Interview : Olivier Scamps (2ème partie)

La rédaction de Player One vers 93-94 (merci à Olivier pour la photo)

RetroArchives : Abordons un peu le lancement de Player One en septembre 1990. Comment es-tu passé de « pigiste qui livrait deux-trois feuillets par mois à Tilt » à « membre fondateur » d’un nouveau journal quelques années plus tard ?

Olivier Scamps : En résumé, l’explosion des consoles a été très rapide, l’intérêt des lecteurs a été très rapide, et clairement sur Tilt, Jean-Michel Blottière s’est retrouvé sans personne pour couvrir les consoles alors qu’il y avait une grosse demande du lectorat. Donc tous les gens comme AHL, Hermellin et moi – les « petits jeunes », pour une bonne partie – se sont retrouvés avec une énorme demande de Tilt pour des piges consoles. On est encore au moment où les consoles 16 bits ne sont pas distribuées massivement, ce qui signifie qu’il y a une « prime » au journaliste qui a les réseaux parmi les importateurs pour pouvoir accéder aux jeux. Donc à celui qui peut se faire prêter un CD-ROM de la PC Engine ou une cartouche de la Megadrive pendant un week-end pour les tester avant qu’ils ne soient mis en vente.

Le premier numéro de Player One

À ce moment-là, je commence à écrire pas mal dans Tilt, et c’est là que se lance Player One – je l’apprends via une attachée de presse qui me dit ça lors d’un déjeuner. L’équipe de Player One, c’était en fait celle d’Amstrad 100% et d’Amstrad PC Mag, soit des gens que je ne connaissais vraiment pas (l’Amstrad, c’était une machine qui ne m’intéressait pas, donc je ne les lisais pas). Je les ai contactés avant la naissance du canard en leur disant que j’aurais bien aimé « piger » pour eux. Le courant est bien passé – beaucoup mieux, d’ailleurs, qu’à Tilt ; il y avait des gens que j’aimais bien, à Tilt, mais à l’époque, je trouvais que l’ambiance de la rédac était assez froide. Après, il y a aussi eu des problèmes en interne, où en gros j’ai réalisé que Jean-Michel Blottière utilisait les petits jeunes contre AHL – il nous poussait parce que c’était un moyen d’affaiblir l’influence d’AHL, qu’il jugeait trop importante. Pas exactement une chouette ambiance de boulot… À côté, je me souviens parfaitement bien de ma première arrivée à Player One, où je me retrouve dans une rédaction qui est hyper-bordélique, avec Pierre Valls (le rédac-chef d’Amstrad 100% et fondateur de Player One) qui avait une gueule de rockeur avec les cheveux longs, Crevette (Cyril Drevet) et son côté « ado pas grandi », qui était le co-créateur du magazine (rires)… J’ai écrit dès le numéro un, avec quand même une grosse désillusion : pour moi, les consoles 8 bits, ça ne représentait rien – j’étais venu aux consoles par les 16 bits, donc à mes yeux ça commençait avec la PC Engine. Et Pierre me dit « Oui, on va parler des consoles, mais on va parler des consoles qui se vendent vraiment ». Donc, ça voulait dire que 80% du canard allait être sur la Master System et sur la NES… La première fois de ma vie que j’ai touché une Master System, c’était pour faire un test dans Player One !

RA : J’imagine qu’à ton niveau, ça n’a dû correspondre qu’à quelques mois de « purgatoire », puisqu’à peu près au même moment que le lancement de Player One, la Megadrive était commercialisée en Europe (NDRA : la Megadrive aura connu son lancement européen au 30 novembre 1990)…

OS : Oui, ça a été très court : très vite les 16 bits on pris de la place tout simplement parce qu’on jouait tous dessus – mais Player One avait quand même un particularisme 8 bits et surtout Nintendo très très fort. C’était une vraie rédaction de gros joueurs qui allaient au fond des jeux et qui n’étaient pas forcément obnubilés par la technologie. On parle quand même d’une rédaction née dans un magazine Amstrad – l’Amstrad, en 1990, c’était pas une machine de jeu à la pointe ! Crevette et moi on venait de la presse micro, et ce qui nous faisait délirer, c’étaient vraiment les consoles récentes, mais tu avais beaucoup de gens dans la rédac qui adoraient jouer sur la NES. Ce qui s’est passé très vite aussi, c’est qu’on a viré les scories du passé : si tu regardes le premier Player One, il y avait quand même beaucoup d’Amstrad. Après, dès que la Megadrive a été dispo, tu as eu la Game Boy qui est arrivée, etc. Moi, j’étais clairement un joueur Megadrive et PC Engine, parce que c’était une expérience qui me convenait mieux, mais à la rédac, tout le monde était dingue de la Game Boy.

RA : Si tu devais retirer des anecdotes marquantes de ton passage à Player One, ce seraient lesquelles ? Comment est-ce que tu as ressenti ce changement d’ambiance entre Tilt et Player One, et celui qui s’opérait en parallèle dans le jeu vidéo ?

OS : À la naissance de Player One, le jeu vidéo était encore un tout petit truc, et en quelques années c’est devenu un phénomène massif, comme je te l’ai dit. On a vu une période de prospérité sans précédent – que ce soit SEGA ou Nintendo, ils marchaient sur l’eau ! Player One était vraiment une rédaction atypique : c’était le premier job de plein de gens. On s’est retrouvé dans une vie un peu communautaire, on vivait à la rédac. Au sein de l’équipe, tu avais ceux qui apportaient une culture rock, avec la BD, une sorte de groupe de grands frères un peu plus vieux ; et un noyau dur dont moi et Crevette faisions clairement partie, et qui était composé de purs joueurs consoles. Pour nous, c’était un taf de fou : on était très bien payés (les pigistes à l’époque gagnaient très bien leur vie, du moins dans la presse vidéoludique) pour jouer aux jeux vidéo avec nos potes (rires) ! Quand tu cherches le poste idéal pour débuter dans la vie, je crois que ça coche toutes les cases ! Donc on avait tous des apparts, mais on n’y passait que pour dormir.

Tu voulais une anecdote : il y en avait une que j’avais dû raconter dans le numéro 100 de Player One. Pendant longtemps (jusqu’en 92), j’étais encore étudiant, j’étais donc un peu moins impliqué dans la vie de la rédaction. J’écrivais beaucoup, mais j’avais une vie à l’extérieur. Je me souviens d’un soir où j’étais resté pour faire un papier (parce que j’étais à la bourre, comme nous tous…) et où je m’étais dit « je prends la nuit pour écrire ». J’arrive vers 20H, c’est le calme plat, j’écris bien, et puis à 22H/22H30, je commence à voir les lumières qui s’allument : c’était toute la rédac qui débarquait parce qu’ils étaient simplement partis manger… Et en gros, ça vivait toute la nuit : tu avais des allers-et-retours comme en plein jour, et ça jusqu’au petit matin. Après, tout le monde allait se pieuter et revenait vers midi pour le petit-déj et tout recommençait. Après, toutes les rédactions étaient un peu comme ça : une sorte de bordel organisé. Tu mets des jeunes adultes geeks dans une pièce, tu leur demandes de faire un canard sur leur passion, et tu structures ça comme tu peux.

RA : Si on devait aborder l’idée de « l’âge d’or », c’est à dire le moment où tu commences à te retrouver avec de la PC Engine, de la Megadrive, de la Super Nintendo, est-ce qu’il y a eu un moment où tu as senti que quelque chose était en train de changer, que ce soit au niveau de l’avenir de la presse vidéoludique ou de la production elle-même ?

OS : Franchement, non, moi je n’ai rien vu venir. On s’est juste laissés porter. Il faut comprendre quelque chose, c’est qu’on avait très peu d’infos en amont, à l’époque. Les japonais ne communiquaient pratiquement rien dans le domaine, et encore moins en Europe, qui était vraiment la troisième roue du carrosse derrière les États-Unis. Très souvent, les filiales françaises de Nintendo ou SEGA récupéraient des jeux dont elles n’avaient jamais entendu parler. À part quelques produits phares à la Sonic, globalement, on ne savait rien sur les jeux qui arrivaient. Sur PC Engine, je n’en parle même pas ! On lisait les canards japonais, c’était là qu’étaient les informations. On s’est retrouvés très vite avec beaucoup de jeux qui arrivaient et très peu d’anticipation.

Bomberman sur PC Engine

Tiens, en parlant d’anecdote, je me souviens de la première fois qu’on a reçu un Bomberman – on n’en avait jamais entendu parler ! On recevait de temps en temps un colis de Sodipeng, et c’était un peu Noël (on était beaucoup de fans de la PC Engine chez Player One). On déballait les jeux, on les mettait dans la console et on regardait ce que ça donnait. Ce qui s’est passé avec Bomberman (NDRA : également sorti sur les ordinateurs européens sous le nom de Dyna Blaster), c’est qu’on l’a mis et qu’on y a passé la nuit (rires) ! On s’aperçoit au matin qu’on a tous passé la nuit dessus et que le jeu, c’est de la bombe. Personne ne s’était imaginé à quoi on allait jouer : la moitié du temps, c’était la surprise totale. En plus, assez vite – on va dire vers la deuxième ou troisième année – les gros jeux arrivaient sous forme d’EPROM (NDRA : un format de stockage « brut » correspondant grosso modo au circuit imprimé à l’intérieur de la cartouche) : tu recevais une sorte de plaque avec des circuits mémoires, et tu n’avais aucune info dessus. Autre exemple : on a reçu Ecco the Dolphin. Moi, j’étais un des plus « SEGA » de la rédac – maintenant qu’il y a prescription, on peut le dire : Player One avait un biais Nintendo/PC Engine très marqué. On était quelques amateurs de SEGA dans la rédac mais ce n’était pas la majorité. SEGA avait la réputation en interne de faire des jeux tape-à-l’œil mais un peu creux (ce qui est à mon avis faux, surtout qu’eux importaient leurs jeux de stratégie et RPG, à la différence de Nintendo). Donc on me dit « tiens, voilà un jeu qui est très beau, mais c’est une simulation d’aquarium : y’a rien à faire dedans ». Je ne sais pas si tu te souviens, mais une des premières actions à accomplir dans le jeu, c’est qu’il faut sauter par-dessus une barrière de rochers…

RA : Je me rappelle avoir joué au jeu bien après sa sortie, et en avoir gardé un assez mauvais souvenir – pas à cause du côté « aquarium », mais tout simplement parce que c’était vraiment difficile.

Ecco the Dolphin et la fameuse barrière de rochers

OS : C’est moi qui avait fait le test, eh bien j’avais ramé parce que j’avais mis une journée à comprendre qu’il fallait sauter par-dessus la barrière pour avancer (rires) ! Ça demandait une certaine logique : moi je me disais « je vais juste aller m’échouer sur la grève, ça ne peut pas être par là ! » Mais bon, voilà : tu recevais des jeux, tu n’avais pas d’infos, tu n’avais pas de manuel, rien. Tout était comme ça : le test de Blues Brothers – je crois que c’était sur NES – je n’avais tout simplement pas vu qu’on pouvait jouer à deux ! Je n’ai jamais été un « gros » joueur – j’adorais jouer, mais je n’ai jamais été celui qui ponçait un jeu vingt heures par jour. Après, j’avais une fonction qui était vachement importante dans le canard : j’écrivais vite, j’écrivais pas mal, et je rendais les articles à l’heure. Et dans une rédac, tu ne peux pas te permettre d’avoir que des gens qui vont au fond des jeux et qui rendent leur papier avec dix jours de retard. Si je reviens à l’exemple d’Ecco : tu as un délai limité pour faire un test. Si tu rends un test au bout de quinze jours, ce n’est pas trop grave, mais si tous les tests sont rendus au bout de quinze jours… Donc il y a une alchimie, entre les jeux qui sont repérés comme étant importants et qui vont vraiment être testés à fond, et le « tout-venant » qui doit juste être rendu dans les temps.

The Blues Brothers sur NES

Aux débuts de Player One (c’est à dire à peu près vers 1991-92), il y avait des mois ou on écrivait les trois quarts du canard à deux, Cyril Drevet et moi. Mais on n’avait pas du tout la même fonction : Crevette testait moins de jeux, mais il allait vraiment au fond des choses, tandis que moi j’avais une régularité et j’étais capable de créer rapidement des papiers rigolos et sympas à lire. Cyril, il allait te faire un test de dingue de Super Mario, sauf qu’il le rendait quatre jours avant le bouclage, au moment ou maquettistes et SR étaient en train de pleurer des larmes de sang (rires). Les jeux arrivaient à flux tendu, même si les choses ont évolué avec le temps : la situation de 94 n’était pas celle de 90. Le marché européen, notamment pour SEGA, a commencé à prendre de l’importance, et beaucoup plus d’infos arrivaient des États-Unis : c’était en train de devenir nettement moins bordélique. Mais pour répondre à ta question de savoir si on avait senti le vent tourner : on n’était pas du tout dans ce feeling-là. On se laissait porter par la vague, sans nécessairement mesurer la chance qu’on avait.

RA : Quand vous avez vu apparaître ce qui allait devenir Jeuxvideo.com (et qui n’était alors que l’ETAJV, un site de trucs et astuces assez confidentiel) et les premiers avatars de la presse vidéoludique sur le web, est-ce que vous aviez une curiosité vis-à-vis de cela et du medium que représentait internet ou est-ce que vous étiez le nez dans votre guidon sans trop se soucier de ce qui se passait autour ?

OS : J’ai quitté Player One fin 95, où je suis passé chez Hachette pour m’occuper de Joystick/Joypad. Donc à l’époque où j’étais chez Player One, c’est clair : l’internet, c’était même pas un truc, ça n’existait pas pour nous. Il faut dire qu’il y avait le Minitel, sur lequel tout le monde crachait mais que les patrons faisaient tourner parce que c’était une source de revenus. Le souvenir que j’en ai, c’est qu’on avait un compte Compuserve – on n’avait même pas Netscape. Internet, on commençait à s’y intéresser comme source d’information mais ce n’était absolument pas un concurrent. Et même à l’époque Hachette, on était assez sensible à ça (il y avait un site joystick.fr), mais les Gamekult et les Jeuxvideo.com, ça n’a pas vraiment représenté une menace éditoriale ; les éditeurs étaient extrêmement conservateurs et ils ont privilégié pendant très longtemps le format papier. Les sites de jeu vidéo ont vraiment été reconnus très très tard : plutôt dans le début des années 2000. Donc ce n’est pas internet qui a tué Player One, clairement pas. Ce qui a tué Player One (NDRA : le dernier numéro du magazine aura paru en janvier 2000), c’est lié au marché du jeu vidéo : c’est que Sony a cannibalisé tout le marché après 1996, ne laissant que peu d’espace aux concurrents, donc aux titres généralistes consoles. J’y ai contribué indirectement puisque, quand je suis arrivé chez Hachette, j’ai été recruté en partie pour lancer PlayStation Magazine. Je ne l’ai pas lancé à proprement parler (la licence a été signée avant que j’arrive, et un numéro hors-série était sorti, qui était vraiment « old school »), mais ce qu’on a fait à mon arrivée, c’est qu’on a appliqué les recettes du PlayStation Magazine anglais, c’est à dire qu’on a demandé à lancer le magazine avec un CD de démos. Et ça a bouffé le marché ! Ça a cartonné – mais vraiment cartonné – et on s’est retrouvés du coup chez Hachette avec trois magazines : Joystick qui était à part et qui vivait un peu sa vie, Joypad, qui vivotait tant bien que mal (tu n’imagines pas le nombre de fois ou je me suis battu pour sauver sa tête auprès des « power that be » du groupe !) et PlayStation Magazine qui a bouffé toute la presse console. Pour te donner une idée, les meilleures ventes de PlayStation Magazine, c’est monté au-dessus de 200.000 exemplaires – de mémoire, le numéro record a dû monter à 222.000. À titre de comparaison, quand Player One cartonnait, le numéro où on était passé devant Consoles+ en kiosque, on avait vendu un peu plus de 50.000 exemplaires ! Ça veut dire qu’à la grande époque 16 bits, avec 50.000 exemplaires, tu étais leader.

Le numéro 38 de PlayStation Magazine, record historique de ventes

RA : C’est quand même fascinant de voir l’impact qu’a eu ce fameux CD de démos vendu avec le magazine, parce que l’idée n’était pas exactement nouvelle : dès la période Tilt, donc plusieurs années plus tôt, tu avais déjà régulièrement une disquette de démos, puis plus tard un CD-ROM avec Génération 4 ou Joystick.

OS : Ah, je n’ai rien inventé, mais le fait d’avoir un CD de démos sur une console, c’était nouveau. Ce que j’ai fait en arrivant à Hachette, c’est que je leur ai vendu l’idée d’avoir le cran de le faire. L’investissement était énorme. Un CD de démos sur un magazine, à produire ça coutait moins d’un euro – de mémoire, cinquante centimes. Un CD pour Sony, c’était plus cher, au moins 1,50€. Donc aller dire à un éditeur « Tu vas tirer à 50.000 exemplaires et dessus tu vas coller un produit à plus d’un euro »… Il se trouve que ça a été un carton dès le numéro un, un truc incroyable. Pour te donner une idée, en presse, en règle générale, tu règles à peu près 50% d’invendus : tu sais que pour deux exemplaires imprimés tu vas en vendre un seul. Sur le PlayStation Magazine, pour équilibrer les comptes, il fallait avoir des taux d’invendus beaucoup plus bas que 50%. Le premier numéro qu’on a fait, on est arrivés à un truc de malades, avec 3% d’invendus ! En théorie, ce chiffre est impossible… Tout ce qu’on a mis sur le marché a été vendu, et c’était au point où les kiosquiers appelaient directement la rédaction pour prendre nos exemplaires (rires) ! Mais il a fallu convaincre un financier qu’il y avait un modèle économique viable avec ça. C’est d’ailleurs pour ça que je suis parti chez Hachette : une boîte comme MSE (NDRA : l’éditeur de Player One) ne pouvait pas financer un truc pareil. Et donc de 1995 à 2000 on a vu une expansion délirante du marché du jeu vidéo – du jamais-vu, encore beaucoup plus importante que pour la génération 16 bits – avec une démographie plus large (les jeunes rejoignaient les ados et les adultes qui continuaient à jouer), des coûts de production qui étaient beaucoup plus bas parce qu’un CD coûtait nettement moins cher qu’une cartouche, et puis le jeu vidéo était à la mode. On a réussi à faire plonger dans PlayStation Magazine des annonceurs qui étaient hors du jeu vidéo, comme L’Oréal. mais les magazines plus généralistes – et Joypad le premier – avaient vachement plus de mal à exister : le marché était essentiellement PlayStation.

RA : Revenons un peu à ton parcours et sur ce qui t’a amené à passer de Player One au groupe Hachette…

OS : Pour reprendre les choses dans l’ordre : j’ai beaucoup écrit à Player One jusqu’à 92/93, où je suis passé rédacteur en chef adjoint, puis rédacteur en chef. En 95, pendant que je suis rédacteur en chef, on fait un certain nombre de choix éditoriaux, et le canard passe de la troisième place en termes de vente (derrière Consoles+, qui était vraiment le leader incontesté, et Joypad) à second, talonnant le leader. J’avais décidé de partir sur le manga, avec pas mal de couv’ Neo Geo… bref, on est vraiment partis sur les ados pour être vendeurs. Le marché avait changé : les gamins de 1990 avaient vieilli, et ce qu’ils voulaient, c’était de la baston, des mangas, des nymphettes avec des formes avantageuses (désolé) ; probablement un peu moins de Mario, un peu moins de Sonic et un peu moins de Disney. Consoles+ ronronnait un peu à l’époque : le rédac-chef était AHL, et il était sur une routine « on fait une couverture Mario/ on fait une couverture Sonic/ on fait une couverture Dragon Ball Z« . Nous on s’est donc dirigé plus vers le manga – ce qui était logique, au fond, tant c’était l’ADN de la boîte : Player One avait soutenu Akira dès le début et Pierre, le créateur de Player One, fait partie des gens qui ont popularisé le manga en France. A l’époque, il avait même avait monté Manga Player. Bref, Player One devient l’outsider qui monte, qui passe devant Joypad et qui commence à botter le cul de Consoles+ – on a même eu un ou deux mois où on est passé devant Consoles+ en kiosques.

Le virage manga opéré par Player One en 1995

À ce moment-là, Hachette a besoin de quelqu’un pour remplacer Marc Andersen (le fondateur de Joystick/Joypad, Mega Force et Super Power) qui ne s’est pas entendu avec eux après leur rachat de Joystick/Joypad et a préféré partir. Donc Hachette se retrouve fin 95 avec deux magazines sur les bras qu’ils ne savent pas trop comment traiter, plus la licence PlayStation qui avait été négociée par Marc. Ils viennent donc me chercher alors que je commençais justement à me sentir un peu à l’étroit chez Player One – j’adorais la rédac, c’était vraiment ma famille, mais si je voulais faire des projets plus ambitieux, MSE ne pouvait pas le faire ; financièrement, ce n’était pas possible. Alors je suis passé chez Hachette où je me retrouve directeur de rédaction (en gros, le patron au-dessus des rédacteurs en chef) pour Joystick, Joypad et PlayStation Magazine. Je suis donc entre les financiers d’Hachette et les rédactions. Et tu connais la suite : PlayStation Magazine a complètement phagocyté le marché des généralistes – ce qui, en même temps, était logique : 80% des joueurs étaient sur PlayStation, avec un petit réduit de fans de Nintendo/SEGA. Et tout le monde achetait le magazine, qu’ils l’aiment ou pas, juste pour le CD de démos.

À suivre : L’après-Playstation Magazine et l’éphémère expérience Gaming