’année (ex-aequo avec Sanitarium) (Computer Gaming World n°177, avril 1999)
  • Meilleure aventure de 1999 (PC Gamer Allemagne, janvier 2000)
  • N°41 dans les « 50 meilleurs jeux de tous les temps » (sondage dans PC Gamer, avril 2000)
  • 7ème meilleur jeu de tous les temps (Computer Gaming World n°200, mars 2001)

NOTE FINALE : 19/20

Grim Fandango est sans doute le dernier grand jeu d'aventure jamais publié par Lucasarts, et le moins qu'on puisse dire est qu'en la matière, Tim Schafer aura bien aidé le studio américain à réussir ses adieux – mieux, en tous cas, qu'avec un Escape from Monkey Island qui aura un peu raté sa cible deux ans plus tard. Il y a quelque chose dans cette épopée mémorable de quatre ans au Pays des Morts qui résume tout ce qui pouvait constituer l'extraordinaire puissance évocatrice du genre, à commencer par sa direction artistique exceptionnelle mêlant film noir, mythologie aztèque, fête des morts mexicaine et Art déco qui le dote aujourd'hui encore d'une identité unique en son genre. Mais la vraie force du titre demeure précisément tout ce qui avait fait la réputation de LucasArts lors de son âge d'or : des énigmes aussi retorses que bien ficelées, des personnages parfaitement campés et diablement attachants, des dialogues très bien écrits et un réservoir inépuisable d'idées loufoques pour matérialiser un univers toujours fascinant et jamais bêtement lugubre. En dépit de quelques petites lourdeurs dans le maniement ou la résolution de certaines énigmes, Grim Fandango constitue la plus formidable oraison funèbre d'un genre qui avait vécu sa plus belle vie et que de grands artistes auront décidé d'accompagner avec panache vers le Neuvième Monde. Chapeau bas.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un maniement « tank » qui n'a pas l'efficacité du point-and-click
– Beaucoup d'allées-et-venues assez fastidieuses dans des environnements très étendus, particulièrement au chapitre deux
– Quelques énigmes reposant sur la vitesse d'exécution davantage que sur la réflexion...
– ...et d'autres VRAIMENT retorses

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Grim Fandango sur un écran cathodique :

Homeworld

Développeur : Relic Entertainment Inc
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre alternatif : Spaghetti Ball (titre de travail)
Testé sur : PC (Windows 9x)
Figure au sein des compilations :

  • Homeworld Universe (2001 – Windows)
  • 10 Spiele-Hits Vol. 2 (2004 – Windows)

Le remaster du jeu : Homeworld : Remastered Collection (2015 – MacOS, Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows) – Steam.com (MacOS, Windows)

La licence Homeworld (jusqu’à 2000) :

  1. Homeworld (1999)
  2. Homeworld : Cataclysm (2000)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 28 septembre 1999 (Amérique du Nord) – Octobre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 4 (via internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, chinois, espagnol, français, italien, polonais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 200MHz – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 6.1 – API : Direct3D, Glide – Résolutions supportées : de 640×480 à 1600×1200
Configuration sonore : DirectSound3D, Dolby Surround, EAX

Il se sera produit vers la fin des années 90 un événement a priori peu spectaculaire, mais qui pourrait servir à définir à lui seul la transition vers ce qu’on qualifierait de « jeu vidéo moderne » : le moment où les différents genres vidéoludiques auront commencé à sortir de leur case pour devenir de plus en plus perméables entre eux. Certes, dans l’absolu, associer des mécanismes et des gameplays issus de différents genre n’étais pas une nouveauté en soi : on se souvient que des studios comme Cinemaware en avaient fait leur marque de fabrique une décennie plus tôt en mêlant aventure, action et mise en scène – mais le résultat tenait davantage du collage que de l’amalgame et a souvent assez mal vieilli aujourd’hui faute de matière et de cohérence pour lier les éléments entre eux.

Mais voilà que tout à coup, le « jeu d’aventure » n’était plus nécessairement un point-and-click et pouvait se vivre à travers le prisme de l’action, comme dans Flashback ou Tomb Raider, voilà que le scénario et la mise en scène devenaient des éléments centraux même dans des genres où ils avaient jusqu’alors été largement laissés de côté, comme la stratégie : Starcraft offrait une campagne passionnante à suivre avec ses personnages charismatiques et ses retournements plutôt que d’empiler les briefings ; quant à Half-Life, il était la cinématique : le joueur vivait la mise en scène à la première personne en en étant acteur, via des scripts. Et avant qu’on ne commence à glisser des mécanismes de jeu de rôle ou des arbres de compétences un peu partout, le tout premier jeu d’un tout jeune studio baptisé Relic Entertainment sera venu dynamiter, à sa façon, le modèle déjà fermement établi de la stratégie en temps réel. Pas tellement par le biais des mécanismes en eux-mêmes, comme l’avait fait par exemple un Total Annihilation deux ans plus tôt, mais plutôt en étant un peu plus qu’un jeu de stratégie : Homeworld était une expérience. Et celle-ci aura fait beaucoup de bruit à sa sortie.

Tout commence par une découverte : celle, dans le grand désert de la planète Kharak, d’un vaisseau spatial technologiquement avancé visiblement écrasé là depuis des siècles. L’événement aurait déjà été historique s’il n’avait pas été accompagné d’une révélation plus frappante encore : à l’intérieur du vaisseau se trouvait une pierre avec une carte galactique et surtout une inscription dans –votre– langue : « Igaara » : « Mère ».

Rapidement transfigurée par l’idée que Kharak n’est en réalité pas son monde natal, la civilisation du jeu (il est possible de choisir entre deux races qui ne varient que par l’esthétique de leurs unités) se met alors en tête d’utiliser la technologie du voyage hyperspatial ainsi révélée pour bâtir un gigantesque vaisseau-mère dont le rôle sera de rejoindre la lointaine Igaara, à l’autre bout de la galaxie. Le voyage d’inauguration va hélas rapidement tourner court : une funeste découverte va transformer l’expédition en une fuite en avant de la dernière chance, avec rien de moins que la survie de tout votre peuple en équilibre dans la balance. Avec, face à vous, un puissant empire bien déterminé à vous exterminer, et peu d’alliés à espérer. Du moins au début…

Homeworld prend donc le temps d’installer son récit – comme il prendra le temps de le faire vivre via des scènes cinématiques pendant et entre les seize missions du jeu. Le scénario, finalement assez simple, est néanmoins magnifié par un élément qui se révèle dès les premières secondes de jeu : l’atmosphère. Alors que le jeu aurait pu opter pour une ambiance belliqueuse avec des sonorités agressives, il choisit au contraire d’installer ses premiers instants avec les chœurs de l’Agnus Dei de Samuel Barber en fond sonore, installant d’entrée une forme de gravité et de mélancolie qui laissera la place, par la suite, à des mélodies planantes et à des sonorités plus exotiques.

Ce simple détail aide à donner l’impulsion au voyage qui va être le cœur du jeu en lui conférant immédiatement une portée grandiose, comme si le joueur portait avec lui les rêves d’avenir de toute une planète – lesquels ne deviendront que plus lourds à assumer lorsque la tragédie commencera à se mettre en place. Cette immersion est également permise par un autre élément qui n’avait que très peu été utilisé dans la stratégie jusqu’alors : la troisième dimension. Car loin de vivre la partie depuis une vue de dessus, comme un général au-dessus d’une abstraite carte d’état-major, le joueur déplace une caméra directement à l’intérieur de l’espace du jeu, vivant tous les événements à la première personne, pouvant choisir de plonger au cœur des combats ou, au contraire, de prendre la distance nécessaire pour juger de la situation, le tout d’un simple mouvement de la molette de souris. Cette liberté inhabituelle transforme ce qui n’aurait pu être qu’un terrain de jeu abstrait en un cadre formidablement immersif, un univers sans frontière aux dimensions agoraphobes où la menace peut littéralement venir de n’importe où.

C’est d’ailleurs, du côté des mécanismes cette fois, une des rares innovations réelles du jeu : le fait de composer avec un espace en trois dimensions qui signifie qu’une offensive peut également intervenir par au-dessus ou par en-dessous. Très honnêtement, cela n’a que peu d’impact sur les stratégies en elles-mêmes, des détecteurs de proximité ayant tendance à empêcher toute forme d’attaque-surprise, mais cela vient encore ajouter une subtilité supplémentaire à une approche autrement relativement classique (collecte de ressources via des appareils dédiés et construction à votre vaisseau-mère qui fait office de base) avec quelques adaptations.

Ainsi, il n’y a pas de bâtiments à construire à proprement parler puisque toute votre « base » est représentée par le vaisseau-mère, et s’il est possible de faire des recherches pour débloquer de nouvelles technologies – et, à travers elles, de nouvelles unités, depuis les basiques chasseurs jusqu’à de gigantesques croiseurs et à des dispositifs de camouflage ou même des poseurs de mines –, celles-ci sont en fait débloquées au fur-et-à-mesure de la campagne, rendant finalement la progression tout aussi linéaire que dans les autres standards du genre. En revanche, le jeu reprend également une idée déjà employée dans des jeux de stratégie ayant volontairement mis de côté une large partie de l’aspect gestion, comme Warhammer : Dans l’ombre du rat cornu : au lieu de débuter chaque mission avec un effectif et des moyens donnés, vous conservez vos unités et vos ressources d’un niveau à l’autre. Ce qui signifie qu’une mission difficilement remportée peut vous placer dans une situation critique pour la suite de la campagne et vous obliger à la recommencer – voire à retourner plusieurs niveaux en arrière pour vous efforcer de revenir à la tête de forces plus conséquentes. Le jeu a fort heureusement la bonne idée d’offrir une sauvegarde automatique différenciée au début de chaque nouvelle mission, ce qui autorisera même les joueurs distraits à retenter leur chance sans avoir à recommencer la campagne depuis le début.

On appréciera d’ailleurs la grande variété d’options de confort qui permettent de se concentrer sur la stratégie en elle-même en limitant la micro-gestion au minimum.

Vos unités peuvent adopter toute une série de formations leur permettant de se déplacer à la même vitesse, et sachant qu’il est possible de leur donner des ordres précis (escorter ou soigner, par exemple) touchant toute une sélection plutôt qu’un élément isolé, on peut facilement organiser une armée complexe avec des corvettes disposées en escorte autour des bâtiments lourds et des unités d’assistance mobilisées en permanence pour réparer les vaisseaux endommagés sans avoir à passer son temps à transiter d’un groupe à l’autre pour donner des ordres à tout le monde dans le feu de l’action. La jouabilité est merveilleusement efficace et ne donne pas le sentiment de consacrer l’essentiel de son énergie à palier à la stupidité de ses propres troupes comme c’était encore trop souvent le cas dans la stratégie en temps réel jusqu’alors : ici, un peu d’organisation peut faire des miracles et permettre de se concentrer sur la partie intéressante plutôt que de marteler la souris à raisons de deux-cents clics par minute pour espérer prendre son ennemi de vitesse.

Le rythme du jeu est d’ailleurs à la fois la grande force et la grande faiblesse de l’expérience. L’univers, c’est très grand, et s’y déplacer prend beaucoup de temps ; si cela impose un rythme relativement contemplatif qui offre le temps de réfléchir et correspond à merveille à l’ambiance planante et souvent mélancolique de la campagne, on pourra regretter l’absence d’une fonction pour accélérer le passage du temps, particulièrement en fin de mission, lorsque tout ce qu’il reste à faire est d’aller collecter les ressources disponibles – ce que vous aurez tout intérêt à faire, comme on l’a vu, ces ressources risquant de faire toute la différence à la mission suivante –, et qu’il faut parfois attendre une bonne demi-heure pour que vos collecteurs terminent leur moisson !

Un aspect inutilement chronophage qui rend l’expérience multijoueur (contre des humains ou contre l’ordinateur) nettement moins prenante que la campagne, dont le mécanisme de développement sur la durée est précisément l’un des principaux intérêts. Les premières missions peuvent vite se montrer délicates – à cause de la faiblesse de vos forces à ce stade –, et les joueurs les plus adroits sauront tirer avantage des capacités des moindres de leurs unités – à commencer par la faculté de capture des unités adverses des corvettes de récupération, hélas extrêmement fragiles – pour se composer rapidement une armée apte à faire face à n’importe quoi. Et mieux vaudra diversifier ses troupes, sans quoi le programme prendra systématiquement le moyen de vous le faire payer : vous avez une puissante force de destroyers et de frégates ? Ah, dommage, vous tombez sur un vaisseau qui peut prendre le contrôle de toutes les unités lourdes qui passent à sa portée : j’espère que vous avez gardé assez de ressources pour construire une solide flotte de chasseurs et de corvettes ! Ici, une supernova blessera vos unités tant qu’elles ne seront pas à l’abri d’un champ d’astéroïdes. Parfois, ce sera l’épreuve de force pure : l’ennemi déploiera très vite des unités très puissantes, et soit vous aurez les forces nécessaires pour y faire face, soit vous irez vers une défaite cuisante. Et si votre collecteur de ressources est détruit, pas question ici de s’en voir attribuer magiquement un autre : soit vous aurez assez de crédits pour en construire un nouveau (et ces bestiaux coûtent cher !), soit vous en serez quitte pour recharger votre partie tant vos chances de survie viendront d’être réduites à néant… Dans l’ensemble, le jeu n’est néanmoins pas aussi difficile qu’il peut le laisser penser lors des premières parties, et les joueurs prêts à recommencer les missions les plus exigeantes afin de s’assurer de les terminer avec le moins de pertes possible ne devraient pas avoir trop de mal à arriver au terme de l’aventure – et de se voir récompensés par un morceau du groupe de rock alternatif Yes composé spécialement pour l’occasion.

Il en résulte un titre qui parvient à être davantage que la somme de ses parts : Homeworld est certes un très bon jeu de stratégie à peine handicapé par ses quelques longueurs, mais il offre aussi et surtout un point de vue vraiment innovant sur l’immersion du joueur, partie intégrante d’un univers pour lequel on finit fatalement par éprouver une forme d’attachement en dépit de l’absence de réels personnages marquants : le héros, ici, est précisément ce vide intersidéral qui se peuple progressivement de teintes de plus en plus lumineuses et de plus en plus chaudes tandis que l’on approche de la résolution d’une crise dont l’enjeu n’est rien de moins que la survie de tout un peuple face à un génocide.

Homeworld est un titre qui se vit comme se vivaient avant lui Another World ou Half-Life : en ne se sentant jamais extérieur à ce qui est en train de se passer à l’écran. Un accomplissement qui lui aura à la fois valu un plébiscite critique à sa sortie et un accueil suffisamment enthousiaste des joueurs pour initier une licence toujours en vie de nos jours (Homeworld 3, par exemple, ne remonte qu’à 2024), et qui permet au titre de se laisser découvrir, aujourd’hui encore, avec un plaisir certain pour peu que vous adhériez à toute l’expérience. N’hésitez pas à franchir le pas : si la magie opère, vous pourriez pas participer à un voyage dont vous vous souviendrez longtemps.

Vidéo – L’introduction et la première mission du jeu :

Note : Le remaster du jeu proposé à la vente depuis 2015 propose, en plus de la version remasterisée, une version « Classic » permettant théoriquement de reproduire l’expérience originelle parue en 1999. Fuyez-la à tout prix : dans les faits, cette version souffre de gros problèmes d’I.A. qui rendent le jeu proprement injouable, avec des unités qui passent leur temps à se rentrer dedans, des corvettes incapables de ramener les unités capturées jusqu’au vaisseau-mère ou des adversaires kamikazes qui foncent sur votre vaisseau-mère avec des unités lourdes. Les voix françaises en sont également absentes.

NOTE FINALE : 18/20

Homeworld est un jeu de stratégie en temps réel très efficace mettant en place plusieurs mécanismes originaux au fil d'une campagne au long cours qui oblige le joueur à s'organiser sur la durée ; cependant, le réduire à cela revient à échouer à cerner tout ce qui fait l'unicité de son expérience, un peu comme de décrire Another World comme un jeu de plateforme ou Captain Blood comme une simulation d'atterrissage. Le titre de Relic Entertainment repose en effet sur une atmosphère véhiculée par toutes ses composantes, depuis sa musique planante aux accents mélancoliques jusqu'à son rythme volontairement lent, pour mieux figurer ce qu'est l'idée centrale de son propos : un long voyage de retour. Les quelques rares faiblesses du gameplay s'effacent rapidement pour s'engager dans un chemin que Starcraft, a sa façon, avait inauguré un an plus tôt : autant qu'un STR, Homeworld est une aventure, un récit aux accents oniriques chargé d'une émotion particulière qui magnifie son cadre. Le genre de jeu qui gagne a être joué tard le soir, dans le noir, pour se laisser partir dans un univers sans limite afin d'aider un peuple en détresse à survivre à un génocide. Comment refuser ?

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des fins de mission qui peuvent s'éterniser si on prend le temps de collecter les ressources disponibles...
– ...d'autant qu'il n'existe aucune option pour accélérer le passage du temps
– Une campagne sur la durée qui fait qu'il faudra parfois revenir plusieurs niveaux en arrière pour espérer retourner une situation mal engagée

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Homeworld sur un écran cathodique :

Commando

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd. (Japon, Europe) – Data East USA, Inc. (Amérique du Nord)
Titre original : 戦場の狼 (Senjō no Ōkami – Japon)
Titres alternatifs : Space Invasion (Allemagne), Wolf of the Battlefield : Commando (console virtuelle Wii), Capcom Arcade Cabinet : Commando (PSN)
Testé sur : ArcadeBBC MicroCommodore 64ZX SpectrumAmstrad CPCCommodore 16, Plus/4ElectronNESIntellivisionMSXPC (Booter)PC-88Apple IIAtari 2600AmigaAtari 7800Atari STPlayStationSaturn
Version non testée : FM-7
Disponible sur : Android, DoJa, iPad, iPhone, PlayStation 3, Wii, Xbox 360
Présent au sein des compilations :

  • 4 in 1 : Airwolf / Bomb Jack / Commando / Frank Bruno’s Boxing (1986 – Amstrad CPC, Commodore 16, Plus/4, Commodore 64, ZX Spectrum)
  • Best of Elite : Vol. 1 (1987 – Amstrad CPC, Commodore 64, ZX Spectrum)
  • Hit Pak 5 (1987 – Commodore 64)
  • Play it Again Sam 3 (1988 – BBC Micro, Electron)
  • Capcom Generation : Dai 4 Shū – Kokō no Eiyū (1998 – PlayStation, Saturn)
  • Capcom Generations (1999 – PlayStation)
  • Activision Anthology (2002 – PlayStation2)
  • Capcom Arcade Hits 3 (2003 – Windows)
  • Capcom Coin-Op Collection Volume 1 (2004 – Windows)
  • Capcom Classics Collection Volume 1 (2005 – PlayStation 2, Xbox)
  • Capcom Classics Collection Reloaded (2006 – PSP)
  • Capcom Arcade Cabinet (2013 – PlayStation 3, Xbox 360)
  • Capcom Arcade Stadium : Commando (2021 – Windows)
  • Retro Classics (2025 – Windows Apps)

En vente sur : Steam.com (nécessite Capcom Arcade Stadium – Windows)

La licence Commando (jusqu’à 2000) :

  1. Commando (1985)
  2. MERCS (1990)

Version Arcade

Date de sortie : Mai 1985 (Japon) – Juillet 1985 (Amérique du Nord, Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version export
Hardware : Processeurs : Zilog Z80 3MHz (x2)
Son : Haut-parleur ; YM2203 OPN 1,5MHz (x2) ; 1 canal
Vidéo : 256 x 224 (V) 59,637405Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Nintendo est un nom souvent cité quand il s’agit de s’esbaudir de la constance dans le succès – et la qualité – de la production d’une compagnie vidéoludique, et à raison : peu de concurrents peuvent lui contester sa proéminence et sa régularité en la matière, en dépit de quelques minuscules anicroches (« Comment appelez-vous cet objet ? Un ‘Virtual Boy’ ? ») que l’histoire a à peine retenues. Mais s’il est une entreprise disposant d’arguments très pertinents pour lui disputer le titre, ce serait bien Capcom ; le studio japonais établi en 1983 ne s’est peut-être jamais lancé dans la construction de ses propres consoles de jeu, mais en termes de longévité et de constance dans la qualité de sa production, il y aurait ici quelques pages de titres marquants à citer, et ce pratiquement dès les débuts de la firme !

Dans les salles d’arcade qui ont connu ses débuts, la compagnie japonaise n’aura même pas eu le temps de souffler sa première bougie pour connaître un grand succès avec 1942, et son deuxième anniversaire l’avait déjà vu produire, au milieu d’une pléthore de titres, rien de moins que des bornes telles que Ghosts’n Goblins, Gun.Smoke… et avant cela, un jeu qui aura lancé tout un sous-genre très populaire au sein des années 80 pratiquement à lui tout seul : Commando. Comme souvent avec Capcom, la borne en elle-même n’a pour ainsi dire rien inventé : on trouvait déjà des mécanismes extrêmement équivalents dans le Front Line de Taito trois ans auparavant, par exemple, ou même dans le Mister Viking de SEGA paru un an plus tôt. Mais ce qui aura fait la différence tient en un mélange entre une réalisation accomplie pour l’époque et une action extrêmement soutenue, ce qu’on pourrait résumer en un mot qui définit assez bien la production de Capcom sur la durée : efficacité.

Commando, c’est donc l’histoire de Super Joe – un personnage qu’on sera appelé à recroiser par la suite dans Bionic Commandos, mais pour être honnête, personne n’y a fait attention, et ce pour une raison simple : non seulement Super Joe n’est jamais présenté ou même introduit dans une borne qui ne s’embarrasse pas vraiment à placer un scénario ou même un contexte, mais surtout, tout le monde aura tendu à lui prêter un allias évident, celui du héros d’une saga dont le deuxième épisode arrivait justement dans les salles au même moment : Rambo.

Et c’est peut-être d’ailleurs le plus grand coup de génie de la borne : permettre sans le dire de jouer à Rambo 2 avant même que le monde ne sache qu’il avait envie de jouer à Rambo 2. En conséquence, si Super Joe n’a pas encore l’idée de porter l’iconique bandeau rouge de son alter ego involontaire (contrairement aux héros d’Ikari Warriors et de la plupart des clones à venir qui, eux, assumeront bien souvent la référence jusqu’au bout), il est en revanche équipé d’une mitrailleuse automatique aux munitions illimitées ainsi que d’un stock de grenades, et c’est avec cet équipement qu’il devra vaincre à lui tout seul toute l’armée adverse au fil de deux missions chacune divisées en quatre étapes. C’est simple, c’est basique, c’est direct – et en 1985, on n’avait aucune raison d’en exiger davantage.

Le joueur moderne tendra d’ailleurs probablement à ne retenir de la borne que son aspect… disons, dépouillé. Pas tant du côté de la réalisation, qui n’a certes plus rien d’impressionnant avec quarante ans de recul mais qui correspondait assurément plutôt au haut du panier à sa date de sortie, mais précisément de celui du game design : l’opposition se limite à deux modèles de soldats, plus quelques véhicules indestructibles qu’il faudra obligatoirement éviter, l’unique bonus du jeu est représenté par une réserve de grenades venant gonfler la vôtre, et si le héros à pied a la capacité de tirer dans la direction à laquelle il fait face, c’est fondamentalement la seule chose qui le sépare de l’avion de 1942 – cela et le fait d’avoir à contourner une partie du décor, ou à s’en servir comme couverture selon la situation.

Le déroulement est très linéaire (impossible de revenir sur ses pas, naturellement), les ennemis reviennent en continu, et même les boss se limitent à des vagues d’adversaire sans introduire un ennemi plus massif nécessitant de repenser son approche. Bref, pas d’erreur : on est bel et bien aux racines absolues du genre n’introduisant à peu près rien par rapport aux quelques précurseurs mentionnés plus haut, et comme beaucoup d’inspirateurs vidéoludiques, Commando va fatalement souffrir de la comparaison avec les très nombreux clones qu’il aura initiés et qui auront généralement eu le mérite, eux, d’introduire de temps à autre une ou deux idée neuves (même si, comme on le verra par la suite, leur problème récurrent sera précisément de n’en avoir eu que très peu en réserve, ce qui explique peut-être que le sous-genre ait assez rapidement fini par péricliter) .

Ceci dit, on sait que Capcom est également capable de faire beaucoup à partir de peu (Ghosts’n Goblins n’inventait pas grand chose, lui non plus, pour reprendre un autre grand succès de la firme), et comme souvent la vraie efficacité de la borne est à aller chercher dans son exigence et sa difficulté. L’action n’est peut-être pas très variée, dans Commando, mais a-t-elle besoin de l’être dans une borne où survivre une minute risque déjà de demander un peu d’entrainement ?

Super Joe est très rapide, mais ses ennemis le sont aussi, et leurs tirs allant plus vite encore, l’action devient si nerveuse dès les premières secondes qu’on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer – même avec un ami en renfort. Première règle : ne jamais rester immobile. Deuxième règle : ne jamais rester immobile. Troisième règle… ah, trop tard, vous êtes déjà mort. Et en l’état, toute la force du gameplay est là, de A à Z : jouer aux réflexes et au sang froid sans prendre le temps de réfléchir mais en restant suffisamment concentré pour parvenir à dessiner, en une fraction de seconde, un trajet idéal entre toutes les cochonneries qui se promènent à l’écran. Car en cas de décès, évidemment, on ne repart pas là où on est mort, ce serait trop simple : ce sera un retour au dernier point de passage selon le mécanisme en vigueur à l’époque.

Il en résulte une pression et une exigence de tous les instants qui sont à la fois le principal intérêt du jeu et ce qui risque de le transformer en un pic de frustration au bout de quelques minutes. Contrairement à Ghosts’n Goblins, la mémoire n’a finalement que peu d’usage ici, l’expérience se limitant à essayer d’avancer le plus vite possible sous peine d’être enseveli sous les vagues ennemies, et si l’action se suffisait parfaitement à elle-même en 1985, on va dire que le concept aura largement eu le temps d’être repris et peaufiné depuis lors, ce qui donne assurément à cette borne « pionnière » un bon coup de vieux.

Crapahuter dans la jungle aux commandes d’un simili-rambo est une formule qui aura été légèrement surexploitée par la suite, et il faut reconnaître que dépouillée de la moindre forme d’originalité ou d’idée marquante, le jeu a ce parfum du déjà vu, déjà joué même quand on ne l’a jamais approché de sa vie. Ce qu’on appelle le prix de l’innovation… Reste une expérience très basique, certes, mais parfaitement efficace à sa façon – le truc étant que le tour de la question risque d’être accompli au bout de dix grosses minutes. Les néophytes ne verront sans doute qu’un intérêt purement historique à la borne, et on les comprend – quitte à vouloir s’amuser, autant directement commencer par MERCS –, quant aux vétérans… eh bien, ils n’auront certainement pas attendu un article de 2025 pour retourner confronter les souvenirs émus de leur enfance, pas vrai ?

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20

Parmi les premiers succès planétaires de Capcom – mais certainement pas parmi les derniers –, Commando aura initié à lui seul le sous-genre, très populaire dans les années 80, consistant à diriger un Rambo qui ne dit pas son nom dans une jungle présentée via un défilement vertical. L'action est hyper-nerveuse, la difficulté immonde et la profondeur absente : un assez bon résumé d'une formule qui allait être (souvent) reprise et (parfois) peaufinée, d'Ikari Warriors à Guerrilla War pour ne citer qu'une minuscule portion de ses héritiers. C'est d'ailleurs là la plus grande faiblesse d'un titre qui apparait aujourd'hui comme de simples fondations avec pas grand chose de construit par-dessus, un gameplay qui n'a que son immédiateté et son exigence à offrir au milieu d'une réalisation et d'un contenu qui font leur âge. Les fans de run-and-gun à la recherche de quelque chose de plus consistant préfèreront sans doute se lancer dans des titres plus récents, à commencer par son successeurs MERCS ou des bornes plus spectaculaires et plus débridées à la Shock Troopers. Les autres parcourront un morceau d'histoire en se disant que, décidément, il fallait être vraiment bon pour joueur plusieurs minutes avec une pièce de 10 francs, en 1985.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Difficulté « arcade »
– Aucune possibilité de bloquer la direction du tir
– Aucun power-up
– Très court
– Une réalisation qui n'a plus grand chose à montrer

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Commando sur une borne d’arcade :

Version BBC Micro

Développeur : Catalyst Coders
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Décembre 1985
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version cassette
Configuration minimale :

Signe de son succès quasi-instantané, Commando n’aura même pas eu à attendre l’année 1986 pour commencer à apparaître sur les systèmes domestiques. Réalisé par John Nixon aux graphismes et Trevor Harwood au code (deux anonymes comme la période en aura compté des centaines), ce portage sur BBC Micro démontre que l’essentiel de l’expérience originale peut facilement être conservé sans avoir à déployer des prouesses techniques insensées. Visuellement, il n’y a que quatre couleurs à l’écran et le format passé à l’horizontale signifie qu’il est difficile d’anticiper l’avancée, mais l’action étant devenue beaucoup plus lente, le jeu repose désormais nettement moins sur les réflexes et plus sur l’observation froide et méthodique (même si foncer tout droit sans se préoccuper des ennemis donne également de très bons résultats). Le défilement a laissé place à des changements d’écran, les sprites clignotent dès qu’il y a un peu trop de monde et il n’est pas toujours facile de distinguer les tirs adverses ou de lire la trajectoire des grenades ennemies, mais dans l’ensemble le titre est jouable et assure l’essentiel dans une version nettement plus accessible que la borne. Niveau sonore, il n’y a plus de musique et juste quelques « bips » en guise de bruitages, mais ça ne change pas grand chose. Certes, on touche vraiment aux fondamentaux absolus du genre, mais au fond, ça ne fonctionne pas si mal.

NOTE FINALE : 10/20

Si l’on cherchait à établir la substantifique moelle de ce qu’est un run-and-gun, cette version BBC Micro de Commando constituerait un très bon exemple : les mécanismes sont simplissimes, il n’y a pas grand chose à voir et pratiquement rien à entendre, mais en termes d’action, ça fonctionne – même si le défi n’a plus grand chose à voir, lui non plus, avec celui de la borne. Seul ou à deux, de quoi tuer dix minutes d’une façon plus agréable qu’on aurait pu le craindre.

Version Commodore 64

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Décembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le Commodore 64 figurait sans conteste parmi les ordinateurs 8 bits les mieux équipés pour rendre justice à Commando – et objectivement, ce portage réalisé directement par une équipe interne s’en sort très bien. Contrairement aux adaptations observées sur BBC Micro, le défilement est fluide, l’action est tout aussi nerveuse que sur la borne (et donc presque aussi difficile) tout en restant lisible, et on peut profiter de la musique de l’immense Rob Hubbard pendant la partie. On a beau perdre quelques détails comparés à le borne, les acheteurs de l’époque n’avaient pas de quoi se sentir roulés et ceux qui découvriront le logiciel via ce portage aujourd’hui pas davantage. Un titre limité, mais efficace – dommage que le mode deux joueurs soit passé à la trappe.

NOTE FINALE : 11/20

Commando sur Commodore 64 n’a fondamentalement pas grand chose à envier à la borne dont il est tiré, ce qui veut déjà dire beaucoup. Toujours aussi jouable, toujours aussi nerveux et toujours aussi exigeant, le titre n’abandonne que quelques fioritures d’une réalisation qui n’était de toute façon déjà pas très impressionnante à la base – ainsi que le mode deux joueurs, certes, mais l’équilibrage compense. Pour s’éclater à deux pendant quelques minutes, ça fait toujours parfaitement l’affaire.

Version ZX Spectrum

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Décembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Fuller, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

En 1985, il aurait été commercialement totalement suicidaire sur le marché européen (et surtout sur le marché britannique, alors déjà en pleine forme) de ne pas proposer une adaptation de Commando. Signe d’une époque où la machine de Sinclair était encore une star, ce portage s’en sort lui aussi très bien : il y a assez de détails pour avoir quelque chose à voir mais pas suffisamment pour que cela gêne la lisibilité, l’action est toujours aussi nerveuse et c’est parfaitement jouable au joystick comme au clavier. Au rang des déceptions, la réalisation sonore est à peine plus emballante que sur BBC Micro (pas de musique, des bruitages extrêmement limités) et il n’y a toujours pas de mode deux joueurs. Reste une version sympathique à pratiquer en solo, mais sans doute pas pendant très longtemps.

NOTE FINALE : 10,5/20

Portage très sérieux pour Commando sur ZX Spectrum, avec pour seul véritable regret la disparition d’un mode deux joueurs qui était un élément central de l’expérience. L’essentiel est néanmoins bien préservé, et le résultat est clairement à la hauteur de ce qu’on était en droit d’attendre en 1985.

Version Amstrad CPC

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Mai 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

S’il y avait une certitude qui était déjà bien ancrée dans l’esprit des éditeurs britanniques au milieu des années 80, c’était qu’un CPC n’était fondamentalement qu’une machine qui possédait le même processeur qu’un ZX Spectrum et qui se vendait moins sur le territoire de la perfide Albion. Dès lors, Commando était-il voué à n’être qu’un obscur « speccy port » comme on en voyait déjà trop ? Dans l’absolu, oui – on voit bien que le jeu reprend la résolution, l’interface et une large partie des graphismes du portage commercialisé sur la machine de Sinclair, mais il fait au moins l’effort d’y apporter un petit coup de peinture pour profiter timidement des capacités graphiques de la machine, et d’y ajouter un petit thème musical pour égayer l’écran-titre. La bonne nouvelle, c’est que la jouabilité est la vitesse sont toujours satisfaisantes (même si les masques de collision auraient pu être plus précis) ; la mauvaise, c’est qu’il n’y a toujours pas de mode deux joueurs. Une nouvelle fois, l’essentiel est là, mais bénéficier d’une version un peu plus ambitieuse n’aurait malgré tout pas été un mal.

NOTE FINALE : 10,5/20

Sur Amstrad CPC, Commando fait le travail – mais il le fait comme trop souvent sous la forme d’une version ZX Spectrum rapidement maquillée. Le résultat demeure décent, mais la perte du mode deux joueurs ne se justifiait pas.

Version Commodore 16, Plus/4

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Février 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version cassette
Configuration minimale :

Cas un peu particulier pour Commando sur Commodore 16 : on est moins ici en présence d’un portage que d’une refonte totale du jeu, sans doute pour cause de contraintes techniques. Lesquelles sont assez vite visibles : il n’y a plus de défilement, et pour cause, le programme est désormais constitué de cinq écrans en tout et pour tout, dont l’unique objectif est de parvenir à détruire tous les ennemis présents. Tâche rendue d’autant plus complexe que votre personnage ne peut plus se déplacer en diagonale ni utiliser de grenade, qu’il commence en plein milieu de l’action (durée de vie attendue lors de votre première tentative au premier niveau : une demi-seconde) et qu’il ne peut bien évidemment pas compter sur la présence d’un deuxième joueur. Sachant qu’il n’y que deux types d’adversaires et que la réalisation est loin d’être inoubliable, autant dire qu’on est plus en présence d’une version démo à la difficulté réglée au maximum que face à un jeu complet ou à l’adaptation d’une borne d’arcade. Bilan : pas terrible, et on comprendra aisément que cette conversion n’ait pas marqué les esprits.

NOTE FINALE : 07/20

Étrange conversion faisant davantage penser à un ersatz de Gain Ground qu’au portage de la borne d’arcade, Commando sur Commodore 16 s’efforce de faire ce qu’il peut, mais ce n’est pas assez. Avec une action hyper-limitée et ultra-punitive tenant tout entier sur cinq écrans, seuls les joueurs les plus motivés tiendront jusqu’au terme des dix minutes de durée de vie – le temps de se convaincre d’aller acheter un Commodore 64, sans doute.

Version Electron

Développeur : Catalyst Coders
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : 1986
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette
Configuration minimale :

À l’instar du Commodore 16 vis-à-vis du Commodore 64, l’Electron était une version d’entrée de gamme (vendue 200£ tout de même) du BBC Micro, proposant donc un hardware sensiblement moins puissant. On ne sera donc pas très surpris de se retrouver face à une version de Commando qui corresponde virtuellement à un calque du portage développé par la même équipe sur l’autre ordinateur d’Acorn… mais en deux fois plus lent, et sans aucune possibilité de brancher un joystick – deux tares récurrentes pour la machine. Sachant que la version BBC Micro n’était déjà pas exactement un modèle de vélocité, on a un peu l’impression de revivre le bullet time de Matrix, mais en 4 couleurs, et l’expérience de jeu n’est pas exactement transcendante. Reste un petit titre d’action très oubliable, mais on ne va pas se mentir : hors nostalgie, difficile de trouver une raison de s’y adonner aujourd’hui.

NOTE FINALE : 08/20

Prenez un jeu lent, rendez-le encore deux fois plus lent, et vous obtiendrez Commando sur Electron – un titre qui vous laisse le temps de prendre le café en jouant. Si l’expérience a le mérite de rester jouable, elle n’est ni particulièrement difficile, ni particulièrement intéressante, et on la réservera aux curieux, aux nostalgiques et aux joueur qui aiment bien avoir beaucoup de temps pour réfléchir au milieu de leurs jeux d’action.

Version NES

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 27 septembre 1986 (Japon) – Novembre 1986 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec l’arrivée de Commando sur les machines japonaises – NES en tête –, fini de rire : c’est directement Capcom qui se charge des adaptations. On pouvait s’attendre à une retranscription fidèle de la borne, et au premier abord c’est ce qu’on obtient : l’action est toujours aussi nerveuse, toujours aussi fluide, et (presque) toujours aussi exigeante – d’autant qu’il n’y a pas l’ombre d’un menu des options à se mettre sous la dent.

Rapidement, on remarque néanmoins que l’équipe de développement en a profité pour ajouter quelques idées : les niveaux sont un peu plus longs, on peut désormais sauver des otages en échange de points, et certains d’entre eux sont même à dénicher dans des bunkers souterrains qui ne se dévoilent qu’en tuant des soldats dans des positions retranchées ! Si le jeu emploie toujours le système de points de passage, il se révèle plus permissif puisqu’une simple option sur l’écran-titre permet de repartir du dernier niveau visité (l’équivalent d’un continue illimité, quoi) – ce qui fait qu’il ne devrait pas falloir des semaines de lutte pour en venir à bout. Dans l’ensemble, la réalisation est relativement solide et l’expérience de jeu fait aussi bien, sinon mieux que la borne, à un petit détail près : l’impossibilité de jouer à deux simultanément. Cela n’empêche pas cette version domestique d’être globalement mieux équilibrée et moins frustrante que la borne, mais vu la concurrence sur la machine de Nintendo, le bilan reste un peu maigre.

NOTE FINALE : 12/20

En portant Commando sur NES, Capcom en aura profité pour revoir très légèrement sa copie et pour rééquilibrer son expérience de jeu. L’action est plaisante, mais la faible durée de vie cumulée à l’impossibilité de jouer à deux simultanément risquent d’obliger cette cartouche à figurer dans le bas de la pile, en-dessous des Guerrilla War ou des Heavy Barrel sur la même machine, plus ambitieux.

Version Intellivision

Développeur : Realtime Associates, Inc.
Éditeur : INTV Corp.
Date de sortie : Décembre 1987 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb

Voir un titre paraître sur Intellivision en 1987 – soit trois ans après la fin de la production de la console – pourra paraître étrange, mais l’histoire est en fait que d’anciens employés de Mattel avaient entretemps fondé INTV Corp. pour racheter les droits de la console, en écouler les stocks, et même développer quelques nouveaux titres – dont deux portages de l’arcade : Pole Position et… Commando. Pour l’occasion, on s’en doute, pas question ici de retrouver les adaptations observées sur la version NES : on affaire à un portage simplifié en fonction des limitations de la console (il n’y a plus de véhicules adverses, par exemple), et le résultat est… eh bien, finalement assez honnête, plutôt supérieur par exemple à ce qui avait été observé sur BBC Micro. Les sprites sont certes minuscules, mais ils sont animés avec beaucoup de précision et l’action, si elle est moins rapide que sur la borne, n’en est pas moins exigeante. Ce n’est certes pas le type de portage sur lequel on aurait envie de se précipiter aujourd’hui – il avait déjà quelque chose d’un peu anachronique en 1987 –, mais à tout prendre, il fait les choses plutôt bien et l’équilibrage est loin d’être délirant. Pas si ridicule, pour une console morte depuis trois ans et qui allait encore vendre 500.000 exemplaires avant qu’INTV Corp. ne ferme définitivement ses portes en 1991.

NOTE FINALE : 10/20

On n’attendait plus trop l’Intellivision en 1987, mais force est de constater que ce portage de Commando prouve que la console de Mattel était encore loin d’être ridicule face à l’essentiel de la production 8 bits. La réalisation est dépouillée mais travaillée et lisible, et la difficulté est conséquente sans être exactement aussi injuste que sur la borne. Une curiosité plus divertissante qu’elle n’en a l’air.

Version MSX
Senjō no Ōkami

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Clavier, joypad
Version testée : Version cartouche testée sur MSX 1
Configuration minimale : Système : MSX 1

Le MSX aura dû attendre 1987 pour bénéficier de son portage de Senjō no Ōkami – ce qui est plutôt surprenant, considéré le succès rencontré par la machine au Japon. Toujours est-il que le système hérite pour l’occasion d’un portage ressemblant plus à celui paru sur FM-7 (à en juger, en tous cas, par les vidéos que j’ai vues du portage sur la machine de Fujitsu, dont je ne suis pas parvenu à trouver une version jouable) qu’à celui publié sur NES. Le résultat n’est pas ce qu’on a vu de plus emballant sur la machine : le défilement, comme toujours, est très haché, ce n’est pas particulièrement beau, ça clignote beaucoup et la musique tape vite sur les nerfs. Une nouvelle fois, l’essentiel est préservé, mais quitte à jouer sur un ordinateur 8 bits, autant lancer directement la version Commodore 64.

NOTE FINALE : 10,5/20

Senjō no Ōkami doit faire face, sur MSX, aux limitations techniques d’une machine dont la première version n’avait pas exactement été pensée pour faire tourner des run-and-gun. Le résultat est correct et décemment jouable, mais présente néanmoins trop de défauts pour qu’on ne préfère pas découvrir le jeu sur un autre système.

Version PC (Booter)

Développeur : Quicksilver Software, Inc.
Éditeur : Data East USA, Inc.
Date de sortie : Février 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : Aucun – RAM : 256ko
Mode graphique supporté : CGA
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1987, un PC était une machine qui avait beaucoup d’arguments du côté du bureau, mais qui d’un point de vue strictement ludique n’avait rien à opposer à des ordinateurs 8 bits qui coutaient souvent cinq ou six fois moins cher – sauf à investir dans un Tandy 1000, ce qui n’a visiblement pas été l’hypothèse considérée ici. Ce portage de Commando correspond donc à ce qu’on pouvait attendre sur la machine à l’époque, c’est à dire à rien de renversant. Du côté des bonnes nouvelles, la fenêtre de jeu est d’une taille décente, l’action est relativement nerveuse et il n’y a pas besoin de ralentir le jeu pour qu’il tourne à la bonne vitesse. En revanche, la musique crachée par le haut-parleur interne tourne très rapidement en boucle (prévoyez une migraine ou coupez-la), le mode deux joueurs a une fois de plus été sacrifié, et le jeu est d’autant plus moche qu’il ne prévoit même pas une gestion du mode composite. Ce n’est certes pas pire que ce qu’on avait pu observer sur BBC Micro mais on dira que ce n’est pas exactement la meilleure façon aujourd’hui de découvrir le jeu de Capcom.

NOTE FINALE : 09,5/20

Version déjà techniquement en retard pour 1987, Commando sur PC s’en tire malgré tout honnêtement du côté de la jouabilité et de l’expérience de jeu. L’aspect frustre de la réalisation, la difficulté corsée et l’impossibilité de jouer à deux risquent néanmoins de limiter la durée de vie du titre à une poignée de parties.

Version PC-88
Senjō no Ōkami

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : Mars 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Les portages japonais, comme on le sait, ne tendaient pas à briller par leur diversité – c’étaient à peu de choses près les mêmes versions au bit près autant que leurs systèmes d’accueil le permettaient. Senjō no Ōkami ne fait pas exception à la règle : c’est a priori exactement le même jeu que sur FM-7. De loin, on dirait la version ZX Spectrum en plus fin – ce n’est pas très beau sauf à aimer les grands aplats jaunes, bleu ciel et verts – mais ça a au moins le mérite d’être relativement lisible et il y a de la musique. Sans hurler au génie, on peut donc au moins compter sur un portage qui offre l’essentiel de ce que proposait la borne, mais on aurait apprécié une action plus fluide et des teintes un peu moins agressives.

NOTE FINALE : 11/20

Portage sérieux mais pas spécialement enthousiasmant pour Senjō no Ōkami sur PC-88 : c’est lisible sans être très beau, c’est jouable sans être très fluide, ça offre l’essentiel sans chercher en rien à le perfectionner. Au moins est-ce jouable à deux.

Version Apple II

Développeur : Quicksilver Software, Inc.
Éditeur : Data East USA, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple IIc – RAM : 128ko

Là encore, le timing pourra surprendre : attendre 1988 pour porter Commando sur Apple II, une machine en fin de vie qui célébrait alors déjà ses onze ans ? Comme on va le voir, non seulement ce ne sera pas la dernière anomalie à ce sujet, mais on rappellera également à titre de comparaison que l’excellent Prince of Persia, pour sa part, ne verrait le jour sur le même ordinateur qu’un an plus tard – un excellent rappel de l’extraordinaire longévité de la machine d’Apple. Ceci dit, porter un jeu de tir à défilement sur ladite machine représentait une sacrée colle, et pour le coup Quicksilver Software (qui avait déjà réalisé la version PC) s’en sera très bien sorti : l’action est étonnamment fluide et les commandes répondent très bien. Alors certes, la fenêtre de jeu est tellement rabotée qu’on se croirait sur Game Boy, la difficulté est d’autant plus immonde qu’on a très peu de temps pour voir arriver les tirs adverses, et il n’est plus question de jouer à deux ; néanmoins le résultat demeure relativement impressionnant pour un ordinateur qui ne s’imaginait sans doute pas faire tourner des programmes de ce type un jour. On commence à approcher du défi de codeur davantage que du pic du gameplay, mais on appréciera l’effort.

NOTE FINALE : 09/20

D’un point de vue purement technique, Commando sur Apple II est clairement un bel accomplissement, mais cette prouesse a fatalement un prix, et entre la fenêtre de jeu minuscule, la réalisation purement fonctionnelle, la disparition du mode deux joueurs et la difficulté frustrante, on commence à faire face à beaucoup d’obstacles pour réellement s’amuser dans des conditions optimales. Bien essayé, mais l’ordinateur d’Apple n’était peut-être tout simplement pas fait pour ce type de jeu.

Version Atari 2600

Développeur : Imagineering Inc.
Éditeur : Activision, Inc.
Date de sortie : Juin 1988 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version PAL
Spécificités techniques : Cartouche de 128kb

Quand je vous disais qu’on en avait pas fini avec les « anomalies » : une cartouche sur Atari 2600 en 1988 ? Et éditée par les grands rivaux d’Activision, tant qu’à faire ? Décidément, les années 80 n’étaient pas décidées à laisser mourir leurs glorieux ancêtres, et cette édition de Commando a quelques surprises à offrir. Une fois de plus, c’est techniquement que le titre est impressionnant : les sprites sont gros, le défilement est fluide, l’action est lisible, et il y a plutôt davantage de détails dans les décors que sur PC-88 ou sur MSX. La jouabilité parvient à placer toute l’action sur un bouton (il faut le garder appuyé pour lancer une grenade) et il y a même des options de difficulté, pas à dire, c’est du beau boulot. En revanche, le contenu a été un peu essoré pour tenir sur la minuscule cartouche, il n’y a plus de véhicules, jamais plus de trois ennemis à l’écran, et la taille des sprites dait qu’il est souvent difficile d’éviter les tirs adverses. Quant au mode deux joueurs, comme sur NES, il est au tour-par-tour. Reste une version surprenante qui en fait plus que ce qu’on pensait uen Atari 2600 capable de produire, mais d’un point de vue strictement ludique, ça demeure quand même assez limité.

NOTE FINALE : 09,5/20

De nouveau une belle performance technique pour Commando sur Atari 2600, qui est en plus plus que le vague ersatz qu’on était en droit de craindre. En dépit d’une réalisation accomplie et d’une jouabilité bien pensée, le titre rencontre à peu près les mêmes limitations que sur Apple II et est souvent difficile pour de mauvaises raisons. Une curiosité à découvrir pour les fans de la console d’Atari, malgré tout.

Version Amiga

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À la fin des années 80, Elite Systems aura apparemment réalisé qu’ils disposaient toujours des droits d’adaptation de la licence de Capcom dans un carton, et qu’il serait sans doute intelligent de porter Commando sur Amiga et Atari ST avant que ces droits n’expirent. La philosophie n’a d’ailleurs pas changé depuis les premières conversions : on se retrouve face à un portage qui essaie de coller un maximum à la borne, ce qu’il fait plutôt bien, mais sans bénéficier du plus subtil rééquilibrage ni de la plus infime option de configuration : c’est toujours dur parce que ça va vite et qu’on a très peu de temps pour anticiper. La jouabilité reprend celle de la version Commodore 64, la fenêtre de jeu a été rétrécie pour correspondre au format vertical original – ce qui n’était peut-être pas absolument nécessaire – et si l’expérience globale est assez proche de celle de la borne, on ne peut que regretter qu’elle montre rapidement les mêmes limites en termes de plaisir de jeu, de durée de vie ou de frustration. Et pour finir de gâcher le tableau, le titre ne se joue à deux qu’en alternance. Autant dire que dans le domaine, du chemin a été parcouru depuis lors, et les possesseurs d’Amiga passeront indéniablement un meilleur moment sur The Chaos Engine ou même sur New York Warriors.

NOTE FINALE : 11/20

Portage réalisé avec sérieux, mais sans génie, Commando sur Amiga est assez fidèle à la borne dont il est tiré pour en conserver toutes les faiblesses sans offrir l’ombre d’une idée neuve ou d’une option de configuration – tout en tirant un trait, hélas, sur le mode deux joueurs. On n’hurlera certes pas à la trahison, mais dans le domaine, il y a tout simplement plus amusant et mieux réalisé sur Amiga.

Version Atari 7800

Développeur : Sculptured Software, Inc.
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Novembre 1989 (Amérique du Nord) – 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Quitte à investir les machines d’Atari, Commando aura également fait un détour par l’Atari 7800 – très tardivement, là encore, à se demander si cette version n’a pas vu le jour uniquement pour répondre à la version d’Activision parue l’année précédente. Ceci dit, la réplique fait mouche : en fait, on est peut-être même face à l’un des meilleurs portages du jeu ! Les graphismes manquent un peu de finesse, mais ils sont relativement détaillés et l’action est lisible. Le défilement est fluide, la vitesse est bonne, et l’équilibrage est meilleur que sur la borne puisqu’on bénéficie ici de plusieurs niveaux de difficulté. On assiste même à l’apparition de nouveaux bonus, comme la présence d’un tir automatique obtenu en ramassant une mitrailleuse ! Seul reproche : l’absence d’un mode deux joueurs en simultané, qui empêche à cette version de se hisser à la hauteur de celle parue sur NES, mais pour le reste, c’est sans doute un des jeux à posséder sur la console et sa maigre ludothèque.

NOTE FINALE : 11,5/20

Trois ans avant d’aller développer des Super STAR WARS sur Super Nintendo, Sculptured Software faisait déjà du bon travail sur Atari 7800, avec une conversion très satisfaisante de Commando. Jouable, bien équilibrée et bien réalisée, cette version ne souffre que de l’absence d’un mode deux joueurs coopératif.

Version Atari ST

Développeur : Elite Systems Ltd.
Éditeur : Elite Systems Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme souvent avec les portages développés en parallèle sur Amiga et Atari ST, les choses vont aller relativement vite : sans surprise, Commando s’efforce d’accomplir sur la machine d’Atari la copie parfaite de la version Amiga, ce à quoi cette conversion ne parvient pas totalement, la faute à une résolution un peu moins flexible que celle de la machine de Commodore (traduit en clair : la fenêtre de jeu est ici en 256×200, contre 256×256 sur Amiga). Cela n’a pas autant d’incidence qu’on pourrait le craindre, mais ne plaide pas non plus en la faveur d’une version qui présente autrement exactement les mêmes limites que le jeu de base, avec en prime l’impossibilité – comme pour tous les autres portages – de jouer à deux en même temps.

NOTE FINALE : 11/20

Portage exactement dans les clous de la production de l’époque pour Commando sur Atari ST : c’est littéralement la version Amiga avec la résolution verticale rabotée. Pas de quoi dégrader notablement l’expérience de jeu, mais on reste face à un jeu trop basique pour réellement rivaliser avec ses héritiers.

Version PlayStation
Capcom Generations

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 12 novembre 1998 (Japon) – 3 septembre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 à 4 blocs)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La fin des années 90 aura également représenté une première vague de nostalgie pour les vieux succès de l’arcade, et Capcom n’aura pas manqué de surfer sur la vague pour continuer de traire à peu de frais ses bornes à succès auxquelles la firme japonaise devait déjà tant. Pour l’occasion, on hérite exactement de ce qu’on était venu chercher : la copie conforme et quasi pixel perfect de la borne originale de Commando (avec un effet de dithering qui se remarquera aujourd’hui sur les écrans haute résolution, mais rien qui dégrade franchement les graphismes), avec en sus des options de configuration incluant le choix entre deux modes de difficulté, la réattribution des boutons de la manette, la possibilité d’activer les vibrations (au cas où vous aimeriez bien sentir la puissance des pales de l’hélicoptère qui vous dépose en début de partie) ou un tir automatique dont on peut même sélectionner la vitesse, des thèmes musicaux remixés, et aussi et surtout les trois modes graphiques également présents dans les autres titres à défilement vertical de la compilation (à sacoir MERCS et Gun.Smoke). Le mode 1 tente de profiter au maximum de la largeur de l’écran, le mode 2 affiche le ratio original avec l’interface à droite, et le mode 3 permet directement de reproduire le format de la borne en pivotant l’écran. Bref, l’arcade à domicile, la vraie – et treize ans plus tard, on peut ENFIN jouer à deux.

NOTE FINALE : 12/20

On voulait la borne, on l’obtient ; on voulait des options de configuration, on les obtient également, et tant qu’à faire on peut enfin inviter un ami à se joindre à la fête sans avoir à attendre qu’on lui passe la manette. Commando sur PlayStation demeure, aujourd’hui encore, un très bon moyen de découvrir l’expérience originale dans des conditions optimales.

Version Saturn
Capcom Generation : Dai 4 Shū – Kokō no Eiyū

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 12 novembre 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Mêmes jeux, même équipe, même date de sortie : comme on peut l’imaginer, ce n’est pas exactement sur une compilation de bornes largement issues de la décennie précédente que la Saturn et la Playstation vont hurler leurs différences techniques – même si on remarque que l’effet de dithering présent sur la machine de Sony n’est plus à l’ordre du jour ici. Pour le reste, le contenu et les options sont exactement les mêmes, à une toute petite nuance près : la compilation n’étant jamais sortie du Japon, la borne sera à pratiquer dans sa version originale plutôt que dans la version export, ce qui ne change pour ainsi dire rien au-delà de l’écran-titre.

NOTE FINALE : 12/20

Comme sur PlayStation, Senjō no Ōkami peut être redécouvert dans des conditions optimales sur Saturn, la borne parfaitement reproduite bénéficiant de nombreuses options de confort ainsi que de thèmes musicaux remasterisés. De quoi dépoussiérer sans la trahir l’expérience originale.

Bar Games

Développeur : Accolade, Inc.
Éditeur : Accolade, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga

Version PC (DOS)

Date de sortie : 25 septembre 1989 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 3,5″ et 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 384ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr
Carte sonore supportée : aucune (haut-parleur interne, Tandy/PCjr)
*512ko pour les modes EGA et Tandy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On ne peut sans doute pas tout-à-fait comprendre les années 80, en termes vidéoludiques, si on ne se penche pas sur le succès de la série des Games d’Epyx. À une époque où le multijoueur – en particulier sur ordinateur, et plus encore sur les ordinateurs 8 bits, alors encore très populaires – tendait à être un concept théorique davantage qu’une réalité manifeste, une partie de California Games ou de Winter Games était ce qui s’approchait le plus du pinacle de l’après-midi entre amis, longtemps avant l’émergence des party games.

Ce succès qui aura un temps propulsé Epyx dans une forme d’âge d’or (la firme comptait plus de deux-cents employés en 1986) aura fatalement contribué à aiguiser l’appétit des concurrents, l’ennui étant que trouver un cadre apte à héberger des mini-jeux qui puissent instantanément parler à tout le monde n’était pas forcément chose aisée une fois qu’on s’éloignait des Jeux Olympiques. Electronic Arts aura tenté l’approche « cool » avec la série des Skate or Die, les français d’Exxos auront carrément visé les étoiles – littéralement – avec Purple Saturn Day, et du côté d’Accolade, on aura eu une autre idée pour trouver un cadre convivial où pratiquer des jeux à plusieurs : les bars. Ainsi sera né Bar Games, un de ces improbables titres destinés à nous faire croire rappeler qu’il y a plein de chose à faire dans un troquet en-dehors de boire de l’alcool. Comme jouer à Pong ou au flipper ? Ah non, on est dans une approche plus américaine : dans les bars, on drague, on joue de l’argent ou on participe à des soirées t-shirt mouillé. Fameux programme.

Bar Games se présente donc comme une collection hétéroclite d’activités qu’on peut éventuellement s’attendre à pratiquer dans des bars, tout en occultant certaines des plus évidentes, puisqu’il ne faudra même espérer jouer au billard ou aux fléchettes comme dans Parlour Games.

Les cinq jeux disponibles sont les suivants : un jeu de dés basés sur le bluff et conséquemment nommé « Liar’s Dice » (littéralement : les dés du menteur), une soirée t-shirt mouillé intitulée « Wet n’ Wild », une activité de barman (« Last call »), le classique Air Hockey, et enfin une partie… de drague, présenté sous l’intitulé flatteur de « Pick-up Artist ». Un menu plutôt chiche, quoi qu’on en pense, même si on remarquera rapidement que le format des diverses « épreuves » tend à dépasser la poignée de secondes et peut même facilement approcher, dans le cadre du Air Hockey ou de la partie de dés, la dizaine de minutes – à condition d’être bon. On peut donc espérer, en cas de participation à l’habituel « tournoi » permettant d’enchaîner toutes les épreuves, une partie qui dépasse la quinzaine de minutes, ce qui figure indéniablement dans la moyenne haute du genre. La clef, comme souvent, va surtout résider dans la qualité intrinsèque des divers mini-jeux – et dans ce domaine, comme toujours, il y a à boire et à manger.

Le « Liar’s Dice » est ainsi – avec l’Air Hockey – une des rares activités pouvant soulever l’intérêt plus d’une poignée de minutes. Le principe est simple : chaque joueur lance cinq dés sans voir ceux de son adversaire, et l’idée va être de parier sur le nombre d’occurrences d’une valeur donnée en cumulant la totalité des dés – donc dix au total. Le jeu étant basé sur la surenchère (on ne peut que parier sur un nombre de dés plus élevé que celui du concurrent, ou sur un nombre équivalent de dés d’une valeur supérieure), il repose donc en partie sur le bluff et en partie sur la chance, le jeu ayant malgré tout la générosité de vous laisser accéder à une partie des pensées de la femme qui vous fait face histoire de délivrer quelques indices.

L’Air Hockey, quant à lui, se passe de description ; on y affronte divers adversaires de plus en plus redoutables, le gros problème étant surtout que cette activité arrive un an après un certain Shufflepuck Cafe qui proposait déjà la même chose, mais en nettement mieux. Dans le « deuxième rang » des mini-jeux, on trouve le « Wet n’ Wild » qui demande de verser des seaux d’eau sur des jeunes femmes (ou des hommes, on appréciera l’effort) jusqu’à rendre leur poitrine semi-apparente. L’exercice reposerait intégralement sur le timing s’il n’était pas rapidement compliqué, au fil des concurrent(e)s, par un parcours de plus en plus irrégulier et par l’apparition de personnages pour vous compliquer la tache en venant décrocher vos seaux ou en vous lançant des cochonneries sur la tête pendant que le chrono tourne. « Last Call » demande de faire glisser des bocks pleins jusqu’à leur destinataire sur le zinc, comme dans l’antique Tapper. Ici, tout repose sur le remplissage d’une jauge : envoyez le verre trop ou pas assez fort, et il ratera son client. Enfin, « Pick-up Artist » vous envoie draguer selon un mécanisme simple : le pif total. Sachant que vous n’avez aucun moyen de deviner les centres d’intérêts des femmes en face de vous et que la sélection est un plus compliquée par une rotation aléatoire dans le choix des phrases, c’est de très loin l’exercice le plus arbitraire et le plus inintéressant du lot.

Pour le coup, quel bilan ? Deux activités vaguement intéressantes sur la durée (comprendre : sur plus d’une partie), deux à peine correcte apte à donner le change cinq minutes, et une profondément sans intérêt : cela fait peu. Certes, les mini-jeux ont au moins le mérite d’être accessible et de ne pas imposer des dizaines de tentatives pour comprendre comment ils se jouent ; en fait, ce n’est pas tant qu’on passe un moment atroce sur le jeu dès l’instant où l’on fait preuve d’un minimum de curiosité, c’est surtout que les rares points forts de l’expérience sont de toute façon disponible ailleurs et en mieux.

Le jeu de dés doit connaître des centaines d’équivalents gratuits sur internet ou sur smartphone (et au pire, vous vous éclaterez au moins autant à aller jouer au poker aux dés dans The Witcher 2), l’Air Hockey est plus intéressant dans Shufflepuck Cafe, comme on l’a déjà vu, « Wet n’ Wild » et « Last Call » sont juste de petits jeux d’arcade totalement dépourvus de profondeur et « Pick-up Artist » a éventé son potentiel ludique (s’il existe) au bout de quinze secondes. Si les joueurs les plus patients trouveront peut-être matière à s’occuper une demi-heure, voire une heure pour ceux qui accrocheront vraiment à l’une des deux disciplines « prenantes », ils risquent ensuite d’estimer avoir fait le tour de la question et il sera difficile de leur donner tort. L’aspect multijoueur est d’ailleurs ici plus secondaire que jamais, pratiquer les jeux en alternance n’offrant pas grand intérêt, et au final le thème employé est clairement sous-exploité. la réalisation étant purement fonctionnelle (seize couleurs, plus aucune musique passé l’écran-titre, et le programme ne gère de toute façon aucune carte son), on pourra également regretter de gros problème de rythme (l’air Hockey s’étire inutilement sur des matchs en deux rounds). Reste de quoi tuer le temps sans passer un trop mauvais moment, mais autant dire que ça ne valait déjà pas l’investissement au prix fort en 1989 et que ça ne s’est pas exactement arrangé depuis.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 10,5/20

Simple collection de mini-jeux comme on en trouvait des dizaines à la fin des années 80, Bar Games représente un assez bon résumé des reproches que l'on pouvait adresser au concept : un contenu famélique de qualité très inégale qui ne représente que peu d'intérêt à plusieurs et moins encore en solo. Si une ou deux épreuves parviennent vaguement à tirer leur épingle du jeu, une difficulté un peu trop basée sur l'aléatoire, un rythme raté et un manque de profondeur font que l'essentiel de la curiosité se sera vraisemblablement dissipée au bout d'une heure. Rien de catastrophique, mais personne ne vous en voudra de faire l'impasse.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Seulement cinq épreuves...
– ...dont la majorité peinent à se montrer intéressante plus de dix minutes...
– ...et qui se joue un peu trop sur la chance plus que sur l'adresse
– Aucune possibilité de jouer à deux simultanément, alors que certaines activités comme l'Air Hockey s'y prêtaient à merveille

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Bar Games sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : ArtisTech Development
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée*
*Uniquement pour les systèmes équipés de plus de 512ko de RAM

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Même si le concept de jeux de bar n’aura pas exactement déplacé les foules (ni encouragé à renouveler l’expérience), Accolade aura néanmoins décidé de porter le jeu sur Amiga quelques mois après la version PC. L’équipe d’ArtisTech Development en aura profité pour pratiquer un peu ravalement de façade et pour offrir une réalisation un peu plus colorée, même si on a l’impression que l’essentiel des efforts s’est arrêté à l’écran-titre : une fois en jeu, c’est certes un peu plus beau, mais le contenu comme la jouabilité n’ont pas bougé d’un pouce, et on ne peut pas franchement dire que le résultat soit beaucoup plus enthousiasmant que sur PC. Une nouvelle fois, on se retrouve face à un jeu qui pourra s’avérer divertissant le temps de quelques parties, probablement sur l’Air Hockey, mais qui risque de rejoindre définitivement l’étagère (ou la boîte à carton) au bout d’une demi-heure.

NOTE FINALE : 10,5/20

En dépit d’un petit coup de peinture pour tenter de le rendre plus sexy, Bar Games sur Amiga reste un des ces titres fondamentalement oubliables dont l’unique intérêt est de s’ébahir qu’ils aient pu exister. Passé dix minutes de curiosité, on aura vraisemblablement fait le tour du sujet une bonne fois pour toutes.

Les avis de l’époque :

« L’intérêt [des] différentes parties est très inégal. Le palet est le plus réussi et les différents partenaires jouent de mieux en mieux. Le barman et l’arrosage sont agréables sans plus. Le jeu de dés plaira aux amateurs de bluff mais risque de laisser les autres indifférents. Quant à la drague, elle est nulle, car fondée uniquement sur la chance. […] Un jeu dont on risque de se lasser assez vite. »

Jacques Harbonn, Tilt n°84, décembre 1990, 12/20

Rayman 2 : The Great Escape

Développeur : Ubi Soft Entertainment Software
Éditeur : Ubi Soft Entertainment Software
Titres alternatifs : Rayman 2 : A Grande Fuga (Brésil), Rayman : Revolution (PlayStation 2 – Europe), Rayman 2 : Revolution (PlayStation 2 – Amérique du Nord), Rayman DS (DS), Rayman 3D (3DS), Rayman 2 : הבריחה הגדולה (Israël),
Testé sur : Nintendo 64PC (Windows 9x)DreamcastPlayStationPlayStation 2
Disponible sur : 3DS, DS, iPhone, PlayStation 3, PS Vita, PSP, Windows
Présent au sein des compilations :

  • 2 Games : Rayman / Rayman 2 : The Great Escape (2002 – PlayStation)
  • Rayman : 10ème Anniversaire (2005 – PlayStation 2, Windows)
  • Rayman : Special Edition (2005 – Windows)
  • Rayman Trilogie (2008 – Windows)
  • Rayman Collection (2013 – Windows)

En vente sur : GOG.com (Windows)

La série Rayman (jusqu’à 2000) :

  1. Rayman (1995)
  2. Rayman 2 : The Great Escape (1999)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 29 Octobre 1999 (Europe) – 8 novembre 1999 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais,espagnol, français, italien
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
Compatible avec l’Expansion Pak
Système de sauvegarde via Controller Pak

Le propre des miracles, c’est qu’ils ne se produisent qu’une seule fois.

En matière de « miracle », il faut bien reconnaître que le premier Rayman cochait à peu près toutes les cases de la définition. Parvenir à accéder au succès et à la renommée en commençant son parcours sur une console mort-née et en s’affichant dans une 2D certes glorieuse mais dont plus personne ne semblait alors vouloir entendre parler en occident, ce n’était même plus une anomalie, c’était pratiquement le casse du siècle.

En dépit des risques, Ubi Soft et Michel Ancel ne semblaient donc pas enclin à changer une formule qui avait marché envers et contre tout (il faut dire que la 3D n’avait pas encore vraiment réussi à convaincre les fans de plateforme), et une petite équipe se lança donc dans le développement d’un deuxième opus qui devait reprendre le gameplay et l’esthétique du premier, en vue d’une sortie pour la fin de l’année 1996 ; un prototype aura même été réalisé autour du mois de mai de la même année – il est d’ailleurs possible d’y jouer dans la version PlayStation du jeu. Mais la lumière aura fini par intervenir à l’E3 1996 – ce qui correspond précisément à la date de l’abandon du prototype. La raison ? Les premières vidéos d’un certain Crash Bandicoot qui auront amené les développeurs à réaliser que l’avenir du genre reposait bel et bien sur la 3D. Dès lors, branle-bas de combat, remise à zéro du projet et triplement de l’équipe de développement, tandis qu’un autre projet de Michel Ancel – un jeu de plateforme plus centré sur l’aventure nommé Tonic Trouble – allait servir d’éclaireur et essuyer les plâtres du moteur 3D, alors pensé pour tourner sur PC et tirer parti des capacités du processeur Pentium II. Au milieu d’une gestation décidément très heurtée, le titre aura changé de plateforme de développement pour passer à la Nintendo 64, et il aura au final fallu attendre quatre longues années pour découvrir enfin un Rayman 2 : The Great Escape que plus grand monde n’attendait – mais qui aura eu l’excellente idée de mettre dans le mille à pratiquement tous les niveaux.

Le titre commence d’ailleurs par se mettre en scène en plaçant le monde de Rayman dans une fâcheuse situation, littéralement réduit en esclavage par une bande de pirates menée par le cruel Barbe-Tranchante. Retenu prisonnier lui-même dans les cales du vaisseau amiral des fâcheux, notre héros reçoit une aide inattendue sous la forme de l’incarcération de son ami Globox dans la même cellule que lui, lequel lui apporte un Lums d’argent qui permet à Rayman de retrouver une partie de ses pouvoirs.

Après une évasion éclair, les deux amis se retrouvent séparés, et Rayman va devoir commencer par retrouver la fée Ly (sorte de version plus sexy de la fée Betilla) afin de découvrir le talon d’Achille de Barbe-Tranchante et avant de partir à la recherche de quatre masques qui l’aideront à ramener la paix et les petits oiseaux (et accessoirement les 1000 Lums jaunes qui formaient le cœur du monde) dans un univers qui ne peut décidément rien faire sans lui. Une mise en place qui a l’avantage de poser immédiatement les enjeux tout en introduisant de nombreux personnages appelés à réapparaître dans les futurs épisodes de la série (ainsi que dans un dessin aimé promu à l’époque mais qui n’aura jamais dépassé les quatre épisodes, faute de moyens et d’enthousiasme pour des scénarios jugés peu intéressants).

Mine de rien, le monde du jeu de plateforme avait eu le temps de changer en profondeur – et même de connaître une véritable révolution – depuis la sortie du premier opus, et on était en droit de se demander ce que ce Rayman 2 allait bien pouvoir peser face à des références comme Super Mario 64 ou la trilogie des Crash Bandicoot qui l’avait poussée à renoncer à la 2D – surtout en arrivant un mois à peine après un Tonic Trouble au moteur et à l’esthétique très similaires, et qui pour sa part avait été accueilli plutôt tièdement par la presse, surtout sur Nintendo 64.

La bonne nouvelle est que la 3D ne semble avoir privé Rayman d’aucune de ses capacités, et qu’il peut toujours lancer son poing et faire l’hélicoptère avec sa mèche de cheveu, ce qui tend à rendre nettement plus accessible des séquences de plateforme pour lesquelles il profite en plus de sa capacité à s’accrocher aux corniches en cas de saut un peu juste. On retrouve également la fameuse « prune » qui peut à la fois servir de plateforme et finir logée sur la tête d’un adversaire, et qui sera ici la clef de nombreuses énigmes dans la deuxième moitié du jeu. La quête de Rayman va en grande partie reposer sur la collecte de Lums jaunes dont il devra posséder un certain « nombre plancher » avant chaque niveau clef (les sanctuaires se terminant par un boss et par la collecte d’un des masques évoqués plus haut) et dont beaucoup sont détenus au sein de cages du même modèle que celles qui retenaient les Protoons du premier épisode. On pouvait craindre que cela transforme l’expérience en « jeu à patounes » – collecter des milliers de trucs planqués dans tous les sens étant alors une philosophie bien en place dans le genre, jusqu’à confiner à la caricature dans des titres comme Banjo-Kazooie – mais l’excellente nouvelle est que le level design parvient à trouver un consensus exemplaire entre la linéarité des grands couloirs et la liberté des zones plus ouvertes où le joueur malin pourra fureter aux bons endroits, au hasard en utilisant les cris de détresse lâchés par les cages pour l’aider à trouver leurs occupants.

On remarquera d’ailleurs que l’extrême difficulté du premier opus a ici été revue à la baisse, et qu’il n’est pas question ici d’avoir à collecter chacun des Lums jaunes pour pouvoir accéder au dernier niveau – en fait, un joueur un tant soit peu curieux et impliqué n’aura vraisemblablement jamais besoin de faire du backtracking pour retourner chercher des Lums jaunes dans d’anciens niveaux afin de lui permettre de poursuivre l’aventure tant le chiffre exigé tend à être raisonnable.

Un changement de philosophie salutaire convenant nettement mieux à l’esthétique colorée et enfantine du jeu (ce qui ne signifie pas que celui-ci soit devenu facile pour autant, disons simplement qu’il est désormais dans la moyenne du genre), et qui a le bon goût de s’accompagner à la fois d’une jouabilité exemplaire qui ne commet aucun impair, et aussi et surtout d’une caméra très solide qui ne réserve que peu de mauvaises surprises et qui peut être manipulée en temps réel à l’aide des boutons C de la manette. Conséquence : Rayman 2 : The Great Escape sera souvent parvenu à réconcilier bien des joueurs fâchés avec une 3D dont il tire excellemment parti, la troisième dimension n’apparaissant jamais ici comme une gène ni comme un ajout inutile à un gameplay qui se serait mieux porté en 2D. Ce n’était pas gagné d’avance, mais on s’amuse beaucoup grâce à un jeu excellemment rythmé qui ne connait que de très rares longueurs au fil des cinq à six heures qu’il nécessitera pour être complété.

Il convient d’ailleurs de saluer à ce titre la louable variété dont bénéficie l’action : petites énigmes, séquences de poursuites, passages volants à cheval sur un missile, niveaux sous-marins à collecter des bulles d’air, boss reposant sur la jugeote plutôt que sur l’action débridée, clefs à trouver, personnage à escorter – on ne passe jamais plus de cinq minutes à faire la même chose, et il faut vraiment arriver dans les derniers niveaux et commencer à reconnaître les mêmes textures et les mêmes ennemis pour risquer de ressentir une minime pointe de lassitude.

La réalisation est très réussie, particulièrement grâce à la direction artistique qui a fait la renommée de la licence, et le jeu reconnaît même l’Expansion Pak, ce qui permet à ses possesseurs de bénéficier d’une résolution plus élevée. Le support cartouche a également le mérite d’annihiler toute forme de temps de chargement, et les cinématiques reposants sur le moteur du jeu plutôt que sur des vidéos, on ne se sent jamais frustré de ne pas bénéficier des avantages d’un CD-ROM. Seuls petits regrets, dans mon expérience : quelques bugs assez gênants (peut-être dus à l’émulation ?) qui m’auront carrément bloqué à trois niveaux de la fin, un tonneau censé porter mon personnage jusqu’à la fin d’un passage mortel préférant entrer dans le mur et me laisser me noyer sans espoir de continuer ! J’ai donc dû bidouiller pour accéder à la dernière partie du jeu, ce qui n’est jamais très agréable.

Ces quelques tracas écartés, il faut reconnaître que Rayman 2 : The Great Escape parvient à briller spécifiquement dans les domaines sur lesquels on aura tendu à faire beaucoup de reproches à la production française (et plus largement européenne) au cours des années 90 : l’équilibrage, la jouabilité et le level design, ou en deux mots : le game design.

Loin de l’aspect souvent hasardeux ou mal dégrossi de titres qui donnaient trop souvent l’impression de ne jamais avoir été testés avant leur commercialisation, la cartouche est une petite merveille d’un bout à l’autre, une expérience authentiquement agréable qui ne cherche jamais à délayer son contenu pour allonger artificiellement sa durée de vie. Si on peut regretter de ne pas avoir le droit de passer les cinématiques (surtout quand celles-ci se répètent, comme à l’ouverture de chaque temple !), tout le reste de l’aventure corrige avec maestria les quelques errements du premier opus et mérite presque d’être considéré comme un mètre-étalon de la forme que doit prendre un jeu de plateforme en 3D lorsqu’il ne cherche pas à décalquer la structure ouverte de la référence évidente et incontournable qu’est Super Mario 64 – qui avait lui-même, en dépit du génie de son approche, tendu à laisser de côté des joueurs nostalgiques d’une approche plus directe reposant moins sur l’exploration systématique. Si vous aimez la plateforme en 3D, il faut tester Rayman 2. Et si vous n’aimez pas la plateforme en 3D, il faut encore plus tester Rayman 2 : il a toutes les qualités pour parvenir à vous faire changer durablement d’avis.

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Vidéo – L’introduction et le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Le passage à la troisième dimension aura été un véritable faiseur de veuves au sein des licences de jeu de plateforme, et pour une fois on ne pourra pas accuser les développeurs français d'avoir raté le train du game design : Rayman 2 : The Great Escape est plus qu'une excellente suite, c'est simplement un meilleur jeu que le premier opus – et l'un des représentants les plus enthousiasmants du genre. Toujours excellemment réalisé, bien plus accessible et surtout infiniment plus varié, ce deuxième épisode est une merveille de rythme dont le level design navigue avec maestria entre le péril du grand couloir et la menace de l'éparpillement du monde ouvert. Il n'y a pratiquement pas une minute de gameplay à jeter dans toute l'aventure, et même si on commence à percevoir un timide essoufflement en fin de partie à cause d'un petit manque de renouvellement dans les environnements et les textures, l'expérience demeure l'une des plus marquantes de la période et un excellent moyen de réconcilier tout le monde avec la jouabilité en 3D. Beau boulot, Ubi.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Quelques bugs potentiellement bloquants (peut-être provoqués par l'émulation ?)

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Rayman 2 sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Ubi Soft Entertainment Software
Éditeur : Ubi Soft Entertainment Software
Date de sortie : Novembre 1999
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais,espagnol, français, italien
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joypad, joystick
Version testée : Version dématérialisée
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 133MHz – Système d’exploitation : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 6 – API : Direct3D, Glide – RAM vidéo : 4Mo – Résolutions supportées : 800×600 ; 1024×768

Rayman 2 : The Great Escape n’aura mis que quelques jour à faire le trajet entre la Nintendo 64 et le PC, ce qui explique sans doute que les deux versions soient largement identiques en termes de contenu, contrairement à ce qui pourra être observé avec les portages suivants. Sans surprise, les grandes différences entre les deux itérations sont à aller chercher sur le plan technique – et en 1999, plus personne n’était surpris qu’elles soient largement en faveur du PC. La résolution, tout d’abord, est nativement plus élevée et peut grimper jusqu’à 1024×768, et les textures sont également de bien meilleure qualité. Naturellement, sur un ordinateur puissant, le framerate est d’une fluidité totale à 60ips minimum et, support CD oblige, les thèmes sonores sont cette fois de qualité numérique au lieu d’être joué en MIDI comme sur la version cartouche. Seul (minime) contrepartie : l’apparition de temps de chargement, heureusement extrêmement courts, entre les niveaux. La bonne nouvelle est que la version vendue sur les plateformes de distribution en ligne (c’est à dire principalement sur GOG, le jeu ayant été retiré des listings de Steam pour une raison quelconque) fonctionne parfaitement sous Windows 10 et 11 via un Glide Wrapper. En revanche, parvenir à faire fonctionner un joypad sur cette version demandera le recours à un programme externe, sans quoi il faudra à la fois se contenter du clavier et surtout ne pas avoir le droit de redéfinir les touches, lesquelles ne sont pas excellemment distribuées. C’est la seule contrainte d’une version qui demeure autrement inattaquable, et l’un des meilleurs jeux de plateformes de la machine.

NOTE FINALE : 19/20

Rayman 2 : The Great Escape sort les muscles sur PC, avec une version techniquement irréprochable qui supplante la Nintendo 64 sur pratiquement tous les plans – à condition de parvenir à y jouer dans des conditions optimales. Si vous voulez découvrir un excellent jeu et ce qui restera sans doute comme le vrai premier grand jeu de plateformes sur PC, autant commencer par là.

Version Dreamcast

Développeur : Ubi Soft Entertainment Software
Éditeur : Ubi Soft Entertainment Software
Date de sortie : 21 mars 2000 (Amérique du Nord, Europe) – 23 mars 2000 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 4*
*Mini-jeux uniquement
Langues : Allemand, anglais,espagnol, français, italien, japonais
Support : GD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Compatible avec : Jump Pack, modem, VGA Box, VMU

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment de porter Rayman 2 sur la très populaire (mais visiblement pas assez pour assurer sa survie) Dreamcast, Ubi Soft aura fait le choix de revoir un peu sa copie. Si les quelques optimisations présentes ne sont pas assez nombreuses pour que l’on puisse parler de « remake » (terme qui serait sans doute plus approprié pour la version PlayStation 2, laquelle changera d’ailleurs carrément de nom au passage), on est néanmoins au-delà du simple portage des versions parues l’année précédente. Sans surprise, la réalisation est de haute volée : même si le jeu n’est « que » en 640×480, la résolution reste le seul domaine dans lequel cette version s’incline face à celle publiée sur PC, car pour le reste, les cinématiques ont été retravaillées, certains niveaux ont connu de légères modifications, le hub a changé, des doublages additionnels ont fait leur apparition, ainsi que plusieurs nouveaux mini-jeux – qui sont même jouables à plusieurs ! Cette version est également la seule où il soit possible de dénicher des « Glob cristaux » qui ouvrent l’accès aux mini-jeux accessibles dans le village des Globox, lequel peut être atteint via un Lums violet dès le tout premier niveau du jeu. De petites touches qui suffisent souvent à désigner cette version comme la version originale « ultime » – d’autant que les développeurs eux-mêmes l’ont désignée comme leur préférée. Mais pour ceux qui chercheraient réellement du contenu additionnel, quitte à changer un peu la nature de l’expérience, le match se jouera entre cette excellente version Dreamcast et Rayman : Revolution.

NOTE FINALE : 19/20

Même si les modifications apportées sont relativement anecdotiques, Rayman 2 : The Great Escape bénéficie à la fois d’une réalisation irréprochable et d’une identité propre sur Dreamcast. Même si les débats font encore rage de nos jours pour savoir à qui conférer le titre de « version ultime » du jeu entre cette itération et le remake sur PlayStation 2, les joueurs qui découvriront le titre via la Dreamcast n’auront dans tous les cas aucune raison de le regretter.

Version PlayStation

Développeur : Ubi Soft Entertainment Software
Éditeur : Ubi Soft Entertainment Software
Date de sortie : 7 septembre 2000 (Europe) – 16 septembre 2000 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais,espagnol, français, italien
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte-mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 2000, la PlayStation approchait doucement de sa fin de vie – pas en termes de production, où elle avait encore de longues et belles années à vivre, mais disons simplement qu’elle venait brutalement de passer à plateforme de référence pour tous les titres en 3D à plateforme qui était désormais trop juste techniquement pour pouvoir espérer les héberger tous. Rayman 2 : The Great Escape traduit bien cet état de fait, avec une version remaniée et repensée – et surtout, on ne va pas se mentir, expurgée – pour la console de Sony. Dès les premières minutes de jeu, on constate que le plan des niveaux a été modifié, que certains ont totalement disparu, qu’il n’y a plus que 800 Lums jaunes à collecter et que les cages ne sont plus à l’ordre du jour, sauf pour libérer des ptizêtres.

La réalisation fait également moins bien que sur les autres systèmes : les textures sont plus grossières, le dithering plus marqué, la distance d’affichage est moins bonne, etc. – strictement rien de honteux comparé au reste de la ludothèque de la machine, mais il est clair qu’après avoir vu tourner les autres versions, on sent que cette adaptation a perdu quelques plumes. En contrepartie, il y a de nouveaux objets (ou, en l’occurrence, des personnages) à dénicher, les doublages ont été refaits pour ne plus se limiter au « raymanien » (ce qui signifie que vous pourrez cette fois tous les écouter dans un français assuré par des doubleurs professionnels) et un nouveau mini-jeu a fait son apparition. Difficile de déterminer pourquoi ces modifications ont été faites (la PlayStation ayant eu de nombreuses fois l’occasion de démontrer qu’elle n’avait pas grand chose à envier à la Nintendo 64 sur le plan technique, bien au contraire). Il est à noter, cependant, que cette version du jeu est la seule à offrir un accès à un niveau du prototype en 2D de Rayman 2 – à condition de posséder au moins 90% des Lums jaunes. Dans l’ensemble, une conversion relativement solide mais qui tend à laisser les puristes perplexes.

NOTE FINALE : 18/20

On n’avait pas l’habitude, même en 2000, de voir la PlayStation offrir la version la plus faible d’un jeu sur le plan technique comme en termes de contenu. Sans avoir procédé à des sacrifices outranciers, Rayman 2 : The Great Escape laisse quand même une impression de version « light » où tout fonctionne très légèrement moins bien que sur les autres machines. Rien qui en fasse un jeu à proscrire, très loin de là, mais quitte à découvrir le titre aujourd’hui, on comprendra que de nombreux joueurs préfèrent se diriger vers une des autres versions.

Version PlayStation 2
Rayman : Revolution

Développeur : Ubi Soft Entertainment Software
Éditeur : Ubi Soft Entertainment Software
Date de sortie : 14 décembre 2000 (Europe) – 31 janvier 2001 (Amérique du Nord) – 31 mai 2001 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais,espagnol, français, italien, japonais
Support : DVD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte-mémoire (270ko (PAL/NTSC-J), 261ko (NTSC-U))

Alors que la PlayStation 2 sentait encore la peinture neuve et se préparait déjà un succès planétaire, Rayman 2 aura décidé de venir tenter sa chance sur la nouvelle venue – en prenant, au passage, le titre de Rayman : Revolution. Simple technique marketing pour re-packager du vieux comme si c’était du neuf ? Que nenni ! En fait, cette nouvelle itération louvoie quelque part entre la version « enrichie » et le remake, avec de nombreuses modifications au menu. En fait, c’est même pratiquement la philosophie générale du titre qui change, avec un aspect Metroidvania – de nombreuses zones ne sont accessibles que via des pouvoirs accessibles plus tard dans l’aventure –, une difficulté un peu plus élevée, de très nombreuses modifications au sein des niveaux, et même des Lums jaunes qui n’occupent plus le même rôle puisque les collectionner sert dorénavant à débloquer des améliorations pour les pouvoirs de Rayman ainsi que de nouveaux mini-jeux. De nouveaux pouvoirs ont d’ailleurs fait leur apparition : allumer des torches ou des mèches de canon, faire tomber la pluie ou détecter les Lums jaune viennent désormais s’ajouter aux capacités du héros, qui démarre d’ailleurs le jeu sans pouvoir lancer son poing (il récupèrera fort heureusement cette capacité fort utile dès la fin du premier niveau).

Au rang des autres changements, pêle-mêle : les cages contiennent dorénavant des familiers qui permettent d’accéder aux mini-jeux tous les dix spécimens collectés, la Voie des Portes a disparu pour laisser la place à trois hubs différents dont la maison de Globox et la Crique Arc-en-ciel, les ennemis sont plus nombreux (mais généralement plus faibles pour compenser), les Ptizêtres interviennent plus souvent et donnent désormais des conseils sur la voie à suivre, trois boss additionnels ont fait leur apparition… bref, même si le contenu ne s’est pas tant étendu que ça (la plupart des niveaux ont été réorganisés différemment, mais il n’y a fondamentalement pas de niveau en plus), il y a matière a redécouvrir le jeu d’une façon complètement différente. De quoi tenir la version ultime ? Le débat est ouvert, mais il faut reconnaître que toutes ces additions ne sont pas forcément les bienvenues ; le rythme du jeu est particulièrement haché lors des premières minutes, à, force d’être constamment interrompu par des interventions servant de didacticiel, des temps de chargement et des écrans de sauvegarde. On voudrait juste avoir le droit de jouer ! La réalisation est globalement un peu au-dessus de celle de la Dreamcast, et la jouabilité est très bonne, ce qui fait qu’on tient ici une approche moins « pure » mais qui tient également ses adeptes et qui peut se révéler plus prenante sur la durée. Si vous voulez en voir le maximum, lancez cette version PS2, mais les adeptes d’un déroulement plus fluide et plus linéaire seront au moins autant à leur aise sur une des autres versions.

NOTE FINALE : 19/20

Reprise en main surprenante pour ce Rayman : Revolution qui revisite à la fois le game design (un peu) et le level design (beaucoup) de Rayman 2 : The Great Escape pour offrir une expérience solide et peut-être même plus intéressante sur la durée, mais dont le rythme ne conviendra pas nécessairement à tout le monde. Une alternative qui a son charme et qui conviendra peut-être mieux aux amateurs de jeux de plateformes plus « modernes ».

Nightmare Creatures

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) – Activision, Inc. (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Inc. (Japon)
Titre alternatif : Gothik (titre de travail)
Testé sur : PlayStationPC (Windows 9x)Nintendo 64

La licence Nightmare Creatures (jusqu’à 2000) :

  1. Nightmare Creatures (1997)
  2. Nightmare Creatures II (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 31 octobre 1997 (Amérique du Nord) – 15 janvier 1998 (Europe) – 26 février 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc (PAL/NTSC-J) ou 2 blocs (NTSC-U)) ou par mots de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On évoque souvent, en rétrogaming, les perles méconnues injustement passées sous les radars, les fameuses « hidden gems » comme disent les anglosaxons qui ont toujours un mot ou une expression pour tout, et à propos desquelles les passionnés aiment s’étendre avec passion pour promouvoir un excellent jeu ou un programme novateur qui aurait mérité – à leurs yeux – une meilleure reconnaissance.

Ce dont on parle moins, ou alors au fil d’échanges non moins enflammés, ce sont des titres en situation inverse : ceux qui ont connu un réel succès commercial, et dont on se demande encore pourquoi. Des programmes survendus, ayant outrageusement profité d’une campagne marketing agressive ou d’une presse étrangement décidée à parler d’eux à chaque numéro pendant des mois… et puis parfois, plus étrangement encore, des jeux qui semblaient déjà diviser tout le monde à leur sortie sans jamais soulever un consensus et qui, malgré tout, se sont attirés les faveurs d’un grand nombre de joueurs.

Nightmare Creatures, par exemple, correspond assez largement à cette description. Imaginé par les français de Kalisto Entertainment – qui avaient fait beaucoup de chemin depuis la fondation du studio, alors nommé Atreid Concept, par Nicolas Gaume en 1990.

Racheté par le groupe britannique Pearson pour devenir Mindscape Bordeaux en 1995, le studio avait racheté 100% de ses parts l’année suivante pour prendre le nom qu’on lui aura connu jusqu’à son dépôt de bilan en 2002, et proposer à peu près en même temps qu’un autre de leurs titres, un jeu d’aventure nommé Dark Earth, un beat-them-all en 3D qui attirait surtout les regard pour son ambiance horrifique encore rare en 1997 (Resident Evil venait alors à peine de sonner les débuts de la popularité du survival horror) et par son cadre : une cité de Londres à l’époque victorienne qui avait elle aussi été assez peu mise à contribution à l’époque. De quoi offrir un supplément de personnalité au titre, et laissez espérer aux joueurs une visite suffisamment marquante pour qu’ils s’y déplacent en nombre – plus d’1,5 millions d’exemplaires vendus au total, ce qui est loin d’être anecdotique. Et pourtant, qui aujourd’hui parle encore de Nightmare Creatures ? Eh bien nous, aujourd’hui, visiblement, alors autant s’y atteler dès à présent pour comprendre ce qui a fait mouche à l’époque.

Le récit gravite donc, comme le dévoile la cinématique d’introduction, autour d’un homme de science nommé Adam Crowley – une référence à peine voilée à Aleister Crowley, un occultiste ayant créé sa propre religion au début du XXe siècle – qui a apparemment décidé d’occuper ses journées à trifouiller des cadavres au nom d’une mystérieuse Confrérie d’Hécate dont il serait le fondateur.

En résultent des créations monstrueuses qui commencent à se répandre dans les rues de la ville pour y semer la mort, ce qui encourage deux aventuriers, l’exorciste Ignatius et Nadia, une jeune femme dont le père a été assassiné par Crowley, à se lancer à la poursuite du fâcheux le temps d’une nuit de chaos où ils ne croiseront curieusement jamais un être humain ou le moindre policier en patrouille (« mais où passent nos impôts ? »). Au menu : vingt niveaux d’exploration et de combats acharnés contre les « créatures cauchemardesques » du titre, aux commandes de l’un des deux protagonistes présentant des capacités équivalentes mais des caractéristiques différentes (Nadia attaque plus vite qu’Ignatius, ce qui fait déjà une excellente raison de la sélectionner au début de l’aventure). Les nouveaux venus pourront également être tentés de choisir la difficulté « facile » (la seule alternative étant « difficile », pas de mode intermédiaire à espérer) histoire de profiter de quelques aides et conseils livrés dans le feu de l’action histoire de les guider un peu pour leurs débuts en terres londoniennes.

Le gameplay est relativement classique pour un beat-them-all, fut-il en 3D : un bouton pour attaquer avec l’arme du joueur (un bâton pour Ignatius, un sabre pour Nadia), un autre pour frapper avec les pieds, un bouton de saut qui ne sera utile que pour des séquences de plateforme particulièrement malvenues (nous y reviendrons), une parade qui le sera bien davantage lors des affrontements, et la gestion des divers bonus qui iront rejoindre l’inventaire après avoir été collectés (armes, explosifs, gel des adversaires, soins…) se fait via L2, tandis que R2 sert à les employer. Et les deux autres boutons de tranche ?

Eh bien ils sont naturellement attribués aux déplacement latéraux, le titre employant le système de déplacement popularisé par Tomb Raider un an plus tôt et qualifié depuis lors de « tank », comprendre qu’il est impossible d’avancer et de changer de direction en même temps, d’où une lourdeur certaine dans le maniement de personnages qu’on aura souvent de très bonnes raisons d’essayer de garder en mouvement. Les combats reposent sur un mécanisme de combo assez basique (rarement plus de quatre coups d’affilée) qui permet d’apporter un peu de technicité, et on appréciera que les pas de côté s’effectuent en restant centré sur le plus proche ennemi (enfin… le plus souvent), ce qui permet de tourner assez facilement autour d’un adversaire sans avoir à lutter avec la maniabilité « tank » mentionnée plus haut. Bref, sur le papier, on a exactement les bases pour aller casser du monstre horrible dans les rues de Londres pendant le temps qu’il faudra.

Commençons donc par saluer le domaine par lequel Nightmare Creatures parvient à avoir un réel cachet : son cadre. Certes, celui-ci a largement perdu de sa fraîcheur et de son originalité depuis 1997, mais il y a indubitablement quelque chose qui fonctionne dans ces rues londoniennes brumeuses plongées dans les ténèbres (faut-il préciser que la totalité de l’action se déroule de nuit ?), avec une véritable visite guidée de tous les poncifs du genre : les égouts, les docks, le parc, le zoo, l’abbaye de Westminster…

Une esthétique encore novatrice à l’époque, avec des monstres assez classiques (loups-garous, zombis, gargouilles…) et d’autres à l’apparence plus dérangeante préfigurant dans une certaine mesure les horreurs que l’on pourrait rencontrer deux ans plus tard dans une Silent Hill au brouillard encore plus omniprésent. Disons que le titre a la bonne idée d’être une sorte de survival horror (par l’atmosphère davantage que par les mécanismes) qui ne se contente pas de cloner bêtement Resident Evil, et ceux-ci n’étaient pas exactement nombreux en 1997. La narration, de son côté, est d’autant plus anecdotique qu’elle est pour ainsi dire entièrement contenue dans… les écrans de chargement du jeu, lesquels vous dévoilent en quelques lignes le déroulement de votre enquête – laquelle se résume, dans les faits, à parcourir des environnements ressemblant souvent à de longs couloirs sans jamais croiser une autre forme de vie que les monstres (à part les rats et quelque chauve-souris), d’où une absence totale de dialogue ou simplement de scripts – si l’on exclut les quelques apparitions d’Adam Crowley que vous allez passer la totalité du jeu à pourchasser.

Les limites, comme on pouvait le craindre, apparaissent surtout du côté du gameplay en lui-même. Dans un jeu composé à 80% de combats, on ne peut hélas pas dire que l’approche varie d’un affrontement à l’autre, tant les ennemis – déjà pas assez variés, moins d’une dizaine de modèles répétés ad nauseam – tendent à tous s’affronter exactement de la même façon. Le système de combo, très mal détaillé (pas un seul d’entre eux présenté dans le manuel, par exemple) et beaucoup trop raide pour encourager l’expérimentation, ne sert de toute façon pas à grand chose : 100% des rencontres peuvent être résolues en spammant en boucle l’attaque de base, la seule subtilité étant de parvenir d’abord à coincer l’ennemi contre un mur.

Car tant que ce n’est pas le cas, les attaques adverses ont une fâcheuses tendance à passer arbitrairement au-dessus des vôtres même quand vous frappez en premier, ce qui oblige à recourir très fréquemment à la parade le temps de trouver la faille – ou de faire un pas de côté au bon moment histoire de passer dans le dos de l’adversaire. Une fois le truc assimilé, les vraies difficultés ne se présentent que lorsqu’il faut faire face à plusieurs ennemis à la fois – et lorsque le système de verrouillage déficient du jeu peut alors convoler en juste noces avec la raideur de la maniabilité et avec la caméra incapable de rester sagement dans le dos de votre personnage pour vous offrir quelques pics de frustration où l’on se fait un peu trop systématiquement trucider pour de mauvaises raisons – détail toujours énervant dans un titre où il est strictement impossible de sauvegarder pendant les missions, qui sont heureusement rarement très longues. Notons d’ailleurs l’existence d’un système de démembrement qui permet d’écourter les combats – mais qui se révèle bien trop aléatoire pour pouvoir composer un mécanisme stratégique à proprement parler ; un bon résumé de la plupart des composantes du titre.

Car le vrai problème du jeu est surtout qu’il semble chercher à embrasser ses limites plutôt qu’à les corriger, comme lors de combats de boss où la grande difficulté est de parvenir à bouger vite et précisément dans un jeu où c’est quasiment impossible, ou lors de séquences de plateforme à la précision catastrophique qui demeurent heureusement assez rares après un ignoble galop d’essai dans les égouts du début du jeu où vous risquez de perdre un bon paquets de vie à comprendre à quelle distance va atterrir votre personnage.

La plus mauvaise idée de toutes est cependant matérialisée par une jauge d’adrénaline qui se remplit à chaque monstre vaincu et qui se vide automatiquement le reste du temps, jusqu’à vous faire perdre de la santé en continu. Sa seule fonction ? Vous placer l’épée de Damoclès d’une limite de temps arbitraire au-dessus de la tête pour bien vous empêcher d’explorer les niveaux et vous empêcher de découvrir les nombreuses caches de bonus et autres améliorations de votre équipement qui auraient pu récompenser vos tentatives de parcourir le jeu autrement qu’en ligne droite. LA SEULE ! En imposant de la sorte un rythme éprouvant au joueur condamné d’avancer au pas de course jusqu’au prochain monstre, le jeu tend à dégrader encore un peu plus vite un game design déjà pas exactement pensé en profondeur, et réduit de facto son expérience à environ quatre heures de jogging en ligne droite dans des environnement pas assez variés, à enchaîner des combats trop semblables contre des ennemis qui ne se renouvèlent pas beaucoup non plus. C’est un peu court, jeune homme…

C’est d’autant plus dommage qu’en dépit des limites évidentes du gameplay, on ne passe objectivement pas un mauvais moment lors des deux premières heures de jeu – en fait, on se surprend même à penser qu’on y reviendrait volontiers si seulement le titre avait le bon goût d’afficher un peu plus d’ambitions dans tous les domaines: des niveaux plus longs, plus ouverts et plus variés, des ennemis plus malins, des combats plus techniques, une exploration enfin valorisée…

En l’état, on est surtout content que le jeu ne soit pas plus long puisqu’il a pour ainsi dire éventé la totalité de ses possibilités bien avant l’affrontement final (d’ailleurs pas très bien pensé, lui non plus) contre Crowley. L’exemple type d’un logiciel mal dégrossi au burin et vendu tel quel alors qu’il aurait réellement pu ressortir transfiguré en bénéficiant de six mois de développement supplémentaire, et qui aura bénéficié d’un succès de curiosité en s’appuyant sur sa direction artistique vaguement originale avant de sombrer dans l’oubli en un temps record – avant même la sortie du deuxième épisode, le soufflé était déjà retombé, et ce qui devait devenir une licence à succès n’aura au final pas fait de vieux os. Reste aujourd’hui un logiciel habité d’une certaine atmosphère et qui se laisse découvrir le temps d’une partie complète – mais sans doute pas de deux. Il faudra s’en contenter.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14,5/20

Succès commercial un peu inattendu au moment de sa sortie, le Nightmare Creatures des français de Kalisto n'est fondamentalement pas grand chose de plus qu'un beat-them-all en 3D se déroulant dans une ville de Londres de l'ère victorienne fantasmée. L'ambiance horrifique fonctionne et permet de découvrir le jeu avec une certaine curiosité, mais il faut bien reconnaître qu'au bout du centième combat contre une sélection d'ennemis trop limitée, le programme commence à s'essouffler d'autant plus irrémédiablement que la jouabilité manque de précision, le gameplay de profondeur, et que le game design choisit de pénaliser arbitrairement et stupidement la seule chose qui pourrait le relever un peu, à savoir l'exploration. Reste un titre qui se parcourt sans déplaisir – à condition, bien sûr, de ne pas être allergique à la maniabilité « tank » et à la 3D de 1997 – mais qui échoue à être autre chose qu'un jeu couloir trop répétitif pour son propre bien.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Les fameux contrôles « tank » à l'ancienne qui risquent de ne pas plaire à tout le monde...
– ...cumulé à une caméra elle aussi parfaitement inscrite dans son époque...
– ...d'où une imprécision dommageable dans un jeu où elle devrait être irréprochable
– Le mécanisme de la jauge d'adrénaline, dont la seule fonction semble être de pénaliser l'exploration
– Ca aurait vraiment été tuant de proposer une version française, surtout pour ce qu'il y a à traduire ?

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Nightmare Creatures sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Activision, Inc.
Date de sortie : 11 décembre 1997 (Amérique du Nord) – 5 mars 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM européenne
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 133MHz – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – API : Direct3D, Glide – Résolutions supportées : 320×240 ; 512×384 ; 640×480 ; 800×600

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1997, le PC avait eu le temps de redevenir la machine de pointe en termes de 3D grâce à la démocratisation des cartes accélératrices – et on se doute qu’un titre comme Nightmare Creatures n’avait aucune raison de faire l’impasse sur l’insubmersible ordinateur sur lequel il a vraisemblablement été au moins partiellement développé.

Bien évidemment, inutile de chercher des différences avec la version PlayStation du côté du contenu, et le gameplay n’a subi aucune adaptation – comprendre qu’il est donc toujours impossible de sauvegarder en cours de niveau, contrairement à ce qui était l’usage sur la machine. Graphiquement, le jeu peut s’afficher dans des résolutions bien plus élevées que sur la machine de Sony, et la gestion des deux API les plus répandues de l’époque lui permet d’afficher une image plus lisible, ainsi qu’un framerate virtuellement illimité. Du côté de la maniabilité, Windows 95 ne gérant pas plus de quatre boutons sur un joystick, il faudra de toute façon passer par le clavier pour la gestion de l’inventaire, mais globalement les commandes « tank » tendent à être plus précises au clavier, qui constitue donc pour l’occasion une excellente alternative. Bref, c’est la même chose que sur PlayStation en plus fin et en plus fluide, mais peut-être en légèrement moins jouable si vous espériez jouer intégralement au joypad.

NOTE FINALE : 15/20

Copie très propre pour Nightmare Creatures sur PC, qui délivre exactement la même expérience que sur PlayStation mais avec une réalisation supérieure. La maniabilité pourra en revanche s’avérer un peu plus lourde, mais rien qui dégrade irrémédiablement un maniement « tank » de toute façon particulièrement adapté au clavier.

Version Nintendo 64

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Activision, Inc.
Date de sortie : 30 novembre 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 128MB
Système de sauvegarde par mot de passe ou Controller Pak
Rumble Pak supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quitte à faire attendre les joueurs un an pour avoir le droit de jouer à Nightmare Creatures sur Nintendo 64, Kalisto en aura profité pour opérer quelques petits réajustements sur son jeu – certains dictés par le hardware, d’autres probablement par la lecture appliquée de centaines de lettres d’insultes. Du côté des contraintes « techniques » : format cartouche oblige, la cinématique d’introduction ainsi que celle de fin sont passées à la trappe, remplacées par un simple pavé de texte défilant sur une scène réalisée avec le moteur du jeu.

Les temps de chargement ayant eux aussi disparu, l’histoire est désormais racontée via un texte surimprimé sur l’action au début ou à la fin d’un niveau. La jouabilité qui place les pas de côté et le blocage sur les boutons C pourra également demander un temps d’adaptation. En revanche, du côté des bonnes nouvelles, le jeu profite également d’une résolution regonflée en 512×240 (contre 320×256 sur la version PlayStation), ainsi que d’un framerate doublé en 60ips – c’est notable, et l’expérience en ressort plus naturelle et plus nerveuse. Cette version est surtout la seule à proposer une option qui aurait dû figurer dans toutes les autres versions : celle de désactiver purement et simplement cette satanée jauge d’adrénaline qui ne sert à rien pour pouvoir prendre le temps d’explorer chaque niveau à son rythme. De quoi donner une vraie bonne raison, pour une fois, d’oublier quelques vidéos inutiles pour profiter d’un portage un peu mieux pensé que ses prédécesseurs.

NOTE FINALE : 15/20

Nightmare Creatures sur Nintendo 64 a beau perdre en narration et en mise en scène, format cartouche oblige, sa réalisation et son framerate augmentés lui permettent de faire mieux que la version PlayStation – et la possibilité de se débarrasser de l’encombrante jauge d’adrénaline pourrait même amener certains à préférer cette itération à celle parue sur PC. Un bon moyen de découvrir le jeu aujourd’hui.

Ishidō : The Way of Stones

Développeur : Software Resources International
Éditeur : Accolade, Inc.
Titres alternatifs : 石道 (graphie japonaise), Ishidō (écran-titre – Famicom Disk System), Ishido (réédition MacPlay – Macintosh)
Testé sur : MacintoshAmigaFamicom Disk SystemFM TownsGame BoyGenesisMSXPC (DOS)PC-88PC-98LynxSharp X68000
Présent au sein de la compilation : Atari Lynx Collection 1 (2020 – Evercade)

Version Macintosh

Date de sortie : Septembre 1989 (édition originale limitée)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version 1.5.1 testée sur Macintosh II Plus
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68000 – RAM : 650ko (version noir et blanc) ; 2Mo (version couleur)
Configuration graphique : Résolution : 640×480 (noir & blanc et couleur)

Vidéo – L’écran-titre du jeu (v1.5.1) :

À chaque fois qu’il s’agit d’évoquer un logiciel au principe simple mais addictif tournant autour de la réflexion sans demander un travail intellectuel plus important que d’associer des formes ou des couleurs, on a trop facilement tendance à résumer le sujet au succès planétaire de Tetris et de ses héritiers plus ou moins légitimes, les puzzle games.

Mais cela revient aussi à occulter tout un pan du genre constitué de jeux dits « de solitaire » dont l’un des représentants les plus connus, Shanghai, carburait déjà sur la plupart des systèmes du globe bien avant que le logiciel d’Aleksei Pajitnov ne s’élance hors du bloc de l’Est. Dans le domaine, la société Software Resources International avait visiblement déjà décelé un potentiel, si l’on en juge par la commercialisation de Solitaire Royale en 1987 – une combinaison de jeux de cartes à pratiquer en solo, dont l’inénarrable Solitaire qui ferait les beaux jours de Windows 3.0 trois ans plus tard. Mais ce qui devait être son gros coup, son Shanghai à elle, un jeu auquel elle croyait énormément, se sera nommé Ishidō : The Way of Stones ; un autre jeu de tuiles qui fait d’ailleurs immédiatement penser à son modèle assumé. Bien décidé à marcher sur les traces du jeu imaginé par Brodie Lockard, le titre va d’ailleurs jusqu’à s’inventer des origines millénaires recoupant toutes les anciennes civilisations… et qui sont, on s’en doute, totalement imaginaires : le concept a été imaginé par Michael Feinberg à la fin des années 80, mais c’est tout de suite moins sexy présenté comme ça.

Ce concept, justement, quel est-il ? Très simple : figurez vous un plateau de jeu divisés en cases formant une grille de 8×12 – soit un total de 96 cases. Le but du jeu va être de placer sur ce plateau un ensemble de 72 tuiles recoupant six modèles de six couleurs différentes, chaque tuile étant présente en double : 6×6=36, 36×2=72, le compte est bon. Bien évidemment, ce ne serait pas exactement une performance en soi s’il ne fallait pas respecter un ensemble de règle précis : chaque tuile ne peut être positionnée qu’au contact d’une autre (six tuiles sont déjà présentes au début de la partie : une à chaque coin, et deux au centre), ce qui n’est possible que si elle partage la couleur ou le symbole de la tuile à côté de laquelle on la place.

Évidemment, les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de placer une tuile dans une position où elle est au contact avec plusieurs autres : dans le cas où elle serait placée entre deux tuiles, par exemple, elle devra afficher le symbole de l’une et la couleur de l’autre. La combinaison la plus complexe à réaliser – placer une tuile entre quatre autres – demandera une dose de planification, car la tuile à positionner devra avoir le même symbole que deux de ses voisines et la même couleur que les deux dernières, mais il faut comprendre que les combinaisons les plus délicates sont également celles qui rapportent le plus de points, l’objectif final restant le score. La partie la plus stratégique du plateau – à savoir les bords – ne rapporte d’ailleurs aucun point au moment de placer une tuile dessus, au contraire de la partie centrale. Une fois la partie terminée, soit parce que toutes les tuiles ont été placées, soit parce que le joueur est arrivé à une impasse où il n’est plus possible d’en jouer d’autres, le score est établi en fonction des tuiles placées, des combinaisons effectuées et des tuiles non-jouées.

Comme pour beaucoup de concepts efficaces, celui d’Ishidō est plus difficile à expliquer qu’à comprendre une fois en jeu – et il sait s’avérer aussi merveilleusement addictif qu’il est simple. En plus du mode « solitaire » de base, le titre propose également un mode « Tournament » chronométré, ainsi que deux modes deux joueurs : un en compétitif où les joueurs jouent en alternance pour le score, et un autre en coopératif où ils travaillent cette fois pour un score commun – sans oublier les habituelles options d’aide pour dévoiler les mouvements disponibles ou les tuiles restantes, au prix de l’interdiction de s’inscrire dans le tableau des scores.

C’est assez basique, et on pourra regretter que le programme n’ait pas de variantes à offrir, ni rien qui corresponde à l’équivalent de problèmes d’échecs avec des situations données à résoudre, par exemple. On remarquera également que là où les différentes versions de Shanghai se seront rapidement empressées de proposer variété de situations de départ, Ishidō ne propose qu’un unique plateau avec une disposition définie, et c’est à prendre ou à laisser. Il s’efforce de compenser ce manque par de très nombreuses options de configuration… graphiques, qui permettent de choisir l’esthétique des pièces, du plateau et même du décor de fond – un éditeur est même disponible pour dessiner les siens – et histoire de capitaliser sur ses soi-disant origines orientales, il va jusqu’à proposer un mode « Oracle » proposant au joueur de poser une question et de méditer dessus en jouant pour bénéficier d’une réponse tirée du Yi-King !

La relative accessibilité d’Ishidō constitue d’ailleurs ironiquement une de ses limites, et sans doute une des raisons pour laquelle le titre n’aura jamais atteint la renommée ni la longévité de la série des Shanghai : avec une situation de départ imposée et des règles qui ne bénéficient d’aucune souplesse, les stratégies développées pour composer avec la part de chance ne se renouvèle jamais, et une fois qu’on a établi comment jouer de façon « optimale », le gameplay ne se renouvèle pour ainsi dire plus.

Ce qui ne veut pas dire que le programme est bon à jeter à la poubelle au bout d’une heure, loin de là, et les plus mordus de ce type de logiciel pourront sans difficulté y revenir pendant des mois, sinon des années, mais on ne peut s’empêcher de sentir un potentiel sous-exploité qui fait qu’Ishidō n’a plus grand chose à dévoiler au bout de quelques parties et qu’une fois qu’on a estimé avoir fait le tour de la question, il n’a pas beaucoup d’arguments pour nous pousser à changer d’avis. Cela reste un représentant très efficace dans son domaine – surement lui manque-t-il encore un petit quelque chose en plus. À noter également que la version Macintosh originale de 1989 – d’abord parue dans une édition limitée à près de 500$ (!) avant d’être distribuée par Accolade – a été suivie par une réédition dite « version 1.5.1 » parue, pour sa part, en 1994 au sein de la collection MacPlay, et bénéficiant de thèmes graphiques additionnels. Étant désormais la plus largement disponible, c’est cette réédition qui a servie de base pour l’essentiel des captures d’écran.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 15,5/20

Au rang des jeux de solitaire prétendument tirés de jeux de plateaux chinois millénaires, difficile de ne pas faire immédiatement le parallèle entre Ishidō : The Way of Stones et l'insubmersible Shanghai. Des tuiles à placer selon des règles simples, un principe addictif, des parties qui dépassent difficilement les dix minutes : a priori, tous les ingrédients sont réunis pour engloutir des heures, voire des semaines ou des mois, dans un titre original et efficace. Cependant, et en dépit de qualités évidentes, le fait que le logiciel ait échoué à laisser une trace marquante trahit assez bien quelques faiblesses gênantes, à commencer par un principe de jeu qui ne se renouvèle jamais dans son approche et qui n'a plus grand chose à offrir une fois qu'on commence à maîtriser les quelques (rares) stratégies efficaces. Au bout d'une heure ou deux, on se dit qu'il manque sans doute une ou deux variantes ou des modes de jeu un peu plus créatifs pour vraiment avoir envie d'y passer des jours entiers ; un programme sympathique – qui trouvera ses aficionados – mais qui manque encore un peu de mordant.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des stratégies dont on fait vite le tour...
– ...la faute à un manque de variété dans les modes de jeu solo
– Un oracle Yi-King, sérieusement ?

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ishidō sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Software Resources International
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Mode graphique : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
1Mo requis pour l’installation sur disque dur

Dès l’année 1990, Ishidō aura eu droit à de très nombreux portages sur les systèmes domestiques, qu’ils soient orientaux ou occidentaux. On commence avec la version Amiga, qui bénéficie pour l’occasion de la participation d’un certain Brodie Lockard (le designer de Shanghai, comme le monde est petit !) aux graphismes. Ce portage n’est pas affiché en haute résolution – ce qui ne pénalise heureusement en rien la lisibilité – et il y a moins de types de pierres et de décors que sur la version Macintosh 1.5.1, mais le choix à disposition est déjà conséquent et il est toujours possible d’éditer les graphismes via un programme directement inclus au jeu. Tous les modes de jeu sont toujours présents, et l’expérience en elle-même est strictement équivalente ; les amateurs de solitaire ne devraient donc pas avoir de raison de bouder cette version.

NOTE FINALE : 15/20

À quelques minuscule fioritures près sur le plan de la réalisation, la version Amiga d’Ishidō propose exactement la même expérience que sur Macintosh. C’est un peu moins fin et un peu moins coloré que sur la machine d’Apple, mais cela ne devrait pas bouleverser votre approche du jeu outre mesure.

Les avis de l’époque :

« Un jeu prenant et original, qui passionnera ceux qui aiment réfléchir un peu. »

Jacques Harbonn, Tilt n°84, décembre 1990, 16/20

Version Famicom Disk System

Développeur : Software Resources International
Éditeur : Hiro Co., Ltd.
Date de sortie : 7 Décembre 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Japonais, traduction anglaise par Django
Support : Disquette
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Ishidō : The Way of Stones fait partie des titres à être parus sur Famicom Disk System sans être accompagné par une sortie au format cartouche – on peut imaginer que la possibilité de sauvegarder son score sur la disquette était une donnée importante pour un jeu où le scoring est l’unique récompense. Quoi qu’il en soit, le support étant limité à 128ko (soit l’équivalent d’une cartouche d’1Mb), on ne sera pas trop surpris de voir le contenu perdre encore quelques plumes : il n’y a plus que quatre associations tuiles/plateaux différentes, même si la possibilité d’éditer les graphismes est toujours présente (un autre avantage de l’emploi d’une disquette). Autre curiosité : le plateau est désormais présenté à la verticale, sans doute pour laisser de la place à l’interface, mais cela ne change rien à la taille de sa grille qui est toujours en 8×12. La réalisation manque de couleurs, celles-ci sont parfois trop proches les unes des autres, et les trois thèmes musicaux qui accompagnent la partie (au moins ont-ils le mérite d’exister) tournent en boucle beaucoup trop vite, ce qui fait qu’il ne faudra que quelques minutes pour couper le son. Bref, l’écrin est un peu fade, et on a également perdu la moitié des modes de jeu (le tournoi et le mode coopératif, pour ne pas les nommer), autant dire que sans être une catastrophe ce portage n’est peut-être pas la meilleure façon de découvrir le jeu.

NOTE FINALE : 14/20

En dépit de ses efforts pour préserver l’expérience originale, la version Famicom Disk System d’Ishidō : The Way of Stones commence à opérer des sacrifices du côté du contenu autant que de celui de la réalisation. Si le cœur de l’expérience est préservé, des problèmes de lisibilité et une présentation peu emballante réserveront cette version à une poignée de mordus de l’extension disquette de la Famicom.

Version FM Towns

Développeur : Publishing International
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Juin 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

En dépit de ses origines chinoises totalement imaginaires, Ishidō : The Way of Stones aura néanmoins fait une plutôt belle carrière sur les systèmes japonais. Cette version FM Towns présentée sur un CD-ROM qui sonne plus que creux (même pas 1Mo de données !) est en tous cas à peu près équivalent à celui la version Macintosh originale : il y a peut-être un peu moins de tuiles et de plateaux (et on ne choisit pas le décor), et un tout petit peu moins de couleurs que sur la version 1.5.1 (le compte étant ici bloqué à 256 là où la version Macintosh pouvait en afficher des milliers), mais c’est parfaitement lisible et tous les modes de jeu sont bel et bien là, cette fois. De quoi jouer dans les meilleures conditions sans réel sacrifice.

NOTE FINALE : 15,5/20

Malgré quelques minimes pertes tout-à-fait oubliables au niveau de l’enrobage, la version FM Towns d’Ishidō : The Way of Stones offre exactement le contenu et les possibilités qu’on était en droit d’attendre de la machine. Le programme étant disponible aussi bien en anglais qu’en japonais sur le CD-ROM, rien n’empêche de découvrir le titre dans des conditions quasi-idéales.

Version Game Boy

Développeur : Publishing International
Éditeur : ASCII Corporation (Japon) – NEXOFT Corporation (Amérique du Nord)
Date de sortie : 2 août 1990 (Japon) – Novembre 1990 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle ou avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb (Japon) ou 512kb (Amérique du Nord)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’adaptation d’Ishidō : The Way of Stones sur Game Boy représentait une colle à deux niveaux : la petitesse de l’écran, et l’absence de couleur. Dans les deux cas, cette version s’en tire cependant relativement bien : le plateau est toujours lisible, et si les couleurs ont laissé place à des symboles (de type « ligne verticale » ou « ligne horizontale ») au sein des pièces, il ne faut qu’une poignée de minutes pour retrouver ses marques. On constate surtout qu’à peu près tout le contenu de la version NES est toujours présent, y compris un mode deux joueurs en hot seat ou par câble Game Link – et les thèmes musicaux sont différents, même s’ils montrent là encore assez vite leurs limites. Le mode « Tournament » est également de la partie, cette fois, et seul le mode deux joueurs coopératif manque à l’appel. Bref, un bon portage qui évite plutôt bien les écueils que l’on pouvait craindre pour fournir une expérience nomade tout à fait correcte.

NOTE FINALE : 14,5/20

Face aux limitations techniques de la Game Boy, Ishidō : The Way of Stones parvient à trouver des réponses suffisamment malignes pour offrir une version au final plutôt plus lisible et plus riche en contenu que son équivalent sur Famicom Disk System. De quoi tuer le temps avec plaisir entre deux parties de Tetris.

Version Genesis

Développeur : Publishing International
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Ishidō : The Way of Stones fait partie de ces titres qui s’inscrivent dans l’histoire de la Mega Drive davantage sur un plan légal que sur un plan ludique. En effet, c’est ce logiciel qui aura directement provoqué un bras de fer judiciaire entre Accolade et SEGA pour avoir mis en place un système permettant de contourner le système de sécurité de la console – et donc, de se passer de la licence du constructeur et du paiement qui l’accompagnait – pour faire fonctionner ses cartouches. Un procès que SEGA aurait initialement gagné, avant de voir la décision retournée en appel, et qui se sera finalement résolu par un accord entre les deux entreprises – Accolade pouvant manufacturer ses propres cartouches, mais sous licence officielle. Une chose est sûre, en tous cas : si c’étaient pour proposer de tels portages, Accolade aurait aussi bien pu s’abstenir. C’est à peine une version bêta : non seulement il n’y a plus qu’un seul plateau et un seul choix de tuiles, non seulement on n’a plus aucune prise sur la réalisation ni aucun moyen d’éditer le contenu, mais en plus il n’y a plus qu’un seul mode de jeu – le solitaire – et il n’est même plus possible de jouer à deux ! Alors certes, c’est le mode principal qui est toujours présent, et la réalisation accomplit l’essentiel, mais quel intérêt de s’adonner à cette version expurgée quand littéralement toutes les autres – même la version Game Boy ! – offrent davantage de possibilités ? Oh, et en guise de cerise sur le gâteau, la cartouche ne fonctionne que sur la toute première génération de consoles Genesis, s’avérant incapable de passer le test de sécurité sur tous les modèles suivants.

NOTE FINALE : 12,5/20

Délit de grosse blague pour cette version Genesis d’Ishidō : The Way of Stones qui se voit dépouillée d’à peu près toute forme de contenu ou d’options de configuration. De quoi constater que le mode principal s’essouffle décidément assez vite sous cette forme, et que le titre gagne à être découvert sur n’importe quelle autre plateforme. Quel gâchis !

Version MSX

Développeur : Software Resource International
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2

Sur MSX 2, c’est dans un portage évoquant un peu la version Famicom Disk System que débarque Ishidō. La bonne nouvelle, c’est que le titre ne se contente pas de s’afficher ici dans une version plus colorée : les choix de tuiles et de plateaux y sont plus nombreux, et le mode « Tournament » signe également son grand retour – mais pas le mode deux joueurs coopératifs, hélas. Dans l’ensemble, on obtient néanmoins une version lisible et agréable à jouer, ce qui est bien la moindre des choses.

NOTE FINALE : 15/20

Version PC (DOS)

Développeur : Publishing International
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)
*640ko requis pour les modes Tandy/PCjr et VGA

En dépit de ses indéniables faiblesses pour le jeu (une affirmation qui commençait malgré tout à être de moins en moins vraie), le PC de 1990 était a priori la configuration idéale pour faire tourner un titre comme Ishidō : The Way of Stones. La chose se confirme d’ailleurs au lancement : si on perd la quasi-totalité de la réalisation sonore (ce qui, vu sa discrétion originale, n’est objectivement pas un lourd tribut), la réalisation en VGA haute résolution permet de bénéficier d’un plateau lisible et de plusieurs options de configuration. Certes, celles-ci sont moins nombreuses que sur Macintosh, et il y a moins de couleurs, mais on profite en revanche de tous les modes de jeu et de toutes les possibilités de gameplay, ce qui est l’essentiel.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme sur FM Towns, Ishidō : The Way of Stones version PC offre un portage qui contient tous les modes de jeu de la version Macintosh, au pris de quelques pertes négligeables au niveau des tuiles et des plateaux disponibles, ainsi que du son. Rien de suffisamment notable pour altérer l’expérience de jeu.

Version PC-88

Développeur : Software Resources International
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : Avril 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Difficile d’être adapté sur les systèmes japonais sans faire un crochet par l’insubmersible gamme d’ordinateurs PC-88 de NEC. Ishidō : The Way of Stones vient donc y prendre ses quartiers, pour un résultat correspondant globalement à ce qu’on était en droit d’attendre de la machine : la résolution native en 640×400 fait ici parfaitement l’affaire, la palette de seize couleurs un peu moins – mais rien qui gêne vraiment la lisibilité. Les modes de jeu et les graphismes disponibles correspondent peu ou prou au contenu de la version MSX – comprendre que seul le mode deux joueurs coopératif est absent. Pour le reste, on profite également de la possibilité d’un accompagnement musical en jeu – vite répétitif, comme toujours – et ce portage fait globalement le café. Aucune mauvaise surprise, donc.

NOTE FINALE : 15/20

Avec des graphismes un peu fouillis malgré la haute résolution et un mode deux joueurs coopératif absent, cette version PC-88 d’Ishidō : The Way of Stones n’est pas totalement irréprochable mais elle offre néanmoins l’essentiel de ce qu’on était venu y chercher. Inutile d’aller dénicher un modèle de la gamme juste pour découvrir le jeu, mais le portage est satisfaisant.

Version PC-98

Développeur : Software Resources International
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 13 Avril 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Si l’itération PC-88 d’Ishidō : The Way of Stones n’avait offert que peu de surprises, la version PC-98 en propose encore moins : c’est virtuellement exactement le même programme que sur PC-88 avec les mêmes modes de jeu et les mêmes options, mais avec une réalisation graphique bénéficiant d’une palette plus étendue, d’où un plateau plus lisible. Autant résumer : la même chose en (très) légèrement mieux ; si jamais vous hésitiez entre les deux portages, vous savez à présent de quel côté penche la balance.

NOTE FINALE : 15/20

Sorte de version PC-88 avec plus de couleurs, Ishidō : The Way of Stones sur PC-98 ne devrait pas exactement bouleverser votre expérience de jeu mais, à tout prendre, reste peut-être un poil plus lisible dans ce portage. Dommage que tous les modes de jeu ne soient toujours pas présents.

Version Lynx

Développeur : Software Resources International
Éditeur : Publishing International
Date de sortie : Décembre 1991 (Amérique du Nord, Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tout comme les autres consoles portables – la Game Boy en tête –, la Lynx aura été perçue tout au long de sa courte existence comme la candidate parfaite pour héberger les jeux de réflexion à la Ishidō. Une théorie rapidement validée par le fait que non seulement la gestion de la couleur permet à ce portage de ne pas avoir à composer avec les mêmes tours de passe-passe que la version Game Boy pour demeurer lisible, mais qu’en plus tous les modes de jeux originaux – y compris le mode deux joueurs coopératif, avec la possibilité pour l’ordinateur de faire le nombre – sont également présent. Alors évidemment, les options de configuration graphiques sont minimales (trois jeux de tuiles, un seul plateau) et il n’est plus question ici de dessiner les siennes, mais bon, le très dispensable oracle est resté présent et l’expérience demeure lisible en toutes circonstances. Une bonne raison de laisser une chance à cette cartouche dans la maigre ludothèque de la console.

NOTE FINALE : 15/20

Ishidō : The Way of Stones a beau sacrifier quelques options de configuration graphique – comme on pouvait s’y attendre – sur Lynx, tout le contenu solo comme multijoueur a le bon goût d’être présent dans une version qui a le mérite d’être restée lisible en dépit de la petite taille de l’écran. L’expérience nomade ultime du jeu est donc celle-ci, et il serait dommage de la bouder sur la console.

Version Sharp X68000

Développeur : Software Resources International
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 20 mars 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise testée sur Sharp X68000
Configuration minimale :

Parmi les derniers grands habitués des systèmes japonais, il eut été dommage de ne pas prévoir un détour par le Sharp X68000 et ses généreuses capacités graphiques et sonores. Résolution inhabituelle exceptée, la machine de Sharp offre pour l’occasion une version rappelant beaucoup le portage sur FM Towns, mais en plus coloré ; tout le contenu est là, et même si les options de configuration ne sont pas aussi nombreuses que sur Macintosh, le résultat est largement à la hauteur – on regrettera malgré tout que le format « écrasé » de l’image empêche les tuiles d’être aussi lisible que sur Macintosh, FM Towns ou même PC. N’en reste pas moins une version très solide qui ne devrait pas décevoir grand monde.

NOTE FINALE : 15,5/20

Le Sharp X68000 déçoit rarement, et même si cette version d’Ishidō : The Way of Stones ne supplante pas encore la version 1.5.1 sur Macintosh Couleur, elle n’en reste pas moins un portage très solide avec tous les modes de jeu souhaités. Une alternative solide, donc.

Time Race

Développeur : Cistar
Éditeur : Loriciel S.A.
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)

Version Atari ST

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Système de sauvegarde par mot de passe

« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées » affirmait un vieux slogan gouvernemental en plein milieu de la crise pétrolière qui allait signer la fin des Trente Glorieuses, cherchant à maquiller la vérité selon laquelle on aurait peut-être mieux fait d’avoir des idées AVANT d’être à court de pétrole – autre temps, même mœurs. À l’échelle vidéoludique et quinze ans plus tard, au début des années 90, ce slogan aurait pu devenir – avec une certaine amertume – « en France, on a des idées, mais on n’a pas toujours le temps ni la motivation pour réellement les creuser. »

Une constatation qui pouvait d’ailleurs s’étendre à une large partie de la production européenne, souvent moquée à l’époque pour sa fâcheuse tendance à ignorer purement et simplement des notions comme le game design pour lui préférer la méthode du « un programmeur, deux artistes, une vague idée et roule ma poule, on livre dans trois semaines » – en forçant un peu le trait, naturellement, mais finalement pas tant que ça. Il en résulte que si on a tendu à mémoriser le nom des quelques heureux élus à avoir produits des logiciels méritant objectivement qu’on se souvienne d’eux, énormément de programme ont glissé dans l’oubli en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire faute de reconnaissance, de publicité… et souvent, tout simplement, de qualités objectives. Avez-vous déjà entendu parler de Time Race, par exemple ? Un puzzle game français s’aventurant sur les traces de Tetris ? Non, personne ? Ah, décidément, l’univers vidéoludique est rempli d’injustices… mais est-ce vraiment le cas ici ?

La clef du genre, c’est de reposer sur un concept simple, mais génial. Le titre d’Alekseï Pajitnov proposait d’assembler des tétraminos pour réaliser des lignes ? Celui de Cistar, lui, offre une alternative intéressante : composer des carrés en assemblant des triangles. Bien sûr, la chose n’étant pas exactement une prouesse en soi, le logiciel introduit quelques contraintes pour pimenter les choses. Par exemple, deux triangles de la même couleur ne peuvent pas être placés directement en contact, sans quoi ils disparaissent.

Les carrés réalisés disparaissent, eux aussi, mais en dévoilant une partie de l’image de fond – l’idée étant de parvenir à faire apparaître tout le décor avant la fin de la limite de temps… laquelle, au lieu d’être indiquée clairement à l’écran, se contente d’être matérialisée par une animation en rapport avec le thème du niveau en cours. par exemple, au premier niveau, le temps est écoulé lorsque les deux chasseurs préhistoriques ramenant leur proie ont atteint leur grotte – car oui, au fait, c’est aussi pour cela que le jeu s’intitule Time Race : chaque niveau a pour cadre un événement historique (mal) illustré, et comme réaliser une illustration par tableau (trente au total), c’est quand même beaucoup de travail, eh bien la plupart d’entre elles reviendront plusieurs fois. Hé, qu’est-ce que vous préférez, un jeu bien fini ou un jeu qui sorte avant les fêtes de Noël ? Ne répondez pas à cette question.

Chaque « case » de décor disparue réduisant également d’autant la zone de jeu, on se retrouve donc dans une course contre la montre où mieux vaut s’organiser assez vite pour éviter de se retrouver coincé en manœuvrant dans un espace de plus en plus restreint. C’est certes plutôt limité, et la jouabilité à un bouton manque d’autant plus de précision qu’elle souffre également de latences assez inexcusables vu le peu de choses à afficher à l’écran (ai-je pensé à vous indiquer qu’il n’y a même pas de musique pendant la partie ? Remarque, à entendre la bouillie audible pendant l’écran-titre – et qui a déjà nécessité à elle seule pas moins de deux compositeurs – on se dit que le silence a également ses vertus) – mais dans l’absolu, le gameplay fonctionne. Sans doute pas longtemps, mais il fonctionne.

C’est là qu’intervient la vraie mauvaise idée.

Reconnaissons au moins à l’équipe de développement un certain mérite : celui de s’être aperçu qu’en l’état, le concept manquait encore un peu de chair pour s’avérer réellement intéressant plus de dix minutes. À partir du niveau deux, des éléments commencent à être disposé d’avance sur le plateau : des triangles qui viendront compliquer vos manœuvres, mais aussi… des carrés. De couleur. Et si, en soi, la présence d’un carré ne devrait pas bouleverser votre vision du monde, il se trouve que ces carrés ont des effets selon leurs couleurs et les triangles qu’on y accole. Le problème ? Il est strictement impossible de connaître les effets en question sans se référer au manuel. Bon, c’est un contretemps, mais ça ne peut pas être bien compliqué, pas vrai ? Allez, je vais vous donner quelques exemple, tirés directement du manuel, mot pour mot :

« Carré vert foncé : Si on adosse un triangle de même couleur au carré, il y a arrêt de la rotation automatique.
Carré vert clair : fixer un triangle d’une autre couleur que vert clair fait qu’à chaque déplacement les prochains triangles descendront automatiquement d’une case et ne pourront plus remonter. Placer un triangle vert clair au dos du carré annule cet effet.
Carré rouge foncé : fixer un triangle d’une autre couleur que rouge foncé fait qu’à chaque déplacement les prochains triangles tourneront aléatoirement d’un cran. Placer un triangle rouge foncé annule cet effet.
Carré rouge clair/saumon : écrasement (vous pouvez passer par-dessus des triangles déjà posés. »

J’arrête ici : il y a également des carrés bleus clairs, bleus foncés, noirs, blancs, gris… On remarque immédiatement trois choses : la première, c’est la stupidité de proposer des nuances extrêmement proches des mêmes couleurs dans un jeu où celles-ci sont centrales. La deuxième, c’est qu’adosser un triangle a un carré de la même couleur a parfois des effets positifs, parfois des effets négatifs, sans aucune logique. La dernière – oh pardon, c’est peut-être la première qui vous soit venue à l’esprit : MAIS COMMENT VOULEZ-VOUS RETENIR AUTANT DE RÈGLES SORTIES DU CUL DU NÉANT AU MILIEU D’UNE PARTIE ALORS QU’EN PLUS IL Y A DÉJÀ LA PRESSION DU TEMPS ET LA CONTRAINTE DE L’ESPACE ?

Et là, c’est le drame : en cherchant à épaissir un gameplay limité, Cistar n’a abouti qu’à un gruau indigeste où non seulement on ne s’amuse pas, mais où la moitié du temps on ne comprend tout simplement rien à ce qui se passe. Au bout d’une heure de souffrance, le bilan est limpide : il n’y a tout simplement pas assez de choses à sauver dans ce jeu pour justifier l’assimilation de règles débiles qui n’apportent rien. Un cache-misère qui finit de ruiner la peinture qu’il tentait vaille-que-vaille de faire passer pour immaculée, et un bon résumé de ce qu’on pouvait trouver dans les étals lorsqu’on partait acheter un jeu vidéo sans se renseigner : beaucoup de titres qui ne méritaient objectivement pas d’être vendus. Une bonne définition de ce qu’est ce Time Race – à ma connaissance, l’unique production originale du studio Cistar, et on comprend mieux pourquoi.

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 09/20

Bâti autour d'un principe a priori simple (construire des carrés en imbriquant des triangles), Time Race a hélas la mauvaise idée de le noyer sous des mécanismes opaques inaccessibles sans avoir le manuel sur les genoux et qui transforment rapidement une expérience laborieuse en expérience pénible. Déjà occupé à manœuvrer contre la montre dans un espace limité, le joueur se retrouve facilement noyé sous les effets négatifs pour avoir eu le tort d’accoler un triangle vert foncé à un carré vert clair, et ce qui aurait pu être un divertissement limité finit par se métamorphoser en chemin de croix confus. Il y a certes peut-être un jeu correct caché derrière toutes ces règles débiles ne répondant à aucune logique, mais combien de joueurs auront la patience et le masochisme nécessaires pour s'accrocher jusque là ? À en juger par le très médiocre souvenir que le programme a laissé aux rares volontaires s'y étant essayés, pas beaucoup.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des mécanismes de couleur peu clairs et inutilement complexes au-delà du premier niveau
– Un maniement pas toujours optimal
– Deux teintes de vert très proches dans un jeu reposant sur la couleur, quelle bonne idée...
– Une limite de temps pratiquement jamais affichée de façon claire
– Une réalisation paresseuse, sans musique et avec les mêmes décors qui reviennent plusieurs fois

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Time Race sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Pas très original, Time Race n’est pas un jeu aussi indispensable que Tetris ou Block Out. Mais les fans l’apprécieront. »

Olivier Scamps, Tilt n°84, décembre 1990, 14/20

Version Amiga

Développeur : Cistar
Éditeur : Loriciel S.A.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il serait difficile d’affirmer qu’on s’attend à des différences fondamentales entre les versions Amiga et Atari ST de Time Race. Sans surprise, les deux itérations ont été bâties dans le même moule, et le jeu s’affiche sur la machine de Commodore comme un parfait clone – graphismes en seize couleurs, toujours pas de musique en jeu – de ce qui avait été observée sur celle d’Atari. Autant dire que les très nombreuses faiblesses du concept sont toujours présente et qu’il y a peu de chances que le logiciel trouve davantage son public aujourd’hui qu’il n’y était parvenu il y a trente-cinq ans.

NOTE FINALE : 09/20

Aucune nuance à espérer pour cette version Amiga de Time Race : c’est pour ainsi dire exactement le même jeu que sur Atari ST, avec exactement les mêmes problèmes d’un bout à l’autre. Si vous voulez lancer un puzzle game sur la machine, essayez plutôt Tetris.

Les avis de l’époque :

« En fait, l’idée ne serait pas si mauvaise, mais les programmeurs ont vraiment essayé de la mettre en œuvre aussi mal que possible. Le jeu n’est pas seulement une insulte pour les yeux et les oreilles, les commandes réagissent aussi très lentement, et la partie ne dure que 15 niveaux (NdRA : En fait, 30). Une vraie tragédie, et à un prix exorbitant. Quo vadis Loriciel ? »

Amiga Joker n°1, janvier 1991, 31% (traduit de l’allemand par mes soins)

Version PC (DOS)

Développeur : Cistar
Éditeur : Loriciel S.A.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy, VGA
Carte son supportée : Aucune
Système de sauvegarde par mot de passe

Le PC, en 1990, n’était peut-être toujours pas la plateforme de développement privilégiée des studios français, mais il commençait doucement à se transformer en incontournable. Doucement. Graphiquement, le jeu gère le VGA – comprendre : « pour afficher les mêmes seize couleurs que sur Atari ST », mais ce n’est déjà pas si mal ; l’Amiga, après tout, n’avait pas eu droit à mieux. Quant à l’aspect sonore, il a purement et simplement disparu, mais on ne peut pas dire que perdre le très dispensable thème de l’écran-titre constitue un traumatisme. Au rang des détails, cette version est la seule à être jouable au clavier, et ses mots de passe sont différents de ceux des deux autres versions. Pour le reste, le bilan est exactement le même : pas terrible.

NOTE FINALE : 09/20

Pas de rédemption pour Time Race sur PC, qui s’affiche dans une version identique aux deux autres – moins le son, ce qui n’est pas une grosse perte. Un autre jeu auquel on pourra ne jamais jouer sans jamais avoir le sentiment d’avoir raté quelque chose.

WipE’out” 2097

Développeur : Psygnosis Limited
Éditeur : Psygnosis Limited (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) – Sony Computer Entertainment Inc. (Japon)
Titres alternatifs : WipEout 2097 (graphie usuelle), Wipeout XL (Amérique du Nord, Japon), ワイプアウトXL (graphie japonaise)
Testé sur : PlayStationPC (Windows 9x)SaturnAmiga
Disponible sur : MacOS
Présent au sein de la compilation : GT Collect Nr. 1 (1999 – PC (Windows 9x))

La série WipE’out” (jusqu’à 2000) :

  1. WipE’out” (1995)
  2. WipE’out” 2097 (1996)
  3. WipE’out” 64 (1997)
  4. Wip3out (1999)
  5. WipEout 3 : Special Edition (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 30 septembre 1996 (Amérique du Nord) – 1er octobre 1996 (Europe) – 8 novembre 1996 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (via câble link)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, NeGcon
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc (PAL/NTSC-J) – 2 blocs (NTSC-U))

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Certaines histoires sont pratiquement écrites d’avance – ce n’est pas de la prédétermination, c’est juste de la logique. Prenez un jeu de lancement connaissant immédiatement un succès considérable au point de devenir, à sa manière, une forme de mascotte pour la console qui l’héberge – tout du moins à l’échelle du marché européen – en l’occurrence : WipE’out”, ses courses futuristes, sa vitesse ébouriffante et sa musique techno qui dotèrent la PlayStation de « son » F-Zero.

Considérez maintenant le studio à l’origine de ce jeu, à savoir Psygnosis, qui se trouvait incidemment – mais c’est sans doute une coïncidence – être une propriété de Sony depuis 1993. Les intérêts convergeant, la question d’un deuxième épisode était purement rhétorique : les joueurs le voulaient, les commerciaux le voulaient, et les développeurs n’étant vraisemblablement pas contre, c’est avec une lueur gourmande dans le regard que le monde (et surtout l’Europe) aura vu arriver un certain WipE’out” 2097 un an à peine – quasiment jour pour jour – après son prédécesseur. Avec le cortège de questions habituelles : allait-il être plus beau ? Allait-il être plus rapide ? Allait-il offrir plus de contenu, plus d’idées ? Voire même, pour ceux qui se remettaient mal de Silverstream et des collisions hyper-punitives : allait-il être plus simple ? L’idée allait être d’offrir des réponses se rapprochant au maximum de « oui » dans tous les cas – et à en juger par la réputation très flatteuse dont jouit encore le titre à l’heure actuelle, on peut dire que les équipes britanniques ne se seront globalement pas trompé dans leurs choix.

À commencer par écarter les quelques rares points de friction : l’inertie prononcée et la conduite légèrement technique de WipE’out” n’avait pas fait que des heureux ? Pas de problème : on rend les commandes un poil plus réactives, on approche les sensations de celles d’un jeu de course plus traditionnel, et d’un seul coup tout le monde est réconcilié. Finir le championnat en tête pour accéder aux classes supérieures demandait un investissement en temps et en énergie un peu trop exigeant ? Psygnosis aura réglé le problème d’une façon assez radicale : dorénavant, il n’y a tout simplement plus de championnat.

Au lancement du jeu, le programme est assez simple : trois classes de deux circuits immédiatement accessibles, parvenez à arriver en tête de chacun d’entre eux et une dernière classe (et donc deux circuits supplémentaires, les plus difficiles) s’offriront à vous. Pas de « vies » limitées, pas d’objectifs à tenir : juste vous, le chrono et la pratique, et si l’idée de perdre une course sur le fil parce qu’un poursuivant vous a malencontreusement lancé un missile dans le train lors de la dernière ligne droite, il est même possible via les options de désactiver purement et simplement les armes. Après tout, les vrais puristes sont là pour optimiser leurs temps, pas pour jouer à la guéguerre. La bonne nouvelle, c’est que le contenu est déjà dans la moyenne haute de la période, avec huit circuits au total, et surtout qu’il est possible de débloquer des niveaux de difficulté additionnels, une écurie bonus, et de se retrouver avec un jeu où chaque « classe » contient tous les circuits, le nombre de tour et d’opposants augmentant en même temps que la difficulté. Bref, à ce niveau-là, en dépit de l’absence de tout ce qui pourrait ressembler à un mode « carrière » ou à un mode solo au long cours, WipE’out” 2097 offre matière à s’occuper.

On notera que beaucoup d’aspects du jeu ont été revus et corrigés par petites touches. Dorénavant, les différentes écuries affichent clairement les caractéristiques de leurs véhicules, avec un descriptif de leurs points forts et de leurs points faibles : plus besoin d’aller chercher les informations dans le manuel. Au niveau de la course, on constate qu’une jauge de « bouclier » (correspondant, on s’en doute, à la santé de votre véhicule) a fait son apparition : il est donc possible, désormais, de perdre une course avant sa fin en explosant bêtement à force de se manger des murs et des missiles… un changement qui permet d’introduire une subtilité stratégique avec l’apparition de zones de réparations qui font office de stands et permettent de se refaire une santé au prix d’un léger détour et de quelques dixièmes de secondes sacrifiés.

Plus gadget : une limite de temps a été ajoutée en course, avec des points de passage à franchir dans les délais ; un ajout qui n’a honnêtement que peu d’incidence sur des courses de type « circuit » où l’objectif de la première place interdit de toute façon par définition de traîner en chemin. L’habituel mode « Time Trial » permettra aux acharnés du chrono de faire la course au temps sans être ennuyé par les parasites que sont les concurrents, et les joueurs n’ayant même pas la patience de débloquer le contenu pourront de toute façon trouver leur bonheur via des mots de passe leur permettant d’accéder à tout ce que le programme a à offrir sans avoir à le mériter, au prix de vingt secondes de recherche sur internet (ou d’un ou deux mois d’attente dans les magazines de l’époque).

Techniquement, le titre est toujours aussi solide : les décors sont détaillés, les parcours s’efforcent de varier les ambiances, ça va vite et ça répond très bien : le pied. La conduite est plus naturelle sans pour autant abandonner toute notion de technicité ; les aérofreins resteront le meilleur moyen de ne pas finir dans le mur lors d’une épingle à cheveux serrée, et sans atteindre le niveau d’exigence de Silverstream, les derniers circuits demanderont incontestablement de l’entraînement pour espérer les vaincre dans des temps et à une place acceptable.

Bref, c’est dans l’ensemble exactement ce qu’on en attendait : la continuation directe du premier opus, en plus accessible et en plus ergonomique… et sans réelle prise de risques. Ce qui n’est pas un reproche en soi – pourquoi changer une formule qui marche, surtout quand personne ne vous le demande ? – mais introduit également quelques petites limites qui cantonnent le jeu au stade de « titre particulièrement efficace dans son domaine » sans lui permettre de prétendre à l’excellence . Par exemple, on pourra regretter que la quête du meilleure temps – qui est quand même un des objectifs fondamentaux de n’importe quel jeu de course – se retrouve chamboulée en fin de partie par l’apparition d’une écurie additionnelle… avec toutes les capacités à fond, la seule contrainte étant de ne pas pouvoir utiliser d’armes. De quoi rendre tous les scores effectués caducs et balancer à la fenêtre la moindre tentative d’équilibrage – un moyen un peu artificiel de pousser le joueur à rempiler en lui faisant découvrir que ses meilleurs temps obtenus avec amour et avec des heures de pratique sont tous bons à finir à la poubelle, désormais. Un peu maladroit.

Au rang des récriminations, on pourra aussi inclure un multijoueur toujours cantonné au câble link – une fonction si marginale que personne ne semble jamais s’en être servi, tant il est vrai qu’on allait rarement jouer chez un copain en prenant avec soi sa console, sa manette et sa télé – et qui ne remplacera jamais le plaisir indépassable de jouer à deux (ou plus !) sur le même écran. A posteriori, l’idée d’offrir un contenu « éclaté » et largement accessible dès le début du jeu n’a pas que des avantages : même s’il y a beaucoup de choses à débloquer, le fait est qu’un mode solo servant de fil conducteur avec des défis à relever ou de l’argent à gagner – oui, un mode carrière, même si le concept n’était pas encore exactement répandu en 1997 – aurait permis à ce très bon jeu d’avoir davantage de choses à offrir sur le moyen-terme.

Comprenons-nous bien : au moment de sa sortie, le titre de Psygnosis représentait clairement le haut du panier sur son système et ne prenait pas les joueurs pour des pigeons avec son contenu – rappelons par exemple que Namco aura dû attendre 1998 et le sixième (!) opus de la série Ridge Racer pour daigner offrir plus de trois circuits. Mais face à des références plus tardives ; au hasard un certain Gran Turismo qui allait redéfinir en profondeur les attentes des joueurs en termes de contenu, ou même les futurs épisodes de Need for Speed qui n’allaient pas tarder à se présenter, WipE’out” 2097 a pris un léger coup de vieux en restant définitivement cloitré dans la case de la course arcade classique. S’amuse-t-on moins pour autant ? Non, clairement pas, mais le jeu a désormais acquis un côté convenu et sans surprise qui le rend moins marquant qu’à sa sortie où il avait encore l’odeur du neuf jusque dans sa musique techno. Reste aujourd’hui un jeu de course prenant et ludique auquel personne ne regrettera de consacrer quelques heures, mais sorti juste un peu trop tôt pour rejoindre ces logiciels offrant une véritable expérience solo inoubliable. Moins une légende qu’un très bon souvenir, dorénavant, mais est-ce vraiment un drame ?

Vidéo – Course : Talon’s Reach :

NOTE FINALE : 17/20

Pour l'épisode de la confirmation, WipE'out” 2097 gagne en accessibilité et en ergonomie ce qu'il perd en personnalité : un peu moins d'inertie, une courbe de difficulté qui cesse d'être raide comme la pente du vice, en résumé : moins de frustration pour davantage de fun ! Il y a plus de contenu, c'est toujours aussi beau et cela va toujours aussi vite, néanmoins on ne peut s'empêcher de penser que le mode solo aurait gagné à offrir davantage qu'un empilement de courses isolées et que le mode multijoueur aurait mieux fait de ne pas rester cantonné au jeu par câble link – dommage également que le mode « Time Trial » ne prenne réellement son sens qu'une fois toutes les écuries débloquées. Pas de quoi vouer aux gémonies un titre plus efficace que jamais, mais juste ce qu'il faut de manque d'ambition pour rendre l'expérience un peu moins marquante que ce qu'elle aurait mérité d'être ; c'est bon, mais ça aurait pu être encore meilleur.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Plus de championnat
– Toujours pas de multijoueur en écran splitté
– Quelques maladresses dans l'équilibrage à cause du contenu déblocable

Bonus – Ce à quoi peut ressembler WipE’out” 2097 sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Psygnosis Limited
Éditeur : Psygnosis Limited
Date de sortie : Juin 1997
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 133MHz – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 3 – API : Direct3D, PowerVR – Résolution supportées : 640×480, 800×600
Son : Dolby Surround
Lien utile : Patch ajoutant la gestion du multijoueur

Contrairement au premier épisode, encore pensé pour DOS, WipE’out” 2097 sera arrivé sur PC à une ère où Windows n’était plus vraiment facultatif et où les cartes accélératrices 3D commençaient à être pleinement démocratisées. Conséquence : cette fois, le jeu peut tourner en 800×600 avec la batterie d’effets habituels (filtrage bilinéaire et consort) à une vitesse qui n’a rien à envier à la PlayStation. Malheureusement, même dans cette configuration, le jeu ne gère toujours pas les éclairages colorés qui faisaient une large partie du charme du jeu, et beaucoup de circuits en ressortent plus sombres et plus grisâtres que sur la machine de Sony ; un peu décevant… Le multijoueur, pour sa part, n’était pas disponible au lancement, mais un patch sera ensuite venu apporter la possibilité de jouer en réseau via modem, connexion directe, IPX ou protocole TCP/IP. Quant à la musique, elle perd pour l’occasion tous les morceaux sous licence de Prodigy, Future Sound of London et des Chemical Brothers pour se contenter des morceaux de Tim Wright.

Le plus gros problème, comme souvent, consistera comme souvent à réussir à faire fonctionner le programme sur les configurations modernes. En théorie, le jeu peut parfaitement tourner sous Windows 10 avec un programme de type dgVoodoo – je dis « en théorie », car dans mon cas le programme plantait systématiquement au lancement. J’ai donc dû passer par une bonne vieille installation de Windows 95 sous DOSBox-X et faire face à un deuxième problème : le jeu est pensé pour une fréquence d’écran de 30Hz et n’est pas ralenti au-delà, ce qui fait qu’il tourne trop vite au-delà de la configuration pour laquelle il était pensé à l’époque (c’est à dire entre 133 et 166MHz). Même à bonne vitesse, quelques artefacts graphiques subsistaient – globalement, inutile de se donner autant de mal pour faire tourner une version qui peut facilement être supplantée par une version PlayStation upscalée sous ePSXe ou Duckstation, mais les joueurs désireux de s’y essayer devraient trouver toutes les informations nécessaires sur cette page. Dans tous les cas, cette version solide demeure légèrement inférieure à la version PS1.

NOTE FINALE : 16,5/20

En-dehors des difficultés prévisibles pour la faire tourner sur une configuration moderne, cette version Windows 95 de WipE’out” 2097 pâtit surtout de ne pas offrir tous les effets graphiques de la version PlayStation, alors qu’elle en avait très largement les moyens. Dans les conditions idéales, le jeu est rapide et agréable à jouer, mais si vous n’avez pas envie de passer des heures à faire fonctionner cette version, vous serez de toute façon aussi bien sur le CD-ROM original.

Version Saturn

Développeurs : Tantalus Interactive Pty. Ltd. – Perfect Entertainment
Éditeur : Psygnosis Limited (Europe) – GameBank Corp. (Japon)
Date de sortie : 25 septembre 1997 (Europe) – 5 mars 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : 3D Control Pad, Arcade Racer, joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Signe des temps : le temps que la suite d’un titre de lancement de la PlayStation arrive sur Saturn, la console de SEGA avait déjà perdu la guerre, et de nombreuses sociétés – dont Psygnosis, certes propriété de Sony – avaient déjà abandonné le marché américain de la machine, jugé à l’agonie. C’est donc exclusivement en Europe et au Japon que que ce WipE’out” 2097 aura pu démontrer ses capacités, lesquelles s’avèrent, sans surprise, sensiblement inférieures à ce que proposait la console de Sony.

La résolution est un peu plus basse, les textures sont plus grossières et les effets de transparence ont disparu, mais dans l’ensemble la fluidité et la jouabilité se défendent mieux que dans le portage du premier épisode – le framerate est toujours un peu plus bas et la réactivité moindre, mais il ne faut pas très longtemps pour prendre ses marques et s’en tirer sans trop de casse. Comme la première fois, le multijoueur est aux abonnés absents, et comme sur PC, tous les morceaux sous licence ont disparu pour laisser la place aux compositions de Tim Wright, alias CoLD SToRAGE. Une bonne alternative pour un bon jeu de course, mais les puristes à la recherche de la meilleure expérience resteront malgré tout sur la version PlayStation.

NOTE FINALE : 16/20

La version Saturn de WipE’out” 2097 laisse une nouvelle fois quelques plumes face à sa rivale sur PlayStation, mais s’en sort malgré tout sans trop de heurts. Au-delà de quelques petits sacrifices graphiques, la réactivité est moins bonne que sur la console de Sony – et on perd à la fois le multijoueur et quelques thèmes musicaux – mais l’ensemble demeure l’un des meilleurs jeux de course de la machine.

Les avis de l’époque :

« Perfect Entertainment mérite pleinement son nom. La version Saturn de WipEout 2097 constitue une conversion réussie de cette course futuriste. Ce qui impressionne particulièrement, c’est surtout le rythme de jeu très rapide, au moins aussi rapide que sur PlayStation. Associé à la sensation de conduite habituelle, WipEout 2097 procure la même montée d’adrénaline liée à la vitesse – superbe ! Cependant, par rapport à l’original, quelques concessions sont à noter. La direction est un peu moins réactive et, surtout sur le plan graphique, on note une nette réduction : la résolution est nettement plus basse, les couleurs des textures sont moins riches et, globalement, le rendu paraît plus grossier, notamment à cause de l’absence d’effets de transparence. Mais comme la jouabilité a été transférée quasiment sans perte sur Saturn, ce jeu de course est pleinement recommandé. »

Mega Fun n°8, août 1997, 87% (traduit de l’allemand par mes soins)

« Bien que la version Saturn ait l’air excellente sur le papier, elle n’offre aucune des sensations de la version PlayStation. Les excellents thèmes musicaux sont manquants […], les graphismes ont perdu le cachet qui les faisait paraître si bons, et le framerate a suffisamment baissé pour qu’on commence à y prêter attention. Des nuances assez mineures qui ne changent rien à la façon de jouer mais qui détruisent fondamentalement ce qui rendait Wipeout 2097 si génial. »
[…]
« Une excellente conversion, mais ce n’est tout simplement pas le jeu pour laquelle la Saturn est faite. Difficile de le recommander face à la concurrence sur la machine. »

Computer and Video Games n°190, septembre 1997, 3/5 (traduit de l’anglais par mes soins)

Aussi surprenant que cela puisse paraître, WipE’out” 2097 aura bel et bien bénéficié d’une conversion tout ce qu’il y a de plus officiel sur Amiga, dans une version portée par Digital Images à la fin de l’année 1999. Bien évidemment, ne vous attendez pas à la faire tourner sur un 68000 de base : elle nécessite un PowerPC et une configuration globalement assez équivalente à celle de la version Windows, avec la bagatelle de 24Mo de RAM (32Mo recommandés) et une carte accélératrice de type S3Virge ou Permedia2. Autant dire que les configurations pour la faire tourner ne courent pas les rues, et si l’émulation du PPC est théoriquement possible sous certains programmes comme WinUAE, je ne suis pour l’instant pas parvenu à mettre la main sur les composants nécessaire pour pouvoir m’y essayer. Des vidéos en ligne existent cependant pour se faire une idée de ce à quoi ressemble le jeu – et sans surprise, il ressemble énormément à la version Windows 95. Le test sera mis à jour si je parviens à émuler un PowerPC pour les captures.