Baldur’s Gate

Développeur : BioWare Corporation
Éditeur : Interplay Productions, Inc. (Amérique du Nord, Europe) – SEGA Enterprises Ltd. (Japon)
Titres alternatifs : Battleground Infinity (titre de travail), Forgotten Realms : Iron Throne (titre de travail), Puerta de Baldur (Espagne), Wrota Baldura (Pologne)
Testé sur : PC (Windows 9x) & Macintosh
Disponible sur : Linux, MacOS X, Windows
L’extension du jeu : Baldur’s Gate : Tales of the Sword Coast – La légende de l’île perdue
Présent au sein des compilations :

  • Baldur’s Gate (Edition spéciale incluant Fallout) (1998 – PC (Windows 9x))
  • Baldur’s Gate : The Original Saga (1999 – Linux, PC (Windows 9x), Windows, MacOS X)
  • Planescape : Torment / Baldur’s Gate / Fallout 2 (2000 – PC (Windows 9x))
  • Black Isle Compilation (2002 – Windows)
  • Black Isle Compilation Part Two (2004 – Windows)
  • Baldur’s Gate : Inclus 4 Jeux (2006 – Windows)
  • Ultimate Dungeons & Dragons (2006 – Windows)
  • Dungeons & Dragons : Anthology – The Master Collection (2011 – Windows)

Le remaster du jeu : Baldur’s Gate : Enhanced Edition (2012)

La série Baldur’s Gate (jusqu’à 2000) :

  1. Baldur’s Gate (1998)
  2. Baldur’s Gate II : Shadows of Amn (2000)

Version PC (Windows 9x) & Macintosh

Date de sortie : 21 décembre 1998 (Amérique du Nord, Europe) – 5 janvier 1999 (France) – 29 octobre 1999 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 6 (via câble null-modem, internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais, polonais, portugais, suédois
Supports : CD-ROM, DVD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée française testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium 166MHz – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5.0 – VRAM : 2Mo – Résolution : 640×480 – Couleurs : 16, 24 ou 32 bits
Configuration sonore : DirectSound3D, Dolby Surround, EAX

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 603e – OS : MacOS 8.1 – RAM : 64Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : Résolution : 640×480 – Couleurs : 16, 24 ou 32 bits

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1998, le jeu de rôles occidental, en tant que genre vidéoludique, n’était pas exactement au sommet de sa forme.

En fait, le décrire comme « au bord du précipice » serait déjà plus proche de la vérité. À l’instar d’un autre genre-roi de la décennie précédente, le jeu d’aventure, le jeu de rôles semblait être arrivé à un tournant qu’il ne savait pas comment négocier, négligé au profit de genres devenus beaucoup plus rentables – le FPS en tête –, et désormais pris d’assaut par la concurrence naissante des J-RPG débarqués en fanfare avec la génération 32 bits via le carton planétaire d’un certain Final Fantasy VII.

Signe des temps, les deux licences majeures qui avaient porté le genre depuis ses débuts semblaient alors au point mort : Ultima n’avait plus vraiment donné signe de vie depuis un huitième opus décevant – si l’on exclut l’émergence d’Ultima Online, qui restait réservé à un public particulièrement ciblé, le commun des mortels n’étant alors pas exactement équipé d’abonnements internets illimités pour profiter de l’un des premiers MMORPG de l’histoire – quant à Wizardry, son dernier opus canonique remontait déjà à six ans, et son seul frémissement sur ordinateur depuis lors avait pris la forme d’un spin-off s’aventurant sur les traces de Dragon Lore. Les « Gold Boxes » n’étaient plus qu’un obscur souvenir, SSI avait perdu l’exclusivité des droits de Donjons & Dragons suite à l’échec commercial de Dark Sun : Shattered Lands avant d’être racheté par Mindscape, et les quelques titres adaptés de la licence depuis lors, qu’ils se nomment Menzoberranzan, Ravenloft ou DeathKeep, avaient échoué à marquer les esprits – la plupart des dernières adaptations faisant carrément le choix de ne plus être des jeux de rôles. Oh, hors de la licence, il y avait bien eu des Diablo, mais on touchait plus là au hack-and-slash axé sur la montée en puissance que vers une véritable expérience s’approchant du jeu de rôle tel qu’on l’entend. Bref, en-dehors du minuscule espoir qu’avaient représenté l’excellent Fallout et sa suite, qui apparaissaient hélas davantage comme un baroud d’honneur que comme un nouveau départ, le genre semblait définitivement passé de mode et bien décidé à refermer pudiquement le couvercle de son cercueil dans une vaste et totale indifférence. Ni fleurs, ni couronne.

Et puis Baldur’s Gate est arrivé.

Il est encore difficile, avec plus d’un quart de siècle de recul, de mesurer l’impact qu’aura eu le titre de BioWare auprès des derniers rôlistes qui se désolaient de voir le genre glisser inexorablement dans l’oubli – et en particulier auprès des fans de Donjons & Dragons, qui vivaient alors, au moment ou plus personne ne l’attendait, l’arrivée du titre le plus important à l’échelle de la licence depuis Pool of Radiance – et sans doute au moins jusqu’à Baldur’s Gate III, qui aura ironiquement endossé exactement le même costume que celui de son prédécesseur en venant rappeler que les jeux de rôle, quoi qu’en pensent les pontes de l’industrie, étaient en fait toujours extrêmement populaires à partir du moment où on se donnait la peine de faire les choses correctement.

Et à ce niveau, Baldur’s Gate aura représenté la véritable matérialisation d’un vieux fantasme que les plus prometteuses des « Gold Boxes » n’avaient fait qu’effleurer : un jeu accessible et bien réalisé donnant réellement l’impression de participer à une campagne sur papier de Donjons & Dragons et de la vivre comme si on y était, tant tout ce qui avait jusque là été confié à l’intelligence du maître de donjon et à l’imagination des joueurs était désormais présent, de visu, avec un luxe de détails encore jamais observé. Il est important de comprendre que Baldur’s Gate n’aura pas juste été un « bon » jeu de rôle, ni même un excellent jeu de rôle : c’était, à l’instant « t », le jeu de rôle que tous les fans de la licence avaient attendu à peu près depuis les débuts de l’informatique. Oui, à ce point-là.

D’abord, il y a donc le jeu en tant qu’adaptation de Donjons & Dragons – ou, plus précisément, des règles avancées qui représentent ironiquement l’aspect du jeu qui a le plus mal vieilli à présent que la célèbre licence de jeu de rôle en est à sa cinquième édition. Dès l’étape de la création du héros – tous les autres membres de l’équipe pouvant compter jusqu’à six personnages étant à recruter en jeu – on ne peut que se réjouir à la fois de l’accessibilité de l’interface, chaque choix étant accompagné d’un texte visant à expliquer exactement les règles, et de la fidélité des possibilités – à quelques minuscules anicroches près (les fans aguerris de la licence remarqueront, par exemple, qu’il est impossible ici de se battre à deux armes).

Ce respect signifie également que les quelques faiblesses de la licence sont toujours visibles : ainsi, créer un personnage aux caractéristiques équilibrées n’offre à peu près aucun intérêt, chaque classe ayant intérêt à renforcer au maximum les compétences qui lui sont utiles sans se préoccuper des autres. Jouer un guerrier avec 3 en intelligence, par exemple, n’aura absolument aucune incidence sur les dialogues, contrairement à ce qui avait été observé dans Fallout – mais on notera néanmoins que le charisme, pour sa part, pourra bel et bien avoir un impact sur les réactions des PNJ ainsi que sur les prix pratiqués par les marchands. Les joueurs débutant leur trentième partie seront sans doute heureux de constater que tel garde bourru, qui les avait pratiquement envoyé paître à la conclusion d’une quête avec un précédent personnage, aura en revanche adressé une remarque amicale et donné une tape dans le dos et un objet magique à un héros avec 18 en charisme pour la même mission : le genre de petits détails auquel les adaptations de la licence ne nous avaient alors pas encore habitués.

Ensuite, il y a la réalisation. À ce niveau, le choix assez gonflé de la 2D à une époque où on ne réfléchissait déjà plus que par rapport à la puissance de sa carte accélératrice 3D aura certainement été la plus grande idée du jeu, lui permettant de s’afficher en 640×480 et en 32 bits dans un monde qu’on n’avait encore jamais pu visualiser d’une façon aussi vivante. Il faut se souvenir que, depuis l’origine du genre, les mondes des jeux de rôles tendaient à être représentés via des assemblages de blocs ou de tuiles ; l’idée remontait au premier Ultima et avait offert pendant plus de quinze ans un excellent compromis pour figurer tout un univers en économisant au maximum la place présente sur les surfaces de stockage disponibles, et cette philosophie s’était poursuivie jusqu’aux débuts du support CD-ROM – même Fallout avait continué à fonctionner selon ce principe.

Les japonais avaient certainement été les premiers à le faire voler en éclat avec les centaines d’écrans patiemment modélisés pour Final Fantasy VII – encore lui – mais Baldur’s Gate aura été le premier jeu de rôle occidental à mettre en scène un monde médiéval fantastique dont chaque région, chaque bâtiment, chaque ruelle de chaque ville a été au préalable créé en 3D avant d’en tirer une illustration respectant à la fois tous les reliefs offerts par les décors tout en offrant un luxe de détails proprement ahurissant – et pour cause, il n’y a aucune contrainte causée par le nombre de polygones à afficher puisqu’il s’agit juste d’un bitmap. Conséquence : loin de se promener sur des cases d’herbe ou de colline, le groupe du joueur se déplace d’un bout à l’autre dans un monde présenté à l’échelle où le moindre arbre, la moindre fleur, la plus petite anfractuosité dans la pierre d’une muraille sont visibles à l’écran. Architectures mégalomanes, statues géantes, épaves échouées sur la grève, forteresses bâties à flanc de falaise avec un réseau de grottes à visiter, cascades se déversant dans une rivière – tout est permis, et à l’exception de la répétition de quelques intérieurs de bâtiments, le jeu met un point d’honneur à ne jamais présenter deux fragments de zone semblables au cours de son aventure. Il sera ici possible d’explorer les centaines d’écrans qui composent la quarantaine de régions qui composent la Côte des Épées comme le ferait un véritable touriste : en s’émerveillant devant chaque forêt, chaque bourgade, chaque combe, chaque bastion – le tout agrémenté de tout une faune apportant encore davantage de vie aux tableaux, les papillons butinant les fleurs tandis que lapins, rats et volatiles vivent leur vie en temps réel. Pour la première fois, le monde de Féérune n’était plus une simple abstraction : il était tangible jusqu’à l’ultime extrémité du dernier brin d’herbe. Et ça, en 1998, on n’y croyait plus – quelle claque en découvrant le jeu !

Cet aspect « plongée dans un monde comme on ne l’avait jamais vu » ne fonctionnerait pas sans une interface à la hauteur. En dépit de la complexité des règles de Donjons & Dragons aux yeux d’un néophyte, Baldur’s Gate est certainement la première adaptation rôliste de la licence à pouvoir nourrir la prétention d’être jouable sans avoir à ouvrir le manuel. Dès la création de personnage, comme on l’a vu, le joueur se voit livrer toutes les informations pertinentes, et cette volonté d’accessibilité se poursuit lors de la zone de départ du jeu, où des PNJ sont disposés à intervalles réguliers pour vous délivrer toutes les informations sur la prise en main, laquelle est de toute façon limpide et jouable intégralement à la souris : les différents volets d’interface (feuille de personnage, livre de sort, carte, ou encore un journal qui a l’excellente idée d’enregistrer automatiquement vos rencontres et vos quêtes sous la forme de notes écrites – autre grande nouveauté) à gauche, les portraits des personnages à droite et les ordres à leur donner en bas de l’écran.

Que l’on cherche à se dissimuler dans l’ombre, à jeter un sortilège ou à désamorcer un piège, aucune action ne demande plus de deux clics, ce qui permet au jeu d’être tout aussi aisé à prendre en main aujourd’hui qu’il l’était il y a vingt-sept ans. L’idée la plus originale, cependant, est sans doute à aller chercher du côté des combats, puisque Baldur’s Gate aura fait le choix de tirer un trait sur les affrontements au tour-par-tour pour proposer des combats en temps réel… avec une pause active. Traduit en clair, on n’est pas face à un action-RPG : les combats respectent toujours scrupuleusement les règles et les lancers de dés de la licence, un « round » durant ici simplement six secondes au lieu de soixante afin de dynamiser un peu les rencontres (imaginez, sinon, des corps à corps où les combattants porteraient littéralement une seule attaque par minute lors des premiers niveaux…), mais il est possible de mettre le jeu en pause à n’importe quel moment via une simple pression sur la barre espace et de donner des instructions à ses personnages pendant cette pause. Un excellent compromis pour régler en une poignée de secondes des mêlées contre des meutes de monstres inoffensifs tout en conservant toutes les possibilités stratégiques lors des combats les plus complexes, lesquels nécessiteront bien souvent de dégainer tous vos sorts et toutes vos invocations, quitte à se retrouver avec plus d’une vingtaine de personnages à l’écran ! Le principe rappelle celui de Darklands, mais en beaucoup plus jouable et en bien plus naturel, et il fait mouche. Comme (pratiquement) tout le reste.

Tant qu’à faire, on en viendrait presque à oublier d’évoquer un aspect qui, là encore, aura souvent été trop anecdotique à l’échelle du jeu de rôle occidental : le scénario. On ne va pas se mentir : à quelques exceptions près, comme le formidable Serpent Isle (ou l’immense Fallout, encore une fois), les jeux de rôle tendaient encore trop souvent à se limiter à une trame de type « tuer le grand méchant et/ou sortir de son donjon », et la meilleure surprise pour égayer le prétexte à enchainer les combats se limitait généralement à un lore un peu plus développé que la moyenne. Excellente nouvelle : Baldur’s Gate fait le choix d’une véritable aventure, où le joueur incarne un orphelin élevé par un magicien dans la forteresse retirée de Château-Suif et qui se découvre soudain le centre d’intérêt d’un adversaire inconnu qui semble dédier une énergie particulière à avoir sa peau, quitte à placer régulièrement des assassins sur sa route.

À l’échelle géopolitique, la Côte des Épées connait une crise inédite touchant le commerce du fer : depuis plusieurs semaines, les armes et armures tendent à s’effriter sans que personne ne puisse établir pourquoi, et pour parachever le tableau, les tensions vont en grandissant avec la région de l’Amn, au sud, au point qu’on en vienne à craindre une guerre – la situation est telle que la ville de la Porte de Baldur en a temporairement fermé ses portes. Mais qu’est-ce qui pourrait bien relier tous ces événements à votre petite personne, gamin de vingt ans sans titre, terre ni richesse, qui se retrouve soudainement livré à lui-même après avoir quitté Château-Suif en catastrophe ? Des centaines de PNJ, des milliers de lignes de dialogue, des quêtes dans tous les sens et une écriture efficace qui guide le joueur tout en lui laissant le choix de son attitude lors des dialogues, qu’il décide de jouer un héros vertueux ou un parfait salaud : tout est là. Il y a littéralement des dizaines d’heures à passer à explorer chaque recoin de chaque zone, et le jeu offrant une structure ouverte (en-dehors de la ville de la Porte de Baldur, vous êtes libre d’aller absolument où vous voulez dès le début de l’aventure –  à vos risques et périls, naturellement), il n’impose jamais son rythme au joueur. Pas de pression du temps ici : si vous voulez parler à tout le monde, retourner chaque pierre et rencontrer tous les aventuriers pour vous faire un groupe vous correspondant, vous pouvez. Vous seriez d’ailleurs bien inspiré de ne pas prendre trop à la légère les alignements des divers personnages : c’est quand on voit les membres chaotiques mauvais de son groupe commencer à s’entretuer avec les loyaux bons un soir où la fatigue sera venue à bout de la patience de chacun qu’on réalise qu’il n’est jamais bien avisé de faire n’importe quoi en pensant que tout le monde va suivre sans broncher le chef que nous sommes, et que les personnages vertueux vivront assez mal d’accompagner un voleur à la petite semaine ou un assassin décomplexé.

Après cet interminable concert de louanges, la question mérite d’être posée : Baldur’s Gate a-t-il seulement un défaut ? Comme beaucoup de pionniers, à sa manière, oui – même si une partie est également imputable à sa fidélité aux règles de Donjons & Dragons en elles-mêmes. Par exemple, il n’existe aucune option pour que vos soigneurs s’occupent automatiquement des blessés pendants les phases de repos ; vous en serez donc quitte à lancer manuellement tous les sorts vous-mêmes avant de relancer une nuit de sommeil jusqu’à ce que tout le monde soit en pleine santé. Les projectiles, comme les flèches, ne peuvent être entassés que par groupes de vingt unités – ce qui part très vite, et oblige donc à remplir l’inventaire de vos tireurs à distance de munitions avant de partir en expédition. Le pathfinding, en dépit de ses efforts, est particulièrement catastrophique dès l’instant où il doit gérer vos six personnages à la fois – les donjons ayant la mauvaise idée de se dérouler dans des couloirs de deux mètres de large représenteront souvent votre pire cauchemar tant chaque affrontement pourra y virer au gag le temps que vos guerriers parviennent à trouver le chemin jusqu’à leur cible.

On pourra également signaler une traduction française avec quelques petites erreurs pardonnables, mais qui souffre en revanche d’un très faible nombre de doubleurs, et où la moindre phrase semble hésiter entre le sous-jeu permanent et le sur-jeu à exploser toutes les limites connues du cabotinage – on s’approche même du franchement gênant quand la poignée d’acteurs mobilisés se sent obligée de donner des accents aux personnages qu’ils incarnent. Dernier regret : les options de dialogue demeurent très symbolique, et dans l’ensemble on trouve ici le fameux « modèle BioWare » voulant que chaque choix de conversation se limite à trois options : être gentil, être très méchant, ou bien réclamer du pognon – une approche qui ne casse pas des briques pour aider à incarner son personnage et à le doter d’une personnalité. Autant de maladresses qui, mises bout-à-bout, finissent par égratigner un peu la peinture du monument. N’en reste pas moins une épopée qui nous parait peut-être aujourd’hui un peu plus convenue et un peu plus prévisible mais qui n’en conserve pas moins une indéniable magie tandis que l’on se perd, littéralement, dans les vallées oubliées de Féérune. En 1998, le jeu de rôle s’est rappelé d’où il venait, et il est revenu à la vie. Baldur’s Gate est un pèlerinage : tant que vous ne l’avez pas entrepris, votre parcours dans l’histoire du jeu de rôle occidental et dans celui de la licence Donjons & Dragons en particulier ne saurait être considéré comme complet.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Paru à une époque où le jeu de rôle occidental semblait à l'agonie, plus grand séisme dans l'univers des adaptations de Donjons & Dragons depuis Pool of Radiance – et sans doute au-delà –, Baldur's Gate aura été le miracle absolu, le jeu qu'on n'attendait plus au moment où plus personne n'osait l'espérer, au point de réinjecter à lui seul une vitalité nouvelle à tout le genre pour plusieurs années. À bien des niveaux, le titre de BioWare représente enfin la matérialisation de cette partie de jeu de rôle papier sur ordinateur dont on rêvait alors depuis vingt ans, avec une ambition démesurée étalant une réalisation exceptionnelle sur pas moins de cinq CD-ROM, une interface lumineuse, un terrain de jeu grisant, un scénario enfin pertinent et des mécanismes intégrés avec une intelligence rare. Explorer la Côte des Épées est plus qu'une expérience : c'est comme fouler pour la toute première fois le sol de Féérune pour en rencontrer les habitants, en visiter les bourgs et les cités et humer la moindre fleur de la plus anodine forêt. Quelques infimes lourdeurs largement héritées de la deuxième édition des règles ne suffisent pas à pénaliser un jeu qui a merveilleusement vieilli : si vous voulez comprendre la véritable origine du succès colossal de Baldur's Gate III, commencez ici. Vous ne le regretterez pas.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Quelques petites lourdeurs, notamment dans la gestion de l'inventaire
– Des règles de la deuxième édition qui ont plus mal vieilli que le jeu en lui-même
– Un pathfinding qui peut transformer la visite d'un donjon aux couloirs trop étroits en cauchemar
– Des choix lors des conversations qui n'ont encore que très peu d'impact sur le déroulement de la partie

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Baldur’s Gate sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Quelle richesse ! Quel style ! Quelle maestria ! Bravissimo ! En tous cas, les clones de Diablo, passés ou à venir ont du souci à se faire : Baldur’s Gate ouvre une nouvelle voie dans le genre grâce à une profondeur, à un réalisme et à une réalisation hors pair. Que lui reprocher à part des broutilles (temps de chargement un peu longuets ou nécessité de posséder une bonne bécane) ? »

Luc-Santiago, Génération 4 n°118, janvier 1999, 5/6

Développeur : BioWare Corporation
Éditeur : Interplay Productions, Inc. (PC – Amérique du Nord, Europe) – SEGA Enterprises Ltd. (PC – Japon) – Graphic Simulations Corporation (Macintosh – Amérique du Nord)
Titre original : Baldur’s Gate : Tales of the Sword Coast (États-Unis)
Titres alternatifs : Baldur’s Gate : Die Legenden der Schwertküste (Allemagne), Wrota Baldura : Opowiesci z Wybrzeza Mieczy (Pologne), 博德之门 :剑湾传奇 (Chine)
Testé sur : PC (Windows 9x) & Macintosh
Date de sortie : 30 avril 1999 (PC) – 29 mai 2001 (Macintosh)
Disponible sur : Linux, MacOS X, Windows

Même si les extensions de jeux vidéo étaient loin d’être une nouveauté à la fin des années 90 – on se souviendra des « data disks » dont se dotaient déjà des titres comme Populous dix ans plus tôt –, c’est à cette période qu’elles auront commencé à devenir une addition régulière à la plupart des titres à succès vendus sur PC, les FPS en tête. Étant donné le triomphe critique et commercial rencontré par Baldur’s Gate, on n’aura pas été surpris outre mesure de voir le titre de BioWare se doter d’un contenu additionnel pour faire patienter les joueurs avant l’indispensable suite qui ne paraîtrait que l’année suivante. Ce qui aura été un peu plus surprenant, en revanche, aura été de découvrir que cette extension baptisée Tales of the Sword Coast (avec diverses traductions, la version française optant pour La légende de l’île perdue sans pour autant supprimer le titre original) ne situe pas son action après la campagne principale, comme on aurait pu s’y attendre, mais bien pendant – un peu à la façon dont Forge of Virtue et The Silver Seed se déroulaient en parallèle d’Ultima VII et de Serpent Isle.

Deux régions viennent donc s’ajouter à la carte du monde : à l’extrême-nord, la ville de Barbe d’Ulgoth servira en quelque sorte de hub de quêtes pour accéder à l’essentiel du reste du contenu de l’extension, entre un labyrinthe où sont prisonniers divers magiciens, l’épave du mythique navire de Baldurien échoué sur une île peuplée de loups-garous, et surtout diverses requêtes envoyant le groupe du joueur vers ce qui constituera le plat de résistance de l’extension : la tour de Durlag, sorte de donjon géants sur plusieurs étages avec énigmes, pièges et monstres à gogo et même boss final. De quoi occuper un groupe déjà d’un bon niveau entre cinq et dix heures, et lui offrir l’occasion d’amasser encore davantage de butin et d’expérience. Bien évidemment, proposer des donjons additionnels à des joueurs qui avaient alors pour la plupart déjà fini le jeu n’aurait offert que peu d’intérêt à partir du moment où ceux-ci avaient sans doute déjà atteint le plafond d’expérience fixé à 89.000 points par personnage, c’est pourquoi celui aura été repoussé à 161.000 – l’occasion de gagner un à deux niveaux de plus selon les classes, et surtout de laisser les magiciens se faire plaisir avec des sorts de niveau cinq. Et histoire de ne pas déséquilibrer le jeu de base, le combat final y a également été rendu plus difficile, pour éviter que vos personnages hyper-balèzes ne viennent à bout d’un combat censé être dantesque avec une main dans le dos.

Comme souvent, on ne trouvera rien ici qui transcende l’expérience de base : les nouvelles quêtes sont pour la plupart bien écrites et la tour de Durlag présente quelques moments de bravoure – quelques bugs aussi, hélas, qui m’auront valu de ne pas avoir pu la terminer parce que des portes censées rester ouvertes avaient enfermé éternellement mon groupe – mais on reste fidèlement dans les clous de l’aventure initiale, et ce n’est sans doute pas plus mal. Ces ajouts seront de toute façon à peu près indissociables du contenu d’origine pour les joueurs actuels, puisque l’extension est incluse par défaut dans toutes les versions commerciales du jeu, y compris dans l’assez dispensable Enhanced Edition de 2012. tant qu’à faire, on ne va quand même pas se plaindre de quelques monstres, objets, quêtes et sortilèges en plus, non ?

NOTE FINALE : 16/20

Baldur’s Gate : Tales of the Sword Coast est une extension au sens littéral du terme, puisqu’elle ne prolonge pas la quête principale mais se contente d’ajouter du contenu, d’ailleurs assez bien agencé, à la Côte des Épées : des régions supplémentaires, un donjon massif, des sortilèges et des monstres à gogo, et encore un peu plus de loot pour faire face à un combat final désormais survitaminé. Rien de très surprenant, mais dès l’instant où on apprécie Baldur’s Gate, cette extension peut être considérée comme un ajout indispensable – cela tombe bien, c’est désormais le cas dans toutes les versions du jeu disponibles à la vente.

Super Tetris

Développeur : Sphere, Inc.
Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc.
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.x)AmigaMacintosh
Présent dans les compilations :

  • 3 in One : Macintosh Best Sellers Collection (1992 – Macintosh)
  • Hits for Six : Volume Nine (1994 – PC (DOS))
  • 5 Plus One : Pack 6 (1996 – PC (DOS))

La série Tetris (jusqu’à 2000) :

  1. Tetris (1984)
  2. Welltris (1989)
  3. Faces… tris III (1990)
  4. Tetris 2 + Bombliss (1991)
  5. Super Tetris (1992)
  6. Tetris 2 (1993)
  7. Tetris Battle Gaiden (1993)
  8. Super Tetris 3 (1994)
  9. Tetris Blast (1995)
  10. V-Tetris (1995)
  11. 3-D Tetris (1996)
  12. Tetris Attack (1996)
  13. Tetris Plus (1996)
  14. Tetris S (1996)
  15. Tetrisphere (1997)
  16. Tetris : The Grand Master (1998)
  17. Tetris DX (1998)
  18. Tetris 64 (1998)
  19. Magical Tetris Challenge (1998)
  20. Tetris 4D (1998)
  21. Sega Tetris (1999)
  22. The Next Tetris (1999)
  23. The New Tetris (1999)
  24. Kids Tetris (1999)
  25. Tetris with Carcaptor Sakura : Eternal Heart (2000)
  26. Tetris the Absolute : The Grand Master 2 (2000)

Version PC (DOS/Windows 3.x)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1 à 2 (en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette Windows émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)
Système de protection de copie par consultation du manuel

Versions Windows 3.x :
Processeur : Intel 8088/8086 – OS : Windows 3.0 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La grande question de la succession à l’immense Tetris aura rapidement représenté une colle un peu plus coriace que prévu pour le studios occidentaux. Loin de générer immédiatement un genre à part entière composé de clones faciles à programmer, le titre d’Aleksei Pajitnov se sera révélé être un trop bon concept, de ceux qu’il est très délicat d’altérer sans les détruire dans le processus, et en dépit de son succès planétaire quasi-immédiat, la poule aux œufs d’or se sera révélée difficile à traire – je me comprends.

Du côté des américains de Spectrum Holobyte, les deux premières approches – pourtant hautement rationnelles – avaient fait chou blanc : Welltris, la suite officielle auréolée de la caution du créateur de la licence en personne, n’aura jamais ne fut-ce qu’égratigné le plébiscite atteint par son prédécesseur, quant à la piteuse tentative de Faces… tris III, elle aura achevé de démontrer qu’il ne suffisait pas de pondre n’importe quoi et de mettre le noms de Tetris dessus pour que ça se vende. Restait donc une troisième possibilité, un peu plus délicate car reposant par définition sur un subtil équilibre : proposer une suite avec suffisamment de nouveautés pour pouvoir être qualifiée comme telle, mais en restant suffisamment proche de l’inépuisable concept initial pour ne pas décontenancer les joueurs. Terrain glissant s’il en est, mais il aurait été dommage d’enterrer trop vite une licence aussi prometteuse, c’est pourquoi un certain Super Tetris finit bel et bien par se matérialiser au début de l’année 1992, deux ans après le fiasco d’un troisième épisode que tout le monde avait déjà oublié.

Le simple nom de Super Tetris est déjà intéressant en ce qu’il constitue tout un programme : ce n’est pas une suite, puis qu’il n’y a ni « 2 » ni « 4 » derrière (Face… tris III avait bien un numéro, mais c’était plus pour tenter piteusement de raccrocher le jeu à la saga que par réelle cohérence), c’est une version « Super » ; comprendre par là une version dopée du contenu initial. De fait, la partie solo repose une nouvelle fois sur un unique mode de jeu – il est toujours possible de choisir son niveau de départ et même de jouer avec une limite de temps, au hasard pour éviter d’être surpris par l’arrivée du patron à la fin de la pause déjeuner) – mais celui-ci n’est pas tout à fait le mode « illimité » qu’on avait toujours connu, et qui reste celui qui subsiste encore de nos jours.

En fait, Super Tetris est bel et bien une variante : quoi qu’il arrive, la moitié inférieure du plateau de jeu est systématiquement occupée par des lignes quasi-complètes, et l’objectif va être de faire disparaître un certain nombre de ces lignes pour pouvoir accéder au prochain niveau, où il faudra alors refaire la même chose avec des pièces tombant un peu plus vite. La première difficulté est donc que tout ce que le joueur « construit » au-dessus de ces lignes à éliminer ne sert pour ainsi dire qu’à le gêner : il n’est plus possible de jouer à Tetris à sa manière, toute la stratégie doit être orientée vers le ménage du bas de tableau, et c’est d’autant plus indispensable que le nombre de pièces alloué par le jeu – figuré par un compteur à gauche – est à présent limité. Le fait d’effacer une ligne a beau vous allouer deux pièces supplémentaires à chaque fois, le joueur sera doublement pénalisé de se placer dans une situation difficile – autant donc être prévenu : être mal engagé est devenu plus punitif encore dans cette version.

Le jeu introduit pourtant une idée originale, et pour tout dire assez gonflée, afin de laisser au joueur l’occasion de rattraper (une partie de) ses erreurs : les bombes. Concrètement, pour chaque ligne effacée, deux bombes viendront s’intercaler avant la prochaine pièce (si vous venez d’effacer quatre lignes, vous recevrez donc un ensemble de huit bombes) et permettront de détruire chacune le bloc avec lequel elle rentrent en collision.

Un très bon moyen, avec un peu de pratique, de se débarrasser précisément de ce qui gêne l’accès aux lignes inférieures, offrant ainsi une très originale gestion stratégique des erreurs – ou une optimisation sur mesure. Le programme y additionne également d’autre type de blocs – tous dans la partie inférieure – qui ajoutent une nouvelle fois un peu de piment : les éclairs détruisent toute la ligne à laquelle ils sont liés, les blocs explosifs font sauter tous les blocs alentours (ces deux types de blocs sont donc à activer spécifiquement avec des bombes), et les blocs affichant une ligne bleue permettent d’invoquer le Graal des combinaisons majeures : le tétrimino prenant la forme d’une ligne de quatre. Bref, de quoi renouveler un peu le jeu sans pour autant (trop) le trahir : le pied.

Jusqu’ici, le bilan est assez flatteur, et il ne fait que s’améliorer lorsqu’on jette un œil à la réalisation du jeu. Certes, on a par définition assez peu de temps pour s’intéresser aux illustrations qui décorent l’interface au fil d’une partie, mais il faut reconnaître que de ce côté-là, Sphere – qui a placé tout le jeu sous la thématique du cirque de Moscou, sans doute parce que c’était plus convivial que les chars russes envahissant l’Afghanistan – a mis le paquet. Dans sa version DOS, le jeu déploie toute la palette de 256 couleurs du VGA, et dans son itération Windows, il est même possible de jouer en SVGA – à savoir en 640×480 et 256 couleurs – ce qui n’était pas encore très courant en 1992.

Autant dire que la lisibilité est parfaite, même si on pourra se demander pourquoi le plateau en lui-même reste quoi qu’il arrive en 16 couleurs dans la version Windows. La musique, pour sa part, ne laisse entendre qu’une seule boucle par niveau avant de sombrer dans le silence, ce qui l’empêche de devenir fastidieusement répétitive. La jouabilité reconnait à peu près tout ce qui peut se brancher sur un ordinateur – clavier, joystick et souris –, ce qui est d’autant mieux que le titre compte un mode compétitif et un mode coopératif à deux joueurs, lesquels se limitent à jouer simultanément avec deux sets de pièces sur le même plateau plutôt que d’utiliser deux plateaux distincts. Des modes qui ont le mérite d’exister, mais qui sont encore très loin d’offrir les possibilités jouissives qu’allait imaginer la même année (mais d’abord uniquement au Japon, hélas) le deuxième opus des Puyo Puyo.

Le véritable problème de Super Tetris, cependant, est ce qu’on pourrait appeler une erreur de débutant : avoir oublié d’inclure Tetris. Car bien que les nouveautés soient intéressantes et que le nouveau mode de jeu puisse se révéler aussi addictif que l’ancien, les joueurs ne goutant pas les quelques limites de cette nouvelle approche – comme par exemple le fait d’être cantonné à la moitié supérieure du plateau quoi qu’il arrive, le fait que toute la construction soit désormais orientée vers la base ou encore une difficulté qui devient à peu près insurmontable dès que la vitesse augmente, c’est à dire dès le niveau six – auront de bonne raison de râler en constatant que le mode « illimité » de base tel qu’on l’a toujours connu n’est tout simplement pas disponible !

C’est sans doute là la dernière leçon qu’il restait à apprendre pour Spectrum Holobyte : il vaut mieux ajouter du contenu à un jeu comme Tetris que remplacer le contenu existant, car le public de destination du jeu – à savoir les fans de Tetris premier du nom – risque également d’être le moins réceptif aux nombreuses altérations de ce Super Tetris. Un paradoxe qui explique sans doute que cet épisode, pourtant objectivement bien pensé, ait une nouvelle fois échoué à égratigner le succès du titre original : à bien des niveaux, il offre à la fois trop et pas assez. Cela reste une curiosité un peu à part dans la série des Tetris, et une qui saura sans doute conquérir quelques curieux de nos jours – mais les fans irréductibles de la saga ? Ils feraient bien de se méfier : ce Tetris-là n’est pas forcément celui qu’ils aiment.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Après quelques expériences plus ou moins heureuses, Super Tetris a le mérite de revenir aux bases... du moins en apparence. Le titre de Sphere a des idées en stock – souvent bonnes, qui plus est, c'est indéniable ; son seul véritable défaut est de les imposer au joueur sans lui laisser l'opportunité de s'essayer au mode qui a toujours été le socle de la licence. Désormais cantonné à une sorte de « demi-plateau » pendant l'intégralité de la partie, le joueur a souvent l'occasion de se sentir à l'étroit, surtout dans les niveaux les plus rapides, et l'unique mode de jeu solo tend rapidement à dégager la même impression que ses deux modes multijoueurs : bien essayé, mais encore bancal. Un épisode un peu à part qui risque fort de ne pas plaire à tout le monde – à essayer.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un seul mode de jeu solo...
– ...et aucune possibilité de s'adonner au Tetris traditionnel
– Des modes multijoueurs qui ont le mérite d'exister, mais qui demeurent maladroits
– Une difficulté ingérable dans la deuxième moitié du jeu, pas du tout adaptée à la nouvelle approche

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Super Tetris sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Tous ces ajouts ne suffisent malheureusement pas à renouveler Tetris et ne font au final que disperser l’attention. La difficulté, modérée jusqu’au niveau 5, devient infernale au niveau (sic) 6 et 7, ce qui est assez désagréable. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°100, mars 1992, 14/20

Version Amiga

En 1992, le marché de l’informatique avait déjà bien changé, et on constatera rapidement que le bal des portages qui était encore la règle quelques années plus tôt ne se sera cette fois pas aventuré bien loin. L’Amiga, toujours un bon client pour le marché européen aura naturellement été servi – contrairement à l’Atari ST – et sa version de Super Tetris permet surtout de mesurer à quel point ses capacités graphiques commençaient à pâtir de la comparaison avec ce que proposait le VGA, surtout quand elles n’étaient pas très bien employées. On ne va pas dire que le jeu est devenu moche, mais les illustrations donnent l’impression d’être passées à travers un mauvais filtre aux teintes particulièrement mal choisies, et dans l’ensemble on ne retrouve pas le déluge de couleurs des versions sur PC – et naturellement, rien de la finesse de la version Windows. La bonne nouvelle étant que le contenu et la jouabilité, eux, n’ont changé en rien, mais Spectrum Holobyte aurait sans doute mieux fait de faire appel à des développeurs européens, plus à l’aise avec la machine, pour assurer la conversion.

NOTE FINALE : 14,5/20

En dépit d’un contenu et d’une jouabilité identiques à ceux des versions PC, Super Tetris ne brille pas exactement de mille feux sur Amiga, la faute à une réalisation graphique terne aux teintes délavées qui ne rend pas exactement justice au cirque de Moscou. Rien de rédhibitoire, mais il y avait mieux à faire.

Les avis de l’époque :

« Quant au jeu lui-même, je ne serai pas totalement de l’avis de Jean-Loup. Les bonus variés permettent une multitude de stratégies différentes. Certains choisiront de privilégier le score, d’autres la sécurité, d’autres encore l’accès au niveau suivant. le nombre limité de pièces, qu’il faut renouveler en complétant des lignes ou en récupérant les bonus correspondants apporte aussi un certain piment. Mais surtout les bombes gagnées à chaque ligne complétée introduisent une dimension très rare dans les jeux actuels : la gestion des erreurs. »

Jacques Harbonn, Tilt n°106, octobre 1992, 16/20

Version Macintosh

Dernier servi, le Macintosh fournit, comme souvent avec la machine d’Apple, une prestation solide. Ce qui n’empêche pas cette version de Super Tetris d’être techniquement légèrement inférieure à l’édition Windows, sa résolution en 512×384 restreignant sa fenêtre de jeu à une zone de 512×322 – encore assez loin, donc, des 632×434 de la fenêtre SVGA (qui nécessitait, certes, une très bonne carte graphique). Pour le reste, on retrouve le jeu pratiquement à l’identique, même si on pourra regretter qu’il soit impossible de jouer au joystick – et également, de façon plus surprenante, à la souris, le programme lui préférant un obscur périphérique commercialisé par Gravis ! Le multijoueur est pour sa part toujours présent, avec la possibilité de s’affronter par câble réseau conservée, et on hérite donc d’un portage qui ne devrait pas laisser les joueurs Macintosh écumer de jalousie devant la version PC.

NOTE FINALE : 15/20

Prestation sans surprise pour Super Tetris sur Macintosh, qui ne souffre pour ainsi dire que de la disparition du jeu au joystick et à la souris en plus d’une résolution légèrement inférieure à celle de la version Windows – mais cela reste très anecdotique dans ce dernier cas.

Faces …tris III

Développeur : Sphere, Inc.
Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc
Titre alternatif : FacesTris (appellation commune)
Testé sur : PC (DOS)MacintoshAmiga
Présent dans la compilation : Triple Tris Challenge (1993 – PC(DOS))

La série Tetris (jusqu’à 2000) :

  1. Tetris (1984)
  2. Welltris (1989)
  3. Faces… tris III (1990)
  4. Tetris 2 + Bombliss (1991)
  5. Super Tetris (1992)
  6. Tetris 2 (1993)
  7. Tetris Battle Gaiden (1993)
  8. Super Tetris 3 (1994)
  9. Tetris Blast (1995)
  10. V-Tetris (1995)
  11. 3-D Tetris (1996)
  12. Tetris Attack (1996)
  13. Tetris Plus (1996)
  14. Tetris S (1996)
  15. Tetrisphere (1997)
  16. Tetris : The Grand Master (1998)
  17. Tetris DX (1998)
  18. Tetris 64 (1998)
  19. Magical Tetris Challenge (1998)
  20. Tetris 4D (1998)
  21. Sega Tetris (1999)
  22. The Next Tetris (1999)
  23. The New Tetris (1999)
  24. Kids Tetris (1999)
  25. Tetris with Carcaptor Sakura : Eternal Heart (2000)
  26. Tetris the Absolute : The Grand Master 2 (2000)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément, via modem et câble null-modem) – 1 à 10 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Carte son supportée : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À une époque où le puzzle game n’était pas encore un genre à part entière – mais travaillait précisément à le devenir –, le succès international de Tetris aura eu de quoi faire cogiter bien des développeurs (et des commerciaux) désireux de reproduire le tabac du titre d’Alexei Pajitnov. On aura déjà vu en ces pages comment Spectrum Holobyte aura récupéré les droits du jeu pour le territoire américain alors même que ceux-ci n’avaient pas encore été négociés avec les russes, puis comment un certain Welltris était parvenu à accomplir une première fois ce que tout le monde cherchait à réaliser : une suite qui renouvèle le concept tout en lui restant familier.

Désireux de continuer à profiter de leur planche à billets magique, les responsables de Spectrum Holobyte auront donc confié une nouvelle fois aux équipes de Sphere la responsabilité d’accoucher d’un clone de Tetris qui soit davantage qu’un clone de Tetris tout en en restant suffisamment proche pour pouvoir continuer à être appelé Tetris – ou, a minima, un truc en « tris » comme l’avait été le deuxième épisode. Vaste programme, car quoi qu’on en dise, les possibilités ne paraissaient pas illimités – et des concurrents à la Columns ou à la Block Out avaient déjà commencé à voir le jour, entretenant la pression pour sortir ZE idée simple-mais-géniale. Le truc, c’est que du côté de chez Sphere – surtout connu jusqu’alors pour ses simulations comme Falcon, Vette! ou Stunt Driver –, on n’avait pas nécessairement un Alexei Pajitnov de substitution pour pondre en vitesse une idée géniale aux répercussions planétaires. Alors, faute de réinventer la poudre, on aura tenté un coup de poker : un jeu en « tris » qui se revendique de Tetris… mais qui ressemble, dès le départ, à une mauvaise idée – sans doute parce que c’en est une.

À la grande question « Mais qu’est-ce qu’on pourrait bien assembler comme machins cette fois ? », après les tétriminos ou les couleurs, quelqu’un aura donc eu l’illumination de proposer des visages. Faces …tris III, comme son nom l’indique, n’est donc pas un jeu qui vous demande d’assembler des lignes, mais bien des mentons, bouches, nez, yeux et autres front pour arriver à reconstituer des têtes entières.

Si le principe est toujours d’assembler des « blocs » (correspondant aux diverses parties susmentionnées) qui tombent du haut de l’écran et d’empêcher que ceux-ci ne viennent s’empiler jusqu’à atteindre son sommet, il ne sera pas question ici de les faire pivoter ; le gameplay aura donc imaginé une alternative en imposant de manier deux blocs à la fois, en parallèle, la touche d’action servant cette fois non à les faire tourner mais simplement à échanger leur position. On devra donc s’efforcer non seulement de façonner des visages selon des règles précises (un visage constitué sans mélanger les éléments de divers portraits rapporte davantage de points et fait disparaître tous les blocs inutiles de sa colonne), mais de les faire deux par deux, quitte parfois à manœuvrer finement pour éviter de bloquer une construction en en réalisant une autre. Voilà pour le concept. Sur le papier, on sent déjà quelques points problématiques, mais l’idée se défend. La (deuxième) grande question étant à présent « et dans les faits ? ». Eh bien c’est là que les problèmes dont on subodorait l’existence se confirment, et en vitesse.

Commençons par adresser le problème le plus évident : la grande force de Tetris, c’était à la fois la simplicité et la versatilité de son approche. Avec simplement sept formes différentes, les combinaisons pour former des lignes étaient nombreuses, rapides à imaginer et immédiatement compréhensibles. Avec des visages… eh bien il est hors de question de les assembler autrement que de la façon prévue, depuis le menton jusqu’au front, et ce n’est pas négociable.

Autant dire que cela limite drastiquement les stratégies, surtout quand le fait de devoir composer avec deux blocs à la fois impose de facto un tableau divisé en deux moitiés où il est très difficile de sacrifier une colonne pour se « défausser » des pièces surnuméraires. Ici plus que dans n’importe quel autre puzzle game, si les pièces n’arrivent pas dans le bon ordre, vous ne pouvez tout simplement rien faire d’autre que les empiler dans un coin – ou dans deux – en attendant que la partie désirée arrive. S’il vous faut une bouche, vous devez attendre une bouche et si elle n’arrive pas, pas question de créer un façonnage en catastrophe comme on pouvait se résoudre à le faire quand la fameuse ligne de quatre ne se présentait pas dans Tetris : vous êtes foutu, et tant pis pour vos capacités d’adaptation qui, très honnêtement, ne seront jamais réellement consultées.

Dès lors, tout ce qui faisait la force de Tetris – et du genre dans son ensemble –, à savoir la capacité à improviser le plus vite possible avec ce qu’on nous offre, n’a pas vraiment cours ici où on est d’autant plus tributaire de ce qu’on nous offre que le tableau ne permet de bâtir que cinq colonnes simultanément.

Bref, une fois qu’une partie commence à être très mal embarquée, il est souvent à peu près impossible de corriger le tir, et le simple fait de parvenir à terminer un niveau en assemblant dix visages différents risque déjà de constituer une performance difficile à accomplir. Ce n’est pas tant qu’on passe un mauvais moment sur Faces …tris III, c’est surtout que passé la curiosité face au concept loufoque et à ses mécanismes un peu déstabilisant, il ne reste plus grand chose pour s’amuser faute de réelle profondeur – ce qui revient à dire que le jeu a essoré la quasi totalité de son potentiel ludique au bout d’un quart d’heure, peut-être le double si vous êtes vraiment curieux. Mais le côté addictif du père fondateur du genre ne se manifeste jamais vraiment ici, où l’on fait strictement la même chose d’un bout à l’autre sans aucune possibilité d’aborder les situations différemment.

Pour ne rien arranger, ce ne sont pas les modes de jeu qui vont venir allonger la sauce, puisqu’il faudra se contenter des dix niveaux du jeu et d’un mode « avancé » consistant en exactement la même chose, mais en plus rapide. La réalisation n’a rien d’inoubliable, entre des décors fades et des portraits de personnalités historiques n’ayant rien d’emballant – le seul niveau du jeu mettant en scène des monstres dans une ambiance de film d’horreur constituant l’unique bouffée d’originalité dans un univers trop monochrome et qui sent rapidement la poussière.

Même si on notera la possibilité de pouvoir importer ses propres portraits ou encore un mode deux joueurs via modem ou câble null-modem, c’est tout simplement le cœur du jeu qui montre trop vite ses limites, et on comprend assez rapidement les raisons pour lesquelles le titre semble n’avoir jamais quitté le continent américain et qu’on n’en ait pour ainsi dire jamais entendu parler de par chez nous. Reste une curiosité qui a de quoi, comme à sa sortie, soulever un intérêt poli le temps de quelques parties avant de retourner prendre sa place éternelle dans l’oubli qu’elle mérite. Parfois, il vaut mieux reconnaître qu’on n’a plus d’idées et passer à autre chose – Faces …tris III ne restera dans les livres d’histoire les plus exhaustifs que comme la première (et dernière ?) grosse impasse de la licence.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 09,5/20

L'obsession mercantile visant à essorer le succès du mythique Tetris jusqu'à l'ultime molécule de la dernière goutte aura parfois accouché de propositions originales, certes, mais ludiquement aussi mal pensées que farfelues. Faces ...tris III est un de ces logiciels dont il ne faut guère plus de quelques minutes pour constater qu'il s'agit d'une mauvaise idée : les possibilités ludiques très limitées résultant d'un concept qui paraissait boiteux dès le départ permettent au titre de bénéficier d'une certaine curiosité le temps de quelques parties avant de constater qu'il ne se renouvèle jamais et qu'il manque cruellement de finitions. Vous n'en aviez jamais entendu parler ? Essayez et vous comprendrez pourquoi.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un concept simplement mal pensé au gameplay qui montre trop vite trop de limites
– Très peu de modes de jeu...
– ...et un multijoueur qui ne montre pas plus d'intérêt que le solo

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Faces …tris III sur un écran cathodique :

Version Macintosh

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on l’a vu, on peut hasarder que Faces …tris III ait été un jeu pensé en premier lieu pour le marché américain, sans doute en guise de galop d’essai avant de s’aventurer sur le marché international – et probablement d’y renoncer, à en juger par le peu de portages existants. Le Macintosh aura en tous cas fait partie des trois heureuses (?) machines à avoir hébergé le jeu, et comme on pouvait s’y attendre, le résultat est très proche de la version PC. Certes, la résolution est plus élevée, mais comme le prouve l’écran-titre redimensionné à la truelle (observez la forme des pixels du dégradé), on ne s’est pas embarrassé à tout redessiner pour l’occasion, mais le résultat est déjà plus convaincant une fois en jeu. Le menu principal se résume désormais au choix du niveau, du mode et du nombre de joueurs, toutes les autres options ayant basculé dans le menu déroulant en haut de l’interface. Le contenu et les possibilités sont identiques à ceux de la version originale, à une petite nuance près : la disparition du jeu à deux par modem et câble null-modem. Ça ne change objectivement pas grand chose à un titre toujours aussi limité, mais qui devrait se laisser découvrir une demi-heure.

NOTE FINALE : 09,5/20

Faces …tris III débarque sur Macintosh sans trop se fouler : si la réalisation est un peu plus fine, il faudra en revanche tirer un trait sur un mode deux joueurs de toute façon très anecdotique. Les joueurs curieux de découvrir cette suite de Tetris dont ils n’ont jamais entendu parler seront au moins heureux de pouvoir le faire également sur la machine d’Apple.

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Faces …tris III aura également tenté un timide passage sur Amiga – qui n’aura, comme on le sait, jamais rencontré aux États-Unis le succès connu par son illustre prédécesseur, le Commodore 64. On hérite pour l’occasion de l’interface de la version Macintosh avec le contenu de la version PC – oui, le mode deux joueurs par modem ou câble null-modem est de retour. À cette nuance près, et en incluant la possibilité de jouer au joystick, on hérite d’une version graphiquement légèrement moins colorée que sur les deux autres ordinateurs – mais sincèrement, on ne peut pas dire que la différence soit bouleversante. La réalisation sonore étant, pour sa part, toujours aussi discrète (et nécessitant 1Mo de RAM !), on hérite d’un portage équivalent à la version originale, dans ses (rares) forces comme dans ses (nombreuses) limites.

NOTE FINALE : 09,5/20

Comme sur les autres systèmes, Faces …tris III sur Amiga offre un contenu maigrelet et une réalisation plus fonctionnelle qu’ébouriffante au service d’un concept qui s’essouffle affreusement vite. Au moins récupèrera-t-on ici la possibilité de jouer à deux, mais je doute que vos amis se bousculent pour expérimenter ce mode.

Missile Command (Atari)

Développeur : Atari, Inc.
Éditeur : Atari, Inc.
Titres alternatifs : Comando de Mísseis (Brésil), Füze Savaşları (Turquie)
Testé sur : ArcadeAtari 8 bitsAtari 2600Atari 5200Atari STGame BoyPC (Windows 3.1)MacintoshLynxPlayStationSaturnSuper NintendoGame Boy ColorPC (Windows 9x)
Disponible sur : Antstream, navigateur, Plex Arcade, Windows, Xbox 360
Présent au sein des compilations :

  • Microsoft Arcade (1993 – Windows 3.1, Macintosh)
  • Arcade Classic 1 : Asteroids / Missile Command (1995 – Game Boy)
  • Super Asteroids and Missile Command (1995 – Lynx)
  • Midway Presents  : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1 (1996 – PlayStation, Saturn, Super Nintendo)
  • Atari Arcade Hits : Volume 1 (1999 – PC (Windows 9x)
  • Atari : 80 Classic Games in One! (2003 – Windows)
  • Atari Vault (2016 – Windows)
  • Atari Flashback Classics (2018 – PS Vita, Switch)
  • Atari Collection 1 (2020 – Evercade)
  • Atari Arcade 1 (2021 – Evercade)
  • Atari 50 : The Anniversary Celebration (2022 – Atari VCS, PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Windows, Xbox One, Xbox Series)

En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Missile Command (jusqu’à 2000) :

  1. Missile Command (Atari) (1980)
  2. Missile Command 3D (1995)
  3. Missile Command (Meyer Glass Interactive) (1999)

Version Arcade

Date de sortie : Juin 1980
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : Borne
Contrôleur : Un trackball et trois boutons
Version testée : Version internationale, révision 3
Hardware : Processeurs : MOS Technology 6502 1,25MHz ; Atari C012294 POKEY 1,25MHz
Son : Haut-parleur ; Atari C012294 POKEY 1,25MHz ; 1 canal
Vidéo : 256 x 231 (H) 61,035156Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Quand on y pense, la peur constitue un mécanisme vidéoludique assez étrange. Partant du principe qu’on joue pour se distraire, pour parvenir à oublier un instant l’indicible angoisse qu’est l’existence humaine (je schématise), pourquoi irait-on en plus jouer à se faire peur ?

Mais de façon plus rationnelle, de la même manière que l’humour est la plus grande arme pour transgresser les sujets tabous et se rire de nos angoisses, le jeu vidéo peut également constituer un élément cathartique de premier ordre pour transcender une peur et s’en amuser – littéralement. Prenez la lancinante terreur de l’holocauste nucléaire, par exemple. C’est une peur qui s’est un peu dissipée depuis quarante ans, et plus spécifiquement depuis la chute du bloc de l’Est (mais bon, comme à peu près tout ce qui a été à la monde il y a moins d’un demi-siècle, elle tend à revenir…). Néanmoins, c’était un sujet d’inquiétude récurrent, majeur, permanent, à la fin des années 70, à une période qui vivait avec la cicatrice encore un peu trop vive de la crise des missiles de Cuba ; une épée de Damoclès qui semblait planer au-dessus de la planète entière… dès lors, quel meilleur sujet pour une borne d’arcade ? Avec Missile Command, on se rit de l’hiver nucléaire : de toute façon, il arrivera. À nous de le repousser au maximum !

Le principe est simple – et, comme souvent avec les titres fondateurs, c’est là qu’est tout son génie. Prenez une région innocente (ou pas, à vous de le décider en fonction de ce qui conviendra à votre conscience : de toute façon, elle n’est pas nommée, donc vous avez toute latitude) constituée de six villes maladroitement groupées les unes à côté des autres.

Au-dessus d’elles, un ciel d’où va pleuvoir l’enfer : des projectiles explosifs capables de raser une ville, des bombardiers et des satellites capables de lâcher davantage de missiles à plus basse altitude, et même des bombes guidées dotées de la faculté de changer de trajectoire pendant leur chute. Au sol : les villes, donc, mais aussi et surtout trois bases lances-missiles : une à gauche, une à droite et une dernière au centre. Chacune dispose de sa propre réserve de munitions et de son propre bouton de tir, et votre mission va donc naturellement d’utiliser vos propres missiles pour arrêter ceux de l’adversaire et empêcher qu’il ne rase vos cités… ou vos bases, puisque cela vous priverait d’une large part – voire de la totalité – de votre puissance de feu. Chaque ville préservée, chaque missile conservé viendra grossir votre score à la fin d’une vague, et à chaque incrément d’une valeur donnée (par défaut, 10.000 points), le jeu rebâtira une de vos villes malencontreusement rasée. Perdez toutes vos villes, et vous perdez la partie. Simple, efficace.

En l’état, on pourrait penser que le concept se limitant à déplacer un viseur avec le trackball de la borne montrerait très vite ses limites, mais le fait est que le jeu est aussi simple à appréhender qu’il est difficile à maîtriser – essayez donc de survivre plus de cinq minutes si vous voulez comprendre de quoi je parle.

Car en dépit de l’absence totale de fioritures (pas de bonus, pas de « soucoupe volante » à la Space Invaders pour chercher à gratter du score additionnel, pas de power-up), c’est précisément le mélange entre la précision, l’anticipation (vos missiles mettent un certain temps à arriver jusqu’à leur cible, d’où un besoin constant de prévoir en un instant où devra se produire l’interception) et la stratégie (savoir répartir intelligemment l’emploi des différentes base en fonction de leurs munitions et de la proximité de la menace, savoir « sacrifier » certaines villes pour défendre un réduit lorsque les missiles – ou les bases – viennent à manquer) qui fonctionne à merveille. La menace n’a même pas réellement besoin de se renouveler : le simple fait de composer avec le nombre et la vitesse sans cesse croissants des projectiles adverses est largement suffisant pour vous scotcher à la borne d’un bout à l’autre, et même pour vous pousser à remettre une pièce histoire de montrer qui commande ici. Voilà. le fun, c’est ça.

Le plus impressionnant reste de constater à quel point le côté bêtement addictif de la borne fonctionne encore, même avec plus de quarante ans de recul. Certes, la réalisation est minimaliste, et il ne reste pour ainsi dire rien à voir ni à entendre aux yeux d’un joueur de l’actuelle génération, mais ce qui suscite à merveille cette petite tension et cette envie de retourner faire mieux, c’est cette conviction trompeuse selon laquelle ce devrait être simple : déplacer un viseur pour tirer, quel concept plus évident ? Comment pourrait-on se faire déborder en moins de trois minutes alors que tout est si clair, si lisible, si prévisible presque, si organisé ?

Et pourtant, toujours, on finit par avoir un missile qui passe pour avoir tenté un timing un peu trop serré, un bombardier dont on s’occupe un dixième de seconde trop tard, une base qui saute pour avoir négligé ce satellite isolé un instant de trop… Oui, factuellement, on peut dire qu’on a vu tout ce que le jeu a à offrir au bout d’une minute, mais le mieux est que ça n’a tout simplement aucune incidence sur le plaisir que l’on peut éprouver à jauger une centième fois sa capacité à gérer quinze choses à la fois à la façon d’un chef d’orchestre. Missile Command, c’est cela : un menu dont on connait le moindre ingrédient de chaque plat et auquel on a déjà goûté un million de fois, mais hé, ce n’est pas pour cela que c’est moins bon. Si vous cherchez à comprendre quelle était cette inexplicable magie qui poussait des gens très sérieux à aller dépenser beaucoup d’argent durement gagné dans des salles d’arcade, vous en avez un très bon exemple ici. Comme le disait si bien Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 13,5/20

Comme tous les concepts simples mais géniaux qui fleurissaient à l'âge d'or des salles d'arcade, Missile Command est exactement le type de jeu dont on peut aussi bien estimer avoir fait le tour – à raison – au bout de vingt secondes tout comme y revenir régulièrement pendant des semaines, des mois, des années – voire des décennies. Trois réserves de missiles, une poignée de villes à protéger, des menaces qui demandent à être anticipées et priorisées, et voilà de quoi rester concentré pour des parties de deux minutes avant de s'y remettre pour la centième fois, frustré de s'être encore laissé déborder par les projectiles adverses. Pas de power-up, pas de smart bomb, pas de super bonus qui changent tout : juste un peu d'habileté, une pointe de stratégie et une certaine dose de réflexe sont tout ce qui est nécessaire, et c'est précisément là qu'est la force de la borne de David Theurer et Rich Adam. Pourquoi faire plus compliqué quand tout est déjà là ?


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un contenu fatalement limité se limitant à une toute petite poignée de nouvelles menaces et à des color swaps des décors

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Missile Command sur une borne d’arcade :

Version Atari 8 bits

Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, trackball
Version testée : Version cartouche testée sur Atari 800 XL PAL
Configuration minimale : Système : Atari 400/800, XL/XE – RAM : 8ko
Cartouche de 64kb

Au bal des portages d’une borne d’Atari, quoi de plus normal que de trouver, au premier rang, les machines d’Atari ? En dépit de la simplicité apparente d’adapter le concept de Missile Command aux systèmes domestiques, on réalise rapidement que plusieurs colles se seront présentées aux développeurs, le fait d’utiliser originellement un trackball et trois boutons n’étant pas le moindre. Dans cette version Atari 8 bits, le problème aura trouvé deux réponses : en ajoutant la possibilité de jouer avec un trackball (il suffit de faire CTRL+T en cours de partie), et en ne proposant plus qu’une seule base de missiles au lieu de trois. Conséquence : il n’est plus possible ici de sélectionner d’où tirer en fonction de la direction et de la proximité des projectiles, et il n’est plus possible de voir la totalité de ses réserves de missiles à l’écran. En-dehors de ces quelques sacrifices qui imposent de revoir quelque peu sa stratégie (mieux vaut protéger sa base de missiles en début de vague à n’importe quel prix !), la réalisation graphique reste très proche de celle de la borne (en moins fin), tout comme la réalisation sonore qui emploie le même processeur que la borne, et on retrouve les différentes subtilités comme les bombardiers ou les projectiles qui se divisent. Bref, sans être la transcription fidèle de la borne, l’essentiel y est, et si on préfèrera sans doute aujourd’hui se tourner directement vers la version originale, on peut encore passer quelques bons moments sur un jeu qui reste addictif à faible dose.

NOTE FINALE : 12,5/20

Porté sur la gamme 8 bits d’Atari, Missile Command y opère quelques sacrifices pas forcément nécessaires mais qui ne pénalisent pas trop lourdement l’expérience de jeu. Le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule base de lance-missiles est un peu dommage, mais l’équilibrage comme la réalisation permettent néanmoins de pouvoir enchaîner les parties avec plaisir exactement comme sur la borne. Une très bonne alternative pour l’époque.

Version Atari 2600

Développeur : Rob Fulop
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version cartouche PAL
Spécificités techniques : Cartouche de 32kb

Porté sur la vénérable console de salon d’Atari, Missile Command connait encore quelques sacrifices supplémentaires comparé à la version sur ordinateurs. Ainsi, non seulement il n’y a toujours qu’une seule base de lance-missiles, mais en plus les bombardiers et autres appareils volants ne sont plus de la partie, eux non plus : il faudra uniquement composer avec les missiles ennemis et avec les bombes intelligentes. Il n’est également plus possible de lancer plus de trois missiles à la fois, ce qui compose une difficulté pertinente d’un point de vue stratégique. De façon ironique, le jeu ne reconnait pas le trackball de la console, mais fonctionne très bien avec celui d’une ColecoVision utilisant le module de compatibilité avec l’Atari 2600 ! La réalisation est encore un peu plus grossière que sur Atari 400/800, mais on ne peut pas dire que cela fera une énorme différence aux yeux (et aux oreilles) d’un joueur du XXIe siècle. Dans l’ensemble, on regrettera de perdre plusieurs subtilités stratégiques dans cette version, mais on peut toujours tuer dix minutes de temps à autre dessus, ce qui ne se refuse pas. Les vrais curieux iront quand même directement tester la version arcade.

NOTE FINALE : 11,5/20

Cette version Atari 2600 de Missile Command aura encore dû rogner quelques angles, en perdant notamment ses bombardiers en plus des deux bases lance-missiles déjà sacrifiées par la version sur ordinateurs, mais cela n’empêche heureusement pas le concept du jeu de se révéler toujours aussi bêtement addictif. Les vieux briscards fonceront directement vers la borne, mais pour un néophyte voulant se défouler quelques minutes, il est saisissant de constater à quel point le potentiel ludique de cette antique cartouche de 32kb est toujours valable.

Version Atari 5200

Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1982
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, Trak-Ball
Version testée : Version cartouche
Spécificités techniques : Cartouche de 64kb

Comme souvent avec les versions Atari 5200, les choses vont être courtes : on est techniquement, face au calque parfait de la version parue sur Atari 400/800, qui utilisait le même hardware (la fameuse affirmation selon laquelle une Atari 5200 n’était pas grand chose de plus qu’un Atari 800 vendu sans son clavier étant assez proche de la vérité). La bonne nouvelle, c’est que le titre est ici particulièrement jouable avec le Trak-Ball de la console, et le reste avec son joystick de base. La mauvaise, c’est qu’il faudra une fois de plus se contenter d’une unique base lance-missiles et de color swaps un peu moins spectaculaires que sur la borne. Bref, un portage toujours aussi solide mais qui présente déjà moins d’intérêt à une époque où il est très facile d’émuler la borne.

NOTE FINALE : 12,5/20

Sans surprise, Missile Command livre sur Atari 5200 exactement la même performance que sur la gamme d’ordinateurs 8 bits de la firme. Le joystick comme le trackball de la machine se révèlent particulièrement adaptés au maniement du jeu et la réalisation fait toujours le travail, mais il faudra une fois de plus composer avec des adaptations qui ne seront pas forcément au goût des puristes.

Version Atari ST

Développeurs : Robert Zdybel et Gary Johnson
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Écran monochrome supporté

Évidemment, on se doute qu’Atari n’allait pas faire l’impasse sur le fleuron de sa flotte, l’Atari ST, au moment de porter Missile Command – et tant pis si cela signifiait développer le jeu sept ans après sa sortie sur borne d’arcade. Pour l’occasion, la réalisation se veut un peu plus travaillée, avec des villes plus détaillées et des explosions mieux dessinées, mais cela reste un grand fond noir sur lequel se découpe des traits colorés et pas grand chose de plus (et non, le color swap ne touche pas ici le fond de l’écran comme dans la version arcade). Il y a cette fois deux bases lance-missiles : une attribuée au bouton gauche et l’autre au bouton droit, car le titre se joue exclusivement à la souris ; une adaptation assez intelligente qui fait qu’on n’a toujours pas accès à la même profondeur de jeu que dans la version arcade, mais qu’on s’en approche. On gagne également quelques options de configurations destinées à moduler la difficulté de la partie et la fréquence d’apparition des villes bonus, voire de passer un certain nombre de vagues. Bref, le type d’adaptation qui n’impressionnait déjà plus personne en 1987, mais qui préserve assez intelligemment ce qui pouvait l’être sans avoir à lutter contre la jouabilité : un compromis honnête.

NOTE FINALE : 13/20

Assez intelligemment adapté au matériel – et en particulier à la souris – de l’Atari ST, Missile Command doit une fois de plus composer avec de légers sacrifices et avec une réalisation pas franchement éblouissante pour offrir une expérience qui ne rivalise pas tout-à-fait avec la borne, mais qui s’en approche. Un moyen comme un autre de découvrir le jeu en 1987, mais la chose a un peu perdu en intérêt depuis – sauf à être motivé par la curiosité.

Version Game Boy

Développeur : The Code Monkeys
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Mars 1992 (Amérique du Nord) – Octobre 1992 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura donc fallu attendre douze ans pour voir Missile Command faire une escapade (officielle) ailleurs que sur une machine estampillée Atari. L’heureuse élue aura été la Game Boy, qui doit pour l’occasion composer avec ses propres limites techniques, mais qui le fait plutôt bien. Le côté monochorme n’impacte pas vraiment un jeu qui ne comptait de toute façon pas beaucoup sur la couleur, et en dépit de la petitesse de l’écran et de la faiblesse de la résolution, les sensations demeurent assez bonne. Comme sur ST, il n’y a que deux bases de lance-missiles ici : une par bouton (dommage que le titre n’ait jamais eu droit à une version Mega Drive !), et on constatera que chaque niveau représente ici une ville réelle comme Le Caire ou Moscou, soit un bon prétexte pour changer régulièrement le décor de fond. Les équilibrages sont un peu différents de ceux de la borne (les explosions durent plus longtemps, mais les collisions sont un peu moins précises), mais dans l’ensemble on retrouve exactement ce qui faisait le sel de la version originale… à une base près. Oh, et n’espérez pas trouver la moindre option de configuration ici, ce qui fait quand même un peu pingre. À noter que la version du jeu présente dans la compilation Arcade Classic 1 : Asteroids / Missile Command sur la même console est exactement identique à celle-ci.

NOTE FINALE : 13/20

Quelques timides adaptations, certaines contraintes et d’autres bienvenues, aident cette adaptation de Missile Command sur Game Boy à fournir l’essentiel de ce qu’on était en droit d’attendre: une version lisible, jouable et correctement équilibrée. Dommage qu’absolument aucune option de configuration ne soit présente, cependant.

Version PC (Windows 3.1)
Microsoft Arcade

Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : Octobre 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : Windows 3.1 – RAM : 2Mo
Mode graphique supporté : VGA

Les années 90 auront vu apparaître les premières compilations de grands succès de l’arcade – ce qui correspondait, déjà, à du retrogaming. Dans le domaine, cette improbable compilation à destination de Windows 3.1 fait figure de pionnière, et force est de reconnaître que la retranscription est parfaitement fidèle à la borne. Cette fois, les trois bases lance-missiles sont bien là, ce qui signifie qu’il faut diriger le curseur avec la souris et tirer avec les touches Q, S et D, et très honnêtement ça n’est pas exactement ce qu’on peut appeler une contrainte majeure dès l’instant où on a deux mains. Le jeu tourne par défaut à la résolution de la borne mais peut être basculé en plein écran avec des graphismes plus fins, et la difficulté est équivalente à celle de la borne, sauf que de nombreuses options de configurations allant jusqu’à vous laisser régler la vitesse de vos missiles sont disponibles. Bref, c’est exactement ce qu’on voulait et cela permettait de découvrir Missile Command dans des conditions optimales longtemps avant l’existence de MAME. Que du bonheur.

NOTE FINALE : 14/20

De toutes les plateformes existantes, il aurait donc fallu que ce soit Windows 3.1 qui vienne offrir la première retranscription parfaitement fidèle de Missile Command, avec une jouabilité préservée et des options de configuration en pagaille. C’est littéralement la borne originale, mais en un peu mieux. Pourquoi se priver ?

Version Macintosh
Microsoft Arcade

Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : 1994
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh IIci
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0 – RAM : 3Mo

On pourra peut-être se montrer surpris de voir Microsoft débarquer sur Mac pour proposer une compilation de jeux originellement parue sur Windows, mais le fait est qu’on hérite très exactement des mêmes possibilités et du même rendu que sur PC pour une expérience identique. Une nouvelle fois, le jeu peut s’afficher dans sa résolution originale ou à celle du bureau, la jouabilité demande toujours l’usage de la souris et du clavier (mais une option a été ajoutée pour que le programme décide automatiquement de la base qui lance les missiles, vous autorisant ainsi à jouer uniquement avec la souris) et la difficulté peut toujours être paramétrée via des réglages particulièrement précis. Bref, on pouvait bel et bien jouer à une borner d’arcade sur Macintosh en 1994.

NOTE FINALE : 14/20

Comme sur Windows 3.1, Missile Command se sent comme un poisson dans l’eau sur l’OS du Macintosh et offre à peu près tout ce qu’on pouvait espérer d’une retranscription de l’expérience originale. Le retrogaming de 1994 à son sommet.

Version Lynx
Super Asteroids and Missile Command

Développeur : Atari Corporation
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1995
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Il manquait encore une machine d’Atari pour avoir la panoplie complète, elle aura dû attendre 1995 pour être servie (en fait, il en manquait encore deux, mais la Jaguar aura été servie à la même période avec Missile Command 3D). Fourni ici avec une version améliorée d’Asteroids, le titre d’Atari ressemble à première vue à une retranscription fidèle de l’arcade avec des graphismes légèrement remis à jour – les trois bases lance-missiles sont bien présentes mais, faute de boutons, c’est le programme qui décide automatiquement laquelle fait feu.

Et puis rapidement, on réalise que le programme ne se contente pas de changer de décor à la fin de chaque série de vagues : le score fait ici office de monnaie… pour acquérir des power-up entre les niveaux. Ceux-ci sont de deux types : des améliorations pour vos missiles, qui peuvent ainsi être plus rapides, bénéficier d’explosions élargies ou même être à tête chercheuse (très pratique !) et des bonus à utilisation unique, de type smart bomb ou boucliers temporaires à lancer au-dessus de vos villes, qui s’emploieront eux avec le deuxième bouton de la console. Le résultat n’est pas toujours parfaitement équilibré (certaines améliorations simplifient dramatiquement les choses), même s’il faut réinvestir dans les power-up après chaque niveau, mais il faut reconnaître que cette prime au score pour espérer aller un peu plus loin rajoute un objectif et une dimension stratégique intéressante. Ce n’est plus tout-à-fait l’exigence de la borne, et les parties peuvent vite durer plus longtemps que dans la version originale, mais ça fonctionne assez bien et c’est une bonne occasion de redécouvrir le jeu dans une version un tantinet plus accessible. Pourquoi pas.

NOTE FINALE : 14/20

Profitant d’une intéressante remise à jour du concept, Missile Command offre dans cette compilation sur Lynx une approche un peu plus accessible offrant des parties plus longues avec un équilibrage pas toujours idéal. Le résultat, pour imparfait qu’il est, n’en est pas moins un bon moyen d’ajouter un peu d’épaisseur au concept au-delà de l’éternelle course au score. Une évolution intéressante qui aurait mérité d’être creusée.

Version PlayStation
Midway Presents  : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1

Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 20 décembre 1996 (Amérique du Nord) – 20 décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, souris
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Il faut croire que même à l’ère de la 3D triomphante et des consoles 32, 64, voire 128 bits, il y avait déjà des gens en train de rêver de dépenser de l’argent durement acquis pour jouer à des bornes d’arcade de plus de quinze ans d’âge. Sans surprise, la PlayStation reproduit sans trop de difficulté la performance déjà accomplie par Windows 3.1 trois ans plus tôt en offrant une reproduction fidèle de Missile Command, de ses mécanismes et de sa jouabilité (il est même possible de jouer à la souris !). On hérite une nouvelle fois d’options de configuration destinées à régler la difficulté (nombre de villes, score nécessaire pour en voir réapparaître une, langue des messages affichés et pas grand chose d’autre) – bref, rien qui n’était déjà sur la borne, mais c’est précisément ce qu’on était venu chercher, non ?

NOTE FINALE : 13,5/20

Pas de fioritures pour Missile Command sur PlayStation : à quelques pixels près, on obtient la borne, et même les options de configuration disponibles ne sont pas grand chose de plus que celles qui étaient déjà présentes dans les DIP switches de la borne. Un moyen comme un autre de découvrir l’expérience originale pratiquement à l’identique, au hasard en remplaçant le trackball originel par la souris de la console.

Version Saturn
Midway Presents  : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1

Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 11 juin 1997 (Amérique du Nord) – Mars 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, Mission Stick, Shuttle Mouse
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par cartouche mémoire (1 bloc)
Lecteur de disquette Saturn supporté

Même compilation, même équipe aux commandes : il serait exagéré de se dire surpris en découvrant que cette version Saturn de Missile Command est très semblable à celle disponible quelques mois plus tôt sur PlayStation. Les options sont les mêmes, l’interface et les bonus n’ont pas changé, seule la résolution choisie est un peu différente, avec un format entrelacé assez surprenant, mais on ne peut pas dire que cela bouleverse la perception qu’on a des graphismes du jeu une fois la partie lancée. Bref, c’est une fois de plus la borne telle qu’on pouvait s’attendre à la trouver sur Saturn, et le jeu est toujours jouable à la souris pour les puristes.

NOTE FINALE : 13,5/20

Aucune surprise pour Missile Command sur Saturn, qui délivre exactement la même expérience que sur PlayStation – seule la résolution employée est différente, et pour des graphismes aussi basiques, on ne peut pas dire que la différence soit spectaculaire. On a donc une autre occasion de découvrir la borne pratiquement dans les conditions d’origine. Une affaire.

Version Super Nintendo
Midway Presents  : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1

Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : Août 1997 (Amérique du Nord) – Février 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

La Nintendo 64 avait beau être lancée depuis plus d’un an en 1997, la Super Nintendo continuait de recevoir des jeux – même si on pourra se montrer surpris que la console 16 bits ait eu à patienter aussi longtemps pour héberger une compilation de titres de plus de quinze ans d’âge. Si l’interface de la compilation en elle-même perd bien quelques fioritures ici – plus de menu en 3D, naturellement, plus de descriptions historiques des jeux, ce qui est déjà un peu plus dommage –, on hérite bel et bien de la même conversion que sur les machines de la génération suivante. Encore une fois, les options sont les mêmes (seul le choix de la langue a disparu, remplacé par le choix de la vitesse des missiles du joueur), et seule la résolution en jeu a changé, sans qu’on puisse dire que cela modifie l’expérience à un quelconque niveau. Bref : même jeu, mêmes sensations, on pourra juste regretter que la souris de la Super Nintendo ne soit pas reconnue.

NOTE FINALE : 13,5/20

Même bilan pour cette version Super Nintendo de Missile Command que pour les autres machines ayant hébergé la compilation de Midway : l’idée était de bénéficier d’une version aussi proche que possible de la borne originale, et c’est exactement ce qu’on obtient. On n’aurait pas craché sur quelques options de configuration supplémentaires, mais on s’en contentera.

Version Game Boy Color

Développeur : The Code Monkeys Ltd.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de vibrations inclut dans la cartouche

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec un brin de cynisme, on pourra émettre l’hypothèse selon laquelle développer un jeu sur Game Boy Color était un processus aussi aisé que peu coûteux : il s’agissait de reprendre une cartouche Game Boy, d’y barbouiller quelques couleurs et de revendre la chose au prix du neuf. Une chose est sure : du côté d’Hasbro Interactive, on aura décidé de passer de la théorie à la pratique : Missile Command sur Game Boy Color n’est rien d’autre que la version Game Boy de 1992, mais en couleurs. Histoire de faire bonne mesure, la cartouche fait partie des quelques 14 titres de la ludothèque de la machine à intégrer un kit de vibrations destiné à bien vous faire sentir la puissance des explosions de vos missiles – et à vous refiler des crampes dans les doigts. Ça faisait quand même un peu léger pour repasser à la caisse à l’époque, et ça ne s’est pas arrangé depuis, mais à tout prendre et quitte à lancer le jeu sur Game Boy, autant profiter de cette version.

NOTE FINALE : 13/20

Prenez une cartouche Game Boy de sept ans d’âge mettant en scène une borne de dix-neuf ans d’âge, ajoutez-y quelques couleurs, et tada ! Voici votre Missile Command sur Game Boy Color sous blister, flambant neuf. En-dehors du bonus totalement gadget représenté par les vibrations, on va dire que l’acquisition de la cartouche se justifiera surtout par le fait de ne pas posséder la version précédente.

Version PC (Windows 9X)
Atari Arcade Hits : Volume 1

Développeur : Atari, Inc.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : Juillet 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (sur la même machine ou via internet)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique minimale : DirectX : 3 – RAM vidéo : 2Mo – Résolution : 640×480

Reproposer des titres très équivalents à quelques années d’écart est un vieux principe de l’informatique (on n’allait pas encore parler de « remaster », à l’époque). Windows 3.1 avait déjà hébergé sa compilation de jeux d’arcade ? Six ans plus tard, c’était le tour de Windows 95 et Windows 98 ! Cette nouvelle compilation profite pour l’occasion d’une interface très agréable et d’options de configuration en pagaille qui permettent de se faire une expérience sur mesure (avec un bouton pour revenir aux réglages par défaut de la borne – très bon point). Elle ajoute également quelques options graphiques pour choisir la résolution, et un mode « amélioré » qui remplace le rendu original avec les lignes de balayage par la même chose sans les lignes. On peut choisir d’afficher un habillage reproduisant celui de la borne ou de jouer en plein écran (comprendre : à un multiple de la résolution de la borne avec des bandes noires), et utiliser avec à peu près tous les périphériques disponibles – et on peut même jouer avec seulement les deux boutons de la souris, grâce à une idée simple : la base lance-missile centrale tire quand on clique sur les deux boutons à la fois. Mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé plus tôt ? Bref, une adaptation extrêmement propre de la borne, avec en plus des archives pour raconter sa création et son histoire : du beau boulot.

NOTE FINALE : 14/20

Quitte à (re)découvrir Missile Command à la fin du siècle dernier, difficile d’en demander beaucoup plus que ce qu’offre l’excellente version de cette compilation très bien pensée. Permettant à la fois de coller au maximum à l’expérience originale tout en offrant des options de configuration à la pelle pour ceux qui voudraient altérer l’expérience sans la trahir, cette version domestique demeure, aujourd’hui encore, une excellente manière de découvrir la borne.

Quest for Glory V : Le souffle du dragon

Développeur : Yosemite Entertainment
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Quest for Glory V : Dragon Fire (États-Unis)
Titres alternatifs : Quest for Glory V : Drachenfeuer (Allemagne), Quest for Glory V: Fogo do Dragão (Brésil), 영웅의 길 V: 용의 불꽃 (Corée)
Testé sur : PC (Windows 9x)/Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (Windows 9x)/Macintosh

Date de sortie : Décembre 1998 (Amérique du Nord) – Février 1999 (Europe) – Novembre 2000 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, portugais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – Résolution : 640×480

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 601 120MHz – OS : System 7.5 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)

Vidéo – L’introduction et l’écran du jeu :

À la fin du dernier millénaire, beaucoup d’histoires étaient en train de toucher à leur fin. Pour Sierra On-Line, qui avait bâti pratiquement toute la sienne autour des jeux d’aventure, il était temps de reconnaître que le genre ne se portait pas bien. Pas bien du tout. Au terme d’une brève phase d’euphorie qui avait laissé croire à un avenir radieux pour les fameux FMV, les jeux remplis de vidéos, après le succès commercial de Phantasmagoria, le soufflé était vite retombé pour abandonner le point-and-click face à une révolution à laquelle il était mal préparé : l’arrivée de la 3D.

Des séries aussi prestigieuses que King’s Quest, Gabriel Knight ou même Monkey Island se seront cassé les dents sur la troisième dimension, s’efforçant de revisiter leur gameplay et leur réalisation pour des résultats que l’on qualifiera poliment de « mitigés », au point de provoquer ce qu’ont pensait être la mort définitive de toutes ces licences (en fait, souvent une très longue parenthèse pour la plupart d’entre elles). L’aventure, dorénavant, se nommait Tomb Raider ou Resident Evil, elle contenait beaucoup plus d’action que de réflexion, et la concurrence devait s’adapter ou mourir, n’en déplaise aux adeptes nostalgiques des vieilles formules qui avaient encore cours quelques années plus tôt et qui se faisaient alors de plus en plus rares. Autant dire que les espoirs de voir réapparaître un jour le héros de Quest for Glory pour reprendre ses aventures là où il les avait laissées étaient maigres, mais à en croire la créatrice de la saga, c’est bien la mobilisation et les lettres indignées des fans qui auront permis la matérialisation de Quest for Glory V : Le souffle du dragon – un épisode qui ne nourrissait pas l’ambition de relancer la licence, mais plutôt de lui offrir une dernière occasion de faire ses adieux. La mission était donc claire : tout ce que Shadows of Darkness n’avait pas eu le temps de conclure, cet ultime épisode allait devoir le clore une bonne fois pour toutes. Histoire que les joueurs laissés sur le quai par l’extrême célérité du changement de paradigme vidéoludique puissent au moins faire leur deuil.

Pour clore une aventure héroïque en beauté, il faut au moins un dragon : celui-ci est annoncé dès le titre, et pour ce qui est de la princesse… eh bien disons juste que vous aurez l’occasion de recroiser plusieurs vieilles amies, et peut-être même de ramener à la vie certaines d’entre elles ; il ne tiendra donc qu’à vous de choisir quelle histoire écrire à ce sujet. Mais inutile de brûler les étapes : l’aventure débute une nouvelle fois par la création de son personnage, et les joueurs qui avaient patiemment conservé leur disquette de sauvegarde de Shadows of Darkness dans un écrin fermé à clef depuis quatre ans allaient enfin pouvoir reprendre leur épopée en important leur héros – seul moyen, comme dans les deux précédents épisodes, d’incarner un paladin et sa très pratique batterie de pouvoirs utiles, dont un sort de soins et un autre pour pacifier les ennemis. Oh, allez : pour ne pas vous frustrer, le jeu met quand même une sauvegarde à votre disposition pour en jouer un.

Pas de nouvelle classe ni de caractéristique inédite, donc, et même les aventuriers nouvellement créés bénéficieront de très généreux scores de caractéristiques afin de faire face aux multiples dangers du royaume de Silmarie. Mais justement, vous voilà déjà propulsé sans tambour ni trompette dans le bureau d’Erasmus (qui vous avait si brutalement téléporté sans vous demander votre avis à la fin de l’opus précédent), qui vous explique le contexte : le roi de l’île de Silmarie, royaume à l’ambiance méridionale bâti suite à l’effondrement de l’Atlantide et évoquant furieusement la Grèce antique, a été assassiné. Pour lui succéder, la tradition exige qu’une sélection de prétendants au trône se départagent en passant successivement sept épreuves qui serviront à établir qui est digne de prendre les rênes de la nation – et vu vos antécédents (vous venez littéralement de sauver une ville, un sultanat, un royaume et une baronnie), le vieux magicien et son rat qui parle ont tout de suite pensé à vous. Il faut dire qu’avec un assassin toujours en liberté et l’ingérence probable de puissances étrangères qui auraient tout à gagner à présenter un candidat pour faire main basse sur la Silmarie, il est évident que la mission risque de ne pas être de tout repos. Mais, hé, vous vouliez être un héros, non ?

Quest for Glory revient, donc, dans ses plus beaux atours. Le paysage informatique ayant beaucoup (beaucoup!) changé en quatre ans, le titre s’affiche désormais en 640×480, avec des décors en 3D pré-calculée et des personnages en 3D temps réel. Le résultat a indéniablement du cachet même si on pourra juger que cette 3D balbutiante a plutôt plus mal vieilli qu’une 2D alors au sommet de son art, notamment en ce qui concerne les habitants anguleux et raides comme des piquets de cette nouvelle région. Néanmoins, il est difficile de nier une ambition tangible dans la surface de jeu réellement massive qui, bien que reprenant le système de carte de Wages of War, offre des dizaines de lieux à visiter (la ville en elle-même, mais aussi plusieurs villages côtiers, des forteresses, des îles, ce qui reste de l’Atlantide et même le royaume d’Hadès lui-même, pour n’en citer qu’une partie).

Il faudra cette fois se déplacer à pied, mais aussi en bateau, et même plus tard en machine volante, et autant vous prévenir qu’il y aura beaucoup de terrain à couvrir, car le jeu est facilement deux fois plus long que ses prédécesseurs. L’interface a été simplifiée : il y a désormais une icône pour observer et une deuxième pour toutes les autres actions (se déplacer, prendre, utiliser, discuter…), et une barre de raccourcis a fait son apparition pour simplifier l’usage des différents pouvoirs et des très nombreux objets que vous serez amené à cumuler. On notera également qu’il est enfin possible d’avoir la main sur l’équipement du héros et de lui acheter armes, armures, casques, bracelets ou amulettes – sans oublier les généreux butins qu’abandonneront les nombreux ennemis. Car autant il était pratiquement toujours possible d’éviter l’affrontement dans les précédentes aventures, autant vous faire à l’idée que l’opposition ici, est particulièrement active, et qu’il ne sera pas rare d’affronter une dizaine d’ennemis à la fois – et même si on peut régulièrement choisir de courir au milieu des adversaires plutôt que de les affronter, de nombreux combats sont pour ainsi dire inévitables. Votre héros est devenu très puissant, il va être temps de vous en servir !

On pourra d’ailleurs regretter que le système de combat soit toujours aussi limité : il ne bénéficie même plus d’une vue particulière, les confrontations se déroulant directement sur l’écran de jeu (ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité), et en-dehors des divers sortilèges et objets de soin dont vous pouvez faire usage, il se résumera grossièrement à cliquer frénétiquement sur un monstre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dommage qu’une composante aussi centrale ne soit jamais parvenue à un compromis vraiment satisfaisant (et plus question d’automatiser les combats cette fois !), mais pour le reste, on sent que le logiciel atteint assez bien son objectif.

Du côté de l’aventure, bien menée et bien rythmée, difficile de ne pas sentir l’épisode hommage : à quelques rares exceptions près comme Aziza, curieusement oubliée ici, pratiquement tous les personnages pertinents des précédents opus (et surtout des premiers) se sont visiblement donnés rendez-vous en Silmarie histoire de venir vous faire coucou une dernière fois, amenant avec eux toutes les références possibles et imaginables – y compris les pizzas (les habitués de la série sauront à quoi je fais référence). Ils pourront vous dire ce qu’ils sont devenus, car le dialogue est une nouvelle fois un mécanisme central du jeu, et mieux vaut prêter une grande attention aux nombreux indices que vous abandonnent souvent vos interlocuteurs pour espérer progresser dans votre quête – laquelle vous laisse tout le temps nécessaire pour monter votre personnage à votre goût avant de démarrer l’épreuve de succession à proprement parler, vous laissant ainsi décider du rythme avant de lancer les choses sérieuses. Les énigmes, sans être très complexes, peuvent se montrer particulièrement opaques si vous n’avez pas eu la bonne idée de noter toutes les informations, et on peut facilement rater des actions importantes faute d’avoir été attentif ou d’avoir bien pensé à interroger tout le monde à chaque fois.

C’est d’ailleurs à ce niveau qu’on aurait aimé que le jeu ait tiré, en 1998, des leçons que certains concurrents avaient déjà assimilé en 1990. On peut facilement se retrouver coincé pour des raison bêtes, certaines tenant ironiquement à quelques unes des bonnes idées introduites par le titre. Par exemple, le jeu met à votre disposition un « aimant mystique » dont la fonction est grosso modo celle d’un portail de ville qui vous permettra de vous téléporter à l’auberge sans avoir à refaire un trajet en sens inverse. Seulement, cet aimant n’emporte pas vos moyens de transport, et si vous avez donc laissé votre ballon dirigeable sur l’île lointaine où il vous avait emmené avant de vous téléporter, eh bien dommage pour vous parce qu’il est perdu et que vous ne pourrez jamais aller le récupérer ! Au niveau des lourdeurs inutiles, on peut citer le cas de l’île des sciences, qui nécessite toute une manœuvre demandant de bloquer des gondoles avec un timing précis pour pouvoir y accéder. Amusant la première fois, mais au bout de la quinzième…

La bonne nouvelle, c’est qu’énormément d’actions sont totalement facultatives, et qu’il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir accompli des dizaines de tâches secondaires correspondant à l’aspect « jeu de rôle ». Par exemple, le « rite de la paix » peut ironiquement très bien être résolu en vous frayant un chemin jusqu’à la reine des Tritons en massacrant tous ceux qui vous barrent la route pour lui imposer vos conditions. Mais si vous avez envie d’être un peu plus fin, d’employer le sortilège de « paix » de votre paladin pour calmer tout le monde et aller discuter pacifiquement avec elle en dépit de l’hostilité de ses troupes, c’est également possible – simplement, rien ne vous y oblige. De la même façon, vous aurez toute latitude pour entreprendre ou non de séduire un des personnages féminins du jeu, ou même pour accepter ou non de devenir roi – ça ne change objectivement pas grand chose au déroulement de l’aventure, mais il y a souvent de nombreuses manières de surmonter un problème, ce qui tempère un peu l’aspect arbitraire des énigmes les plus retorses. Mieux vaudra quand même sauvegarder régulièrement et sous plusieurs noms si vous avez envie d’explorer les possibilités du jeu et de ne rien rater.

Le plus décevant reste la conclusion du jeu en lui-même, qui après une aventure objectivement intéressante où le dragon met beaucoup de temps à arriver, remplissant bien son rôle de cerise sur le gâteau de vos aventures, expédie votre sacre royal (ou votre refus) en deux phrases avant de vous lancer les crédits au lieu de vous offrir une cinématique grandiose – et surtout un épilogue à la Fallout pour vous raconter ce que sont devenus vos nombreux amis et alliés une fois la partie bouclée. Il y a un sentiment de frustration qui se dégage de ces adieux ratés, comme si en dépit du temps passé avec tous ces personnages qui ont fait l’effort de se déplacer jusqu’en Silmarie avec nous, on n’avait jamais vraiment eu le temps d’apprendre quelque chose de pertinent sur eux, leur arc narratif étant bouclé dès la première seconde où on les aperçoit.

Les nouveaux venus ne comprendront sans doute pas grand chose aux nombreuses références, clins d’œil et autres retournements d’une aventure clairement adressée aux vieux de la vieille, et les fans pour leur part auront l’impression d’avoir une nouvelle fois été privés de la conclusion qu’ils attendaient – c’est plus une sorte de revue d’effectif, de fan service où tout le monde vient dire au revoir à la queue-leu-leu que d’épisode venant clôturer un cycle de cinq jeux et de plusieurs dizaines heures. On voulait le grand final, et on hérite juste d’un chapitre en plus ; ça fait quand même plaisir, mais cela laisse un petit goût amer en bouche, comme celui d’un acte manqué que plus rien ne pourra venir corriger. Bien malin celui qui pourra dire si Quest for Glory reviendra un jour, mais l’histoire retiendra que dans une forme d’ultime hommage, son dernier épisode se sera terminé exactement de la même manière que les précédents : en queue de poisson.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Venu apporter une conclusion inespérée à une saga ressuscitée à la demande des fans, Quest for Glory V : Le souffle du dragon fait l'effet d'une sorte de tournée d'adieux à laquelle tous les personnages de la licence auraient été conviés une dernière fois. Clairement destiné aux joueurs ayant accompagné le héros depuis ses débuts, le titre s'efforce de mêler avec plus ou moins de bonheur une ambition réelle, une jouabilité revisitée et une réalisation remise au goût du jour sans pour autant trahir les fondamentaux de la série – ce à quoi il parvient... dans une certaine mesure. Entre la survivance de certains mécanismes datés pour la partie aventure, des combats trop limitées, quelques lourdeurs dommageable et surtout une fin une nouvelle fois bâclée, cet ultime opus peine parfois à insuffler le rythme, la cohérence et l'aspect grandiose qu'on aurait aimé y trouver. Le voyage a beau être plaisant, il abandonne derrière lui une pointe d'amertume laissée par des arcs fermés un peu trop maladroitement sans avoir lâché la bride à des personnages avec qui on aurait aimé avoir plus de choses à partager, comme si une porte se fermait définitivement avant qu'on ait eu le temps de tout se dire. Une conclusion frustrante, mais qui a le mérite d'exister – bien d'autres sagas n'auront pas eu cette chance.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses occasions de conduire l'aventure dans une impasse par étourderie ou par maladresse
– Quelques mécanismes inutilement contraignant (l'accès à l'île des sciences...)
– Des combats toujours aussi limités
– Une fin qui ne dit rien du sort des nombreux personnages qu'on a croisés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le souffle du dragon sur un écran cathodique :

Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Hero’s Quest : So You Want to Be a Hero (première édition – Amérique du Nord)
Titres alternatifs : Quest for Glory : So You Want to Be a Hero (écran-titre), クエスト・フォー・グローリィ: So You Want to be a Hero (Japon)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STPC-98
Également testé : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1989 (première édition) – 1990 (réédition sous le nom Quest for Glory)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x10) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, IBM Music Feature Card, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, MPU-401 MIDI, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
*640ko requis pour la version PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Un doux rêve aura traversé l’univers du jeu de rôle informatique à peu près depuis ses débuts : celui de fournir, via un ordinateur, une expérience aussi proche que possible de celle qu’on obtenait entre amis autour d’une table. La grande force du concept original de jeux comme Donjons & Dragons ou Tunnels & Trolls, les deux pionniers en la matière, c’était que les règles et l’univers n’étaient qu’un cadre : les joueurs n’avaient aucune limite précise quant aux actions qu’ils pouvaient entreprendre, et qu’ils décident d’aller interroger un modeste paysan ou de forcer une porte, c’était au maître du donjon d’improviser et d’offrir une réponse (de préférence pertinente) à leurs tentatives.

Les possibilités étaient virtuellement illimitées – et l’idée qu’un jeu vidéo puisse les reproduire était aussi grisante qu’irréaliste, les premiers programmes informatiques ayant déjà du mal à gérer toutes les règles sans qu’en plus on leur demande de gérer tout un univers dans quelques kilo-octets de données. Le temps passant – et la technique progressant – les jeux de rôle eurent de plus en plus de latitude pour s’éloigner des simples tableaux de caractéristiques qui les résumaient à leurs débuts : la saga Ultima aura ouvert la porte à une notion d’exploration en monde ouvert et à des dialogues par mots-clefs, Dungeon Master aura représenté une avancée formidable en termes d’immersion. Mais on attendait toujours ce jeu où on aurait l’impression de pouvoir faire un peu ce qu’on veut sans l’ordre qu’on veut et de la façon qui nous convient ; celui où on serait notre propre héros avec nos propres méthodes, quitte à entreprendre des choses stupides juste pour juger des conséquences. Jouer un rôle, littéralement. À ce niveau, on ne mesure peut-être pas assez bien l’impact qu’aura représenté un titre a priori aussi simple que Quest for Glory.

D’emblée, tout est dans le (sous-)titre : Alors comme ça, vous voulez être un héros ? La question semble d’autant plus étrange que non seulement on est toujours, par définition, le « héros » d’un jeu vidéo, mais qu’en plus Quest for Glory s’inscrit ouvertement dans une longue série de sagas d’aventure de Sierra – d’ailleurs toutes définies comme des « quêtes » : King’s Quest, Space Quest, Police Quest… – employant le même moteur et offrant, a priori, à peu près les mêmes possibilités.

Première nouveauté, cependant : c’est à nous qu’il appartiendra de nommer notre protagoniste (lequel sera forcément un homme) ; une première dans un jeu Sierra. Et histoire d’introduire immédiatement la dimension « rôlistique » du jeu, on sélectionnera également sa classe parmi les trois classiques que sont le guerrier, le magicien et le voleur, avant d’aller lui attribuer des points de caractéristiques et de décider de la répartition de ses aptitudes. En effet, notre personnage sera amené à se battre et aura donc des appétences pour le combat, la parade ou l’esquive, mais il pourra également lancer des sorts (même s’il n’est pas magicien), être furtif et crocheter des portes (même s’il n’est pas voleur), escalader des obstacles ou faire usage de précision dans ses lancers. Bref, première anomalie dans un jeu d’aventure traditionnel : notre personnage pourra être amené à réussir ou à rater des actions en fonction de ses capacités, et pas en fonction de ce qui avait été scripté dans le programme. Ce qui signifie également – et c’est là que les choses deviennent d’autant plus intéressantes – qu’il pourra être amené, selon ses compétences, à résoudre une même situation de plusieurs manières. Eh bien vous allez rire, mais cela, en 1989, c’était encore loin d’être courant – surtout dans un genre aussi balisé.

Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est sans doute de débuter la partie. Justement, notre héros (en herbe) arrive dans la petite ville de Spielburg, coupée du monde pour l’hiver à cause d’une avalanche, et qui semble avoir affaire à bien des tracas, à commencer par un groupe particulièrement actif de bandits de grands chemins, une sorcière nommée Baba Yaga, et même une malédiction frappant le baron local et ayant entraîné la disparition de ses deux enfants.

Tout cela, vous allez le découvrir en allant parler au shérif de la ville, à votre arrivée, puis à tous les autres personnages, via un système de dialogue à la ligne de commande qui n’est finalement pas très éloigné de celui qu’on employait déjà dans Ultima IV. Vous vous souvenez de tous les services – l’auberge, le forgeron, le guérisseur, la boutique de magie – auxquels vous aviez accès via une simple liste textuelle dans Sorcellerie ? Eh bien ici, vous allez pouvoir les visiter physiquement, vous entretenir avec les marchands, les questionner quant aux affaires qui agitent la ville, et même parcourir les rues et visiter – à vos risques et périls – la taverne mal famée du coin. Il y a un panneau avec des quêtes, dans la guilde des aventuriers, mais rien ne vous empêche de réveiller le maitre de guilde juste à côté pour lui demander des détails ; autant de choses qui paraissent presque banales aujourd’hui mais en 1989, il n’y avait pas d’Elder Scrolls ou d’Ultima VII pour nous donner le sentiment de vivre ce genre d’épopée comme si on y était, et le jeu de Sierra aura indéniablement fait partie des premiers à avoir installé une passerelle aussi visible et aussi importante entre le jeu de rôle et l’aventure – de quoi rendre les choses un peu plus tangibles et un peu moins austères.

Ceci dit, tout ceci ne serait finalement que de l’habillage un peu vide de sens si les aptitudes de votre personnages se limitaient à des statistiques de combat. Seulement voilà, quitte à être un voleur, par exemple, pourquoi ne pas profiter de l’obscurité (le jour et la nuit sont gérés) pour aller crocheter quelques portes et vous servir dans les maisons locales, histoire de mettre un peu d’argent de côté pour aller acheter le coûteux équipement ou les non moins coûteuses potions de soin du jeu, par exemple ? C’est possible – il y a peut-être même une guilde des voleurs pour ceux qui savent chercher, allez savoir !

Autre exemple : une guérisseuse vous a demandé de retrouver son alliance, à laquelle elle tient beaucoup, et vous avez de bonnes raisons de suspecter la pie installée sur l’arbre devant sa masure d’être la coupable. Allez-vous tenter d’escalader ledit arbre pour inspecter son nid ? Allez-vous ramasser des pierres et les jeter sur ledit nid pour espérer le faire tomber ? Ou bien allez-vous tout simplement utiliser un sortilège pour le faire venir jusqu’à vous ? Les trois possibilités sont viables, et vous avez même la possibilité de vous faire la main puisque, à l’instar de Dungeon Master, il suffit d’utiliser une compétence pour la faire progresser ; si vous n’avez pas eu de succès à votre première tentative d’escalader l’arbre, vous en aurez sans doute davantage à la quinzième… Un système gratifiant qui permet de sentir la montée en puissance à chaque action, mais qui « nivèle » également un peu l’expérience, puisque dès l’instant où vous aurez eu la bonne idée de doter votre personnage d’un peu de compétence dans tous les domaines, il pourra exceller partout simplement en répétant mécaniquement une action donnée à un endroit donné. Si vous voulez diriger le héros « ultime » et bénéficier de toute l’expérience du jeu, un conseil : créez un voleur, et dotez-le de capacités en magie. Il aura un peu de mal au début, mais à la fin, il sera invulnérable.

D’ailleurs, on n’a même pas encore eu l’occasion d’aborder un autre aspect pourtant important dans un jeu de rôle : le combat. En se baladant dans la région autour de Spielburg – un terrain de jeu d’une cinquantaine d’écrans – notre héros sera amené à croiser des ennemis et à les affronter (ou à fuir, il y a même une commande pour courir si vous préférez éviter l’escarmouche). Le jeu passe alors dans une vue à la troisième personne (certains combats scriptés se dérouleront exceptionnellement de profil) pour offrir une séquence d’action où le personnage pourra être dirigé avec les flèches et ainsi attaquer (flèche du haut), esquiver (flèches latérales) ou parer (flèche du bas, et seul le guerrier est équipé un bouclier). Lancer des sortilèges nécessitera de passer par la ligne de commande (raccourci : CTRL-C), et même un magicien devra apprendre à faire usage de son épée.

Le résultat manque de profondeur et vos chances étant de toute façon définies par vos caractéristiques davantage que par votre habileté, et les combats étant un peu trop rapides dès l’instant où vous jouez sur un 286 ou supérieur (ou sur ScummVM), l’essentiel de l’action risque de se limiter à laisser la flèche du haut appuyée et à attendre de voir ce qui se passe (et à jeter des sortilèges de temps à autre). La récompense en sera la progression de vos précieuses aptitudes, et il ne faudra pas très longtemps pour que vous puissiez congédier sans trop d’efforts des adversaires qui vous mettaient la misère deux heures plus tôt. Le grinding est possible, mais pas réellement utile dans le sens où l’opposition ne fera que devenir encore un peu plus coriace dès l’instant où vous atteindrez les mille points d’expérience (des monstres redoutables qui n’apparaissaient que la nuit commenceront alors à être présent également en journée), et surtout que le jeu ne comporte à ma connaissance qu’un seul et unique combat obligatoire, lequel n’est même pas spécialement difficile pour un personnage « moyen ». Et encore, peut-être est-il possible de le contourner via la furtivité. Bref, si la dimension « gros Bill » ne vous parle pas plus que ça, il est fondamentalement possible d’aborder le programme comme un jeu d’aventure traditionnel.

À ce niveau, il faudra, comme toujours avec les jeux Sierra, prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’explorer divers endroits à diverses heures du jour ou de la nuit pour espérer faire des rencontres importantes. Il y a finalement assez peu d’énigmes dans Quest for Glory, et la plupart peuvent être surmontées en ayant la bonne idée d’interroger méthodiquement tout le monde et de prendre des notes – comme on l’a vu, il y a pratiquement toujours une façon d’éviter le combat, ce qui fait que Fallout n’aura pas été le premier titre du genre qu’on pouvait escompter finir sans affronter quiconque.

La dimension « visite de la région » est d’autant plus plaisante que les artistes de Sierra commençaient à être capables de très jolies choses avec l’EGA, et la région fait juste la bonne taille pour qu’on la visite avec plaisir et en craignant pour sa vie lors des longues expéditions sans jamais mettre plus de deux minutes à la traverser de bout en bout. L’ambiance sonore bénéficie également grandement de la gestion des cartes sonores (Sierra aura été l’un des pionniers en la matière), et même si la musique se fait rarement entendre, on pourra profiter des chants d’oiseaux et de différents bruitages « atmosphériques » au fil de l’aventure. On explore, on combat, on discute, on s’équipe, on expérimente… on n’est finalement vraiment pas loin d’une sorte de proto-Daggerfall, à une échelle nettement plus réduite, et le mieux est que ça fonctionne encore très bien.

Certes, l’interface au clavier est souvent contraignante (maîtrise élémentaire de l’anglais obligatoire), il manque quelques options de confort (faire avancer l’écoulement du temps, au hasard), les différents mécanismes manquent de profondeur, il y a très peu d’équipement, les combats sont limités, la région est vite parcourue, il n’y a qu’une poignée d’ennemis différents… mais c’est aussi précisément dans sa dimension initiatique que l’aventure fonctionne : on assimile très vite les possibilités, on est heureux de faire nos expériences et on est authentiquement fier de lever la malédiction qui pèse sur la vallée de Spielburg – même en étant d’ordinaire totalement allergique aux jeux Sierra. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Quest for Glory aura été si bien reçu à sa sortie : à son niveau, c’était sans doute la tentative la plus ambitieuse et la plus intelligente d’aborder un jeu de rôle de façon immersive sans avoir à passer des dizaines d’heures dans une pile de manuels – un lointain ancêtre de Skyrim ou de The Witcher 3, en quelque sorte. Une escapade qui vaut la peine d’être entreprise aujourd’hui encore, et qui donne envie de voir comment se poursuivront les aventures de celui qu’on s’est donné tant de mal à aider à devenir un héros.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Note : Si jamais vous vous demandez pourquoi le logiciel à été publié dans les mêmes régions sous deux titres différents, sachez que la raison en est, disons, « juridique ». En effet, le titre original d’Hero’s Quest aura été jugé beaucoup trop proche de celui du jeu de plateau publié par MB, HeroQuest (que les visiteurs du site connaissent probablement déjà). Sierra aura donc préféré opter pour une réédition avec un nouveau titre (qui sera ensuite resté celui de la totalité de la saga) plutôt que d’aller discuter de la chose devant un tribunal.

NOTE FINALE : 15,5/20

Quest for Glory aura représenté l'une des premières manifestations d'un des nombreux fantasmes de joueur des années 80 : l'inéluctable rencontre entre l'aventure et le jeu de rôles. Le résultat profite du savoir-faire de Sierra pour offrir à la fois ce qu'on espérait y trouver, à savoir un monde vivant où chaque classe de personnage trouvera manière à jouer à sa façon, et les inévitables scories de l'époque – comprendre : une certaine lourdeur dans l'interface et dans le déroulement ainsi qu'un manque de profondeur à bien des niveaux. Cependant, la fragile alchimie fonctionne, et on prend authentiquement plaisir à mener l'enquête autour de la ville de Spielburg tout en montant en puissance et en ayant, pour une fois, plusieurs façons d'approcher des énigmes rarement trop complexes, en profitant notamment d'une réalisation charmante. Les vieux de la vieille trouveront rapidement leurs marques, mais même les néophytes pourront trouver un certain charme à l'aventure – même s'ils préfèreront sans doute commencer directement par le remake en VGA. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une interface toujours lourdement basée sur la ligne de commande...
– ...d'où la nécessité d'un niveau correct en anglais
– Des combats très limités...
– ...et une partie « jeu de rôles » qui manque globalement d'épaisseur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Étant habitué aux excellents jeux d’aventure de chez Sierra On-Line, j’avais fondé de gros espoirs sur Hero’s Quest, un soft mêlant aventure et jeu de rôle. Mais j’étais loin de me douter que ce jeu serait aussi merveilleux, aussi prenant et aussi important. »

Dider Latil, Génération 4 n°17, décembre 1989, 95%

« Pour ma part, je commence à me lasser de ce type d’aventure, surtout depuis que des titres comme Zak Mac Kraken (sic), Indiana Jones ou encore les Voyageurs du temps envahissent les puces de mon micro… »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°74, janvier 1990, 14/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme la quasi-totalité des jeux d’aventure américains de l’âge d’or du genre, Quest for Glory aura été développé sur PC – mastodonte écrasant à l’échelle du marché américain, quoi qu’on ait pu penser de ses qualités ludiques – reléguant les autres ordinateurs 16/32 bits (nettement moins populaires outre-Atlantique qu’ils ne l’étaient en Europe) au rang de seconds couteaux bénéficiant de simples portages. Pour dire les choses plus vite, on a ici affaire à une version Amiga qui est visuellement identique au pixel près à celle parue sur PC : seize couleurs et pas une de plus, et même si les teintes ne sont pas à 100% identiques à celles de l’EGA, mieux vaut bien placer deux captures d’écran côte-à-côte pour avoir une chance de déceler la nuance. Cependant, le résultat sur PC était déjà objectivement très bon, on ne va donc pas trop se griffer le visage, d’autant que le rendu sonore n’a pas trop à rougir de la comparaison avec ce que pouvait offrir une Roland MT-32, lui non plus. En revanche, lancé sur un Amiga d’époque, le titre vous permettra également de redécouvrir à quel vitesse tournait un jeu d’aventure sur un PC pré-80286 : comptez facilement quinze secondes de chargement entre deux écrans, ce qui rend la phase d’exploration et de grinding nettement plus chronophage. Le problème peut facilement être contourné en lançant le jeu sur un Amiga plus « costaud », mais les amateurs de ce rythme très particulier d’une époque où on avait une excellente raison de savourer chaque écran seront heureux de retrouver cette sensation. Cette lenteur prend également tout son sens lors des combats, où tenter de parer et d’éviter les assauts ennemis redevient cohérent puisque l’on a enfin le temps d’anticiper les attaques adverses. Pour le reste, pas de surprise : le déroulement est exactement identique à celui de la version originale, et il est toujours aussi sympathique.

NOTE FINALE : 15,5/20

Porté à l’identique sur Amiga, Quest for Glory y délivre une expérience similaire, qui se révélera cependant infiniment plus lente sur les modèles de base. Si cela peut être corrigé avec une configuration plus puissante, gardez en tête que les combats sont également plus jouables à cette vitesse.

Les avis de l’époque :

« Comme à l’accoutumée chez Sierra On Line (sic), le scénario est superbe et la réalisation sans reproche. de quoi passer de longues journées devant votre ordinateur. »

Duy Minh, Joystick n°7, juillet-août 1990, 92%

Version Atari ST

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Interface MIDI supportée
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Débarqué sur Atari ST, Quest for Glory/Hero’s Quest y aura reçu exactement le même traitement que pour la version Amiga : un transfert pixel perfect de la version PC. On peut même dire que le portage est encore plus proche de l’original ici, puisque le titre reconnait l’interface MIDI et, par extension, la Roland MT-32, ce qui lui permet d’offrir exactement la même expérience que sur un PC d’époque – comprendre : un PC doté d’un processeur 8088 ou 8086, car le jeu est aussi lent que sur Amiga. Une nouvelle fois, cela rend les combats un peu plus jouables tout en rendant l’exploration nettement plus laborieuse, et je n’ai pas eu l’occasion (ni le matériel) de constater si oui ou non le jeu était compatible avec un modèle de type Falcon, attendez-vous donc à revivre l’expérience à l’ancienne, avec une très large rasade de café entre chaque écran. Mais si c’est précisément ce que vous espérez retrouver, vous serez aux anges.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme sur Amiga, Quest for Glory sur Atari ST nous rappelle à quelle vitesse tournait un jeu d’aventure sur une machine de cette génération : nettement moins vite que sur la suivante. En résulte une nouvelle fois une expérience qui contraindra le joueur à patienter une quinzaine de secondes entre deux écrans tout en lui laissant enfin bénéficier de la portée « stratégique » des combats. À vous de voir si cette perspective vous attire.

Version PC-98

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line Japan, Inc.
Date de sortie : 12 avril 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : PC-9801 – RAM : 640ko
Carte son supportée : Roland MT-32/LAPC-I

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme beaucoup de ses concurrents (principalement américains), Sierra On-Line aura tenté à plusieurs reprises sa chance sur le marché japonais – ce qui était d’autant plus facile sur la gamme PC-98 de NEC que les ordinateurs concernés tournaient sous MS-DOS. Dans l’absolu, c’est d’ailleurs à une sorte de version PC « étendue » que l’on a affaire ici ; « étendue » car elle dispose d’options graphiques (possibilité de jouer en huit couleurs au lieu de seize) et sonores (reconnaissance de la plupart des cartes sons compatibles) propres aux machines concernées. Dans les conditions optimales, on se retrouve donc… eh bien, avec le clone de la version PC EGA avec une Roland MT-32, au petit détail près – mais qui risque de faire une grosse différence – que le titre est désormais intégralement en japonais. Yep, même les instructions à la ligne de commande ! Autant dire que sauf à être un joueur japonais disposant de l’équipement (et du clavier) approprié, cette version sera à réserver aux collectionneurs, mais pour le reste, pas de problème, c’est exactement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme tous les autres portages du jeu, Quest for Glory sur PC-98 n’est pas grand chose de plus qu’une retranscription parfaite de la version DOS originale – mais intégralement traduite en japonais, ce qui la réserve de fait aux joueurs étant plus à l’aise avec cette langue qu’avec l’anglais. Quant à la question de la vitesse, elle sera ici tranchée par la puissance du processeur.

Le remake : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Version non testée : Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Au tout début des années 1990, Sierra aura commencé à entreprendre une série de remakes commerciaux de ses plus grands titres. Toutes les principales sagas de la firme – King’s Quest, Space Quest, Leisure Suit Larry, Police Quest et donc Quest for Glory – auront eu droit à leur coup de polish qui permettait de mesurer à quel point le hardware du PC avait progressé en seulement quelques années. Au menu : refonte graphique, refonte sonore, mais aussi et surtout refonte de l’interface ; dès 1991, les remakes auront commencé à bénéficier de toutes les améliorations introduites dans King’s Quest V, et la modification était suffisamment drastique pour inviter bien des joueurs à repasser à la caisse afin de redécouvrir des jeux qu’ils avaient aimés dans une version « nouvelle génération » qui représentait vraiment un gain impressionnant tant en réalisation que de confort de jeu. Quoi qu’il en soit, cette frénésie de remake se sera rapidement interrompue, probablement parce qu’il n’y avait pas assez de joueurs désireux de racheter des jeux qu’ils avaient acquis parfois quelques mois plus tôt – ni assez de nouveaux venus décidés à redécouvrir les origines d’une saga – pour justifier les coûts de production. Quest for Glory aura d’ailleurs constitué le tout dernier de ces remakes – ce qui n’empêche pas ces versions remaniées de figurer aujourd’hui dans toutes les compilations mises en vente, tant elles ont indéniablement mieux vieilli, aux yeux des néophytes, que les versions qui les avaient précédées.

Version PC (DOS)

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA (640×200), MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, Game Blaster (CMS), General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine deux ans et demi séparent Quest for Glory de son remake – indice ô combien parlant de la rapidité délirante à laquelle avait avancé la technologie dans le laps de temps. Pour le joueur, la première évidence se fera sur le plan graphique : désormais en 256 couleurs, les graphismes ont été intégralement refaits à partir d’aquarelles scannées pour les décors, avec des portraits animées qui s’affichent lors des discussions, un système de combat désormais présenté dans une vue isométrique et des monstres parfois modélisés à partir de créatures en pâte à modeler animées en stop motion.

Rien à dire : il y a des petits détails dans tous les sens, et même si on pourra parfois trouver certains décors un peu vide, le bond qualitatif est indéniable. Du côté du son, le progrès est moins évident tout simplement parce que le titre original tirait déjà parti de la Roland MT-32, mais on pourra désormais bénéficier de toute une sélection de cartes et de la gestion du standard General MIDI. Pas de problème : ça a de la gueule. L’avancée la plus impressionnante n’est peut-être pas à aller chercher du côté de la réalisation, malgré tout ; l’interface, désormais à base d’icônes, a été revue pour être intégralement jouable à la souris, et ça fait une énorme différence. Plus besoin de s’échiner à entrer des ordres au clavier, ce qui est déjà une bonne chose, mais l’autre bonne nouvelle est que les sujets de conversation apparaissent désormais sous forme de liste, vous interdisant ainsi d’en manquer un, ce qui simplifie drastiquement la phase d’enquête.

Les combats ont également été rééquilibrés pour être à la fois un peu plus faciles et pour davantage reposer sur l’habileté. Désormais, quelle que soit la vitesse de votre processeur, parer et esquiver restera une possibilité pertinente, d’autant plus que l’interface, parfaitement jouable à la souris, l’est toujours au clavier. Le déroulement du jeu en lui-même n’a pas changé, même si certains éléments ont été mis en avant (difficile, par exemple, de rater l’oiseau dans son nid en arrivant sur l’écran de la hutte de la guérisseuse, dorénavant), et seuls certains easter eggs faisant référence à d’autres jeux Sierra ont été modifiés pour être remis au goût du jour – du travail de pro, on vous dit ! Le résultat est que le jeu exige une courbe d’apprentissage un tout petit peu moins raide pour être approché, et qu’un néophyte devrait assez rapidement trouver ses marques – à condition de parler anglais, naturellement. Un très bon moyen de découvrir le titre aujourd’hui, surtout si vous êtes allergique à la ligne de commande.

NOTE FINALE : 16/20

Il s’en était passé, des choses, en deux ans et demi ! Totalement dépoussiéré, avec des graphismes en 256 couleurs, des combats plus équilibrés et surtout une interface intégralement à la souris, Quest for Glory fait peau neuve et se laisse découvrir encore plus facilement qu’avec la version de 1989. Pour ceux qui se demanderaient par où commencer, difficile de se tromper avec cet excellent remake.

Welltris

Développeurs : Sphere, Inc. – Doka, AO
Éditeurs : Spectrum Holobyte, Inc (Amérique du Nord) – Infogrames Europe SA (Europe)
Titres alternatifs : Welltris: The Soviet Challenge Continues… (titre complet – États-Unis), Alexey Pajitnov’s Welltris (Arcade)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAmstrad CPCAtari STMacintoshArcadeCommodore 64ZX SpectrumPC-98
Présent dans les compilations : Action Masters (Amiga, Amstrad CPC, Atari ST), Triple Tris Challenge (PC (DOS))

La série Tetris (jusqu’à 2000) :

  1. Tetris (1984)
  2. Welltris (1989)
  3. Faces… tris III (1990)
  4. Tetris 2 + Bombliss (1991)
  5. Super Tetris (1992)
  6. Tetris 2 (1993)
  7. Tetris Battle Gaiden (1993)
  8. Super Tetris 3 (1994)
  9. Tetris Blast (1995)
  10. V-Tetris (1995)
  11. 3-D Tetris (1996)
  12. Tetris Attack (1996)
  13. Tetris Plus (1996)
  14. Tetris S (1996)
  15. Tetrisphere (1997)
  16. Tetris : The Grand Master (1998)
  17. Tetris DX (1998)
  18. Tetris 64 (1998)
  19. Magical Tetris Challenge (1998)
  20. Tetris 4D (1998)
  21. Sega Tetris (1999)
  22. The Next Tetris (1999)
  23. The New Tetris (1999)
  24. Kids Tetris (1999)
  25. Tetris with Carcaptor Sakura : Eternal Heart (2000)
  26. Tetris the Absolute : The Grand Master 2 (2000)

Version PC (DOS)

Date de sortie : 1989 (Amérique du Nord) – 1990 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)
Système de protection de copie par consultation du manuel

Après le tremblement de terre inattendu causé par Tetris (et le chaos juridique qui l’aura entouré, voir l’article consacré au jeu si ce n’est déjà fait), l’inévitable question d’une éventuelle suite était vouée à être posée avant même que la poussière ne retombe.

Le problème avec un concept aussi fondamentalement minimaliste que celui du redoutable logiciel qui venait de convertir toute une planète qui avait pourtant commencé, surtout dans sa partie occidentale, par l’observer avec une certaine méfiance, c’était qu’il s’accommodait assez mal du traitement habituel consistant à refaire la même chose avec davantage de contenu et une réalisation plus poussée, sans compter que le bon vieux concept du « clone » qui avait était si efficace pour faire naître des genres vidéoludiques à part entière allait ici nécessiter une réflexion beaucoup plus poussée qu’à son habitude. Comment pouvait-on refaire du Tetris sans reproduire exactement Tetris ? Les Columns ou les Puyo Puyo n’avaient même pas eu le temps d’émerger que déjà, il fallait trouver une réponse ; quoi de plus évident, dès lors, que de se tourner une nouvelle fois vers Alexey Pajitnov ? Sa solution était à première vue si évidente qu’on aura même pensé qu’il s’était fait griller la politesse, pour quelques semaines, par un certain Block Out : proposer un Tetris, mais en 3D. Ceci dit, et quoi qu’en ait dit la promotion du jeu, son Welltris n’est en fait pas du tout un Tetris en 3D. Ce serait même plutôt l’inverse : Welltris, c’est un Tetris en 2D… mais dans quatre directions. Explications.

« Well », en anglais, signifie – entre autres choses – « puits ». Imaginez donc celui, au hasard, de Block Out, avec sa surface qui fait face au joueur – appelons-la le « fond » – et quatre surfaces latérales représentant la profondeur. Dans Block Out, le concept était finalement assez simple : c’était Tetris en 3D, et le but était donc de réaliser des « couches » plutôt que de faire des lignes », ce qui revenait à faire sensiblement la même chose, mais en plus long, et avec des commandes plus complexes puisque les tétriminos pouvaient être pivotés, eux aussi, dans une dimension de plus. Ici, les choses sont moins évidentes : il s’agit toujours de faire des lignes sur une surface en 2D, exactement comme dans Tetris.

Seulement, la nuance est que vous pouvez le faire dans tous les sens. Comment cela ? Eh bien imaginez que vous lâchiez une pièce depuis la surface supérieure : elle tombera le long du plateau jusqu’à atteindre la ligne du bas où elle s’immobilisera – jusqu’ici, rien de neuf, c’est exactement le concept du jeu original. Mais que se passera-t-il si vous la lâchez à présent depuis la surface inférieure ? Eh bien, en négation totale de toute forme de physique euclidienne, elle tombera alors… vers le haut, pour aller s’immobiliser sur la ligne supérieure. Et il en va ainsi pour chaque direction : lâchez un tétrimino depuis la gauche, il « tombera » vers la droite, et inversement. Mais alors, si tout se joue sur ce plateau du « fond », à quoi sert réellement la profondeur ? Eh bien, celle-ci vous offrira une certaine marge de manœuvre, au hasard lorsque vous déposerez une pièce trop large pour tenir sur le plateau du fond : elle débordera alors sur l’une des surfaces latérales… en rendant celle-ci inaccessible pendant un certain nombre de mouvements ; aucune pièce ne pourra donc y circuler, restreignant par là-même vos capacités. Que les quatre faces latérales se retrouvent ainsi bloquées en même temps, et ce sera le game over. Dépaysant, non ?

Je sais ce que vous pensez : difficile de croire qu’un concept qui nécessite un paragraphe entier pour être explicité puisse être immédiatement accessible ; et de fait, les premières minutes de jeu pourront être un peu déstabilisantes – surtout pour les joueurs s’attendant naïvement à un clone de Block Out.

Mais de façon assez ironique, là où Block Out était finalement un concept assez évident où la maniabilité ne parvenait jamais tout-à-fait à se montrer naturelle, Welltris accomplit exactement l’inverse : un concept contre-nature qui se révèle immédiatement jouable dès l’instant où l’on a compris l’approche un peu particulière du titre. De fait, ce qui pourrait passer comme un « Tetris en plus compliqué » – ce qu’il peut être, particulièrement quand la vitesse commence à augmenter – a également le mérite d’offrir des solutions qui n’existaient pas dans le jeu de base : il est moins pénalisant ici d’avoir une pièce tombée au mauvais endroit et sabotant une partie de notre construction quand on peut tout simplement faire le choix de rattraper le coup… en passant par l’autre côté. Bref, en un sens, il faut réellement apprendre à réfléchir différemment, et pas à cause d’une dimension supplémentaire ; plutôt en tirant la quintessence des possibilités des deux dimensions déjà mises à contribution.

Le concept est-il addictif ? Assurément, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il pourrait même parvenir à séduire des joueurs plutôt en froid avec le Tetris original – précisément en offrant une plus grande liberté d’approche. Le maniement des pièces est assez naturel, même si aborder les angles dans le mode « un », qui change l’axe nécessaire pour déplacer la pièce en fonction de la face sur laquelle elle se trouve, pourra s’avérer délicat – mon conseil est d’opter pour le mode « deux » et de ne plus le quitter. En-dehors de cela, on remarquera également trois niveaux de difficulté, correspondant aux tétriminos employés, depuis les plus petits (et donc les plus faciles à caser) jusqu’au troisième mode, qui emploie des pièces composée de cinq éléments ou plus.

Le reste se limite au choix du niveau de départ (il n’y en a que cinq, le cinquième étant le plus rapide, comme on peut s’en douter), et au choix de jouer ou non avec les bruitages – voilà pour les options de configuration, ce qui est un peu chiche : un seul mode de jeu, pas de multijoueur, c’est clairement de ce côté que le programme pèche. Du côté de la réalisation, on appréciera un certain effort pour l’enrobage, avec des graphismes en 640×350 et seize couleurs (en EGA) très lisibles et agréablement colorés. En revanche, faute de reconnaissance de la moindre carte son, il faudra oublier toute forme de thème musical au cours de la partie – votre sélection personnelle sur la chaîne hifi devrait faire l’affaire. Largement de quoi aborder ce Welltris dans les meilleures conditions – sans doute pas pour aussi longtemps que son prédécesseur, mais n’allez pas croire que vous n’y engloutirez pas des heures avec plaisir pour autant.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20

La première crainte, en lançant Welltris, est d'avoir à composer avec un simple clone de Block Out – qui était réellement, lui, un « Tetris en 3D » – enrobé de quelques illustrations réussies, mais dispensables. Grave erreur : le titre imaginé par Alexey Pajitnov et Andrei Snegov s'approche davantage d'une sorte de Tetris joué dans quatre directions à la fois. La conséquence en est que le résultat est aussi déstabilisant qu'il est prenant, s'éloignant de l'accessibilité immédiate de son prédécesseur pour exiger une gymnastique des méninges qui peut s'avérer particulièrement handicapante lorsque la vitesse commence à grimper ; un concept vraiment intéressant, mais qui souffre de n'apporter avec lui aucune réelle idée neuve – juste un Tetris en plus compliqué. Avec davantage de contenu et de modes de jeu, l'expérience aurait pu se montrer presque aussi prenante que celle de son aîné, mais en l'état le programme tient davantage de la curiosité à destination d'un public de niche que du successeur spirituel du titre le plus joué au monde. À découvrir, néanmoins.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Aucun mode multijoueur
– Très peu d'options de configuration
– Un concept un peu déstabilisant

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Welltris sur un écran cathodique :

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme son prédécesseur, Welltris aura bien évidemment eu droit à son cortège de portages – même si les consoles auront, cette fois, été laissées totalement de côté. Sur Amiga, le jeu offre une réalisation plus colorée que sur PC, mais au détriment de la haute résolution (que la machine était pourtant parfaitement capable d’assumer), et le son – comprendre : le thème musical de l’écran-titre et les quelques bruitages du jeu, puisqu’il n’y a plus de musique une fois la partie lancée – nécessitera une extension de mémoire pour se faire entendre. Objectivement, vu l’extraordinaire discrétion de la réalisation sonore, on ne va pas dire que Welltris aura été le jeu donnant envie de franchir le pas pour faire passer sa machine à 1Mo de RAM… Curieusement, si l’interface du jeu utilise la souris, le jeu, lui, se joue toujours au clavier, et on retrouve pour l’occasion les deux modes de contrôle de la version PC. Ce portage m’a également paru légèrement plus lent que son équivalent DOS. Pour le reste, on a affaire à un jeu toujours aussi addictif et toujours aussi plaisant à jouer.

NOTE FINALE : 16/20

Comme sur PC, Welltris sur Amiga offre un prolongement intéressant à Tetris, sans avoir l’idée – ou l’envie – de développer le contenu, hélas. Il faudra donc toujours composer avec un unique mode de jeu solo et ses trois modes de difficulté pour quelques heures de plaisir – et peut-être beaucoup plus, si affinité.

Version Amstrad CPC

Au moment de débarquer sur CPC, Welltris avait un choix à faire : la lisibilité du Mode 1 en 320×200 et ses quatre couleurs, ou bien l’éclat du Mode 0 et ses seize couleurs, mais limité à une résolution de 160×200 (il aurait également pu choisir le Mode 2 en 640×200 pour deux couleurs, mais ce « monochrome » imposé n’aurait pas eu que des fans). Il aura opté pour la lisibilité, ce qui était sans doute le meilleur choix, mais rend fatalement la réalisation un peu triste – les pièces sont désormais toutes de la même couleur, les illustrations ne sont guère impressionnantes, et pas question d’entendre une note de musique. On ne peut pas dire que cela bouleverse l’expérience de jeu – sincèrement, qui joue à un puzzle game pour ses graphismes ? – mais à tout prendre, l’expérience sera un peu plus plaisante sur les systèmes 16 bits. On remarquera également que le jeu tourne ici par défaut plus vite que sur Amiga ou sur PC, ce qui le rend plus difficile.

NOTE FINALE : 15,5/20

Porté sur CPC, Welltris met de côté le strass et les paillettes pour se concentrer sur la lisibilité. Cela a le mérite de proposer une expérience extrêmement proche de celle disponible sur les machines 16 bits, et un très bon puzzle game pour une machine qui n’aura pas eu l’occasion d’en accueillir beaucoup – mais ceux qui souhaiteraient une réalisation un peu plus chatoyante préfèreront découvrir le jeu sur un autre ordinateur..

Version Atari ST

Après l’Amiga, le contenu et la réalisation de la version Atari ST ne laissent qu’assez peu de place au suspense. Autant, donc, aller directement au but : oui, c’est graphiquement la même version que sur la machine de Commodore, l’interface reprend celle de la version DOS – mais avec la souris – et il n’y a cette fois plus de thème musical du tout, même avec 1Mo de RAM. En revanche, les bruitages digitalisés sont de meilleure qualité. Bref, chaque version a ses petites forces et ses timides faiblesses, mais dans l’ensemble vous passerez un bon moment quoi qu’il arrive et c’est tout ce qui compte.

NOTE FINALE : 16/20

Sans offrir une copie à 100% identique à celle livrée sur Amiga, Welltris sur Atari ST offre une alternative tout-à-fait satisfaisante, ne sacrifiant que le thème de l’écran-titre au profit de bruitages plus travaillés. Des fioritures de toute façon assez anecdotique : le principe et le gameplay n’ont pas changé, et ils sont toujours aussi efficace.

Version Macintosh

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le Macintosh ne sera peut-être jamais réellement parvenu à percer en tant que machine de jeu, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’était pas doté des capacités pour. Cette version de Welltris pourrait d’ailleurs en constituer un très bon exemple, car c’est la meilleure de toutes ! graphiquement, plus besoin de choisir entre la haute résolution et la palette étendue : le jeu s’affiche en 512×342 et en 256 couleurs, renvoyant toutes les autres itérations du programme à leurs chères études. pour ne rien gâcher, la musique est toujours présente à l’écran-titre, et cette fois elle se fait même entendre pendant la partie ! Bon, on ne va pas se mentir : les thèmes d’inspiration slave sont vite répétitifs, mais ils ont de toute façon la bonne idée de s’interrompre au terme d’une boucle (un thème par niveau), et il est de toute façon possible d’accéder au menu à n’importe quel moment pour couper la musique si le cœur vous en dit. La jouabilité étant, une fois de plus, irréprochable, ceux qui aiment profiter d’un enrobage soigné auront toutes les raisons de se diriger vers cet excellent portage.

NOTE FINALE : 16,5/20

Bien employé, le Macintosh était un environnement rêvé pour un titre comme ce Welltris, et il le démontre ici avec une version lisible, graphiquement très soignée et bénéficiant même d’une réalisation sonore absente des autres versions. Difficile de rêver meilleur candidat pour découvrir le jeu aujourd’hui.

Version arcade
Alexey Pajitnov’s Welltris

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme son prédécesseur, Welltris aura fait un détour par les salles d’arcade, où son concept addictif était a priori en pleine mesure de s’exprimer. Si cette version abandonne pour l’occasion les illustrations chargées d’égayer un peu le décor, on constate surtout qu’elle en profite également pour aborder un mouvement plus osé : revoir les règles du jeu. Comme on va en effet vite le découvrir via les instructions données en début de partie, il n’est plus question ici d’avoir une des « faces » du puits bloquée en cas de débordement.

En fait, une sorte de « zone rouge » qui progresse ligne par ligne sur les quatre faces à la fois vient réduire la zone de manœuvre du joueur avec le temps, lequel peut la repousser en accomplissant des lignes. Une pression supplémentaire qui vient accompagner le fait que la vitesse augmente beaucoup plus vite sur cette borne que dans les versions domestiques. On constatera également qu’il est désormais possible de « diviser » des pièces en les plaçant dans les coins. Mais la plus grande nouveauté est constituée par l’apparition d’un mode deux joueurs, lequel est pour l’occasion à la fous coopératif et compétitif, les deux joueurs se partageant le même « puits » et jouant chacun leurs pièces ! Si les joueurs ont a priori tout à gagner à jouer en bonne intelligence, le fait est que chacun d’entre eux doit composer avec sa propre « zone rouge » qui progresse, ce qui fait qu’il peut vitre être tentant de « voler » une ligne à l’autre joueur pour assurer sa survie – car oui, c’est bien évidemment celui qui tient le plus longtemps qui a gagné ! Une approche très intéressante qui renouvelle intelligemment le concept et qui fait de cette borne d’arcade une alternative particulièrement valable – mais également très difficile.

NOTE FINALE : 17/20

Surprise ! En débarquant sur borne d’arcade, Alexey Pajitnov’s Welltris en profite pour revisiter certains de ses fondamentaux en modifiant ses règles, et se transforme plus que jamais en jeu de vitesse à pratiquer sous la pression. Si cette difficulté accrue ne sera pas nécessairement au goût de tout le monde – et en particulier des néophytes – la présence d’un mode deux joueurs ni tout-à-fait coopératif ni complètement compétitif constitue également un ajout très intéressant.

Version Commodore 64

Au moment de débarquer sur Commodore 64 (avec les règles originales, pour ceux qui auraient un doute), Welltris parvient à offrir une version aussi lisible qu’avec le Mode 1 du CPC, mais avec davantage de couleurs. Ce n’est peut-être pas à la hauteur des versions 16 bits, mais ces quelques teintes en plus n’en font pas moins un bien fou – même si on regrettera que les pièces en elles-mêmes soient cantonnées à deux couleurs. Pas de musique ici non plus, pas même pendant l’écran-titre, et le jeu impose dorénavant un combo clavier + joystick avec le stick pour déplacer la pièce, le bouton pour la retourner et la barre d’espace pour la faire descendre. Rien qui vienne dégrader l’expérience de jeu, fort heureusement, et les possesseurs de Commodore 64 pourront être heureux de s’essayer à l’un des tout meilleurs puzzle games de la machine.

NOTE FINALE : 15,5/20

Pas d’accident de parcours pour Welltris, qui se réceptionne sans heurt sur Commodore 64 via une version reproduisant fidèlement l’expérience originale, sans souci de lisibilité ou de jouabilité. Le jeu est peut-être plus fin et plus coloré sur les machines 16 bits, mais dans l’ensemble vous ne devriez pas y penser très longtemps en succombant au gameplay addictif.

Version ZX Spectrum

En 1991, le ZX Spectrum restait un passage obligé, et cette version de Welltris ne devrait pas déshonorer la ludothèque de la machine. La disposition et la jouabilité sont exactement équivalentes à celles des autres versions domestiques, au détail près que la couleur est cette fois strictement réservée à l’illustration – laquelle a sérieusement réduit au lavage, baisse de la résolution oblige. Il n’y a pas de musique, les bruitages ne dépassent pas le stade du « bip » et la jouabilité impose de passer par le clavier, mais dans l’ensemble l’expérience de jeu est plutôt bien préservée. Naturellement, difficile de recommander cette version à quelqu’un d’autre qu’aux nostalgiques de l’ordinateur de Sinclair Research, mais le travail a été fait convenablement.

NOTE FINALE : 15/20

Expérience préservée pour ce Welltris sur ZX Spectrum, qui n’a pas (trop) à souffrir des limitations du système. Dommage que l’habillage soit minimal et la jouabilité un peu contraignante, mais pour le reste tout est à sa place.

Version PC-98

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Sur le papier, le PC-98 de 1992 avait toutes les capacités d’offrir la version ultime de Welltris – c’est à dire, a minima, une qui fasse techniquement jeu égal avec la version Macintosh. Pas de soucis, c’est lisible et coloré – la résolution en 640×400 est la plus haute, tous systèmes confondus, et la palette de couleurs fait le travail. En revanche, il faudra oublier les illustrations ici : le seul décor sera composé par l’interface mécanique évoquant un peu celle de la version arcade, et il faudra s’en contenter. Bah, au moins, on aura de la musique pendant toute la partie, cette fois. Plus dommageable : les options de configurations sont encore plus rares dans cette itération : s’il est possible de choisir son niveau de départ, il n’y a pas de mode de difficulté, et on ne peut pas choisir le mode de déplacement non plus : ce sera obligatoirement l’équivalent du mode un de la version occidentale. Parmi les surprises, on remarquera également que les règles ont également été modifiées : avoir une pièce qui « dépasse » sur une des faces du « puits » n’a plus aucune incidence sur quoi que ce soit ; il faut désormais que la pièce termine sur une face latérale en totalité pour que celle-ci se retrouve bloquée – ce qui rend le jeu beaucoup plus simple. Des adaptations pas nécessairement très inspirées, et qui font dire, pour une fois, que le jeu était clairement mieux logé en occident.

NOTE FINALE : 15,5/20

D’accord, Welltris sur PC-98 est lisible et joli, c’est indéniable. ceci dit, entre la disparition des illustrations, celle d’une partie des options de configuration, et une réadaptation pas franchement nécessaire de certaines des règles du jeu, cette version finit par faire plutôt moins bien que ses équivalentes 16 bits occidentales.

Eamon

Développeur : Donald Brown
Éditeur : Aucun (domaine public)
Titres alternatifs : The Wonderful World of Eamon (titre alternatif), Le monde merveilleux d’Eamon (traduction française)
Testé sur : Apple IIAtari STPC (DOS)Atari 8 bits
Disponible sur : Macintosh, Wii, Windows

Version Apple II

L’une des formidables forces des années 70, période pionnière s’il en est pour le jeu vidéo, c’est précisément eu d’avoir à défricher le terrain sans composer avec des notions établies.

Loin des cases formées par des genres qui n’existaient d’ailleurs pas encore, la seule limite des créateurs en herbe – en-dehors de leurs aptitudes en programmation, cela va de soi – était l’imagination ; curieusement, on ne se sera jamais aussi peu posé la question « est-ce réalisable ? » qu’à l’époque où elle était la plus pertinente. Donald Brown, étudiant ordinaire de l’université Drake de Des Moines (dont il n’aura vraisemblablement même pas été diplômé), ne se la sera visiblement pas vraiment posée au moment de rejoindre le club d’informatique du Computer Emporium de la ville, où il aura pu cultiver sa passion naissante pour l’Apple II d’un côté et pour le jeu de rôle de l’autre. En développant Eamon, il ne se sera pas demandé s’il était en train de créer une aventure textuelle, un jeu de rôle ou un éditeur de scénarios en BASIC : il aura tout simplement créé les trois en même temps. Et afin de rester cohérent avec le concept encore visionnaire en 1979 du programme de création de contenu, il aura immédiatement insisté pour que celui-ci soit et reste distribué gratuitement. La conséquence ? Loin de rester cantonné à une curiosité locale, le titre se sera répandu comme la poudre et aura engendré à sa suite près de 300 scénarios développés par et pour lui – et le mieux, c’est que ça continue. Eamon, c’est un freeware de création d’aventures qui fête cette année ses quarante-cinq ans. Pas mal, non ?

À la base, le logiciel est un regroupement de programmes disparates remplissant chacun une fonction, établissant ainsi les bases des futures interfaces du genre. Le jeu s’ouvre d’ailleurs sur la présentation d’un hall virtuel de la « guilde des aventuriers libres » où le joueur se voit à la fois introduit prosaïquement à l’univers – encore relativement neutre, et pour cause, ce hall servira de « hub » entre les aventures – tout en se voyant poser une question simple : choisira-t-il de s’inscrire ou d’aller rejoindre les clients en train de se saouler à la bière ?

Signe d’un cadre qui laissera fatalement moins de choix qu’il ne veut bien le laisser apparaître, les petits malins optant pour la deuxième option se verront immédiatement récompensés par une épée en travers du corps et par la fin de la partie. Les autres seront invités à créer un personnage en lui donnant un nom et un sexe, avant de se voir tirer aléatoirement des caractéristiques qui seront à prendre et pas à laisser : fidèle à la philosophie « donjons-&-dragonesque » encore en cours à l’époque, il n’est pas possible de retirer ou de modifier les trois statistiques – la robustesse, l’agilité et le charisme – même si l’on n’en est pas satisfait ; la seule possibilité sera de créer un autre personnage avec un autre nom, ou d’envoyer le premier au combat avec ses forces et ses faiblesses. Parmi les nombreuses applications n’ayant pas tardé à entourer le programme, l’une des premières aura d’ailleurs ajouté la possibilité de « suicider » son joueur – solution plus rapide que de l’envoyer se faire massacrer dans un scénario où il aurait de toute façon été irrémédiablement effacé à la seconde précise de sa mort. Hé, ça ne rigolait pas, la fin des années 70…

Une fois le personnage créé, il se verra ouvrir l’accès à plusieurs services, à commencer par un marchand pour acheter de l’équipement, un magicien pour apprendre un ou plusieurs des quatre sortilèges du jeu : explosion, soin, vitesse – qui correspondent exactement à leur nom – et « puissance », un sort passe-partout dont la fonction exacte sera en fait laissée à la discrétion du créateur du scénario, ou encore la banque qui permettra de stocker de l’or entre les aventures – au hasard, pour investir dans les sorts et l’équipement susnommés. L’occasion de constater que l’interface, intégralement textuelle comme on peut s’en douter, a l’intelligence de prendre le temps de décrire tous les mécanismes en même temps qu’elle vous les fait découvrir. Le résultat est d’autant plus ergonomique qu’une fois n’importe quelle aventure lancée, une commande incomprise par le programme provoquera immédiatement l’apparition de la liste exhaustive des ordres qu’il est capable de gérer.

Un moyen de juger très clairement et sans poudre aux yeux des possibilités réelles du moteur – contrairement au fameux « interpréteur syntaxique » des aventures textuelles, qui laissait l’illusion de la liberté pour mieux masquer ses colossales limites – lesquelles correspondent aux instructions les plus basiques nécessaire à l’exploration d’un donjon, à la collecte d’objets et au combat contre les PNJs qui auront de grande chances d’être hostiles, puisqu’il n’y a pas d’interface de dialogue à proprement parler si le scénario n’en créé pas une par ses propres moyens. L’aventure d’initiation disponible sur la disquette de base du jeu, nommée « grotte du débutant », donnera d’ailleurs assez vite le « la » en correspondant à une suite de salles et de couloirs dans lequel le joueur pourra affronter des monstres, rencontrer des personnages qui pourront l’affronter ou au contraire choisir de le suivre en fonction de son charisme, trouver des armes, des trésors et des potions… et provoquer des morts rageantes, précisément à cause des limites évidentes du moteur. Imaginons que vous trouviez un livre mystérieux et de toute évidence magique : pas question ici de lancer un sortilège de détection de pièges, ou même de trouver un quelconque moyen d’évaluer sa nature ; le joueur n’aura que le choix de le lire et d’en assumer les conséquences ou bien de le laisser derrière lui en se demandant éternellement ce que l’ouvrage pouvait bien contenir. Et naturellement, s’il le lit, cela signera immédiatement la fin de son aventure (et de son personnage) en le transformant en poisson rouge… La vieille école, quoi.

Ceci dit, la meilleure surprise reste l’évidence et l’immédiateté de la prise en main – à condition de savoir lire l’anglais, naturellement. Contrairement à ce qui allait se passer avec bien des successeurs ambitieux demandant de maîtriser une interface aussi lourde qu’opaque imposant la présence d’une carte de référence à portée de main pour espérer accomplir quoi-que-ce-soit, le titre se laisse maîtriser en une poignée de secondes – et pour cause, pas besoin ici d’expérimenter pour découvrir les possibilités d’action – et il est toujours fascinant de constater à quel point une description d’une ligne suffit à installer toute l’ambiance nécessaire pour se croire dans un donjon… ou ailleurs.

L’autre grande force du jeu est ainsi de n’imposer aucun univers, le quatrième scénario créé pour lui – et par Donald Brown lui-même – s’intitulant par exemple, de façon assez parlante, « Death Star ». Ai-je vraiment besoin de préciser à quelle licence il fait référence et dans quel cadre il se déroule ? Car évidemment, la cerise sur le gâteau, c’est l’immense contenu développé par les joueurs, comme on l’a vu : de nombreuses aventures n’ont aucun frein dans leur ambition et n’hésitent pas à placer le joueur à la tête d’armées entières ou dans des univers beaucoup plus dépaysants que les resucées de Donjons & Dragons. En dépit des contraintes (on n’est jamais loin d’une sorte de Rogue textuel), on peut très rapidement se prendre au jeu et se surprendre à y passer bien plus de temps que ce qu’on avait anticipé. Et vu le temps nécessaire pour faire le tour du contenu, surtout en se souvenant que le programme est gratuit, il y a indéniablement quelques heures à tuer sur Eamon – et peut-être beaucoup plus si affinités.

Et en français, c’est possible ?

Comme on peut s’en douter, Eamon étant resté gratuit toute son existence, il n’aura jamais bénéficié d’une distribution commerciale – ce qui signifie qu’il n’y a bien évidemment pas de version française « officielle », laquelle aurait de toute façon exigé de traduire un-à-un tous les scénarios écrits par les joueurs au fur-et-à-mesure de leur création. Néanmoins, dès 1985, J.M. Menassanch aura écrit un scénario intitulé « Le HLM maudit » dont l’intérêt n’est pas simplement de proposer une réinterprétation en français de la grotte du débutant du jeu original, mais aussi et surtout de traduire également tout le contenu de la disquette maître, à savoir le hall principal et les utilitaires dédiés. Pour ne rien gâcher, l’aventure qui donne son nom au scénario est sensiblement plus originale que le donjon d’entrainement de base, proposant comme son nom l’indique d’aller affronter des concierges et des gardiens dans un immeuble de banlieue ! Le scénario porte le numéro 255, et il est – comme tous les autres – toujours disponible aujourd’hui, et vous pourrez facilement le trouver à cette adresse. Un bon moyen de s’initier en douceur.

Vidéo – Écran-titre et dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20

Un jeu d'aventure textuel ? Un jeu de rôles à la Donjons & Dragons ? Un éditeur de scénarios en BASIC ? Eamon est tout cela, et l'était de façon totalement gratuite dès 1979. Désormais fort de près de 300 aventures réalisées par les joueurs, dont certaines en français, le titre surprend par son ergonomie, par la variété de ses univers et par l'ambition de certains de ses scénarios. Certes, les mécanismes sont basiques, les possibilités souvent un peu trop restreintes et la réalisation limitée à du texte – mais bon sang, c'est fou ce que ça peut être efficace lorsque c'est bien fait. La plupart des jeux de rôles modernes ont beau faire mieux dans tous les domaines – scénario, exploration, profondeur, mécanismes, réalisation, interface – il y a quelque chose de rafraichissant dans la simplicité du concept et quelque chose de grisant dans le pouvoir de l'imagination. Puisque c'est de toute façon gratuit, pourquoi ne pas lui laisser sa chance ?

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des mécanismes jeu de rôles réduits à leur plus simple expression
– Un aspect aventure qui ne va pas beaucoup plus loin que de visiter des pièces et de ramasser des objets...
– ...et qui se révèle souvent frustrant lorsqu'il tente d'offrir autre chose
– Un contenu énorme, mais réservé dans son écrasante majorité aux anglophones

Version Atari ST

Jugeant qu’il aurait été dommage qu’un outil aussi prometteur qu’Eamon reste cantonné sur Apple II (qui reste pourtant, et de très loin, la plateforme privilégiée pour découvrir le titre à l’heure actuelle), un certain Michael Detlefsen aura entrepris de le convertir sur Atari ST entre 1986 et 1987. Cette version – tout aussi gratuite que l’originale – tire parti, pour l’occasion, du mode haute résolution de la machine, ainsi que de la souris pour accéder rapidement à une parti de l’interface de lancement (la souris ne servant plus à rien une fois une aventure lancée). Comme on peu s’en douter, l’avantage de cette version est de profiter d’un certain confort de lecture et d’utilisation, mais son immense inconvénient est de ne pas pouvoir profiter des quelques 250 scénarios développés sur Apple II. Ceci dit, la disquette ne contient pas uniquement la grotte du débutant, mais aussi les quatre premiers scénarios développés sur Apple II (dont le Death Star de Donald brown). Au moins deux autres aventures originales auront été créées depuis lors, mais Detlefsen lui-même aura rapidement abandonné Eamon au profit d’Adventure Game Toolkit. On notera au passage quelques corrections bienvenues dans cette version, comme le fait qu’il soit possible de retirer les caractéristiques de son personnage sans passer par un outil de « suicide ».

NOTE FINALE : 12,5/20

Eamon n’aura pas eu, sur Atari ST, la même carrière que sur Apple II, mais cela n’empêchera pas le joueur curieux de pouvoir découvrir les quatre premiers scénarios du jeu, en plus de la grotte du débutant, dans une version plus lisible et plus ergonomique. néanmoins, ceux qui mordront réellement au concept continueront certainement leur exploration sur la machine d’Apple.

Version PC (DOS)
Eamon Deluxe

Le PC semblait être l’autre plateforme toute désignée pour accueillir Eamon. Cela est d’ailleurs tellement vrai qu’on peut encore l’y trouver aujourd’hui, dans une version gratuite – comme toutes les autres – et distribuée avec DOSBox, ce qui lui permet d’ailleurs au passage d’être aisément convertible vers d’autres systèmes. Le jeu n’a certes plus été mis à jour depuis mai 2014, mais sachant qu’il fêtait alors ses trente-cinq ans, cela correspond déjà à une très belle carrière ! Comme son nom d’Eamon Deluxe l’indique, cette version inclut quelques nouveautés servant principalement à dépoussiérer l’interface : un éditeur de personnage dédié, par exemple, avant même de lancer le programme en lui-même, ou même la possibilité d’afficher le hall principal sous la forme d’une interface graphique rappelant furieusement celle des Ultima de la grande époque !

À ceux qui pesteraient que cela reviendrait à trahir la nature même de l’expérience, pas de panique : il est possible de revenir à l’interface originale d’une simple pression sur la touche X. On remarquera aussi que le texte en lui-même bénéficie d’une sorte de code couleur pendant les aventures, histoire de clarifier au maximum la situation – après tout, pourquoi pas ! La meilleure nouvelle, cependant, est à chercher du côté du contenu : cette version est livrée avec pratiquement tous les scénarios connus regroupés en packs, soit plus de 260 aventures au total. A priori, beaucoup n’ayant pas été mis à jour pour profiter des dernières évolutions du jeu, il faudra parfois mettre la main dans le cambouis pour les lancer, mais vous trouverez de toute façon les instructions nécessaires sur le wiki du jeu ainsi que dans le manuel disponible sur la page principale. On a même droit à un mode dédié pour lancer le jeu sur une liseuse ou avec des options graphiques mises à jour pour les malvoyants. Dans tous les cas, voici au moins un autre très bon moyen de profiter de l’expérience dans d’excellentes conditions, et pour pas un rond. Pourquoi se priver ?

NOTE FINALE : 13,5/20

Si vous souhaitez découvrir l’expérience d’Eamon sur un système moderne – et avec quelques minimes options de dépoussiérage n’ôtant au jeu rien de son charme à l’ancienne – cette itération Deluxe désormais arrivée à terme avec sa version 5.0 peut constituer une excellente porte d’entrée, notamment grâce au contenu gigantesque qu’elle propose. Sachant que ça ne coûte de toute façon rien, pourquoi ne pas lui laisser une chance ?

Version Atari 8 bits

Autre étape de l’infatigable Eamon : l’Atari 8 bits, cette fois sous l’impulsion de Daniel Noguerol. On sent bien, une fois de plus, l’initiative d’un passionné : la gamme 8 bits d’Atari n’était plus exactement dans le vent en 1989, tandis qu’elle s’apprêtait à fêter ses dix ans, et la conséquence en est que seuls deux scénarios en plus de la grotte des débutants ont été retranscrits sur la machine : le Death Star évoqué plus haut et The Lair of the Minotaur – le pire étant que ce dernier, visiblement bugué, plante au lancement ! Comme on peut s’en douter, la communauté déjà très clairsemée de la machine n’a pas franchement suivi, et le titre reste aujourd’hui comme une curiosité qu’on préfèrera découvrir sur Apple II ou sur PC.

NOTE FINALE : 11/20

Bel effort, mais faute de contenu, Eamon sur Atari 8 bits restera une curiosité réservée à une niche très ciblée de nostalgiques. Sauf à chercher un programme gratuit pour son Atari 800, il n’y a objectivement aucune raison de découvrir le jeu sur cette plateforme.

Incoming

Développeur : Rage Software plc.
Éditeurs : Imagineer Co., Ltd. (France) – CDV Software Entertainment AG (Allemagne) – Rage Games Ltd. (Suède) – Xicat Interactive, Inc. (États-Unis)
Titres alternatifs : Incoming : The Final Conflict (États-Unis), Incoming : Tulnukate Rünnak (Estonie)
Testé sur : PC (Windows 9x)/MacintoshDreamcast
Présent dans les compilations : Incoming + Incoming Forces (Windows), Incoming Trilogy (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows), ZOOM Platform (Wndows)
L’extension du jeu : Subversion

Version PC (Windows 9x)/Macintosh

Date de sortie : Mai 1998
Nombre de joueurs : 1 à 2 (en local) – 1 à 8 (via câble Null-modem, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Pentium II 233MHz – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – API : Direct3D, Glide – RAM vidéo : 4Mo
Périphériques à retour de force supportés

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 7xx/PowerPC G3 – OS : Mac OS X 10.1.5 – RAM : 12Mo
Configuration graphique : RAm vidéo : 8Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Plus encore que le cinéma qui aura longtemps figuré au rang de ses modèles, le jeu vidéo sera resté depuis ses débuts un medium profondément lié aux avancées technologiques. Quels qu’aient été les progrès et les révolutions dans le domaine du gameplay, du game design, de l’interface ou de la narration, ceux-ci auront toujours été partiellement conditionnés à la rapidité de calcul des processeurs et aux capacités graphiques et sonores du matériel – d’où une tendance naturelle, de temps à autres, à céder à la facilité de la poudre aux yeux pour offrir un programme qui soit une démonstration technique avant même d’être un jeu, et ce ne sont pas les joueurs ayant couru acheter un Amiga 500 après avoir vu tourner Shadow of the Beast qui viendront affirmer le contraire.

Il y a des titres dont la fonction première semble être de justifier le perpétuel investissement dans la dernière technologie de pointe afin de ne pas tomber hors du train de la modernité, ceux-là même dont on a secrètement fait l’acquisition pour pouvoir rendre les copains, les collègues ou les voisins malades de jalousie en leur montrant ce truc que leur configuration de deux ans d’âge ne pourrait jamais faire tourner. À la fin des années 1990, la dernière innovation incontournable pour les PC aura été les cartes accélératrices 3D, et le meilleur moyen d’en vendre aura été de commencer par montrer ce qu’elles apportaient réellement en termes de rendu graphique et de puissance de calcul. Parmi les programmes qu’on pouvait s’attendre à trouver en bundle dans une boîte se trouvait Incoming, un jeu qui était aussi un très bon moyen de découvrir en quelques minutes les capacités de son acquisition flambant neuve. Avec un filet de bave, souvent.

Incoming, avant toute chose, c’est un jeu d’action en 3D qui ne cherche pas à réinventer la poudre, mais plutôt son emballage. Le principe est simple : détruire des trucs, que ce soit à bord d’une tourelle, d’un hélicoptère, d’un avion ou même d’une soucoupe volante, et quel que soit le mode de jeu – y compris les deux campagnes scénarisées – le réel objectif restera toujours le score, comme dans les bonnes vieilles bornes d’arcade de l’âge d’or.

Les modes de jeu, justement, offrent un tour d’horizon assez complet du contenu respectable du programme : on commence par un mode arcade, qui vous laissera prendre les commandes d’un des nombreux appareils du jeu (Comanche, Harrier, F/A-18, mais aussi, comme on l’a vu, des vaisseaux extraterrestres) pour faire face à des vagues d’ennemis de plus en plus puissants, dans un des environnements débloqués via les campagnes. Ici, l’idée sera d’aller collecter des power-up (dont l’emplacement sera désigné par la flèche servant à donner la direction de l’objectif, en haut de l’interface) pour augmenter votre puissance de feu, votre cadence de tir, votre réservoir d’armes secondaires (qui varient selon l’appareil mais sont généralement des munitions à tête chercheuse) ou pour vous soigner, voire vous rendre temporairement invincible. L’occasion de découvrir que l’action se déroule dans des environnements ouverts où la liberté de déplacement est totale, et que chaque appareil se pilote différemment, un hélicoptère d’assaut étant bien plus simple à faire voler en rase-motte dans un canyon qu’un jet supersonique. La jouabilité arcade faisant usage de six boutons (deux pour les tirs, deux pour l’altitude et/ou la propulsion, deux pour les déplacements latéraux) se maîtrise très vite, et le tir principal étant souvent guidé, on aligne rapidement les cartons dans la joie et la bonne humeur.

Pour les joueurs cherchant quelque chose de plus consistant, le jeu offre également deux campagnes – ou plutôt une seule avec une variante, comme on va le voir. Après un briefing textuel chargé de vous introduire un scénario inepte dont tout le monde se fout, l’idée sera de compléter une dizaine d’objectifs (dits « phases ») assez simples consistant à prendre le contrôle d’un appareil donné pour défendre une position, détruire un certain nombre d’ennemis ou rejoindre un endroit précis. Une fois l’objectif rempli, on change généralement d’appareil et de cible, avant de quitter la région à la fin du scénario (avec des missions se déroulant d’abord sur terre, puis sur la lune, puis carrément sur une planète extraterrestre).

Ces six « scénarios » de dix objectif chacun seront suivis de quatre missions bonus, largement de quoi s’occuper quelques heures, et introduisent également une petite dimension stratégique puisqu’il est tout à fait possible de retourner à une base pour réparer son appareil et se réapprovisionner. Et la deuxième campagne, me demanderez-vous ? Celle-ci, dite « tactique », est en fait exactement la même que la première, mais avec l’inclusion de séquences de stratégie en temps réel extrêmement basiques puisqu’elles se limiteront pour l’essentiel à choisir vos positions défensives et à leur assigner une cible : il n’y a ni gestion de ressources, ni construction de base, et très sincèrement on tirera vite un trait sur cet ajout inutile qui ne fait que diluer l’action. Tant qu’à faire, le jeu offre également du multijoueur, en ligne, en réseau local ou même en écran splitté, et l’option n’étant pas si fréquente sur PC, surtout à l’époque, on sera indéniablement heureux de pouvoir s’amuser à deux devant le même écran ou à huit en réseau.

Évidemment, l’attraction principale de l’époque, c’était la réalisation. Véritable catalogue de tous les effets graphiques et sonores disponibles en 1998 (MIP-mapping, filtrage bilinéaire et trilinéaire, son 3D…), elle n’impressionnera bien évidemment plus grand monde aujourd’hui, mais son aspect décomplexé à base de lumières colorées dans tous les sens et de grosses explosions a également un charme indéniable qui parlera immédiatement aux nostalgiques de cette période donnée.

En revanche, autant vous prévenir : le jeu a beau être disponible à la vente, le faire tourner dans des conditions optimales sur une configuration moderne risque de demander pas mal d’efforts, et sans doute l’ajout de programme tiers de type dgvoodoo pour pouvoir émuler d’anciennes version de DirectX, faute de quoi, attendez-vous à composer avec des textures manquantes et avec divers artefacts graphiques. Notez également que le framerate de l’écran-titre n’est pas capé (ne soyez donc pas surpris que les animations tournent à fond de train) mais, que le framerate est bel et bien capé à 30FPS en jeu. Oh, et même avec dgvoodoo, vous pouvez encore vous attendre à des écrans noirs, sauts des plages sonores et autres plantages intempestifs – croyez-moi, si vous n’avez pas envie d’expérimenter pendant deux heures avant de réussir à faire tourner le jeu, vous vous épargnerez du temps et de l’énergie à aller émuler directement la version Dreamcast !

Ces considérations techniques mises à part, on a affaire à un jeu efficace et amusant, mais qui finit fatalement par s’essouffler sur la durée, la faute à un certain renouvellement dans tous les domaines. En dépit des quelques nuances introduites d’un appareil à l’autre, on passe en effet son temps à refaire exactement la même chose, et même si les différents décors aident à apporter un peu de dépaysement, ils sont globalement très vides (quelques bâtiments, jamais un arbre ou un être humain en vue) et se résument pour l’essentiel à des color swaps des mêmes textures.

Même s’il y a indéniablement des bons moments à passer, surtout à plusieurs, une fois que la lassitude commence à s’installer, elle devient vraiment difficile à congédier tant le titre reste l’héritier assumé des titres d’arcade à l’ancienne. On n’a donc jamais de raison de tenter une nouvelle approche, et une fois la campagne bouclée (et peut-être même avant, tant les objectifs sont redondants), on risque de ranger définitivement le jeu, surtout à une ère où on n’a plus vraiment de raison de le ressortir pour l’utiliser comme benchmark. Il serait cependant sévère de congédier le titre comme une simple démo technique de plus de vingt-cinq ans d’âge : pour peu qu’on parvienne à le pratiquer dans des conditions décentes, on se prend vite au jeu et on découvre qu’on vient de tuer vingt minutes là où on avait à peine prévu d’en sacrifier cinq. Mais mieux vaudra prendre le temps de traîner sur les forums techniques avant de tenter l’expérience – la technologie du passé, elle aussi, a un prix.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

D'accord, on ne sait plus trop si Incoming était censé être un jeu d'action, un benchmark ou un outil de promotion des cartes accélératrices 3D – avec lesquelles il était d'ailleurs souvent vendu en bundle. Mais derrière une poudre aux yeux devenue fatalement inopérante plus d'un quart de siècle plus tard se cache néanmoins un titre arcade efficace qui n'a certes pas grand chose de plus à offrir que de tirer sur tout ce qui bouge, mais parfois c'est très exactement ce qu'on recherche. En dépit d'un contenu respectable et même d'un mode multijoueur en écran splitté pas très fréquent sur les PC de 1998, le jeu s'essouffle fatalement au bout de quelques heures faute de renouvellement dans l'action ou la jouabilité, mais il demeure un moyen tout-à-fait acceptable de tuer dix minutes de façon agréable – à condition de parvenir à le faire marcher dans de bonnes conditions.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Les nombreuses difficultés pour faire tourner le jeu correctement sur un système moderne
– Un manque global de variété et de renouvellement dans l'action et les décors
– Des phases de stratégie très limitées et qui jurent un peu avec le reste

L’extension du jeu :
Subversion

Bien accueilli à sa sortie, autant pour sa réalisation que pour son action décomplexée, Incoming aura eu le droit à une extension devenue assez délicate à trouver – étrangement, elle n’est d’ailleurs pas présente dans le pack regroupant Incoming et Incoming Forces en vente en ligne au moment où j’écris ces lignes, seule la compilation regroupant la trilogie vendue sur ZOOM Platform la propose à la vente. Comme on pouvait s’y attendre, pas de grosse révolution en vue ici : c’est littéralement davantage de la même chose, avec une campagne de cinq scénarios comprenant entre huit et dix phases chacun pour un total de « 48 missions », comme le présente la boîte du jeu. C’est d’ailleurs tout ce qu’il y a à se mettre sous la dent ici : le mode arcade a disparu, tout comme le multijoueur. On repart donc pour de nouveaux environnements ressemblant furieusement aux anciens, avec quelques nouveaux véhicules ne présentant pas grand chose de neuf comparés aux autres, dans des missions qui reprennent fidèlement le déroulement des anciennes. Au rang des quelques (timides) nouveautés, signalons quand même la présence d’appareils alliés vous donnant un coup de main au cours des scénarios, ce qui vous permettra souvent de ne pas perdre de précieuses minutes à poursuivre ce maudit ennemi qui vous avait échappé alors qu’une autre vague approche. Autant dire que cette extension se réserve à des joueurs n’ayant pas eu leur compte avec la campagne originale, mais cela n’empêche pas l’action d’être toujours parfaitement aussi efficace.

NOTE FINALE : 15/20

Pas grand chose de vraiment neuf dans Subversion, une extension entièrement centrée sur une campagne supplémentaire, là où on n’aurait vraiment pas dit non à du contenu arcade ou multijoueur additionnel. Néanmoins, c’est largement suffisant pour rempiler dans la bonne humeur pour quelques heures d’action débridée. On s’en contentera.

Version Dreamcast

Développeur : Rage Software plc
Éditeurs : Imagineer Co., Ltd. (Japon) – Rage Software plc (Europe) – Interplay Entertainment Corp (Amérique du Nord)
Date de sortie : 17 décembre 1998 (Japon) – 14 octobre 1999 (Europe) – 30 novembre 1999 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : GD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Jump Pack supporté
VGA Box supportée
VMU supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

S’il y avait un titre taillé sur mesure pour juger de la puissance de la nouvelle console 128 bits de SEGA face à un PC haut-de-gamme, c’était bien Incoming. Cela tombe bien : le jeu aura débarqué sur Dreamcast dès 1998 au Japon, moins d’un mois après la sortie de la console (laquelle aura dû attendre fin 1999 pour arriver en Europe). L’occasion de constater que la machine rivalisait pour l’occasion très bien avec des configurations nettement plus onéreuses ! Évidemment, plus question ici de jouer dans une résolution au-delà de 640×480, et le multijoueur en ligne a disparu (alors que la machine, ironiquement, faisait partie des premières à offrir cette fonction). Oh, et la campagne « tactique » a également été sacrifiée, mais vu ce qu’elle apportait, on s’en remettra. Mais pour le reste, si on a peut-être perdu quelques effets graphiques comparé à la version PC, c’est pour ainsi dire indécelable, le framerate est constant à 30 FPS, on peut toujours jouer à deux en écran splitté et la maniabilité au pad est parfaite. En fait, avec vingt-six ans de recul, cette version est même plutôt plus accessible que sur PC car pour peu que vous ayez la console (ou un émulateur) sous la main, le jeu est infiniment plus facile à faire tourner dans des conditions optimales que sur un PC avec Windows 10, dgvoodoo et une bonne demi-heure d’essais/erreurs pour faire tourner le programme dans des conditions décentes ! Évidemment, l’action débridée est d’autant moins originale sur console, mais pour ceux qui cherchent un bon défouloir qui ne mette pas trop les cellules grises à contribution, ça fait parfaitement le café.

NOTE FINALE : 15,5/20

En-dehors du multijoueur en ligne et de la campagne tactique, cette version Dreamcast d’Incoming ne sacrifie strictement rien et se permet de tenir tranquillement la dragée haute à une version PC exigeant des configurations autrement plus couteuses. C’est beau, c’est fluide, et c’est toujours parfaitement aussi efficace. Aucune raison de bouder cette version, donc.

Mortal Kombat 3

Développeur : Midway Manufacturing Company
Éditeur : Midway Manufacturing Company
Testé sur : ArcadeGame BoyMega DrivePC (DOS)PlayStationSuper NintendoGame GearMaster SystemPC (Windows 9x)
Présent au sein des compilations : Midway Arcade Treasures 2 (GameCube, PlayStation 2, Xbox), Midway Arcade Treasures : Extended Play (PSP), Mortal Kombat 1 + 2 + 3 (Macintosh, Windows)
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows)

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version Arcade

Date de sortie : Mars 1995
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et cinq boutons
Version testée : Version internationale, révision 2.1
Hardware : Processeurs : Texas Instruments TMS34010 50MHz ; Analog Devices ADSP-2105 10MHz
Son : Haut-parleur ; DMA-driven DAC ; 1 canal
Vidéo : 400 x 254 (H) 54,70684Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les jeux de combat sont-ils frappés d’une malédiction du troisième épisode ?

Ne riez pas, la question aura agité bien des fans du genre, et en prenant le temps d’y réfléchir, elle est finalement plus rationnelle qu’elle n’en a l’air. Combien de séries majeures auront vu l’opus le plus attendu de tous, celui qui devait venir confirmer toutes les splendides avancées du deuxième épisode tout en permettant à la licence de franchir un cap, être accueilli par des moues dubitatives et des joueurs qui ne semblaient jamais y trouver ce qu’ils étaient venus y chercher – peut-être, précisément, parce que les attentes étaient très différentes en fonction de l’expérience des joueurs ?

Street Fighter III, Art of Fighting 3 ou même Samurai Shodown III n’auront jamais réussi à soulever un enthousiasme unanime – mission d’autant plus difficile à relever qu’il s’agirait de contenter deux tendances opposées : d’un côté, doper l’accessibilité et le contenu et de l’autre, offrir un gameplay toujours plus profond et plus technique sans saboter l’équilibrage. Mortal Kombat 3 aura dû lui aussi composer avec une question délicate : tout chambouler par ambition ou bien ne toucher à rien ? Et, assez logiquement, il aura finalement décidé d’opérer une forme de mélange des deux… et c’est là que les débats interminables déchirant les joueurs commencent. Les inévitables sacrifices opérés ont-ils été les bons ?

Mortal Kombat, troisième édition, donc. devinez quoi : le maléfique Shao Kahn, lassé de ne pas être foutu de conquérir la terre grâce à son tournoi pourri dont c’est pourtant la seule fonction, décide d’utiliser un cheat code en la personne de Syndel, sa copine décédée 10.000 ans plus tôt, pour court-circuiter tout le bazar et venir conquérir la terre.

Raiden, visiblement tellement concerné par cette transgression évidente des règles qu’il est parti faire autre chose, a néanmoins laissé sa protection sur quatorze combattants qui, au lieu de s’allier pour sauver la planète, choisissent bien évidemment de se battre entre eux pour décider qui ira coller une raclée à Shao Kahn et récupérer les âmes des terriens. Voilà pour le prétexte – très sincèrement, on ne sera pas tenté de hurler au génie – mais cette mise en bouche suffit à traduire une partie de l’ambition qu’on attendait après un deuxième épisode qui avait globalement visé juste : davantage de contenu, davantage de possibilité, davantage de variété.

Premier point de contentieux, justement : le roster. Sur les quinze personnages jouables (dont un secret), seul neuf ont fait le trajet directement depuis Mortal Kombat II. Le bon côté, c’est qu’on sent un certain effort pour éviter la recrudescence des fameux color swaps façon Scorpion/Sub Zero/Reptile ou Kitana/Mileena : seuls Cyrax et Spector, deux nouveaux ninjas-cyborgs (poétiquement surnommés « moutarde » et « ketchup » par les développeurs en raison de leur couleur respective) partagent le même sprite. Même Sub Zero, justement, a laissé tombé son masque pour essayer de gagner un peu en personnalité.

Avec l’apparition d’une nouvelle race de centaure aux sprites massifs représentée par le premier boss Motaro et la possibilité, pour la première fois, de contrôler un Shokan (les combattants à quatre bras) sans avoir à utiliser un code via le personnage de Sheeva, on trouve a priori de quoi contenter tout le monde. En revanche, certains esprits chagrins pourront regretter que des personnages populaires ou charismatiques – au hasard, Johnny Cage ou surtout Raiden – aient été purement et simplement évacués, ce qui avec la disparition des ninjas susnommés commencent à faire beaucoup de pertes collatérales. D’autant plus lorsque les nouveaux combattants, allant d’un trèèèèès original officier de police (Stryker) à un chef indien ayant trouvé son déguisement chez Wish (Nightwolf) en passant par un cosplay whitewashing de Tina Turner en maillot de bain une pièce (Syndel), font un peu tache au milieu de l’univers du jeu et donnent le sentiment d’être allé chercher un peu n’importe quoi pour contenter tout le monde – et finalement ne contenter personne.

Ceci dit, il serait malvenu de réduire le jeu à quelques choix de roster nécessairement polémiques. Du côté du système de jeu, on sent immanquablement une certaine ambition via le changement dans la continuité : un bouton de course a par exemple fait son apparition, accélérant encore le rythme du jeu et venant offrir une option supplémentaire pour déborder les personnages sur la défensive, qui tendaient à être avantagés dans les précédents épisodes.

On peut y ajouter un nouveau système de combo venant se surajouter au précédent, la présence de codes à entrer (à la NBA Jam) en prélude des combats pour modifier le gameplay ou accéder à certains personnages, de nouveaux coups spéciaux, plusieurs nouveaux types de « Fatalities » : les « Mercy », permettant à un combattant vaincu de regagner une portion de sa vie et les « Animalities » qui permettent de prendre la forme d’un animal avant de dévorer son adversaire, ou encore la possibilité d’expédier un adversaire à un autre niveau du décor via un uppercut bien senti. On notera aussi que c’est le premier épisode où le joueur peut choisir le mode de difficulté via le tournoi de départ plutôt que de le laisser à la discrétion du gérant via les DIP switches. Bref, du neuf par petites touches mais avec suffisamment de matière pour doper l’épaisseur ; sur le papier, que du tout bon.

Dans les faits, les choses se révèlent un peu moins idylliques lorsqu’on réalise que la plupart des bonnes idées sont en fait contrebalancées d’une manière ou d’une autre par une mauvaise application. Par exemple, ajouter la possibilité de courir, c’est bien, mais était-il vraiment nécessaire d’ajouter encore un bouton à un gameplay qui souffrait déjà d’un blocage assez peu naturel – caractéristique d’ailleurs toujours pas corrigée par cet opus ?

Dans le même ordre d’idées, ajouter un niveau de combo était-il vraiment indispensable, sachant que 95% des joueurs de la borne avaient peu de chance d’accéder au niveau de maîtrise permettant d’en tirer réellement profit – et que l’IA, plus redoutable que jamais, n’hésite pas à en abuser pour étaler le joueur sans lui laisser l’occasion de répliquer une seule fois ? Quant aux nouvelles « Fatalities », elles sont si contraignantes à employer (il faut n’utiliser que les low punchs et les low kicks, ne pas utiliser la parade, commencer par accorder un « Mercy », tourner trois fois sur soi-même en équilibre sur une jambe en chantant l’hymne américain en Klingon – bon, j’invente pour cette dernière partie mais vous voyez le genre) qu’elles seront une fois de plus réservées à une toute petite élite ravie de les sortir une fois tous les 36 du mois face à de complets débutants. Bref, la question légitime de savoir si on n’aurait pas perdu au moins autant de choses qu’on en a gagnées commence à poindre avec insistance.

Soyons clairs : pour le joueur occasionnel, ces récriminations sembleront sans doute assez abstraites, et le commun des mortels ne tiquera sans doute que devant l’absence de réel avancée technique en deux ans (le hardware est exactement le même que celui qui faisait tourner Mortal Kombat II) et la difficulté assommante du tournoi le plus exigeant – mais bon, il y a de fortes chances que le néophyte, de toute façon, ait choisi de partir directement sur Ultimate Mortal Kombat 3, tout comme les fans du deuxième épisode, qui auront au moins l’occasion d’y retrouver une partie des personnages qui leur ont été arrachés ici ainsi que certains rééquilibrages bienvenus (au hasard, les combos à peu près inarrêtables de Kabal).

C’est d’ailleurs ce qui finit d’inscrire Mortal Kombat 3 comme un épisode de transition ayant déclenché suffisamment d’animosité pour justifier une version revue et corrigée quelques mois plus tard : un titre qui aura pris des risques, mais pas toujours les bons, pour aboutir au final à une expérience pas assez neuve pour les nouveaux venus et pas assez bien pensée pour contenter les vétérans. Ce qui n’en fait pas un mauvais jeu, loin de là ; simplement un titre qui n’aura pas accompli l’amalgame délicat qu’on espérait.