Développeur : Megasoft
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : The Super Shinobi II (Japon)
Titre alternatif : 3D Shinobi III : Return of the Ninja Master (3DS)
Testé sur : Mega Drive – Arcade (Mega Play)
Disponible sur : 3DS, iPhone, Linux, Macintosh, Switch, Wii, Windows
En vente sur : Steam.com (Linux, Mac, Windows)
La saga Shinobi (jusqu’à 2000) :
- Shinobi (Arcade) (1987)
- The Revenge of Shinobi (1989)
- Shadow Dancer (1989)
- Shadow Dancer : The Secret of Shinobi (1990)
- The Cyber Shinobi (1990)
- Shinobi (Game Gear) (1991)
- Shinobi II : The Silent Fury (1992)
- Shinobi III : Return of the Ninja Master (1993)
- Shinobi X (1995)
Version Mega Drive
Date de sortie : 23 juillet 1993 (Japon) – Septembre 1993 (Amérique du Nord, Europe) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Anglais, traduction française par Arkames Traduction |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Joypad |
Version testée : Version européenne patchée en français |
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
À l’ère des grandes licences empilant inlassablement les succès comme des perles, on en viendrait presque à oublier à quel point savoir constamment côtoyer l’excellence en insufflant régulièrement juste ce qu’il faut d’idées neuves et de prises de risques à des formules méthodiquement éprouvées est loin d’être un exercice aisé. Notre perception est sans doute partiellement brouillée par des compagnies comme Nintendo, dont chaque épisode des licences maisons à la Super Mario, à la Zelda ou à la Metroid semble être condamné à être a minima un chef d’œuvre, au mieux une révolution, mais allez demander à l’ex-grand-rival SEGA s’il est si facile de trouver la recette de la pierre philosophale vidéoludique, et vous risquez d’avoir affaire à des mines plus sombres.
Depuis la rapide glissade de sa première mascotte, Alex Kidd, dans la médiocrité jusqu’au bourbier dans lequel semble être plongé Sonic, incapable de renouer avec son glorieux passé depuis vingt-cinq ans, en passant par l’abandon de licences à la Golden Axe achevées un peu en eau de boudin, la firme japonaise aura semblé avoir développé une appétence particulière pour saboter elle-même à peu près tout ce qui aurait dû composer sa plus grande force. Une série paraissait en tous cas échapper encore à cette règle en 1993 : celle des Shinobi qui, à l’exception d’un unique épisode médiocre sur Master System, tirait alors systématiquement la production de SEGA vers le haut, jusqu’à avoir quasiment lancé la carrière de la Mega Drive avec la killer-app que la machine attendait alors depuis plus d’un an. Autant dire que l’annonce d’un Shinobi III fut reçue comme un mini-événement, en dépit d’une légère inquiétude : la disparition de la bien nommée « Team Shinobi » aux commandes…
L’inquiétude ne fit d’ailleurs que croître lorsque, après des retours mitigés à la fin de l’année 92, SEGA préféra carrément repousser la sortie du jeu de six mois pour revoir la copie proposée par Megasoft et repartir pratiquement de zéro.
Au moment de la sortie effective du jeu, en juillet 1993, une question angoissée était donc sur toutes les lèvres : était-il possible que le tant attendu Shinobi III : Revenge of the Ninja Master, faisant suite à l’un des meilleurs jeux d’action/plateforme de la machine, se soit malencontreusement pris les pieds dans le tapis ? Spoiler alert (vous êtes déjà allé regarder la note, de toute façon) : non. Et vu le résultat, on en vient même à se dire que les équipes de SEGA auraient été bien avisées de reconduire plus régulièrement la politique du retour au charbon avec tous les épisodes de ses grandes licences, car l’attente en valait clairement la peine.
Passons rapidement sur l’histoire : Zeed, le syndicat du crime, est de retour, ou plutôt Neo-Zeed, mais comme c’est déjà la deuxième fois qu’il revient on devrait parler de Neo-neo-Zeed, mais je m’égare. La question de savoir comment et pourquoi n’intéressant, reconnaissons-le, strictement personne, l’immortel Joe Musashi (ou c’est peut-être son fils ou son petit fils, on s’y perd vite dans une famille où ils portent tous les mêmes noms et prénoms) renfile son costume et repart faire exactement ce qu’on attendait de lui, pour être honnête : la même chose.
La difficulté étant de s’aventurer sur un terrain où son prédécesseur direct, l’excellent The Revenge of Shinobi, avait déjà pratiquement tout fait à la perfection – dès lors, on suppose que la problématique qui aura occupé le studio Megasoft pendant les deux développements successifs du jeu pourrait être résumée en une phrase : comment surpasser l’insurpassable ? Premier élément de réponse : en commençant par reprendre absolument tout ce qui avait fait la force de l’opus précédent, à commencer par sa jouabilité irréprochable, et en y touchant très peu. Kunai, sabre, saut, double-saut, parades, quatre types de Ninjutsu : le ninja a toujours la même gamme de mouvements à sa palette, en n’y ajoutant qu’une subtilité qui pourra néanmoins faire une grosse différence : un coup de pied sauté activable en faisant bas + attaque pendant un saut et qui constituera une autre façon d’approcher des adversaires souvent dangereux par le nombre et par leur placement davantage que par leurs aptitudes. Pour le reste, il est presque question d’une importante leçon de game design : qu’est-ce qui avait changé, en termes d’attentes des joueurs, lors des quatre ans qui s’étaient écoulés depuis l’épisode précédent ?
Comme on peut s’en douter, autant commencer par ne pas saloper la réalisation : The Revenge of Shinobi avait servi de véritable vitrine pour la console à ses débuts, et il eut été dommage que son successeur ne place pas le curseur au moins aussi haut.
À ce niveau, difficile de faire la fine bouche : les graphismes sont magnifiques et tirent la quintessence des 64 couleurs affichables de la Megadrive, tout en s’appliquant à proposer des atmosphères variées qui, sans jamais réellement s’éloigner de celles de son prédécesseur, parviennent à se montrer marquantes – la forêt en flammes où le niveau organique avec son boss qui commence par vous attaquer depuis le fond de l’écran seront restés dans les mémoires et prouvent à quel point les graphistes commençaient à savoir tirer le meilleur de la console. La musique n’est pas en reste, en dépit de l’absence de Yuzo Koshiro, et dans l’ensemble la cartouche a extrêmement bien vieilli dès l’instant où l’on apprécie le pixel art et les sonorités propres à l’ère 16 bits. Cependant, l’apparition de surprenantes séquences à cheval ou même sur un improbable surf motorisé introduit également ce qui permet au titre de se montrer si vite addictif : la perfection de son rythme, l’accessibilité de sa courbe de progression et la variété nécessaire à ce que l’ennui n’ait jamais une chance de s’installer.
Tandis que les premiers niveaux défilent sans aucun temps mort, une réalisation se manifeste : celle que les séquences s’alignent sans jamais avoir le temps de devenir redondantes ou fastidieuses. On a à peine fait quelques écrans en forêt que nous voilà dans une grotte, puis au milieu des cascades, face à de nouveaux ennemis, lesquels nous entraînent à leur façon à faire face au boss.
La difficulté, moins relevée que celle de l’opus précédent, permet surtout de se familiariser en douceur avec la maniabilité de notre ninja avant de faire intervenir les vrais problèmes au fur et à mesure, et d’attendre d’être dans la deuxième moitié du jeu pour offrir les défis les plus longs et les plus conséquents – sans jamais oublier, pour autant, ces petites trouvailles comme ce niveau où il faudra faire disparaître des passerelles grâce à l’explosion des bombes parfois dissimulées dans les caisses à bonus où ces purs moments d’arcade comme ces chevauchées susmentionnées qui viennent ré-insuffler un peu de sang frais et d’adrénaline entre deux phases plus éprouvantes. Les options de configuration très complètes permettent une nouvelle fois de se faire une expérience sur mesure, et les amateurs de die-and-retry pourront encore se déchaîner à vaincre le jeu en mode très difficile et sans kunai tandis que les néophytes auront déjà de quoi s’occuper dans le mode le plus simple. C’est d’ailleurs là que le jeu met dans le mille : en n’étant jamais arbitrairement punitif juste pour justifier son prix d’achat ; c’est exactement le type de cartouche avec lequel tous les amateurs du genre, quelles que soient leurs exigences, peuvent facilement trouver leur Graal.
C’est d’ailleurs par cette formidable efficacité que le jeu parvient à supplanter un prédécesseur direct qui était pourtant déjà une école de game design et de level design à lui tout seul : ici, même l’inévitable stage labyrinthique est déjà moins frustrant (il suffit fondamentalement de toujours choisir la porte la plus difficile à atteindre) et l’aventure prend le soin de laisser au joueur toute la latitude pour maîtriser les techniques à son rythme avant de le lâcher dans des situations où elles s’avèrent indispensables.
C’est un titre plus fluide, plus nerveux, plus accessible – pas nécessairement meilleur d’un strict point de vue ludique, mais simplement plus accueillant. Même si le rythme retombe, sans doute à dessein, dans des derniers niveaux qui se veulent plus contraignants, la montée en puissance est parfaitement orchestrée et on a toujours envie de revenir à la charge pour se donner une chance d’aller encore un peu plus loin. On pourrait arguer qu’on aurait encore pu hériter de passages plus surprenants, comme celui sur le train ou à bord de l’avion dans The Revenge of Shinobi, mais c’est ici l’évidence du cheminement qui prédomine – celui qui fait qu’on passe, tout simplement, un excellent moment du début à la fin. En la matière, il est sans doute arrivé qu’on fasse mieux, mais cela n’a pas dû arriver souvent, et cela résume assez bien le niveau de qualité dont peut se prévaloir cette cartouche. À ranger parmi les indispensables de la ludothèque de la console, clairement.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 18/20
Shinobi III : Revenge of the Ninja Master est autant une suite à The Revenge of Shinobi qu'une forme de relecture, un patient étalage de toutes les avancées opérées en quatre ans en termes de rythme, de variété et d'accessibilité. La meilleure surprise reste cependant le fait que la cartouche atteigne son objectif en parvenant à faire au moins jeu égal, voire à supplanter, un des titres les plus marquants de toute la ludothèque de la Mega Drive : les séquences mémorables s'enchaînent sans temps mort, portées par une jouabilité parfaite et une réalisation irréprochable, avec une efficacité si insolente qu'on pardonnera jusqu'aux inévitables séquences de labyrinthe tant elles ont le mérite de faire durer encore un peu le plaisir. Une véritable leçon de game design et un titre-référence qui ne déçoit pas. La série à son sommet, tout simplement.CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un rythme qui retombe un peu sur la fin du jeu – Pourquoi faut-il toujours un niveau labyrinthique ?
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shinobi III sur un écran cathodique :
Version Arcade (Mega Play)
Développeur : Megasoft |
Éditeur : SEGA Amusements Europe Ltd. |
Date de sortie : Septembre 1993 (Europe) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Un joystick et trois boutons |
Version testée : Version européenne |
Hardware : Processeurs : Motorola MC68000 7,670453MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz (x2) Son : Haut-parleur (x2) ; SEGA 315-5313 Megadrive VDP 53,693175MHz ; SEGA VDP PSG 3,579545MHz ; YM2612 OPN2 7,670453MHz ; SEGA 315-5246 SMS2 VDP 10,738620MHz ; SEGA VDP PSG 3,579540MHz ; 2 canaux Vidéo : 1280×224 (H) 59,922742Hz |
Histoire d’assurer un peu la promotion d’une Mega Drive qui en avait de moins en moins besoin, surtout sur le vieux continent, on peut compter sur la traditionnelle offre Mega Play, qui n’allait certainement pas faire l’impasse sur une licence comme Shinobi. Pour l’occasion, la cartouche n’a pas été charcutée comme cela aura pu arriver à d’autres ; le jeu est globalement très proche de celui distribué en parallèle dans les magasins, au détail près qu’il n’y a plus de menu des options (la difficulté semble correspondre à celle du mode « Normal ») et que la borne tourne à la vitesse de la version NTSC plutôt qu’à celle de la version PAL – le jeu est donc un peu plus rapide. Pour le reste, on retrouve exactement ce qu’on espérait, et c’est tant mieux.
NOTE FINALE : 17,5/20
Amputée de ses quelques options de configuration (plus de choix de la difficulté ni du nombre de kunai), cette version de Shinobi III n’en reste pas moins une façon satisfaisante de découvrir la cartouche en échange de quelques crédits – même si, à une époque où le contenu de la cartouche en question est en vente à moins d’un euro, le plus simple reste de toute façon de continuer à jouer sur la version originale.