
Développeur : SNK Corporation
Éditeur : SNK Corporation
Titres alternatifs : ザ・スーパースパイ (graphie japonaise), ACA NEOGEO THE SUPER SPY (collection Arcade Archives)
Testé sur : Neo Geo (MVS/AES) – Neo Geo CD
Disponible sur : Antstream, PlayStation 4, Switch, Wii, Windows, Windows Apps, Xbox One, Xbox Series X/S
En vente sur : GOG.com (Windows), Google Play (Android), Nintendo eShop (Switch), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series)
Version Neo Geo (MVS/AES)
Date de sortie : 8 octobre 1990 (MVS) – 1er juillet 1991 (AES) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et quatre boutons (trois en usage) |
Version testée : Version internationale |
Hardware : Neo Geo MVS/AES Processeurs : Motorola MC68000 12MHz, Zilog Z80 4MHz Son : 2 hauts-parleurs – YM2610 OPNB 8MHz – 2 canaux Vidéo : 320 x 224 (H) 59,185606 Hz Carte mémoire supportée Cartouche de 55MB |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il existe des genres vidéoludiques si fermement définis dans leur gameplay, leur univers et leurs mécanismes que toute forme d’innovation y est devenue difficilement concevable – ce qui aura fini, avec le temps, soit par causer leur déclin, soit par leur valoir le qualificatif de genre dit « de niche » réservé à un public doté d’attentes extrêmement spécifiques en la matière.

Le beat-them-all est d’ailleurs un assez bon exemple : on peut constater qu’à peu près tout ce qui définit le genre tel qu’on en est venu à le connaître à son âge d’or (c’est à dire à la transition entre la fin des années 80 et le début des années 90) – les rues américaines mal famées, les vigilantes par équipe de deux, le mobilier urbain à casser pour dégotter bonus et armes qu’il est ensuite possible d’utiliser contre les adversaires, les boss de fin de niveau, les coups spéciaux… – était déjà fermement en place à partir de Final Fight et n’a pratiquement plus bougé depuis lors. Pourquoi, après tout, changer une formule qui marche – sauf à changer ponctuellement l’univers pour changer un peu sans toucher à rien d’autre, comme Konami en aura fait sa spécialité à l’époque ? Parfois, pourtant, on se surprend à penser que le beat-them-all aurait pu connaître sa révolution, ou à défaut connaître des embranchements vers ses sous-genres pérennes, si seulement certains jeux s’étaient fait un peu mieux connaître en ayant eu un peu plus de succès. Cas d’école aujourd’hui avec The Super Spy, cette borne d’arcade dont le simple concept fait encore lever un sourcil interrogateur quand on l’évoque aujourd’hui, trente-cinq ans après sa sortie : Imaginez un beat-them-all classique… mais à la première personne. Mieux : imaginez-le en 1990, soit deux ans avant un certain Wolfenstein 3D. Comme quoi, quel que soient les reproches qu’on ait pu faire à SNK en la matière, ils en avaient aussi, parfois, des idées !

The Super Spy, comme son nom l’indique, place donc le joueur dans la peau d’un « super espion » – comprendre : pas exactement un pro de l’infiltration à la Sam Fisher ou à la Solid Snake, mais plutôt un disciple de l’école du gros bourrin qui défonce tout le monde parce que s’il n’y a pas de survivant, au moins, on est sûr que personne ne vous a vu.

Envoyé traquer un groupe terroriste aux motivations d’autant plus floues qu’elles ne sont jamais exposées nulle part (c’est ça qui est bien avec le mot « terrorisme », on peut littéralement placer n’importe quoi derrière sans que ça ne semble jamais justifier une définition), notre héros va donc devoir parcourir des couloirs pendant l’essentiel de la partie pour secourir des civils, glaner des informations et des armes, et bien évidemment trouver les responsables et leurs hommes de main pour leur défoncer la gu les initier à la modération via un débat d’idées courtois et de bonne tenue. Enfin bon, vous voyez l’idée : vous savez pertinemment pourquoi on glissait de l’argent dans une borne d’arcade. Le gameplay, on s’en doute, va donc être relativement simple : un bouton pour les poings, un pour les pieds, et un dernier pour choisir son arme qui peut être un couteau (qui s’émousse hélas très vite), un pistolet, voire un uzi qui fait généralement très vite le ménage sans même avoir à s’embarrasser à viser. Les combats au corps-à-corps offrent d’ailleurs davantage de possibilités qu’on pouvait le craindre : il est possible de se baisser, et les adversaires ne pouvant vous toucher que lorsque vous êtes précisément en face d’eux (la réciproque étant également vraie, on s’en doute), il est tout à fait possible d’esquiver de nombreux coup d’un simple pas de côté. Évidemment, il n’y a ni coups spéciaux, ni projections, ni choppes, mais on va dire que pour un jeu à la première personne, l’essentiel est là.









Ceci dit, SNK aura au moins cerné que l’intérêt de la vue subjective ne se limitait pas forcément à distribuer des gnons en voyant les résultats de plus près (même si c’est déjà étrangement satisfaisant), c’est pourquoi notre héros a également une carte maitresse dans sa manche : c’est l’espion le plus mal préparé de l’histoire.

Passons rapidement sur l’idée géniale d’infiltrer un bâtiment rempli à ras-bord de centaines de terroristes en entrant par la porte de devant, avec un unique chargeur de douze balles dans son pistolet en un couteau conçu dans un alliage rare qui l’amène à cesser de couper au bout de trois utilisations, pour constater que le super bourrin n’a pas non plus eu l’idée de potasser les plans de building avant d’entrer et qu’il va donc vous revenir de vous déplacer à l’aveugle en essayant toutes les portes pour avoir une petite chance de trouver vos cibles – quitte, parfois, à trouver un fragment de carte vous dévoilant le chemin le plus rapide vers le prochain ascenseur. Car j’ai oublié de vous dire : le jeu ne se déroule visiblement pas dans un univers où les ascenseurs desservent tous les étages : chacun d’entre eux ne va que jusqu’à l’étage suivant, et dans un de ces traits de génie propres aux architectes inspirés, le prochain ascenseur sera ensuite à aller chercher à l’exact opposé de l’emplacement du précédent ! Cherchez pas, c’est du game design… Le bon côté, c’est que cela permet d’intégrer un aspect « exploration » d’autant plus immersif que les effets de zoom en 2D son assez bien rendus et que les plans des divers niveaux ont le bon goût de ne pas être inutilement tentaculaires. Et le mauvais côté ? Eh bien, à vrai dire, c’est un peu tout le reste.

Comprenons-nous bien : sous sa forme assumée de beat-them-all en vue subjective, avec ses immenses sprites très expressifs et son système de jeu qui sort un peu de l’ordinaire – allant même jusqu’à intégrer un aspect jeu de rôle, vos caractéristiques grimpant tandis que l’expérience accumulée en terrassant les ennemis grimpe –, The Super Spy est un jeu parfaitement efficace… oh, allez, pour une vingtaine de minutes, dans le meilleur des cas.

Le petit problème, c’est que le jeu étire son aventure sur plus d’une heure, soit soixante très longues minutes au cours desquelles tout ce qui s’offrira à vous sera les color-swaps des même quatre ou cinq adversaires que vous laminerez par centaines et la répétition jusqu’à la nausée des mêmes couloirs gris-marrons desquels vous ne sortirez absolument jamais pendant toute la durée de l’expérience. Les extérieurs ? Connais pas ! Le jeu a délivré littéralement tout ce qu’il avait à offrir au bout de quarante secondes, et au bout de la trentième porte derrière laquelle on trouve un trentième civil en train de nous sortir des infos sans intérêt délivrée dans un anglais abominable et parfois à peine compréhensible (c’était si difficile que ça de trouver quelqu’un sachant parler anglais au Japon en 1990 ?), ce qui était un franc amusement commence très rapidement à se dégrader en un ennui poli, puis en une corvée si fastidieuse qu’on en est pratiquement réduit à se faire violence pour s’accrocher jusqu’au terme d’un jeu au minimum trois fois trop long pour son propre bien.






C’est d’autant plus frustrant que le potentiel, réel, se fait parfaitement sentir lors des premières minutes, mais personne à SNK n’a visiblement jugé nécessaire de se pencher sur des notions comme la variété ou le rythme – à se demander s’ils jouaient à leurs propres jeux plus de cinq minutes. Au-delà des limites d’un gameplay qui manque atrocement de profondeur, le travers le plus évident est un manque de contenu : avec davantage d’armes, de munitions disponibles, de bonus, de décors, d’ennemis, des combats de boss un peu mieux pensés (ils se battent exactement comme les péons de base sans l’ombre d’une technique spéciale ou d’un pattern), on aurait pu obtenir une expérience agréable pendant beaucoup plus longtemps.

Malheureusement, et comme l’aura démontré la sortie d’un Crossed Swords souffrant exactement des mêmes défauts quelques mois plus tard (et ce alors qu’il n’était même pas développé par le même studio !), la réflexion quant au game design n’aura visiblement pas dépassé la question du changement de point de vue, et le monde entier est unanime : en dépit de ses qualités, The Super Spy est un titre qui finit par perdre tout intérêt bien avant le terme de sa première partie. C’est littéralement une expérience pensée pour être satisfaisante le temps d’un ou deux crédits – ce qu’elle parvient à être, en un sens, mais alors pourquoi avoir délayé le concept jusqu’à l’ennui total plutôt que d’avoir employé les 55MB de la cartouche à offrir vingt minutes de contenu vraiment prenant ? Une mauvaise décision qui n’interdit certes pas de lancer le jeu avec curiosité aujourd’hui, et de passer un bon moment… mais court. C’est là toute la limite de la philosophie Neo Geo à ses débuts : en tant que borne d’arcade, The Super Spy fait le travail – pas longtemps, mais il le fait. Mais en tant que cartouche vendue trois à cinq fois le prix d’une cartouche ordinaire, l’investissement devait être plus douloureux encore que les coups de tatane distribué par votre super espion.







Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 12/20
Un beat-them-all à la première personne ? En 1990 ? L'idée est aussi originale qu'elle est rafraichissante, et elle est plus finement mise en application qu'on aurait pu le craindre, grâce à l'inclusion d'un aspect « exploration » bien vu et même de mécanismes de jeu de rôle inattendus. Malheureusement, même les meilleures idées du monde ne survivent pas éternellement à la répétitivité et à un manque alarmant de profondeur, et le fait est que The Super Spy a achevé d'épuiser son potentiel ludique longtemps, très longtemps avant d'arriver au terme d'une aventure qui délaye son gameplay jusqu'à le noyer dans des combats redondants contre des adversaires redondants se déroulant dans des couloirs redondants. C'est d'autant plus frustrant qu'avec un game design un peu plus soigné – et beaucoup plus de contenu –, on sent immédiatement que le titre avait un réel potentiel pour présenter quelque chose d'unique. Malheureusement, frappé par la malédiction de la borne d'arcade, il s'avèrera divertissant à peine un petit quart d'heure avant d'avoir une furieuse envie de retourner jouer à Streets of Rage II. Dommage.CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un côté « jeu de rôle » hélas totalement sous-exploité...
– ...tout comme l'aspect « exploration », qui devient rapidement plus fastidieux qu'autre chose
– Un manque consternant de variété dans l'action, l'opposition et les décors
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler The Super Spy sur une borne d’arcade :

Version Neo Geo CD
Développeur : SNK Corporation |
Éditeur : SNK Corporation |
Date de sortie : 9 septembre 1994 (international) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : CD-ROM |
Contrôleurs : Joypad, joystick |
Version testée : Version américaine |
Spécificités techniques : – |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Dès l’instant où l’on comprend le concept de la Neo Geo CD, on sait très exactement à quoi s’attendre pour un portage sur la fameuse console qui n’aura jamais bénéficié de la même aura que sa grande sœur à cartouche. The Super Spy est, sans surprise, une pure transcription de la version AES du jeu, ce qui signifie qu’il n’y a toujours aucun menu des options ni aucun réglage à un quelconque niveau : c’est littéralement la borne à sa difficulté par défaut et avec les continues infinis, point barre. Rien pour espérer transcender une expérience qui se révèle donc toujours aussi limitée passé le premier quart d’heure.

NOTE FINALE : 12/20
Dans la catégorie « version AES gravée à l’identique sur un CD-ROM », je demande The Super Spy, le beat-them-all qui a peu de chance de vous donner envie d’acheter une Neo Geo CD.