Final Fantasy IX

Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Square Co., Ltd. (Japon) – Square Electronic Arts L.L.C. (Amérique du Nord) – Square Europe, Ltd. (Europe)
Titres alternatifs : Finalnaja Fantazija 9 (Russie), Zuizhong Huanxiang 9 (Chine)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation Now, PSP, PS Vita, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox One, Xbox Series
En vente sur : Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Steam.com (Windows), Square-Enix Boutique (Windows), Xbox.com (Windows, Xbox One, Xbox Series)

La saga Final Fantasy (jusqu’à 2000) :

  1. Final Fantasy (1987)
  2. Final Fantasy II (1988)
  3. Final Fantasy III (1990)
  4. Final Fantasy IV (1991)
  5. Mystic Quest Legend (1992)
  6. Final Fantasy V (1992)
  7. Final Fantasy VI (1994)
  8. Final Fantasy VII (1997)
  9. Final Fantasy Tactics (1997)
  10. Final Fantasy VIII (1999)
  11. Final Fantasy IX (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 7 juillet 2000 (Japon) – 14 novembre 2000 (Amérique du Nord) – 16 février 2001 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (pendant les combats uniquement)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : DualShock, Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

L’arrivée de la – déjà longue – série des Final Fantasy sur la génération 32 bits n’aura pas seulement correspondu à la fin de la collaboration, jusqu’ici immaculée, qui liait la licence et Square à Nintendo ; elle aura correspondu à un spectaculaire changement de statut. Pratiquement du jour au lendemain, la saga dont à peine une poignée d’épisodes avait atteint les États-Unis – et aucun l’Europe – se sera tout-à-coup transformée à la fois en succès planétaire et en fer-de-lance de l’intérêt nouveau que les occidentaux semblaient soudain porter au genre du J-RPG, auquel ils avaient jusque là été hermétiques.

En fait, l’ascension de la popularité de la série aura été si rapide que quelques années à peine après la sortie de Final Fantasy VII – le déclencheur du succès planétaire – on commençait déjà à trouver des vieux briscards un peu partout sur le globe pour se lamenter d’avoir vu la licence « s’égarer » de s’être éloignée de ses racines avec un Final Fantasy VIII qui démarrait en bluette pour adolescents avant de finir en récit de science-fiction à rebondissements tout en remettant dangereusement en cause certains des fondamentaux du système de combat.

Une ouverture au grand public à qui l’on reproche d’avoir ratissé un peu trop large, et d’avoir au final mécontenté tout le monde : un grand classique en la matière, mais qui n’en enfanta pas moins une réflexion de la part des développeurs pour se demander si un bon vieux retour aux sources ne pourrait pas avoir quelque chose de salutaire, histoire de rassembler tout le monde autour de ce qui avait fait la force de la série dès ses débuts : un monde plus magique, une intrigue plus simple, un groupe revenant aux classes originales, et juste les bonnes idées aux bons endroits pour réenchanter le tout. La pression était d’autant plus colossale que Final Fantasy IX s’annonçait comme le dernier chapitre de la génération qui avait propulsé la saga à un autre niveau, un ultime adieu avant ce qui devrait être un nouveau départ sur PlayStation 2, une sorte de jalon qui devrait à la fois réconcilier tout le monde et marquer durablement les esprits. Pari gagné : le titre est encore régulièrement cité aujourd’hui, près de vingt-cinq ans après sa sortie, comme un des opus préférés des joueurs.

Tout commence comme un rêve… ou plutôt par un rêve. Un frêle esquif ballotté sur des flots déchaînés, une tempête qui fait rage, à peine le temps d’apercevoir le visage d’enfant d’une petite fille, et l’instant d’après, retour au réel : Alexandrie, ville médiévale majestueuse dans le palais de laquelle se trouve l’enfant entraperçue et devenue la princesse Grenat, désormais âgée de seize ans.

Au-dessus des rues grouillantes d’animation – un grand événement est sur le point de prendre place – plane une improbable machine volante digne de Miyazaki ; à son bord se trouve un groupe de voleurs dont la mission est placée d’emblée : enlever la princesse. Au niveau du sol, un (très) jeune magicien noir vient découvrir la ville à l’occasion du grand événement en question : une pièce de théâtre intitulée « Je veux être ton oisillon », pour laquelle il a obtenu un billet… qui se révèle être faux. Plus loin, dans les loges royales, alors que la princesse ne semble guère avoir la tête aux festivités, le chef de la garde veille : jusqu’au bout, il sera prêt à donner sa vie pour respecter sa mission et protéger la famille royale. Tous les éléments sont en place pour une pièce en trois actes qui, on s’en doute, va largement déborder ce cadre initial et signer le départ d’une aventure longue d’une trentaine d’heures en ligne droite, au sein de laquelle ne tardera pas à émerger un antagoniste appelé Kuja au milieu d’un univers empruntant beaucoup de choses aux précédents opus (en particulier le premier, le IV et le V) dans une sorte de grande citation… à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage ?

Quoi qu’il en soit, le jeu prend le parti de nous faire incarner successivement les principaux personnages jouables un à un, le temps de placer l’intrigue, de découvrir le cadre et de matérialiser les enjeux. Un très bon moyen d’installer l’univers et de découvrir le véritable héros, un jeune garçon avec une queue de singe nommé San Gok…errr, Djidane, et si ce nom vous évoque étrangement un coup de boule dans le plexus en finale de coupe du monde, dites-vous bien que ça n’aurait été que plus vrai avec son nom japonais : Zidane… Engagé dans rien de moins qu’un kidnapping royal au début de l’aventure, on ne met néanmoins pas très longtemps à réaliser que la tonalité générale est plutôt légère, pour ne pas dire enfantine, à l’image des personnages affichant régulièrement des traits poupins et des corps infantiles.

Même si l’histoire va rapidement aborder des thématiques assez sérieuses, la guerre et la mort en tête, il ne faut pas s’attendre ici à de la Dark Fantasy à la Final Fantasy Tactics ; Final Fantasy IX s’assume comme un royaume de conte de fées où les passages les plus sombres ne véhiculent rien de plus traumatisant qu’une certaine mélancolie. Sans être bêtement idyllique, l’univers du jeu ne se départit pratiquement jamais d’un élément qui concourt indéniablement à son charme : le merveilleux, parfaitement retranscrit pour l’occasion par une réalisation qui a excellemment vieilli dès l’instant où on n’est pas choqué par les gros pixels. Dès les premières secondes, le récit croule, comme son prédécesseur, sous les cinématiques de haute volée – qui reviendront très régulièrement au fil des quatre CD du jeu – et dévoile ses rues, ses forêts, ses marécages et ses donjons via des centaines sinon des milliers d’écrans représentant autant d’illustrations absolument sublimes. À Alexandrie comme à Lindblum, on se surprend à faire du tourisme pour apprécier le plus infime détail d’un monde qui a rarement été aussi tangible et aussi chargé de magie ; le monde du jeu est un endroit dont l’on se dit parfois bêtement que l’on aimerait bien rester y vivre tant, même dans ses moments les plus tragiques, il dégage souvent cette sensation d’être chaleureux et accueillant. Et comment ne pas évoquer les sublimes thèmes musicaux de Nobuo Uematsu, qui nous prennent aux tripes dès les premiers instants et nous transportent si loin qu’on en oublie parfois de revenir ? Final Fantasy IX est superbe, mais en dépit de son cadre de conte de fées a priori assez générique, il parvient surtout à dégager une personnalité que peuvent lui envier bien des épisodes plus tardifs ayant cherché à être originaux – et ayant misérablement échoué.

Le système de jeu a également le bon goût de ne pas reproduire la plupart des errances de Final Fantasy VIII, qui à force de tenter trop de choses avait fini par se rater sur une partie de son game design. Ici, on est finalement très proche des mécanismes de Final Fantasy VII (il y a même un équivalent des Limit Break, appelé « Transe », qui permet ici de débloquer des attaques plus puissantes pendant un temps donné ), avec une nuance assez bien vue : toutes les compétences, actives comme passives, s’apprennent désormais… via l’équipement. Armes, armures, accessoires ; chaque objet ouvre ici l’accès à une panoplie de talents qu’un personnage pourra apprendre définitivement après avoir gagné un certain nombre de points de compétences gagnés via les combats, exactement comme les points d’expérience, et qu’il pourra ensuite choisir d’activer ou de désactiver à sa convenance en respectant un plafond de points attribuables qui ira en augmentant au fil de ses montées de niveau.

Un système très malin qui fait qu’un équipement n’est jamais totalement « obsolète » tant qu’il peut encore enseigner quelque chose à quelqu’un, et qui permet également d’adapter assez facilement son équipe aux spécificités d’un combat particulièrement ardu : cette attaque « toxique » qui vous avait fait tant de dégâts sera certainement moins problématique en activant la compétence qui immunise aux dégâts de poison, et mieux vaudra prendre le temps de ne pas laisser passer les pièces d’équipement les plus rares pour ne pas laisser filer les magies et les Chimères (les invocations du jeu) les plus puissantes. Les combats en eux-mêmes reprennent exactement les mécanismes devenus canoniques de la série, avec la jauge ATB, les effets d’état et l’importance des éléments (on peut détruire un mort-vivant en le soignant), avec toujours la même efficacité, et c’est tant mieux ; à ce niveau-là, le tir a été très bien corrigé. On hérite même d’une variation du Tetra Master, le jeu de cartes du précédent opus, pour obtenir une sorte de « jeu dans le jeu » sans que cela ait une quelconque influence sur le reste.

Devant cette avalanche de louanges, on ne peut que se demander si on ne tiendrait pas un des meilleurs J-RPG de tous les temps – et on n’en est de fait sans doute pas loin, ne fut-ce que grâce à la qualité et à l’ambition de la réalisation évoquée plus haut, au service de mécanismes certes classiques, mais parfaitement satisfaisants sous cette forme. Un tableau idyllique qui n’en comporte pas moins quelques zones un peu plus polémiques, à commencer par un scénario qui met énormément de temps à décoller… pour aboutir à un dernier acte confus où, à force de retournements et d’explications verbeuses et pas franchement limpides, on finit par ne plus trop comprendre les motivations profondes des « méchants » en-dehors de l’éternel rengaine du « Kuja = vraiment vilain même si quelque part il a une douleur secrète ».

Surtout, ce scénario en mèche longue tend à entretenir un problème plus profond sans doute lié en grande partie à la débauche technique étalée par le titre : son rythme. Pour dire les choses simplement, Final Fantasy IX est un jeu lent, à tous les niveaux. Dans son histoire, comme on l’a vu, mais aussi dans sa simple structure : à force d’aligner de longues phases de visite/exploration à parcourir des dizaines d’écrans peuplés de personnages très bavards ayant très rarement quelque chose de réellement intéressant à dire et de les alterner avec de longues phases de successions de combats, le logiciel côtoie par séquences le fastidieux, au hasard lors des débuts des premier et troisième CD où on a parfois le sentiment que certains passages s’éternisent pour pas grand chose. Un sentiment encore renforcé par l’ajout d’ « Active Time Events », des saynètes (heureusement optionnelles) qui cassent encore davantage le rythme en ne racontant jamais rien de très passionnant, elles non plus, ou par le temps infini que mettent les combats à démarrer en tentant de camoufler les temps de chargement derrière une mise en scène forcée. À force de mettre des petites animations partout, on finit par s’agacer de voir un Mog mettre deux secondes à faire une pirouette avant de nous laisser sauvegarder, et on regrettera qu’il soit toujours impossible d’interrompre une cinématique, surtout lorsque celle-ci intervient avant un combat difficile et que cela fait par conséquent quinze fois qu’on la voit – une erreur de game design qui aurait dû être corrigée deux épisodes plus tôt, et qui ne le serait pas avant Final Fantasy XII.

Si le programme déborde une nouvelle fois de chasses aux trésors, d’emplacements secrets à trouver grâce à des chocobos qu’il faudra encore faire progresser et de quêtes secondaires, le « end game » n’en demeure pas moins un peu décevant, faute de missions vraiment marquantes ouvrant l’accès à des équipements vraiment puissants – pas de matéria des Chevaliers de la Table Ronde ici, pas davantage que d’Armes Ultimes encore plus puissantes que le boss final à aller affronter – les boss secrets restent relativement rares, et le plus intéressant d’entre eux est carrément caché dans le dernier donjon.

On peut également perdre bêtement l’accès à beaucoup des meilleurs sortilèges du jeu simplement pour n’avoir pas été prévenu qu’une partie du matériel ne serait plus accessible au-delà de la fin du troisième CD – pensez donc à bien mener toutes vos explorations avant d’aborder le CD quatre. Autant de petites anicroches qui empêchent au logiciel de pouvoir clore de façon irrévocable le débat visant à établir l’identité du meilleur opus de la saga, qui divise encore les fans avides de sang occupés à se battre en rangs serrés entre partisans de Final Fantasy VI, de Final Fantasy VII, de Final Fantasy IX et de Final Fantasy X – ce qui est assez révélateur de l’impact de la série dans ce qui restera comme sa période la plus faste. Loin de ces querelles de clochers, reste un jeu parfois imparfait mais qui n’en est pas moins superbe, habité d’une atmosphère qui fait mouche, de cette magie que l’on a de plus en plus de mal à retrouver de nos jours dans les yeux des joueurs blasés ; un voyage tantôt poétique, tantôt mélancolique vers un monde trop vite abandonné derrière nous et auquel on se surprend à revenir, « barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé » pour citer Francis Scott Fitzgerald. C’est surement cela, au fond, la nostalgie.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Succès planétaire, conclusion de la trilogie 32 bits qui restera pour beaucoup comme le point culminant de la série, épisode opérant le grand écart entre le retour aux sources et une ambition délirante servie par des moyens démesurés – il y aurait beaucoup de choses à dire sur Final Fantasy IX, mais ce qu'il en reste un quart de siècle plus tard tient avant tout en un mot : magie. Il y a quelque chose d'à la fois beau, de léger et parfois d'étrangement mélancolique qui se dégage du titre de Square, et pas uniquement à cause de ses nombreuses passerelles avec les épisodes précédents et de la musique (sublime) de Nobuo Uematsu ; la direction artistique dans son ensemble distille un merveilleux qui fait mouche en dépeignant un univers dont chaque écran est une véritable oeuvre d'art, au point de véhiculer cent fois plus de choses qu'un scénario qui ne trouve jamais réellement son rythme de croisière. Le jeu est habité de la lenteur des adieux, de cette respiration propre aux grandes épopées qui se fixent dans les mémoires, et sans être forcément le meilleur opus d'une saga où les chefs d’œuvre sont légion, il est peut-être, avec Final Fantasy X, celui qui se « vit » le plus. Un voyage qu'on peut refaire à plusieurs étapes de sa vie en y redécouvrant quelque chose de neuf à chaque fois. Magistral.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un rythme global assez lent qui tranche avec les productions modernes...
– ...avec notamment de grosses baisses de rythme au début du premier et du troisième CD...
– ...et des cinématiques impossibles à passer, même quand on les a déjà vues cent fois
– Un scénario trop classique au départ, et qui semble ne plus trop savoir quoi raconter sur la fin

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Final Fantasy IX sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Difficile d’émettre une quelconque critique envers ce neuvième volet qui s’impose sans aucun doute comme le plus abouti de la série. Une expérience magique dont il serait vraiment dommage de se priver. »

Romendil, Jeuxvideo.com, 8 février 2001, 18/20

Dark Sun : Shattered Lands

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Dungeons & Dragons : Ultimate Fantasy (1995 – PC (DOS))
  • Three Worlds of Official Dungeons & Dragons 2nd Edition Computer Games (1995 – PC (DOS))
  • Advanced Dungeons & Dragons Masterpiece Collection (1996 – PC (DOS))
  • Dungeons & Dragons : Dark Sun Series (2015 – Linux, Mac OS, Windows)

En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La licence Dark Sun (jusqu’à 2000) :

  1. Dark Sun : Shattered Lands (1993)
  2. Dark Sun : Wake of the Ravager (1994)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sons supportées : AdLib/Gold, ARIA Chipset, General MIDI, General MPU-401 MIDI Devices, Gravis Ultrasound/ACE, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1992, l’union autrefois idyllique entre Strategic Simulations, Inc. et la licence Donjons & Dragons commençait à sérieusement battre de l’aile.

Du côté de SSI, tout d’abord, l’enthousiasme initial qui avait entouré le triomphe critique et commercial de Pool of Radiance se sera fatalement essoufflé, la faute autant à un marché saturé de « Gold Boxes » (neuf jeux en cinq ans, sans même parler des « Silver Boxes » qui les accompagnaient) qu’à une baisse notable de la qualité de ces dernières, le poids des années se faisant de plus en plus sentir sur un moteur de jeu resté prisonnier des contraintes des ordinateurs 8 bits pour lesquels il avait été conçu – et qui commençait à faire sourire face à des productions de pointe à la Ultima VII. Conséquence : les ventes auront logiquement suivi la pente déclinante de l’intérêt des joueurs, et là où Pool of Radiance s’était écoulé à plus de 260.000 exemplaires à son lancement, The Dark Queen of Krynn, la dernière des « Gold Boxes », aura à peine dépassé les 40.000 copies vendues. L’embellie passagère provoquée par le succès d’Eye of the Beholder, dernier titre de la licence à avoir franchi le cap des 100.000 ventes, n’aura pas survécu au rachat de Westwood Studios par Virgin Games, et dans l’ensemble les résultats financiers n’avaient pas de quoi faire sourire les responsables du studio américain.

Pour être honnête, du côté de TSR – détenteurs de la licence Donjons & Dragons –, l’ambiance n’était pas meilleure, et pas seulement parce que les ventes des « Gold Boxes » étaient en chute libre ou que SSI avait échoué à porter la plupart de ses jeux sur consoles. La concurrence commençait également à se faire féroce sur le marché des jeux de rôles papier, et l’émergence de concurrents plus accessibles comme Vampire : La Mascarade et bientôt celle d’un certain Magic : L’Assemblée semblait prendre de court une firme dont la seule réponse était de sortir systématiquement des tombereaux de nouveaux modules et univers exclusifs, achevant de rendre la licence encore plus opaque et encore plus impénétrable aux yeux des néophytes.

L’accord qui unissait les deux compagnies devait prendre fin au 1er janvier 1993, et le moins qu’on puisse dire, c’est que SSI jouait beaucoup plus gros que TSR au moment de chercher à obtenir la prolongation dudit accord. Au terme de tractations intenses, celui-ci se trouva finalement étendu de 18 mois, mais à une condition : plus question pour SSI de se reposer sur le moteur agonisant des « Gold Boxes » ; il allait être temps d’embrasser la modernité, et surtout de développer un jeu dont les chiffres de vente retrouve les sommets atteints par Pool of Radiance, rien de moins. Le studio américain, parfaitement conscient d’être en train de jouer sa survie, investit donc plus d’un millions de dollars dans la conception d’un nouveau moteur de jeu, lequel accoucha de ce qui aurait dû être la tête de lance de la nouvelle fournée de jeux estampillés Donjons & Dragons : Dark Sun : Shattered Lands.

Le titre du jeu trahit d’ailleurs déjà la première exigence de TSR, qui aura imposé l’usage d’un de ses nouveaux univers flambants neufs histoire de le promouvoir plutôt que de se reposer sur la licence désormais sur-employée des Royaumes Oubliés. Entre donc l’univers vaguement post-apocalyptique de Dark Sun, monde vidé de sa force vitale par des magiciens surpuissants, et qui présente une esthétique qui a le mérite d’être relativement originale, tendance « Mad Max chez les elfes et les nains ».

Comme souvent avec Donjons & Dragons, cet univers s’accompagne également d’une surcouche de règles, de races et de spécificités qui pourront décontenancer jusqu’aux habitués de la licence principale – sans même parler des néophytes, qui risquent d’être perdus pour de bon. Ainsi, la création des quatre personnages qui formeront votre équipe demande désormais de composer avec des races aussi exotiques que des demi-géants, des Muls (croisements de nains et d’humains) ou des Thri-Keens, espèce insectoïde à six pattes ne pouvant s’équiper d’aucune forme d’armure. Les classes sont également chamboulées, d’abord parce que le rôle de soigneur échoie désormais aux druides tandis que les clercs doivent choisir un élément dans lequel se spécialiser, mais aussi et surtout parce que toutes les races et les classes disposent désormais de pouvoirs psioniques en plus de leur éventuelle magie – et pour ne rien arranger, bien qu’il n’en soit fait mention nulle part, le jeu est clairement pensé d’un bout à l’autre pour des combattants multi-classés, n’hésitez donc pas à donner à tous vos personnages une classe de guerrier ou de gladiateur à côté de leur classe principale, vous ne le regretterez pas. À peine formé, votre groupe sera catapulté dans le feu de l’action, ou plutôt dans l’arène, puisque la partie s’ouvrira dans la peau d’un groupe de gladiateurs retenus esclaves, avec un premier objectif clair : parvenir à se faire la malle pour aller découvrir le vaste monde.

Une très bonne occasion de découvrir ce fameux nouveau moteur de jeu qui respire, à bien des niveaux, l’inspiration évidente qu’était celui d’Ultima VII. Non seulement les graphismes sont des kilomètres au-dessus de ce que permettait le moteur des « Gold Boxes », avec des détails dans tous les sens et des personnages fidèlement campés à l’échelle, mais en plus les développeurs de SSI ont visiblement bien travaillé puisque le jeu est nettement moins gourmand que son modèle et qu’il offre aussi et surtout un système de combat en tour-par-tour nettement plus satisfaisant que les affrontements largement automatiques du concurrent de chez ORIGIN Systems, et qui permet de mettre à contribution la large panoplie de possibilités additionnelles dont nous avons à peine égratigné l’étendue au paragraphe précédent.

Un changement qui se ressent autant dans l’ergonomie désormais intégralement à la souris, puisqu’il est possible d’interagir avec pratiquement tous les objets et les êtres vivants présents à l’écran, que dans la philosophie générale où les conversations jouent désormais un rôle nettement plus important que dans les « Gold Boxes » qui tendaient à se limiter à une longue suite de combats. Le joueur peut désormais choisir comment répondre, se montrer agressif ou conciliant, tuer tout ce qui bouge ou bluffer, et la bonne nouvelle est que la plupart des quêtes sont dorénavant pensées pour pouvoir être résolues de plusieurs manières, depuis la plus directe – et généralement la plus brutale – jusqu’à la plus intelligente. Un gros changement d’approche – où l’influence des Ultima se fait une nouvelle fois sentir – qui permet enfin au joueur de faire du roleplay au-delà du choix de sa classe et de ses caractéristiques, ouvrant ainsi la voie aux jeux de rôles « modernes » à la Fallout.

Jusqu’ici, le menu est très alléchant, d’autant plus que la présentation est nettement plus soignée, et on pourrait penser que Dark Sun : Shattered Lands a absolument tous les arguments pour pouvoir prétendre au titre de « nouveau Pool of Radiance » qu’il cherchait si désespérément à atteindre. Dans les faits, il n’en est pas si loin, grâce notamment à ce nouveau moteur qui laisse enfin une place prépondérante à l’aventure et à l’expérimentation, mais comme souvent avec SSI les problèmes commencent plutôt à se manifester du coté de l’écriture et de celui de la finition.

Tout d’abord, on pourra par exemple regretter que le joueur soit en quelque sorte pris à froid en se faisant bombarder au milieu des combats dès les premières secondes de jeu sans même se voir offrir le temps de découvrir l’univers, les enjeux et l’interface, avec une pression constante sur les épaules puisque chaque repos l’approche du prochain combat d’arène, lequel s’avèrera chaque fois un peu plus difficile que le précédent – et sans même un marchand pour pouvoir s’équiper. Un peu raide, comme courbe d’apprentissage ! Dans le même ordre d’idées, le monde du jeu est assez mal introduit, on n’a aucune notion précise de sa géographie, de sa géopolitique ou des rapports de force en présence, et le scénario se limite finalement à unir une poignée de villages contre une grande armée dont on n’est même pas certain de bien comprendre qui la mène ni pourquoi elle veut massacrer tout le monde. Difficile de se sentir impliqué dans un univers où tout le monde ne semble se soucier que de son petit nombril et nous envoyer faire des quêtes se résumant à récupérer un truc ou à tuer un machin, et dans l’ensemble le charme qu’aurait dû représenter la découverte de ce monde original se limite un peu trop à parcourir de grands déserts vides où on ne trouve que trop rarement quelqu’un à qui parler en tuant les monstres qui se présentent en route. Une philosophie pas si nouvelle que ça, en fin de compte…

De la même façon, on sent encore une interface pas bien dégrossie, notamment parce que les possibilités sont loin d’être évidentes. Par exemple, il est parfois possible d’escalader un mur ou d’ouvrir un passage, sauf que rien ne distingue ces éléments interactifs des autres, et qu’on se retrouve trop souvent dans des situations où on « peut » faire des choses » mais où rien n’indique qu’on puisse le faire, et il faut un long moment pour découvrir la réelle étendue des possibilités d’action du jeu – et à quels endroits celles-ci se manifestent.

Par exemple, dès la première zone du jeu, on peut choisir de donner à boire à un prisonnier dans l’arène, encore faut-il avoir ramassé un pot, s’être trouvé en présence d’une réserve d’eau, et avoir sélectionné l’objet dans son inventaire avant d’en sortir et d’enchaîner les clics droits jusqu’à ce que l’objet sélectionné réapparaisse pour enfin l’utiliser sur l’abreuvoir afin de le remplir. On est très loin de l’interface hyper-intuitive d’Ultima VII… De fait, le jeu se montre souvent bavard et verbeux alors qu’il n’a pas grand chose à dire, la zone de jeu se limite à une quinzaine de régions dont on fait très vite le tour, et la durée de vie du programme atteint au final péniblement les dix heures (je ne sais pas où Tilt était allé chercher le chiffre d’une « petite centaine d’heures », mais on en est très loin !). En y ajoutant de nombreux bugs et autres soucis de pathfinding, les promesses entrevues lors des premières minutes de jeu peinent trop souvent à se matérialiser, et sans passer un mauvais moment on a un peu trop souvent l’impression que ce Dark Sun n’est que l’ébauche du jeu qu’il aurait pu être avec un peu plus de soin – et surtout, avec un peu plus de temps.

Le succès public n’aura d’ailleurs clairement pas été au rendez-vous : en dépit d’un très bon accueil critique, le jeu se sera péniblement vendu à 45.000 exemplaires – à peine plus que les ultimes opus des « Gold Boxes » à bout de souffle, et surtout péniblement un sixième des ventes atteintes par Pool of Radiance en son temps. Pas exactement l’objectif recherché pour un titre ayant nécessité des investissements massifs et dix-huit mois de développement…

Après de nouvelles âpres négociations entre TSR et SSI, l’accord d’exclusivité les liant aura finalement été prolongé jusqu’au 1er janvier 1995, après quoi la licence serait accessible à d’autres développeurs – et SSI, qui n’avait pour ainsi dire vécu que de l’exploitation de Donjons & Dragons depuis 1988, se sera efforcé d’essorer son précieux sésame avec ses dernières forces (Al Qadim, Dark Sun : Wake of the Ravager, deux épisodes de Ravenloft, Menzoberranzan, Deathkeep…) avant d’être contraint de retourner à ses premières amours et de retrouver, ironiquement, le succès avec un jeu de stratégie à l’ancienne, un certain Panzer General. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, les joueurs souhaitant découvrir une expérience un peu moins balisée et un peu plus organique que celle des « Gold Boxes » seraient bien inspirés de laisser une chance à ce premier Dark Sun certes imparfait, mais plus accessible et plus dépaysant que ses glorieux prédécesseurs tout en conservant les possibilités d’un système de combat largement célébré. Il ne fait peut-être pas mouche à tous les niveaux – et les « Gold Boxes » avaient l’avantage de présenter des possibilités mieux encadrées et mieux définies, en dépit de leurs lourdeurs – mais il demeure un des rares représentants de cette première vague de jeux de rôles « de transition » avant l’ère du CD-ROM et du multimédia, et il conserve le charme de la relative originalité de son univers. Ça vaut peut-être bien une deuxième chance, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Lancé comme le programme qui devait apporter un second souffle à la licence Donjons & Dragons et renouer avec le succès de Pool of Radiance grâce à un moteur de jeu revu de fond en comble, Dark Sun : Shattered Lands aura hélas échoué à atteindre son objectif dans les grandes largeurs et annoncé le terme de la tumultueuse relation entre SSI et TSR. C'est d'autant plus dommage que c'était clairement un pas dans la bonne direction, quelque part vers Ultima VII, avec une interface nettement plus accessible, une aventure ne se résumant plus à une longue suite de combats et une véritable ouverture dans les possibilités de mener à bien les diverses quêtes du jeu. Malheureusement, l'univers imposé de Dark Sun est assez mal mis à contribution, et dans l'ensemble le jeu laisse trop souvent l'impression d'évoluer dans le brouillard : un monde mal présenté, des environnements trop vides, des possibilités pas assez claires faute d'être convenablement encadrées, des règles trop complexes, des combats pas assez profonds, des enjeux trop nébuleux, sans oublier de nombreux bugs. Il en résulte une expérience un peu frustrante où le joueur catapulté dans le feu de l'action met beaucoup de temps à trouver ses aises, et où la liberté offerte agit souvent comme un obstacle plus que comme comme un apport à une aventure qui n'acquiert jamais tout-à-fait l'épaisseur dont elle voudrait se doter. Un bon jeu de rôles, mais sans doute pas celui qu'on attendait à ce moment-là.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des enjeux mal introduits et qui peinent à se montrer intéressants...
– ...tout comme l'univers, qui échoue à exister autrement que comme une suite de grands déserts
– Des combats qui se résolvent trop souvent au corps-à-corps après s'être lancé un sort de hâte
– Un système de jeu fidèle au support papier mais incluant beaucoup de nuances complexes et souvent inutiles
– De nombreux bugs et soucis de pathfinding

Note : Une bonne partie des informations et des chiffres de ce test proviennent de l’excellente série d’articles du site américain The Digital Antiquarian traitant de SSI et de l’histoire des « Gold Boxes » que j’invite les anglophones à aller découvrir d’urgence.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Sun : Shattered Lands sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Superbe. Shattered lands est tout simplement superbe. De fait, je le place directement au côté de Serpent Isle, parmi les meilleurs jeux de rôle en 3D isométrique. SSI a vraiment réussi à se renouveler ! Les graphismes sont beaux et très variés, la musique proche de la perfection et l’ergonomie originale bien conçue. Seule la durée de vie ne soutient pas la comparaison avec Serpent Isle : une petite centaine d’heures (c’est déjà pas mal)… »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°119, novembre 1993, 90%

The Bard’s Tale III : Thief of Fate

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titres alternatifs : Bard’s Tale III : The Thief of Fate (écran-titre – Apple II, Commodore 64), Bard’s Tale 3 (titre usuel)
Testé sur : Apple IICommodore 64PC (DOS)AmigaPC-98
Disponible au sein des compilations : The Bard’s Tale Trilogy (1989 – PC (DOS)), The Bard’s Tale Trilogy (2018 – Macintosh, Windows)
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows), Steam.com (Macintosh, Windows)

La saga Bard’s Tale (jusqu’à 2000) :

  1. La Geste du Barde : The Bard’s Tale (1985)
  2. The Bard’s Tale II : The Destiny Knight (1986)
  3. The Bard’s Tale III : Thief of Fate (1988)
  4. The Bard’s Tale Construction Set (1991)

Version Apple II

Date de sortie : Mars 1988 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : Apple II+ – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Faut-il savoir suivre le sens du vent ?

Les années 80 auront représenté un véritable âge d’or à l’échelle du jeu de rôle, une période charnière où se seront bousculées les licences fondatrices encore régulièrement citées aujourd’hui comme des inspirations majeures : Ultima, Sorcellerie, Dungeon Master… sans oublier The Bard’s Tale, une saga célébrée qui filait bon train après son tabac initial (et mérité) de 1985. En fait, alors que celle-ci s’apprêtait à célébrer en 1988 son troisième épisode en trois ans, on l’imaginait déjà devenir une énième série à rallonge s’appuyant sur des mécanismes éprouvés, sans forcément réaliser que la trilogie initiale était appelée à en rester une pour trente longues années avec un quatrième opus qui ne verrait le jour qu’en 2018 (!), porté par la nostalgie d’une base de fans dévouée.

Pourtant, le développement d’un Bard’s Tale IV avait bel et bien été lancé dès 1988 mais, comme un symbole, celui-ci aura finalement changé de nom (et de système de jeu) pour devenir Dragon Wars. L’indice d’un besoin de renouvellement face à l’irruption de challengers de taille, par exemple les « gold boxes » menées par Pool of Radiance ? Signe des temps : dès 1988, justement, on pouvait lire un point de vue d’Eric Cabéria dans le magazine Tilt, se lamentant « [d’]une certaine fainéantise des développeurs qui après avoir fait un coup de maître se contentent de ressortir leur logiciel à intervalles réguliers en y adjoignant un numéro d’ordre (sensé évoquer la nouveauté) », et ce « alors que le marché du logiciel, lui, évolue avec des produits prodigieux tels que Dungeon Master (NdRA : Encore lui…) ». Et de pousser ce mini-coup-de-gueule lors du test, pourtant dithyrambique… de la version Amiga de The Bard’s Tale II. Quelques mois plus tôt, un certain The Bard’s Tale III : Thief of Fate avait déjà commencé à débarquer dans les étals. Avait-il réussi à injecter un peu de nouveauté dans une formule désormais presque trop bien rodée ?

À l’instar de Palpatine, Tarjan a trouvé le moyen de revenir, d’une manière ou d’une autre. Le dieu fou que votre équipe avait pourtant affronté et vaincu dans le château du baron Harkyn lors du premier épisode a carrément rasé la ville de Skara Brae, visiblement très en colère de n’avoir même pas été le grand méchant de cet opus inaugural.

Pour espérer le vaincre à nouveau, et tant qu’à faire pour de bon, il ne suffira pas de visiter les ruines de la ville, ni même d’explorer la région : cette fois, il faudra carrément parcourir le temps et l’espace pour visiter huit dimensions différentes, en quête d’objets et de combattants capable de renverser Tarjan. Un combat terrible, même pour les héros des deux premiers épisodes… que vous pourrez d’ailleurs importer, comme toujours, afin de vous éviter une laborieuse phase de grinding d’une bonne quinzaine d’heures afin de mettre votre groupe à niveau, car The Bard’s Tale III est pensé pour des aventuriers puissants, très puissants. Et cette fois, pas question de faire l’impasse sur le « donjon du débutant », pleinement intégré à une histoire devenue nettement plus linéaire, mais aussi mieux structurée : car votre récompense sera justement la possibilité de voyager d’une dimension à l’autre via une des deux nouvelles classes du jeu : le très puissant chronomancien.

Vous débutez donc l’aventure dans la campagne autour de Skara Brae, ou plutôt de ce qu’il en reste. Plus de guilde des aventuriers ici : votre périple commencera dans un camp de réfugiés situé à proximité d’une taverne, et le seul service disponible – le temple – sera à dénicher dans les environs. Pas de boutiques en vue (logique : tous les commerçants n’ayant pas pris la fuite sont morts), vos combattants commenceront donc tout équipés même si vous en créez de nouveaux, et un entrepôt sera disponible à l’entrée de la ville pour stocker ce que vous souhaiterez éventuellement vendre lorsque vous pourrez rejoindre une cité intacte dans une autre réalité.

Il faudra une nouvelle fois débusquer le comité d’examen (Review Board) désormais réduit à un unique membre, lequel vous confiera successivement toutes vos quêtes en vous décrivant à chaque fois les objectifs et en vous donnant les moyens de les atteindre. C’est lui qui propulsera directement tous vos magiciens au rang d’archimage à la conclusion du premier donjon (s’ils n’en sont pas déjà), et lui qui vous offrira l’opportunité d’en dépouiller un de la totalité de ses connaissances (mais pas de ses caractéristiques) pour en faire un chronomancien, donc, lanceur de sorts suffisamment puissant pour faire passer l’archimage pour un simple prestidigitateur en comparaison. Dans la deuxième moitié de l’aventure, ce sera la classe de géomancien qui sera disponible, encore plus puissante, et cette fois accessible à vos classes de corps-à-corps – à condition de renoncer à leurs spécificités, car on n’a rien sans rien. Des nouveautés bienvenues qui permettent au moins de corriger une des limites de The Bard’s Tale II en offrant enfin un timide axe de progression à un groupe déjà potentiellement (pratiquement) au sommet de sa puissance dès le début de la partie.

Histoire de mettre en valeur l’exploration qui est plus que jamais l’un des axes principaux du titre, cet épisode prend le parti d’y adjoindre un aspect « aventure » bien plus développé que dans ses prédécesseurs. Comprendre par là qu’il faudra souvent accomplir des actions précises pour espérer avancer, lesquelles apparaîtront souvent comme à peu près inaccessibles aux joueurs n’ayant pas pris le temps d’amasser les rares indices sibyllins éparpillés dans chaque dimension, lesquelles sont souvent composées d’une ville, d’une région peu étendue et de plusieurs donjons.

Par exemple, pour arriver au sommet de la tour de Valarian, dans le monde d’Arboria, vous aurez besoin d’avoir ramassé des glands au sol et de les avoir fait pousser grâce à une eau sacrée dénichée, elle, dans un palais de cristal situé sous les eaux d’un lac (lequel vous aura demandé, au passage, de trouver un moyen de respirer sous l’eau pour éviter de perdre des points de vie à chaque déplacement). L’ennui étant que le programme ne vous ayant jamais proposé de collecter le précieux liquide, il faudra avoir eu l’idée d’utiliser une des gourdes destinées à ce que votre barde puisse se rincer le gosier sans retourner en ville (autre nouveauté du jeu) pour en prendre – ce genre d’énigme, l’aventure en connait des dizaines, et pour les résoudre, mieux vaudra prendre le temps d’explorer la moindre case du moindre donjon en notant scrupuleusement chaque message – une tâche de longue haleine.

La bonne nouvelle, c’est que cet épisode aura décidé de revoir un peu l’équilibrage de sa difficulté. La progression est peut-être toujours loin d’être une balade de santé, mais il ne faudra plus composer ici avec les « Death Snare » du précédent épisode ni avec ces accumulations de pièges absurdes visant à rendre certains donjons proprement impossibles à cartographier.

Signe d’une volonté de mettre un peu d’eau dans le vin de votre barde : une carte automatique a désormais fait son apparition. Celle-ci se limite souvent à vous dévoiler le chemin que vous avez déjà parcouru – ce qui aura le mérite de ne plus vous demander de lancer des sorts de localisation à répétition pour dessiner vos plans – mais vous donne également parfois la carte complète d’un niveau, sans pour autant vous dévoiler l’emplacement des pièges… du moins, jusqu’à ce que vous puissiez commencer à employer certains des sortilèges du géomancien, qui pourra alors carrément vous donner la position de tous les pièges, téléporteurs et autres passages secrets d’un étage ! De quoi progresser un peu plus vite dans un jeu où il y a toujours énormément de terrain à couvrir et à cartographier… et toujours autant de monstres à combattre.

Problème : comment garder les combats pertinents dans un jeu où votre groupe est pensé pour atteindre rapidement – si ce n’est dès le début du jeu – une puissance délirante ? À cette question, The Bard’s Tale III aura hélas quelque peu échoué à trouver la bonne réponse, et les affrontements du jeu seront globalement à diviser en deux catégories : les rencontres insignifiantes contre des adversaires vite balayés quelle que soit leur puissance ou leur nombre et qui ne serviront à peu près qu’à vous faire perdre du temps et des points de magie (90% des combats), et celles contre les ennemis les plus problématiques du jeu : les lanceurs de sorts.

Non seulement ceux-ci sont en règle générale très difficile à approcher, vous bombardant d’attaques tandis que vous cherchez à arriver à portée de combat au corps-à-corps (quand ils ne vous repoussent pas quarante mètres en arrière !), mais surtout, comment croyez-vous que le programme a imaginé une parade face à l’extraordinaire puissance de vos propres magiciens ? De la pire des façons : en dotant les ennemis d’une capacité à résister à la magie – ce qu’ils font très bien, et en annihilant la totalité des dégâts qu’ils auraient dû recevoir. Conséquence : les combats les plus difficiles du jeu… se limitent à prier pour que vos sortilèges atteignent leur but pendant que les sorts adverses n’atteindront pas le leur, et que votre voleur caché dans l’ombre progresse par incréments de dix mètres pour aller placer un coup critique. Autant le dire : c’est aussi rébarbatif que frustrant.

C’est d’autant plus dommage que, dans son scénario et son déroulement, le jeu est plus efficace et se tient mieux que son prédécesseur. L’exploration est vraiment intéressante, et on est toujours heureux de découvrir une nouvelle dimension et ses enjeux, avec ses petits micmacs temporels ici représentés par le personnage d’Hawkslayer, ses énigmes et ses monstres. On peut même affronter des robots ou des soldats nazis ! Certes, tout le monde ne sera pas forcément ravi de composer avec une progression parfois opaque, mais à l’ère d’internet et de toutes ses réponses à portée de main, on n’est bloqué que parce qu’on le veut bien. L’épopée se laisse donc vraiment suivre avec un plaisir certain… quelque peu écorné par ces combats à répétition qui finissent par devenir assommants sans rien apporter, faute de mécanismes obligeant à réellement réfléchir à la façon de les approcher.

C’est la plus grosse limite d’un titre qui aurait largement pu s’avérer supérieur à l’excellent premier épisode… si seulement il avait été pensé dès le départ pour un nouveau groupe, plutôt que de s’obstiner à nous faire cheminer avec des personnages qui n’ont plus aucune marge de progression depuis au moins deux jeux. On tient d’ailleurs là à un errement qu’on aura déjà eu l’occasion d’évoquer avec les logiciels adaptés de Donjons & Dragons : il y a un moment où la montée en puissance, axe primordial du jeu de rôle, n’a tout simplement plus aucun intérêt, et nous faire incarner des personnages qui sont déjà au sommet de leur art est à peu près aussi idiot que de faire débuter l’aventure dix minutes après avoir tué le grand méchant. Dès lors, si les fans d’exploration trouveront matière à remplir des carnets entiers de plans détaillés, les joueurs peu friands des jeux de rôle « à l’ancienne » souffleront et pesteront à force d’enchaîner des combats qui vont de la simple gêne à la pure corvée. Un vrai bon programme avec ses morceaux de bravoure, mais qui souffre réellement, pour le coup, de ce « III » dans son titre. On comprend donc un peu mieux que la saga soit restée une simple trilogie pendant si longtemps : il était peut-être simplement temps de dire au revoir à nos héros d’autrefois et de passer la main…

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Pour un troisième épisode particulièrement ambitieux, The Bard's Tale III : Thief of Fate s'efforce de corriger une partie des faiblesses du précédent volet en offrant une aventure certes beaucoup plus linéaire mais également plus prenante et mieux équilibrée et en réinjectant un peu de nouveauté dans le système de jeu via les deux nouvelles classes de magicien. Le résultat montre encore quelques errements, notamment lorsqu'il tente d'offrir des ennemis aptes à résister à votre groupe hyper-puissant – sans parler de la longue phase de grinding à laquelle n'échapperont pas les joueurs démarrant une nouvelle équipe –, mais il fonctionne dans l'ensemble un peu mieux. Avec un aspect « aventure » mieux intégré et une composante « exploration » mieux recentrée, sans oublier des donjons nettement moins ridiculement punitifs, le titre souffre encore de la surabondance d'affrontements devenus soit viscéralement frustrants, soit profondément sans intérêt, mais les huit dimensions à visiter offrent suffisamment de renouvellement pour que ceux qui acceptent de composer avec des mécanismes quelques peu datés puissent espérer mener l'épopée à son terme. Un bon épisode de conclusion.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une bonne vingtaine d'heures de grinding à prévoir dans le premier donjon pour les nouveaux groupes
– De très nombreux combats qui n'offrent souvent que peu de résistance à votre groupe surpuissant...
– ...ou bien qui en offrent trop et pour de mauvaises raisons
– Un aspect « aventure » souvent opaque...
– ...et qui ne trouve sa résolution qu'en explorant chaque case de chaque donjon du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Bard’s Tale III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« En guise de conclusion, disons que Bard’s Tale III ne déçoit pas, c’est même exactement le contraire. Les différentes améliorations apportées au jeu et la qualité du scénario font de ce logiciel l’un des meilleurs de ce printemps 1988 avec Ultima V. »

Dany Boolauck, Tilt n°55, juin 1988, 17/20

Version Commodore 64

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour cet épisode, le Commodore 64 hérite d’une retranscription assez fidèle de la version proposée sur Apple II – on pourrait presque dire « trop » tant la réalisation graphique est décevante, avec rarement plus de quatre couleurs à l’écran et absolument aucun effort pour tenter de tirer parti de la palette de la machine, qui était pourtant capable d’afficher de très jolies choses.

L’aspect sonore se limite une nouvelle fois aux morceaux joués par votre barde, même si le bon côté est que ceux-ci ne souffrent plus d’une interruption à chaque déplacement comme sur la machine d’Apple. Niveau jouabilité, le seul grief est qu’on soit condamné à se déplacer avec les touches I, J, K et L, le joystick étant visiblement voué à prendre la poussière. Pour tout le reste, on se retrouve avec une expérience de jeu très semblable à celle de l’Apple II, avec des chargements pas trop envahissants mais des changements de disquette plus nombreux, la faute à l’alternance entre les deux faces. Rien de rédhibitoire, cependant, et les joueurs décidés à découvrir le troisième épisode de la saga sur la machine de Commodore ne devraient pas avoir à s’en mordre les doigts.

NOTE FINALE : 15/20

Porté sur Commodore 64, Bard’s Tale III n’y offre qu’une retranscription assez paresseuse et techniquement pas très impressionnante de la version originale sur Apple II. En dépit des quelques lourdeurs due principalement au hardware, l’expérience de jeu devrait toujours satisfaire les fans des deux premiers opus.

Les avis de l’époque :

« Face à la première version du jeu, Bard’s Tale III profite d’un plus vaste terrain d’action et surtout d’un scénario plus complexe. Le jeu reste cependant assez classique : l’équipe participe à de nombreux combats, collecte de l’or et de l’expérience pour mener une à une les diverses missions qui constituent la quête. Les deux seuls reproches que l’on puisse faire à ce soft concernent d’une part le manque d’effet sonore (sic) de l’aventure, d’autre part l’impossibilité de manier la lutte au joystick. Malgré ces défauts, The Bard’s Tale III est l’un des meilleurs jeux de rôle animés disponibles sur C 64. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°57 (HS), Septembre 1988, 14/20

Version PC (DOS)

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA composite, EGA, MCGA, Tandy/PCjr
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
Pour accéder aux options de configurations, ajoutez la lettre « t » derrière l’exécutable à la ligne de commande

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura donc fallu attendre la fin de l’année 1990 pour commencer à voir The Bard’s Tale III arriver sur les ordinateurs 16/32 bits – une bien longue attente, mais tel était alors le lot commun des amateurs de jeux de rôle ayant imprudemment abandonné leur Apple II ou leur Commodore 64. Comme on pouvait s’y attendre, inutile d’espérer bénéficier de plus de seize couleurs à l’écran, et même si le résultat est loin d’être impressionnant il reste infiniment plus coloré et plus lisible que sur les ordinateurs 8 bits.

La meilleure surprise est plutôt à aller chercher du côté du son : avec la gestion de l’AdLib et surtout de la Roland MT-32, les compositions de votre barde ont tout de suite plus de cachet, et on peut entendre toute la différence dès l’écran-titre. Il est toujours possible de jouer à la souris, même si les raccourcis claviers vont beaucoup plus vite, et on pourra se contenter de choisir les sorts dans une liste plutôt que de les taper manuellement à chaque fois (mais c’est une nouvelle fois plus long quand on doit faire le tri au milieux des dizaines de sortilèges de son archimage). Évidemment, plus question ici d’être empoisonné par des changements de disquette ou des temps de chargement à rallonge, ce qui fait une grosse différence – bref, un bon moyen de découvrir le jeu pour ceux qui auraient juré de ne pas lancer le remaster de 2018.

NOTE FINALE : 15,5/20

Agréablement dépoussiéré par les capacités du hardware – et notamment par une réalisation sonore tirant enfin parti des cartes sons –, The Bard’s Tale III délivre sur PC une expérience à la fois plus ergonomique et plus confortable que sur les versions 8 bits. Si on regrettera qu’aucun épisode de la trilogie n’ait jamais bénéficié des 256 couleurs du VGA, le résultat se laisse néanmoins parcourir avec plaisir.

Les avis de l’époque :

« L’ergonomie est moins bonne que dans BT II (c’est un comble !) : par exemple, quand vous vouliez lancer un sort dans BT II, le programme vous proposait un menu intermédiaire pour le choix de la classe de sort, puis affichait une liste des sorts disponibles en toutes lettres (NdRA : ce n’était vrai que dans la version Amiga ; dans la version PC, il fallait inscrire le sort manuellement, comme dans les versions 8 bits). Avec BT III, rien de tout cela : tous les sorts sont mélangés et représentés sous forme d’abréviations. […] Autre mauvais point : les monstres sont nombreux, très nombreux ! Même s’il est en général possible de fuir, cela ralentit fortement la progression, sans augmenter l’intérêt du jeu. La souris est toujours aussi mal utilisée. Ces critiques n’empêchent pas Bard’s Tale III d’être un très grand jeu. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20

Version Amiga

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les possesseurs d’Amiga auront donc dû attendre pas loin de trois longues années pour pouvoir enfin mettre la main sur Bard’s Tale III (la machine de Commodore avait hébergé le deuxième épisode dès Juillet 1988), et pour être honnête, on est quand même en droit de se demander ce qui aura bien pu justifier une si longue attente – en-dehors du fait que l’Amiga était un tout petit poisson au regard du marché américain.

Car là, pour le coup, l’ergonomie a bel et bien reculé : les sorts se limitent désormais à une liste d’abréviations sans aucun tri possible, et à haut niveau parvenir à lancer celui qui nous intéresse peut être une véritable gageure. C’est la seule lourdeur introduite par une gestion de la souris une nouvelle fois réduite à un doublon inutile, car pour ce qui est de la réalisation, les graphismes de l’Amiga font mieux (comprendre : plus coloré) que ceux de la version PC. Les choses sont plus serrées du côté de la musique, la puce Paula n’étant pas complètement à la hauteur du rendu d’une Roland MT-32, mais dans les deux cas cela reste assez anecdotique : même si le titre est un tout petit peu plus beau, l’expérience de jeu est exactement identique à celle de la version PC, qui a de toute évidence servi de modèle pour ce portage. À vous de voir si les teintes de l’EGA vous agressent ou non les pupilles et si vous préférez ou non le rendu sonore de la Roland MT-32, car pour le reste, c’est strictement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Prise de risques minimale pour cette version Amiga de The Bard’s Tale III, de toute évidence portée directement depuis la version PC – ce qui implique quelques pertes en termes de confort depuis The Bard’s Tale II sur la même machine. On gagne bien quelques couleurs, et l’expérience reste globalement agréable, mais pas de quoi se relever la nuit – surtout si on a le remaster à portée de main.

Les avis de l’époque :

« La version Amiga dispose de graphismes excellents, aux animations convaincantes. En revanche, le jeu se déroule sans bruitage ni musique d’accompagnement (NdRA : Il y a bien de la musique, en l’occurrence les morceaux joués par votre barde), alors que c’est justement l’un des points forts de l’Amiga ! La souris est correctement gérée et l’ergonomie satisfaisante, bien loin toutefois d’un Dungeon Master, Captive et autre Eye of the Beholder. Un excellent jeu de rôle cependant, varié et difficile à souhait. »

Jacques Harbonn, Tilt n°90, mai 1991, 17/20

Version PC-98

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 octobre 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’image de ce qui se produisait en sens inverse pour les productions nippones, les joueurs japonais étaient toujours les derniers servis lorsqu’il s’agissait d’accueillir les titres occidentaux. The Bard’s Tale III aura donc mis pas moins de quatre ans et demi à arriver sur PC-98, pour fournir une version qui, pour l’essentiel, est un calque à peine mise à jour de la version PC commercialisée deux ans plus tôt.

Au menu, donc : réalisation en seize couleurs où pas une teinte n’a bougé, et une résolution qui n’a changé que pour la police du texte (lequel est désormais, faut-il le préciser, intégralement en japonais). niveau musical, ce n’est pas très emballant non plus, puisqu’il faut se contenter du rendu du processeur sonore, d’ailleurs assez mal exploité, de la machine, ce qui ressemble beaucoup à ce que pouvait produire le haut-parleur interne de la machine d’IBM, mais avec davantage de vibrato (peut-être est-il possible de configurer le jeu pour tirer parti d’une carte son, mais si c’est le cas, je n’y suis pas parvenu). En guise de compensation, on bénéficie d’un écran-titre animé et de pas grand chose d’autre. Fort heureusement, cela ne change pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même, mais on dira simplement que même en parlant japonais, découvrir le titre via cette version n’apporte strictement rien.

NOTE FINALE : 15,5/20

Sorte de « version PC traduite en japonais avec les textes en haute résolution », l’itération PC-98 de The Bard’s Tale III n’a objectivement que peu de raisons de déplacer les foules dès l’instant où l’on a accès à n’importe quelle autre version 16/32 bits, mais elle assure l’essentiel. On s’en contentera.

Quest for Glory V : Le souffle du dragon

Développeur : Yosemite Entertainment
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Quest for Glory V : Dragon Fire (États-Unis)
Titres alternatifs : Quest for Glory V : Drachenfeuer (Allemagne), Quest for Glory V: Fogo do Dragão (Brésil), 영웅의 길 V: 용의 불꽃 (Corée)
Testé sur : PC (Windows 9x)/Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (Windows 9x)/Macintosh

Date de sortie : Décembre 1998 (Amérique du Nord) – Février 1999 (Europe) – Novembre 2000 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, portugais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – Résolution : 640×480

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 601 120MHz – OS : System 7.5 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)

Vidéo – L’introduction et l’écran du jeu :

À la fin du dernier millénaire, beaucoup d’histoires étaient en train de toucher à leur fin. Pour Sierra On-Line, qui avait bâti pratiquement toute la sienne autour des jeux d’aventure, il était temps de reconnaître que le genre ne se portait pas bien. Pas bien du tout. Au terme d’une brève phase d’euphorie qui avait laissé croire à un avenir radieux pour les fameux FMV, les jeux remplis de vidéos, après le succès commercial de Phantasmagoria, le soufflé était vite retombé pour abandonner le point-and-click face à une révolution à laquelle il était mal préparé : l’arrivée de la 3D.

Des séries aussi prestigieuses que King’s Quest, Gabriel Knight ou même Monkey Island se seront cassé les dents sur la troisième dimension, s’efforçant de revisiter leur gameplay et leur réalisation pour des résultats que l’on qualifiera poliment de « mitigés », au point de provoquer ce qu’ont pensait être la mort définitive de toutes ces licences (en fait, souvent une très longue parenthèse pour la plupart d’entre elles). L’aventure, dorénavant, se nommait Tomb Raider ou Resident Evil, elle contenait beaucoup plus d’action que de réflexion, et la concurrence devait s’adapter ou mourir, n’en déplaise aux adeptes nostalgiques des vieilles formules qui avaient encore cours quelques années plus tôt et qui se faisaient alors de plus en plus rares. Autant dire que les espoirs de voir réapparaître un jour le héros de Quest for Glory pour reprendre ses aventures là où il les avait laissées étaient maigres, mais à en croire la créatrice de la saga, c’est bien la mobilisation et les lettres indignées des fans qui auront permis la matérialisation de Quest for Glory V : Le souffle du dragon – un épisode qui ne nourrissait pas l’ambition de relancer la licence, mais plutôt de lui offrir une dernière occasion de faire ses adieux. La mission était donc claire : tout ce que Shadows of Darkness n’avait pas eu le temps de conclure, cet ultime épisode allait devoir le clore une bonne fois pour toutes. Histoire que les joueurs laissés sur le quai par l’extrême célérité du changement de paradigme vidéoludique puissent au moins faire leur deuil.

Pour clore une aventure héroïque en beauté, il faut au moins un dragon : celui-ci est annoncé dès le titre, et pour ce qui est de la princesse… eh bien disons juste que vous aurez l’occasion de recroiser plusieurs vieilles amies, et peut-être même de ramener à la vie certaines d’entre elles ; il ne tiendra donc qu’à vous de choisir quelle histoire écrire à ce sujet. Mais inutile de brûler les étapes : l’aventure débute une nouvelle fois par la création de son personnage, et les joueurs qui avaient patiemment conservé leur disquette de sauvegarde de Shadows of Darkness dans un écrin fermé à clef depuis quatre ans allaient enfin pouvoir reprendre leur épopée en important leur héros – seul moyen, comme dans les deux précédents épisodes, d’incarner un paladin et sa très pratique batterie de pouvoirs utiles, dont un sort de soins et un autre pour pacifier les ennemis. Oh, allez : pour ne pas vous frustrer, le jeu met quand même une sauvegarde à votre disposition pour en jouer un.

Pas de nouvelle classe ni de caractéristique inédite, donc, et même les aventuriers nouvellement créés bénéficieront de très généreux scores de caractéristiques afin de faire face aux multiples dangers du royaume de Silmarie. Mais justement, vous voilà déjà propulsé sans tambour ni trompette dans le bureau d’Erasmus (qui vous avait si brutalement téléporté sans vous demander votre avis à la fin de l’opus précédent), qui vous explique le contexte : le roi de l’île de Silmarie, royaume à l’ambiance méridionale bâti suite à l’effondrement de l’Atlantide et évoquant furieusement la Grèce antique, a été assassiné. Pour lui succéder, la tradition exige qu’une sélection de prétendants au trône se départagent en passant successivement sept épreuves qui serviront à établir qui est digne de prendre les rênes de la nation – et vu vos antécédents (vous venez littéralement de sauver une ville, un sultanat, un royaume et une baronnie), le vieux magicien et son rat qui parle ont tout de suite pensé à vous. Il faut dire qu’avec un assassin toujours en liberté et l’ingérence probable de puissances étrangères qui auraient tout à gagner à présenter un candidat pour faire main basse sur la Silmarie, il est évident que la mission risque de ne pas être de tout repos. Mais, hé, vous vouliez être un héros, non ?

Quest for Glory revient, donc, dans ses plus beaux atours. Le paysage informatique ayant beaucoup (beaucoup!) changé en quatre ans, le titre s’affiche désormais en 640×480, avec des décors en 3D pré-calculée et des personnages en 3D temps réel. Le résultat a indéniablement du cachet même si on pourra juger que cette 3D balbutiante a plutôt plus mal vieilli qu’une 2D alors au sommet de son art, notamment en ce qui concerne les habitants anguleux et raides comme des piquets de cette nouvelle région. Néanmoins, il est difficile de nier une ambition tangible dans la surface de jeu réellement massive qui, bien que reprenant le système de carte de Wages of War, offre des dizaines de lieux à visiter (la ville en elle-même, mais aussi plusieurs villages côtiers, des forteresses, des îles, ce qui reste de l’Atlantide et même le royaume d’Hadès lui-même, pour n’en citer qu’une partie).

Il faudra cette fois se déplacer à pied, mais aussi en bateau, et même plus tard en machine volante, et autant vous prévenir qu’il y aura beaucoup de terrain à couvrir, car le jeu est facilement deux fois plus long que ses prédécesseurs. L’interface a été simplifiée : il y a désormais une icône pour observer et une deuxième pour toutes les autres actions (se déplacer, prendre, utiliser, discuter…), et une barre de raccourcis a fait son apparition pour simplifier l’usage des différents pouvoirs et des très nombreux objets que vous serez amené à cumuler. On notera également qu’il est enfin possible d’avoir la main sur l’équipement du héros et de lui acheter armes, armures, casques, bracelets ou amulettes – sans oublier les généreux butins qu’abandonneront les nombreux ennemis. Car autant il était pratiquement toujours possible d’éviter l’affrontement dans les précédentes aventures, autant vous faire à l’idée que l’opposition ici, est particulièrement active, et qu’il ne sera pas rare d’affronter une dizaine d’ennemis à la fois – et même si on peut régulièrement choisir de courir au milieu des adversaires plutôt que de les affronter, de nombreux combats sont pour ainsi dire inévitables. Votre héros est devenu très puissant, il va être temps de vous en servir !

On pourra d’ailleurs regretter que le système de combat soit toujours aussi limité : il ne bénéficie même plus d’une vue particulière, les confrontations se déroulant directement sur l’écran de jeu (ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité), et en-dehors des divers sortilèges et objets de soin dont vous pouvez faire usage, il se résumera grossièrement à cliquer frénétiquement sur un monstre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dommage qu’une composante aussi centrale ne soit jamais parvenue à un compromis vraiment satisfaisant (et plus question d’automatiser les combats cette fois !), mais pour le reste, on sent que le logiciel atteint assez bien son objectif.

Du côté de l’aventure, bien menée et bien rythmée, difficile de ne pas sentir l’épisode hommage : à quelques rares exceptions près comme Aziza, curieusement oubliée ici, pratiquement tous les personnages pertinents des précédents opus (et surtout des premiers) se sont visiblement donnés rendez-vous en Silmarie histoire de venir vous faire coucou une dernière fois, amenant avec eux toutes les références possibles et imaginables – y compris les pizzas (les habitués de la série sauront à quoi je fais référence). Ils pourront vous dire ce qu’ils sont devenus, car le dialogue est une nouvelle fois un mécanisme central du jeu, et mieux vaut prêter une grande attention aux nombreux indices que vous abandonnent souvent vos interlocuteurs pour espérer progresser dans votre quête – laquelle vous laisse tout le temps nécessaire pour monter votre personnage à votre goût avant de démarrer l’épreuve de succession à proprement parler, vous laissant ainsi décider du rythme avant de lancer les choses sérieuses. Les énigmes, sans être très complexes, peuvent se montrer particulièrement opaques si vous n’avez pas eu la bonne idée de noter toutes les informations, et on peut facilement rater des actions importantes faute d’avoir été attentif ou d’avoir bien pensé à interroger tout le monde à chaque fois.

C’est d’ailleurs à ce niveau qu’on aurait aimé que le jeu ait tiré, en 1998, des leçons que certains concurrents avaient déjà assimilé en 1990. On peut facilement se retrouver coincé pour des raison bêtes, certaines tenant ironiquement à quelques unes des bonnes idées introduites par le titre. Par exemple, le jeu met à votre disposition un « aimant mystique » dont la fonction est grosso modo celle d’un portail de ville qui vous permettra de vous téléporter à l’auberge sans avoir à refaire un trajet en sens inverse. Seulement, cet aimant n’emporte pas vos moyens de transport, et si vous avez donc laissé votre ballon dirigeable sur l’île lointaine où il vous avait emmené avant de vous téléporter, eh bien dommage pour vous parce qu’il est perdu et que vous ne pourrez jamais aller le récupérer ! Au niveau des lourdeurs inutiles, on peut citer le cas de l’île des sciences, qui nécessite toute une manœuvre demandant de bloquer des gondoles avec un timing précis pour pouvoir y accéder. Amusant la première fois, mais au bout de la quinzième…

La bonne nouvelle, c’est qu’énormément d’actions sont totalement facultatives, et qu’il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir accompli des dizaines de tâches secondaires correspondant à l’aspect « jeu de rôle ». Par exemple, le « rite de la paix » peut ironiquement très bien être résolu en vous frayant un chemin jusqu’à la reine des Tritons en massacrant tous ceux qui vous barrent la route pour lui imposer vos conditions. Mais si vous avez envie d’être un peu plus fin, d’employer le sortilège de « paix » de votre paladin pour calmer tout le monde et aller discuter pacifiquement avec elle en dépit de l’hostilité de ses troupes, c’est également possible – simplement, rien ne vous y oblige. De la même façon, vous aurez toute latitude pour entreprendre ou non de séduire un des personnages féminins du jeu, ou même pour accepter ou non de devenir roi – ça ne change objectivement pas grand chose au déroulement de l’aventure, mais il y a souvent de nombreuses manières de surmonter un problème, ce qui tempère un peu l’aspect arbitraire des énigmes les plus retorses. Mieux vaudra quand même sauvegarder régulièrement et sous plusieurs noms si vous avez envie d’explorer les possibilités du jeu et de ne rien rater.

Le plus décevant reste la conclusion du jeu en lui-même, qui après une aventure objectivement intéressante où le dragon met beaucoup de temps à arriver, remplissant bien son rôle de cerise sur le gâteau de vos aventures, expédie votre sacre royal (ou votre refus) en deux phrases avant de vous lancer les crédits au lieu de vous offrir une cinématique grandiose – et surtout un épilogue à la Fallout pour vous raconter ce que sont devenus vos nombreux amis et alliés une fois la partie bouclée. Il y a un sentiment de frustration qui se dégage de ces adieux ratés, comme si en dépit du temps passé avec tous ces personnages qui ont fait l’effort de se déplacer jusqu’en Silmarie avec nous, on n’avait jamais vraiment eu le temps d’apprendre quelque chose de pertinent sur eux, leur arc narratif étant bouclé dès la première seconde où on les aperçoit.

Les nouveaux venus ne comprendront sans doute pas grand chose aux nombreuses références, clins d’œil et autres retournements d’une aventure clairement adressée aux vieux de la vieille, et les fans pour leur part auront l’impression d’avoir une nouvelle fois été privés de la conclusion qu’ils attendaient – c’est plus une sorte de revue d’effectif, de fan service où tout le monde vient dire au revoir à la queue-leu-leu que d’épisode venant clôturer un cycle de cinq jeux et de plusieurs dizaines heures. On voulait le grand final, et on hérite juste d’un chapitre en plus ; ça fait quand même plaisir, mais cela laisse un petit goût amer en bouche, comme celui d’un acte manqué que plus rien ne pourra venir corriger. Bien malin celui qui pourra dire si Quest for Glory reviendra un jour, mais l’histoire retiendra que dans une forme d’ultime hommage, son dernier épisode se sera terminé exactement de la même manière que les précédents : en queue de poisson.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Venu apporter une conclusion inespérée à une saga ressuscitée à la demande des fans, Quest for Glory V : Le souffle du dragon fait l'effet d'une sorte de tournée d'adieux à laquelle tous les personnages de la licence auraient été conviés une dernière fois. Clairement destiné aux joueurs ayant accompagné le héros depuis ses débuts, le titre s'efforce de mêler avec plus ou moins de bonheur une ambition réelle, une jouabilité revisitée et une réalisation remise au goût du jour sans pour autant trahir les fondamentaux de la série – ce à quoi il parvient... dans une certaine mesure. Entre la survivance de certains mécanismes datés pour la partie aventure, des combats trop limitées, quelques lourdeurs dommageable et surtout une fin une nouvelle fois bâclée, cet ultime opus peine parfois à insuffler le rythme, la cohérence et l'aspect grandiose qu'on aurait aimé y trouver. Le voyage a beau être plaisant, il abandonne derrière lui une pointe d'amertume laissée par des arcs fermés un peu trop maladroitement sans avoir lâché la bride à des personnages avec qui on aurait aimé avoir plus de choses à partager, comme si une porte se fermait définitivement avant qu'on ait eu le temps de tout se dire. Une conclusion frustrante, mais qui a le mérite d'exister – bien d'autres sagas n'auront pas eu cette chance.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses occasions de conduire l'aventure dans une impasse par étourderie ou par maladresse
– Quelques mécanismes inutilement contraignant (l'accès à l'île des sciences...)
– Des combats toujours aussi limités
– Une fin qui ne dit rien du sort des nombreux personnages qu'on a croisés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le souffle du dragon sur un écran cathodique :

Quest for Glory : Shadows of Darkness

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Shadows of Darkness (titre de travail), הרצון לעוצמה 4: צללי החשכה (Israël)
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.1)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS/Windows 3.1)

Date de sortie : Janvier 1994
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0/Windows 3.1 – RAM : 4Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, General MIDI, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum/16, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

On a beau dire que l’important, c’est le voyage, il est également bon de considérer que celui-ci est voué à aboutir à une destination un jour ou l’autre – n’en déplaise à Robert Louis Stevenson et à ses paraboles sur l’apprentissage permanent qu’est l’expérience de la vie humaine. À force d’errer sans but d’un royaume à sauver à l’autre comme une balle de ping-pong constamment renvoyée entre deux raquettes, il arrive que les héros eux-mêmes s’égarent et se disent qu’il serait peut-être temps de boucler une bonne fois pour toutes les vieilles affaires et de raccrocher les gants pour profiter enfin de leur fortune et de leur renommée accumulées.

Des voyages, justement, le héros de Quest for Glory commençait à en avoir fait beaucoup, et celui de Shadows of Darkness n’était pas appelé à être son dernier – cela n’aurait d’ailleurs même pas dû être le quatrième, l’épisode ayant été annoncé depuis la fin de Trial by Fire, avant que Wages of War ne vienne offrir une parenthèse certes dépaysante, mais sans réellement faire avancer l’intrigue. Or, justement, à force d’accumuler les aventures, la tentation de boucler enfin des arcs narratifs dont certains étaient en suspense depuis les débuts de la saga – soit depuis cinq ans – se faisait de plus en plus pressante, et faute de terminer une série, il faut parfois savoir clore un cycle. Ainsi notre héros se réveille-t-il une nuit dans les souterrains sombres et peu accueillants d’une caverne de la Mordavie, sans savoir qui l’a fait venir ici, ni dans quel but. Après quelques tâtonnements dans une vallée fermée évoquant fortement les Carpates, le château de Vlad Tepes et les vieux films d’horreur de la Hammer, il trouve une ville isolée au bourgmestre peu amène et à la population méfiante, sans nécessairement se douter qu’il va recroiser quelques vieux ennemis…

L’une des premières sensations qui se dégagent de Shadows of Darkness, après des débuts emprunts d’une ambiance « draculesque » aussi classique qu’efficace – et magnifiquement portée par une réalisation réussie –, c’est celle d’une forme de retour aux sources. Les graphismes en EGA des débuts auront eu beau laisser la place à de superbes aquarelles scannées en 256 couleurs, à des personnages campés en plein écran et même, dans la version CD-ROM, à des doublages professionnels participant indéniablement à l’atmosphère (notamment grâce à un narrateur donnant un cachet certain au plus subtil pavé de description), il y a dans la ville fortifiée entourée de la quarantaine d’écrans qui forment la vallée de Mordavie de faux airs de Spielburg remis au goût du jour.

L’interface a peut-être drastiquement changé depuis ses débuts, le système de jeu gagné une classe dans Wages of War et une nouvelle caractéristique d’ailleurs assez gadget dans le présent épisode (l’acrobatie, qui ne servira pour ainsi dire qu’au voleur), les combats ont beau avoir été revus pour s’afficher en vue de profil afin de gérer désormais les déplacements – et même de proposer un mode « stratégique » correspondant ni plus ni moins à un combat automatique pour les aventuriers qui n’aiment pas les séquences d’arcade –, il y a cette sensation de revenir à la maison dans une version revue et corrigée de tout ce qu’ambitionnait être Quest for Glory I. Le temps a passé, notre personnage a pris de la bouteille, mais le monde autour de lui aussi a changé, et le paysage vidéoludique ayant bien gagné en maturité depuis 1989, Shadows of Darkness a tout pour être un bilan tiré à partir des leçons apprises grâce aux trois précédents épisodes. Pour offrir, enfin, une aventure qui fonctionne à tous les niveaux.

Premier point de ce cheminement : l’écriture. La Mordavie a beau correspondre en tous points au cahier des charges des précédents univers visités, comprendre : un monde aux références si archétypales qu’on devine qu’il n’a jamais été conçu pour surprendre, elle réussit à mettre le doigt sur la tonalité juste en ne s’enfonçant jamais bêtement dans un premier degré oppressant (le Dr. Cranium et son cobaye de service, bien évidemment prénommé « Igor », étant là pour nous rappeler que la série ne s’est jamais prise trop au sérieux) mais en parvenant néanmoins à instaurer une ambiance plus sombre qu’à son habitude.

Dans cette atmosphère d’Europe de l’est où l’on retrouve d’ailleurs des créatures largement popularisées depuis lors par The Witcher, chaque silence semble cacher une tragédie, et dès l’instant où les langues se délient surgissent les récits d’une enfant enlevée à ses parents, d’une femme noyée pour s’être refusée à son compagnon violent, ou d’un vieillard fou de solitude prêt à rejoindre son épouse jusque dans la mort. Les personnages, d’abord taillés à la serpe, s’humanisent progressivement tandis qu’ils apprennent à connaître cet étranger dont ils ont toutes les raisons de se méfier, et l’intrigue en devient par moments presque poétique – comme lorsque cette splendide Rusalka, esprit mort-vivant voué à entraîner ses victimes au fond du lac, décide qu’elle n’a plus envie d’essayer de vous tuer dès l’instant où vous avez la galanterie de lui offrir des fleurs et de la traiter comme une femme normale. Pour la première fois, il y a réellement quelque chose d’attachant dans le parcours de certains des êtres qui nous entourent (fussent-ils des monstres), et l’histoire sait se révéler à la fois prenante et subtile par séquences.

L’aspect jeu de rôles de la série retrouve également une partie de sa force en ne se limitant pas à une poignée de combats et à des statistiques qu’il est de toute façon assez simple de maximiser. Outre quelques affrontements plus stratégiques, qui permettront par exemple à un guerrier méthodique de dénicher une armure et un bouclier magiques (et mieux vaudra avoir les protections nécessaires pour affronter les spectres les plus puissants), les quatre classes du jeu offrent surtout des façons alternatives de résoudre les mêmes énigmes, et un personnage versé à la fois dans les armes et dans la magie pourra souvent compter sur un éventail très large pour résoudre un problème.

J’ai ainsi beaucoup apprécié qu’il soit permis à un aventurier de regagner sa chambre à l’auberge (barrée de l’intérieur, comme toutes les maisons de la ville, la nuit) en passant par la fenêtre à l’étage grâce à une séance d’escalade ou un sort de lévitation, ou encore qu’il soit possible de mener de nombreuses actions sans qu’aucune d’entre elles ne soit nécessaire à la conclusion de l’aventure. Le voleur récupère ses butins à amasser la nuit, le magicien peut hériter d’une quête exclusive confiée par les fées – autant de choses que le troisième épisode avait un peu perdu de vue, et qui permettent à la composante « aventure » de ne jamais se rendre bêtement frustrante en fermant des solutions évidentes permises par notre généreuse panoplie de compétences.

Il en résulte un meilleur compromis, une expérience mieux rythmée où le joueur est souvent laissé libre décideur du rythme, mais où certains événements viennent s’imposer de temps à autre pour conserver une forme de pression face à des crises ponctuelles. Au rang des quelques défauts, on pourra citer le besoin permanent de parcourir toute la vallée à pieds, écran par écran – ce qui est moins intéressant au bout de la quinzième fois, surtout quand certains arcs vous demandent d’alterner les allées-et-venues d’une extrémité de la région à l’autre.

Le passage du temps aurait également pu être optimisé ; multiplier les repos d’une heure pour être enfin autorisé à dormir jusqu’au matin parce qu’on attend la suite des événements n’étant pas exactement le pic de l’activité vidéoludique. Le jeu peut également apparaître un peu court – non qu’il soit plus facile ou moins ambitieux que ses prédécesseurs, mais le fait est surtout qu’on aurait volontiers passé encore un peu plus de temps en Mordavie, rencontré d’autres personnages, résolu d’autres tragédies, ce qui est un très bon révélateur du plaisir qu’on prend à découvrir la vallée et ses occupants. Le tout aurait d’ailleurs mérité une véritable séquence de fin en apothéose plutôt que l’éternel recours à un final expédié dès sa résolution avec un nouveau « la suite au prochain épisode » – il y a simplement des choses qui méritaient d’être mieux bouclées. Mais quoi qu’il en soit, si vous avez aimé les précédents épisodes – ou même si certains d’entre eux vous auront laissé sur votre faim – Shadows of Darkness représente à coup sûr la meilleure façon de vous rabibocher définitivement avec une série qui n’a peut-être pas toujours rempli tous ses objectifs, mais qui atteint ici une maturité salutaire.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

À la fois retour aux sources et conclusion de tous les arcs narratifs entamés dans les trois premiers épisodes, Quest for Glory : Shadows of Darkness vient boucler la boucle de la plus belle des manières en offrant une aventure enfin intéressante dans un cadre certes archétypal mais vraiment attachant et avec un aspect jeu de rôle redevenu pertinent. Tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant : la réalisation pleine de charme, les personnages attachants, l'ambiance qui trouve la tonalité juste sans tirer un trait sur l'humour, les combats adaptés au goût de chacun, et une intrigue qui vaut la peine d'être suivie, avec son lot de drames et d'histoires plus sombres que d'ordinaire. Un épisode plus abouti mais qui, en dépit de sa fin ouverte, sent le testament tant la formule était vouée à tourner en rond à un moment ou à un autre – qu'importe, il mérite d'être joué, et c'est tout ce qu'il faut en retenir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses allées-et-venues qui font regretter l'absence d'un système de voyage rapide
– Toujours aucun moyen d'accélérer le passage du temps au-delà des siestes d'une heure
– Un final qui aurait mérité d'être plus grandiose

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadows of Darkness sur un écran cathodique :

Quest for Glory III : Wages of War

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Seekers of the Lost City (titre de travail), Quest for Glory III : Les gages de la guerre (écran-titre – France) Quest for Glory III : Der Lohn des Krieges (Allemagne)
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

Les choses ne se passent pas toujours comme prévu. On a beau avoir une feuille de route claire et les moyens de la mettre en œuvre, il se trouve que la réalité a souvent son grain de sel à venir placer et que les plans sont faits pour être revus. Ce serait un peu gênant d’avoir une série télévisée dont un épisode se terminerait en cliffhanger, avec une bande-annonce des événements à venir… qui, au final, ne correspondrait absolument pas au contenu de l’épisode suivant (bon, sauf si on parle de la deuxième saison de Twin Peaks, mais je m’égare).

C’est pourtant exactement ce qui se sera produit avec Quest for Glory, dont la cinématique de fin du deuxième opus annonçait clairement la suite des aventures dans un jeu nommé Shadows of Darkness… qui se révèlera finalement être le quatrième épisode. Il y aura visiblement eu un changement de programme entretemps, qui explique peut-être d’ailleurs le hiatus de deux ans entre Trial by Fire et Wages of War ; toujours est-il que notre héros aura décidé de changer ses projets en dernière minute pour offrir un Quest for Glory III comme une parenthèse enchantée dans une Afrique qui n’en porte pas le nom pour s’interposer dans une guerre naissante avec l’aide de son ami Rakeesh le liontaure. Une étape impromptue traduisant parfaitement l’ère de transition accélérée que le PC était en train de vivre à la même époque : comme on va vite le constater, il s’était passé beaucoup de choses, en deux ans.

Comme son prédécesseur, Quest for Glory III : Wages of War (Les gages de la guerre, dans la version française) inscrit son intrigue dans la continuité directe de celle du précédent opus.

Que vous importiez votre héros victorieux (dont vous serez libre de changer la classe, au hasard pour en faire un paladin) ou que vous en créiez un nouveau, le jeu s’ouvre d’ailleurs par un rappel des événements de Trial by Fire, ou plutôt par un spoiler en bonne et due forme de son combat final (lequel, luxe absolu, respectera le déroulement des événements en fonction de votre classe) narré par Aziza. Puis, après les adieux et les félicitations d’usage, vous empruntez un portail magique vers la lointaine cité de Tarna, accompagné de Rakeesh, d’Uhura et de son fils. Réceptionné sur place par la compagne du liontaure, vous y apprendrez que leur fille, envoyée participer à des pourparlers de paix, aurait été tuée, et que les humains de la tribu Simbani seraient sur le point d’entrer en guerre ouverte avec une peuplade d’hommes-léopards. Un potentiel conflit derrière lequel semble se dissimuler l’ombre du démon qu’Ad Avis, le maléfique sorcier que vous venez de vaincre, semblait si pressé de libérer…

Première constatation : comme on l’a vu, un PC de 1992 n’avait plus grand chose à voir avec un PC de 1990, et le meilleur moyen de s’en convaincre est de jeter un œil à la réalisation en 256 couleurs avec ses décors basés sur des illustrations scannées – une méthode qui avait fait ses classes avec King’s Quest V juste après Trial by Fire, justement, et qui avait déjà eu le temps de faire des petits depuis lors comme on avait pu le constater avec Monkey Island 2 ou avec Rex Nebular. Le résultat permet de juger de la maîtrise des artistes de chez Sierra et de mettre en valeur le cadre du jeu, depuis la ville de Tarna jusqu’aux lointains villages secrets perdus dans la jungle en passant par la savane, de la meilleure façon qui soit.

Comme toujours avec la firme de Ken et Roberta Williams, la réalisation sonore n’est pas en reste, avec une ambiance africaine très bien rendue, mais c’est surtout l’interface intégralement à la souris qui risque de faire pousser un « ouf » de soulagement aux joueurs fâchés avec la ligne de commande : toutes les actions et informations sont accessibles via un menu qui apparait lorsque l’on déplace le curseur en haut de l’écran, ce qui fait passer le jeu en pause – un bon moyen de réfléchir au calme même lorsque la situation demande de réagir vite – et un clic droit permet de faire passer le curseur d’une action à l’autre. Conséquence, ce troisième opus est bien plus accessible que ses prédécesseurs (hors remake), et n’importe quel joueur ayant déjà été en contact avec un point-and-click devrait se sentir rapidement dans son élément. Les combats, pour leur part, n’ont pas beaucoup changé mais peuvent indifféremment être joués au clavier ou à la souris en fonction de ce qui vous paraîtra le plus naturel ; que du bonheur.

L’aventure, de son côté, souffle le chaud et le froid. La bonne nouvelle, c’est que le rythme « forcé » mené par le deuxième épisode (quitte à imposer de longues périodes d’attente) appartient ici au passé : l’histoire ne progresse que lorsque certaines actions ont été accomplies, et tant que ce n’est pas le cas vous être libre de parcourir un terrain de jeu qui n’est plus divisé en une successions d’écran hors des villes mais consiste en une carte sur laquelle vous reprendrez la main chaque fois que votre héros découvrira un lieu intéressant ou fera une mauvaise rencontre.

Le bon côté, c’est qu’on peut désormais explorer et faire ses découvertes à la vitesse où on l’entend, et que les joueurs souhaitant faire du grinding histoire de se préparer au mieux aux rares combats obligatoires seront donc libres de se faire un personnage à leur goût dans les délais qui leur conviennent. Le revers de la médaille, c’est qu’on peut aussi facilement se retrouver à errer en se demandant par quel miracle faire avancer les choses, comme dans le cas de cette prisonnière qui n’apparait au village Simbani que si Uhura a daigné vous défier à l’épreuve du lancer de sagaies, ce qui dans mon expérience aura nécessité pas loin d’une dizaine de séances d’entraînement ! Cette dimension arbitraire est d’autant plus énervante que plusieurs événements ne se déroulent qu’en étant au bon endroit au bon moment, ce qui demande de passer beaucoup de temps à expérimenter un peu tout et n’importe quoi en attendant que quelque chose se produise – pas exactement le meilleur moyen de rythmer l’aventure.

Les énigmes, pour leur part, reposent une nouvelle fois beaucoup sur le dialogue et la collecte d’informations ; elles sont rarement difficiles (le jeu avait été critiqué à sa sortie comme étant devenu trop simple comparé à ses prédécesseurs, en partie à cause de son interface qui circonscrivait les possibilités) et il faudra s’attendre à collecter des ingrédients pour des potions ou à rencontrer les bonnes personnes pour avancer.

Le jeu est d’ailleurs plus bavard que jamais, ce qui permet de doter ses personnages et son univers d’une épaisseur bienvenue, même si la chose perdra beaucoup de charme en français, la faute à une traduction particulièrement médiocre qui fait penser aux pires errances de ce qu’on obtiendrait aujourd’hui via la traduction logicielle – les fautes d’accord et d’orthographe en plus. Les anglophones passeront sans doute un meilleur moment à ce titre – et mieux vaudra l’être, puisque la version française n’est plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes. Dans l’ensemble, en dépit de ces quelques tracas, on revit un peu une version « exotique » du premier épisode où l’on gagne en dépaysement et en confort de jeu ce que l’on perd en surprise ; un « jeu d’aventure en monde ouvert » qui se laisse découvrir à son rythme et qu’on suit avec curiosité.

En revanche, la dimension « jeu de rôle » est plus que jamais anecdotique. Les combats sont toujours aussi rares et aussi limités, les caractéristiques commencent à perdre de leur pertinence à présent qu’on dirige un héros surqualifié, et surtout les différences entre les classes deviennent de plus en plus théoriques : les situations où l’approche changera en fonction de la classe du héros doivent littéralement se compter sur les doigts d’une main et le voleur, particulièrement à l’honneur dans l’épisode précédent, n’aura ici pas grand chose à faire dans une aventure où on lui demande plus que jamais d’être un modèle de vertu – en deux mots : un paladin.

On pourra également arguer que l’univers africanisant du jeu échoue, comme le royaume oriental de Quest for Glory II, à s’échapper d’une suite de poncifs qui côtoient involontairement le racisme et l’imaginaire colonial avec ses personnages qui nous donnent du « bwana », et on sent que l’équipe en charge de l’écriture ne s’est pas exactement épuisée à aller fouiller le folklore de l’Afrique noire pour chercher à donner davantage de personnalité à sa vision de carte postale. On aurait également aimé que le tout soit un peu plus ambitieux, un peu plus grand, un peu plus complexe, un peu plus profond – et ne s’achève pas sur une séquence de fin torchée en deux minutes pour nous expédier manu militari dans Shadows of Darkness. On a affaire à un épisode sur le fil : plus accessible, plus ergonomique, plus accueillant, moins (injustement) punitif, mais les fans des deux premiers épisodes – ceux qui voyaient des possibilités infinies plutôt que des lourdeurs contraignantes dans l’interface – risquent paradoxalement d’être ceux qui resteront le plus sur leur faim. Un épisode de découverte, mais pas le plus marquant du lot : c’est à prendre ou à laisser.

Vidéo – L’introduction et les quinze premières minutes du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Parfois considéré comme l'élément le plus faible de la série, la faute à des enjeux trop flous et à un univers africanisant qui peine à s'évader de l'enfilade de clichés exotiques, Quest for Glory III : Wages of War n'en est pas moins un épisode devenu bien plus accessible grâce à une interface et à une réalisation grandement dépoussiérées – ce qui change beaucoup de choses. Certes, on pourra regretter une progression souvent floue basée sur l'exploration et l'expérimentation davantage que sur un aspect jeu de rôle plus que jamais passé au second plan, mais on prend vraiment plaisir à découvrir un monde dépaysant peuplé de personnages intéressants ayant tous beaucoup de choses à dire. Le tout manque encore un peu de souffle épique, et sonne parfois comme une redite des aventures précédentes, mais reste suffisamment original pour sortir du lot et conserver un petit cachet unique. Pas complètement la suite qu'on espérait, mais une bonne occasion de se laisser surprendre.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Beaucoup d'occasions de tourner en rond faute de comprendre quelle action arbitraire est censée faire progresser l'intrigue
– Un aspect jeu de rôle plus que jamais anecdotique
– Une version française très médiocre qui alourdit la lecture dans un jeu où il y a beaucoup de texte
– Une fin trop vite expédiée

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les graphismes sont vraiment très beaux, à l’exception des paysages de la savane, franchement décevants. Les musiques typiquement africaines et les bruitages sont pour beaucoup dans l’ambiance de l’aventure. La panoplie d’énigmes est tout à fait correcte mais les habitués viendront à bout du jeu, en une dizaine d’heures seulement. »

Thomas Alexandre, Tilt n°108, novembre 1992, 16/20

Quest for Glory II : Trial by Fire

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée