The Bard’s Tale III : Thief of Fate

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titres alternatifs : Bard’s Tale III : The Thief of Fate (écran-titre – Apple II, Commodore 64), Bard’s Tale 3 (titre usuel)
Testé sur : Apple IICommodore 64PC (DOS)AmigaPC-98
Disponible au sein des compilations : The Bard’s Tale Trilogy (1989 – PC (DOS)), The Bard’s Tale Trilogy (2018 – Macintosh, Windows)
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows), Steam.com (Macintosh, Windows)

La saga Bard’s Tale (jusqu’à 2000) :

  1. La Geste du Barde : The Bard’s Tale (1985)
  2. The Bard’s Tale II : The Destiny Knight (1986)
  3. The Bard’s Tale III : Thief of Fate (1988)
  4. The Bard’s Tale Construction Set (1991)

Version Apple II

Date de sortie : Mars 1988 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : Apple II+ – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Faut-il savoir suivre le sens du vent ?

Les années 80 auront représenté un véritable âge d’or à l’échelle du jeu de rôle, une période charnière où se seront bousculées les licences fondatrices encore régulièrement citées aujourd’hui comme des inspirations majeures : Ultima, Sorcellerie, Dungeon Master… sans oublier The Bard’s Tale, une saga célébrée qui filait bon train après son tabac initial (et mérité) de 1985. En fait, alors que celle-ci s’apprêtait à célébrer en 1988 son troisième épisode en trois ans, on l’imaginait déjà devenir une énième série à rallonge s’appuyant sur des mécanismes éprouvés, sans forcément réaliser que la trilogie initiale était appelée à en rester une pour trente longues années avec un quatrième opus qui ne verrait le jour qu’en 2018 (!), porté par la nostalgie d’une base de fans dévouée.

Pourtant, le développement d’un Bard’s Tale IV avait bel et bien été lancé dès 1988 mais, comme un symbole, celui-ci aura finalement changé de nom (et de système de jeu) pour devenir Dragon Wars. L’indice d’un besoin de renouvellement face à l’irruption de challengers de taille, par exemple les « gold boxes » menées par Pool of Radiance ? Signe des temps : dès 1988, justement, on pouvait lire un point de vue d’Eric Cabéria dans le magazine Tilt, se lamentant « [d’]une certaine fainéantise des développeurs qui après avoir fait un coup de maître se contentent de ressortir leur logiciel à intervalles réguliers en y adjoignant un numéro d’ordre (sensé évoquer la nouveauté) », et ce « alors que le marché du logiciel, lui, évolue avec des produits prodigieux tels que Dungeon Master (NdRA : Encore lui…) ». Et de pousser ce mini-coup-de-gueule lors du test, pourtant dithyrambique… de la version Amiga de The Bard’s Tale II. Quelques mois plus tôt, un certain The Bard’s Tale III : Thief of Fate avait déjà commencé à débarquer dans les étals. Avait-il réussi à injecter un peu de nouveauté dans une formule désormais presque trop bien rodée ?

À l’instar de Palpatine, Tarjan a trouvé le moyen de revenir, d’une manière ou d’une autre. Le dieu fou que votre équipe avait pourtant affronté et vaincu dans le château du baron Harkyn lors du premier épisode a carrément rasé la ville de Skara Brae, visiblement très en colère de n’avoir même pas été le grand méchant de cet opus inaugural.

Pour espérer le vaincre à nouveau, et tant qu’à faire pour de bon, il ne suffira pas de visiter les ruines de la ville, ni même d’explorer la région : cette fois, il faudra carrément parcourir le temps et l’espace pour visiter huit dimensions différentes, en quête d’objets et de combattants capable de renverser Tarjan. Un combat terrible, même pour les héros des deux premiers épisodes… que vous pourrez d’ailleurs importer, comme toujours, afin de vous éviter une laborieuse phase de grinding d’une bonne quinzaine d’heures afin de mettre votre groupe à niveau, car The Bard’s Tale III est pensé pour des aventuriers puissants, très puissants. Et cette fois, pas question de faire l’impasse sur le « donjon du débutant », pleinement intégré à une histoire devenue nettement plus linéaire, mais aussi mieux structurée : car votre récompense sera justement la possibilité de voyager d’une dimension à l’autre via une des deux nouvelles classes du jeu : le très puissant chronomancien.

Vous débutez donc l’aventure dans la campagne autour de Skara Brae, ou plutôt de ce qu’il en reste. Plus de guilde des aventuriers ici : votre périple commencera dans un camp de réfugiés situé à proximité d’une taverne, et le seul service disponible – le temple – sera à dénicher dans les environs. Pas de boutiques en vue (logique : tous les commerçants n’ayant pas pris la fuite sont morts), vos combattants commenceront donc tout équipés même si vous en créez de nouveaux, et un entrepôt sera disponible à l’entrée de la ville pour stocker ce que vous souhaiterez éventuellement vendre lorsque vous pourrez rejoindre une cité intacte dans une autre réalité.

Il faudra une nouvelle fois débusquer le comité d’examen (Review Board) désormais réduit à un unique membre, lequel vous confiera successivement toutes vos quêtes en vous décrivant à chaque fois les objectifs et en vous donnant les moyens de les atteindre. C’est lui qui propulsera directement tous vos magiciens au rang d’archimage à la conclusion du premier donjon (s’ils n’en sont pas déjà), et lui qui vous offrira l’opportunité d’en dépouiller un de la totalité de ses connaissances (mais pas de ses caractéristiques) pour en faire un chronomancien, donc, lanceur de sorts suffisamment puissant pour faire passer l’archimage pour un simple prestidigitateur en comparaison. Dans la deuxième moitié de l’aventure, ce sera la classe de géomancien qui sera disponible, encore plus puissante, et cette fois accessible à vos classes de corps-à-corps – à condition de renoncer à leurs spécificités, car on n’a rien sans rien. Des nouveautés bienvenues qui permettent au moins de corriger une des limites de The Bard’s Tale II en offrant enfin un timide axe de progression à un groupe déjà potentiellement (pratiquement) au sommet de sa puissance dès le début de la partie.

Histoire de mettre en valeur l’exploration qui est plus que jamais l’un des axes principaux du titre, cet épisode prend le parti d’y adjoindre un aspect « aventure » bien plus développé que dans ses prédécesseurs. Comprendre par là qu’il faudra souvent accomplir des actions précises pour espérer avancer, lesquelles apparaîtront souvent comme à peu près inaccessibles aux joueurs n’ayant pas pris le temps d’amasser les rares indices sibyllins éparpillés dans chaque dimension, lesquelles sont souvent composées d’une ville, d’une région peu étendue et de plusieurs donjons.

Par exemple, pour arriver au sommet de la tour de Valarian, dans le monde d’Arboria, vous aurez besoin d’avoir ramassé des glands au sol et de les avoir fait pousser grâce à une eau sacrée dénichée, elle, dans un palais de cristal situé sous les eaux d’un lac (lequel vous aura demandé, au passage, de trouver un moyen de respirer sous l’eau pour éviter de perdre des points de vie à chaque déplacement). L’ennui étant que le programme ne vous ayant jamais proposé de collecter le précieux liquide, il faudra avoir eu l’idée d’utiliser une des gourdes destinées à ce que votre barde puisse se rincer le gosier sans retourner en ville (autre nouveauté du jeu) pour en prendre – ce genre d’énigme, l’aventure en connait des dizaines, et pour les résoudre, mieux vaudra prendre le temps d’explorer la moindre case du moindre donjon en notant scrupuleusement chaque message – une tâche de longue haleine.

La bonne nouvelle, c’est que cet épisode aura décidé de revoir un peu l’équilibrage de sa difficulté. La progression est peut-être toujours loin d’être une balade de santé, mais il ne faudra plus composer ici avec les « Death Snare » du précédent épisode ni avec ces accumulations de pièges absurdes visant à rendre certains donjons proprement impossibles à cartographier.

Signe d’une volonté de mettre un peu d’eau dans le vin de votre barde : une carte automatique a désormais fait son apparition. Celle-ci se limite souvent à vous dévoiler le chemin que vous avez déjà parcouru – ce qui aura le mérite de ne plus vous demander de lancer des sorts de localisation à répétition pour dessiner vos plans – mais vous donne également parfois la carte complète d’un niveau, sans pour autant vous dévoiler l’emplacement des pièges… du moins, jusqu’à ce que vous puissiez commencer à employer certains des sortilèges du géomancien, qui pourra alors carrément vous donner la position de tous les pièges, téléporteurs et autres passages secrets d’un étage ! De quoi progresser un peu plus vite dans un jeu où il y a toujours énormément de terrain à couvrir et à cartographier… et toujours autant de monstres à combattre.

Problème : comment garder les combats pertinents dans un jeu où votre groupe est pensé pour atteindre rapidement – si ce n’est dès le début du jeu – une puissance délirante ? À cette question, The Bard’s Tale III aura hélas quelque peu échoué à trouver la bonne réponse, et les affrontements du jeu seront globalement à diviser en deux catégories : les rencontres insignifiantes contre des adversaires vite balayés quelle que soit leur puissance ou leur nombre et qui ne serviront à peu près qu’à vous faire perdre du temps et des points de magie (90% des combats), et celles contre les ennemis les plus problématiques du jeu : les lanceurs de sorts.

Non seulement ceux-ci sont en règle générale très difficile à approcher, vous bombardant d’attaques tandis que vous cherchez à arriver à portée de combat au corps-à-corps (quand ils ne vous repoussent pas quarante mètres en arrière !), mais surtout, comment croyez-vous que le programme a imaginé une parade face à l’extraordinaire puissance de vos propres magiciens ? De la pire des façons : en dotant les ennemis d’une capacité à résister à la magie – ce qu’ils font très bien, et en annihilant la totalité des dégâts qu’ils auraient dû recevoir. Conséquence : les combats les plus difficiles du jeu… se limitent à prier pour que vos sortilèges atteignent leur but pendant que les sorts adverses n’atteindront pas le leur, et que votre voleur caché dans l’ombre progresse par incréments de dix mètres pour aller placer un coup critique. Autant le dire : c’est aussi rébarbatif que frustrant.

C’est d’autant plus dommage que, dans son scénario et son déroulement, le jeu est plus efficace et se tient mieux que son prédécesseur. L’exploration est vraiment intéressante, et on est toujours heureux de découvrir une nouvelle dimension et ses enjeux, avec ses petits micmacs temporels ici représentés par le personnage d’Hawkslayer, ses énigmes et ses monstres. On peut même affronter des robots ou des soldats nazis ! Certes, tout le monde ne sera pas forcément ravi de composer avec une progression parfois opaque, mais à l’ère d’internet et de toutes ses réponses à portée de main, on n’est bloqué que parce qu’on le veut bien. L’épopée se laisse donc vraiment suivre avec un plaisir certain… quelque peu écorné par ces combats à répétition qui finissent par devenir assommants sans rien apporter, faute de mécanismes obligeant à réellement réfléchir à la façon de les approcher.

C’est la plus grosse limite d’un titre qui aurait largement pu s’avérer supérieur à l’excellent premier épisode… si seulement il avait été pensé dès le départ pour un nouveau groupe, plutôt que de s’obstiner à nous faire cheminer avec des personnages qui n’ont plus aucune marge de progression depuis au moins deux jeux. On tient d’ailleurs là à un errement qu’on aura déjà eu l’occasion d’évoquer avec les logiciels adaptés de Donjons & Dragons : il y a un moment où la montée en puissance, axe primordial du jeu de rôle, n’a tout simplement plus aucun intérêt, et nous faire incarner des personnages qui sont déjà au sommet de leur art est à peu près aussi idiot que de faire débuter l’aventure dix minutes après avoir tué le grand méchant. Dès lors, si les fans d’exploration trouveront matière à remplir des carnets entiers de plans détaillés, les joueurs peu friands des jeux de rôle « à l’ancienne » souffleront et pesteront à force d’enchaîner des combats qui vont de la simple gêne à la pure corvée. Un vrai bon programme avec ses morceaux de bravoure, mais qui souffre réellement, pour le coup, de ce « III » dans son titre. On comprend donc un peu mieux que la saga soit restée une simple trilogie pendant si longtemps : il était peut-être simplement temps de dire au revoir à nos héros d’autrefois et de passer la main…

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Pour un troisième épisode particulièrement ambitieux, The Bard's Tale III : Thief of Fate s'efforce de corriger une partie des faiblesses du précédent volet en offrant une aventure certes beaucoup plus linéaire mais également plus prenante et mieux équilibrée et en réinjectant un peu de nouveauté dans le système de jeu via les deux nouvelles classes de magicien. Le résultat montre encore quelques errements, notamment lorsqu'il tente d'offrir des ennemis aptes à résister à votre groupe hyper-puissant – sans parler de la longue phase de grinding à laquelle n'échapperont pas les joueurs démarrant une nouvelle équipe –, mais il fonctionne dans l'ensemble un peu mieux. Avec un aspect « aventure » mieux intégré et une composante « exploration » mieux recentrée, sans oublier des donjons nettement moins ridiculement punitifs, le titre souffre encore de la surabondance d'affrontements devenus soit viscéralement frustrants, soit profondément sans intérêt, mais les huit dimensions à visiter offrent suffisamment de renouvellement pour que ceux qui acceptent de composer avec des mécanismes quelques peu datés puissent espérer mener l'épopée à son terme. Un bon épisode de conclusion.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une bonne vingtaine d'heures de grinding à prévoir dans le premier donjon pour les nouveaux groupes
– De très nombreux combats qui n'offrent souvent que peu de résistance à votre groupe surpuissant...
– ...ou bien qui en offrent trop et pour de mauvaises raisons
– Un aspect « aventure » souvent opaque...
– ...et qui ne trouve sa résolution qu'en explorant chaque case de chaque donjon du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Bard’s Tale III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« En guise de conclusion, disons que Bard’s Tale III ne déçoit pas, c’est même exactement le contraire. Les différentes améliorations apportées au jeu et la qualité du scénario font de ce logiciel l’un des meilleurs de ce printemps 1988 avec Ultima V. »

Dany Boolauck, Tilt n°55, juin 1988, 17/20

Version Commodore 64

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour cet épisode, le Commodore 64 hérite d’une retranscription assez fidèle de la version proposée sur Apple II – on pourrait presque dire « trop » tant la réalisation graphique est décevante, avec rarement plus de quatre couleurs à l’écran et absolument aucun effort pour tenter de tirer parti de la palette de la machine, qui était pourtant capable d’afficher de très jolies choses.

L’aspect sonore se limite une nouvelle fois aux morceaux joués par votre barde, même si le bon côté est que ceux-ci ne souffrent plus d’une interruption à chaque déplacement comme sur la machine d’Apple. Niveau jouabilité, le seul grief est qu’on soit condamné à se déplacer avec les touches I, J, K et L, le joystick étant visiblement voué à prendre la poussière. Pour tout le reste, on se retrouve avec une expérience de jeu très semblable à celle de l’Apple II, avec des chargements pas trop envahissants mais des changements de disquette plus nombreux, la faute à l’alternance entre les deux faces. Rien de rédhibitoire, cependant, et les joueurs décidés à découvrir le troisième épisode de la saga sur la machine de Commodore ne devraient pas avoir à s’en mordre les doigts.

NOTE FINALE : 15/20

Porté sur Commodore 64, Bard’s Tale III n’y offre qu’une retranscription assez paresseuse et techniquement pas très impressionnante de la version originale sur Apple II. En dépit des quelques lourdeurs due principalement au hardware, l’expérience de jeu devrait toujours satisfaire les fans des deux premiers opus.

Les avis de l’époque :

« Face à la première version du jeu, Bard’s Tale III profite d’un plus vaste terrain d’action et surtout d’un scénario plus complexe. Le jeu reste cependant assez classique : l’équipe participe à de nombreux combats, collecte de l’or et de l’expérience pour mener une à une les diverses missions qui constituent la quête. Les deux seuls reproches que l’on puisse faire à ce soft concernent d’une part le manque d’effet sonore (sic) de l’aventure, d’autre part l’impossibilité de manier la lutte au joystick. Malgré ces défauts, The Bard’s Tale III est l’un des meilleurs jeux de rôle animés disponibles sur C 64. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°57 (HS), Septembre 1988, 14/20

Version PC (DOS)

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA composite, EGA, MCGA, Tandy/PCjr
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
Pour accéder aux options de configurations, ajoutez la lettre « t » derrière l’exécutable à la ligne de commande

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura donc fallu attendre la fin de l’année 1990 pour commencer à voir The Bard’s Tale III arriver sur les ordinateurs 16/32 bits – une bien longue attente, mais tel était alors le lot commun des amateurs de jeux de rôle ayant imprudemment abandonné leur Apple II ou leur Commodore 64. Comme on pouvait s’y attendre, inutile d’espérer bénéficier de plus de seize couleurs à l’écran, et même si le résultat est loin d’être impressionnant il reste infiniment plus coloré et plus lisible que sur les ordinateurs 8 bits.

La meilleure surprise est plutôt à aller chercher du côté du son : avec la gestion de l’AdLib et surtout de la Roland MT-32, les compositions de votre barde ont tout de suite plus de cachet, et on peut entendre toute la différence dès l’écran-titre. Il est toujours possible de jouer à la souris, même si les raccourcis claviers vont beaucoup plus vite, et on pourra se contenter de choisir les sorts dans une liste plutôt que de les taper manuellement à chaque fois (mais c’est une nouvelle fois plus long quand on doit faire le tri au milieux des dizaines de sortilèges de son archimage). Évidemment, plus question ici d’être empoisonné par des changements de disquette ou des temps de chargement à rallonge, ce qui fait une grosse différence – bref, un bon moyen de découvrir le jeu pour ceux qui auraient juré de ne pas lancer le remaster de 2018.

NOTE FINALE : 15,5/20

Agréablement dépoussiéré par les capacités du hardware – et notamment par une réalisation sonore tirant enfin parti des cartes sons –, The Bard’s Tale III délivre sur PC une expérience à la fois plus ergonomique et plus confortable que sur les versions 8 bits. Si on regrettera qu’aucun épisode de la trilogie n’ait jamais bénéficié des 256 couleurs du VGA, le résultat se laisse néanmoins parcourir avec plaisir.

Les avis de l’époque :

« L’ergonomie est moins bonne que dans BT II (c’est un comble !) : par exemple, quand vous vouliez lancer un sort dans BT II, le programme vous proposait un menu intermédiaire pour le choix de la classe de sort, puis affichait une liste des sorts disponibles en toutes lettres (NdRA : ce n’était vrai que dans la version Amiga ; dans la version PC, il fallait inscrire le sort manuellement, comme dans les versions 8 bits). Avec BT III, rien de tout cela : tous les sorts sont mélangés et représentés sous forme d’abréviations. […] Autre mauvais point : les monstres sont nombreux, très nombreux ! Même s’il est en général possible de fuir, cela ralentit fortement la progression, sans augmenter l’intérêt du jeu. La souris est toujours aussi mal utilisée. Ces critiques n’empêchent pas Bard’s Tale III d’être un très grand jeu. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20

Version Amiga

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les possesseurs d’Amiga auront donc dû attendre pas loin de trois longues années pour pouvoir enfin mettre la main sur Bard’s Tale III (la machine de Commodore avait hébergé le deuxième épisode dès Juillet 1988), et pour être honnête, on est quand même en droit de se demander ce qui aura bien pu justifier une si longue attente – en-dehors du fait que l’Amiga était un tout petit poisson au regard du marché américain.

Car là, pour le coup, l’ergonomie a bel et bien reculé : les sorts se limitent désormais à une liste d’abréviations sans aucun tri possible, et à haut niveau parvenir à lancer celui qui nous intéresse peut être une véritable gageure. C’est la seule lourdeur introduite par une gestion de la souris une nouvelle fois réduite à un doublon inutile, car pour ce qui est de la réalisation, les graphismes de l’Amiga font mieux (comprendre : plus coloré) que ceux de la version PC. Les choses sont plus serrées du côté de la musique, la puce Paula n’étant pas complètement à la hauteur du rendu d’une Roland MT-32, mais dans les deux cas cela reste assez anecdotique : même si le titre est un tout petit peu plus beau, l’expérience de jeu est exactement identique à celle de la version PC, qui a de toute évidence servi de modèle pour ce portage. À vous de voir si les teintes de l’EGA vous agressent ou non les pupilles et si vous préférez ou non le rendu sonore de la Roland MT-32, car pour le reste, c’est strictement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Prise de risques minimale pour cette version Amiga de The Bard’s Tale III, de toute évidence portée directement depuis la version PC – ce qui implique quelques pertes en termes de confort depuis The Bard’s Tale II sur la même machine. On gagne bien quelques couleurs, et l’expérience reste globalement agréable, mais pas de quoi se relever la nuit – surtout si on a le remaster à portée de main.

Les avis de l’époque :

« La version Amiga dispose de graphismes excellents, aux animations convaincantes. En revanche, le jeu se déroule sans bruitage ni musique d’accompagnement (NdRA : Il y a bien de la musique, en l’occurrence les morceaux joués par votre barde), alors que c’est justement l’un des points forts de l’Amiga ! La souris est correctement gérée et l’ergonomie satisfaisante, bien loin toutefois d’un Dungeon Master, Captive et autre Eye of the Beholder. Un excellent jeu de rôle cependant, varié et difficile à souhait. »

Jacques Harbonn, Tilt n°90, mai 1991, 17/20

Version PC-98

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 octobre 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’image de ce qui se produisait en sens inverse pour les productions nippones, les joueurs japonais étaient toujours les derniers servis lorsqu’il s’agissait d’accueillir les titres occidentaux. The Bard’s Tale III aura donc mis pas moins de quatre ans et demi à arriver sur PC-98, pour fournir une version qui, pour l’essentiel, est un calque à peine mise à jour de la version PC commercialisée deux ans plus tôt.

Au menu, donc : réalisation en seize couleurs où pas une teinte n’a bougé, et une résolution qui n’a changé que pour la police du texte (lequel est désormais, faut-il le préciser, intégralement en japonais). niveau musical, ce n’est pas très emballant non plus, puisqu’il faut se contenter du rendu du processeur sonore, d’ailleurs assez mal exploité, de la machine, ce qui ressemble beaucoup à ce que pouvait produire le haut-parleur interne de la machine d’IBM, mais avec davantage de vibrato (peut-être est-il possible de configurer le jeu pour tirer parti d’une carte son, mais si c’est le cas, je n’y suis pas parvenu). En guise de compensation, on bénéficie d’un écran-titre animé et de pas grand chose d’autre. Fort heureusement, cela ne change pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même, mais on dira simplement que même en parlant japonais, découvrir le titre via cette version n’apporte strictement rien.

NOTE FINALE : 15,5/20

Sorte de « version PC traduite en japonais avec les textes en haute résolution », l’itération PC-98 de The Bard’s Tale III n’a objectivement que peu de raisons de déplacer les foules dès l’instant où l’on a accès à n’importe quelle autre version 16/32 bits, mais elle assure l’essentiel. On s’en contentera.

Quest for Glory V : Le souffle du dragon

Développeur : Yosemite Entertainment
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Quest for Glory V : Dragon Fire (États-Unis)
Titres alternatifs : Quest for Glory V : Drachenfeuer (Allemagne), Quest for Glory V: Fogo do Dragão (Brésil), 영웅의 길 V: 용의 불꽃 (Corée)
Testé sur : PC (Windows 9x)/Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (Windows 9x)/Macintosh

Date de sortie : Décembre 1998 (Amérique du Nord) – Février 1999 (Europe) – Novembre 2000 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, portugais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – Résolution : 640×480

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 601 120MHz – OS : System 7.5 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)

Vidéo – L’introduction et l’écran du jeu :

À la fin du dernier millénaire, beaucoup d’histoires étaient en train de toucher à leur fin. Pour Sierra On-Line, qui avait bâti pratiquement toute la sienne autour des jeux d’aventure, il était temps de reconnaître que le genre ne se portait pas bien. Pas bien du tout. Au terme d’une brève phase d’euphorie qui avait laissé croire à un avenir radieux pour les fameux FMV, les jeux remplis de vidéos, après le succès commercial de Phantasmagoria, le soufflé était vite retombé pour abandonner le point-and-click face à une révolution à laquelle il était mal préparé : l’arrivée de la 3D.

Des séries aussi prestigieuses que King’s Quest, Gabriel Knight ou même Monkey Island se seront cassé les dents sur la troisième dimension, s’efforçant de revisiter leur gameplay et leur réalisation pour des résultats que l’on qualifiera poliment de « mitigés », au point de provoquer ce qu’ont pensait être la mort définitive de toutes ces licences (en fait, souvent une très longue parenthèse pour la plupart d’entre elles). L’aventure, dorénavant, se nommait Tomb Raider ou Resident Evil, elle contenait beaucoup plus d’action que de réflexion, et la concurrence devait s’adapter ou mourir, n’en déplaise aux adeptes nostalgiques des vieilles formules qui avaient encore cours quelques années plus tôt et qui se faisaient alors de plus en plus rares. Autant dire que les espoirs de voir réapparaître un jour le héros de Quest for Glory pour reprendre ses aventures là où il les avait laissées étaient maigres, mais à en croire la créatrice de la saga, c’est bien la mobilisation et les lettres indignées des fans qui auront permis la matérialisation de Quest for Glory V : Le souffle du dragon – un épisode qui ne nourrissait pas l’ambition de relancer la licence, mais plutôt de lui offrir une dernière occasion de faire ses adieux. La mission était donc claire : tout ce que Shadows of Darkness n’avait pas eu le temps de conclure, cet ultime épisode allait devoir le clore une bonne fois pour toutes. Histoire que les joueurs laissés sur le quai par l’extrême célérité du changement de paradigme vidéoludique puissent au moins faire leur deuil.

Pour clore une aventure héroïque en beauté, il faut au moins un dragon : celui-ci est annoncé dès le titre, et pour ce qui est de la princesse… eh bien disons juste que vous aurez l’occasion de recroiser plusieurs vieilles amies, et peut-être même de ramener à la vie certaines d’entre elles ; il ne tiendra donc qu’à vous de choisir quelle histoire écrire à ce sujet. Mais inutile de brûler les étapes : l’aventure débute une nouvelle fois par la création de son personnage, et les joueurs qui avaient patiemment conservé leur disquette de sauvegarde de Shadows of Darkness dans un écrin fermé à clef depuis quatre ans allaient enfin pouvoir reprendre leur épopée en important leur héros – seul moyen, comme dans les deux précédents épisodes, d’incarner un paladin et sa très pratique batterie de pouvoirs utiles, dont un sort de soins et un autre pour pacifier les ennemis. Oh, allez : pour ne pas vous frustrer, le jeu met quand même une sauvegarde à votre disposition pour en jouer un.

Pas de nouvelle classe ni de caractéristique inédite, donc, et même les aventuriers nouvellement créés bénéficieront de très généreux scores de caractéristiques afin de faire face aux multiples dangers du royaume de Silmarie. Mais justement, vous voilà déjà propulsé sans tambour ni trompette dans le bureau d’Erasmus (qui vous avait si brutalement téléporté sans vous demander votre avis à la fin de l’opus précédent), qui vous explique le contexte : le roi de l’île de Silmarie, royaume à l’ambiance méridionale bâti suite à l’effondrement de l’Atlantide et évoquant furieusement la Grèce antique, a été assassiné. Pour lui succéder, la tradition exige qu’une sélection de prétendants au trône se départagent en passant successivement sept épreuves qui serviront à établir qui est digne de prendre les rênes de la nation – et vu vos antécédents (vous venez littéralement de sauver une ville, un sultanat, un royaume et une baronnie), le vieux magicien et son rat qui parle ont tout de suite pensé à vous. Il faut dire qu’avec un assassin toujours en liberté et l’ingérence probable de puissances étrangères qui auraient tout à gagner à présenter un candidat pour faire main basse sur la Silmarie, il est évident que la mission risque de ne pas être de tout repos. Mais, hé, vous vouliez être un héros, non ?

Quest for Glory revient, donc, dans ses plus beaux atours. Le paysage informatique ayant beaucoup (beaucoup!) changé en quatre ans, le titre s’affiche désormais en 640×480, avec des décors en 3D pré-calculée et des personnages en 3D temps réel. Le résultat a indéniablement du cachet même si on pourra juger que cette 3D balbutiante a plutôt plus mal vieilli qu’une 2D alors au sommet de son art, notamment en ce qui concerne les habitants anguleux et raides comme des piquets de cette nouvelle région. Néanmoins, il est difficile de nier une ambition tangible dans la surface de jeu réellement massive qui, bien que reprenant le système de carte de Wages of War, offre des dizaines de lieux à visiter (la ville en elle-même, mais aussi plusieurs villages côtiers, des forteresses, des îles, ce qui reste de l’Atlantide et même le royaume d’Hadès lui-même, pour n’en citer qu’une partie).

Il faudra cette fois se déplacer à pied, mais aussi en bateau, et même plus tard en machine volante, et autant vous prévenir qu’il y aura beaucoup de terrain à couvrir, car le jeu est facilement deux fois plus long que ses prédécesseurs. L’interface a été simplifiée : il y a désormais une icône pour observer et une deuxième pour toutes les autres actions (se déplacer, prendre, utiliser, discuter…), et une barre de raccourcis a fait son apparition pour simplifier l’usage des différents pouvoirs et des très nombreux objets que vous serez amené à cumuler. On notera également qu’il est enfin possible d’avoir la main sur l’équipement du héros et de lui acheter armes, armures, casques, bracelets ou amulettes – sans oublier les généreux butins qu’abandonneront les nombreux ennemis. Car autant il était pratiquement toujours possible d’éviter l’affrontement dans les précédentes aventures, autant vous faire à l’idée que l’opposition ici, est particulièrement active, et qu’il ne sera pas rare d’affronter une dizaine d’ennemis à la fois – et même si on peut régulièrement choisir de courir au milieu des adversaires plutôt que de les affronter, de nombreux combats sont pour ainsi dire inévitables. Votre héros est devenu très puissant, il va être temps de vous en servir !

On pourra d’ailleurs regretter que le système de combat soit toujours aussi limité : il ne bénéficie même plus d’une vue particulière, les confrontations se déroulant directement sur l’écran de jeu (ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité), et en-dehors des divers sortilèges et objets de soin dont vous pouvez faire usage, il se résumera grossièrement à cliquer frénétiquement sur un monstre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dommage qu’une composante aussi centrale ne soit jamais parvenue à un compromis vraiment satisfaisant (et plus question d’automatiser les combats cette fois !), mais pour le reste, on sent que le logiciel atteint assez bien son objectif.

Du côté de l’aventure, bien menée et bien rythmée, difficile de ne pas sentir l’épisode hommage : à quelques rares exceptions près comme Aziza, curieusement oubliée ici, pratiquement tous les personnages pertinents des précédents opus (et surtout des premiers) se sont visiblement donnés rendez-vous en Silmarie histoire de venir vous faire coucou une dernière fois, amenant avec eux toutes les références possibles et imaginables – y compris les pizzas (les habitués de la série sauront à quoi je fais référence). Ils pourront vous dire ce qu’ils sont devenus, car le dialogue est une nouvelle fois un mécanisme central du jeu, et mieux vaut prêter une grande attention aux nombreux indices que vous abandonnent souvent vos interlocuteurs pour espérer progresser dans votre quête – laquelle vous laisse tout le temps nécessaire pour monter votre personnage à votre goût avant de démarrer l’épreuve de succession à proprement parler, vous laissant ainsi décider du rythme avant de lancer les choses sérieuses. Les énigmes, sans être très complexes, peuvent se montrer particulièrement opaques si vous n’avez pas eu la bonne idée de noter toutes les informations, et on peut facilement rater des actions importantes faute d’avoir été attentif ou d’avoir bien pensé à interroger tout le monde à chaque fois.

C’est d’ailleurs à ce niveau qu’on aurait aimé que le jeu ait tiré, en 1998, des leçons que certains concurrents avaient déjà assimilé en 1990. On peut facilement se retrouver coincé pour des raison bêtes, certaines tenant ironiquement à quelques unes des bonnes idées introduites par le titre. Par exemple, le jeu met à votre disposition un « aimant mystique » dont la fonction est grosso modo celle d’un portail de ville qui vous permettra de vous téléporter à l’auberge sans avoir à refaire un trajet en sens inverse. Seulement, cet aimant n’emporte pas vos moyens de transport, et si vous avez donc laissé votre ballon dirigeable sur l’île lointaine où il vous avait emmené avant de vous téléporter, eh bien dommage pour vous parce qu’il est perdu et que vous ne pourrez jamais aller le récupérer ! Au niveau des lourdeurs inutiles, on peut citer le cas de l’île des sciences, qui nécessite toute une manœuvre demandant de bloquer des gondoles avec un timing précis pour pouvoir y accéder. Amusant la première fois, mais au bout de la quinzième…

La bonne nouvelle, c’est qu’énormément d’actions sont totalement facultatives, et qu’il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir accompli des dizaines de tâches secondaires correspondant à l’aspect « jeu de rôle ». Par exemple, le « rite de la paix » peut ironiquement très bien être résolu en vous frayant un chemin jusqu’à la reine des Tritons en massacrant tous ceux qui vous barrent la route pour lui imposer vos conditions. Mais si vous avez envie d’être un peu plus fin, d’employer le sortilège de « paix » de votre paladin pour calmer tout le monde et aller discuter pacifiquement avec elle en dépit de l’hostilité de ses troupes, c’est également possible – simplement, rien ne vous y oblige. De la même façon, vous aurez toute latitude pour entreprendre ou non de séduire un des personnages féminins du jeu, ou même pour accepter ou non de devenir roi – ça ne change objectivement pas grand chose au déroulement de l’aventure, mais il y a souvent de nombreuses manières de surmonter un problème, ce qui tempère un peu l’aspect arbitraire des énigmes les plus retorses. Mieux vaudra quand même sauvegarder régulièrement et sous plusieurs noms si vous avez envie d’explorer les possibilités du jeu et de ne rien rater.

Le plus décevant reste la conclusion du jeu en lui-même, qui après une aventure objectivement intéressante où le dragon met beaucoup de temps à arriver, remplissant bien son rôle de cerise sur le gâteau de vos aventures, expédie votre sacre royal (ou votre refus) en deux phrases avant de vous lancer les crédits au lieu de vous offrir une cinématique grandiose – et surtout un épilogue à la Fallout pour vous raconter ce que sont devenus vos nombreux amis et alliés une fois la partie bouclée. Il y a un sentiment de frustration qui se dégage de ces adieux ratés, comme si en dépit du temps passé avec tous ces personnages qui ont fait l’effort de se déplacer jusqu’en Silmarie avec nous, on n’avait jamais vraiment eu le temps d’apprendre quelque chose de pertinent sur eux, leur arc narratif étant bouclé dès la première seconde où on les aperçoit.

Les nouveaux venus ne comprendront sans doute pas grand chose aux nombreuses références, clins d’œil et autres retournements d’une aventure clairement adressée aux vieux de la vieille, et les fans pour leur part auront l’impression d’avoir une nouvelle fois été privés de la conclusion qu’ils attendaient – c’est plus une sorte de revue d’effectif, de fan service où tout le monde vient dire au revoir à la queue-leu-leu que d’épisode venant clôturer un cycle de cinq jeux et de plusieurs dizaines heures. On voulait le grand final, et on hérite juste d’un chapitre en plus ; ça fait quand même plaisir, mais cela laisse un petit goût amer en bouche, comme celui d’un acte manqué que plus rien ne pourra venir corriger. Bien malin celui qui pourra dire si Quest for Glory reviendra un jour, mais l’histoire retiendra que dans une forme d’ultime hommage, son dernier épisode se sera terminé exactement de la même manière que les précédents : en queue de poisson.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Venu apporter une conclusion inespérée à une saga ressuscitée à la demande des fans, Quest for Glory V : Le souffle du dragon fait l'effet d'une sorte de tournée d'adieux à laquelle tous les personnages de la licence auraient été conviés une dernière fois. Clairement destiné aux joueurs ayant accompagné le héros depuis ses débuts, le titre s'efforce de mêler avec plus ou moins de bonheur une ambition réelle, une jouabilité revisitée et une réalisation remise au goût du jour sans pour autant trahir les fondamentaux de la série – ce à quoi il parvient... dans une certaine mesure. Entre la survivance de certains mécanismes datés pour la partie aventure, des combats trop limitées, quelques lourdeurs dommageable et surtout une fin une nouvelle fois bâclée, cet ultime opus peine parfois à insuffler le rythme, la cohérence et l'aspect grandiose qu'on aurait aimé y trouver. Le voyage a beau être plaisant, il abandonne derrière lui une pointe d'amertume laissée par des arcs fermés un peu trop maladroitement sans avoir lâché la bride à des personnages avec qui on aurait aimé avoir plus de choses à partager, comme si une porte se fermait définitivement avant qu'on ait eu le temps de tout se dire. Une conclusion frustrante, mais qui a le mérite d'exister – bien d'autres sagas n'auront pas eu cette chance.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses occasions de conduire l'aventure dans une impasse par étourderie ou par maladresse
– Quelques mécanismes inutilement contraignant (l'accès à l'île des sciences...)
– Des combats toujours aussi limités
– Une fin qui ne dit rien du sort des nombreux personnages qu'on a croisés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le souffle du dragon sur un écran cathodique :

Quest for Glory : Shadows of Darkness

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Shadows of Darkness (titre de travail), הרצון לעוצמה 4: צללי החשכה (Israël)
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.1)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS/Windows 3.1)

Date de sortie : Janvier 1994
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0/Windows 3.1 – RAM : 4Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, General MIDI, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum/16, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

On a beau dire que l’important, c’est le voyage, il est également bon de considérer que celui-ci est voué à aboutir à une destination un jour ou l’autre – n’en déplaise à Robert Louis Stevenson et à ses paraboles sur l’apprentissage permanent qu’est l’expérience de la vie humaine. À force d’errer sans but d’un royaume à sauver à l’autre comme une balle de ping-pong constamment renvoyée entre deux raquettes, il arrive que les héros eux-mêmes s’égarent et se disent qu’il serait peut-être temps de boucler une bonne fois pour toutes les vieilles affaires et de raccrocher les gants pour profiter enfin de leur fortune et de leur renommée accumulées.

Des voyages, justement, le héros de Quest for Glory commençait à en avoir fait beaucoup, et celui de Shadows of Darkness n’était pas appelé à être son dernier – cela n’aurait d’ailleurs même pas dû être le quatrième, l’épisode ayant été annoncé depuis la fin de Trial by Fire, avant que Wages of War ne vienne offrir une parenthèse certes dépaysante, mais sans réellement faire avancer l’intrigue. Or, justement, à force d’accumuler les aventures, la tentation de boucler enfin des arcs narratifs dont certains étaient en suspense depuis les débuts de la saga – soit depuis cinq ans – se faisait de plus en plus pressante, et faute de terminer une série, il faut parfois savoir clore un cycle. Ainsi notre héros se réveille-t-il une nuit dans les souterrains sombres et peu accueillants d’une caverne de la Mordavie, sans savoir qui l’a fait venir ici, ni dans quel but. Après quelques tâtonnements dans une vallée fermée évoquant fortement les Carpates, le château de Vlad Tepes et les vieux films d’horreur de la Hammer, il trouve une ville isolée au bourgmestre peu amène et à la population méfiante, sans nécessairement se douter qu’il va recroiser quelques vieux ennemis…

L’une des premières sensations qui se dégagent de Shadows of Darkness, après des débuts emprunts d’une ambiance « draculesque » aussi classique qu’efficace – et magnifiquement portée par une réalisation réussie –, c’est celle d’une forme de retour aux sources. Les graphismes en EGA des débuts auront eu beau laisser la place à de superbes aquarelles scannées en 256 couleurs, à des personnages campés en plein écran et même, dans la version CD-ROM, à des doublages professionnels participant indéniablement à l’atmosphère (notamment grâce à un narrateur donnant un cachet certain au plus subtil pavé de description), il y a dans la ville fortifiée entourée de la quarantaine d’écrans qui forment la vallée de Mordavie de faux airs de Spielburg remis au goût du jour.

L’interface a peut-être drastiquement changé depuis ses débuts, le système de jeu gagné une classe dans Wages of War et une nouvelle caractéristique d’ailleurs assez gadget dans le présent épisode (l’acrobatie, qui ne servira pour ainsi dire qu’au voleur), les combats ont beau avoir été revus pour s’afficher en vue de profil afin de gérer désormais les déplacements – et même de proposer un mode « stratégique » correspondant ni plus ni moins à un combat automatique pour les aventuriers qui n’aiment pas les séquences d’arcade –, il y a cette sensation de revenir à la maison dans une version revue et corrigée de tout ce qu’ambitionnait être Quest for Glory I. Le temps a passé, notre personnage a pris de la bouteille, mais le monde autour de lui aussi a changé, et le paysage vidéoludique ayant bien gagné en maturité depuis 1989, Shadows of Darkness a tout pour être un bilan tiré à partir des leçons apprises grâce aux trois précédents épisodes. Pour offrir, enfin, une aventure qui fonctionne à tous les niveaux.

Premier point de ce cheminement : l’écriture. La Mordavie a beau correspondre en tous points au cahier des charges des précédents univers visités, comprendre : un monde aux références si archétypales qu’on devine qu’il n’a jamais été conçu pour surprendre, elle réussit à mettre le doigt sur la tonalité juste en ne s’enfonçant jamais bêtement dans un premier degré oppressant (le Dr. Cranium et son cobaye de service, bien évidemment prénommé « Igor », étant là pour nous rappeler que la série ne s’est jamais prise trop au sérieux) mais en parvenant néanmoins à instaurer une ambiance plus sombre qu’à son habitude.

Dans cette atmosphère d’Europe de l’est où l’on retrouve d’ailleurs des créatures largement popularisées depuis lors par The Witcher, chaque silence semble cacher une tragédie, et dès l’instant où les langues se délient surgissent les récits d’une enfant enlevée à ses parents, d’une femme noyée pour s’être refusée à son compagnon violent, ou d’un vieillard fou de solitude prêt à rejoindre son épouse jusque dans la mort. Les personnages, d’abord taillés à la serpe, s’humanisent progressivement tandis qu’ils apprennent à connaître cet étranger dont ils ont toutes les raisons de se méfier, et l’intrigue en devient par moments presque poétique – comme lorsque cette splendide Rusalka, esprit mort-vivant voué à entraîner ses victimes au fond du lac, décide qu’elle n’a plus envie d’essayer de vous tuer dès l’instant où vous avez la galanterie de lui offrir des fleurs et de la traiter comme une femme normale. Pour la première fois, il y a réellement quelque chose d’attachant dans le parcours de certains des êtres qui nous entourent (fussent-ils des monstres), et l’histoire sait se révéler à la fois prenante et subtile par séquences.

L’aspect jeu de rôles de la série retrouve également une partie de sa force en ne se limitant pas à une poignée de combats et à des statistiques qu’il est de toute façon assez simple de maximiser. Outre quelques affrontements plus stratégiques, qui permettront par exemple à un guerrier méthodique de dénicher une armure et un bouclier magiques (et mieux vaudra avoir les protections nécessaires pour affronter les spectres les plus puissants), les quatre classes du jeu offrent surtout des façons alternatives de résoudre les mêmes énigmes, et un personnage versé à la fois dans les armes et dans la magie pourra souvent compter sur un éventail très large pour résoudre un problème.

J’ai ainsi beaucoup apprécié qu’il soit permis à un aventurier de regagner sa chambre à l’auberge (barrée de l’intérieur, comme toutes les maisons de la ville, la nuit) en passant par la fenêtre à l’étage grâce à une séance d’escalade ou un sort de lévitation, ou encore qu’il soit possible de mener de nombreuses actions sans qu’aucune d’entre elles ne soit nécessaire à la conclusion de l’aventure. Le voleur récupère ses butins à amasser la nuit, le magicien peut hériter d’une quête exclusive confiée par les fées – autant de choses que le troisième épisode avait un peu perdu de vue, et qui permettent à la composante « aventure » de ne jamais se rendre bêtement frustrante en fermant des solutions évidentes permises par notre généreuse panoplie de compétences.

Il en résulte un meilleur compromis, une expérience mieux rythmée où le joueur est souvent laissé libre décideur du rythme, mais où certains événements viennent s’imposer de temps à autre pour conserver une forme de pression face à des crises ponctuelles. Au rang des quelques défauts, on pourra citer le besoin permanent de parcourir toute la vallée à pieds, écran par écran – ce qui est moins intéressant au bout de la quinzième fois, surtout quand certains arcs vous demandent d’alterner les allées-et-venues d’une extrémité de la région à l’autre.

Le passage du temps aurait également pu être optimisé ; multiplier les repos d’une heure pour être enfin autorisé à dormir jusqu’au matin parce qu’on attend la suite des événements n’étant pas exactement le pic de l’activité vidéoludique. Le jeu peut également apparaître un peu court – non qu’il soit plus facile ou moins ambitieux que ses prédécesseurs, mais le fait est surtout qu’on aurait volontiers passé encore un peu plus de temps en Mordavie, rencontré d’autres personnages, résolu d’autres tragédies, ce qui est un très bon révélateur du plaisir qu’on prend à découvrir la vallée et ses occupants. Le tout aurait d’ailleurs mérité une véritable séquence de fin en apothéose plutôt que l’éternel recours à un final expédié dès sa résolution avec un nouveau « la suite au prochain épisode » – il y a simplement des choses qui méritaient d’être mieux bouclées. Mais quoi qu’il en soit, si vous avez aimé les précédents épisodes – ou même si certains d’entre eux vous auront laissé sur votre faim – Shadows of Darkness représente à coup sûr la meilleure façon de vous rabibocher définitivement avec une série qui n’a peut-être pas toujours rempli tous ses objectifs, mais qui atteint ici une maturité salutaire.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

À la fois retour aux sources et conclusion de tous les arcs narratifs entamés dans les trois premiers épisodes, Quest for Glory : Shadows of Darkness vient boucler la boucle de la plus belle des manières en offrant une aventure enfin intéressante dans un cadre certes archétypal mais vraiment attachant et avec un aspect jeu de rôle redevenu pertinent. Tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant : la réalisation pleine de charme, les personnages attachants, l'ambiance qui trouve la tonalité juste sans tirer un trait sur l'humour, les combats adaptés au goût de chacun, et une intrigue qui vaut la peine d'être suivie, avec son lot de drames et d'histoires plus sombres que d'ordinaire. Un épisode plus abouti mais qui, en dépit de sa fin ouverte, sent le testament tant la formule était vouée à tourner en rond à un moment ou à un autre – qu'importe, il mérite d'être joué, et c'est tout ce qu'il faut en retenir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses allées-et-venues qui font regretter l'absence d'un système de voyage rapide
– Toujours aucun moyen d'accélérer le passage du temps au-delà des siestes d'une heure
– Un final qui aurait mérité d'être plus grandiose

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadows of Darkness sur un écran cathodique :

Quest for Glory III : Wages of War

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Seekers of the Lost City (titre de travail), Quest for Glory III : Les gages de la guerre (écran-titre – France) Quest for Glory III : Der Lohn des Krieges (Allemagne)
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

Les choses ne se passent pas toujours comme prévu. On a beau avoir une feuille de route claire et les moyens de la mettre en œuvre, il se trouve que la réalité a souvent son grain de sel à venir placer et que les plans sont faits pour être revus. Ce serait un peu gênant d’avoir une série télévisée dont un épisode se terminerait en cliffhanger, avec une bande-annonce des événements à venir… qui, au final, ne correspondrait absolument pas au contenu de l’épisode suivant (bon, sauf si on parle de la deuxième saison de Twin Peaks, mais je m’égare).

C’est pourtant exactement ce qui se sera produit avec Quest for Glory, dont la cinématique de fin du deuxième opus annonçait clairement la suite des aventures dans un jeu nommé Shadows of Darkness… qui se révèlera finalement être le quatrième épisode. Il y aura visiblement eu un changement de programme entretemps, qui explique peut-être d’ailleurs le hiatus de deux ans entre Trial by Fire et Wages of War ; toujours est-il que notre héros aura décidé de changer ses projets en dernière minute pour offrir un Quest for Glory III comme une parenthèse enchantée dans une Afrique qui n’en porte pas le nom pour s’interposer dans une guerre naissante avec l’aide de son ami Rakeesh le liontaure. Une étape impromptue traduisant parfaitement l’ère de transition accélérée que le PC était en train de vivre à la même époque : comme on va vite le constater, il s’était passé beaucoup de choses, en deux ans.

Comme son prédécesseur, Quest for Glory III : Wages of War (Les gages de la guerre, dans la version française) inscrit son intrigue dans la continuité directe de celle du précédent opus.

Que vous importiez votre héros victorieux (dont vous serez libre de changer la classe, au hasard pour en faire un paladin) ou que vous en créiez un nouveau, le jeu s’ouvre d’ailleurs par un rappel des événements de Trial by Fire, ou plutôt par un spoiler en bonne et due forme de son combat final (lequel, luxe absolu, respectera le déroulement des événements en fonction de votre classe) narré par Aziza. Puis, après les adieux et les félicitations d’usage, vous empruntez un portail magique vers la lointaine cité de Tarna, accompagné de Rakeesh, d’Uhura et de son fils. Réceptionné sur place par la compagne du liontaure, vous y apprendrez que leur fille, envoyée participer à des pourparlers de paix, aurait été tuée, et que les humains de la tribu Simbani seraient sur le point d’entrer en guerre ouverte avec une peuplade d’hommes-léopards. Un potentiel conflit derrière lequel semble se dissimuler l’ombre du démon qu’Ad Avis, le maléfique sorcier que vous venez de vaincre, semblait si pressé de libérer…

Première constatation : comme on l’a vu, un PC de 1992 n’avait plus grand chose à voir avec un PC de 1990, et le meilleur moyen de s’en convaincre est de jeter un œil à la réalisation en 256 couleurs avec ses décors basés sur des illustrations scannées – une méthode qui avait fait ses classes avec King’s Quest V juste après Trial by Fire, justement, et qui avait déjà eu le temps de faire des petits depuis lors comme on avait pu le constater avec Monkey Island 2 ou avec Rex Nebular. Le résultat permet de juger de la maîtrise des artistes de chez Sierra et de mettre en valeur le cadre du jeu, depuis la ville de Tarna jusqu’aux lointains villages secrets perdus dans la jungle en passant par la savane, de la meilleure façon qui soit.

Comme toujours avec la firme de Ken et Roberta Williams, la réalisation sonore n’est pas en reste, avec une ambiance africaine très bien rendue, mais c’est surtout l’interface intégralement à la souris qui risque de faire pousser un « ouf » de soulagement aux joueurs fâchés avec la ligne de commande : toutes les actions et informations sont accessibles via un menu qui apparait lorsque l’on déplace le curseur en haut de l’écran, ce qui fait passer le jeu en pause – un bon moyen de réfléchir au calme même lorsque la situation demande de réagir vite – et un clic droit permet de faire passer le curseur d’une action à l’autre. Conséquence, ce troisième opus est bien plus accessible que ses prédécesseurs (hors remake), et n’importe quel joueur ayant déjà été en contact avec un point-and-click devrait se sentir rapidement dans son élément. Les combats, pour leur part, n’ont pas beaucoup changé mais peuvent indifféremment être joués au clavier ou à la souris en fonction de ce qui vous paraîtra le plus naturel ; que du bonheur.

L’aventure, de son côté, souffle le chaud et le froid. La bonne nouvelle, c’est que le rythme « forcé » mené par le deuxième épisode (quitte à imposer de longues périodes d’attente) appartient ici au passé : l’histoire ne progresse que lorsque certaines actions ont été accomplies, et tant que ce n’est pas le cas vous être libre de parcourir un terrain de jeu qui n’est plus divisé en une successions d’écran hors des villes mais consiste en une carte sur laquelle vous reprendrez la main chaque fois que votre héros découvrira un lieu intéressant ou fera une mauvaise rencontre.

Le bon côté, c’est qu’on peut désormais explorer et faire ses découvertes à la vitesse où on l’entend, et que les joueurs souhaitant faire du grinding histoire de se préparer au mieux aux rares combats obligatoires seront donc libres de se faire un personnage à leur goût dans les délais qui leur conviennent. Le revers de la médaille, c’est qu’on peut aussi facilement se retrouver à errer en se demandant par quel miracle faire avancer les choses, comme dans le cas de cette prisonnière qui n’apparait au village Simbani que si Uhura a daigné vous défier à l’épreuve du lancer de sagaies, ce qui dans mon expérience aura nécessité pas loin d’une dizaine de séances d’entraînement ! Cette dimension arbitraire est d’autant plus énervante que plusieurs événements ne se déroulent qu’en étant au bon endroit au bon moment, ce qui demande de passer beaucoup de temps à expérimenter un peu tout et n’importe quoi en attendant que quelque chose se produise – pas exactement le meilleur moyen de rythmer l’aventure.

Les énigmes, pour leur part, reposent une nouvelle fois beaucoup sur le dialogue et la collecte d’informations ; elles sont rarement difficiles (le jeu avait été critiqué à sa sortie comme étant devenu trop simple comparé à ses prédécesseurs, en partie à cause de son interface qui circonscrivait les possibilités) et il faudra s’attendre à collecter des ingrédients pour des potions ou à rencontrer les bonnes personnes pour avancer.

Le jeu est d’ailleurs plus bavard que jamais, ce qui permet de doter ses personnages et son univers d’une épaisseur bienvenue, même si la chose perdra beaucoup de charme en français, la faute à une traduction particulièrement médiocre qui fait penser aux pires errances de ce qu’on obtiendrait aujourd’hui via la traduction logicielle – les fautes d’accord et d’orthographe en plus. Les anglophones passeront sans doute un meilleur moment à ce titre – et mieux vaudra l’être, puisque la version française n’est plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes. Dans l’ensemble, en dépit de ces quelques tracas, on revit un peu une version « exotique » du premier épisode où l’on gagne en dépaysement et en confort de jeu ce que l’on perd en surprise ; un « jeu d’aventure en monde ouvert » qui se laisse découvrir à son rythme et qu’on suit avec curiosité.

En revanche, la dimension « jeu de rôle » est plus que jamais anecdotique. Les combats sont toujours aussi rares et aussi limités, les caractéristiques commencent à perdre de leur pertinence à présent qu’on dirige un héros surqualifié, et surtout les différences entre les classes deviennent de plus en plus théoriques : les situations où l’approche changera en fonction de la classe du héros doivent littéralement se compter sur les doigts d’une main et le voleur, particulièrement à l’honneur dans l’épisode précédent, n’aura ici pas grand chose à faire dans une aventure où on lui demande plus que jamais d’être un modèle de vertu – en deux mots : un paladin.

On pourra également arguer que l’univers africanisant du jeu échoue, comme le royaume oriental de Quest for Glory II, à s’échapper d’une suite de poncifs qui côtoient involontairement le racisme et l’imaginaire colonial avec ses personnages qui nous donnent du « bwana », et on sent que l’équipe en charge de l’écriture ne s’est pas exactement épuisée à aller fouiller le folklore de l’Afrique noire pour chercher à donner davantage de personnalité à sa vision de carte postale. On aurait également aimé que le tout soit un peu plus ambitieux, un peu plus grand, un peu plus complexe, un peu plus profond – et ne s’achève pas sur une séquence de fin torchée en deux minutes pour nous expédier manu militari dans Shadows of Darkness. On a affaire à un épisode sur le fil : plus accessible, plus ergonomique, plus accueillant, moins (injustement) punitif, mais les fans des deux premiers épisodes – ceux qui voyaient des possibilités infinies plutôt que des lourdeurs contraignantes dans l’interface – risquent paradoxalement d’être ceux qui resteront le plus sur leur faim. Un épisode de découverte, mais pas le plus marquant du lot : c’est à prendre ou à laisser.

Vidéo – L’introduction et les quinze premières minutes du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Parfois considéré comme l'élément le plus faible de la série, la faute à des enjeux trop flous et à un univers africanisant qui peine à s'évader de l'enfilade de clichés exotiques, Quest for Glory III : Wages of War n'en est pas moins un épisode devenu bien plus accessible grâce à une interface et à une réalisation grandement dépoussiérées – ce qui change beaucoup de choses. Certes, on pourra regretter une progression souvent floue basée sur l'exploration et l'expérimentation davantage que sur un aspect jeu de rôle plus que jamais passé au second plan, mais on prend vraiment plaisir à découvrir un monde dépaysant peuplé de personnages intéressants ayant tous beaucoup de choses à dire. Le tout manque encore un peu de souffle épique, et sonne parfois comme une redite des aventures précédentes, mais reste suffisamment original pour sortir du lot et conserver un petit cachet unique. Pas complètement la suite qu'on espérait, mais une bonne occasion de se laisser surprendre.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Beaucoup d'occasions de tourner en rond faute de comprendre quelle action arbitraire est censée faire progresser l'intrigue
– Un aspect jeu de rôle plus que jamais anecdotique
– Une version française très médiocre qui alourdit la lecture dans un jeu où il y a beaucoup de texte
– Une fin trop vite expédiée

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les graphismes sont vraiment très beaux, à l’exception des paysages de la savane, franchement décevants. Les musiques typiquement africaines et les bruitages sont pour beaucoup dans l’ambiance de l’aventure. La panoplie d’énigmes est tout à fait correcte mais les habitués viendront à bout du jeu, en une dizaine d’heures seulement. »

Thomas Alexandre, Tilt n°108, novembre 1992, 16/20

Quest for Glory II : Trial by Fire

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA (16 couleurs)
Cartes sons supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine l’écran de fin de Quest for Glory s’était-il affiché qu’il était établi qu’un deuxième épisode était déjà sur les rangs : on avait même le droit à son titre en avant-première, et ceux qui auraient eu envie de chercher à deviner dans quel cadre il pourrait bien tenir place disposaient déjà de plusieurs indices très parlants – au hasard, le fait que le personnage à peine décrété héros soit présenté en train de voyager en tapis volant, accompagné d’Abdulla et de ses amis kattas.

Pour être honnête, l’apparition d’une suite était peut-être même promise dès l’écran-titre, tous les logiciels de Sierra contenant le mot « Quest » étant voués à devenir des séries à rallonge, et ce n’étaient pas King’s Quest, Space Quest ou Police Quest qui allaient prétendre le contraire (ni Leisure Suit Larry, mais bon, celui-là ne fait jamais rien comme tout le monde). Il faut dire que, plus encore que tous les autres jeux d’aventure de la compagnie américaine, la (nouvelle) saga imaginée par Corey et Lory Ann Cole se prêtait particulièrement bien à des épisodes à répétition, ne fut-ce que pour assumer la montée en puissance permise par la partie « jeu de rôle » comme le proposaient, au hasard, les « golden boxes » de SSI à la même période. Bref, Quest for Glory II : Trial by Fire était en route, ce n’était un secret pour personne, et il sera arrivé pile au moment où on était en droit de l’attendre : un an après le premier opus, et juste pour les fêtes de Noël. Mais du haut de ses quelques neuf disquettes 3,5″ (basse densité,certes), il annonçait aussi clairement l’arrivée d’un élément qu’on sentait encore un peu embryonnaire dans Quest for Glory I : l’ambition.

Désormais, c’est officiel : vous êtes un héros – ou tout du moins, celui de Spielburg, ce qui n’est déjà pas mal, mais vous maintient encore au rang d’une célébrité du cru. À peine avez-vous eu le temps de vous adonner aux agapes locales que déjà le marchand Abdulla – auquel vous aviez permis de récupérer ses richesses dérobées par les brigands – vous emmène avec Shameen et Shema, les deux kattas, vers leur cité natale : Shapeir, joyaux de l’orient, et véritable catalogue assumé et revendiqué de tous les clichés gravitant autour des Mille-et-une nuits.

Il semblerait en effet que la glorieuse cité doive composer avec ses difficultés propres : l’Émir Arus Al-Din a disparu, et voilà que les élémentaires de la région commencent à faire des leurs. Il se pourrait que quelque chose ou quelqu’un conspire à de sombres projets, mais cela, ce sera à vous de le découvrir – en créant un nouveau personnage, ou en reprenant celui du premier opus avec ses statistiques et ses possessions, ce qui vous évitera largement d’avoir recours à une quelconque phase de grinding, mais nous y reviendrons. Les joueurs les plus observateurs noteront en tous cas l’apparition de deux nouvelles caractéristiques : la communication, qui jugera de vos compétences sociales (mieux vaudrait donc apprendre à dire bonjour et à respecter le protocole), mais aussi l’honneur, qui en plus de juger de votre probité pourra éventuellement vous ouvrir la voie vers une classe cachée accessible à partir de l’épisode suivant : le paladin.

Pour l’heure, le plus urgent est de s’atteler à la découverte de l’apport le plus notable de Quest for Glory II : son cadre, et plus précisément la tentaculaire ville de Shapeir. Là où le premier opus proposait un bourg tenant sur une poignée d’écrans pour réserver l’exploration à la campagne environnante, cet épisode opte pour le parti inverse : le désert y représente plutôt un à-côté, le gros morceau revenant à la ville en elle-même… laquelle fera office, à sa façon, de protection de copie.

En effet, vous allez vite réaliser que la cité orientale est constituée de dizaines de ruelles que l’on parcourt dans une vue immersive à la troisième personne mais dans lesquelles il est très facile de se perdre, et où aller d’un point A à un point B peut vite prendre beaucoup de temps. Votre première mission, pour éviter que la visite locale ne se transforme en une laborieuse corvée au bout de quelques jours, sera donc de commencer par trouver l’emplacement du bureau de change local pour échanger l’or de Spielburg contre les dinars et les centimes locaux, avant d’aller acheter au marchand baratineur Alichica une très pratique boussole et une non moins pratique carte magique qui fera alors office de voyage rapide en vous permettant de vous rendre en un clic à n’importe quel endroit déjà visité. Une excellente idée, qui vient d’ailleurs s’inscrire dans une philosophie générale où beaucoup des erreurs de jeunesse du premier épisode ont été intelligemment corrigées.

Par exemple, la gestion du temps est ici nettement moins contraignante, puisqu’il suffit de retourner à l’auberge de vos amis à n’importe quel moment pour pouvoir dormir une heure, ou jusqu’en soirée (très pratique pour les voleurs, donc) ou jusqu’au matin – le tout pour pas un rond puisque vous êtes hébergé gratuitement et que le repas est compris si vous avez la bonne idée de venir vous mettre les pieds sous la table le soir. Le système de combat a également été revu et approfondi : les neufs touches du pavé numérique ont désormais une fonction précise, et certains ennemis sont plus sensibles à certains types d’attaques.

Le magicien gagne de nouveaux sorts qui commencent à le rendre vraiment efficace en combat – il peut également s’atteler à trouver le mystérieux WIT et à gagner encore de nouvelles aptitudes en passant ses épreuves – et le voleur, pour sa part, pourra dégotter quelques missions lucratives en employant le signe de reconnaissance de sa guilde auprès des personnes appropriées. Bref, la dimension « jeu de rôle » autorise une nouvelle fois une certaine rejouabilité, chaque classe ayant accès à ses activités propres – même si la classe de guerrier est incontestablement la plus limitée et la plus décevante à ce niveau. Conseil : si vous voulez réellement profiter du jeu, concoctez-vous un voleur capable de lancer des sorts et vous devriez voir et vivre beaucoup plus de choses qu’avec un guerrier certes très doué pour le combat, mais comme on va le voir ceux-ci demeurent de toute façon assez rares dans cet épisode – pour ne pas dire largement facultatifs dès l’instant où vous n’avez pas besoin d’aller récupérer de l’argent ou de monter vos statistiques.

L’essentiel de l’activité de la première partie du jeu consistera donc à apprivoiser la ville de Shapeir, à faire connaissance avec tous ses services, à débusquer les personnages les plus exotiques et les mieux cachés, et à poser les bonnes questions aux bons interlocuteurs lorsque les problèmes vont commencer à apparaître. Car contrairement au premier épisode, qui vous laissait gérer les choses à votre rythme, le tempo est ici en partie dicté par le jeu, avec des élémentaires qui vont commencer à faire leur apparition dans les rues de la ville à partir d’un jour donné, et qui vous demanderont à chaque fois de trouver comment les vaincre dans un délai de deux ou trois jours, faute de quoi la partie ne pourra pas être gagnée.

Une légère pression finalement assez simple à contourner dès l’instant où vous prenez l’habitude de sauvegarder régulièrement – au hasard au début de chaque journée – et qui vous laissera d’autant plus de temps pour monter votre personnage que, comme on l’a déjà mentionné, les combats sont tout aussi facultatifs ici qu’ils l’étaient dans le premier opus – seul le guerrier doit avoirs des affrontements obligatoires, et encore, je n’en ai compté que deux, et ceux-ci étaient d’une facilité confondante. C’est d’ailleurs précisément à ce niveau que Quest for Glory II peine à trouver son équilibre : à chercher à présenter une aventure qui puisse convenir autant aux personnages surentrainés importés du premier opus qu’aux nouveaux venus, le titre échoue à trouver un défi à la mesure de tout le monde.

La conséquence la plus dommageable en est cette obligation de suivre le tempo dicté par le jeu : tant que l’on a des endroits à explorer et des personnages à découvrir, on n’a pas matière à s’ennuyer, mais une fois qu’on commence à attendre que les choses se produisent faute de pouvoir les déclencher, le temps peut commencer à paraître long. En fait, quand on sait à peu près ce qu’on a à faire (et surtout à qui parler pour obtenir les bonnes informations, ce qui risque de tourner systématiquement autour des deux ou trois mêmes personnages), on peut littéralement passer la moitié du jeu à dormir à l’auberge pour faire avancer les événements ! Le pécule avec lequel on commence le jeu est largement suffisant pour acheter tout ce dont on peut avoir besoin sans s’obliger à aller déambuler dans le désert à la recherche de monstres, d’autant que les pilules de soins seront ici largement inutiles précisément parce que les combats le sont aussi.

Conseil : faites plutôt une réserve de dagues chez le forgeron si vous êtes un guerrier ou un voleur. Les énigmes reposent, sur l’essentiel, en la capacité à avoir retenu les informations obtenues lors des dialogues, et on se retrouve donc davantage face à un jeu d’enquête demandant de poser beaucoup de questions que face à la rencontre entre l’aventure et le jeu de rôle qui nous avait été vendue. L’aspect « monde virtuel » a toujours beaucoup de charme, et l’aventure connait de nombreux morceaux de bravoure, mais on ne peut s’empêcher de penser que le titre tend largement à mettre de côté ses compétences et ses statistiques pour nous propulser dans un jeu d’aventure plus traditionnel, ce qui est un peu la négation de sa philosophie. D’ailleurs, les différentes classes n’offrent finalement que peu de nuances dans l’approche du jeu : qu’on ouvre une porte en la crochetant avec un voleur, en la forçant avec un guerrier ou en utilisant la magie avec un lanceur de sorts, le résultat sera fondamentalement le même. C’est pourquoi, en dépit de ses nombreuses améliorations, il est également possible que ce deuxième épisode déçoive précisément ceux qui s’étaient éclatés sur le premier et qui risquent de voir la magie s’effriter en constatant, une fois de plus, que leurs possibilités sont définies par leur classe bien plus que par leurs précieuses compétences et que la montée en puissance et les diverses aptitudes ne servent au final pas à grand chose. Un jeu agréable et intéressant, à coup sûr, mais pas tout à fait celui qui nous avait été promis.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Du côté des fans :

À ceux que la réalisation en EGA et l’interface à la ligne de commande effraieraient, Le studio AGD Interactive, spécialisé dans les remakes des jeux d’aventure Sierra (et en particulier de la série King’s Quest) aura apporté une réponse en 2008, avec un remake de Quest for Glory II en VGA s’inspirant très largement du remake (officiel, celui-là) du premier épisode, et que vous pourrez trouver (gratuitement) à cette adresse. Au menu, et comme pour son modèle, une réalisation intégralement refaite en 256 couleurs, une refonte sonore, une interface à la souris ainsi que des quêtes et dialogues additionnels. Pour faire bonne mesure, il est également possible de garder la possibilité d’entrer les sujets de conversation manuellement, et le joueur aura le choix entre la navigation d’origine et des rues simplifiées pour éviter au néophyte n’ayant pas le plan de la ville sous la main de se perdre. Il est également possible d’automatiser les combats en donnant des instructions à son personnage ; bref, un très bon moyen de dépoussiérer et d’approfondir l’expérience originale sans la dénaturer. Une excellente porte d’entrée pour les nouveaux venus – ou pour ceux qui n’auraient pas envie de revenir à l’ancienne formule après avoir goûté au premier opus dans sa version de 1992.

NOTE FINALE : 15,5/20

Fièrement annoncé dès l'écran de fin du premier opus, Quest for Glory II : Trial by Fire vient prolonger les aventures du héros de Spielburg dans un univers oriental aussi archétypal qu'intrigant. Le système de jeu a gagné en maturité, en profondeur et en confort, à l'image des combats, et tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant... du moins, jusqu'à un certain point. En dépit des nombreuses possibilités offertes aux trois classes – et à l'émergence de possibilités inattendues – on ne peut s'empêcher de penser que l'aspect jeu de rôle reste cruellement sous-exploité et que la montée en puissance des caractéristiques de notre personnage s'affiche davantage comme un moyen de passer le temps en attendant de faire avancer une intrigue inutilement étirée sur plus de deux semaines que comme une réelle nécessité – surtout à partir du moment où les affrontements sont aussi rares. C'est bien simple, avec un héros importé, on peut passer la moitié du jeu à dormir à l'auberge ! Ce problème de rythme est d'autant plus dommageable que le reste fonctionne et donne vraiment envie de poursuivre la saga, en espérant la voir gagner encore en épaisseur et en possibilités. Pas encore tout-à-fait le titre qu'on était en droit d'espérer, mais les amateurs du premier épisode n'auront aucune raison d'hésiter à rempiler.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une navigation en ville contraignante au début du jeu
– Une progression de l'intrigue dans le temps qui fait qu'il n'y a parfois rien d'autre à faire que d'attendre d'être arrivé à la bonne journée
– Une interface (semi) textuelle en bout de course...
– ...et toujours aucune version française

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« L’atout le plus fantastique de QfG II réside sans doute dans la variété et l’originalité des lieux et des personnages. Dès le début, vous entrez dans l’ambiance : vous êtes logés (et nourris) dans l’auberge que tiennent les Kattas, qui ont une dette envers vous (voir l’épisode précédent). Cela vous permet d’assister à une danse du ventre, ou à une séance de poésie avec un sage, et quand vous rentrez le soir, votre hôte vous salue (avec les salamaleks (sic) d’usage). »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 18/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Contrairement à son prédécesseur, Quest for Glory II n’aura eu le droit qu’à une unique portage (et aucun remake officiel), et c’est l’Amiga qui aura eu l’honneur de l’héberger. Comme on pouvait s’y attendre – et comme souvent avec les productions américaines – inutile d’espérer un réel travail d’adaptation : le jeu est une bête transcription du code de la version PC, ce qui signifie que les graphismes en EGA n’ont pas bougé d’un pixel. Côté sonore, sans être tout-à-fait à la hauteur de ce que pouvait offrir une Roland MT-32, la puce Paula s’en sort une nouvelle fois très bien. En revanche, et comme pour le premier opus, sur une configuration standard le jeu est ici considérablement plus lent que sur une configuration PC moyen-de-gamme de l’époque : le personnage avance à deux à l’heure, il y a quinze secondes de chargement entre chaque écran, et le simple fait de faire le vingt mètres qui séparent l’auberge de la place centrale risque ici de vous prendre deux bonnes minutes. traverser la ville à pied doit demander à peu près autant de temps que de traverser le centre-ville de Paris ! Ajoutez-y la joie de composer avec la valse des sept disquettes du jeu, et vous comprendrez pourquoi il vaut mieux éviter de découvrir le jeu sur un Amiga 500, sauf à être d’une patience à toute épreuve. Les choses sont heureusement nettement plus supportables sur un Amiga 1200 doté d’un disque dur, mais mieux vaut bien être conscient de la nature de l’expérience avant de se lancer sur une configuration inférieure.

NOTE FINALE : 15,5/20 (Amiga 1200 ou supérieur) – 13/20 (modèles antérieurs)

Comme son prédécesseurs, Quest for Glory II délivre sur Amiga une prestation quasi-identique à celle livrée sur PC – à condition d’avoir le processeur, la mémoire et le disque dur nécessaires. Sur une configuration moins musclée, le jeu se traîne à un stade où parcourir la moindre rue vous laissera le temps d’aller faire un café. Soyez prévenu.

Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Hero’s Quest : So You Want to Be a Hero (première édition – Amérique du Nord)
Titres alternatifs : Quest for Glory : So You Want to Be a Hero (écran-titre), クエスト・フォー・グローリィ: So You Want to be a Hero (Japon)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STPC-98
Également testé : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1989 (première édition) – 1990 (réédition sous le nom Quest for Glory)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x10) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, IBM Music Feature Card, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, MPU-401 MIDI, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
*640ko requis pour la version PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Un doux rêve aura traversé l’univers du jeu de rôle informatique à peu près depuis ses débuts : celui de fournir, via un ordinateur, une expérience aussi proche que possible de celle qu’on obtenait entre amis autour d’une table. La grande force du concept original de jeux comme Donjons & Dragons ou Tunnels & Trolls, les deux pionniers en la matière, c’était que les règles et l’univers n’étaient qu’un cadre : les joueurs n’avaient aucune limite précise quant aux actions qu’ils pouvaient entreprendre, et qu’ils décident d’aller interroger un modeste paysan ou de forcer une porte, c’était au maître du donjon d’improviser et d’offrir une réponse (de préférence pertinente) à leurs tentatives.

Les possibilités étaient virtuellement illimitées – et l’idée qu’un jeu vidéo puisse les reproduire était aussi grisante qu’irréaliste, les premiers programmes informatiques ayant déjà du mal à gérer toutes les règles sans qu’en plus on leur demande de gérer tout un univers dans quelques kilo-octets de données. Le temps passant – et la technique progressant – les jeux de rôle eurent de plus en plus de latitude pour s’éloigner des simples tableaux de caractéristiques qui les résumaient à leurs débuts : la saga Ultima aura ouvert la porte à une notion d’exploration en monde ouvert et à des dialogues par mots-clefs, Dungeon Master aura représenté une avancée formidable en termes d’immersion. Mais on attendait toujours ce jeu où on aurait l’impression de pouvoir faire un peu ce qu’on veut sans l’ordre qu’on veut et de la façon qui nous convient ; celui où on serait notre propre héros avec nos propres méthodes, quitte à entreprendre des choses stupides juste pour juger des conséquences. Jouer un rôle, littéralement. À ce niveau, on ne mesure peut-être pas assez bien l’impact qu’aura représenté un titre a priori aussi simple que Quest for Glory.

D’emblée, tout est dans le (sous-)titre : Alors comme ça, vous voulez être un héros ? La question semble d’autant plus étrange que non seulement on est toujours, par définition, le « héros » d’un jeu vidéo, mais qu’en plus Quest for Glory s’inscrit ouvertement dans une longue série de sagas d’aventure de Sierra – d’ailleurs toutes définies comme des « quêtes » : King’s Quest, Space Quest, Police Quest… – employant le même moteur et offrant, a priori, à peu près les mêmes possibilités.

Première nouveauté, cependant : c’est à nous qu’il appartiendra de nommer notre protagoniste (lequel sera forcément un homme) ; une première dans un jeu Sierra. Et histoire d’introduire immédiatement la dimension « rôlistique » du jeu, on sélectionnera également sa classe parmi les trois classiques que sont le guerrier, le magicien et le voleur, avant d’aller lui attribuer des points de caractéristiques et de décider de la répartition de ses aptitudes. En effet, notre personnage sera amené à se battre et aura donc des appétences pour le combat, la parade ou l’esquive, mais il pourra également lancer des sorts (même s’il n’est pas magicien), être furtif et crocheter des portes (même s’il n’est pas voleur), escalader des obstacles ou faire usage de précision dans ses lancers. Bref, première anomalie dans un jeu d’aventure traditionnel : notre personnage pourra être amené à réussir ou à rater des actions en fonction de ses capacités, et pas en fonction de ce qui avait été scripté dans le programme. Ce qui signifie également – et c’est là que les choses deviennent d’autant plus intéressantes – qu’il pourra être amené, selon ses compétences, à résoudre une même situation de plusieurs manières. Eh bien vous allez rire, mais cela, en 1989, c’était encore loin d’être courant – surtout dans un genre aussi balisé.

Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est sans doute de débuter la partie. Justement, notre héros (en herbe) arrive dans la petite ville de Spielburg, coupée du monde pour l’hiver à cause d’une avalanche, et qui semble avoir affaire à bien des tracas, à commencer par un groupe particulièrement actif de bandits de grands chemins, une sorcière nommée Baba Yaga, et même une malédiction frappant le baron local et ayant entraîné la disparition de ses deux enfants.

Tout cela, vous allez le découvrir en allant parler au shérif de la ville, à votre arrivée, puis à tous les autres personnages, via un système de dialogue à la ligne de commande qui n’est finalement pas très éloigné de celui qu’on employait déjà dans Ultima IV. Vous vous souvenez de tous les services – l’auberge, le forgeron, le guérisseur, la boutique de magie – auxquels vous aviez accès via une simple liste textuelle dans Sorcellerie ? Eh bien ici, vous allez pouvoir les visiter physiquement, vous entretenir avec les marchands, les questionner quant aux affaires qui agitent la ville, et même parcourir les rues et visiter – à vos risques et périls – la taverne mal famée du coin. Il y a un panneau avec des quêtes, dans la guilde des aventuriers, mais rien ne vous empêche de réveiller le maitre de guilde juste à côté pour lui demander des détails ; autant de choses qui paraissent presque banales aujourd’hui mais en 1989, il n’y avait pas d’Elder Scrolls ou d’Ultima VII pour nous donner le sentiment de vivre ce genre d’épopée comme si on y était, et le jeu de Sierra aura indéniablement fait partie des premiers à avoir installé une passerelle aussi visible et aussi importante entre le jeu de rôle et l’aventure – de quoi rendre les choses un peu plus tangibles et un peu moins austères.

Ceci dit, tout ceci ne serait finalement que de l’habillage un peu vide de sens si les aptitudes de votre personnages se limitaient à des statistiques de combat. Seulement voilà, quitte à être un voleur, par exemple, pourquoi ne pas profiter de l’obscurité (le jour et la nuit sont gérés) pour aller crocheter quelques portes et vous servir dans les maisons locales, histoire de mettre un peu d’argent de côté pour aller acheter le coûteux équipement ou les non moins coûteuses potions de soin du jeu, par exemple ? C’est possible – il y a peut-être même une guilde des voleurs pour ceux qui savent chercher, allez savoir !

Autre exemple : une guérisseuse vous a demandé de retrouver son alliance, à laquelle elle tient beaucoup, et vous avez de bonnes raisons de suspecter la pie installée sur l’arbre devant sa masure d’être la coupable. Allez-vous tenter d’escalader ledit arbre pour inspecter son nid ? Allez-vous ramasser des pierres et les jeter sur ledit nid pour espérer le faire tomber ? Ou bien allez-vous tout simplement utiliser un sortilège pour le faire venir jusqu’à vous ? Les trois possibilités sont viables, et vous avez même la possibilité de vous faire la main puisque, à l’instar de Dungeon Master, il suffit d’utiliser une compétence pour la faire progresser ; si vous n’avez pas eu de succès à votre première tentative d’escalader l’arbre, vous en aurez sans doute davantage à la quinzième… Un système gratifiant qui permet de sentir la montée en puissance à chaque action, mais qui « nivèle » également un peu l’expérience, puisque dès l’instant où vous aurez eu la bonne idée de doter votre personnage d’un peu de compétence dans tous les domaines, il pourra exceller partout simplement en répétant mécaniquement une action donnée à un endroit donné. Si vous voulez diriger le héros « ultime » et bénéficier de toute l’expérience du jeu, un conseil : créez un voleur, et dotez-le de capacités en magie. Il aura un peu de mal au début, mais à la fin, il sera invulnérable.

D’ailleurs, on n’a même pas encore eu l’occasion d’aborder un autre aspect pourtant important dans un jeu de rôle : le combat. En se baladant dans la région autour de Spielburg – un terrain de jeu d’une cinquantaine d’écrans – notre héros sera amené à croiser des ennemis et à les affronter (ou à fuir, il y a même une commande pour courir si vous préférez éviter l’escarmouche). Le jeu passe alors dans une vue à la troisième personne (certains combats scriptés se dérouleront exceptionnellement de profil) pour offrir une séquence d’action où le personnage pourra être dirigé avec les flèches et ainsi attaquer (flèche du haut), esquiver (flèches latérales) ou parer (flèche du bas, et seul le guerrier est équipé un bouclier). Lancer des sortilèges nécessitera de passer par la ligne de commande (raccourci : CTRL-C), et même un magicien devra apprendre à faire usage de son épée.

Le résultat manque de profondeur et vos chances étant de toute façon définies par vos caractéristiques davantage que par votre habileté, et les combats étant un peu trop rapides dès l’instant où vous jouez sur un 286 ou supérieur (ou sur ScummVM), l’essentiel de l’action risque de se limiter à laisser la flèche du haut appuyée et à attendre de voir ce qui se passe (et à jeter des sortilèges de temps à autre). La récompense en sera la progression de vos précieuses aptitudes, et il ne faudra pas très longtemps pour que vous puissiez congédier sans trop d’efforts des adversaires qui vous mettaient la misère deux heures plus tôt. Le grinding est possible, mais pas réellement utile dans le sens où l’opposition ne fera que devenir encore un peu plus coriace dès l’instant où vous atteindrez les mille points d’expérience (des monstres redoutables qui n’apparaissaient que la nuit commenceront alors à être présent également en journée), et surtout que le jeu ne comporte à ma connaissance qu’un seul et unique combat obligatoire, lequel n’est même pas spécialement difficile pour un personnage « moyen ». Et encore, peut-être est-il possible de le contourner via la furtivité. Bref, si la dimension « gros Bill » ne vous parle pas plus que ça, il est fondamentalement possible d’aborder le programme comme un jeu d’aventure traditionnel.

À ce niveau, il faudra, comme toujours avec les jeux Sierra, prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’explorer divers endroits à diverses heures du jour ou de la nuit pour espérer faire des rencontres importantes. Il y a finalement assez peu d’énigmes dans Quest for Glory, et la plupart peuvent être surmontées en ayant la bonne idée d’interroger méthodiquement tout le monde et de prendre des notes – comme on l’a vu, il y a pratiquement toujours une façon d’éviter le combat, ce qui fait que Fallout n’aura pas été le premier titre du genre qu’on pouvait escompter finir sans affronter quiconque.

La dimension « visite de la région » est d’autant plus plaisante que les artistes de Sierra commençaient à être capables de très jolies choses avec l’EGA, et la région fait juste la bonne taille pour qu’on la visite avec plaisir et en craignant pour sa vie lors des longues expéditions sans jamais mettre plus de deux minutes à la traverser de bout en bout. L’ambiance sonore bénéficie également grandement de la gestion des cartes sonores (Sierra aura été l’un des pionniers en la matière), et même si la musique se fait rarement entendre, on pourra profiter des chants d’oiseaux et de différents bruitages « atmosphériques » au fil de l’aventure. On explore, on combat, on discute, on s’équipe, on expérimente… on n’est finalement vraiment pas loin d’une sorte de proto-Daggerfall, à une échelle nettement plus réduite, et le mieux est que ça fonctionne encore très bien.

Certes, l’interface au clavier est souvent contraignante (maîtrise élémentaire de l’anglais obligatoire), il manque quelques options de confort (faire avancer l’écoulement du temps, au hasard), les différents mécanismes manquent de profondeur, il y a très peu d’équipement, les combats sont limités, la région est vite parcourue, il n’y a qu’une poignée d’ennemis différents… mais c’est aussi précisément dans sa dimension initiatique que l’aventure fonctionne : on assimile très vite les possibilités, on est heureux de faire nos expériences et on est authentiquement fier de lever la malédiction qui pèse sur la vallée de Spielburg – même en étant d’ordinaire totalement allergique aux jeux Sierra. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Quest for Glory aura été si bien reçu à sa sortie : à son niveau, c’était sans doute la tentative la plus ambitieuse et la plus intelligente d’aborder un jeu de rôle de façon immersive sans avoir à passer des dizaines d’heures dans une pile de manuels – un lointain ancêtre de Skyrim ou de The Witcher 3, en quelque sorte. Une escapade qui vaut la peine d’être entreprise aujourd’hui encore, et qui donne envie de voir comment se poursuivront les aventures de celui qu’on s’est donné tant de mal à aider à devenir un héros.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Note : Si jamais vous vous demandez pourquoi le logiciel à été publié dans les mêmes régions sous deux titres différents, sachez que la raison en est, disons, « juridique ». En effet, le titre original d’Hero’s Quest aura été jugé beaucoup trop proche de celui du jeu de plateau publié par MB, HeroQuest (que les visiteurs du site connaissent probablement déjà). Sierra aura donc préféré opter pour une réédition avec un nouveau titre (qui sera ensuite resté celui de la totalité de la saga) plutôt que d’aller discuter de la chose devant un tribunal.

NOTE FINALE : 15,5/20

Quest for Glory aura représenté l'une des premières manifestations d'un des nombreux fantasmes de joueur des années 80 : l'inéluctable rencontre entre l'aventure et le jeu de rôles. Le résultat profite du savoir-faire de Sierra pour offrir à la fois ce qu'on espérait y trouver, à savoir un monde vivant où chaque classe de personnage trouvera manière à jouer à sa façon, et les inévitables scories de l'époque – comprendre : une certaine lourdeur dans l'interface et dans le déroulement ainsi qu'un manque de profondeur à bien des niveaux. Cependant, la fragile alchimie fonctionne, et on prend authentiquement plaisir à mener l'enquête autour de la ville de Spielburg tout en montant en puissance et en ayant, pour une fois, plusieurs façons d'approcher des énigmes rarement trop complexes, en profitant notamment d'une réalisation charmante. Les vieux de la vieille trouveront rapidement leurs marques, mais même les néophytes pourront trouver un certain charme à l'aventure – même s'ils préfèreront sans doute commencer directement par le remake en VGA. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une interface toujours lourdement basée sur la ligne de commande...
– ...d'où la nécessité d'un niveau correct en anglais
– Des combats très limités...
– ...et une partie « jeu de rôles » qui manque globalement d'épaisseur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Étant habitué aux excellents jeux d’aventure de chez Sierra On-Line, j’avais fondé de gros espoirs sur Hero’s Quest, un soft mêlant aventure et jeu de rôle. Mais j’étais loin de me douter que ce jeu serait aussi merveilleux, aussi prenant et aussi important. »

Dider Latil, Génération 4 n°17, décembre 1989, 95%

« Pour ma part, je commence à me lasser de ce type d’aventure, surtout depuis que des titres comme Zak Mac Kraken (sic), Indiana Jones ou encore les Voyageurs du temps envahissent les puces de mon micro… »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°74, janvier 1990, 14/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme la quasi-totalité des jeux d’aventure américains de l’âge d’or du genre, Quest for Glory aura été développé sur PC – mastodonte écrasant à l’échelle du marché américain, quoi qu’on ait pu penser de ses qualités ludiques – reléguant les autres ordinateurs 16/32 bits (nettement moins populaires outre-Atlantique qu’ils ne l’étaient en Europe) au rang de seconds couteaux bénéficiant de simples portages. Pour dire les choses plus vite, on a ici affaire à une version Amiga qui est visuellement identique au pixel près à celle parue sur PC : seize couleurs et pas une de plus, et même si les teintes ne sont pas à 100% identiques à celles de l’EGA, mieux vaut bien placer deux captures d’écran côte-à-côte pour avoir une chance de déceler la nuance. Cependant, le résultat sur PC était déjà objectivement très bon, on ne va donc pas trop se griffer le visage, d’autant que le rendu sonore n’a pas trop à rougir de la comparaison avec ce que pouvait offrir une Roland MT-32, lui non plus. En revanche, lancé sur un Amiga d’époque, le titre vous permettra également de redécouvrir à quel vitesse tournait un jeu d’aventure sur un PC pré-80286 : comptez facilement quinze secondes de chargement entre deux écrans, ce qui rend la phase d’exploration et de grinding nettement plus chronophage. Le problème peut facilement être contourné en lançant le jeu sur un Amiga plus « costaud », mais les amateurs de ce rythme très particulier d’une époque où on avait une excellente raison de savourer chaque écran seront heureux de retrouver cette sensation. Cette lenteur prend également tout son sens lors des combats, où tenter de parer et d’éviter les assauts ennemis redevient cohérent puisque l’on a enfin le temps d’anticiper les attaques adverses. Pour le reste, pas de surprise : le déroulement est exactement identique à celui de la version originale, et il est toujours aussi sympathique.

NOTE FINALE : 15,5/20

Porté à l’identique sur Amiga, Quest for Glory y délivre une expérience similaire, qui se révélera cependant infiniment plus lente sur les modèles de base. Si cela peut être corrigé avec une configuration plus puissante, gardez en tête que les combats sont également plus jouables à cette vitesse.

Les avis de l’époque :

« Comme à l’accoutumée chez Sierra On Line (sic), le scénario est superbe et la réalisation sans reproche. de quoi passer de longues journées devant votre ordinateur. »

Duy Minh, Joystick n°7, juillet-août 1990, 92%

Version Atari ST

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Interface MIDI supportée
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Débarqué sur Atari ST, Quest for Glory/Hero’s Quest y aura reçu exactement le même traitement que pour la version Amiga : un transfert pixel perfect de la version PC. On peut même dire que le portage est encore plus proche de l’original ici, puisque le titre reconnait l’interface MIDI et, par extension, la Roland MT-32, ce qui lui permet d’offrir exactement la même expérience que sur un PC d’époque – comprendre : un PC doté d’un processeur 8088 ou 8086, car le jeu est aussi lent que sur Amiga. Une nouvelle fois, cela rend les combats un peu plus jouables tout en rendant l’exploration nettement plus laborieuse, et je n’ai pas eu l’occasion (ni le matériel) de constater si oui ou non le jeu était compatible avec un modèle de type Falcon, attendez-vous donc à revivre l’expérience à l’ancienne, avec une très large rasade de café entre chaque écran. Mais si c’est précisément ce que vous espérez retrouver, vous serez aux anges.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme sur Amiga, Quest for Glory sur Atari ST nous rappelle à quelle vitesse tournait un jeu d’aventure sur une machine de cette génération : nettement moins vite que sur la suivante. En résulte une nouvelle fois une expérience qui contraindra le joueur à patienter une quinzaine de secondes entre deux écrans tout en lui laissant enfin bénéficier de la portée « stratégique » des combats. À vous de voir si cette perspective vous attire.

Version PC-98

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line Japan, Inc.
Date de sortie : 12 avril 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : PC-9801 – RAM : 640ko
Carte son supportée : Roland MT-32/LAPC-I

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme beaucoup de ses concurrents (principalement américains), Sierra On-Line aura tenté à plusieurs reprises sa chance sur le marché japonais – ce qui était d’autant plus facile sur la gamme PC-98 de NEC que les ordinateurs concernés tournaient sous MS-DOS. Dans l’absolu, c’est d’ailleurs à une sorte de version PC « étendue » que l’on a affaire ici ; « étendue » car elle dispose d’options graphiques (possibilité de jouer en huit couleurs au lieu de seize) et sonores (reconnaissance de la plupart des cartes sons compatibles) propres aux machines concernées. Dans les conditions optimales, on se retrouve donc… eh bien, avec le clone de la version PC EGA avec une Roland MT-32, au petit détail près – mais qui risque de faire une grosse différence – que le titre est désormais intégralement en japonais. Yep, même les instructions à la ligne de commande ! Autant dire que sauf à être un joueur japonais disposant de l’équipement (et du clavier) approprié, cette version sera à réserver aux collectionneurs, mais pour le reste, pas de problème, c’est exactement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme tous les autres portages du jeu, Quest for Glory sur PC-98 n’est pas grand chose de plus qu’une retranscription parfaite de la version DOS originale – mais intégralement traduite en japonais, ce qui la réserve de fait aux joueurs étant plus à l’aise avec cette langue qu’avec l’anglais. Quant à la question de la vitesse, elle sera ici tranchée par la puissance du processeur.

Le remake : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Version non testée : Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Au tout début des années 1990, Sierra aura commencé à entreprendre une série de remakes commerciaux de ses plus grands titres. Toutes les principales sagas de la firme – King’s Quest, Space Quest, Leisure Suit Larry, Police Quest et donc Quest for Glory – auront eu droit à leur coup de polish qui permettait de mesurer à quel point le hardware du PC avait progressé en seulement quelques années. Au menu : refonte graphique, refonte sonore, mais aussi et surtout refonte de l’interface ; dès 1991, les remakes auront commencé à bénéficier de toutes les améliorations introduites dans King’s Quest V, et la modification était suffisamment drastique pour inviter bien des joueurs à repasser à la caisse afin de redécouvrir des jeux qu’ils avaient aimés dans une version « nouvelle génération » qui représentait vraiment un gain impressionnant tant en réalisation que de confort de jeu. Quoi qu’il en soit, cette frénésie de remake se sera rapidement interrompue, probablement parce qu’il n’y avait pas assez de joueurs désireux de racheter des jeux qu’ils avaient acquis parfois quelques mois plus tôt – ni assez de nouveaux venus décidés à redécouvrir les origines d’une saga – pour justifier les coûts de production. Quest for Glory aura d’ailleurs constitué le tout dernier de ces remakes – ce qui n’empêche pas ces versions remaniées de figurer aujourd’hui dans toutes les compilations mises en vente, tant elles ont indéniablement mieux vieilli, aux yeux des néophytes, que les versions qui les avaient précédées.

Version PC (DOS)

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA (640×200), MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, Game Blaster (CMS), General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine deux ans et demi séparent Quest for Glory de son remake – indice ô combien parlant de la rapidité délirante à laquelle avait avancé la technologie dans le laps de temps. Pour le joueur, la première évidence se fera sur le plan graphique : désormais en 256 couleurs, les graphismes ont été intégralement refaits à partir d’aquarelles scannées pour les décors, avec des portraits animées qui s’affichent lors des discussions, un système de combat désormais présenté dans une vue isométrique et des monstres parfois modélisés à partir de créatures en pâte à modeler animées en stop motion.

Rien à dire : il y a des petits détails dans tous les sens, et même si on pourra parfois trouver certains décors un peu vide, le bond qualitatif est indéniable. Du côté du son, le progrès est moins évident tout simplement parce que le titre original tirait déjà parti de la Roland MT-32, mais on pourra désormais bénéficier de toute une sélection de cartes et de la gestion du standard General MIDI. Pas de problème : ça a de la gueule. L’avancée la plus impressionnante n’est peut-être pas à aller chercher du côté de la réalisation, malgré tout ; l’interface, désormais à base d’icônes, a été revue pour être intégralement jouable à la souris, et ça fait une énorme différence. Plus besoin de s’échiner à entrer des ordres au clavier, ce qui est déjà une bonne chose, mais l’autre bonne nouvelle est que les sujets de conversation apparaissent désormais sous forme de liste, vous interdisant ainsi d’en manquer un, ce qui simplifie drastiquement la phase d’enquête.

Les combats ont également été rééquilibrés pour être à la fois un peu plus faciles et pour davantage reposer sur l’habileté. Désormais, quelle que soit la vitesse de votre processeur, parer et esquiver restera une possibilité pertinente, d’autant plus que l’interface, parfaitement jouable à la souris, l’est toujours au clavier. Le déroulement du jeu en lui-même n’a pas changé, même si certains éléments ont été mis en avant (difficile, par exemple, de rater l’oiseau dans son nid en arrivant sur l’écran de la hutte de la guérisseuse, dorénavant), et seuls certains easter eggs faisant référence à d’autres jeux Sierra ont été modifiés pour être remis au goût du jour – du travail de pro, on vous dit ! Le résultat est que le jeu exige une courbe d’apprentissage un tout petit peu moins raide pour être approché, et qu’un néophyte devrait assez rapidement trouver ses marques – à condition de parler anglais, naturellement. Un très bon moyen de découvrir le titre aujourd’hui, surtout si vous êtes allergique à la ligne de commande.

NOTE FINALE : 16/20

Il s’en était passé, des choses, en deux ans et demi ! Totalement dépoussiéré, avec des graphismes en 256 couleurs, des combats plus équilibrés et surtout une interface intégralement à la souris, Quest for Glory fait peau neuve et se laisse découvrir encore plus facilement qu’avec la version de 1989. Pour ceux qui se demanderaient par où commencer, difficile de se tromper avec cet excellent remake.

Eamon

Développeur : Donald Brown
Éditeur : Aucun (domaine public)
Titres alternatifs : The Wonderful World of Eamon (titre alternatif), Le monde merveilleux d’Eamon (traduction française)
Testé sur : Apple IIAtari STPC (DOS)Atari 8 bits
Disponible sur : Macintosh, Wii, Windows

Version Apple II

L’une des formidables forces des années 70, période pionnière s’il en est pour le jeu vidéo, c’est précisément eu d’avoir à défricher le terrain sans composer avec des notions établies.

Loin des cases formées par des genres qui n’existaient d’ailleurs pas encore, la seule limite des créateurs en herbe – en-dehors de leurs aptitudes en programmation, cela va de soi – était l’imagination ; curieusement, on ne se sera jamais aussi peu posé la question « est-ce réalisable ? » qu’à l’époque où elle était la plus pertinente. Donald Brown, étudiant ordinaire de l’université Drake de Des Moines (dont il n’aura vraisemblablement même pas été diplômé), ne se la sera visiblement pas vraiment posée au moment de rejoindre le club d’informatique du Computer Emporium de la ville, où il aura pu cultiver sa passion naissante pour l’Apple II d’un côté et pour le jeu de rôle de l’autre. En développant Eamon, il ne se sera pas demandé s’il était en train de créer une aventure textuelle, un jeu de rôle ou un éditeur de scénarios en BASIC : il aura tout simplement créé les trois en même temps. Et afin de rester cohérent avec le concept encore visionnaire en 1979 du programme de création de contenu, il aura immédiatement insisté pour que celui-ci soit et reste distribué gratuitement. La conséquence ? Loin de rester cantonné à une curiosité locale, le titre se sera répandu comme la poudre et aura engendré à sa suite près de 300 scénarios développés par et pour lui – et le mieux, c’est que ça continue. Eamon, c’est un freeware de création d’aventures qui fête cette année ses quarante-cinq ans. Pas mal, non ?

À la base, le logiciel est un regroupement de programmes disparates remplissant chacun une fonction, établissant ainsi les bases des futures interfaces du genre. Le jeu s’ouvre d’ailleurs sur la présentation d’un hall virtuel de la « guilde des aventuriers libres » où le joueur se voit à la fois introduit prosaïquement à l’univers – encore relativement neutre, et pour cause, ce hall servira de « hub » entre les aventures – tout en se voyant poser une question simple : choisira-t-il de s’inscrire ou d’aller rejoindre les clients en train de se saouler à la bière ?

Signe d’un cadre qui laissera fatalement moins de choix qu’il ne veut bien le laisser apparaître, les petits malins optant pour la deuxième option se verront immédiatement récompensés par une épée en travers du corps et par la fin de la partie. Les autres seront invités à créer un personnage en lui donnant un nom et un sexe, avant de se voir tirer aléatoirement des caractéristiques qui seront à prendre et pas à laisser : fidèle à la philosophie « donjons-&-dragonesque » encore en cours à l’époque, il n’est pas possible de retirer ou de modifier les trois statistiques – la robustesse, l’agilité et le charisme – même si l’on n’en est pas satisfait ; la seule possibilité sera de créer un autre personnage avec un autre nom, ou d’envoyer le premier au combat avec ses forces et ses faiblesses. Parmi les nombreuses applications n’ayant pas tardé à entourer le programme, l’une des premières aura d’ailleurs ajouté la possibilité de « suicider » son joueur – solution plus rapide que de l’envoyer se faire massacrer dans un scénario où il aurait de toute façon été irrémédiablement effacé à la seconde précise de sa mort. Hé, ça ne rigolait pas, la fin des années 70…

Une fois le personnage créé, il se verra ouvrir l’accès à plusieurs services, à commencer par un marchand pour acheter de l’équipement, un magicien pour apprendre un ou plusieurs des quatre sortilèges du jeu : explosion, soin, vitesse – qui correspondent exactement à leur nom – et « puissance », un sort passe-partout dont la fonction exacte sera en fait laissée à la discrétion du créateur du scénario, ou encore la banque qui permettra de stocker de l’or entre les aventures – au hasard, pour investir dans les sorts et l’équipement susnommés. L’occasion de constater que l’interface, intégralement textuelle comme on peut s’en douter, a l’intelligence de prendre le temps de décrire tous les mécanismes en même temps qu’elle vous les fait découvrir. Le résultat est d’autant plus ergonomique qu’une fois n’importe quelle aventure lancée, une commande incomprise par le programme provoquera immédiatement l’apparition de la liste exhaustive des ordres qu’il est capable de gérer.

Un moyen de juger très clairement et sans poudre aux yeux des possibilités réelles du moteur – contrairement au fameux « interpréteur syntaxique » des aventures textuelles, qui laissait l’illusion de la liberté pour mieux masquer ses colossales limites – lesquelles correspondent aux instructions les plus basiques nécessaire à l’exploration d’un donjon, à la collecte d’objets et au combat contre les PNJs qui auront de grande chances d’être hostiles, puisqu’il n’y a pas d’interface de dialogue à proprement parler si le scénario n’en créé pas une par ses propres moyens. L’aventure d’initiation disponible sur la disquette de base du jeu, nommée « grotte du débutant », donnera d’ailleurs assez vite le « la » en correspondant à une suite de salles et de couloirs dans lequel le joueur pourra affronter des monstres, rencontrer des personnages qui pourront l’affronter ou au contraire choisir de le suivre en fonction de son charisme, trouver des armes, des trésors et des potions… et provoquer des morts rageantes, précisément à cause des limites évidentes du moteur. Imaginons que vous trouviez un livre mystérieux et de toute évidence magique : pas question ici de lancer un sortilège de détection de pièges, ou même de trouver un quelconque moyen d’évaluer sa nature ; le joueur n’aura que le choix de le lire et d’en assumer les conséquences ou bien de le laisser derrière lui en se demandant éternellement ce que l’ouvrage pouvait bien contenir. Et naturellement, s’il le lit, cela signera immédiatement la fin de son aventure (et de son personnage) en le transformant en poisson rouge… La vieille école, quoi.

Ceci dit, la meilleure surprise reste l’évidence et l’immédiateté de la prise en main – à condition de savoir lire l’anglais, naturellement. Contrairement à ce qui allait se passer avec bien des successeurs ambitieux demandant de maîtriser une interface aussi lourde qu’opaque imposant la présence d’une carte de référence à portée de main pour espérer accomplir quoi-que-ce-soit, le titre se laisse maîtriser en une poignée de secondes – et pour cause, pas besoin ici d’expérimenter pour découvrir les possibilités d’action – et il est toujours fascinant de constater à quel point une description d’une ligne suffit à installer toute l’ambiance nécessaire pour se croire dans un donjon… ou ailleurs.

L’autre grande force du jeu est ainsi de n’imposer aucun univers, le quatrième scénario créé pour lui – et par Donald Brown lui-même – s’intitulant par exemple, de façon assez parlante, « Death Star ». Ai-je vraiment besoin de préciser à quelle licence il fait référence et dans quel cadre il se déroule ? Car évidemment, la cerise sur le gâteau, c’est l’immense contenu développé par les joueurs, comme on l’a vu : de nombreuses aventures n’ont aucun frein dans leur ambition et n’hésitent pas à placer le joueur à la tête d’armées entières ou dans des univers beaucoup plus dépaysants que les resucées de Donjons & Dragons. En dépit des contraintes (on n’est jamais loin d’une sorte de Rogue textuel), on peut très rapidement se prendre au jeu et se surprendre à y passer bien plus de temps que ce qu’on avait anticipé. Et vu le temps nécessaire pour faire le tour du contenu, surtout en se souvenant que le programme est gratuit, il y a indéniablement quelques heures à tuer sur Eamon – et peut-être beaucoup plus si affinités.

Et en français, c’est possible ?

Comme on peut s’en douter, Eamon étant resté gratuit toute son existence, il n’aura jamais bénéficié d’une distribution commerciale – ce qui signifie qu’il n’y a bien évidemment pas de version française « officielle », laquelle aurait de toute façon exigé de traduire un-à-un tous les scénarios écrits par les joueurs au fur-et-à-mesure de leur création. Néanmoins, dès 1985, J.M. Menassanch aura écrit un scénario intitulé « Le HLM maudit » dont l’intérêt n’est pas simplement de proposer une réinterprétation en français de la grotte du débutant du jeu original, mais aussi et surtout de traduire également tout le contenu de la disquette maître, à savoir le hall principal et les utilitaires dédiés. Pour ne rien gâcher, l’aventure qui donne son nom au scénario est sensiblement plus originale que le donjon d’entrainement de base, proposant comme son nom l’indique d’aller affronter des concierges et des gardiens dans un immeuble de banlieue ! Le scénario porte le numéro 255, et il est – comme tous les autres – toujours disponible aujourd’hui, et vous pourrez facilement le trouver à cette adresse. Un bon moyen de s’initier en douceur.

Vidéo – Écran-titre et dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20

Un jeu d'aventure textuel ? Un jeu de rôles à la Donjons & Dragons ? Un éditeur de scénarios en BASIC ? Eamon est tout cela, et l'était de façon totalement gratuite dès 1979. Désormais fort de près de 300 aventures réalisées par les joueurs, dont certaines en français, le titre surprend par son ergonomie, par la variété de ses univers et par l'ambition de certains de ses scénarios. Certes, les mécanismes sont basiques, les possibilités souvent un peu trop restreintes et la réalisation limitée à du texte – mais bon sang, c'est fou ce que ça peut être efficace lorsque c'est bien fait. La plupart des jeux de rôles modernes ont beau faire mieux dans tous les domaines – scénario, exploration, profondeur, mécanismes, réalisation, interface – il y a quelque chose de rafraichissant dans la simplicité du concept et quelque chose de grisant dans le pouvoir de l'imagination. Puisque c'est de toute façon gratuit, pourquoi ne pas lui laisser sa chance ?

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des mécanismes jeu de rôles réduits à leur plus simple expression
– Un aspect aventure qui ne va pas beaucoup plus loin que de visiter des pièces et de ramasser des objets...
– ...et qui se révèle souvent frustrant lorsqu'il tente d'offrir autre chose
– Un contenu énorme, mais réservé dans son écrasante majorité aux anglophones

Version Atari ST

Jugeant qu’il aurait été dommage qu’un outil aussi prometteur qu’Eamon reste cantonné sur Apple II (qui reste pourtant, et de très loin, la plateforme privilégiée pour découvrir le titre à l’heure actuelle), un certain Michael Detlefsen aura entrepris de le convertir sur Atari ST entre 1986 et 1987. Cette version – tout aussi gratuite que l’originale – tire parti, pour l’occasion, du mode haute résolution de la machine, ainsi que de la souris pour accéder rapidement à une parti de l’interface de lancement (la souris ne servant plus à rien une fois une aventure lancée). Comme on peu s’en douter, l’avantage de cette version est de profiter d’un certain confort de lecture et d’utilisation, mais son immense inconvénient est de ne pas pouvoir profiter des quelques 250 scénarios développés sur Apple II. Ceci dit, la disquette ne contient pas uniquement la grotte du débutant, mais aussi les quatre premiers scénarios développés sur Apple II (dont le Death Star de Donald brown). Au moins deux autres aventures originales auront été créées depuis lors, mais Detlefsen lui-même aura rapidement abandonné Eamon au profit d’Adventure Game Toolkit. On notera au passage quelques corrections bienvenues dans cette version, comme le fait qu’il soit possible de retirer les caractéristiques de son personnage sans passer par un outil de « suicide ».

NOTE FINALE : 12,5/20

Eamon n’aura pas eu, sur Atari ST, la même carrière que sur Apple II, mais cela n’empêchera pas le joueur curieux de pouvoir découvrir les quatre premiers scénarios du jeu, en plus de la grotte du débutant, dans une version plus lisible et plus ergonomique. néanmoins, ceux qui mordront réellement au concept continueront certainement leur exploration sur la machine d’Apple.

Version PC (DOS)
Eamon Deluxe

Le PC semblait être l’autre plateforme toute désignée pour accueillir Eamon. Cela est d’ailleurs tellement vrai qu’on peut encore l’y trouver aujourd’hui, dans une version gratuite – comme toutes les autres – et distribuée avec DOSBox, ce qui lui permet d’ailleurs au passage d’être aisément convertible vers d’autres systèmes. Le jeu n’a certes plus été mis à jour depuis mai 2014, mais sachant qu’il fêtait alors ses trente-cinq ans, cela correspond déjà à une très belle carrière ! Comme son nom d’Eamon Deluxe l’indique, cette version inclut quelques nouveautés servant principalement à dépoussiérer l’interface : un éditeur de personnage dédié, par exemple, avant même de lancer le programme en lui-même, ou même la possibilité d’afficher le hall principal sous la forme d’une interface graphique rappelant furieusement celle des Ultima de la grande époque !

À ceux qui pesteraient que cela reviendrait à trahir la nature même de l’expérience, pas de panique : il est possible de revenir à l’interface originale d’une simple pression sur la touche X. On remarquera aussi que le texte en lui-même bénéficie d’une sorte de code couleur pendant les aventures, histoire de clarifier au maximum la situation – après tout, pourquoi pas ! La meilleure nouvelle, cependant, est à chercher du côté du contenu : cette version est livrée avec pratiquement tous les scénarios connus regroupés en packs, soit plus de 260 aventures au total. A priori, beaucoup n’ayant pas été mis à jour pour profiter des dernières évolutions du jeu, il faudra parfois mettre la main dans le cambouis pour les lancer, mais vous trouverez de toute façon les instructions nécessaires sur le wiki du jeu ainsi que dans le manuel disponible sur la page principale. On a même droit à un mode dédié pour lancer le jeu sur une liseuse ou avec des options graphiques mises à jour pour les malvoyants. Dans tous les cas, voici au moins un autre très bon moyen de profiter de l’expérience dans d’excellentes conditions, et pour pas un rond. Pourquoi se priver ?

NOTE FINALE : 13,5/20

Si vous souhaitez découvrir l’expérience d’Eamon sur un système moderne – et avec quelques minimes options de dépoussiérage n’ôtant au jeu rien de son charme à l’ancienne – cette itération Deluxe désormais arrivée à terme avec sa version 5.0 peut constituer une excellente porte d’entrée, notamment grâce au contenu gigantesque qu’elle propose. Sachant que ça ne coûte de toute façon rien, pourquoi ne pas lui laisser une chance ?

Version Atari 8 bits

Autre étape de l’infatigable Eamon : l’Atari 8 bits, cette fois sous l’impulsion de Daniel Noguerol. On sent bien, une fois de plus, l’initiative d’un passionné : la gamme 8 bits d’Atari n’était plus exactement dans le vent en 1989, tandis qu’elle s’apprêtait à fêter ses dix ans, et la conséquence en est que seuls deux scénarios en plus de la grotte des débutants ont été retranscrits sur la machine : le Death Star évoqué plus haut et The Lair of the Minotaur – le pire étant que ce dernier, visiblement bugué, plante au lancement ! Comme on peut s’en douter, la communauté déjà très clairsemée de la machine n’a pas franchement suivi, et le titre reste aujourd’hui comme une curiosité qu’on préfèrera découvrir sur Apple II ou sur PC.

NOTE FINALE : 11/20

Bel effort, mais faute de contenu, Eamon sur Atari 8 bits restera une curiosité réservée à une niche très ciblée de nostalgiques. Sauf à chercher un programme gratuit pour son Atari 800, il n’y a objectivement aucune raison de découvrir le jeu sur cette plateforme.

Battle Tycoon

Développeur : Right Stuff Corp.
Éditeur : Right Stuff Corp.
Titre original : バトルタイクーン (graphie japonaise)
Titre alternatif : バトルタイクーン : Flash Hiders SFX (écran-titre)
Testé sur : Super Famicom

La série Flash Hiders :

  1. Flash Hiders (1993)
  2. Battle Tycoon (1995)

Version Super Famicom

Date de sortie : 19 mai 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais (menus) / japonais (narration)
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version 1.1 japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le bon côté, quand on cherche à investir dans un marché très porteur, c’est que cela permet de se servir sur un très gros gâteau. Le mauvais côté, c’est que qui dit « marché porteur » dit également que le gâteau en question sera coupé en de très, très nombreuses parts, et que mieux vaudra savoir rendre la sienne particulièrement appétissante pour espérer la faire avaler à quelqu’un.

C’est ainsi que de nombreux jeux de combat plus ou moins méritants auront eu un mal fou à apparaître sur les radars – ou simplement à sortir du Japon – faute d’avoir le truc en plus – ou simplement la promo – pour avoir une chance d’exister entre les Street Fighter II, les Mortal Kombat et la moitié du catalogue de la Neo Geo qui squattaient également les salles d’arcade. Pourtant, parmi les grands oubliés perdus dans la masse figuraient de nombreux titres de qualité qui auraient objectivement mérité un meilleur sort, et Flash Hiders pouvait se vanter d’avoir introduit quelques idées suffisamment intéressantes pour justifier une suite en même temps qu’une deuxième chance. Quitte à viser plus haut, autant commencer par viser plus large, et c’est donc sur Super Famicom (console en pleine bourre, surtout au Japon, en 1995) que ce deuxième opus nommé Battle Tycoon aura pris son essor. Un pari qui n’aura donc une nouvelle fois pas tenté sa chance en occident, mais la question sous-jacente qui va servir de fil conducteur à cet article sera la suivante : aurait-il dû ?

Passons rapidement sur le scénario, de toute façon largement inaccessible à l’heure où n’existe aucun patch de traduction : quelques mois après avoir démantelé un groupe criminel fourni directement avec son plan de conquête du monde, le héros du premier opus (poétiquement nommé « Bang ») apprend qu’une nouvelle édition du tournoi que finançait le groupe criminel susnommé va à nouveau avoir lieu. N’écoutant que son courage, et le cahier des charges, il se met donc en tête d’y participer à nouveau… avec peu ou prou le même casting que pour le premier épisode (à quelques nuances près), accompagné des mêmes possibilités.

Autant le dire, on est à nouveau face à une suite qui sent fort l’édition spéciale 1.1 du premier opus, mais le titre a fort heureusement la bonne idée d’en profiter pour revoir un peu sa copie et corriger certaines des lacunes de son prédécesseur. Quitte à procéder, pour l’occasion, à quelques sacrifices puisque tout l’aspect cinématique de Flash Hiders n’est plus de mise ici, support cartouche oblige. Il faudra donc tirer un trait sur la mise en scène et sur l’histoire et ses multiples rebondissements… ou du moins, se contenter d’une version « light », puisque les événements sont désormais narrés par de simples dialogues servis par les personnages avec des portraits très expressifs aux expressions variées, c’est déjà ça.

Le mode « scénario » étant donc passé à la trappe, c’est désormais le mode « avancé » qui sert de mode principal au jeu. La bonne nouvelle, c’est que celui-ci a été repensé, permettant toujours d’incarner les neuf personnages du roster, mais prenant désormais place dans une ville où l’idée sera de remporter le fameux tournoi tout en profitant des divers services locaux.

Car chaque combat gagné permet de remporter à la fois de l’expérience et de l’or, autorisant ainsi à améliorer les caractéristiques de votre héros – qui peuvent toujours être « rééquilibrées » avant chaque affrontement – mais aussi à lui acheter du matériel, augmentant ainsi ses dégâts, sa défense, sa vitesse ou même l’éventail de ses coups spéciaux. Des combats de rue organisés hors de l’arène autorisent même à une certaine dose de grinding avant d’aller se frotter au prochain concurrent, mais le tournoi ne s’étend que sur neuf jours, il ne sera donc pas possible d’aller rouler sur tout le monde avec son personnage niveau 50 patiemment monté à la sueur de son front. Néanmoins, un autre service pourra vous permettre d’accélérer la montée en puissance de votre incarnation : des paris sur les combats adverses, qui pourront vous rapporter de grosses sommes – à condition de miser sur l’outsider et de croiser les doigts. Et le mieux ? C’est qu’il est tout à fait possible de sauvegarder plusieurs personnages… et d’aller ensuite les utiliser – ou les affronter – dans le mode « versus » !

À ce niveau-là, Battle Tycoon ne pousse peut-être pas le concept assez loin (difficile, une nouvelle fois, de ne pas penser à One Must Fall 2097 qui avait eu la bonne idée de vraiment creuser l’idée à fond), mais il offre néanmoins tout ce qu’il faut de technicité et d’accessibilité pour que chacun puisse y trouver son compte.

Ce n’est sans doute pas un concurrent direct pour les bijoux de type King of Fighters, mais c’est précisément dans son aspect « expérience sur mesure » que le titre se révèle le plus intéressant, avec de nombreuses options de difficulté et l’opportunité de se faire un personnage aux petits oignons tout en distribuant ses points en fonction de notre façon de jouer en font réellement un excellent candidat pour découvrir le genre – à condition de passer dix minutes à dompter l’interface intégralement en japonais, mais cela n’a sincèrement rien d’insurmontable (et des descriptions complètes sont disponibles sur des sites à la GameFAQs pour ceux qui n’auraient pas Google Lens sous la main pour traduire à la volée). Bref, un titre qui aurait pu tirer son épingle du jeu sur Super Famicom derrière l’intouchable Street Fighter II Turbo et qui mérite clairement sa chance pour ceux qui voudraient essayer quelque chose de subtilement différent tout en bénéficiant du confort d’une jouabilité familière. En revanche, les joueurs ayant déjà écumé Flash Hiders risquent de trouver que les rares nouveautés ne valent vraiment pas l’investissement, et ils n’auront pas fondamentalement tort.