Mortal Kombat Trilogy

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Testé sur : PlayStationNintendo 64PC (DOS/Windows 9x)Saturn
Disponible sur : Windows
En vente sur : GOG.com (Windows)

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 10 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 1er décembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’affirmation est un tabou absolu, elle se murmure en cachette lorsque personne n’écoute, et le plus ignare des responsables marketing sait qu’elle ne doit jamais ô grand jamais être prononcée en public et à voix haute, en vertu du principe qui veut qu’on évite soigneusement de se fâcher avec son unique source de revenus. Il n’empêche que n’importe quel éditeur sur la planète doit souvent pousser un soupir en la formulant intérieurement : quoi qu’on en dise, les joueurs sont quand même chiants.

Non mais c’est vrai, quoi : on essaie de leur faire plaisir, et ça ne se passe quasiment jamais comme on le voudrait ; quand on leur offre la même chose, ils veulent quelque chose de différent, quand on leur offre quelque chose de différent, ils voulaient la même chose, et même quand on leur offre quelque chose de différent alors qu’ils voulaient effectivement quelque chose de différent, les changements ne sont pas ceux qu’ils attendaient. Quelles divas ! Cette leçon, Midway aura eu l’occasion de l’apprendre à la dure avec un Mortal Kombat 3 qui se sera rapidement attiré les foudres d’une bonne partie de sa base pour des modifications jugées un peu trop radicales dans son roster. Après avoir corrigé le tir avec un Ultimate Mortal Kombat 3 qui aura fait taire une partie de la grogne des joueurs – mais pas toute –, quelqu’un aura fatalement dû arriver à la conclusion imparable : le meilleur moyen de ne vexer personne, c’est encore de ne rien enlever. La série Mortal Kombat avait beau avoir accumulé une impressionnante collection de personnages en trois épisodes et demi, après tout, pourquoi se fatiguer à opérer un ménage que personne ne semblait solliciter ? Eurêka. Ainsi naquit le concept de Mortal Kombat Trilogy : le contenu de trois jeux en un, avec (pratiquement) aucun sacrifice ; la matérialisation d’une totale absence de prise de risque. Mais hé, puisque apparemment les joueurs ne voulaient de toute façon pas qu’on en prenne…

Quoi que son titre puisse laisser penser, Mortal Kombat Trilogy n’est donc pas une compilation ; on pourrait davantage parler d’ « anthologie », c’est un opus reprenant des éléments des trois précédents, et sur le plan technique, c’est même une simple mise à jour de Mortal Kombat 3. En termes de contenu, le roster du jeu est d’ailleurs est pratiquement un manifeste des intentions de cet épisode, puisqu’il intègre littéralement tous les combattants, y compris les boss et les personnages cachés, de la saga, en les rendant tous jouables au passage.

Pour la première fois, les fans pourront donc prendre le contrôle de Rain ou de Noob Saibot qui disposent désormais de leur propres mouvements, combos et fatalités, et non seulement les grands oubliés d’Ultimate Mortal Kombat 3 comme Rayden ou Johnny Cage signent leur grand retour, mais il même possible d’incarner plusieurs personnages dans une version « classique » où ils reprennent alors les sprites et les coup de Mortal Kombat ou Mortal Kombat II. Histoire de compléter le tableau en beauté, un nouveau personnage secret nommé « Chameleon » fait son apparition – et, fidèle à la tradition de la série, celui-ci est grosso modo un color swap de Reptile dans sa version Mortal Kombat premier du nom ; il est d’ailleurs remplacé par une femme ninja (cette fois orthographiée « Kameleon ») dans la version Nintendo 64 du jeu. Les modes de jeu, pour leur part, sont repris directement d’Ultimate Mortal Kombat 3, avec notamment le très populaire 2 vs. 2, et le tournoi qui fait figure de mode solo est cette fois divisé en quatre niveaux de difficulté, qui viennent s’additionner aux cinq modes de difficulté accessibles dans le menu des options. Et oui, le titre est toujours ridiculement difficile dès le mode le plus simple au bout d’une poignée de combats.

Sur le plan technique, Mortal Kombat Trilogy est le premier épisode à ne pas avoir été développé en premier lieu pour les salles d’arcade, ce qui lui vaut d’avoir été développé avec la très populaire PlayStation en tête… laquelle n’était pas forcément la machine la mieux armée de sa génération pour la 2D. 32 bits oblige, je vous rassure tout de suite : le résultat est très solide, et même si la résolution est plus basse que sur les bornes des opus précédents, la réalisation graphique comme sonore fait largement le travail sans qu’on se sente roulé dans la farine.

Le vrai problème, comme souvent avec le genre, vient plutôt du support CD-ROM et de ses chargements intempestifs qui viennent casser le rythme d’une expérience spécifiquement pensée pour enchaîner des combats très courts. De façon assez intelligente, le menu des options du jeu vous autorise donc à supprimer un maximum d’écrans de transition, comme celui présentant les personnages avant un combat, histoire de réduire l’attente au maximum – mais il ne sera alors plus possible d’entrer les fameux « Mortal Kombat Kodes » en prélude d’un affrontement. Un compromis qui en vaut bien un autre : l’esthétique du jeu à base d’acteurs filmés ne décrochera plus la mâchoire de quiconque aujourd’hui, mais le jeu est parfaitement dans les clous de la saga – une constatation qui se confirme d’ailleurs à tous les autres niveaux.

En effet, le principal reproche que l’on pourra adresser à ce Mortal Kombat Trilogy constitue paradoxalement son principal argument de vente : c’est littéralement l’addition de tout ce que les joueurs ont aimé dans la saga… et de rien d’autre. Certes, on notera l’apparition d’une jauge « Agressor » en bas de l’écran, et qui rend un personnage temporairement plus puissant et plus rapide lorsqu’elle est remplie, ce qui se produit en multipliant les assauts sur l’adversaire – une prime à l’attaque qui risque une nouvelle fois de pénaliser les joueurs débutants qui n’auront pour ainsi dire droit à aucun traitement de faveur : il n’y a rien qui ressemble à un mode d’entraînement, pas de liste des coups spéciaux ni même une ligne pour détailler le principe de combos ; et non, aucune de ces informations n’est disponible dans le manuel, il fallait tout découvrir par soi-même ou via les magazines de l’époque.

Autant dire qu’à ce tarif, mieux valait avoir du temps devant soi pour maîtriser les trente-sept personnages jouables, déclinaisons comprises, du jeu ! Les combattants ont beau avoir été retravaillés et rééquilibrés, on se doute que certains s’en tirent mieux que d’autres et que la profusion de combattants interdit tout espoir d’un titre réellement équilibré. Comme un symbole, toutes les arènes du jeu sont directement recyclées des épisodes précédents, elles aussi, avec parfois quelques changements cosmétiques, et la plupart d’entre elles proviennent de Mortal Kombat II et Mortal Kombat 3 – trois des décors du premier épisode sont manquants. Mais autant dire les choses, en-dehors des très timides ajouts susmentionnés, le jeu ne comporte pour ainsi dire strictement rien de neuf ; c’est, d’un bout à l’autre, du pur recyclage… et c’est finalement exactement ce que les joueurs demandaient depuis un an.

Il en résulte un statut un peu particulier : Mortal Kombat Trilogy est à bien des niveaux le titre « ultime » de la saga… pour les fans dévoués des trois premiers opus, et personne d’autre. Les néophytes seront littéralement ensevelis sous les personnages en se voyant très rapidement punis par le manque d’accessibilité du titre – pour toutes les raisons évoquées plus haut, de la difficulté qui monte rapidement en flèche à l’absence d’informations sur les coups spéciaux et le système de jeu – ce qui est quand même un peu dommage pour une série dont l’un des principaux points forts était originellement de ne pas être excessivement technique, et qui semblait se réserver quatre ans plus tard à des convertis de longue date prêts à composer sans broncher avec un bouton pour la parade et un autre pour la course et des adversaires qui peuvent littéralement vous pilonner à coups de combos d’un bout à l’autre du match sans même vous laisser le temps de toucher le sol (je n’exagère pas : le jeu est connu pour ses bugs qui permettent aux joueurs sachant les exploiter de produire des combos infinis) !

Bref, l’épisode de la réconciliation n’est pas exactement celui de l’ouverture, et il ressemble davantage à un fan disc destiné à contenter une communauté cimentée par la trilogie originelle. C’était son but, c’est sa philosophie, et cela explique sans doute sa popularité auprès de joueurs qui étaient déjà acquis à la série depuis longtemps. Les autres risquent sans doute de se retrouver perdus devant tous ces colors swaps de ninja ; autant se le dire : pour qui n’aurait pas envie de consacrer beaucoup de temps au jeu, Mortal Kombat Trilogy est un club privé réservé à une certaine élite. Si vous n’en faites pas partie… eh bien, vous risquez de ne pas vous sentir à votre place, et de déserter les lieux plus vite que vous ne le pensiez. Si le jeu n’en vaut pas la chandelle à vos yeux, le plus simple est probablement de découvrir la série via ses épisodes les plus récents – Mortal Kombat 11 ou le mal nommé Mortal Kombat 1 en tête. Sincèrement, personne ne vous en voudra.

Vidéo – Combat : Rayden vs. Reptile :

NOTE FINALE : 16,5/20

Pour se réconcilier avec des fans qui n'avaient pas forcément goûté aux divers choix opérés pour Mortal Kombat 3 et Ultimate Mortal Kombat 3, Midway Games aura choisi la solution de facilité : plus de coupes, plus de dissensions, on réintègre (pratiquement) tout le contenu des trois premiers opus et on emballe ! Le résultat a certes l'avantage de présenter un des rosters les plus impressionnants de la période, avec plus d'une trentaine de personnages jouables, mais il a aussi la faiblesse de recycler plus qu'il ne créé, et de sentir au moins autant le réchauffé que l'édition définitive. Si les fans de la licence auront de quoi se frotter les mains, heureux de pouvoir retrouver absolument tous les combattants qu'ils ont aimés, les néophytes se sentiront sans doute un peu perdus face à une difficulté toujours aussi immonde et une accessibilité qui n'a pas progressé d'un pouce. Un titre de connaisseurs, mais pas forcément la meilleure porte d'entrée dans l'univers de la saga.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté toujours aussi mal réglée
– Des temps de chargement à profusion
– Un mode entraînement ? Quelqu'un ?
– Très peu de nouveautés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mortal Kombat Trilogy sur un écran cathodique :

Version Nintendo 64

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Williams Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 14 mars 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 100Mb
Controller Pak supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’approche de la fin du millénaire, on pouvait commencer à s’attendre à trouver des versions relativement proches d’un jeu d’une machine à l’autre – pour ne pas dire à des portages pixel perfect, surtout en ce qui concernait des jeux en 2D. Mais les nuances existaient encore bel et bien, comme le prouve cette version Nintendo 64 de Mortal Kombat Trilogy. La première surprise n’est d’ailleurs pas la meilleure : le roster a rétréci en passant sur Cartouche. Sub-Zero, Goro et Kintaro ne sont plus jouables, les versions « MKI » et « MKII » de Raiden, Kano, Jax et Kung Lao ne sont plus accessibles, même via un cheat code, et Shaoh Khan et Motaro sont désormais à débloquer au lieu d’être disponibles d’office. Un choix un peu étrange, quand on sait que le nombre de personnages jouable constituait le principal point fort du jeu, mais c’est à prendre ou à laisser. On constate également de nombreuses erreurs dans l’attribution des voix des personnages lors des coups, et la disparition des décors Kahn’s Arena de Mortal Kombat II et The Bank de Mortal Kombat 3 – un décor exclusif fait néanmoins son apparition.

Cela commence mine de rien à faire beaucoup, alors cette version introduit également une petite nouveauté : un mode trois contre trois, à la King of Fighters, qui permettra de prolonger un peu le plaisir pour les joueurs maîtrisant plusieurs personnages. Au rang des meilleures nouvelles, la réalisation est solide : on ne compose plus avec l’effet de dithering du traitement de la couleur de la PlayStation, par exemple. Surtout, plus question ici de chercher à couper tous les écrans de transition, et pour cause : qui dit support cartouche dit qu’on ne doit plus composer avec des temps de chargement à rallonge, ce qui est un gain de confort indéniable. En revanche, on ne peut pas dire que le pad de la Nintendo 64 soit le mieux adapté pour les deux de ce type, et dans l’ensemble on peut comprendre qu’une partie de la presse de l’époque se soit étranglée devant le fait que cette version 64 bits soit au final plus faible que celles parues sur des machines théoriquement deux fois moins puissantes (ce qu’elles n’étaient pas). La concurrence n’étant pas féroce en la matière sur la console de Nintendo, les fans pourront rapidement arrêter leur choix, mais ceux qui voudraient la version ultime du jeu risque de ne pas goûter les nombreuses coupes de cette itération.

Ça bouge bien, mais on sent que la console pouvait encore faire bien mieux

NOTE FINALE : 16/20

Que l’on en attribue la responsabilité au support cartouche ou simplement à la fainéantise de Midway Games, le fait est que Mortal Kombat Trilogy sur Nintendo 64 doit composer avec des coupes qui ne s’imposaient pas et qui ne sont que très partiellement compensées par la présence d’un mode inédit et par l’absence de temps de chargement. Un bon rival à Killer Instinct Gold sur la même console, mais sans doute pas la version du jeu à privilégier de nos jours.

Version PC (DOS/Windows 9x)

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp.
Date de sortie : Décembre 1997
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément)* – 2 à 8 (à tour de rôle)
*Jeu par réseau local supporté (version Windows 9x uniquement)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joypad*, joystick
*Version Windows 9x uniquement
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel Pentium – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Carte son supportée : Sound Blaster

Version Windows 9X :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Fin 1997, on ne peut pas dire que les jeux de combat constituaient le centre des préoccupations de la plupart des joueurs PC – surtout quand tout ce qui était en 2D semblait déjà furieusement has been par rapport à ce que pouvaient afficher leurs cartes accélératrices 3D dernier cri. Ce qui explique pourquoi Mortal Kombat Trilogy sera arrivé sur l’ordinateur en trainant les pieds… et sous la forme d’un simple portage de la version PlayStation, ce qui était quand même un peu frustrant quand on se souvient que les machines de l’époque étaient déjà tout à fait capables d’afficher une résolution bien plus élevée que le 320×240 du titre, et surtout en plus de 256 couleurs – ce qui n’est pas le cas ici.

Passé cette déception, la bonne nouvelle est que le titre tourne comme un charme, qu’il n’y a plus trace du moindre temps de chargement sur un système puissant, et que le titre reconnait nativement les joypads dans sa version Windows 9x… qui est justement celle qui est en vente à l’heure actuelle plutôt que la version DOS, grâce à un petit programme appelé dxcfg apparemment créée par l’équipe de GOG et qui permet au jeu de tourner comme un charme sous Windows 10 sans sacrifier la moindre fonction ni avoir à se battre avec une machine virtuelle. Conséquence : vous pouvez brancher votre manette de Xbox series, ça ne posera aucun problème, et cela permet au programme d’offrir une expérience optimale – dommage que la réalisation ne se hisse pas à la hauteur de celle de la borne d’arcade d’Ultimate Mortal Kombat 3 et que les quelques nouveautés de la version Nintendo 64 n’aient pas fait le trajet jusqu’à cette itération, car pour le reste, c’est un sans faute.

NOTE FINALE : 16,5/20

Un peu paresseuse sur le plan de la réalisation – où elle ne parvient même pas à faire tout à fait aussi bien que la version PlayStation dont elle est pourtant directement tirée – la version PC de Mortal Kombat Trilogy est heureusement totalement irréprochable sur le plan de la jouabilité, et la disparition des temps de chargement constitue un bonus suffisamment bienvenue pour faire de cette version la meilleure de toutes d’une (très) courte tête. Un portage plus ambitieux aurait cependant pu faire encore mieux, dommage.

Version Saturn

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp. (Europe) – Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 11 avril 1997 (Europe) – 8 août 1997 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour la version Saturn, on retrouve à la barre l’équipe qui allait se charger la même année de la conversion sur PC ; on ne sera donc pas surpris de se retrouver, une fois de plus, face à un portage de la version PlayStation avec un contenu exactement identique.

Les rares nuances seront donc plutôt à aller chercher, une nouvelle fois, du côté de la technique : comme souvent avec la console de SEGA, les quelques effets de transparence (les ombre et les barres de vie, principalement) ont laissé la place à un dithering pas très esthétique, mais pour le reste les graphismes sont les mêmes que ceux de la version PC, ce qui signifie que les couleurs ne font pas apparaître le même effet de trame que sur PlayStation. Les chargements sont également légèrement plus rapides, ce qui compte dans un jeu où on va en rencontrer souvent. Pour le reste, la fluidité est irréprochable et la jouabilité inattaquable – autant dire que ceux qui voudraient du Mortal Kombat sur leur Saturn seraient bien inspirés de commencer directement par ici.

NOTE FINALE : 16,5/20

À quelques minuscules fioritures près, Mortal Kombat Trilogy sur Saturn fait globalement jeu égal avec une version PlayStation qui ne le devance que du côté des effets de transparence. Pour ce qui est du contenu comme de celui de la jouabilité, aucun reproche à faire, et les fans de la licence peuvent découvrir cette version sans aucun regret.

Das Boot : German U-Boat Simulation

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three-Sixty Pacific, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Megafortress / Das Boot / Aces of the Great War (1992 – PC (DOS))
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.11 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et Tandy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on aura eu l’occasion de le mentionner par ailleurs (au hasard ici), la toute fin des années 80 aura correspondu à une timide tentative de démocratisation de la part d’un genre extrêmement exigeant par nature : la simulation. Accolade avait contribué à montrer la voie, mais celle-ci était finalement tracée d’avance, selon le bon vieux précepte qui veut que « toucher un public plus large » = « augmenter les chances de vendre le jeu » = « brouzoufs » – les simulateurs « allégés » à la Ace of Aces ne constituaient après tout pas une nouveauté en soi, disons simplement que l’on pouvait attribuer leur simplicité davantage à des contraintes techniques qu’à un réel choix de game design.

Mais tiens, puisque l’on évoque Ace of Aces, figurez-vous que le jeu avait justement déjà été distribué par Accolade, et que son équipe de développement se nommait alors Artech. Quatre ans plus tard, celle-ci n’avait visiblement pas gonflé que son nom pour devenir Artech Digital Entertainments, mais aussi ses effectifs puisqu’en parallèle de Blue Max, elle travaillait également sur un autre type de simulateur, lui aussi très en vogue à l’époque : le jeu de sous-marins. Terrain plus miné qu’on pourrait le penser, puisque déjà largement occupé par des références comme Silent Service II ou Wolf Pack – d’ailleurs sortis eux aussi en 1990 –, élevant de fait le seuil d’exigence de joueurs pas forcément décidés à acheter trois simulateurs d’U-Boot en un an. Alors histoire d’augmenter les chances, autant en profiter pour avoir recours à un licence célèbre ; de toute évidence, celle d’À la poursuite d’Octobre Rouge était déjà prise, alors il aura fallu aller chercher un peu plus loin avec le long-métrage Le Bateau (titre original : Das Boot) de Wolfgang Petersen, lui-même tiré du livre de Lothar-Günther Buchheim romançant des missions que l’auteur avait vécu pendant la seconde guerre mondiale. Et voilà comment on se retrouve avec Das Boot, un jeu… qui entretient en fait pour seul lien avec le film et le roman de se dérouler dans un sous-marin.

En vertu de la philosophie visant à offrir aux joueurs impatients un peu plus d’action effrénée et un peu moins de réglages techniques pointus proprement incompréhensibles aux malheureux n’ayant pas encore compulsé les 350 pages de manuel écrit petit, le titre d’Artech commence par proposer de courtes missions d’entraînement qui ont l’avantage de faire également office de mini-jeux pour les capitaines pressés n’ayant pas envie d’écumer les océans pendant un quart d’heure à la recherche d’un convoi allié (nous aurons l’occasion d’y revenir).

On pourra donc apprécier ici la variété des séquences : tir sur avions de chasse et bombardiers depuis le canon anti-aérien placé sur le pont, tir sur cibles marines avec un canon lourd, tir de torpille depuis la surface ou sous l’eau, en visant alors avec le périscope plutôt qu’avec les jumelles, combat sous-marin entre submersibles, champ de mines, phase d’évitement de charges explosives, etc. De quoi constater que la jouabilité de ces scènes est très simple – on vise avec les flèches, on tire avec Espace –, que la 3D est particulièrement efficace pour un titre de 1990 (les effets volumétriques visibles sous l’eau, particulièrement novateurs pour la période, avaient décroché la mâchoire de la presse de l’époque), et que certaines d’entre elles privilégient d’ailleurs la poudre aux yeux au détriment de la profondeur (sans mauvais jeu de mot) au point de s’avérer très limitées, en particulier du côté des phases sous-marines. Mais au moins, le ton est donné : les joueurs qui voudraient de l’action pourront en avoir, et ils pourront même en avoir tout de suite.

Cependant, comme on peut s’en douter, le principe même de la simulation de sous-marin ne repose pas exactement, d’ordinaire, sur le fait d’aller canarder des avions ou des destroyers depuis le pont de son submersible. Das Boot propose donc fort logiquement cinq missions plus conventionnelles et surtout beaucoup plus consistantes, aux objectifs relativement variés mais qui tourneront principalement autour du fait de patrouiller, de repérer des convois et leur escorte et de s’efforcer de couler le tout avant de repartir en un seul morceau. L’occasion de configurer de nombreux réglages pour s’approcher (ou non) d’une vraie simulation historique, et de goûter enfin à tous les postes du sous-marin, dans un mode qui devient alors immédiatement plus complexe.

Un exemple valant mieux qu’un long discours, imaginons un début de mission typique vous plaçant au milieu de l’océan. Même si vous avez déjà reçu des objectifs en prélude du démarrage, il pourrait être intéressant de commencer par passer par la station radio, d’où vous pourrez recevoir les messages du commandement – à condition de les passer par un des trois systèmes de décryptage avant de les comprendre, ce qui ne nécessite jamais que d’appuyer sur la touche correspondante. Vous serez d’ailleurs régulièrement invité à faire des rapports ou à solliciter des ordres additionnels, ce qui nécessitera donc d’émettre à votre tour – en n’oubliant pas, naturellement, d’opter vous aussi pour une transmission cryptée, sans quoi vous risqueriez rapidement de recevoir un message goguenard de la flotte ennemie vous remerciant de communiquer votre position en clair avant d’envoyer son aviation se débarrasser de vous ! Ceci dit, il pourra également arriver que vous interceptiez une communication qui ne vous était pas destinée, et que vous parveniez à votre tour à la décrypter pour obtenir des informations cruciales sur les navires adverses – bref, un système original assez intelligemment intégré sans se révéler inutilement opaque.

On pourra d’ailleurs regretter que l’interface, dans son ensemble, échoue à maintenir ce seuil d’accessibilité : en effet, si tous les postes et les raccourcis permettant d’y accéder sont clairement affichés en permanence au bas de l’écran, une large partie des fonctions indispensables, elle, n’est accessible que via des raccourcis qui ne sont indiqués nulle part ailleurs que dans le manuel.

Imaginons par exemple que vous ayez envie de repérer un convoi ennemi, ce qui est quand même la base : on se doute que se contenter de rester à la surface en utilisant les jumelles n’est pas exactement la méthode optimale, mais c’est la seule accessible par le menu. Pour toutes les autres, il va falloir faire chauffer le clavier, qu’il s’agisse d’utiliser l’hydrophone (Alt + H), le détecteur radio (Alt + R), le radar de détection (Alt + B) ou le radar aérien (Alt + O). On notera également des fonctions permettant de gagner un temps considérable dans le feu de l’action, comme celle vous permettant de plonger directement à la profondeur idéale pour utiliser le périscope (Alt + P), celle permettant de remonter à la surface (Alt + S), ou encore celle permettant de pivoter le sous-marin dans la direction que vous êtes en train d’observer (Alt + F). Sans oublier celle qui pourra vous éviter de dégommer bêtement un navire de votre propre camp en prenant le temps de demander à vos collègues d’identifier une cible (Alt +I).

Ce recours systématique à des raccourcis à noter ou à apprendre par cœur est d’autant plus incohérent que, en dépit de ses meilleurs efforts, Das Boot n’est pas vraiment un titre réaliste. Déjà parce qu’il est difficile de penser que la marine allemande ait suffisamment confiance en ses U-Boots pour envoyer un seul d’entre eux dégommer non seulement un convoi, mais aussi son escorte de destroyers, un porte-avions au milieu, et même toute une division aérienne simplement avec deux canons et une vingtaine de torpilles !

On pourra d’ailleurs regretter que tout l’aspect de chasse « en meute » introduit par Wolf Pack n’ait pas fait le trajet jusqu’ici : votre sous-marin devra toujours tout faire tout seul, même quand il y a des alliés dans les parages, ce qui est aussi grotesque qu’irritant. Ensuite, si on comprend que l’idée est précisément de nous faire incarner tous les membres d’équipage, la valse permanente d’un poste à l’autre pour accéder à des fonctions qui ne sont accessibles que via un menu en particulier est aussi contraignante qu’elle est contre-intuitive : pourquoi ne peut-on désigner le cap et la vitesse du submersible que lorsqu’on est sur le pont et en surface, par exemple ? Quel est l’intérêt de nous doter de cartes si celles-ci ne montrent, quatre fois sur cinq, qu’une immense zone bleue ? Pourquoi doter tout le jeu d’un pendant arcade assumé avec des scènes d’action irréalistes et des armes qui ne s’enraillent jamais… mais en limitant les munitions, obligeant le joueur à passer dix bonnes minutes à se désengager et à parcourir la moitié de la carte afin d’aller rejoindre un navire de ravitaillement avant de repasser dix minutes à retourner sur place pour finir le travail ? Bref, est-on face à une simulation, à une « simulaction », à un jeu d’action maladroitement délayé pour se faire passer pour une simulation ? La question reste ouverte.

Elle est d’autant plus pertinente que Das Boot offre réellement de bons moments : il peut en effet être particulièrement satisfaisant de traquer les communications radio adverses pour essayer de localiser un convoi, d’en identifier les premiers éléments après une observation aux jumelles, et de passer en plongée pour faire pleuvoir la mort avec des torpilles d’autant plus faciles à tirer qu’il n’est même pas nécessaire de pivoter le sous-marin dans la direction visée au périscope – et même si c’était le cas, la commande Alt + F fait tourner instantanément votre submersible, comme s’il se téléportait. Mais c’est comme si, à trop hésiter entre la simulation et l’arcade, le jeu ne savait jamais réellement où placer ses curseurs et proposait au final un jeu d’action avec le rythme d’un simulateur – alors qu’il aurait mieux valu faire exactement l’inverse.

Après de longues minutes de traque, les affrontements se limitent à des combats brouillons et totalement irréalistes, et si on est souvent très heureux de couler une dizaine de navires et d’abattre autant d’avions, l’idée de passer dix minutes à glander pour ravitailler risque de pousser bien des joueurs à écourter une mission sitôt le premier assaut fini. Les scènes de tir sur avion faisant davantage penser, pour leur part, à une sorte de brouillon primitif de titres à la Incoming, on se retrouve au final avec une expérience déséquilibrée qui se montre agréable à jouer par séquences mais qui échoue à l’être sur la durée faute de cohésion dans le rythme – le type même de logiciel qu’on prend plaisir à lancer dix minutes de temps à autres, mais dont on ne finit jamais la moindre mission en dépit d’un contenu objectivement rachitique. Les amateurs de simulation lui préfèreront les références évoquées plus tôt, et les amateurs d’action risquent d’en faire le tour en quelques minutes ; ce qu’on appelle un entre-deux maladroit, qui explique peut-être que le titre soit si peu cité de nos jours. Comme quoi, ce n’est pas si facile que cela, en fin de compte, de viser un large public…

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20


Tout comme Blue Max : Aces of the Great War, développé par le même studio à la même période, Das Boot : German U-Boat Simulation entend entraîner l'austère simulation de sous-marin vers des eaux un peu plus accessibles au commun des mortels. Il n'y parvient certes qu'en partie, tanguant trop souvent entre des séquences de tir trop « arcade » et des séquences de navigation trop longues inutilement alourdies de changements de poste inutiles sans jamais s'approcher de la profondeur d'un Wolf Pack ou d'un Silent Service II, mais cela ne veut pas dire que l'expérience est désagréable – disons juste que l'aspect « simulaction » irréaliste se prête finalement assez mal à une chasse reposant sur la patience et sur l'observation silencieuse, et que c'est précisément l'aspect simplifié du jeu qui finit rapidement par composer sa principale limite. Il y a malgré tout largement matière à passer quelques heures à tenter de vaincre les cinq missions du programme, et même à être heureux d'y revenir de temps à autres, mais au final, il manque encore un petit quelque chose au titre pour réellement s'approcher de la cour des grands.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Énormément de raccourcis à mémoriser pour espérer accéder à des fonctions essentielles
– Des séquences d'action très limitées quel que soit le niveau de réalisme...
– ...et dans l'ensemble, un aspect « simulation » qui peine souvent à être crédible
– Seulement cinq missions
– Une gestion très fastidieuse du ravitaillement

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Das Boot sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« La simulation s’avère […] assez simple, peu d’options étant accessibles aux différents postes de votre U-Boot, ce qui risque de décevoir ceux qui sont passionnés par le réalisme ou la complexité des simulateurs. Ceux qui préfèrent l’action vont par contre se régaler ! »

Didier Latil, Génération 4 n°27, novembre 1990, 85%

« Les effets de couleur de ces vues sous-marines sont extraordinaires. On distingue à peine la silhouette du submersible ennemi qui s’approche de vous, prêt à larguer quelques salves. Toute la rédaction est restée muette d’admiration devant ce plan graphique… C’est dire ! […] Das Boot est un programme que vous devez posséder, ne serait-ce que pour ses graphismes et son animation, pour l’ambiance qu’il développe, une grande première sur PC. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°84, décembre 1990, 17/20

Version Amiga

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three Sixty Pacific, Inc. (Amérique du Nord) – Mindscape (UK) Limited (Europe)
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
*Optimisé pour 1Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme Blue Max, Das Boot aura été porté sur Amiga quelques mois après la sortie de la version PC, et comme Blue Max, il aura hélas laissé quelques plumes au passage. Pas du côté du contenu, bien sûr – ce qui est une bonne chose, car celui-ci n’était déjà pas énorme à la base – mais encore une fois, les graphismes et surtout le framerate souffrent beaucoup du passage d’un hardware à l’autre.

La palette de couleurs a bien évidemment rétréci au lavage ; ce n’est pas hideux, mais disons simplement que les dégradés du ciel ne font pas vraiment illusion, et que les effets de profondeur qui avaient tant décroché la mâchoire des journalistes de Tilt ne sont plus vraiment au programme ici. Ce ne serait pas une grosse perte si le tout n’affichait pas une nouvelle fois un framerate dépassant péniblement les cinq images par seconde pendant l’essentiel de la partie sur une configuration d’époque : bon courage pour parvenir à toucher un avion dans cette version. C’est fort heureusement moins pénalisant au moment de viser un navire ou un sous-marin avec une torpille, ces séquences se jouant rarement au dixième de seconde près, mais on dira simplement que cela ne rend pas service à un jeu qui étalait déjà quelques problèmes de rythme sur PC. Sans être idéales, les choses sont une nouvelle fois meilleures sur un Amiga 1200, où on peut alors espérer approcher les quinze images par seconde dans le feu de l’action. Rien de dramatique, mais le jeu reste indéniablement plus agréable à découvrir sur PC.

NOTE FINALE : 12/20 (Amiga 500/600/1000) – 13/20 (Amiga 1200 ou supérieur)

Comme son alter ego Aces of the Great War, Das Boot souffre sur Amiga d’un moteur un peu trop puissant pour le hardware de l’époque, qui rend les parties « arcade » plus fastidieuses qu’amusantes. Si les choses s’améliorent sur un Amiga 1200, la réalisation graphique n’en reste pas moins inférieure, et dans l’ensemble on n’a tout simplement aucune raison de lancer ce portage dès l’instant où on a accès à la version PC.

Blue Max : Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three-Sixty Pacific, Inc.
Titre alternatif : Aces of the Great War (Amiga, Atari ST)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari ST
Disponible sur : Windows
En vente sur : GOG.com (Windows)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.11 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et Tandy

Tout le monde aimerait savoir voler, mais tout le monde n’a pas nécessairement l’envie – sans même parler du temps ou des moyens – de consacrer des semaines, voire des mois ou des années, à apprendre à piloter un avion. De la même façon, ce n’est pas parce qu’on s’amuse sur un jeu de course qu’on a nécessairement envie de le complexifier au maximum en jouant avec une boîte manuelle et toutes les options de réalisme activées. Parfois, moins, c’est mieux.

Cela peut sembler évident aujourd’hui ou des notions comme l’accessibilité et le paramétrage de l’expérience sont au centre de l’expérience vidéoludique – on parle même de « casual gaming » – mais mine de rien, il aura pratiquement fallu attendre la fin des années 80 pour qu’un genre alors déjà « de niche », en l’occurrence celui de la simulation, commence à réaliser quelque chose qui avait jusqu’alors été à l’exact opposé de sa philosophie : « réaliste » ne signifie pas automatiquement « amusant ».

La société Accolade, notamment, aura commencé à se faire un nom via des Steel Thunder ou des Gunboat en commençant à étrenner un concept qu’on aura rapidement qualifié de « simulaction » : des titres où l’on veut bien piloter des jets, des hélicoptères, des tanks ou des bateaux, mais en se concentrant sur la partie fun (comprendre : celle où on tire sur tout ce qui bouge) sans avoir au préalable à consulter deux-cents pages de manuel pour avoir une chance de réussir péniblement un décollage au bout de quinze tentatives pour autant d’accidents mortels. L’idée n’aura pas tardé à faire du chemin : programmer un jeu moins complexe tout en visant un public plus large, cela ressemble fort à du gagnant-gagnant. Et les bonnes idées volant généralement par escadrilles, c’est sans doute totalement par hasard que MicroProse et Three-Sixty auront tous les deux publié le même mois deux programmes au pitch exactement similaire, à savoir une simulaction de combats aériens de la première guerre mondiale. Nous avons déjà eu l’occasion de voir ici Knights of the Sky, donc autant se pencher à présent sur Blue Max : Aces of the Great War.

Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui va donc graviter autour de ce que l’on a tendance à retenir de l’aviation militaire en 1917, à savoir les dogfights endiablés menés par des biplans, des triplans et autres avions en bois, à une ère plus simple où il fallait compter sur de bons yeux plutôt que sur un radar et où le génie humain était déjà parvenu à concevoir une mitrailleuse synchronisée sur la vitesse de rotation des pales d’une hélice pour pouvoir tirer à travers sans casse.

Du côté du menu, Blue Max semble en tous cas ne commettre aucune faute : possibilité d’incarner les deux camps (même si parler d’«Alliés » et d’«Axe » pendant la première guerre mondiale comme le fait le jeu est pour le coup totalement anachronique), huit appareils pilotables au total (quatre pour la Triple-Alliance, quatre pour la Triple-Entente) avec leurs caractéristiques propres, plusieurs modes d’entraînement allant du simple vol libre au combat simulé pour se familiariser avec les commandes – lesquelles sont de toute façon très simples, et quasi-intégralement résumées sur un écran accessible en vol via la touche F9 – sans oublier les trois indispensables campagnes qui seront à accomplir sans faute, puisqu’en cas de décès votre pilote est automatiquement effacé (sauf si vous avez eu la bonne idée de faire une copie de sauvegarde du fichier au préalable, évidemment).

Plus surprenant : la présence d’un mode « stratégique » qui consiste… en un combat aérien au tour par tour, où les deux joueurs déplace leur avion d’hexagone en hexagone tout en paramétrant sa direction et son altitude. Un mode un peu gadget et manquant de profondeur, surtout parce qu’il reste limité à du un-contre-un (pourquoi ne pas diriger directement toute une escadre ?), mais on appréciera l’idée. Oh, et tant qu’à faire, n’oublions pas ce petit « plus » qui fait toujours plaisir : un mode deux joueurs en écran splitté, jouable aussi bien en compétitif qu’en coopératif. Oui, si le cœur vous en dit, vous pourrez tout à fait mener toute une campagne avec un ami à vos côtés, sans même avoir à dégainer un modem ou un câble série, et mine de rien cela restait assez exceptionnel en 1990.

Une fois en vol – littéralement, puisque chaque mission du jeu débute directement dans les airs, le décollage n’étant jamais géré – on se retrouve face à un modèle simple mais efficace : le clavier, le joystick ou la souris pour déplacer l’appareil et faire feu, une gestion (facultative) du vent et des nuages, des munitions limitées mais au nombre suffisamment généreux pour qu’il faille vraiment le faire exprès pour se retrouver à court, des informations essentielles (altitude, vitesse, dégâts encaissés) clairement affichées sans avoir à déchiffrer des jauges ou des cadrans, et vous voilà prêt à faire face aux forces adverses.

Seules les différentes vues et les actions de bombarder et de prendre une photo seront obligatoirement à aller chercher sur le clavier, et il ne sera pas question de compter ici sur des dégâts réalistes impactant le modèle de vol ni même sur des mitrailleuses qui s’enraillent : on est face à un titre très arcade, et qui fonctionne à ce niveau plutôt mieux que Knights of the Sky : Pas besoin ici de composer avec la vitesse des balles ni de devoir lutter pendant dix minutes pour parvenir à atteindre miraculeusement un avion de deux pixels qui virevolte comme un fou : les adversaires ont tendance à voler tout droit jusqu’à vous et les combats à être assez expéditifs dès l’instant où un ennemi est au milieu de votre viseur. Ce n’est peut-être pas très réaliste, mais bon sang, on a aussi le droit de trouver cela plus amusant sans se sentir coupable. En revanche, jouabilité simplifiée ou pas, une mission ne pourra se terminer qu’en étant prêt à poser son avion en rase-campagne – et du bon côté des lignes, lesquelles ne sont pas toujours faciles à identifier. La manœuvre demande un peu de maîtrise et de temps, ce qui est toujours moins amusant au bout de la quinzième fois (et personne n’aime planter sa campagne et perdre son pilote pour s’être posé un peu trop vite au terme d’une mission réussie), mais c’est bien là la seule concession au réalisme d’un titre qui offre ce qu’on était venu chercher : le plaisir de faire « tacatacatac » sur des vieux coucous en pirouettant follement dans les airs.

Histoire d’introduire un peu de variété, le programme est organisé autour de cinq types de missions : les patrouilles (abattre au moins un appareil ennemi), les missions de défense (empêcher un objectif allié d’être détruit), les bombardements (raser un bâtiment adverse à l’aide d’une bombe à lâcher minutieusement à la main), les reconnaissances (prendre un bâtiment en photo) et enfin les missions demandant de détruire un ballon adverse.

Le jeu ne comporte qu’une seule carte par mode de jeu (ce qui signifie que chaque campagne se déroule sur une seule et unique carte) ; celles-ci ne sont ni très variées ni très différenciables, mais le moteur de jeu a l’avantage de tourner comme un charme et de proposer une action fluide et des affrontements nerveux dès l’instant où l’ordinateur est équipé d’un processeur correct – ce qui, dans un XXIe siècle déjà bien entamé, ne devrait pas exactement être un problème à trouver. En résulte une expérience qui fournit exactement ce qu’on pouvait espérer… avec ses limites, malgré tout. Avec une jouabilité aussi basique, on se doute qu’il ne faut pas des semaines pour faire le tour de ce que le jeu a à offrir, et même si on peut se fixer l’objectif de boucler les trois campagnes avec les deux camps, il ne s’agit jamais que de reproduire les cinq mêmes types de missions sur les trois mêmes cartes. La possibilité de jouer à deux sur un même écran est fort heureusement très appréciable – aucun as de la grande guerre n’étant aussi jouissif à abattre que le petit frère ou le copain à grande gueule – et aide à donner une bonne raison de ressortir le titre de temps à autres histoire de décider qui va se coltiner la vaisselle ce soir. Rien de très marquant ni de révolutionnaire, mais quand on n’a pas envie de lutter pendant des semaines pour parvenir à dompter une simulation ultra-pointue, c’est vrai que ça fait toujours plaisir de pouvoir compter sur des titres à la Blue Max.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20


En choisissant de s'éloigner de la simulation pure pour assumer un tournant plus arcade, exactement comme un certain Knights of the Sky d'ailleurs paru au même moment, Blue Max : Aces of the Great War aura su préserver l'essentiel de ce qui fait l'intérêt des dogfights de la première guerre sans les réserver aux joueurs les plus patients et les plus adroits. Le résultat, s'il manque fatalement de profondeur et de variété, est néanmoins plutôt plus convaincant que ce qu'offre son concurrent direct, surtout grâce à la possibilité bienvenue de jouer à deux en écran splitté pour affronter un ami, pour mener une campagne en coopératif, voire même pour s'essayer à un surprenant mode stratégique qui risque cependant de ne pas dépasser le stade de la curiosité. Certes, on fait assez rapidement le tour du programme en dépit des trois campagnes et des deux camps jouables, mais on tient clairement le type de jeu auquel on peut revenir régulièrement pour une partie de cinq minutes sans avoir à déterrer le manuel pour se souvenir comment démarrer le moteur. Une approche qui n'a finalement pas si mal vieilli.


CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des atterrissages qui demanderont un peu de pratique pour éviter de saboter bêtement une mission gagnée...
– ...d'autant plus qu'en cas de crash, le personnage est automatiquement effacé !
– Très peu de moyens d'identifier la position de ses lignes...
– ...surtout quand les seules cartes du jeu sont à aller chercher dans le manuel, lequel n'est même pas fourni avec la version vendue en ligne !
– Un mode stratégique assez gadget

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blue Max sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Si The Blue Max (sic) ressemble à un simulateur de vol, ce n’est qu’une apparence, car il s’agit en fait d’un shoot-them-up réaliste. Le pilotage est réduit à sa plus simple expression et vous ne contrôlez que la direction, l’altitude et la vitesse de votre appareil. Les différentes missions commencent en vol. Vous n’avez pas le moindre décollage à effectuer, ni aucun atterrissage (NdRA : dans les faits, toutes les missions demandent d’atterrir). Cela fera sans doute grimacer les fans de simulateurs de vol, mais l’action est suffisamment prenante pour compenser cela. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 17/20

Version Amiga
Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeurs : Three Sixty Pacific, Inc. – Mindscape International Ltd.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
*Optimisé pour 1Mo

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Blue Max aura dû attendre quelques mois pour débarquer sur Amiga – perdant au passage une partie de son titre sur la boîte pour mieux la récupérer à l’écran-titre, les grands mystères du marketing. Il hérite pour l’occasion d’une petite animation au lancement absente de la version PC, mais pour le reste, le contenu reste strictement identique (à un détail près : il est ici impossible de définir le niveau de réalisme du pilotage). Graphiquement, on ne peut pas dire que la déperdition soit spectaculaire comparé aux 256 couleurs du VGA – les dégradés sont clairement moins fins et les détails moins nombreux, mais rien de vraiment dramatique. En revanche, vous risquez d’avoir tout loisir d’admirer la différence, car autant vous prévenir : sur un modèle « de base » de type Amiga 500/600/1000, le jeu se traîne au point d’en être à peine jouable. Même avec les détails au minimum, le framerate ne dépasse jamais les huit images par seconde, et en mettant tout à fond, là il ne dépasse carrément plus les quatre ! Heureusement, les choses vont tout de suite mieux sur un Amiga 1200, où on retrouve une action à peu près fluide sans pour autant pouvoir rivaliser avec ce qu’offraient les PC les plus puissants, naturellement. Mais étant donné que l’Amiga 1200 n’existait pas encore à la sortie du jeu, on comprend qu’une partie de la presse n’ait pas été franchement emballé par cette séance diapo qui ne pouvait même pas s’enorgueillir de son réalisme. Si vous n’avez pas un Amiga 1200 ou supérieur, fuyez !

NOTE FINALE : 08,5/20 (Amiga 500/600/1000) – 13/20 (Amiga 1200 ou supérieur)

L’expérience délivrée par Aces of the Great War sur Amiga dépendra grandement du modèle sur lequel le jeu est lancé : en-dessous d’un Amiga 1200, le framerate risque d’être si bas que le jeu en sera pratiquement injouable. Dans de meilleures conditions, le titre peut se hisser assez près de la version DOS, mais sans le matériel approprié, ce ne sera clairement pas un jeu vers lequel vous diriger. Vous êtes prévenu.

Version Atari ST
Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three Sixty Pacific, Inc.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 1040 ST – RAM : 1024ko
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Après avoir vu le résultat d’Aces of the Great War sur Amiga, on avait de quoi se montrer inquiet pour l’Atari ST. Malheureusement, et comme on pouvait le craindre, le miracle n’aura pas eu lieu : en dépit du fait que le moteur de jeu n’emploie plus que seize couleurs, le framerate ne côtoie l’acceptable qu’en mettant tous les détails au minimum, et même sous cette forme on est encore très, très loin de l’expérience offerte par la version PC. Pour ne rien arranger, le jeu est donc devenu sensiblement plus moche (équivalent graphiquement parlant à la version EGA), le rendu sonore est inférieur, et l’expérience est empoisonnée de temps de chargement interminables. Bref, même si le programme pouvait encore faire illusion à une époque où on avait l’habitude de jouer à sept images par seconde, le constat est implacable : pour découvrir le jeu, ne commencez clairement pas par là.

NOTE FINALE : 08/20

On peut prendre le problème sous n’importe quel angle, mais la fluidité, ça compte, surtout quand elle impacte aussi dramatiquement la jouabilité. Condamné à se traîner lamentablement dans des décors qui ont perdu beaucoup de leur charme en seize couleurs, Aces of the Great War sur Atari ST se réservera aux joueurs les plus nostalgiques, les plus patients ou les plus masochistes.

Final Fantasy IX

Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Square Co., Ltd. (Japon) – Square Electronic Arts L.L.C. (Amérique du Nord) – Square Europe, Ltd. (Europe)
Titres alternatifs : Finalnaja Fantazija 9 (Russie), Zuizhong Huanxiang 9 (Chine)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation Now, PSP, PS Vita, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox One, Xbox Series
En vente sur : Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Steam.com (Windows), Square-Enix Boutique (Windows), Xbox.com (Windows, Xbox One, Xbox Series)

La saga Final Fantasy (jusqu’à 2000) :

  1. Final Fantasy (1987)
  2. Final Fantasy II (1988)
  3. Final Fantasy III (1990)
  4. Final Fantasy IV (1991)
  5. Mystic Quest Legend (1992)
  6. Final Fantasy V (1992)
  7. Final Fantasy VI (1994)
  8. Final Fantasy VII (1997)
  9. Final Fantasy Tactics (1997)
  10. Final Fantasy VIII (1999)
  11. Final Fantasy IX (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 7 juillet 2000 (Japon) – 14 novembre 2000 (Amérique du Nord) – 16 février 2001 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (pendant les combats uniquement)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : DualShock, Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

L’arrivée de la – déjà longue – série des Final Fantasy sur la génération 32 bits n’aura pas seulement correspondu à la fin de la collaboration, jusqu’ici immaculée, qui liaient la licence et Square à Nintendo ; elle aura correspondu à un spectaculaire changement de statut. Pratiquement du jour au lendemain, la saga dont à peine une poignée d’épisodes avait atteint les États-Unis – et aucun l’Europe – se sera tout-à-coup transformée à la fois en succès planétaire et en fer-de-lance de l’intérêt nouveau que les occidentaux semblaient soudain porter au genre du J-RPG, auquel ils semblaient jusque là être restés hermétiques.

En fait, l’ascension de la popularité de la série aura été si rapide que quelques années à peine après la sortie de Final Fantasy VII – le déclencheur du succès planétaire – on commençait déjà à trouver des vieux briscards un peu partout sur le globe pour se lamenter d’avoir vu la licence « s’égarer » de s’être éloignée de ses racines avec un Final Fantasy VIII qui démarrait en bluette pour adolescents avant de finir en récit de science-fiction à rebondissements tout en remettant dangereusement en cause certains des fondamentaux du système de combat.

Une ouverture au grand public à qui l’on reproche d’avoir ratissé un peu trop large, et d’avoir au final mécontenté tout le monde : un grand classique en la matière, mais qui n’en enfanta pas moins une réflexion de la part des développeurs pour se demander si un bon vieux retour aux sources ne pourrait pas avoir quelque chose de salutaire, histoire de rassembler tout le monde autour de ce qui avait fait la force de la série dès ses débuts : un monde plus magique, une intrigue plus simple, un groupe revenant aux classes originales, et juste les bonnes idées aux bons endroits pour réenchanter le tout. La pression était d’autant plus colossale que Final Fantasy IX s’annonçait comme le dernier chapitre de la génération qui avait propulsé la saga à un autre niveau, un ultime adieu avant ce qui devrait être un nouveau départ sur PlayStation 2, une sorte de jalon qui devrait à la fois réconcilier tout le monde et marquer durablement les esprits. Pari gagné : le titre est encore régulièrement cité aujourd’hui, près de vingt-cinq ans après sa sortie, comme un des opus préférés des joueurs.

Tout commence comme un rêve… ou plutôt par un rêve. Un frêle esquif ballotté sur des flots déchaînés, une tempête qui fait rage, à peine le temps d’apercevoir le visage d’enfant d’une petite fille, et l’instant d’après, retour au réel : Alexandrie, ville médiévale majestueuse dans le palais de laquelle se trouve l’enfant entraperçue et devenue la princesse Grenat, désormais âgée de seize ans.

Au-dessus des rues grouillantes d’animation – un grand événement est sur le point de prendre place – plane une improbable machine volante digne de Miyazaki ; à son bord se trouve un groupe de voleurs dont la mission est placée d’emblée : enlever la princesse. Au niveau du sol, un (très) jeune magicien noir vient découvrir la ville à l’occasion du grand événement en question : une pièce de théâtre intitulée « Je veux être ton oisillon », pour laquelle il a obtenu un billet… qui se révèle être faux. Plus loin, dans les loges royales, alors que la princesse ne semble guère avoir la tête aux festivités, le chef de la garde veille : jusqu’au bout, il sera prêt à donner sa vie pour respecter sa mission et protéger la famille royale. Tous les éléments sont en place pour une pièce en trois actes qui, on s’en doute, va largement déborder ce cadre initial et signer le départ d’une aventure longue d’une trentaine d’heures en ligne droite, au sein de laquelle ne tardera pas à émerger un antagoniste appelé Kuja au milieu d’un univers empruntant beaucoup de choses aux précédents opus (en particulier le premier, le IV et le V) dans une sorte de grande citation… à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage ?

Quoi qu’il en soit, le jeu prend le parti de nous faire incarner successivement les principaux personnages jouables un à un, le temps de placer l’intrigue, de découvrir le cadre et de matérialiser les enjeux. Un très bon moyen d’installer l’univers et de découvrir le véritable héros, un jeune garçon avec une queue de singe nommé San Gok…errr, Djidane, et si ce nom vous évoque étrangement un coup de boule dans le plexus en finale de coupe du monde, dites-vous bien que ça n’aurait été que plus vrai avec son nom japonais : Zidane… Engagé dans rien de moins qu’un kidnapping royal au début de l’aventure, on ne met néanmoins pas très longtemps à réaliser que la tonalité générale est plutôt légère, pour ne pas dire enfantine, à l’image des personnages affichant régulièrement des traits poupins et des corps infantiles.

Même si l’histoire va rapidement aborder des thématiques assez sérieuses, la guerre et la mort en tête, il ne faut pas s’attendre ici à de la Dark Fantasy à la Final Fantasy Tactics ; Final Fantasy IX s’assume comme un royaume de conte de fées où les passages les plus sombres ne véhiculent rien de plus traumatisant qu’une certaine mélancolie. Sans être bêtement idyllique, l’univers du jeu ne se départit pratiquement jamais d’un élément qui concourt indéniablement à son charme : le merveilleux, parfaitement retranscrit pour l’occasion par une réalisation qui a excellemment vieilli dès l’instant où on n’est pas choqué par les gros pixels. Dès les premières secondes, le récit croule, comme son prédécesseur, sous les cinématiques de haute volée – qui reviendront très régulièrement au fil des quatre CD du jeu – et dévoile ses rues, ses forêts, ses marécages et ses donjons via des centaines sinon des milliers d’écrans représentant autant d’illustrations absolument sublimes. À Alexandrie comme à Lindblum, on se surprend à faire du tourisme pour apprécier le plus infime détail d’un monde qui a rarement été aussi tangible et aussi chargé de magie ; le monde du jeu est un endroit dont l’on se dit parfois bêtement que l’on aimerait bien rester y vivre tant, même dans ses moments les plus tragiques, il dégage souvent cette sensation d’être chaleureux et accueillant. Et comment ne pas évoquer les sublimes thèmes musicaux de Nobuo Uematsu, qui nous prennent aux tripes dès les premiers instants et nous transportent si loin qu’on en oublie parfois de revenir ? Final Fantasy IX est superbe, mais en dépit de son cadre de conte de fées a priori assez générique, il parvient surtout à dégager une personnalité que peuvent lui envier bien des épisodes plus tardifs ayant cherché à être originaux – et ayant misérablement échoué.

Le système de jeu a également le bon goût de ne pas reproduire la plupart des errances de Final Fantasy VIII, qui à force de tenter trop de choses avait fini par se rater sur une partie de son game design. Ici, on est finalement très proche des mécanismes de Final Fantasy VII (il y a même un équivalent des Limit Break, appelé « Transe », qui permet ici de débloquer des attaques plus puissantes pendant un temps donné ), avec une nuance assez bien vue : toutes les compétences, actives comme passives, s’apprennent désormais… via l’équipement. Armes, armures, accessoires ; chaque objet ouvre ici l’accès à une panoplie de talents qu’un personnage pourra apprendre définitivement après avoir gagné un certain nombre de points de compétences gagnés via les combats, exactement comme les points d’expérience, et qu’il pourra ensuite choisir d’activer ou de désactiver à sa convenance en respectant un plafond de points attribuables qui ira en augmentant au fil de ses montées de niveau.

Un système très malin qui fait qu’un équipement n’est jamais totalement « obsolète » tant qu’il peut encore enseigner quelque chose à quelqu’un, et qui permet également d’adapter assez facilement son équipe aux spécificités d’un combat particulièrement ardu : cette attaque « toxique » qui vous avait fait tant de dégâts sera certainement moins problématique en activant la compétence qui immunise aux dégâts de poison, et mieux vaudra prendre le temps de ne pas laisser passer les pièces d’équipement les plus rares pour ne pas laisser filer les magies et les Chimères (les invocations du jeu) les plus puissantes. Les combats en eux-mêmes reprennent exactement les mécanismes devenus canoniques de la série, avec la jauge ATB, les effets d’état et l’importance des éléments (on peut détruire un mort-vivant en le soignant), avec toujours la même efficacité, et c’est tant mieux ; à ce niveau-là, le tir a été très bien corrigé. On hérite même d’une variation du Tetra Master, le jeu de cartes du précédent opus, pour obtenir une sorte de « jeu dans le jeu » sans que cela ait une quelconque influence sur le reste.

Devant cette avalanche de louanges, on ne peut que se demander si on ne tiendrait pas un des meilleurs J-RPG de tous les temps – et on n’en est de fait sans doute pas loin, ne fut-ce que grâce à la qualité et à l’ambition de la réalisation évoquée plus haut, au service de mécanismes certes classiques, mais parfaitement satisfaisants sous cette forme. Un tableau idyllique qui n’en comporte pas moins quelques zones un peu plus polémiques, à commencer par un scénario qui met énormément de temps à décoller… pour aboutir à un dernier acte confus où, à force de retournements et d’explications verbeuses et pas franchement limpides, on finit par ne plus trop comprendre les motivations profondes des « méchants » en-dehors de l’éternel rengaine du « Kuja = vraiment vilain même si quelque part il a une douleur secrète ».

Surtout, ce scénario en mèche longue tend à entretenir un problème plus profond sans doute lié en grande partie à la débauche technique étalée par le titre : son rythme. Pour dire les choses simplement, Final Fantasy IX est un jeu lent, à tous les niveaux. Dans son histoire, comme on l’a vu, mais aussi dans sa simple structure : à force d’aligner de longues phases de visite/exploration à parcourir des dizaines d’écrans peuplés de personnages très bavards ayant très rarement quelque chose de réellement intéressant à dire et de les alterner avec de longues phases de successions de combats, le logiciel côtoie par séquences le fastidieux, au hasard lors des débuts des premier et troisième CD où on a parfois le sentiment que certains passages s’éternisent pour pas grand chose. Un sentiment encore renforcé par l’ajout d’ « Active Time Events », des saynètes (heureusement optionnelles) qui cassent encore davantage le rythme en ne racontant jamais rien de très passionnant, elles non plus, ou par le temps infini que mettent les combats à démarrer en tentant de camoufler les temps de chargement derrière une mise en scène forcée. À force de mettre des petites animations partout, on finit par s’agacer de voir un Mog mettre deux secondes à faire une pirouette avant de nous laisser sauvegarder, et on regrettera qu’il soit toujours impossible d’interrompre une cinématique, surtout lorsque celle-ci intervient avant un combat difficile et que cela fait par conséquent quinze fois qu’on la voit – une erreur de game design qui aurait dû être corrigée deux épisodes plus tôt, et qui ne le serait pas avant Final Fantasy XII.

Si le programme déborde une nouvelle fois de chasses aux trésors, d’emplacements secrets à trouver grâce à des chocobos qu’il faudra encore faire progresser et de quêtes secondaires, le « end game » n’en demeure pas moins un peu décevant, faute de missions vraiment marquantes ouvrant l’accès à des équipements vraiment puissants – pas de matéria des Chevaliers de la Table Ronde ici, pas davantage que d’Armes Ultimes encore plus puissantes que le boss final à aller affronter – les boss secrets restent relativement rares, et le plus intéressant d’entre eux est carrément caché dans le dernier donjon.

On peut également perdre bêtement l’accès à beaucoup des meilleurs sortilèges du jeu simplement pour n’avoir pas été prévenu qu’une partie du matériel ne serait plus accessible au-delà de la fin du troisième CD – pensez donc à bien mener toutes vos explorations avant d’aborder le CD quatre. Autant de petites anicroches qui empêchent au logiciel de pouvoir clore de façon irrévocable le débat visant à établir l’identité du meilleur opus de la saga, qui divise encore les fans avides de sang occupés à se battre en rangs serrés entre partisans de Final Fantasy VI, de Final Fantasy VII, de Final Fantasy IX et de Final Fantasy X – ce qui est assez révélateur de l’impact de la série dans ce qui restera comme sa période la plus faste. Loin de ces querelles de clochers, reste un jeu parfois imparfait mais qui n’en est pas moins superbe, habité d’une atmosphère qui fait mouche, de cette magie que l’on a de plus en plus de mal à retrouver de nos jours dans les yeux des joueurs blasés ; un voyage tantôt poétique, tantôt mélancolique vers un monde trop vite abandonné derrière nous et auquel on se surprend à revenir, « barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé » pour citer Francis Scott Fitzgerald. C’est surement cela, au fond, la nostalgie.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Succès planétaire, conclusion de la trilogie 32 bits qui restera pour beaucoup comme le point culminant de la série, épisode opérant le grand écart entre le retour aux sources et une ambition délirante servie par des moyens démesurés – il y aurait beaucoup de choses à dire sur Final Fantasy IX, mais ce qu'il en reste un quart de siècle plus tard tient avant tout en un mot : magie. Il y a quelque chose d'à la fois beau, de léger et parfois d'étrangement mélancolique qui se dégage du titre de Square, et pas uniquement à cause de ses nombreuses passerelles avec les épisodes précédents et de la musique (sublime) de Nobuo Uematsu ; la direction artistique dans son ensemble distille un merveilleux qui fait mouche en dépeignant un univers dont chaque écran est une véritable oeuvre d'art, au point de véhiculer cent fois plus de choses qu'un scénario qui ne trouve jamais réellement son rythme de croisière. Le jeu est habité de la lenteur des adieux, de cette respiration propre aux grandes épopées qui se fixent dans les mémoires, et sans être forcément le meilleur opus d'une saga où les chefs d’œuvre sont légion, il est peut-être, avec Final Fantasy X, celui qui se « vit » le plus. Un voyage qu'on peut refaire à plusieurs étapes de sa vie en y redécouvrant quelque chose de neuf à chaque fois. Magistral.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un rythme global assez lent qui tranche avec les productions modernes...
– ...avec notamment de grosses baisses de rythme au début du premier et du troisième CD...
– ...et des cinématiques impossibles à passer, même quand on les a déjà vues cent fois
– Un scénario trop classique au départ, et qui semble ne plus trop savoir quoi raconter sur la fin

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Final Fantasy IX sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Difficile d’émettre une quelconque critique envers ce neuvième volet qui s’impose sans aucun doute comme le plus abouti de la série. Une expérience magique dont il serait vraiment dommage de se priver. »

Romendil, Jeuxvideo.com, 8 février 2001, 18/20

Riding Hero

Développeur : SNK Corporation
Éditeur : SNK Corporation
Titre alternatif : ACA NEO GEO RIDING HERO (collection Arcade Archives)
Testé sur : Neo Geo (MVS/AES)Neo Geo CD
Disponible sur : Android, PlayStation 4, Switch, Xbox One, Windows
En vente sur : Google Play (Android), Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Xbox.com (Windows)

Version Neo Geo (MVS/AES)

Date de sortie : 24 juillet 1990 (version MVS) – 1er juillet 1991 (version AES)
Nombre de joueurs : 1 à 4 (avec quatre bornes/consoles reliées par câble Multi-Link)
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un stick (huit directions) et quatre boutons
Versions testées : Versions MVS et AES internationales
Hardware : Neo Geo MVS/AES
Processeurs : Motorola MC68000 12MHz, Zilog Z80 4MHz
Son : 2 hauts-parleurs – YM2610 OPNB 8MHz – 2 canaux
Vidéo : 320 x 224 (H) 59,185606 Hz
Carte mémoire supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avant de devenir le paradis de certaines des meilleures licences de jeux de baston de l’histoire – et celui d’anomalies géniales comme la série des Metal Slug –, avant même de devenir « la Rolls Royce des consoles », la Neo Geo aura surtout été une borne d’arcade – avec tout ce que cela impliquait au sens large. Et justement, l’arcade était un domaine certes encore très prestigieux en 1990, mais aussi plus vaste qu’on veut bien le réaliser, ce qui signifie que SNK aura lourdement tâtonné avant de parvenir à donner à sa machine une identité – et, au bout du bout, une âme.

Quiz improbables, jeux de plateforme misant tout sur leur réalisation, beat-them-all fades pillant la moindre molécule de Final Fight sans jamais y injecter un dixième de son efficacité, puzzle games laborieux empruntant si lourdement à Tetris qu’on peut se demander pourquoi ils n’en portaient pas le nom, shoot-them-up sans surprise, run-and-gun téléguidés, la Neo Geo aura hébergé tout cela à foison lors de ses premières années de commercialisation, et derrière le strass et les paillettes du monstre technique qu’était la machine se dévoilait assez vite un manque d’inspiration généralisé dans la ludothèque de la borne/console. C’était beau, c’était impressionnant, mais on pouvait finalement assez aisément comprendre que les jeux ne soient disponibles qu’à la location tant aucun d’eux ne tendait à présenter le moindre intérêt au-delà d’un week-end ; c’était encore trop souvent des programmes « à la manière de » qui peinaient à dégager une identité propre. Exemple parlant de ce manque d’ambition : le tout premier jeu développé pour SNK par Hiroshi Matsumoto, fraichement débauché de chez Capcom après avoir travaillé sur Street Fighter et qui n’allait pas tarder à se faire connaître pour les séries Fatal Fury et Art of Fighting, ce premier jeu donc aura été Riding Hero, qui pourrait être décrit très simplement en trois mots : « clone de Hang-On ». Et pour peaufiner encore cette description, on pourrait ajouter un adjectif sur lequel tout le monde s’accorde : « mauvais ».

À moins de ne pas savoir ce qu’est Hang-On (mais vous aurez sans doute déjà cliqué sur le lien pour aller vous renseigner), vous aurez donc déjà compris qu’il est question ici d’un jeu de course de motos où il serait illusoire d’espérer le moindre élément qui puisse évoquer une simulation. Le premier mode de jeu, baptisé « W. G. P. » pour « World Grand Prix », consiste en exactement cela : une série de dix courses en deux tours demandant de terminer sur le podium pour avoir le droit de passer à la suivante, et vous mettant aux prises avec sept concurrents sur des circuits constituant la seule véritable nuance avec Hang-On qui, pour sa part, prenait la forme de courses de type « rallye ».

La réalisation en simili-3D avec des sprites figurant les objets sur le bas-côté est extrêmement semblable à celle du hit de 1985. On peut également profiter du système de turbo introduit, lui, par Super Hang-On, et j’ai envie de dire qu’on a d’ores et déjà fait le tour de la question : pas de relief (ce qui commençait à être un peu abusé en 1990), pas de changement de rapport, et pas de moto en plastique à chevaucher pour s’y croire à fond – autant dire que même sur le plan technique, pourtant censé être le point fort de la borne, le jeu peine déjà à être à la hauteur d’un titre qui avait cinq ans d’âge. Alors histoire d’arrondir les angles, deux gourmandises ont été ajoutées : un mode multijoueur jusqu’à quatre en reliant autant de borne via un câble réseau étrenné pour l’occasion – chose que ne proposait pas la série de SEGA – et surtout… un mode « Histoire » plutôt inattendu.

Chose très inhabituelle pour une borne d’arcade où l’idée est normalement d’offrir les parties les plus courtes possibles en vertu de l’adage « le temps, c’est de l’argent », ce mode « Histoire » propose donc d’incarner en pilote en herbe qui va se promener dans la ville du jeu, commencer par rencontrer un garagiste et par acquérir une moto, avant d’aller défier divers concurrents lors de courses qui feront l’objet de paris histoire de gagner de l’argent, lequel pourra être investi pour améliorer son précieux véhicule, voire pour en acheter un meilleur.

Alors certes, on est très loin des modes « carrière » des jeux de course actuels, on ne peut pas dire que l’histoire racontée dans un anglais incertain soit bouleversante, et les courses en elles-mêmes n’offrent pas grand chose de neuf en-dehors de la présence, notable, de la circulation absente du mode « W. G. P. » ; néanmoins, on appréciera cette prise de risque qui permet d’offrir un angle encore inédit au jeu et de donner envie d’expérimenter un peu pour voir où peut nous mener ce mode surprenant. C’est d’ailleurs la seule chose qu’on sera tenté d’apprécier, la liste des récriminations étant assez facile à formuler : tout le reste. Et c’est là qu’il apparaît de mettre immédiatement le doigt sur le point sur lequel Riding Hero se vautre en beauté : son gameplay.

Comment transformer en souffrance infinie le principe d’Hang-On, qui constituait pour sa part le fun à l’état pur ? Très simple. Premier point : commencez par installer toutes les courses sur une route de deux mètres de large. C’est vrai qu’en étant lancé à 250km/h, ce serait dommage qu’il ne soit pas virtuellement impossible de prendre un virage sans rentrer en contact avec un véhicule adverse, sauf à préférer directement se manger une pancarte qui vous enverra en vol plané sur 300 mètres et qui vous fera perdre suffisamment de temps pour que le reste du peloton vous repasse SYSTÉMATIQUEMENT devant quelle qu’ait été votre position au moment du gadin, ce qui signifie que la moindre sortie de route vous vaudra automatiquement et obligatoirement de repartir de la DERNIÈRE place.

Tant qu’à faire, quand la circulation est présente, assurez-vous bien qu’absolument TOUS les véhicules roulent précisément AU MILIEU de la route et nulle part ailleurs, ce qui vous permettra de constater qu’il est physiquement impossible de doubler un camion dans un virage sans aller embrasser un platane (enfin si, mais uniquement parce qu’il n’y a pas de platanes, juste des panneaux). Déjà, ça place tout de suite les choses : on n’est pas là pour rigoler, alors préparez la cire chaude. Tout cela ne serait qu’horriblement frustrant, mais finalement assez cohérent dans un jeu basé largement sur l’adresse et les réflexes, sans la vraie idée de merde qui pousse à poser la question « mais comment un tel jeu a-t-il pu être testé plus de deux minutes sans que personne ne voie le problème ? ». Imaginez que la moindre touchette avec un pilote adverse se fasse systématiquement à votre désavantage, vous faisant perdre 90% de votre vitesse tout en vous poussant vers le bas-côté. Délicieux, non ? Mais bon, après tout, éviter les pilotes adverses est un peu le principe d’un tel jeu, alors qu’est-ce qui pourrait être pire ? Eh bien c’est très simple : imaginez à présent que les adversaires puissent vous dégager de la route… en vous doublant, c’est à dire en arrivant dans un angle mort où vous n’avez aucune chance de les voir débarquer puisqu’il n’y a pas de rétroviseur, et qu’ils le fassent tout le temps ? Gagné, vous obtenez un jeu où vous passez votre temps à vous faire renverser par des concurrents que vous ne pouvez même pas voir venir, ce qui signifie à chaque fois perdre toute votre vitesse ou repartir de la dernière place, et souvent les deux à la fois ! QU’EST-CE QU’ON S’AMUSE !

Le résultat est un jeu abominablement difficile, même dans son réglage le plus aisé, et surtout stupidement injuste. Riding Hero est un programme qui vous punit constamment sans que vous ne puissiez rien faire, une version SM low cost d’Hang-On, une sorte de mauvaise copie pirate chinoise comme on n’osait pas en commercialiser dans les années 80.

Le pire, c’est qu’on ne peut même vanter la réalisation : le bas-côté est toujours de la même couleur avec les mêmes éléments, il n’y a littéralement que le décor de fond qui change ! Le choix de la moto lors du mode « W. G. P. » n’a aucune incidence sur rien à part sur la couleur du sprite de votre motard ; il n’y a aucune variété, aucune subtilité, aucune stratégie, aucun plaisir, rien ! En fait, on peut imaginer ce à quoi aurait ressemblé l’histoire de la Neo Geo si elle n’avait eu que des Burning Fight, des Puzzled et des Riding Hero à offrir, et on en parlerait probablement aujourd’hui plutôt comme de la 2 CV des consoles de jeu, mais je m’égare. Le fait est que vous n’avez pas envie de jouer à Riding Hero, que personne n’a jamais eu envie de jouer à Riding Hero et qu’on ne pourra que souhaiter qu’il n’y ait plus jamais de Riding Hero, parce que SNK n’en ressortirait pas grandi, et le jeu vidéo non plus. Beurk.

Vidéo – Course : Japon :

NOTE FINALE : 07,5/20

Quelle que soit la façon dont on entreprenne de décrire Riding Hero, le constat est toujours à peu près le même : c'est Hang-On resservi avec cinq ans de retard, sur des routes d'un mètre cinquante de large et avec des concurrents qui vous expédient dans le décor dès qu'ils vous frôlent. L'originalité d'un mode « Histoire » assez culotté pour une borne d'arcade ne compense hélas en rien l'absence totale de plaisir de jeu qui se dégage à enchaîner des courses monotones face à une intelligence artificielle qui triche pour vous empêcher de faire deux mètres sans vous casser la gueule. Quant au mode multijoueur, quel genre de sadique irait infliger cela à ses amis ? Un beau raté de SNK, et un jeu à oublier d'urgence.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– une difficulté délirante...
– ...pour de très, très mauvaises raisons
– Aucune variété dans le bas-côté

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Riding Hero sur une borne d’arcade :

Version Neo Geo CD

Développeur : SNK Corporation
Éditeur : SNK Corporation
Date de sortie : 26 mai 1995 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, joystick
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Carte mémoire supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On commence à savoir à quoi s’attendre avec les portages sur Neo Geo CD, et disons simplement que des termes comme « bouleversements » ne devraient ps être employés ici. Comme toujours, on découvre donc un Riding Hero sur CD-ROM qui ressemble furieusement à un portage pixel perfect de la version cartouche – ce qui signifie que non, un écran des options n’est pas à l’ordre du jour, il n’aurait pourtant vraiment pas fait de mal. Au rang des nuances, et une fois passé l’inévitable écran de chargement, on remarquera que le mode multijoueur a disparu (le port permettant de jouer en réseau étant originellement situé sur les cartouches) et qu’on entre désormais son nom en prélude des deux modes de jeu et pas simplement du mode « histoire »… et que, pour une raison quelconque, on a le droit d’entrer un nom plus long en mode « W.T.C. » ! Mis à part cela, les thèmes musicaux sont désormais proposés sous la forme de pistes numériques offrant un rendu très semblable à celui du processeur sonore de la console, rien de renversant, donc. Bref, on hérite exactement des mêmes défauts que sur la borne, sauf qu’il n’y a même plus de multijoueur.

NOTE FINALE : 07/20

Mieux vaudra bien chercher pour trouver des différences entre cette itération CD-ROM de Riding Hero et la version cartouche AES, et celles-ci sont de toute façon tellement négligeables qu’on n’y verra que du feu. L’expérience de jeu est toujours aussi minable, et sachant qu’il n’est plus question ici de profiter du multijoueur, elle est peut-être même encore pire. À oublier.

Battle Chess 4000

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La série Battle Chess (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Chess (1988)
  2. Battle Chess II : Chinese Chess (1990)
  3. Battle Chess 4000 (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Janvier 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 3.1 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le propre de la prise de risques, c’est qu’elle est par définition, eh bien, risquée. On a tous connu cet étrange instant qui semble échapper au temps, figé quelque part dans les airs avec le sol si désespérément lointain, où le cœur s’emballe pendant que l’on se dit que l’on aurait peut-être mieux fait de réfléchir avant de sauter – et où le formidable gadin qui aura suivi nous aura invité, désormais, à préférer la sureté du plancher des vaches. C’est peut-être un peu la réflexion qu’auront conduit les studios Interplay après un Battle Chess II qui avait certes fait le pari osé de ne pas opter pour la solution de facilité, mais dont le succès n’avait vraisemblablement rien eu de comparable avec celui de son prédécesseur – et pour cause, tout le monde n’ayant pas forcément envie d’apprendre les échecs chinois juste pour regarder des personnages se battre entre eux.

Dès lors, on peut comprendre la tentation du retour en arrière et de la sécurité en livrant tout simplement ce que tout le monde attendait plus ou moins depuis le début: la même chose, mais en mieux. Justement, la technique avait énormément progressé en cinq ans, et les ordinateurs avaient désormais les moyens d’afficher des graphismes et des animations beaucoup plus ambitieux que ce que permettait un Amiga 500 – mais cela signifiait également que ce nouvel opus serait désormais réservé aux PC, voire aux PC bien équipés. Qu’importe : Battle Chess 4000 allait enfin permettre de revenir à un concept qui avait tant plu… sauf que les machines n’étaient pas les seules à avoir changé ; le public, lui aussi, commençait à se poser des questions plus pertinentes. Et la plus évidente d’entre elles se dessina déjà, à l’époque : mais au fond, quand on joue aux échecs, est-ce qu’on a vraiment envie de voir les pièces bouger ?

Pour une raison quelconque, celui qui aurait pu s’appeler Battle Chess III aura donc plutôt choisi Battle Chess 4000 – peut-être une façon d’acter la rupture avec le deuxième épisode. Cela lui aura visiblement donné l’idée de modifier un peu le thème médiéval du premier jeu, le plus convenu, pour opter pour quelque chose d’un peu plus dépaysant : un univers futuriste à la Flash Gordon. Ici, les pions sont des sortes d’extraterrestres évoquant un croisement contre-nature entre un fourmilier et sa pitance, les tours sont des robots géants à la Transformers, les cavaliers sont équipés d’un pistolet laser et les fous font appel à un bâton futuriste qui les dote de pouvoirs quasi-magiques.

Le tout est présenté dans un cadre de base militaire façon Étoile Noire, sur un échiquier parsemé d’étoiles, et le moins qu’on puisse dire est que le tout a de la personnalité – d’autant plus que le titre n’aura pas hésité à se présenter dans une version SVGA en 640×480 encore plutôt avant-gardiste en 1993, et qui tenait sur la bagatelle de sept disquettes haute densité (une version VGA, ne tenant elle que sur trois disquettes, aura également été mise en vente simultanément). Les unités, de toute évidence modélisées en 3D pré-calculée, ont l’avantage d’être détaillées, bien typées et immédiatement reconnaissables que ce soit de face ou de dos, et la lisibilité est globalement très bonne quand on joue sur le plateau 3D (mais une vue 2D est bien entendu disponible), soit autant de leçons qu’aurait mérité de tirer un machin comme Terminator 2 : Judgment Day – Chess Wars. Bref : c’est relativement beau, ça a du cachet, ça ne gène en rien la partie et ça a plutôt bien vieilli ; autant dire un bon départ.

À ce stade, je sens qu’une question est d’ores et déjà sur toutes les lèvres : le concept du jeu reposant sur le fait de voir nos divers pions se mettre joyeusement sur la gueule, l’effet de surprise joue-t-il toujours ? À ce niveau, on sera reconnaissant aux artistes de chez Interplay d’avoir réalisé que voir deux unités s’échanger des coups n’était pas (ou plus ?) intrinsèquement passionnant, et que chaque saynète mettant en scène un échange de pièces demandait de déployer un minimum d’imagination pour permettre au joueur d’être surpris ou amusé – en un mot : intéressé.

Dans le domaine, Battle Chess 4000 ne s’en sort vraiment pas mal, et si on se bidonne rarement comme on le ferait devant les meilleur Tex Avery, on a désormais droit à de véritables scénarios avec retournements de situation, tension dramatique et effets cartoon – sans oublier les références obligées comme le monolithe de 2001 L’odyssée de l’espace invoqué lorsque la reine prend un cavalier, et qui sort le grand jeu avec le thème d’Ainsi parlait Zarathoustra en fond, avant une conclusion… surprenante. Si on pourra regretter au passage que la réalisation sonore ait tiré un trait sur la Roland MT-32 et n’offre aucune gestion du standard General MIDI, le titre offre assurément ce qu’on était venu chercher grâce à ses graphismes et animations de qualité. Sauf qu’après trois épisodes aboutissant tous plus ou moins à la même conclusion, il était peut-être temps de poser enfin la question qui fâche : est-ce que les joueurs avaient encore réellement envie de regarder des pièces se battre sur un échiquier ?

Le truc, et on le constate rapidement aujourd’hui, c’est que quand on a envie de jouer aux échecs, c’est rarement pour être distrait toutes les vingt secondes – surtout quand on ambitionne de jouer à bon niveau ; c’est un peu comme un lâcher de vachettes au milieu d’un match de football professionnel. Se lancer dans une partie juste pour regarder des animations rigolotes, c’est par définition une approche de néophyte ou de joueur du dimanche – ce qui n’a rien de honteux (je suis moi-même un joueur d’échecs plutôt médiocre), mais qui fait aussi qu’on peut comprendre que le public visé par le jeu soit également le moins disposé à aller l’acheter au prix fort. Car fatalement, chaque type de prise de pièce aboutissant systématiquement à la même animation, on se lasse rapidement des échanges de pions qu’on aura déjà vu trente fois au bout de cinq parties et on finit par se débarrasser de la raison d’être du programme pour revenir aux fondamentaux : les échecs en eux-mêmes, en 2D, sans le strass et les paillettes qui se seront évaporés au bout d’une heure –tout simplement parce qu’ils gênaient.

Dans ce domaine, le titre s’appuierait (à en croire le magazine Tilt de l’époque) sur le moteur de Chess Player 2150 – une information que je ne peux ni confirmer ni infirmer mais qui me parait surprenante, ce jeu n’ayant été ni développé ni édité par Interplay – mais le fait est qu’il offre toute la panoplie d’options et d’évaluations d’un « véritable » jeu d’échecs tout en jouant vite et en se montrant nettement plus « prenable » à bas niveau que l’I.A. du Battle Chess originel. Peut-être même trop, en fait : dans les dix déclinaisons de difficulté du mode « faible », l’ordinateur déploie un comportement pas très cohérent qui ressemble un peu à ce que pourrait offrir une partie contre votre petit cousin de six ans qui était occupé à se curer le nez en fixant le mur pendant que vous lui expliquiez les règles et qui n’a pas encore bien saisi toutes les subtilités du jeu – ni la nécessité de réfléchir avant de déplacer une pièce. À haut niveau, il se débrouille heureusement bien mieux… sauf qu’il y a tellement de jeux d’échecs, à l’heure actuelle, qui sont capable de faire bien mieux que lui, que c’est finalement dans sa dimension la plus limitée – le coup de peinture – que le logiciel présente le plus d’intérêt aujourd’hui.

Battle Chess 4000 est donc typiquement le jeu qu’on sort aujourd’hui pour jouer aux échecs sans réellement jouer aux échecs, une sorte de mode fun inclus dans un jeu plus sérieux et qui est très bien pour réenchanter très ponctuellement une activité que l’on connait déjà par cœur juste le temps de quelques parties avant de devoir à nouveau renoncer parce qu’on a toujours autre chose de plus important à faire.

Du popcorn pour le cerveau qui passe d’autant mieux que le titre est aujourd’hui disponible à des prix nettement plus accessibles qu’à sa sortie et peut donc constituer un moyen comme un autre d’initier des enfants aux échecs de façon ludique sans se laisser intimider par l’austérité d’un échiquier ordinaire. Un bon moment, assurément, mais qui est voué à se révéler dramatiquement court, un apéritif avant un festin qui s’avèrera autrement plus mémorable – et auquel on ira s’adonner sur d’autres jeux. Bref, une approche qui faisait illusion en 1988, mais qui avait acquis la signification un peu trop littérale du terme « divertissement » cinq ans plus tard, et qui aura finalement scellé la mort irrémédiable et logique d’un concept qui ne tenait que par une forme de naïveté assez pure. Juste de quoi retrouver son âme d’enfant le temps d’une heure – avant de réaliser, dans un soupir fatigué, qu’on est décidément devenu un peu trop vieux pour ça.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Retour à la bonne vieille formule et aux échecs « traditionnels » pour un Battle Chess 4000 qui ne prend certes aucun risque, cette fois, mais qui s'efforce d'assumer son concept jusqu'au bout grâce à une réalisation inattaquable, à un univers visuel plus original et à des saynètes beaucoup plus imaginatives. En dépit de la relative solidité du moteur de jeu (qui fait malgré tout n'importe quoi à bas niveau), la question de la simple pertinence du concept reste posée : à partir du moment où on a l'intention de jouer aux échecs, pendant combien de temps a-t-on envie d'être distrait par des animations comiques, même bien pensées ? Au-delà d'une certaine curiosité qui pourra survivre pendant quelques parties, on en revient vite au plateau en 2D pour jouer à un jeu d'échecs comme on peut en trouver gratuitement des centaines – souvent plus performants – aujourd'hui, mais on pourra au moins apprécier le plaisir de s'être amusé pendant une heure ou deux à découvrir des gags qu'on ne connaissait pas. On s'en contentera.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une approche dont l'intérêt diminue en flèche au fil du temps
– Une intelligence artificielle qui fait n'importe quoi à bas niveau

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Chess 4000 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« On joue pour découvrir et admirer les animations. Une fois l’aspect découverte épuisé, il demeure un excellent jeu d’échecs capable de faire « toucher les épaules » à la plupart des joueurs. »

Jacques Harbonn, Tilt n°112, Mars 1993, 17/20

« Bien que Battle Chess 4000 paraisse posséder les qualités d’un vrai jeu d’échecs, je m’interroge quand même sur un point : quel public vise-t-il ? Est-ce un jeu d’échecs ou un jeu drôle ? Difficile de concilier les deux, non ? Dans un cas, l’animation déconcentre, dans l’autre on doit réfléchir pour assister aux combats délirants entre les pièces ! »

Morgan Feroyd, ibid.

Dynamite Headdy

Développeur : Treasure Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Testé sur : Mega DriveGame GearMaster System
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Mac OS, PlayStation 2, PlayStation 3, Switch, Wii, Windows
Présent au sein de la ludothèque intégrée de la Mega Drive Mini
Présent au sein des compilations :

  • Sega Ages 2500 : Vol.25 – Gunstar Heroes : Treasure Box (2006 – PlayStation 2, PlayStation 3)
  • SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS, Windows)

Version Mega Drive

Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Octobre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction anglaise par Jon Najar
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Moins d’un an : c’est le temps qu’il aura fallu à la jeune équipe de Treasure pour parvenir à accomplir deux faits suffisamment notables pour mériter d’attirer beaucoup d’attention. Quand le premier jeu développé par un studio se trouve être rien de moins que Gunstar Heroes, run-and-gun si frénétique et efficace qu’il peut revendiquer le titre de meilleur représentant du genre sur Mega Drive – et peut-être même à l’échelle de toute la génération 16 bits – il y a déjà de quoi avoir très envie de voir la suite des événements ; et quand celle-ci revient à transformer ce qui aurait dû être un simple jeu de promotion insipide apte à donner des cauchemars à des millions d’enfants en mettant en scène l’immonde Ronald McDonald en le très sympathique McDonald’s Treasure Land Adventure, on commence à approcher de la magie noire.

Il faut dire qu’avec d’anciens développeurs du Konami de la grande époque à la manœuvre, on se doutait qu’on n’avait pas exactement affaire à des pitres, mais une petite voix un peu paranoïaque tout en restant désespérément rationnelle murmurait que peut-être ces deux succès pouvaient aussi bien constituer deux accidents, deux exceptions avant des productions nettement plus convenues appelées à rentrer dans le rang en même temps que leurs concepteurs. Dès lors, les joueurs impatients attendirent fébrilement la confirmation, la dernière preuve qu’ils venaient d’assister à la naissance d’un studio appelé à faire date et dont il faudrait surveiller le moindre logiciel comme on le faisait avec les Bitmap Brothers ou la Sonic Team. Ils n’eurent pas à patienter trop longtemps : dès la mi-1994 surgissait Dynamite Headdy, autre représentant assumé d’un domaine où la concurrence était pourtant terrible : le jeu de plateforme. Et le jugement ne tarda pas à tomber, inéluctable : sans vouloir faire de mauvais jeu de mots (bon allez, si, un peu quand même), c’était de la bombe. Encore.

La première petite surprise conférée par le jeu, c’est son univers. Certes, celui-ci n’est pas exactement introduit par une version occidentale où tous les dialogues ont été supprimés (un patch – anglais – de traduction de la version japonaise existe, je vous renvoie au pavé technique), la difficulté augmentée et quelques modifications cosmétiques opérées, mais il est difficile de ne pas remarquer le fait que toute l’action, des environnements au déroulement des niveaux, est présenté comme un décor de théâtre mû par une machinerie visible à l’écran : panneaux amovibles, épais cordages, clous apparents, déchirures dans la toile – et que le tout est souvent remplacé à la volée en pleine action, parvenant à offrir un dynamisme inattendu à des éléments censés être statiques.

Un thème particulièrement pertinent dans le sens où il justifie une mise en scène permanente : un boss introduit par un projecteur, un décor de fond qui s’écroule, des indications pour les techniciens en coulisse, et même un personnage dont l’unique fonction est de vous désigner le point faible des boss ! Tout cela donne un aspect organique, une vie permanente aux tableaux qui défile sous nos yeux et introduit d’emblée une variété impressionnante sur laquelle on aura l’occasion de revenir : d’un bout à l’autre, Dynamite Headdy est un jeu en mouvement où tout semble concourir à ne jamais laisser vos sens au repos d’une façon plus subtile et encore un peu plus audacieuse que celle d’un certain hérisson bleu qui avait pourtant dynamité (calembour) beaucoup de codes en la matière.

La deuxième surprise, c’est le mode d’action de notre héros qui résout les problèmes avec sa tête – littéralement. Plus d’un an avant que Rayman n’ait l’idée de lancer ses poings, le bien nommé Headdy, lui, utilise carrément son crâne en guise de projectile.

Et non seulement cela est très efficace et lui permet d’ailleurs également de s’agripper à des prises qu’il peut employer pour se propulser à distance, mais c’est aussi la base d’un système de power-up très bien fichu puisque notre héros peut carrément changer de tête pour changer de pouvoir : une tête de marteau pour frapper dur, une tête miniature pour s’ouvrir des passages autrement inaccessibles, une tête de cochon pour aspirer tout ce qui se trouve à l’écran, ou même une tête l’expédiant dans un niveau bonus et une tête malus le ralentissant – près d’une vingtaine au total. Un petit côté Kid Chameleon très bien mis à profit, puisque les pouvoirs ne sont pour ainsi dire jamais distribués au hasard mais plutôt en fonction de ce qui met en valeur le level design, introduisant constamment de nouvelles idées au fil des neuf niveaux eux-mêmes divisés en plusieurs sous-niveaux – quitte à offrir un segment shoot-em-up pendant toute la durée du sixième monde, voire à carrément offrir un sous-niveau entier (et facultatif) à présenter en situation les principaux mécanismes du jeu ! Bref, Dynamite Headdy a des idées et de l’audace en réserve – et la dernière bonne nouvelle, c’est qu’il a aussi le talent de l’équipe de Treasure pour en tirer le meilleur.

On pourrait ainsi s’attarder longtemps sur la réalisation exceptionnelle du jeu, véritable vitrine technologique mettant en scène à peu près tout ce que la Mega Drive est capable d’afficher en la matière – et de rappeler qu’il n’était pas nécessaire d’avoir à disposition un Mode7 comme la Super Nintendo pour afficher des rotations ou des zooms – mais les captures d’écrans seront déjà suffisamment parlantes à ce niveau – et quel plaisir de profiter d’un tel déluge de couleurs sur une console qui s’était un peu trop acharnée à offrir des titres sombres, pour ne pas dire grisâtres, pendant ses premières années de commercialisation.

Mais la vraie star du jeu reste son extraordinaire game design : chaque sous-niveau du jeu semble introduire une nouvelle idée, une petite trouvaille dont il tire merveilleusement parti et qui fait qu’on n’a virtuellement jamais le temps de sentir pointer quoi que ce soit qui ressemble à de l’ennui. Sol qui se penche, phases où il faut jouer avec la gravité – un peu à la façon d’un segment du deuxième monde de Castle of Illusion, mais en beaucoup mieux exploité ici – tour rotative à la Nebulus, poursuite en défilement imposé, tout y passe, quitte parfois à cumuler plusieurs idées sur un même niveau. On se retrouve face à une variété qui parvient à supplanter celle d’un titre comme Rocket Knight Adventures, pourtant déjà pas avare en la matière, et en offrant surtout une merveilleuse efficacité dans le rythme qui permet au jeu d’être un peu tout ce que Tiny Toon Adventures : Buster Busts Loose! avait cherché à être sans réellement y parvenir – et non, ce n’est pas par accident que j’ai choisi deux titres de Konami en guise de comparaison.

On pourrait encore creuser longtemps tout ce qui vient nourrir la rejouabilité du titre, comme l’existence de « points secrets » à glaner en accomplissant certaines actions (par exemple en détruisant le robot qui vous pourchasse lors du premier niveau plutôt que de vous contenter de fuir) et qui permettent d’ouvrir l’accès au « vrai » boss final, lequel est pour le coup assez surprenant !

Mais la vérité est surtout que Dynamite Headdy est une véritable mine de trouvailles, un vaccin permanent contre la monotonie dont les deux seuls minimes défauts sont un certain flou dans les zones de collision lors des combats de boss (il n’est pas toujours facile de comprendre ce qui vous touche et ce qui ne vous touche pas) et surtout une difficulté qui bascule dans le sauvage vers la deuxième moitié du jeu et qui imposera de longues séquences de die-and-retry à un jeu déjà assez long, ce qui amène presque à regretter qu’un système de mot de passe ne soit pas disponible. On en prend constamment plein les mirettes et on a hâte de voir la prochaine idée grandiose du programme – même si on se doute qu’on va rapidement en baver – et on se retrouve face à un de ces monuments qui nous aident à comprendre pourquoi le jeu de plateforme aura longtemps été considéré comme le genre roi sur console : quand ça atteint ce niveau-là, ça ne prend tout simplement pas une ride, jamais, même avec trente ans de recul. Vous voulez redécouvrir ce qu’était le fun à l’ère 16 bits ? Essayez Dynamite Headdy. C’est un peu comme un baume de fraise Tagada sur vos rêves d’enfants meurtris.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20


Dynamite Headdy aurait pu n'être qu'une vitrine technologique pour la Mega Drive, ou bien uniquement la rencontre entre une idée de gameplay sympa et un univers original, ou bien simplement un jeu de plateforme d'une rare variété, et cela aurait déjà été très bien. Mais ce qui fait du titre de Treasure l'un des meilleurs représentants du genre au sein de sa génération, c'est surtout qu'il soit parvenu à être tout cela à la fois. S'il est un mot à bannir définitivement en décrivant la formidable cartouche délivrée par l'équipe japonaise, c'est bien « monotonie » : on a rarement vue autant de trouvailles présentées à un rythme aussi effréné et d'une façon aussi merveilleusement efficace – de quoi donner la leçon même à des références en la matière, Rocket Knight Adventures en tête. Certes, mieux vaudra avoir la tête froide et des nerfs d'acier vers la fin du jeu, car la difficulté y devient redoutable, mais c'est avec un plaisir certain qu'on sera heureux d'y revenir tant l'expérience est plaisante d'un bout à l'autre. Chapeau bas, messieurs.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des zones de collision pas toujours très claires, en particulier lors des combats de boss
– Une difficulté qui ne fait vraiment pas de cadeaux sur la fin du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dynamite Headdy sur un écran cathodique :

Version Game Gear

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Novembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bien qu’on l’associe traditionnellement à la Mega Drive, Dynamite Headdy aura également connu une sortie simultanée sur Game Gear, avec l’équipe de Minako Giken – grande habituée des portages sur la console portable – à la baguette. Dans l’absolu, cette itération 8 bits s’efforce de respecter au maximum le déroulement de la version Mega Drive, mais comme on peut s’en douter, les capacités de la console alliés à la division par quatre de la taille de la cartouche auront fatalement entraîné de nombreux sacrifices.

Si la réalisation est colorée et relativement efficace, avec la plupart des thèmes musicaux repris fidèlement à quelques exceptions près (le thème de l’écran-titre reprend celui du premier niveau de la version Mega Drive, par exemple), le framerate est nettement plus bas, la fenêtre de jeu nettement plus petite, et à peu près toutes les trouvailles graphiques de la version Mega Drive – les zooms, les rotations, le sol du niveau trois qui pivote – ne sont plus à l’ordre du jour ici. Le contenu a lui aussi été lourdement sabré : il n’y a plus que six niveaux, ils contiennent moins de sous-niveaux, les boss ont été simplifiés, etc. ; le jeu peut donc être vaincu beaucoup plus vite même si la difficulté reste conséquente, notamment parce que la jauge de vie du héros est ici nettement moins conséquente. Le vrai problème, c’est que même avec toute la meilleure volonté du monde, Dynamite Headdy n’a tout simplement plus les armes pour surprendre sur Game Gear et l’expérience nerveuse, variée et rafraichissante a ici laissé la place a quelque chose de nettement plus convenu où le déroulement est devenu beaucoup plus téléphoné. Les niveaux n’ont pas le temps d’être mémorables, la difficulté est souvent frustrante parce qu’on n’a que très peu de temps pour comprendre les patterns des boss et mini-boss, et sans passer un mauvais moment on est plus proche d’un ersatz de l’expérience originale que de sa retranscription fidèle. Une cartouche à lancer par curiosité, mais si vous voulez vraiment découvrir le jeu, essayez plutôt la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 13,5/20

En dépit d’une réalisation honnête, Dynamite Headdy sur Game Gear aurait été bien inspiré d’être une adaptation pensée pour la console portable plutôt qu’un simple portage, surtout quand celui-ci perd au passage pratiquement tout ce qui faisait la force de la version Mega Drive pour devenir un jeu prévisible où la plupart des idées originales ont disparu. Une version expurgée qui conserve son petit charme, mais qu’on préfèrera réserver aux curieux.

Version Master System

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : Octobre 1995 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1995, la Master System faisait encore une très belle carrière au Brésil, ce qui aura permis aux locaux de bénéficier de cartouches jamais commercialisées dans le reste du monde. Comme on peut s’en douter, les équipes de SEGA n’auront pas exactement été mobilisées pour un marché qui demeurait relativement marginal – ou en tous cas, très secondaire derrière celui des jeux Saturn ou même Game Gear –, et les équipes de Tec Toy se seront donc contentées de reprendre la version développée par Minato Giken et de l’adapter à la Master System. Ironiquement, en dépit du manque total d’innovations que cela implique, il faut bien reconnaître que l’accroissement de la fenêtre de jeu rend l’action nettement plus lisible, que les couleurs sont moins agressives et que le framerate est également meilleur, rendant de fait cette version sensiblement plus jouable que celle dont elle est tirée. Pour le reste, il faudra composer exactement avec les mêmes coupes que sur Game Gear, ce qui offre à la console un jeu de plateforme très correct mais ne jouant clairement pas dans la même cour que l’opus Mega Drive.

NOTE FINALE : 14/20

Comme très souvent avec les exclusivités brésiliennes sur Master System, Dynamite Headdy n’est rien de plus que le portage de la version Game Gear adapté à la résolution de la console – ce qui apporte, mine de rien, un indéniable surplus en termes de confort. De quoi offrir à la machine un jeu de plateforme très correct.

Dark Sun : Shattered Lands

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Dungeons & Dragons : Ultimate Fantasy (1995 – PC (DOS))
  • Three Worlds of Official Dungeons & Dragons 2nd Edition Computer Games (1995 – PC (DOS))
  • Advanced Dungeons & Dragons Masterpiece Collection (1996 – PC (DOS))
  • Dungeons & Dragons : Dark Sun Series (2015 – Linux, Mac OS, Windows)

En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La licence Dark Sun (jusqu’à 2000) :

  1. Dark Sun : Shattered Lands (1993)
  2. Dark Sun : Wake of the Ravager (1994)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sons supportées : AdLib/Gold, ARIA Chipset, General MIDI, General MPU-401 MIDI Devices, Gravis Ultrasound/ACE, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1992, l’union autrefois idyllique entre Strategic Simulations, Inc. et la licence Donjons & Dragons commençait à sérieusement battre de l’aile.

Du côté de SSI, tout d’abord, l’enthousiasme initial qui avait entouré le triomphe critique et commercial de Pool of Radiance se sera fatalement essoufflé, la faute autant à un marché saturé de « Gold Boxes » (neuf jeux en cinq ans, sans même parler des « Silver Boxes » qui les accompagnaient) qu’à une baisse notable de la qualité de ces dernières, le poids des années se faisant de plus en plus sentir sur un moteur de jeu resté prisonnier des contraintes des ordinateurs 8 bits pour lesquels il avait été conçu – et qui commençait à faire sourire face à des productions de pointe à la Ultima VII. Conséquence : les ventes auront logiquement suivi la pente déclinante de l’intérêt des joueurs, et là où Pool of Radiance s’était écoulé à plus de 260.000 exemplaires à son lancement, The Dark Queen of Krynn, la dernière des « Gold Boxes », aura à peine dépassé les 40.000 copies vendues. L’embellie passagère provoquée par le succès d’Eye of the Beholder, dernier titre de la licence à avoir franchi le cap des 100.000 ventes, n’aura pas survécu au rachat de Westwood Studios par Virgin Games, et dans l’ensemble les résultats financiers n’avaient pas de quoi faire sourire les responsables du studio américain.

Pour être honnête, du côté de TSR – détenteurs de la licence Donjons & Dragons –, l’ambiance n’était pas meilleure, et pas seulement parce que les ventes des « Gold Boxes » étaient en chute libre ou que SSI avait échoué à porter la plupart de ses jeux sur consoles. La concurrence commençait également à se faire féroce sur le marché des jeux de rôles papier, et l’émergence de concurrents plus accessibles comme Vampire : La Mascarade et bientôt celle d’un certain Magic : L’Assemblée semblait prendre de court une firme dont la seule réponse était de sortir systématiquement des tombereaux de nouveaux modules et univers exclusifs, achevant de rendre la licence encore plus opaque et encore plus impénétrable aux yeux des néophytes.

L’accord qui unissait les deux compagnies devait prendre fin au 1er janvier 1993, et le moins qu’on puisse dire, c’est que SSI jouait beaucoup plus gros que TSR au moment de chercher à obtenir la prolongation dudit accord. Au terme de tractations intenses, celui-ci se trouva finalement étendu de 18 mois, mais à une condition : plus question pour SSI de se reposer sur le moteur agonisant des « Gold Boxes » ; il allait être temps d’embrasser la modernité, et surtout de développer un jeu dont les chiffres de vente retrouve les sommets atteints par Pool of Radiance, rien de moins. Le studio américain, parfaitement conscient d’être en train de jouer sa survie, investit donc plus d’un millions de dollars dans la conception d’un nouveau moteur de jeu, lequel accoucha de ce qui aurait dû être la tête de lance de la nouvelle fournée de jeux estampillés Donjons & Dragons : Dark Sun : Shattered Lands.

Le titre du jeu trahit d’ailleurs déjà la première exigence de TSR, qui aura imposé l’usage d’un de ses nouveaux univers flambants neufs histoire de le promouvoir plutôt que de se reposer sur la licence désormais sur-employée des Royaumes Oubliés. Entre donc l’univers vaguement post-apocalyptique de Dark Sun, monde vidé de sa force vitale par des magiciens surpuissants, et qui présente une esthétique qui a le mérite d’être relativement originale, tendance « Mad Max chez les elfes et les nains ».

Comme souvent avec Donjons & Dragons, cet univers s’accompagne également d’une surcouche de règles, de races et de spécificités qui pourront décontenancer jusqu’aux habitués de la licence principale – sans même parler des néophytes, qui risquent d’être perdus pour de bon. Ainsi, la création des quatre personnages qui formeront votre équipe demande désormais de composer avec des races aussi exotiques que des demi-géants, des Muls (croisements de nains et d’humains) ou des Thri-Keens, espèce insectoïde à six pattes ne pouvant s’équiper d’aucune forme d’armure. Les classes sont également chamboulées, d’abord parce que le rôle de soigneur échoie désormais aux druides tandis que les clercs doivent choisir un élément dans lequel se spécialiser, mais aussi et surtout parce que toutes les races et les classes disposent désormais de pouvoirs psioniques en plus de leur éventuelle magie – et pour ne rien arranger, bien qu’il n’en soit fait mention nulle part, le jeu est clairement pensé d’un bout à l’autre pour des combattants multi-classés, n’hésitez donc pas à donner à tous vos personnages une classe de guerrier ou de gladiateur à côté de leur classe principale, vous ne le regretterez pas. À peine formé, votre groupe sera catapulté dans le feu de l’action, ou plutôt dans l’arène, puisque la partie s’ouvrira dans la peau d’un groupe de gladiateurs retenus esclaves, avec un premier objectif clair : parvenir à se faire la malle pour aller découvrir le vaste monde.

Une très bonne occasion de découvrir ce fameux nouveau moteur de jeu qui respire, à bien des niveaux, l’inspiration évidente qu’était celui d’Ultima VII. Non seulement les graphismes sont des kilomètres au-dessus de ce que permettait le moteur des « Gold Boxes », avec des détails dans tous les sens et des personnages fidèlement campés à l’échelle, mais en plus les développeurs de SSI ont visiblement bien travaillé puisque le jeu est nettement moins gourmand que son modèle et qu’il offre aussi et surtout un système de combat en tour-par-tour nettement plus satisfaisant que les affrontements largement automatiques du concurrent de chez ORIGIN Systems, et qui permet de mettre à contribution la large panoplie de possibilités additionnelles dont nous avons à peine égratigné l’étendue au paragraphe précédent.

Un changement qui se ressent autant dans l’ergonomie désormais intégralement à la souris, puisqu’il est possible d’interagir avec pratiquement tous les objets et les êtres vivants présents à l’écran, que dans la philosophie générale où les conversations jouent désormais un rôle nettement plus important que dans les « Gold Boxes » qui tendaient à se limiter à une longue suite de combats. Le joueur peut désormais choisir comment répondre, se montrer agressif ou conciliant, tuer tout ce qui bouge ou bluffer, et la bonne nouvelle est que la plupart des quêtes sont dorénavant pensées pour pouvoir être résolues de plusieurs manières, depuis la plus directe – et généralement la plus brutale – jusqu’à la plus intelligente. Un gros changement d’approche – où l’influence des Ultima se fait une nouvelle fois sentir – qui permet enfin au joueur de faire du roleplay au-delà du choix de sa classe et de ses caractéristiques, ouvrant ainsi la voie aux jeux de rôles « modernes » à la Fallout.

Jusqu’ici, le menu est très alléchant, d’autant plus que la présentation est nettement plus soignée, et on pourrait penser que Dark Sun : Shattered Lands a absolument tous les arguments pour pouvoir prétendre au titre de « nouveau Pool of Radiance » qu’il cherchait si désespérément à atteindre. Dans les faits, il n’en est pas si loin, grâce notamment à ce nouveau moteur qui laisse enfin une place prépondérante à l’aventure et à l’expérimentation, mais comme souvent avec SSI les problèmes commencent plutôt à se manifester du coté de l’écriture et de celui de la finition.

Tout d’abord, on pourra par exemple regretter que le joueur soit en quelque sorte pris à froid en se faisant bombarder au milieu des combats dès les premières secondes de jeu sans même se voir offrir le temps de découvrir l’univers, les enjeux et l’interface, avec une pression constante sur les épaules puisque chaque repos l’approche du prochain combat d’arène, lequel s’avèrera chaque fois un peu plus difficile que le précédent – et sans même un marchand pour pouvoir s’équiper. Un peu raide, comme courbe d’apprentissage ! Dans le même ordre d’idées, le monde du jeu est assez mal introduit, on n’a aucune notion précise de sa géographie, de sa géopolitique ou des rapports de force en présence, et le scénario se limite finalement à unir une poignée de villages contre une grande armée dont on n’est même pas certain de bien comprendre qui la mène ni pourquoi elle veut massacrer tout le monde. Difficile de se sentir impliqué dans un univers où tout le monde ne semble se soucier que de son petit nombril et nous envoyer faire des quêtes se résumant à récupérer un truc ou à tuer un machin, et dans l’ensemble le charme qu’aurait dû représenter la découverte de ce monde original se limite un peu trop à parcourir de grands déserts vides où on ne trouve que trop rarement quelqu’un à qui parler en tuant les monstres qui se présentent en route. Une philosophie pas si nouvelle que ça, en fin de compte…

De la même façon, on sent encore une interface pas bien dégrossie, notamment parce que les possibilités sont loin d’être évidentes. Par exemple, il est parfois possible d’escalader un mur ou d’ouvrir un passage, sauf que rien ne distingue ces éléments interactifs des autres, et qu’on se retrouve trop souvent dans des situations où on « peut » faire des choses » mais où rien n’indique qu’on puisse le faire, et il faut un long moment pour découvrir la réelle étendue des possibilités d’action du jeu – et à quels endroits celles-ci se manifestent.

Par exemple, dès la première zone du jeu, on peut choisir de donner à boire à un prisonnier dans l’arène, encore faut-il avoir ramassé un pot, s’être trouvé en présence d’une réserve d’eau, et avoir sélectionné l’objet dans son inventaire avant d’en sortir et d’enchaîner les clics droits jusqu’à ce que l’objet sélectionné réapparaisse pour enfin l’utiliser sur l’abreuvoir afin de le remplir. On est très loin de l’interface hyper-intuitive d’Ultima VII… De fait, le jeu se montre souvent bavard et verbeux alors qu’il n’a pas grand chose à dire, la zone de jeu se limite à une quinzaine de régions dont on fait très vite le tour, et la durée de vie du programme atteint au final péniblement les dix heures (je ne sais pas où Tilt était allé chercher le chiffre d’une « petite centaine d’heures », mais on en est très loin !). En y ajoutant de nombreux bugs et autres soucis de pathfinding, les promesses entrevues lors des premières minutes de jeu peinent trop souvent à se matérialiser, et sans passer un mauvais moment on a un peu trop souvent l’impression que ce Dark Sun n’est que l’ébauche du jeu qu’il aurait pu être avec un peu plus de soin – et surtout, avec un peu plus de temps.

Le succès public n’aura d’ailleurs clairement pas été au rendez-vous : en dépit d’un très bon accueil critique, le jeu se sera péniblement vendu à 45.000 exemplaires – à peine plus que les ultimes opus des « Gold Boxes » à bout de souffle, et surtout péniblement un sixième des ventes atteintes par Pool of Radiance en son temps. Pas exactement l’objectif recherché pour un titre ayant nécessité des investissements massifs et dix-huit mois de développement…

Après de nouvelles âpres négociations entre TSR et SSI, l’accord d’exclusivité les liant aura finalement été prolongé jusqu’au 1er janvier 1995, après quoi la licence serait accessible à d’autres développeurs – et SSI, qui n’avait pour ainsi dire vécu que de l’exploitation de Donjons & Dragons depuis 1988, se sera efforcé d’essorer son précieux sésame avec ses dernières forces (Al Qadim, Dark Sun : Wake of the Ravager, deux épisodes de Ravenloft, Menzoberranzan, Deathkeep…) avant d’être contraint de retourner à ses premières amours et de retrouver, ironiquement, le succès avec un jeu de stratégie à l’ancienne, un certain Panzer General. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, les joueurs souhaitant découvrir une expérience un peu moins balisée et un peu plus organique que celle des « Gold Boxes » seraient bien inspirés de laisser une chance à ce premier Dark Sun certes imparfait, mais plus accessible et plus dépaysant que ses glorieux prédécesseurs tout en conservant les possibilités d’un système de combat largement célébré. Il ne fait peut-être pas mouche à tous les niveaux – et les « Gold Boxes » avaient l’avantage de présenter des possibilités mieux encadrées et mieux définies, en dépit de leurs lourdeurs – mais il demeure un des rares représentants de cette première vague de jeux de rôles « de transition » avant l’ère du CD-ROM et du multimédia, et il conserve le charme de la relative originalité de son univers. Ça vaut peut-être bien une deuxième chance, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Lancé comme le programme qui devait apporter un second souffle à la licence Donjons & Dragons et renouer avec le succès de Pool of Radiance grâce à un moteur de jeu revu de fond en comble, Dark Sun : Shattered Lands aura hélas échoué à atteindre son objectif dans les grandes largeurs et annoncé le terme de la tumultueuse relation entre SSI et TSR. C'est d'autant plus dommage que c'était clairement un pas dans la bonne direction, quelque part vers Ultima VII, avec une interface nettement plus accessible, une aventure ne se résumant plus à une longue suite de combats et une véritable ouverture dans les possibilités de mener à bien les diverses quêtes du jeu. Malheureusement, l'univers imposé de Dark Sun est assez mal mis à contribution, et dans l'ensemble le jeu laisse trop souvent l'impression d'évoluer dans le brouillard : un monde mal présenté, des environnements trop vides, des possibilités pas assez claires faute d'être convenablement encadrées, des règles trop complexes, des combats pas assez profonds, des enjeux trop nébuleux, sans oublier de nombreux bugs. Il en résulte une expérience un peu frustrante où le joueur catapulté dans le feu de l'action met beaucoup de temps à trouver ses aises, et où la liberté offerte agit souvent comme un obstacle plus que comme comme un apport à une aventure qui n'acquiert jamais tout-à-fait l'épaisseur dont elle voudrait se doter. Un bon jeu de rôles, mais sans doute pas celui qu'on attendait à ce moment-là.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des enjeux mal introduits et qui peinent à se montrer intéressants...
– ...tout comme l'univers, qui échoue à exister autrement que comme une suite de grands déserts
– Des combats qui se résolvent trop souvent au corps-à-corps après s'être lancé un sort de hâte
– Un système de jeu fidèle au support papier mais incluant beaucoup de nuances complexes et souvent inutiles
– De nombreux bugs et soucis de pathfinding

Note : Une bonne partie des informations et des chiffres de ce test proviennent de l’excellente série d’articles du site américain The Digital Antiquarian traitant de SSI et de l’histoire des « Gold Boxes » que j’invite les anglophones à aller découvrir d’urgence.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Sun : Shattered Lands sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Superbe. Shattered lands est tout simplement superbe. De fait, je le place directement au côté de Serpent Isle, parmi les meilleurs jeux de rôle en 3D isométrique. SSI a vraiment réussi à se renouveler ! Les graphismes sont beaux et très variés, la musique proche de la perfection et l’ergonomie originale bien conçue. Seule la durée de vie ne soutient pas la comparaison avec Serpent Isle : une petite centaine d’heures (c’est déjà pas mal)… »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°119, novembre 1993, 90%

Battle Chess II : Chinese Chess

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Antstream, Linux, Mac OS, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La série Battle Chess (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Chess (1988)
  2. Battle Chess II : Chinese Chess (1990)
  3. Battle Chess 4000 (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Covox Sound Master, Game Blaster, haut-parleur interne, Innovation Sound Standard, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et MCGA

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le problème avec beaucoup de bonnes idées, c’est qu’elles fonctionnent rarement plus d’une fois.

À l’ère où l’informatique était encore entourée d’une certaine magie de par sa capacité à donner vie à des choses qui avaient jusqu’ici été réservées à l’imagination, Battle Chess avait mis étonnamment dans le mille grâce à une idée si simple qu’un joueur n’ayant pas grandi dans les années 80 pourrait s’interroger sur son simple intérêt : faire bouger les pièces. Voir les très abstraits pions, tours et cavaliers du très austère échiquier se livrer bataille via des saynètes animées correspondait visiblement à une véritable attente, à en juger par le succès du titre et le nombre impressionnant de portages auxquels il aura donné lieu.

Mais ceci étant placé, une fois le concept matérialisé, quelle marge de progression lui restait-il ? Deux axes se présentaient aux développeurs d’Interplay pour une éventuelle suite : reprendre exactement le même principe en changeant juste les graphismes, ou bien – approche plus risquée – en changeant carrément le jeu. Petite surprise : la première approche, la plus prévisible et la plus attendue, aura dû attendre 1993 pour voir le jour avec Battle Chess 4000 ; car auparavant, la firme américaine n’aura pas hésité à déployer une certaine dose de culot en osant lancer en premier Battle Chess II : Chinese Chess. Un nom qui est déjà tout un programme, car là où les joueurs s’attendaient fort naturellement à repiquer pour d’autres parties d’échecs – c’est après tout le nom du jeu – le sous-titre annonce immédiatement le contrepied en proposant des échecs… chinois. Stupeur et tremblements : là où on attendait bêtement un nouvel habillage – qu’on obtenait au passage – il allait également falloir (ré)apprendre à jouer.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas les règles du xiangqi (à ne pas confondre avec le shōgi, communément considéré comme « les échecs japonais », dont il se rapproche), le manuel du jeu sera fort heureusement l’occasion de découvrir les subtilités d’une activité qui pourra au premier abord paraître fort déroutante – en particulier aux yeux des connaisseurs des échecs occidentaux.

On ne se lancera pas ici dans un déroulé des très nombreuses différences existant entre les deux jeux, d’autant que les règles sont dorénavant facilement trouvables en ligne, mais on mentionnera quand même le fait que dans le xiangqi, les unités se déplacent sur des lignes et non dans des cases, que le roi ou général y est cantonné à un espace constitué d’un carré et de ses deux diagonales (le « palais »), que les pions n’ont accès à toute leur mobilité qu’à partir de l’instant où ils ont franchi la « rivière » – une ligne horizontale séparant les deux moitiés du plateau – ou encore que les cavaliers, s’ils bougent de la même façon que dans le jeu occidental, n’ont pas ici la capacité d’« enjamber » les autres unités. Surtout, les débuts de partie tendent à être nettement plus offensifs et nettement moins cantonnés au déploiement des troupes, notamment grâce à une unité redoutable lors des premières minutes : le canon. Celui-ci présente en effet une particularité notable : celle de pouvoir toucher une unité situé sur la même ligne ou la même colonne, comme une tour, mais à la condition qu’une autre unité se trouve entre sa cible et lui-même. Cette petite spécificité introduit un vaste aspect tactique qui oblige à penser très soigneusement ses premiers mouvements, et représentera sans doute un de vos premiers axes de réflexion au moment de réfléchir à vos ouvertures.

Mais au fait, nous sommes toujours dans un Battle Chess : que sont devenues les fameuses animations qui avaient fait la renommée du premier épisode ? Naturellement, elles sont toujours de la partie, et elles mettront ici en scène une imagerie chinoise peuplée de dragons et d’éléphants (un autre nom possible d’une des unités du jeu, autrement traduit par « Ministre ») avec des petites animations qui s’efforcent d’être divertissantes mais y parviennent rarement avec trente-cinq ans de recul.

On appréciera néanmoins l’ambiance globale qui se dégage du plateau et de l’activité qui y règne, avec des unités globalement bien reconnaissables (sauf pour les cavaliers qui, de dos, ressemblent un peu trop aux soldats), et surtout le fait que cette représentation aide à égayer des premières parties qui auraient autrement été un peu intimidantes en déplaçant des unités rendues trop abstraites par de simples symboles. Avec le temps, on se hâtera de basculer vers le plateau en 2D, plus lisible, pour s’adonner à des parties rendu plus rapides par la suppression de toutes ces animations qui perdent rapidement de leur charme. Toutes les options du premier épisode sont toujours là, à commencer par les neuf niveaux de difficulté, même si l’équilibrage est un peu plus consistant ici (l’ordinateur est moins redoutable dès les premiers niveaux) et surtout, le fait que le jeu soit pensé dès le départ pour un 286 ou supérieur fait qu’il est ici très aisé de déployer toute la puissance du processeur et de profiter ainsi de temps de réflexion infiniment plus courts (pour ne pas dire inexistants, la plupart du temps) que ce qui avait été observé sur Amiga deux ans plus tôt.