Battle Chess 4000

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La série Battle Chess (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Chess (1988)
  2. Battle Chess II : Chinese Chess (1990)
  3. Battle Chess 4000 (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Janvier 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 3.1 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le propre de la prise de risques, c’est qu’elle est par définition, eh bien, risquée. On a tous connu cet étrange instant qui semble échapper au temps, figé quelque part dans les airs avec le sol si désespérément lointain, où le cœur s’emballe pendant que l’on se dit que l’on aurait peut-être mieux fait de réfléchir avant de sauter – et où le formidable gadin qui aura suivi nous aura invité, désormais, à préférer la sureté du plancher des vaches. C’est peut-être un peu la réflexion qu’auront conduit les studios Interplay après un Battle Chess II qui avait certes fait le pari osé de ne pas opter pour la solution de facilité, mais dont le succès n’avait vraisemblablement rien eu de comparable avec celui de son prédécesseur – et pour cause, tout le monde n’ayant pas forcément envie d’apprendre les échecs chinois juste pour regarder des personnages se battre entre eux.

Dès lors, on peut comprendre la tentation du retour en arrière et de la sécurité en livrant tout simplement ce que tout le monde attendait plus ou moins depuis le début: la même chose, mais en mieux. Justement, la technique avait énormément progressé en cinq ans, et les ordinateurs avaient désormais les moyens d’afficher des graphismes et des animations beaucoup plus ambitieux que ce que permettait un Amiga 500 – mais cela signifiait également que ce nouvel opus serait désormais réservé aux PC, voire aux PC bien équipés. Qu’importe : Battle Chess 4000 allait enfin permettre de revenir à un concept qui avait tant plu… sauf que les machines n’étaient pas les seules à avoir changé ; le public, lui aussi, commençait à se poser des questions plus pertinentes. Et la plus évidente d’entre elles se dessina déjà, à l’époque : mais au fond, quand on joue aux échecs, est-ce qu’on a vraiment envie de voir les pièces bouger ?

Pour une raison quelconque, celui qui aurait pu s’appeler Battle Chess III aura donc plutôt choisi Battle Chess 4000 – peut-être une façon d’acter la rupture avec le deuxième épisode. Cela lui aura visiblement donné l’idée de modifier un peu le thème médiéval du premier jeu, le plus convenu, pour opter pour quelque chose d’un peu plus dépaysant : un univers futuriste à la Flash Gordon. Ici, les pions sont des sortes d’extraterrestres évoquant un croisement contre-nature entre un fourmilier et sa pitance, les tours sont des robots géants à la Transformers, les cavaliers sont équipés d’un pistolet laser et les fous font appel à un bâton futuriste qui les dote de pouvoirs quasi-magiques.

Le tout est présenté dans un cadre de base militaire façon Étoile Noire, sur un échiquier parsemé d’étoiles, et le moins qu’on puisse dire est que le tout a de la personnalité – d’autant plus que le titre n’aura pas hésité à se présenter dans une version SVGA en 640×480 encore plutôt avant-gardiste en 1993, et qui tenait sur la bagatelle de sept disquettes haute densité (une version VGA, ne tenant elle que sur trois disquettes, aura également été mise en vente simultanément). Les unités, de toute évidence modélisées en 3D pré-calculée, ont l’avantage d’être détaillées, bien typées et immédiatement reconnaissables que ce soit de face ou de dos, et la lisibilité est globalement très bonne quand on joue sur le plateau 3D (mais une vue 2D est bien entendu disponible), soit autant de leçons qu’aurait mérité de tirer un machin comme Terminator 2 : Judgment Day – Chess Wars. Bref : c’est relativement beau, ça a du cachet, ça ne gène en rien la partie et ça a plutôt bien vieilli ; autant dire un bon départ.

À ce stade, je sens qu’une question est d’ores et déjà sur toutes les lèvres : le concept du jeu reposant sur le fait de voir nos divers pions se mettre joyeusement sur la gueule, l’effet de surprise joue-t-il toujours ? À ce niveau, on sera reconnaissant aux artistes de chez Interplay d’avoir réalisé que voir deux unités s’échanger des coups n’était pas (ou plus ?) intrinsèquement passionnant, et que chaque saynète mettant en scène un échange de pièces demandait de déployer un minimum d’imagination pour permettre au joueur d’être surpris ou amusé – en un mot : intéressé.

Dans le domaine, Battle Chess 4000 ne s’en sort vraiment pas mal, et si on se bidonne rarement comme on le ferait devant les meilleur Tex Avery, on a désormais droit à de véritables scénarios avec retournements de situation, tension dramatique et effets cartoon – sans oublier les références obligées comme le monolithe de 2001 L’odyssée de l’espace invoqué lorsque la reine prend un cavalier, et qui sort le grand jeu avec le thème d’Ainsi parlait Zarathoustra en fond, avant une conclusion… surprenante. Si on pourra regretter au passage que la réalisation sonore ait tiré un trait sur la Roland MT-32 et n’offre aucune gestion du standard General MIDI, le titre offre assurément ce qu’on était venu chercher grâce à ses graphismes et animations de qualité. Sauf qu’après trois épisodes aboutissant tous plus ou moins à la même conclusion, il était peut-être temps de poser enfin la question qui fâche : est-ce que les joueurs avaient encore réellement envie de regarder des pièces se battre sur un échiquier ?

Le truc, et on le constate rapidement aujourd’hui, c’est que quand on a envie de jouer aux échecs, c’est rarement pour être distrait toutes les vingt secondes – surtout quand on ambitionne de jouer à bon niveau ; c’est un peu comme un lâcher de vachettes au milieu d’un match de football professionnel. Se lancer dans une partie juste pour regarder des animations rigolotes, c’est par définition une approche de néophyte ou de joueur du dimanche – ce qui n’a rien de honteux (je suis moi-même un joueur d’échecs plutôt médiocre), mais qui fait aussi qu’on peut comprendre que le public visé par le jeu soit également le moins disposé à aller l’acheter au prix fort. Car fatalement, chaque type de prise de pièce aboutissant systématiquement à la même animation, on se lasse rapidement des échanges de pions qu’on aura déjà vu trente fois au bout de cinq parties et on finit par se débarrasser de la raison d’être du programme pour revenir aux fondamentaux : les échecs en eux-mêmes, en 2D, sans le strass et les paillettes qui se seront évaporés au bout d’une heure –tout simplement parce qu’ils gênaient.

Dans ce domaine, le titre s’appuierait (à en croire le magazine Tilt de l’époque) sur le moteur de Chess Player 2150 – une information que je ne peux ni confirmer ni infirmer mais qui me parait surprenante, ce jeu n’ayant été ni développé ni édité par Interplay – mais le fait est qu’il offre toute la panoplie d’options et d’évaluations d’un « véritable » jeu d’échecs tout en jouant vite et en se montrant nettement plus « prenable » à bas niveau que l’I.A. du Battle Chess originel. Peut-être même trop, en fait : dans les dix déclinaisons de difficulté du mode « faible », l’ordinateur déploie un comportement pas très cohérent qui ressemble un peu à ce que pourrait offrir une partie contre votre petit cousin de six ans qui était occupé à se curer le nez en fixant le mur pendant que vous lui expliquiez les règles et qui n’a pas encore bien saisi toutes les subtilités du jeu – ni la nécessité de réfléchir avant de déplacer une pièce. À haut niveau, il se débrouille heureusement bien mieux… sauf qu’il y a tellement de jeux d’échecs, à l’heure actuelle, qui sont capable de faire bien mieux que lui, que c’est finalement dans sa dimension la plus limitée – le coup de peinture – que le logiciel présente le plus d’intérêt aujourd’hui.

Battle Chess 4000 est donc typiquement le jeu qu’on sort aujourd’hui pour jouer aux échecs sans réellement jouer aux échecs, une sorte de mode fun inclus dans un jeu plus sérieux et qui est très bien pour réenchanter très ponctuellement une activité que l’on connait déjà par cœur juste le temps de quelques parties avant de devoir à nouveau renoncer parce qu’on a toujours autre chose de plus important à faire.

Du popcorn pour le cerveau qui passe d’autant mieux que le titre est aujourd’hui disponible à des prix nettement plus accessibles qu’à sa sortie et peut donc constituer un moyen comme un autre d’initier des enfants aux échecs de façon ludique sans se laisser intimider par l’austérité d’un échiquier ordinaire. Un bon moment, assurément, mais qui est voué à se révéler dramatiquement court, un apéritif avant un festin qui s’avèrera autrement plus mémorable – et auquel on ira s’adonner sur d’autres jeux. Bref, une approche qui faisait illusion en 1988, mais qui avait acquis la signification un peu trop littérale du terme « divertissement » cinq ans plus tard, et qui aura finalement scellé la mort irrémédiable et logique d’un concept qui ne tenait que par une forme de naïveté assez pure. Juste de quoi retrouver son âme d’enfant le temps d’une heure – avant de réaliser, dans un soupir fatigué, qu’on est décidément devenu un peu trop vieux pour ça.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Retour à la bonne vieille formule et aux échecs « traditionnels » pour un Battle Chess 4000 qui ne prend certes aucun risque, cette fois, mais qui s'efforce d'assumer son concept jusqu'au bout grâce à une réalisation inattaquable, à un univers visuel plus original et à des saynètes beaucoup plus imaginatives. En dépit de la relative solidité du moteur de jeu (qui fait malgré tout n'importe quoi à bas niveau), la question de la simple pertinence du concept reste posée : à partir du moment où on a l'intention de jouer aux échecs, pendant combien de temps a-t-on envie d'être distrait par des animations comiques, même bien pensées ? Au-delà d'une certaine curiosité qui pourra survivre pendant quelques parties, on en revient vite au plateau en 2D pour jouer à un jeu d'échecs comme on peut en trouver gratuitement des centaines – souvent plus performants – aujourd'hui, mais on pourra au moins apprécier le plaisir de s'être amusé pendant une heure ou deux à découvrir des gags qu'on ne connaissait pas. On s'en contentera.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une approche dont l'intérêt diminue en flèche au fil du temps
– Une intelligence artificielle qui fait n'importe quoi à bas niveau

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Chess 4000 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« On joue pour découvrir et admirer les animations. Une fois l’aspect découverte épuisé, il demeure un excellent jeu d’échecs capable de faire « toucher les épaules » à la plupart des joueurs. »

Jacques Harbonn, Tilt n°112, Mars 1993, 17/20

« Bien que Battle Chess 4000 paraisse posséder les qualités d’un vrai jeu d’échecs, je m’interroge quand même sur un point : quel public vise-t-il ? Est-ce un jeu d’échecs ou un jeu drôle ? Difficile de concilier les deux, non ? Dans un cas, l’animation déconcentre, dans l’autre on doit réfléchir pour assister aux combats délirants entre les pièces ! »

Morgan Feroyd, ibid.

Dynamite Headdy

Développeur : Treasure Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Testé sur : Mega DriveGame GearMaster System
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Mac OS, PlayStation 2, PlayStation 3, Switch, Wii, Windows
Présent au sein de la ludothèque intégrée de la Mega Drive Mini
Présent au sein des compilations :

  • Sega Ages 2500 : Vol.25 – Gunstar Heroes : Treasure Box (2006 – PlayStation 2, PlayStation 3)
  • SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS, Windows)

Version Mega Drive

Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Octobre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction anglaise par Jon Najar
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Moins d’un an : c’est le temps qu’il aura fallu à la jeune équipe de Treasure pour parvenir à accomplir deux faits suffisamment notables pour mériter d’attirer beaucoup d’attention. Quand le premier jeu développé par un studio se trouve être rien de moins que Gunstar Heroes, run-and-gun si frénétique et efficace qu’il peut revendiquer le titre de meilleur représentant du genre sur Mega Drive – et peut-être même à l’échelle de toute la génération 16 bits – il y a déjà de quoi avoir très envie de voir la suite des événements ; et quand celle-ci revient à transformer ce qui aurait dû être un simple jeu de promotion insipide apte à donner des cauchemars à des millions d’enfants en mettant en scène l’immonde Ronald McDonald en le très sympathique McDonald’s Treasure Land Adventure, on commence à approcher de la magie noire.

Il faut dire qu’avec d’anciens développeurs du Konami de la grande époque à la manœuvre, on se doutait qu’on n’avait pas exactement affaire à des pitres, mais une petite voix un peu paranoïaque tout en restant désespérément rationnelle murmurait que peut-être ces deux succès pouvaient aussi bien constituer deux accidents, deux exceptions avant des productions nettement plus convenues appelées à rentrer dans le rang en même temps que leurs concepteurs. Dès lors, les joueurs impatients attendirent fébrilement la confirmation, la dernière preuve qu’ils venaient d’assister à la naissance d’un studio appelé à faire date et dont il faudrait surveiller le moindre logiciel comme on le faisait avec les Bitmap Brothers ou la Sonic Team. Ils n’eurent pas à patienter trop longtemps : dès la mi-1994 surgissait Dynamite Headdy, autre représentant assumé d’un domaine où la concurrence était pourtant terrible : le jeu de plateforme. Et le jugement ne tarda pas à tomber, inéluctable : sans vouloir faire de mauvais jeu de mots (bon allez, si, un peu quand même), c’était de la bombe. Encore.

La première petite surprise conférée par le jeu, c’est son univers. Certes, celui-ci n’est pas exactement introduit par une version occidentale où tous les dialogues ont été supprimés (un patch – anglais – de traduction de la version japonaise existe, je vous renvoie au pavé technique), la difficulté augmentée et quelques modifications cosmétiques opérées, mais il est difficile de ne pas remarquer le fait que toute l’action, des environnements au déroulement des niveaux, est présenté comme un décor de théâtre mû par une machinerie visible à l’écran : panneaux amovibles, épais cordages, clous apparents, déchirures dans la toile – et que le tout est souvent remplacé à la volée en pleine action, parvenant à offrir un dynamisme inattendu à des éléments censés être statiques.

Un thème particulièrement pertinent dans le sens où il justifie une mise en scène permanente : un boss introduit par un projecteur, un décor de fond qui s’écroule, des indications pour les techniciens en coulisse, et même un personnage dont l’unique fonction est de vous désigner le point faible des boss ! Tout cela donne un aspect organique, une vie permanente aux tableaux qui défile sous nos yeux et introduit d’emblée une variété impressionnante sur laquelle on aura l’occasion de revenir : d’un bout à l’autre, Dynamite Headdy est un jeu en mouvement où tout semble concourir à ne jamais laisser vos sens au repos d’une façon plus subtile et encore un peu plus audacieuse que celle d’un certain hérisson bleu qui avait pourtant dynamité (calembour) beaucoup de codes en la matière.

La deuxième surprise, c’est le mode d’action de notre héros qui résout les problèmes avec sa tête – littéralement. Plus d’un an avant que Rayman n’ait l’idée de lancer ses poings, le bien nommé Headdy, lui, utilise carrément son crâne en guise de projectile.

Et non seulement cela est très efficace et lui permet d’ailleurs également de s’agripper à des prises qu’il peut employer pour se propulser à distance, mais c’est aussi la base d’un système de power-up très bien fichu puisque notre héros peut carrément changer de tête pour changer de pouvoir : une tête de marteau pour frapper dur, une tête miniature pour s’ouvrir des passages autrement inaccessibles, une tête de cochon pour aspirer tout ce qui se trouve à l’écran, ou même une tête l’expédiant dans un niveau bonus et une tête malus le ralentissant – près d’une vingtaine au total. Un petit côté Kid Chameleon très bien mis à profit, puisque les pouvoirs ne sont pour ainsi dire jamais distribués au hasard mais plutôt en fonction de ce qui met en valeur le level design, introduisant constamment de nouvelles idées au fil des neuf niveaux eux-mêmes divisés en plusieurs sous-niveaux – quitte à offrir un segment shoot-em-up pendant toute la durée du sixième monde, voire à carrément offrir un sous-niveau entier (et facultatif) à présenter en situation les principaux mécanismes du jeu ! Bref, Dynamite Headdy a des idées et de l’audace en réserve – et la dernière bonne nouvelle, c’est qu’il a aussi le talent de l’équipe de Treasure pour en tirer le meilleur.

On pourrait ainsi s’attarder longtemps sur la réalisation exceptionnelle du jeu, véritable vitrine technologique mettant en scène à peu près tout ce que la Mega Drive est capable d’afficher en la matière – et de rappeler qu’il n’était pas nécessaire d’avoir à disposition un Mode7 comme la Super Nintendo pour afficher des rotations ou des zooms – mais les captures d’écrans seront déjà suffisamment parlantes à ce niveau – et quel plaisir de profiter d’un tel déluge de couleurs sur une console qui s’était un peu trop acharnée à offrir des titres sombres, pour ne pas dire grisâtres, pendant ses premières années de commercialisation.

Mais la vraie star du jeu reste son extraordinaire game design : chaque sous-niveau du jeu semble introduire une nouvelle idée, une petite trouvaille dont il tire merveilleusement parti et qui fait qu’on n’a virtuellement jamais le temps de sentir pointer quoi que ce soit qui ressemble à de l’ennui. Sol qui se penche, phases où il faut jouer avec la gravité – un peu à la façon d’un segment du deuxième monde de Castle of Illusion, mais en beaucoup mieux exploité ici – tour rotative à la Nebulus, poursuite en défilement imposé, tout y passe, quitte parfois à cumuler plusieurs idées sur un même niveau. On se retrouve face à une variété qui parvient à supplanter celle d’un titre comme Rocket Knight Adventures, pourtant déjà pas avare en la matière, et en offrant surtout une merveilleuse efficacité dans le rythme qui permet au jeu d’être un peu tout ce que Tiny Toon Adventures : Buster Busts Loose! avait cherché à être sans réellement y parvenir – et non, ce n’est pas par accident que j’ai choisi deux titres de Konami en guise de comparaison.

On pourrait encore creuser longtemps tout ce qui vient nourrir la rejouabilité du titre, comme l’existence de « points secrets » à glaner en accomplissant certaines actions (par exemple en détruisant le robot qui vous pourchasse lors du premier niveau plutôt que de vous contenter de fuir) et qui permettent d’ouvrir l’accès au « vrai » boss final, lequel est pour le coup assez surprenant !

Mais la vérité est surtout que Dynamite Headdy est une véritable mine de trouvailles, un vaccin permanent contre la monotonie dont les deux seuls minimes défauts sont un certain flou dans les zones de collision lors des combats de boss (il n’est pas toujours facile de comprendre ce qui vous touche et ce qui ne vous touche pas) et surtout une difficulté qui bascule dans le sauvage vers la deuxième moitié du jeu et qui imposera de longues séquences de die-and-retry à un jeu déjà assez long, ce qui amène presque à regretter qu’un système de mot de passe ne soit pas disponible. On en prend constamment plein les mirettes et on a hâte de voir la prochaine idée grandiose du programme – même si on se doute qu’on va rapidement en baver – et on se retrouve face à un de ces monuments qui nous aident à comprendre pourquoi le jeu de plateforme aura longtemps été considéré comme le genre roi sur console : quand ça atteint ce niveau-là, ça ne prend tout simplement pas une ride, jamais, même avec trente ans de recul. Vous voulez redécouvrir ce qu’était le fun à l’ère 16 bits ? Essayez Dynamite Headdy. C’est un peu comme un baume de fraise Tagada sur vos rêves d’enfants meurtris.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20


Dynamite Headdy aurait pu n'être qu'une vitrine technologique pour la Mega Drive, ou bien uniquement la rencontre entre une idée de gameplay sympa et un univers original, ou bien simplement un jeu de plateforme d'une rare variété, et cela aurait déjà été très bien. Mais ce qui fait du titre de Treasure l'un des meilleurs représentants du genre au sein de sa génération, c'est surtout qu'il soit parvenu à être tout cela à la fois. S'il est un mot à bannir définitivement en décrivant la formidable cartouche délivrée par l'équipe japonaise, c'est bien « monotonie » : on a rarement vue autant de trouvailles présentées à un rythme aussi effréné et d'une façon aussi merveilleusement efficace – de quoi donner la leçon même à des références en la matière, Rocket Knight Adventures en tête. Certes, mieux vaudra avoir la tête froide et des nerfs d'acier vers la fin du jeu, car la difficulté y devient redoutable, mais c'est avec un plaisir certain qu'on sera heureux d'y revenir tant l'expérience est plaisante d'un bout à l'autre. Chapeau bas, messieurs.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des zones de collision pas toujours très claires, en particulier lors des combats de boss
– Une difficulté qui ne fait vraiment pas de cadeaux sur la fin du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dynamite Headdy sur un écran cathodique :

Version Game Gear

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Novembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bien qu’on l’associe traditionnellement à la Mega Drive, Dynamite Headdy aura également connu une sortie simultanée sur Game Gear, avec l’équipe de Minako Giken – grande habituée des portages sur la console portable – à la baguette. Dans l’absolu, cette itération 8 bits s’efforce de respecter au maximum le déroulement de la version Mega Drive, mais comme on peut s’en douter, les capacités de la console alliés à la division par quatre de la taille de la cartouche auront fatalement entraîné de nombreux sacrifices.

Si la réalisation est colorée et relativement efficace, avec la plupart des thèmes musicaux repris fidèlement à quelques exceptions près (le thème de l’écran-titre reprend celui du premier niveau de la version Mega Drive, par exemple), le framerate est nettement plus bas, la fenêtre de jeu nettement plus petite, et à peu près toutes les trouvailles graphiques de la version Mega Drive – les zooms, les rotations, le sol du niveau trois qui pivote – ne sont plus à l’ordre du jour ici. Le contenu a lui aussi été lourdement sabré : il n’y a plus que six niveaux, ils contiennent moins de sous-niveaux, les boss ont été simplifiés, etc. ; le jeu peut donc être vaincu beaucoup plus vite même si la difficulté reste conséquente, notamment parce que la jauge de vie du héros est ici nettement moins conséquente. Le vrai problème, c’est que même avec toute la meilleure volonté du monde, Dynamite Headdy n’a tout simplement plus les armes pour surprendre sur Game Gear et l’expérience nerveuse, variée et rafraichissante a ici laissé la place a quelque chose de nettement plus convenu où le déroulement est devenu beaucoup plus téléphoné. Les niveaux n’ont pas le temps d’être mémorables, la difficulté est souvent frustrante parce qu’on n’a que très peu de temps pour comprendre les patterns des boss et mini-boss, et sans passer un mauvais moment on est plus proche d’un ersatz de l’expérience originale que de sa retranscription fidèle. Une cartouche à lancer par curiosité, mais si vous voulez vraiment découvrir le jeu, essayez plutôt la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 13,5/20

En dépit d’une réalisation honnête, Dynamite Headdy sur Game Gear aurait été bien inspiré d’être une adaptation pensée pour la console portable plutôt qu’un simple portage, surtout quand celui-ci perd au passage pratiquement tout ce qui faisait la force de la version Mega Drive pour devenir un jeu prévisible où la plupart des idées originales ont disparu. Une version expurgée qui conserve son petit charme, mais qu’on préfèrera réserver aux curieux.

Version Master System

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : Octobre 1995 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1995, la Master System faisait encore une très belle carrière au Brésil, ce qui aura permis aux locaux de bénéficier de cartouches jamais commercialisées dans le reste du monde. Comme on peut s’en douter, les équipes de SEGA n’auront pas exactement été mobilisées pour un marché qui demeurait relativement marginal – ou en tous cas, très secondaire derrière celui des jeux Saturn ou même Game Gear –, et les équipes de Tec Toy se seront donc contentées de reprendre la version développée par Minato Giken et de l’adapter à la Master System. Ironiquement, en dépit du manque total d’innovations que cela implique, il faut bien reconnaître que l’accroissement de la fenêtre de jeu rend l’action nettement plus lisible, que les couleurs sont moins agressives et que le framerate est également meilleur, rendant de fait cette version sensiblement plus jouable que celle dont elle est tirée. Pour le reste, il faudra composer exactement avec les mêmes coupes que sur Game Gear, ce qui offre à la console un jeu de plateforme très correct mais ne jouant clairement pas dans la même cour que l’opus Mega Drive.

NOTE FINALE : 14/20

Comme très souvent avec les exclusivités brésiliennes sur Master System, Dynamite Headdy n’est rien de plus que le portage de la version Game Gear adapté à la résolution de la console – ce qui apporte, mine de rien, un indéniable surplus en termes de confort. De quoi offrir à la machine un jeu de plateforme très correct.

Dark Sun : Shattered Lands

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Dungeons & Dragons : Ultimate Fantasy (1995 – PC (DOS))
  • Three Worlds of Official Dungeons & Dragons 2nd Edition Computer Games (1995 – PC (DOS))
  • Advanced Dungeons & Dragons Masterpiece Collection (1996 – PC (DOS))
  • Dungeons & Dragons : Dark Sun Series (2015 – Linux, Mac OS, Windows)

En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La licence Dark Sun (jusqu’à 2000) :

  1. Dark Sun : Shattered Lands (1993)
  2. Dark Sun : Wake of the Ravager (1994)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sons supportées : AdLib/Gold, ARIA Chipset, General MIDI, General MPU-401 MIDI Devices, Gravis Ultrasound/ACE, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1992, l’union autrefois idyllique entre Strategic Simulations, Inc. et la licence Donjons & Dragons commençait à sérieusement battre de l’aile.

Du côté de SSI, tout d’abord, l’enthousiasme initial qui avait entouré le triomphe critique et commercial de Pool of Radiance se sera fatalement essoufflé, la faute autant à un marché saturé de « Gold Boxes » (neuf jeux en cinq ans, sans même parler des « Silver Boxes » qui les accompagnaient) qu’à une baisse notable de la qualité de ces dernières, le poids des années se faisant de plus en plus sentir sur un moteur de jeu resté prisonnier des contraintes des ordinateurs 8 bits pour lesquels il avait été conçu – et qui commençait à faire sourire face à des productions de pointe à la Ultima VII. Conséquence : les ventes auront logiquement suivi la pente déclinante de l’intérêt des joueurs, et là où Pool of Radiance s’était écoulé à plus de 260.000 exemplaires à son lancement, The Dark Queen of Krynn, la dernière des « Gold Boxes », aura à peine dépassé les 40.000 copies vendues. L’embellie passagère provoquée par le succès d’Eye of the Beholder, dernier titre de la licence à avoir franchi le cap des 100.000 ventes, n’aura pas survécu au rachat de Westwood Studios par Virgin Games, et dans l’ensemble les résultats financiers n’avaient pas de quoi faire sourire les responsables du studio américain.

Pour être honnête, du côté de TSR – détenteurs de la licence Donjons & Dragons –, l’ambiance n’était pas meilleure, et pas seulement parce que les ventes des « Gold Boxes » étaient en chute libre ou que SSI avait échoué à porter la plupart de ses jeux sur consoles. La concurrence commençait également à se faire féroce sur le marché des jeux de rôles papier, et l’émergence de concurrents plus accessibles comme Vampire : La Mascarade et bientôt celle d’un certain Magic : L’Assemblée semblait prendre de court une firme dont la seule réponse était de sortir systématiquement des tombereaux de nouveaux modules et univers exclusifs, achevant de rendre la licence encore plus opaque et encore plus impénétrable aux yeux des néophytes.

L’accord qui unissait les deux compagnies devait prendre fin au 1er janvier 1993, et le moins qu’on puisse dire, c’est que SSI jouait beaucoup plus gros que TSR au moment de chercher à obtenir la prolongation dudit accord. Au terme de tractations intenses, celui-ci se trouva finalement étendu de 18 mois, mais à une condition : plus question pour SSI de se reposer sur le moteur agonisant des « Gold Boxes » ; il allait être temps d’embrasser la modernité, et surtout de développer un jeu dont les chiffres de vente retrouve les sommets atteints par Pool of Radiance, rien de moins. Le studio américain, parfaitement conscient d’être en train de jouer sa survie, investit donc plus d’un millions de dollars dans la conception d’un nouveau moteur de jeu, lequel accoucha de ce qui aurait dû être la tête de lance de la nouvelle fournée de jeux estampillés Donjons & Dragons : Dark Sun : Shattered Lands.

Le titre du jeu trahit d’ailleurs déjà la première exigence de TSR, qui aura imposé l’usage d’un de ses nouveaux univers flambants neufs histoire de le promouvoir plutôt que de se reposer sur la licence désormais sur-employée des Royaumes Oubliés. Entre donc l’univers vaguement post-apocalyptique de Dark Sun, monde vidé de sa force vitale par des magiciens surpuissants, et qui présente une esthétique qui a le mérite d’être relativement originale, tendance « Mad Max chez les elfes et les nains ».

Comme souvent avec Donjons & Dragons, cet univers s’accompagne également d’une surcouche de règles, de races et de spécificités qui pourront décontenancer jusqu’aux habitués de la licence principale – sans même parler des néophytes, qui risquent d’être perdus pour de bon. Ainsi, la création des quatre personnages qui formeront votre équipe demande désormais de composer avec des races aussi exotiques que des demi-géants, des Muls (croisements de nains et d’humains) ou des Thri-Keens, espèce insectoïde à six pattes ne pouvant s’équiper d’aucune forme d’armure. Les classes sont également chamboulées, d’abord parce que le rôle de soigneur échoie désormais aux druides tandis que les clercs doivent choisir un élément dans lequel se spécialiser, mais aussi et surtout parce que toutes les races et les classes disposent désormais de pouvoirs psioniques en plus de leur éventuelle magie – et pour ne rien arranger, bien qu’il n’en soit fait mention nulle part, le jeu est clairement pensé d’un bout à l’autre pour des combattants multi-classés, n’hésitez donc pas à donner à tous vos personnages une classe de guerrier ou de gladiateur à côté de leur classe principale, vous ne le regretterez pas. À peine formé, votre groupe sera catapulté dans le feu de l’action, ou plutôt dans l’arène, puisque la partie s’ouvrira dans la peau d’un groupe de gladiateurs retenus esclaves, avec un premier objectif clair : parvenir à se faire la malle pour aller découvrir le vaste monde.

Une très bonne occasion de découvrir ce fameux nouveau moteur de jeu qui respire, à bien des niveaux, l’inspiration évidente qu’était celui d’Ultima VII. Non seulement les graphismes sont des kilomètres au-dessus de ce que permettait le moteur des « Gold Boxes », avec des détails dans tous les sens et des personnages fidèlement campés à l’échelle, mais en plus les développeurs de SSI ont visiblement bien travaillé puisque le jeu est nettement moins gourmand que son modèle et qu’il offre aussi et surtout un système de combat en tour-par-tour nettement plus satisfaisant que les affrontements largement automatiques du concurrent de chez ORIGIN Systems, et qui permet de mettre à contribution la large panoplie de possibilités additionnelles dont nous avons à peine égratigné l’étendue au paragraphe précédent.

Un changement qui se ressent autant dans l’ergonomie désormais intégralement à la souris, puisqu’il est possible d’interagir avec pratiquement tous les objets et les êtres vivants présents à l’écran, que dans la philosophie générale où les conversations jouent désormais un rôle nettement plus important que dans les « Gold Boxes » qui tendaient à se limiter à une longue suite de combats. Le joueur peut désormais choisir comment répondre, se montrer agressif ou conciliant, tuer tout ce qui bouge ou bluffer, et la bonne nouvelle est que la plupart des quêtes sont dorénavant pensées pour pouvoir être résolues de plusieurs manières, depuis la plus directe – et généralement la plus brutale – jusqu’à la plus intelligente. Un gros changement d’approche – où l’influence des Ultima se fait une nouvelle fois sentir – qui permet enfin au joueur de faire du roleplay au-delà du choix de sa classe et de ses caractéristiques, ouvrant ainsi la voie aux jeux de rôles « modernes » à la Fallout.

Jusqu’ici, le menu est très alléchant, d’autant plus que la présentation est nettement plus soignée, et on pourrait penser que Dark Sun : Shattered Lands a absolument tous les arguments pour pouvoir prétendre au titre de « nouveau Pool of Radiance » qu’il cherchait si désespérément à atteindre. Dans les faits, il n’en est pas si loin, grâce notamment à ce nouveau moteur qui laisse enfin une place prépondérante à l’aventure et à l’expérimentation, mais comme souvent avec SSI les problèmes commencent plutôt à se manifester du coté de l’écriture et de celui de la finition.

Tout d’abord, on pourra par exemple regretter que le joueur soit en quelque sorte pris à froid en se faisant bombarder au milieu des combats dès les premières secondes de jeu sans même se voir offrir le temps de découvrir l’univers, les enjeux et l’interface, avec une pression constante sur les épaules puisque chaque repos l’approche du prochain combat d’arène, lequel s’avèrera chaque fois un peu plus difficile que le précédent – et sans même un marchand pour pouvoir s’équiper. Un peu raide, comme courbe d’apprentissage ! Dans le même ordre d’idées, le monde du jeu est assez mal introduit, on n’a aucune notion précise de sa géographie, de sa géopolitique ou des rapports de force en présence, et le scénario se limite finalement à unir une poignée de villages contre une grande armée dont on n’est même pas certain de bien comprendre qui la mène ni pourquoi elle veut massacrer tout le monde. Difficile de se sentir impliqué dans un univers où tout le monde ne semble se soucier que de son petit nombril et nous envoyer faire des quêtes se résumant à récupérer un truc ou à tuer un machin, et dans l’ensemble le charme qu’aurait dû représenter la découverte de ce monde original se limite un peu trop à parcourir de grands déserts vides où on ne trouve que trop rarement quelqu’un à qui parler en tuant les monstres qui se présentent en route. Une philosophie pas si nouvelle que ça, en fin de compte…

De la même façon, on sent encore une interface pas bien dégrossie, notamment parce que les possibilités sont loin d’être évidentes. Par exemple, il est parfois possible d’escalader un mur ou d’ouvrir un passage, sauf que rien ne distingue ces éléments interactifs des autres, et qu’on se retrouve trop souvent dans des situations où on « peut » faire des choses » mais où rien n’indique qu’on puisse le faire, et il faut un long moment pour découvrir la réelle étendue des possibilités d’action du jeu – et à quels endroits celles-ci se manifestent.

Par exemple, dès la première zone du jeu, on peut choisir de donner à boire à un prisonnier dans l’arène, encore faut-il avoir ramassé un pot, s’être trouvé en présence d’une réserve d’eau, et avoir sélectionné l’objet dans son inventaire avant d’en sortir et d’enchaîner les clics droits jusqu’à ce que l’objet sélectionné réapparaisse pour enfin l’utiliser sur l’abreuvoir afin de le remplir. On est très loin de l’interface hyper-intuitive d’Ultima VII… De fait, le jeu se montre souvent bavard et verbeux alors qu’il n’a pas grand chose à dire, la zone de jeu se limite à une quinzaine de régions dont on fait très vite le tour, et la durée de vie du programme atteint au final péniblement les dix heures (je ne sais pas où Tilt était allé chercher le chiffre d’une « petite centaine d’heures », mais on en est très loin !). En y ajoutant de nombreux bugs et autres soucis de pathfinding, les promesses entrevues lors des premières minutes de jeu peinent trop souvent à se matérialiser, et sans passer un mauvais moment on a un peu trop souvent l’impression que ce Dark Sun n’est que l’ébauche du jeu qu’il aurait pu être avec un peu plus de soin – et surtout, avec un peu plus de temps.

Le succès public n’aura d’ailleurs clairement pas été au rendez-vous : en dépit d’un très bon accueil critique, le jeu se sera péniblement vendu à 45.000 exemplaires – à peine plus que les ultimes opus des « Gold Boxes » à bout de souffle, et surtout péniblement un sixième des ventes atteintes par Pool of Radiance en son temps. Pas exactement l’objectif recherché pour un titre ayant nécessité des investissements massifs et dix-huit mois de développement…

Après de nouvelles âpres négociations entre TSR et SSI, l’accord d’exclusivité les liant aura finalement été prolongé jusqu’au 1er janvier 1995, après quoi la licence serait accessible à d’autres développeurs – et SSI, qui n’avait pour ainsi dire vécu que de l’exploitation de Donjons & Dragons depuis 1988, se sera efforcé d’essorer son précieux sésame avec ses dernières forces (Al Qadim, Dark Sun : Wake of the Ravager, deux épisodes de Ravenloft, Menzoberranzan, Deathkeep…) avant d’être contraint de retourner à ses premières amours et de retrouver, ironiquement, le succès avec un jeu de stratégie à l’ancienne, un certain Panzer General. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, les joueurs souhaitant découvrir une expérience un peu moins balisée et un peu plus organique que celle des « Gold Boxes » seraient bien inspirés de laisser une chance à ce premier Dark Sun certes imparfait, mais plus accessible et plus dépaysant que ses glorieux prédécesseurs tout en conservant les possibilités d’un système de combat largement célébré. Il ne fait peut-être pas mouche à tous les niveaux – et les « Gold Boxes » avaient l’avantage de présenter des possibilités mieux encadrées et mieux définies, en dépit de leurs lourdeurs – mais il demeure un des rares représentants de cette première vague de jeux de rôles « de transition » avant l’ère du CD-ROM et du multimédia, et il conserve le charme de la relative originalité de son univers. Ça vaut peut-être bien une deuxième chance, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Lancé comme le programme qui devait apporter un second souffle à la licence Donjons & Dragons et renouer avec le succès de Pool of Radiance grâce à un moteur de jeu revu de fond en comble, Dark Sun : Shattered Lands aura hélas échoué à atteindre son objectif dans les grandes largeurs et annoncé le terme de la tumultueuse relation entre SSI et TSR. C'est d'autant plus dommage que c'était clairement un pas dans la bonne direction, quelque part vers Ultima VII, avec une interface nettement plus accessible, une aventure ne se résumant plus à une longue suite de combats et une véritable ouverture dans les possibilités de mener à bien les diverses quêtes du jeu. Malheureusement, l'univers imposé de Dark Sun est assez mal mis à contribution, et dans l'ensemble le jeu laisse trop souvent l'impression d'évoluer dans le brouillard : un monde mal présenté, des environnements trop vides, des possibilités pas assez claires faute d'être convenablement encadrées, des règles trop complexes, des combats pas assez profonds, des enjeux trop nébuleux, sans oublier de nombreux bugs. Il en résulte une expérience un peu frustrante où le joueur catapulté dans le feu de l'action met beaucoup de temps à trouver ses aises, et où la liberté offerte agit souvent comme un obstacle plus que comme comme un apport à une aventure qui n'acquiert jamais tout-à-fait l'épaisseur dont elle voudrait se doter. Un bon jeu de rôles, mais sans doute pas celui qu'on attendait à ce moment-là.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des enjeux mal introduits et qui peinent à se montrer intéressants...
– ...tout comme l'univers, qui échoue à exister autrement que comme une suite de grands déserts
– Des combats qui se résolvent trop souvent au corps-à-corps après s'être lancé un sort de hâte
– Un système de jeu fidèle au support papier mais incluant beaucoup de nuances complexes et souvent inutiles
– De nombreux bugs et soucis de pathfinding

Note : Une bonne partie des informations et des chiffres de ce test proviennent de l’excellente série d’articles du site américain The Digital Antiquarian traitant de SSI et de l’histoire des « Gold Boxes » que j’invite les anglophones à aller découvrir d’urgence.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Sun : Shattered Lands sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Superbe. Shattered lands est tout simplement superbe. De fait, je le place directement au côté de Serpent Isle, parmi les meilleurs jeux de rôle en 3D isométrique. SSI a vraiment réussi à se renouveler ! Les graphismes sont beaux et très variés, la musique proche de la perfection et l’ergonomie originale bien conçue. Seule la durée de vie ne soutient pas la comparaison avec Serpent Isle : une petite centaine d’heures (c’est déjà pas mal)… »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°119, novembre 1993, 90%

Battle Chess II : Chinese Chess

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Antstream, Linux, Mac OS, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La série Battle Chess (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Chess (1988)
  2. Battle Chess II : Chinese Chess (1990)
  3. Battle Chess 4000 (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Covox Sound Master, Game Blaster, haut-parleur interne, Innovation Sound Standard, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et MCGA

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le problème avec beaucoup de bonnes idées, c’est qu’elles fonctionnent rarement plus d’une fois.

À l’ère où l’informatique était encore entourée d’une certaine magie de par sa capacité à donner vie à des choses qui avaient jusqu’ici été réservées à l’imagination, Battle Chess avait mis étonnamment dans le mille grâce à une idée si simple qu’un joueur n’ayant pas grandi dans les années 80 pourrait s’interroger sur son simple intérêt : faire bouger les pièces. Voir les très abstraits pions, tours et cavaliers du très austère échiquier se livrer bataille via des saynètes animées correspondait visiblement à une véritable attente, à en juger par le succès du titre et le nombre impressionnant de portages auxquels il aura donné lieu.

Mais ceci étant placé, une fois le concept matérialisé, quelle marge de progression lui restait-il ? Deux axes se présentaient aux développeurs d’Interplay pour une éventuelle suite : reprendre exactement le même principe en changeant juste les graphismes, ou bien – approche plus risquée – en changeant carrément le jeu. Petite surprise : la première approche, la plus prévisible et la plus attendue, aura dû attendre 1993 pour voir le jour avec Battle Chess 4000 ; car auparavant, la firme américaine n’aura pas hésité à déployer une certaine dose de culot en osant lancer en premier Battle Chess II : Chinese Chess. Un nom qui est déjà tout un programme, car là où les joueurs s’attendaient fort naturellement à repiquer pour d’autres parties d’échecs – c’est après tout le nom du jeu – le sous-titre annonce immédiatement le contrepied en proposant des échecs… chinois. Stupeur et tremblements : là où on attendait bêtement un nouvel habillage – qu’on obtenait au passage – il allait également falloir (ré)apprendre à jouer.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas les règles du xiangqi (à ne pas confondre avec le shōgi, communément considéré comme « les échecs japonais », dont il se rapproche), le manuel du jeu sera fort heureusement l’occasion de découvrir les subtilités d’une activité qui pourra au premier abord paraître fort déroutante – en particulier aux yeux des connaisseurs des échecs occidentaux.

On ne se lancera pas ici dans un déroulé des très nombreuses différences existant entre les deux jeux, d’autant que les règles sont dorénavant facilement trouvables en ligne, mais on mentionnera quand même le fait que dans le xiangqi, les unités se déplacent sur des lignes et non dans des cases, que le roi ou général y est cantonné à un espace constitué d’un carré et de ses deux diagonales (le « palais »), que les pions n’ont accès à toute leur mobilité qu’à partir de l’instant où ils ont franchi la « rivière » – une ligne horizontale séparant les deux moitiés du plateau – ou encore que les cavaliers, s’ils bougent de la même façon que dans le jeu occidental, n’ont pas ici la capacité d’« enjamber » les autres unités. Surtout, les débuts de partie tendent à être nettement plus offensifs et nettement moins cantonnés au déploiement des troupes, notamment grâce à une unité redoutable lors des premières minutes : le canon. Celui-ci présente en effet une particularité notable : celle de pouvoir toucher une unité situé sur la même ligne ou la même colonne, comme une tour, mais à la condition qu’une autre unité se trouve entre sa cible et lui-même. Cette petite spécificité introduit un vaste aspect tactique qui oblige à penser très soigneusement ses premiers mouvements, et représentera sans doute un de vos premiers axes de réflexion au moment de réfléchir à vos ouvertures.

Mais au fait, nous sommes toujours dans un Battle Chess : que sont devenues les fameuses animations qui avaient fait la renommée du premier épisode ? Naturellement, elles sont toujours de la partie, et elles mettront ici en scène une imagerie chinoise peuplée de dragons et d’éléphants (un autre nom possible d’une des unités du jeu, autrement traduit par « Ministre ») avec des petites animations qui s’efforcent d’être divertissantes mais y parviennent rarement avec trente-cinq ans de recul.

On appréciera néanmoins l’ambiance globale qui se dégage du plateau et de l’activité qui y règne, avec des unités globalement bien reconnaissables (sauf pour les cavaliers qui, de dos, ressemblent un peu trop aux soldats), et surtout le fait que cette représentation aide à égayer des premières parties qui auraient autrement été un peu intimidantes en déplaçant des unités rendues trop abstraites par de simples symboles. Avec le temps, on se hâtera de basculer vers le plateau en 2D, plus lisible, pour s’adonner à des parties rendu plus rapides par la suppression de toutes ces animations qui perdent rapidement de leur charme. Toutes les options du premier épisode sont toujours là, à commencer par les neuf niveaux de difficulté, même si l’équilibrage est un peu plus consistant ici (l’ordinateur est moins redoutable dès les premiers niveaux) et surtout, le fait que le jeu soit pensé dès le départ pour un 286 ou supérieur fait qu’il est ici très aisé de déployer toute la puissance du processeur et de profiter ainsi de temps de réflexion infiniment plus courts (pour ne pas dire inexistants, la plupart du temps) que ce qui avait été observé sur Amiga deux ans plus tôt.

Ironiquement, l’une des raisons les plus probables pour lesquelles ce deuxième opus n’aura pas rencontré le succès du premier – à savoir le fait de proposer un jeu nettement moins connu en occident que les échecs « traditionnels » – est précisément celle qui rend le titre attractif aujourd’hui, à une ère où le xiangqi ne court toujours pas les rues au sein de la production vidéoludique occidentale (même si on peut facilement trouver quelques programmes vendus à bas prix sur les plateformes de vente en ligne).

Pour le coup, profiter d’un plateau animé chargé de donner un peu de vie aux unités le temps de briser la glace est plutôt une bonne chose, et aide à faire passer la pilule des inévitables premières raclées qu’on est voué à subir le temps d’assimiler les nombreuses subtilités du jeu, à commencer par le fait que de nombreuses unités n’ont pas du tout la même valeur selon qu’on soit en début ou en fin de partie. Pas de « reine » surpuissante pour faire basculer le cours d’une rencontre serrée ici, et beaucoup d’unités qu’il peut être profitable de sacrifier à la première occasion – notamment au sein de votre « palais » – afin de gagner en liberté de mouvement. C’est vraiment toute une philosophie à découvrir, avec des parties qui débutent régulièrement sur les chapeaux de roue et des escarmouches sur tous les fronts là où les échecs occidentaux nous avaient plutôt habitués à une longue mise en place et à une bataille focalisée sur les cases centrales. Une très bonne façon d’étendre ses horizons et de découvrir un jeu encore trop méconnu hors d’Asie, et un bon moyen de se trouver un nouveau dada qui soit à la fois vaguement familier et réellement dépaysant. À tout prendre, c’est certainement ce qu’on pouvait espérer trouver de plus original au sein des très nombreux jeux d’échecs du siècle dernier, et on remerciera Interplay d’avoir accepté de prendre ce risque. Parfois, on trouve du neuf même dans le vieux, et ça n’est pas plus mal.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Observer des pièces de jeu d'échecs gigoter et se crêper le chignon sur un plateau virtuel était certes une idée qui avait su faire mouche en 1988, mais qui restait fondamentalement un fusil à un coup – dès lors, on était en droit de se demander quel pouvait être l'intérêt réel d'un Battle Chess II... jusqu'à ce qu'on réalise que celui-ci aura fait le pari plutôt culotté d'être un des rares titres occidentaux de la période – si ce n'est le seul – à permettre de jouer aux échecs chinois. C'est d'ailleurs là son principal point fort, bien au-delà d'animations peu imaginatives qui perdront l'essentiel de leur valeur divertissante dès l'instant où on les aura vues une fois. Passé une heure ou deux de curiosité polie, c'est en effet bel et bien sur le plateau en 2D qu'on passera l'essentiel de son temps, à chercher à maîtriser les subtilités de règles dépaysantes pour les habitués des échecs « traditionnels ». Évidemment, ce qui était encore profondément original en 1990 l'est nettement moins à l'ère où les alternatives sont bien plus nombreuses mais on trouvera ici une manière comme une autre de s'initier de façon visuelle à un jeu qui mérite d'être mieux connu.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des animations qui perdent l'essentiel de leur intérêt au bout de dix minutes
– Pas de didacticiel ni d'explications des règles en-dehors du manuel

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Chess II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Un bon logiciel, mais réservé aux amateurs du genre. »

Dany Boolauck, Tilt n°84, décembre 1990, 16/20

Version Amiga

Développeur : Silicon & Synapse, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc. (Amérique du Nord) – Electronic Arts, Inc. (Europe)
Date de sortie : Août 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko*
Mode graphique supporté : OCS/ECS
*1Mo requis pour bénéficier de la musique en jeu

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe des temps : Alors que Battle Chess avait été développé, sur Amiga puis porté sur une pléthore de systèmes, Battle Chess II, pour sa part, aura été développé sur PC… et uniquement porté sur Amiga, ce qui tend à indiquer que ce deuxième opus n’aura clairement pas rencontré le même succès que le premier. Développée par la jeune équipe de Silicon & Synapse (futur Blizzard Entertainment), cette version du jeu doit composer avec les quelques faiblesses que présentait désormais la machine de Commodore face à celle d’IBM – ce qu’elle fait plutôt bien. Graphiquement, on perd bien quelques couleurs comparé au mode VGA, mais on ne peut pas franchement dire que la différence saute aux yeux. La vraie bonne surprise, c’est surtout que les temps de réflexion de l’ordinateur demeurent globalement extrêmement courts, y compris dans les modes de difficulté les plus élevés – ne pas avoir à aller prendre un café entre chaque coup dès les premiers échanges est quand même un progrès notable comparé au premier épisode où ladite attente ne servait d’ailleurs pas à grand chose, le niveau de l’intelligence artificielle restant globalement le même quoi qu’il arrive.

NOTE FINALE : 15,5/20

Un tout petit peu moins beau que sur la machine d’IBM, Battle Chess II : Chinese Chess sur Amiga n’en reste pas moins une version qui n’a pas grand chose à envier à celle parue sur PC, et un moyen comme un autre de découvrir les échecs chinois dans la joie et la bonne humeur.

Ultima VII : la porte noire

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre original : Ultima VII : The Black Gate
Titres alternatifs : Ultima VII : Die Schwarze Pforte (Allemagne), 創世紀7:黑月之門 (Chine), Ultima : The Black Gate (Super Nintendo)
Testé sur : PC (DOS)SNES
L’extension du jeu : Forge of Virtue
Disponible sur : Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • EA Compilation (1994 – PC (DOS))
  • The Complete Ultima VII (1994 – Mac OS, PC (DOS), Windows)
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

En vente sur : Gog.com (Mac OS, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25 et 3,5″ (x6)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Roland MT-32, Sound Blaster/Pro
Liens utiles : Exult (moteur permettant de faire tourner le jeu sur les systèmes modernes)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Au début des années 90, ORIGIN Systems était au beau milieu de ce qu’on pourrait considérer comme son âge d’or. Depuis Wing Commander en 1990, chacun des jeux publiés par la compagnie fondée par Richard Garriott était attendu comme le messie, et faisait généralement à sa sortie l’effet d’une superproduction pensée pour mettre les PC dernière génération à genoux. Car oui, c’était devenu officiel autour de 1991, mais l’ordinateur ultime pour le jeu, en dépit de son prix, était bien devenu le PC – soit l’ordinateur que strictement personne n’aurait pensé à acquérir pour jouer à peine deux ans auparavant. Comme le temps passe…

Ce n’était certainement pas l’année 1992 qui allait faire mentir cette réputation : le même mois, soit en mars, la glorieuse saga Ultima allait sortir pas moins de deux épisodes – et deux opus majeurs, pour ne rien gâcher : pendant qu’Ultima Underworld entamait la révolution 3D qui allait sévir pendant toute la décennie, Ultima VII, lui, débutait la dernière trilogie de la saga avec une ambition correspondant assez bien au nouveau statut de la compagnie : à renverser les murs. Dire que le jeu était attendu au tournant serait un euphémisme, mais même si c’est plutôt Underworld qui avait retenu la lumière à l’époque – ce qui n’était pas volé, loin de là – le nouveau titre de la saga « canonique », lui, avait peut-être également accompli à sa façon plusieurs révolutions moins voyantes mais tout aussi capitales dans l’histoire du jeu de rôle vidéoludique.

Le scénario place l’ambiance d’entrée de jeu : alors que vous êtes, comme au début de chaque épisode, occupé à vivre votre existence sur Terre, un visage rouge apparait un jour sur l’écran de votre ordinateur pour se revendiquer comme le nouveau suzerain de Britannia avant de se présenter comme étant le « Gardien ». À peine le temps de digérer son intervention que vous réalisez qu’une porte de lune s’est levée dans votre cercle de pierre. Congédiant la prudence la plus élémentaire, vous la franchissez pour atterrir directement dans la ville de Trinsic, où vos retrouvailles avec votre vieil ami Iolo sont rapidement écourtées afin de vous demander d’enquêter sur un meurtre horrible ayant eu lieu la nuit précédente. Un meurtre qui sera l’occasion de vous intéresser aux agissements d’une nouvelle secte religieuse qui se fait appeler la Confrérie…

Changement de trilogie, changement d’approche, changement d’ambition, changement de moteur. Il y aura énormément de choses à dire sur cet épisode, alors autant commencer par la plus flagrante : son interface. Beaucoup de joueurs contemporains rechignent à découvrir les jeux de rôles du siècle dernier parce qu’ils pressentent qu’ils vont passer de douloureux moments, le nez dans le manuel, à comprendre comment diable ils sont censés jouer.

Ici, le premier choc est celui de la modernité : Ultima VII est intégralement jouable à la souris, et son maniement est si ergonomique qu’il ne faut qu’une poignée de secondes pour se sentir à l’aise. Un clic gauche sur un objet vous donne son nom, un double-clic vous permet de l’utiliser, un « cliquer-glisser » vous permet de le déplacer. Le clic droit, lui, servira au déplacement : plus le curseur est éloigné de votre personnage, et plus vous irez vite. Et voilà, vous savez jouer. Double-cliquez sur un personnage et vous lui parlerez, sur un coffre et vous l’ouvrirez, sur une torche et vous l’allumerez, sur un de vos compagnons et vous afficherez son inventaire ; faites glisser un objet jusqu’à vous et vous l’empocherez : c’est limpide, et ça fait du bien.

Le deuxième bouleversement vient de la discrétion de l’interface en question : toutes les informations étant accessibles en quelques clics, le jeu fait le choix de s’afficher en plein-écran, et ne fait apparaître les fenêtres nécessaires qu’à la demande. Un très bon moyen de profiter de la réalisation du jeu, affiché dans une perspective cavalière un peu étrange mais avec un luxe de détails absolument incroyable – et en tirant merveilleusement parti de la palette de 256 couleurs du VGA. La moindre bouteille, le moindre couvert, le plus petit brin d’herbe est visible à l’écran : la notion de « monde virtuel » touche ici à la perfection.

Car non seulement tout est parfaitement agencé, mais tout, absolument tout a une fonction ! Il vous est ainsi parfaitement possible de ramasser un pinceau, de l’utiliser sur une palette avant de peindre un portrait sur une toile à partir de rien ! Encore plus fort : vous pouvez couper du blé, aller le placer sous la meule d’un moulin, en tirer de la farine, la mélanger avec de l’eau, et placer la boule de pâte ainsi façonnée dans un four pour faire votre propre pain – le niveau de possibilités est impressionnant, au point de transformer par moments l’univers du jeu en véritable bac à sable où l’on passe plus de temps à expérimenter qu’à suivre le cours de l’aventure.

Certains joueurs se sont ainsi amusés à transporter des caisses sur une île déserte pour façonner des sortes de petites citadelles sur mesure pour entreposer leurs objets – ça ne sert certes pas à grand chose, mais on peut le faire, et c’est ça qui est fascinant. Dans le même ordre d’idées, vous pouvez attaquer n’importe qui, entreprendre de mener un casse à l’hôtel des monnaies de Britain, ou vous comporter en parfait kleptomane – méfiez-vous quand même des réactions de vos compagnons, qui risquent de ne pas être très enthousiastes en voyant l’Avatar se comporter comme un sagouin.

On notera d’ailleurs que ceux-ci participent régulièrement aux conversations pour donner leur opinion ou prendre votre défense, voire s’exprimer au cours du jeu, comme tous les PNJs, à l’aide de messages qui s’affichent tout simplement au-dessus de leur tête. Cela contribue non seulement à leur donner beaucoup de personnalité, mais également à rendre l’univers encore plus vivant : il sera fréquent de voir un citadin sortir de chez lui pour ouvrir ses volets et s’exclamer que sa maison est bien plus agréable avec un peu de lumière, on voit des enfants se poursuivre en criant « chat, à toi ! », les adversaires lâchent parfois des jurons ou des commentaires bien sentis pendant les combats… L’univers du jeu a indéniablement gagné en maturité, comme en atteste d’ailleurs la présence de nombreuses scènes de gore ou même de nudité qui tendent à offrir un monde « sans filtre » dans lequel on se sent immédiatement investi. Une vraie claque !

Notons d’ailleurs que le monde a encore gagné en taille. Ainsi, la ville de Britain, cantonnée à une dizaine de bâtiments dans Ultima VI, est par exemple gigantesque, et vous demandera pas mal de temps avant de prétendre en avoir visité chaque bâtisse et interrogé chaque citoyen. Lesquels sont plus bavards que jamais, profitant d’un système de dialogue vous demandant dorénavant simplement de sélectionner un mot-clé dans une liste, laissant ainsi à votre clavier l’occasion de prendre définitivement la poussière. Tout cela donne énormément de chair à un scénario passionnant, dont la principale faiblesse demeure le rôle cousu de fil blanc réservé à cette fameuse « Confrérie » sortie de nulle part et dont chaque membre pue l’opportunisme ou l’hypocrisie au bout de dix secondes de jeu.

Fort heureusement, l’enquête vous demandant de comprendre qui a bien pu vous faire venir sur Britannia ainsi que l’identité et les objectifs du Gardien est particulièrement prenante, des kilomètres au-dessus de celle du précédent opus, au point de vous donner parfois le sentiment de jouer à un jeu d’aventure plus encore qu’à un jeu de rôle. Le récit fait de nombreuses références aux anciens épisodes, particulièrement à Ultima III (une tendance qui se prolongera dans Forge of Virtue et plus encore dans Serpent Isle), et comporte pour la première fois des quêtes secondaires n’ayant aucune incidence sur la résolution de l’aventure mais rapportant de l’expérience en plus de renforcer, une fois encore, la crédibilité de l’univers. Il y a véritablement matière à y passer des dizaines d’heures.

S’il faut aborder les quelques défauts du jeu, profitons-en d’ailleurs pour évoquer le problème des quêtes « à tiroirs ». Concrètement, il est assez fréquent, dans le déroulement de l’aventure principale, qu’on vous demande d’aller voir un personnage « a », qui lui même vous envoie remplir un objectif « b », lequel vous envoie à votre tour trouver un objet « c », qui nécessite de parler à une personne « d »… et ainsi de suite, ce qui oblige à accomplir une longue liste de sous-sous-sous-sous-objectifs avant de prétendre pouvoir régler enfin la question pour laquelle on cherchait à intervenir. On en vient rapidement à prendre des notes car, à force d’être trimballé ainsi à hue et à dia, on en oublie parfois ce qu’on était parti faire à l’origine. Corollaire immédiat : attendez-vous à effectuer des va-et-vient par dizaines.

Il arrive à plusieurs occasions que vous deviez faire la navette entre des PNJs pas facile à trouver, dans des zones très vastes, et que personne ne voie aucun problème à vous envoyer à l’autre bout du monde pour une tâche triviale. C’est par moments un tantinet énervant, surtout quand on ne maîtrise pas les subtilités des sorts « marque » et « rappel » qui peuvent vous faire gagner beaucoup de temps, à condition de comprendre leur fonctionnement un peu… contraignant. Bref, on se déplace beaucoup, et on finit parfois par se lasser de reprendre la même route pour la dixième fois.

Autre écueil, et sans doute le plus dommageable de tous : le système de combat. Concrètement, ceux-ci se déroulent en temps réel, ce qui signifie que vous ne contrôlez que l’Avatar – le reste du groupe agira en fonction de consignes assez basiques décidées à l’avance, de type « concentrez vos attaques sur l’ennemi le plus fort ». L’ennui, c’est que vous ne ferez de toute façon pas grand chose : un affrontement lambda se résumera à double-cliquer sur un monstre et à attendre de voir ce qui se passe. À moins d’utiliser un sortilège, vous serez largement spectateur de toutes les escarmouches du jeu – qui ont certes l’avantage de se résoudre assez vite, mais on est très loin des mécanismes de tactical-RPG des quatre précédents épisodes.

Dans le même ordre d’idées, les donjons sont généralement assez courts, et repose souvent sur des énigmes et sur un aspect labyrinthique plus que sur un réel challenge. Autant dire que les fans de jeux de rôles basés sur les statistiques risquent d’être très déçus : c’est clairement sur ses aspects narration et exploration qu’Ultima VII rafle tous les suffrages, et nulle part ailleurs. Soyez donc prévenu : si votre passion est de monter un groupe et de le faire progresser de combat en combat, mieux vaut aller tenter votre chance avec des titres à la Pool of Radiance. Mais si vous souhaitez réellement incarner un personnage lâché dans un autre monde au sein duquel vous serez libre de faire à peu près n’importe quoi, alors vous tenez à n’en pas douter un des jeux les plus accomplis dans le domaine. Si jamais vous cherchez à comprendre pourquoi certains joueurs ne jurent encore aujourd’hui que par la saga des Ultima, laissez une heure ou deux à ce septième épisode : vous pourriez fort, à votre tour, être conquis.

Quelques mots, en conclusion, sur la version française du titre. Celle-ci fait le choix assez osé du « vieux françois », en réponse au Middle English employé dans la version originale du jeu. Il faut bien reconnaître qu’en dépit de nombreuses coquilles et approximations, cela donne un charme certain au jeu, et ajoute grandement à l’immersion. En revanche, le doubleur français du Gardien, qui nous gratifie de ses interventions au fil du jeu, est très loin de la performance de Bill Johnson en V.O. : sans être honteuse, sa performance est en sous-jeu, et il finit rapidement par nous fatiguer plutôt qu’autre chose.

Détail important, en revanche : l’expérience de la localisation se sera limitée, pour Ultima VII, à cette première partie. Comprenez donc que ni Forge of Virtue ni Serpent Isle ni The Silver Seed n’auront jamais bénéficié d’une version française officielle – ce qui signifie qu’il est impossible de faire fonctionner Forge of Virtue avec cette version. La plupart des plateformes de vente en ligne vendant aujourd’hui le titre dans un coffret regroupant Ultima VII, Serpent Isle et leurs deux extensions, cela signifie également que cette version française est, à l’heure actuelle, indisponible à la vente. Un oubli qu’on espère voir corrigé un jour ou l’autre.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20 Ultima VII : la porte noire correspond, à n'en pas douter, à un des représentants les plus marquants et les plus accomplis du principe du « monde ouvert ». Au cœur d'une Britannia plus vraie que nature où la seule limite semble être notre imagination, la longue quête pour arrêter le Gardien et venger le père de Spark signe le point de départ d'une expérience grandiose que beaucoup de joueurs ne sont tout simplement jamais parvenus à oublier. L'enquête, le dialogue et l'exploration ont clairement pris le dessus sur des combats confus et des donjons articulés autour de la résolution d'énigmes, mais l'extraordinaire niveau de détails de l'univers, vivant à un niveau encore jamais atteint, nous pousse à passer suffisamment de temps dans l'autre monde pour nous faire amèrement regretter de le quitter. Plus qu'un jeu : une expérience. CE QUI A MAL VIEILLI : – Une Confrérie pas très subtile – Combats sans intérêt – Quêtes à tiroirs parfois fastidieuses – Beaucoup d'allées-et-venues – Impossible de bénéficier de Forge of Virtue sur la version française du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima VII sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« J’ai apprécié la qualité du scénario, toujours aussi riche et même plus tortueux que les précédents épisodes, ce qui, je pense, constitue la raison du succès de cette série. En plus, j’ai craqué devant les graphismes, le réalisme de l’univers Britannien (sic), la diversité des situations et les mille trouvailles qui vous donnent envie de fouiller partout ! »

Man-X, Tilt n°100, mars 1992, 19/20

L’extension du jeu :
Ultima VII : Forge of Virtue

Ultima VII aura été le premier épisode de la saga à avoir bénéficié d’une extension. On pourrait d’ailleurs presque dire « le dernier », le concept n’ayant pas survécu au-delà de Serpent Isle qui est, rappelons-le, la deuxième partie d’Ultima VII (une extension avait initialement été prévue pour Ultima VIII, mais celle-ci aura finalement été annulée à la dernière minute). Forge of Virtue creuse ainsi encore un peu plus le lien tissé ente le septième épisode (Serpent Isle inclus) et Ultima III, en faisant ressortir des océans L’Île du Feu sur laquelle se situait le château d’Exodus. Lord British vous informera que le palais avait été transformé en une suite d’épreuves portant sur les principes de l’amour, de la vérité et du courage en prélude à la quête d’Ultima IV, mais que l’île ayant sombré sous les flots peu après la défaite d’Exodus, il vous incombe dorénavant d’aller découvrir ce qui l’a conduite à remonter à la surface.

L’extension prendra donc intégralement place à l’intérieur de l’Île du Feu (Lord British vous offrira généreusement un bateau pour vous y rendre) où vous rencontrerez un vieil ermite aveugle nommé Erethian, qui sera une mine d’information sur l’étrange créature « ni homme ni machine » qu’était Exodus et dont la mémoire est, semble-t-il, restée prisonnière à l’intérieur du palais. Une très bonne occasion de développer un peu le lore de la saga, et de vous donner l’occasion de forger une épée extrêmement puissante qui sera appelée à jouer un rôle important dans Serpent Isle. Le contenu de l’extension en lui-même est organisé autour des trois fameuses épreuves : celle de l’amour est assez simple, puisqu’il s’agira principalement de parler à deux golems et de répondre à leurs instructions. L’épreuve de la vérité, en revanche, est très frustrante (ou atrocement simple une fois que vous savez comment la compléter), alors que l’épreuve du courage vous demandera un groupe de bon niveau et bien équipé. Dans l’ensemble, le principal mérite de cette extension – en-dehors de sa façon de développer l’univers – est surtout de vous permettre d’en ressortir avec un personnage outrageusement puissant et une épée virtuellement capable d’abattre n’importe qui (même Lord British !) en un seul coup. L’occasion de prolonger l’expérience de jeu avec d’autant plus de bonne volonté que l’extension est de toute façon comprise par défaut dans toutes les compilations vendant le jeu (en anglais). Quoi qu’on pense de ses éventuelles forces et faiblesses, le seul véritable défaut rédhibitoire de Forge of Virtue est de n’avoir jamais été localisé, et d’être par conséquent totalement incompatible avec la version française d’Ultima VII.

Version SNES
Ultima : The Black Gate

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeurs : FCI, Inc. – Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 18 novembre 1994 (Japon) – Juin 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb (version japonaise) ou de 8Mb (version américaine)
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Après une conversion d’Ultima VI relativement fidèle, on se demandait ce qu’allait nous réserver la Super Nintendo pour le septième épisode de la saga. La réponse, hélas, nous renvoie vers les expérimentations pas toujours heureuses subies par les autres épisodes de la série : c’est toujours Ultima VII, avec la même intrigue, mais le jeu est devenu très différent.

Comme un peu trop souvent, les dialogues et l’intrigue ont rétréci au lavage. Oubliez l’univers extrêmement détaillé où pratiquement tout est possible : le monde est beaucoup plus petit, moins vivant, les intérieurs sont plus vides… Il n’y a d’ailleurs même plus de groupe : vous serez seul pendant toute l’aventure, et le système de jeu verse clairement du côté de l’action-RPG, avec des combats en temps réel qui nécessiteront de vous exciter sur les boutons de votre manette. En contrepartie, il y a davantage de donjons, et la plupart des objets importants demanderont d’aller vous y frotter, rendant le déroulement du jeu plus convenu et plus linéaire. Les bateaux ont disparu, tout comme le tapis volant, et seuls 16 des 72 sortilèges ont survécu – ils ne nécessitent d’ailleurs plus de réactifs. Pour ne rien arranger, la censure made in Nintendo a encore frappé : oubliez la nudité et le gore, oubliez même carrément les meurtres : cette fois, les victimes ont été enlevées. Comme pour la plupart des précédentes adaptations sur consoles Nintendo, le jeu n’est pas à proprement parler mauvais ; il est simplement exactement aux antipodes des éléments et de la philosophie qui ont fait la réputation de la saga. En résulte un action-RPG assez générique à des kilomètres des cadors de la Super Nintendo comme Secret of Mana, et surtout un titre qui aura toutes les chances de faire fuir à toutes jambes les fans de la série dont il porte le nom. Du coup, on ne sait pas trop à qui ce destine cet opus qui aura bien du mal à soulever l’enthousiasme de quiconque.

NOTE FINALE : 13,5/20

Devenu un banal action-RPG amputé d’une très grande partie de ce qui faisait le sel du titre original, Ultima : The Black Gate offre une version lourdement expurgée de l’expérience de base. Certes, il y a davantage de donjons et les combats sont (un peu) plus intéressants que sur PC, mais l’histoire peine à intéresser et l’univers a perdu énormément de son charme. Un jeu assez mineur à l’échelle de la ludothèque de la Super Nintendo.

Ultima VI : The False Prophet

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titres alternatifs : Ultima : The False Prophet (Super Nintendo), ウルティマVI 偽りの予言者 (Ultima VI : Itsuwari no Yogensha, Japon), Ultima VI : Le Faux Prophète (traduction française par Docwise Dragon)
Testé sur : PC (DOS)Commodore 64FM TownsPC-98AmigaAtari STSharp X68000SNES
Disponible sur : Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Wing Commander / Ultima VI : The False Prophet (1991 – PC (DOS))
  • Ultima : The Second Trilogy – IV ♦ V ♦ VI (1992 – Commodore 64, Mac OS, PC (DOS), Windows)
  • Ultima I-VI Series (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

En vente sur : GOG.com (Mac OS, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1990
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Docwise Dragon
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x7) et 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Covox Sound Master, Game Blaster, haut-parleur interne, Innovation Sound Standard, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il est aujourd’hui très difficile de comprendre sans l’avoir vécu ce qu’a bien pu représenter la fin des années 80 en termes vidéoludiques. On croit parfois que la période contemporaine n’a fait que changer les noms des principaux acteurs du secteur en suivant une trajectoire relativement linéaire par rapport à l’époque 8-16 bits – c’est à mon sens une erreur. Une des raisons principales de l’émerveillement permanent dans lequel semblaient évoluer les joueurs des années 80 ne tenait pas juste au côté novateur du domaine vidéoludique, mais également à l’extraordinaire célérité de son évolution.

En grossissant le trait, on pourrait presque dire que le joueur lambda d’alors vivait une révolution majeure par an : en 1985, l’Atari ST était l’ordinateur roi dans le secteur ludique, en 1987, c’était l’Amiga 500, et en 1989, voilà que les tout premiers jeux en VGA commençaient à faire leur apparition en même temps que les derniers modèles de PC et que les premières cartes sonores – transformant ainsi un ordinateur uniquement pensé pour la bureautique en une machine de pointe capable de faire tourner des programmes de plus en plus complexes. En 1988, jouer sur PC n’avait absolument aucun sens. En 1990, alors qu’apparaissaient des titres comme Wing Commander, cela commençait soudain à devenir de moins en moins absurde.

L’extrême vitesse à laquelle circulait le train de la modernité n’aura pas surpris que les joueurs. Du côté de chez ORIGIN Systems, qui espérait encore achever la deuxième trilogie de la saga Ultima sur l’ordinateur qui l’avait vue naître, à savoir l’Apple II, le constat était sans appel : il était commercialement suicidaire, et techniquement de plus en plus contraignant, de continuer à développer sur un ordinateur 8 bits en 1989. Il aura donc fallu, au moment de programmer le sixième épisode, jeter pas moins d’un an de développement à la poubelle pour repartir de zéro sur un ordinateur qui représentait alors un pari autant qu’une promesse : le PC. Signe des temps, et acte ô combien symbolique : l’Apple II passait le relais à la machine d’IBM, qui allait dorénavant devenir la plateforme de développement privilégiée de la compagnie jusqu’à sa fermeture en 2004. Ainsi naquit Ultima VI.

L’introduction, narrée en plein écran et en 256 couleurs (et que vous pouvez visionner en ouverture du test), vous décrira le point de départ de votre nouvelle aventure : alors que vous êtes une nouvelle fois revenu sur Terre à la suite d’Ultima V, vous voyez une nuit apparaître une porte de lune – rouge, pour la première fois – dans le cercle de pierres placé près de votre maison. La franchir vous conduit cette fois immédiatement dans une situation critique où vous êtes capturé par les Gargouilles, êtres à l’apparence démoniaque, qui cherchent à vous sacrifier. Sauvé par vos compagnons de toujours, vous trouvez le moyen de prendre la fuite en emportant avec vous un mystérieux livre qui semble mentionner un faux prophète dont les actes ressemblent furieusement aux vôtres…

Vous voici donc propulsé dans une longue épopée qui vous demandera, pour la première fois, de commencer à vous intéresser à la culture et aux motivations de vos adversaires – de quoi découvrir que même l’Avatar des huit vertus peut méditer, par moments, sur le sang qui couvre ses mains. Ce sera également l’occasion de découvrir une nouvelle fois le royaume de Britannia à hauteur d’homme (ou de femme), et de constater que celui-ci a beaucoup, beaucoup changé.

Première claque, évidente : la réalisation. La transition depuis l’univers quasi-monochrome de l’Apple ][ jusqu’aux 256 couleurs du VGA aide à mesurer le gouffre technologique qui s’est creusé en à peine deux ans : si l’interface garde une disposition quasiment identique à celle de l’opus précédent, difficile de ne pas remarquer l’orgie de détails et de couleurs dans un univers où le noir n’est plus la teinte dominante.

L’inventaire de chaque personnage est désormais représenté de manière graphique, chacun des dizaines de PNJ du jeu est doté d’un portrait qui s’affiche lors des dialogues, et surtout, des icônes ont fait leur apparition au bas de l’écran, autorisant enfin le titre à être entièrement jouable à la souris – ou plutôt « presque entièrement », puisque les mots-clés, eux, seront toujours à saisir au clavier. Inutile de dire que la prise en main est beaucoup plus confortable, et que même si certaines actions comme faire passer un objet d’un personnage à un autre sont encore assez laborieuses, il ne sera tout simplement plus nécessaire de conserver la carte de référence à portée de main pendant toute la partie, ce qui est un grand progrès. On remarquera que le jeu reconnait également à peu près toutes les cartes sons disponibles au moment de sa sortie, ce qui permettra de retrouver tous les thèmes de la saga – et quelques petits nouveaux – dans une très bonne qualité. Les bruitages, eux, seront en revanche toujours cantonnés au haut-parleur interne.

Deuxième claque, plus surprenante : l’unification de l’échelle de jeu. Vous vous souvenez comment le jeu changeait d’échelle à chaque fois que vous entriez dans une ville ou un château pour vous en offrir une vue plus détaillée le temps de votre visite ? C’est terminé : l’intégralité de la carte vous est dorénavant proposée à une échelle unique ; où que vous soyez, même en rase campagne, vous pourrez bénéficiez d’une myriade de détails, du plus modeste arbuste jusqu’aux oiseaux ou aux insectes. L’avantage est évident en termes d’immersion : le monde est encore plus réaliste que dans Ultima V, et on pourra régulièrement deviner la fonction d’un bâtiment au premier coup d’œil ; les objets en vente sont disponibles sur les étals, les personnages vivent leur vie, on peut les voir s’asseoir, jouer de la musique… jamais Britannia n’avait été aussi tangible. Les inconvénients, eux sont plus subtils, et méritent par conséquent qu’on leur consacre un peu de temps.

Tout d’abord, cette échelle unique a pour principal défaut le fait de vous empêcher de voir à plus de quelques mètres autour de vous, ce qui est vite désagréable pendant les phases d’exploration. Deuxième problème : placer les villes et les villages sur la carte de Britannia prend de la place. Traduit en clair : les hectares de plaines qui entouraient le château de Lord British et la ville de Britain dans les deux précédents opus, par exemple, sont désormais intégralement occupés par la ville.

Il en résulte un sentiment paradoxal qui fait que, bien que le monde soit objectivement beaucoup plus grand que dans Ultima V, il paraisse en fait plus petit, l’échelle choisie laissant à penser qu’à peine une centaine de mètres séparent Britain de Cove ou du village de Paws. Le système de monstres errants a également été modifié et il peut arriver qu’on s’éloigne à quelques mètres d’une zone où l’on vient de tuer un groupe d’adversaires avant de faire demi-tour et de réaliser que ceux-ci viennent de réapparaître ! Autant dire quelques écueils qui font que ce fameux changement d’échelle n’aura pas nécessairement suscité l’unanimité au moment de la sortie du jeu.

Le changement le plus sensible reste cependant le tournant « aventure » pris par le jeu. Si le système de combat n’a finalement connu pratiquement aucun changement depuis l’épisode précédent (on notera malgré tout que vos compagnons se battent désormais automatiquement par défaut, il faudra passer par leurs options pour pouvoir les contrôler), on sent bien qu’il occupe désormais une place moins importante dans un jeu où les dialogues ont énormément gagné en épaisseur.

Les personnages ont à présent des caractères bien établis, et il faudra apprendre à connaître pratiquement tous les habitants du royaume pour espérer mener l’aventure à son terme. On passe énormément de temps à voyager et à discuter, dans le jeu (conseil : apprenez à expérimenter avec votre Orbe des Lunes, qui pourra vous faire gagner énormément de temps), et la dimension « jeu de rôle à l’ancienne » consistant à aligner les combats pour gagner en puissance commence clairement à passer au second plan. Si cela n’est pas forcément un mal en soi, on pourra regretter que cela se traduise, par exemple, par la disparition des donjons visités à la première personne, remplacés par des couloirs labyrinthiques dépourvus des dizaines d’énigmes et de trouvailles auxquelles nous avait habitués la saga, et dont la principale difficulté résidera, une nouvelle fois, dans ce changement d’échelle qui pénalise énormément la cartographie des lieux.

Même les fameuses gemmes qui vous permettaient d’afficher le plan d’un niveau ne laissent désormais entrevoir que quelques écrans autour de vous, ce qui fait qu’on a parfois l’impression de diriger un groupe de taupes incapables de voir à plus de dix mètres dans des dédales où toutes les salles se ressemblent et où on finit fatalement par trouver le temps un peu long. Dans le même ordre d’idée, l’importance accordée aux vertus est un peu passée au second plan, et le fait de jouer les kleptomanes un peu partout pour vous équiper n’aura dorénavant pratiquement aucune conséquence – le karma n’existe plus, et ce sera finalement à vous de décider si vous voulez toujours vous comporter en Avatar ou pas.

C’est d’autant plus dommage que l’aventure en elle-même (qui regorge de références aux cinq premiers épisodes) est toujours aussi prenante – même si on pourra regretter que l’aspect plus sombre emprunté par le cinquième épisode laisse ici la place à un univers plus léger et à un déluge de couleurs, où la menace que font peser les Gargouilles n’est que trop rarement tangible tant personne ne semble s’en préoccuper. Malgré les quelques manques qui laisse deviner le faible temps de développement du jeu, difficile de ne pas être impressionné par la densité de l’univers et par l’intelligence de son approche.

Un assez bon symbole du tournant que commençait à opérer la série, de plus en plus lassée des approches porte-monstre-trésor du jeu de rôle traditionnel pour leur préférer un angle privilégiant la narration – autant dire une nouvelle pierre à l’édifice du jeu de rôle moderne. En résulte un épisode qui suscitera parfois quelques regrets chez les fans, mais qui constitue à n’en pas douter, avec le septième épisode, une des meilleures portes d’entrée pour découvrir la saga aujourd’hui.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20

Ultima VI : The False Prophet constitue, à bien des niveaux, un épisode charnière de la saga : il amorce à la fois une transition vers un système de jeu davantage porté par la narration, le passage à un monde plus vivant et plus détaillé, l'ouverture vers une réalisation et une interface désormais à la pointe, et la prise du pouvoir du PC à la tête des micro-ordinateurs. En questionnant les actes de l'Avatar et en invitant à s'interroger sur les motivations de ceux que l'on combat, cet opus nous donne l'occasion de devenir, plus que jamais, autant un héros qu'un habitant à part entière du royaume de Britannia. Une nouvelle mutation vers le jeu de rôle moderne qui aura nécessité quelques sacrifices, mais qui demeure aujourd'hui encore une expérience à découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Le changement d'échelle n'a pas que des avantages, et la vue rapprochée nous cloisonne quelque peu pendant toute l'aventure
– Les vertus n'ont plus aucune implication en terme de gameplay : tuez ou volez à satiété, ça ne changera rien
– Les donjons sont bien moins convaincants que dans Ultima V

Les avis de l’époque :

« Ce dernier épisode de la saga Ultima règle de manière magistrale les deux seuls points faibles des épisodes antérieurs : graphisme et son. Le monde et le scénario sont toujours aussi foisonnants comme en témoignent d’ailleurs les sept disquettes (soit 4 Mo de données !) qui constituent le jeu. […] Un jeu de rôle fantastique qui vous tiendra plusieurs centaines d’heures en haleine. »

Jacques Harbonn, Tilt n°78, mai 1990, 18/20

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima VI sur un écran cathodique :

Version Commodore 64

Développeur : Imagitec Design Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Faute d’avoir pu achever la deuxième trilogie de la saga sur la machine qui l’avait vue naître, ORIGIN Systems décida néanmoins de ne pas infliger le même camouflet au Commodore 64 – quand bien même la machine n’était pas exactement au sommet de sa forme en 1991. Cependant, comme on peut s’en douter, adapter un jeu développé pour des PC derniers cris sur un ordinateur 8 bits allait imposer de nombreux sacrifices, et les joueurs d’alors eurent l’occasion de vérifier ainsi à quelle vitesse le gouffre technologique qui les séparait des systèmes 16 bits était en train de s’élargir.

Premier accroc évident : l’obligation de jouer directement à partir des disquettes. Sachant que le titre tient sur trois disquettes double-face, et connaissant le goût prononcé du C64 pour le temps de chargement à rallonge, on peut facilement imaginer le calvaire que représente le fait, pour le joueur, d’avoir à remplacer le disque dur. La moindre conversation demande un minimum de deux changements de disquette ! Malgré la perte évidente en terme de contenu (le jeu fait à peine le quart du poids de la version PC), on passe l’essentiel de son temps à insérer et à retirer des disquettes. Pour ne rien arranger, en plus de sa réalisation dépassée, cette version doit également composer avec un nombre hallucinant de coupes : pas de bruitages, pas de musique hors des cinématiques d’introduction et de fin, plus de chevaux (officiellement, les Gargouilles les ont mangés !), plus de gemmes, plus de tonnelets de poudre, moins de sortilèges, un groupe qui ne peut pas dépasser six membres, beaucoup moins d’objets utilisables, il n’y a plus de sacs ni de coffres, moins d’armes et d’armures, les portraits ont disparu… Si on appréciera l’effort d’avoir cherché à porter le jeu dans une adaptation aussi fidèle que possible, il faut bien reconnaître que cet opus se réserve aujourd’hui à des joueurs extrêmement nostalgiques ou fabuleusement patients. Une curiosité à laquelle on aura bien du mal à consacrer plus de quelques minutes.

NOTE FINALE : 09/20

Comme Ultima V sur NES, Ultima VI sur Commodore 64 aura sans doute péché par excès d’orgueil. Les limitations techniques imposant au joueur de faire figure de disque dur humain et de participer à une incessante valse des disquettes rendent l’expérience de jeu extrêmement fastidieuse, et en dépit d’une volonté de coller au maximum au matériau d’origine, difficile aujourd’hui de louer une expérience de jeu qui consiste à passer la plupart de son temps à attendre. Soyons honnête : curiosité ou nostalgie mises à part, strictement personne n’aura intérêt à s’essayer à cette version aujourd’hui.

Version FM Towns

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Décembre 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale : RAM : 2Mo

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme les autres épisodes de la saga l’auront déjà révélé, Ultima est une série qui aura voyagé sur la plupart des ordinateurs japonais de la période – et même sur une partie des consoles. Connaissant les capacités techniques du FM Towns (qui n’était jamais qu’un PC modifié), on sait déjà qu’on n’a pas trop à s’inquiéter pour la réalisation du jeu : comme vous pourrez le voir dans l’introduction, c’est graphiquement identique au VGA, et la musique ne tire hélas pas parti du support CD-ROM mais fait au moins aussi bien que ce que permettait l’AdLib.

La première bonne surprise, comme vous l’aurez constaté, c’est que le titre est disponible intégralement en anglais, ne vous obligeant pour une fois pas à maîtriser le japonais pour pouvoir vous y essayer. Vos premiers instants en jeu vous permettront de remarquer que les bruitages sont de bien meilleure qualité qu’avec le haut-parleur du PC, qu’une fenêtre a fait son apparition en bas de l’écran pour vous permettre de choisir votre langue, de sauvegarder ou de charger votre partie, et surtout lors des dialogues de sélectionner tous les mots-clefs sans avoir besoin de les noter quelque part, ce qui est appréciable. On notera d’ailleurs que cette fenêtre ne réduit pas la taille de la zone de jeu, puisque le titre est désormais affiché en 320×240 (contre 320×200 auparavant) hors des cinématiques. Mais la deuxième et meilleure surprise a justement lieu lors des dialogues : ceux-ci sont désormais intégralement doublés, et en anglais s’il vous plait ! Ce sont d’ailleurs les employés d’ORIGIN qui prêtent leur voix comme ils le feront encore par la suite : Richard Garriott himself doublant ainsi à la fois à Lord British et à Shamino ! De quoi donner un cachet certain à une version qui fait par ailleurs aussi bien que l’originale sur tous les points. Autant dire que si vous avez la chance de posséder un FM Towns et de pouvoir mettre la main sur cette version, ce serait une grave erreur que de vous en priver.

NOTE FINALE : 18/20

Très bonne surprise que cette itération FM Towns d’Ultima VI : non seulement elle est entièrement en anglais, mais elle tire même parti du support pour offrir des dialogues intégralement doublés dans la langue de Shakespeare, ainsi que quelques petites améliorations de confort et même des bruitages améliorés. Son seul défaut ? Parvenir à mettre la main dessus ainsi que sur l’ordinateur pour la faire tourner… Mais si vous y parvenez, c’est sans aucun doute la toute meilleure version du jeu.

Version PC-98

Développeur : Locus Company Ltd.
Éditeur : Pony Canyon Inc.
Date de sortie : 21 novembre 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus)/japonais (narration)
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le FM Towns n’aura pas été le seul ordinateur japonais à accueillir Ultima VI : le PC-98 et le Sharp X68000 auront également été sur les rangs. Autant la machine de Fujitsu était taillée sur mesure pour accueillir le jeu avec un minimum d’efforts (un FM Towns étant une variation de PC), autant celle de NEC aura réclamé quelques petites adaptations, la plus flagrante étant sa palette de couleurs limitée à 16 couleurs (les modèles 256 couleurs n’allaient pas tarder à suivre)

Le portage ne tirant aucun parti de la résolution supérieure de la machine (à part pour le texte, plus quelques fioritures dans l’interface), il faudra donc se contenter de graphismes assez proches de ceux qu’afficherait l’Amiga un an plus tard – clairement inférieurs au VGA, donc, mais avec des teintes suffisamment bien choisies pour qu’on voie à peine la différence une fois en jeu. La bande sonore est assez proche de ce que pouvait offrir une AdLib ou une Sound Blaster, mais s’en sort plutôt mieux. On est donc très proche de la version PC – avec un résultat plus convaincant que ce qu’offrait une carte EGA – mais le détail gênant ici est surtout qu’il n’est pas question, cette fois, de jouer en anglais ; ce sera le japonais ou rien, ce qui, dans un jeu reposant très largement sur ses dialogues, réservera de fait cette version aux joueurs doté d’une très bonne connaissance du japonais.

NOTE FINALE : 17/20

Le PC-98 n’était peut-être pas (encore) tout à fait équipé pour rivaliser avec le VGA, mais cela n’empêche pas cette version d’Ultima VI de s’en tirer globalement avec les honneurs. Malheureusement, le fait qu’elle soit cantonnée au japonais la réservera de toute façon à des curieux qui n’auront pratiquement rien à y découvrir qu’ils ne puissent trouver en mieux dans la version PC.

Version Amiga

Développeur : Abersoft Limited
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Avril 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5 (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 500/2000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Signe des temps : Ultima VI aura figuré, au côté de de titres comme Budokan, Mean Streets ou Wing Commander, dans la première fournée de titres à avoir été plus aboutis techniquement sur PC que sur Amiga – un gros tremblement de terre, comme on l’aura vu en ouverture de ce test. De fait, 1992 était même le pire moment pour paraître sur Amiga, car le jeu ne tirait alors pas parti des capacités du nouvel Amiga 1200 – à commencer par son mode AGA. Conséquence immédiate, le jeu passe en 32 couleurs, ce qui ne produit pas des résultats aussi dramatiques qu’on aurait pu le craindre. Certes, la déperdition est assez visible sur les écrans fixes, mais une fois en jeu, on ne peut pas dire que la différence avec le VGA soit toujours flagrante.

Plus grave : une bonne partie de la musique, domaine où la machine de Commodore était la mieux armée pour rivaliser, est également passée à la trappe. Comme un symbole, le thème entendu pendant l’écran-titre est ainsi celui qui était utilisé pendant les donjons sur PC – il sera d’ailleurs réutilisé pendant les combats, ce qui passe heureusement bien car il est très réussi. Les bruitages, eux, ont purement et simplement disparu. Le plus gros défaut, à savoir l’incessante valse des disquettes qui pouvait empoisonner l’expérience sur Amiga 500, est heureusement un mauvais souvenir dès l’instant où on a l’idée de faire tourner le jeu sur un système doté d’un disque dur – cela a également un effet extrêmement bénéfique sur la vitesse générale du jeu, pensé pour tourner sur un PC dernière génération au moment de sa sortie. Ces détails mis à part, l’expérience de jeu est heureusement assez proche de celle de la version PC – mais mieux vaudra s’y essayer sur un Amiga 1200 équipé d’un disque dur. À noter, quand même, l’existence d’un bug qui duplique le contenu de l’inventaire – ça peut avoir l’air sympa dit comme ça, mais cela a surtout un effet dramatique à long terme sur la vitesse du jeu, la présence d’objets supplémentaires puisant sérieusement dans les ressources du processeur.

NOTE FINALE : 16/20

Le seul vrai défaut de cette conversion d’Ultima VI est d’avoir été pensée pour un Amiga 500 au moment de son développement. Une fois joué sur un système plus récent doté d’un disque dur, le défaut le plus rédhibitoire (à savoir la valse des disquettes) n’est heureusement plus qu’un mauvais souvenir, et le titre tourne enfin à une vitesse décente. La réalisation, hélas, devra toujours se contenter de 32 couleurs et d’une sélection musicale appauvrie – sans parler d’un bug gênant. Pas de quoi transformer Ultima VI en mauvais jeu, mais au moins trois bonnes raisons de lui préférer la version PC.

Version Atari ST

Développeur : Abersoft Limited
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5 double face (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 1Mo
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Si Ultima VI avait globalement réussi à limiter la casse sur Amiga 500, la question restait de savoir si la machine reine d’Atari allait s’en sortir aussi bien. La réponse, comme souvent, est « non », et on se doute par où le programme va pêcher. Graphiquement, prenez les 32 couleurs de l’Amiga, divisez-les par deux, et vous obtiendrez l’équivalent de la version EGA – avec des couleurs mieux choisies. Autant dire que l’aspect coloré de la version VGA n’a plus vraiment cours ici, même si l’honnêteté oblige à reconnaître qu’on s’habitue relativement vite.

Une fois passée cette désagréable sensation de jouer avec un filtre rouge, on retrouve la plupart des problèmes constatés sur Amiga 500 plus ou moins à l’identique – une nouvelle fois, avoir la chance de jouer sur un ST équipé d’un disque dur est un énorme plus pour éviter de passer la moitié de son temps à changer des disquettes ou de regarder le titre se trainer misérablement. La musique a encore baissé d’un cran en terme de qualité, et on retrouve les mêmes manques dans la playlist que sur la version Amiga. En revanche, le bug de duplication d’inventaire semble n’avoir pas fait le trajet jusqu’ici.

NOTE FINALE : 15/20

Ultima VI commence vraiment à tirer la langue sur Atari ST. Désormais en 16 couleurs et avec un processeur sonore pas à la hauteur de celui de l’Amiga, la réalisation du jeu commence à montrer de sérieuses limites. Comme sur Amiga, mieux vaudra bénéficier d’un appareil de deuxième génération doté d’un disque dur pour pouvoir profiter d’une expérience de jeu appréciable, mais dans tous les cas, vous serez toujours mieux servi sur PC.

Version Sharp X68000

Développeur : Locus Company Ltd.
Éditeurs : Pony Canyon Inc.
Date de sortie : 19 juin 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus)/japonais (narration)
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise testée sur Sharp X68000
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À force d’être ébloui par ses performances lors d’adaptations de bornes d’arcade, on en viendrait presque à oublier que le Sharp X68000 n’était pas, en puissance pure, mieux équipé qu’un PC de pointe du début des années 80 – son hardware était juste conçu plus spécifiquement pour des jeux d’action.

Démonstration ici où l’on se retrouve avec… un portage en seize couleurs, extrêmement proche sur le plan visuel de celui qui avait été réalisé, d’ailleurs pas la même équipe, pour le PC-98 quelques mois plus tôt. Une nouvelle fois, c’est un peu décevant pendant les cinématiques, mais on ne peut pas dire que ça soit franchement traumatisant une fois en jeu. Ce qui est un peu frustrant, en revanche, c’est d’utiliser une haute résolution en 768×512 une fois la partie lancée… pour en meubler la moitié avec un gros cadre inutile ! Bref, on sent bien que Locus Company était davantage occupé à transposer à l’identique le travail réalisé pour la version PC-98 qu’à chercher à réellement tirer parti des capacités de la machine de Sharp, dommage. Au moins le jeu n’est-il pas désagréable à pratiquer pour autant… à condition, naturellement, de parler japonais.

NOTE FINALE : 17/20

On ne peut pas dire qu’on sente que l’équipe de Locust Company se soit sorti les tripes pour réaliser ce portage d’Ultima VI sur Sharp X68000, simple transposition ultra-paresseuse du portage réalisé pour la version PC-98. Si le jeu est toujours aussi agréable à parcourir (si l’on sait lire le japonais), ce n’est sans doute pas la peine de vous ruiner pour dénicher cette version.

Version SNES
Ultima : The False Prophet

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeurs : FCI – Pony Canyon Inc.
Date de sortie : 3 avril 1992 (Japon) – Juillet 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues: Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Les différentes adaptations de la saga proposées sur NES avaient défini une certaine philosophie : il s’agissait d’offrir des jeux plus simples, souvent considérés comme plus adaptés au marché nippon, et qui proposaient une expérience de jeu finalement assez différente de celle du titre de base. Bouleversement complet de cette approche avec la première itération de la saga canonique sur Super Nintendo : cette fois, le contenu est à 90% identique à celui de la version PC. Fini les surprises !

S’il fallait immédiatement trouver au moins une qualité majeure à cette adaptation sur la 16 bits de Nintendo, ce serait le passage en plein écran. Le fait de ne plus être enfermé dans une fenêtre de jeu cantonnée à la moitié gauche fait énormément de bien, autorisant enfin à voir à plus de quelques cases de distance et facilitant grandement l’exploration. Les graphismes, bien que moins colorés que ceux de la version PC, restent agréables – dommage que de très nombreux détails aient disparu, en revanche, à commencer par les chaises. L’univers fait tout de suite plus vide, et les cinématiques d’introduction et de conclusion présentées dans des fenêtres minuscules ne rendent pas exactement hommage au travail effectué sur la version VGA.

Malgré ces quelques récriminations, on tiendrait sans doute ici un portage qui aurait plusieurs arguments à faire valoir face à la version originale si les coupes ne s’étaient pas additionnées, finissant par appauvrir quelque peu l’expérience de jeu. Ainsi, il n’y a plus de création de personnage : vous choisissez juste votre nom, et basta. Dans le même ordre d’idée, il n’y a plus de portraits non plus – on tient là un des plus gros points noirs de cette version, où les différents habitants du royaume perdent énormément en personnalité faute d’être reconnaissables au premier coup d’œil. Comme trop souvent, les conversations ont été simplifiées, le jeu est censuré (plus une goutte de sang), plusieurs sortilèges manquent à l’appel, la taille maximale du groupe n’est plus que de six membres, etc. Rien qui sabote véritablement l’expérience de jeu, mais beaucoup d’éléments qui encourageront malgré tout à lui préférer la version PC, plein écran ou pas.

NOTE FINALE : 15,5/20

Pour une fois, une console Nintendo hérite d’un portage relativement fidèle d’un épisode de la saga. Ultima : The False Prophet arrive avec ses propres arguments, à commencer par un mode plein écran très séduisant, mais doit également composer avec une série de petites coupes qui, mises bout-à-bout, finissent par pénaliser l’expérience de jeu. On continuera de préférer l’opus PC, mais les joueurs curieux pourront facilement donner une chance à cette version sans avoir à le regretter.

Ultima V : Warriors of Destiny

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titres alternatifs : Ultima V : Shukumei no Senshi (Japon), Ultima : Warriors of Destiny (NES)
Testé sur : Apple IICommodore 64/128PC (DOS)Atari STAmigaPC-98Sharp X68000FM TownsNES
Version non testée : PC-88
Disponible sur : Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Ultima : The Second Trilogy – IV ♦ V ♦ VI (1992 – Commodore 64, Mac OS, PC (DOS), Windows)
  • Ultima I-VI Series (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

En vente sur : Gog .com (Mac OS, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version Apple II

Date de sortie : Mars 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x8)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II – OS : Aucun – RAM : 64ko*
Mode graphique supporté : Haute résolution
Cartes sons supportées : Mockingboard A/C/Sound I/Sound II/ Sound Speech I, Passport MIDI, Phasor
*128ko requis pour entendre la musique

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Que peut-on bien chercher à atteindre lorsque l’on a déjà touché la perfection ?

Cette question, de nombreux fans de la saga Ultima en attendaient la réponse avec impatience en 1988, emballés qu’ils avaient été par le quatrième opus, sorti déjà trois ans plus tôt. Mais le fait est qu’ORIGIN Systems, soudainement occupé à développer quantité de nouveaux titres, d’AutoDuel à 2400 A.D., semblait pour la première fois mettre sa série phare quelque peu de côté. Fort heureusement, le cinquième épisode fut finalement annoncé, toujours sur Apple II, et les joueurs se demandaient quelles nouvelles idées il allait bien pouvoir introduire.

Première surprise en ouvrant la boîte du jeu : le packaging était bien évidemment toujours aussi magnifique, et on héritait une nouvelle fois d’une carte en tissu – mais celle-ci avait énormément de points communs avec celle d’Ultima IV, et pour cause : pour la première fois, le jeu n’introduisait pas un nouvel environnement. L’aventure se déroule toujours sur Britannia, les villes, les donjons et les sanctuaires sont toujours à leur place – même les mantras n’ont pas changé, ce qui fait que les joueurs ayant terminé le précédent épisode se trouveront immédiatement en terrain connu. Pas de panique : le monde du jeu a malgré tout connu de multiples transformations, la plus marquante étant l’absence de Lord British sur le trône…

L’introduction du jeu, visible en ouverture du test, vous décrira les événements dans le détail : après être devenu l’Avatar des huit vertus à la fin d’Ultima IV, vous êtes rentré chez vous, sur Terre, pour y reprendre une existence normale. Malgré tous vos efforts, la porte lunaire qui vous avait transporté jusqu’à Britannia n’est jamais réapparue, vous interdisant de retourner visiter le royaume. Mais voilà qu’une nuit, une pièce métallique ornée du symbole du Codex apparait au-dessus de votre lit – ce que vous interprétez immédiatement comme une convocation.

Mais votre arrivée dans le monde que vous avez appris à connaître ne se déroule pas comme prévu : votre ami Shamino, venu vous accueillir, est grièvement blessé par trois apparitions spectrales auxquelles il donne le nom de « Seigneurs des ombres » (Shadowlords). C’est en l’emmenant jusqu’à la hutte d’un autre de vos compagnons, Iolo, que vous finissez par apprendre la situation : Lord British a disparu et le régent Blackthorn règne d’une main de fer, manipulé par les Seigneurs des ombres. Les vertus ont désormais été érigées en loi, la pratique de la magie est interdite et, ironie suprême, les héros que vous étiez jadis, vous et votre groupe, sont désormais devenus des criminels recherchés. C’est donc à vous qu’il appartiendra de retrouver le monarque disparu et de découvrir l’origine des esprits maléfiques qui ont corrompu l’esprit de Blackthorn.

Changement total d’ambiance, donc, et deuxième quête majeure pour l’Avatar après être parvenu à découvrir le Codex de l’Ultime Sagesse. Vous allez ainsi vous retrouver propulsé dans une Britannia qui a bien changé, vivant dans la peur, sous le joug d’un régime autoritaire qui vous conduira dorénavant à fuir les autorités comme la peste, à vous faire rançonner par les gardes des villes, et à chercher les bribes d’un réseau de résistance qui vous aidera à renverser Blackthorn. Mine de rien, le fait de redécouvrir un monde qu’on avait déjà écumé pendant des dizaines d’heures lors de la précédente aventure est déjà l’une des meilleures idées du programme. Car non seulement on aura, à tous les niveau, l’impression de constamment retrouver de vieux amis, mais on sera également époustouflé par l’évolution de l’univers du jeu en lui-même.

Loin de se contenter de reprendre la carte d’Ultima IV à l’identique, Ultima V a ainsi l’excellente idée de présenter un monde infiniment plus détaillé – à tel point qu’on a parfois l’impression de le voir acquérir une dimension supplémentaire. Fini, les éternelles abstractions : on vit désormais dans une réalité quotidienne palpable, avec des tables, des chaises, des fourneaux, des tonneaux, des armoires, des lits, des champs entourés de barrières… On peut d’ailleurs déplacer et fouiller le mobilier. Le monde extérieur n’est pas en reste : Britannia compte dorénavant des routes, un grand désert à l’est, des petits cours d’eau où vous ne pourrez vous aventurer qu’en barque, des cascades, des phares… et même un monde souterrain aussi grand que le monde en surface et auquel vous pourrez accéder principalement en traversant les donjons du jeu !

Ce n’est pas tout : le jeu est également doté d’un cycle jour/nuit, ce qui signifie que chaque PNJ du jeu a un emploi du temps. Cherchez à entrer dans une ville fortifiée la nuit, et vous aurez de grandes chances de tomber sur des grilles closes. Les marchands ne sont ouverts qu’en journée : vous pourrez les voir aller s’attabler au plus proche restaurant lors des repas, et regagner leur domicile (et leur lit) la nuit.

Certains personnages ne seront ainsi accessibles qu’à certaines heures, comme ce somnambule plus bavard pendant son sommeil que durant la journée ! Pour ne rien gâcher, les dialogues ont également sérieusement gagné en épaisseur, et on commence à prendre un réel plaisir à aller interroger tout le monde pour mieux sentir cette fascinante ambiance de pays occupé, avec ses injustices mais aussi avec ses opportunistes, ses bourreaux et ses résistants. On n’avait encore jamais eu l’occasion, à l’époque, de se sentir à ce point impliqué dans la situation politique d’un jeu vidéo – tout était tellement vivant qu’on se sentait investi comme jamais auparavant, et l’antique réalisation à base de briques de l’Apple II n’y changeait strictement rien.

L’une des grandes forces de cet opus est d’ailleurs d’avoir développé absolument tous les concepts étrennés par Ultima IV trois ans plus tôt. Vous êtes toujours l’Avatar, et aller vous servir dans les coffres du roi, libérer des prisonniers politiques ou vous acoquiner avec la tyrannie sont autant d’actes qui pourront avoir des répercussions, positives comme négatives, sur votre karma. Les combats se sont également améliorés : il est enfin possible de viser ailleurs que dans les quatre directions cardinales, et surtout, chaque adversaire est désormais susceptible de laisser un coffre sur le champ de bataille – fini, donc, le combat éreintant qui ne vous rapporte qu’une poignée de pièces d’or : on ne trouve pas le même butin sur le corps d’un dragon ou sur celui d’un rat !

À noter, d’ailleurs, que certains adversaires comme les démons ou les dragons sont désormais devenus redoutables. Ils peuvent convoquer des renforts, prendre le contrôle de vos personnages, cracher des boules de feu et autres joyeusetés qui font qu’il sera inenvisageable de penser les affronter avec un groupe de bas niveau. Le système de magie a également gagné en épaisseur : chaque sortilège est désormais composé d’un ensemble de syllabes fonctionnant un peu comme les runes de Dungeon Master et vous permettant de composer des sorts en respectant une certaine logique.

Ainsi, si vous prononcez « An », qui signifie négation, puis « Nox », qui signifie poison, vous obtiendrez « An Nox » qui sera un antipoison. Il faudra une nouvelle fois faire usage de réactifs, et gagner en puissance, puisque les sorts sont divisés en cercles correspondant aux niveaux des joueurs. Ce qui signifie que seul un personnage de niveau 8 (le niveau maximal du jeu) pourra faire usage de magie du huitième cercle. Laquelle comporte bien évidemment des sorts extrêmement puissants qui pourront avoir un impact dramatique lors des combats les plus exigeants.

Il serait également criminel de ne pas évoquer les donjons du jeu, une nouvelle fois indispensables, et qui comptent à mes yeux parmi les meilleurs de la saga. Difficile de ne pas admirer leur refonte graphique : on évolue désormais dans de vrais couloirs dessinés à la main, et le résultats est absolument bluffant pour de l’Apple II. Profitons-en d’ailleurs pour souligner la qualité de la réalisation sonore du titre, déjà convaincante avec une Phasor ou une MockingBoard, et à tomber à la renverse avec une interface MIDI Passport Design (un petit exemple ici). Surtout, le level design est particulièrement réussi : chaque donjon a sa propre thématique, et de nombreuses salles regorgent de passages secrets que vous ne pourrez révéler qu’en sondant les murs, voire en utilisant une arme à distance pour atteindre une torche ou une plaque de pression. Bref, on y passe des heures et on se régale.

Toutes ces précisions nous feraient presque oublier le cœur du jeu, à savoir la quête en elle-même. Soyez rassuré : celle-ci est très prenante, et met pleinement à contribution le concept de monde ouvert créé par la saga. Votre enquête vous conduira de ville en ville, de château en château, de forteresse cachée en île non répertoriée afin d’apprendre à connaître un royaume d’une rare richesse.

Il est même possible de trouver un grappin vous permettant d’escalader les montagnes, et le titre est tellement rempli d’objets cachés et de passages secrets qu’on prend véritablement goût à aller fourrer notre nez partout pour découvrir des PNJ dissimulés ou des sortilèges qui n’apparaissent pas dans le manuel. Et comment cartographier le monde souterrain et ses monstres qu’on ne rencontre nulle part ailleurs ? Autant de raisons de consacrer à Ultima V quelques dizaines d’heures que vous n’aurez certainement jamais l’occasion de regretter : le titre pourrait se permettre de donner pas mal de leçons aux jeux de rôles parus au XXIe siècle, et qui proposent rarement la moitié des possibilités offertes ici. Si vous voulez découvrir ce qu’était le jeu de rôle à l’ancienne, prenez le temps de lire le manuel, imprégnez-vous de l’ambiance, laissez une heure ou deux au jeu pour révéler ses possibilités, et vous découvrirez à n’en pas douter une des meilleures expériences du genre.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20

En choisissant de développer l'univers et les mécanismes inaugurés par Ultima IV plutôt que de repartir de zéro, Ultima V : Warriors of Destiny aura clairement été l'épisode de la maturité. Plus grand, plus profond, plus réaliste, plus développé, le cinquième opus de la saga demeure aujourd'hui encore un des plus aboutis, grâce à un monde gigantesque et vivant comme jamais, à des donjons parmi les meilleurs de la série, et à une réflexion intéressante sur ce qui advient lorsque la foi devient un choix imposé. Avec un Apple II poussé dans ses derniers retranchements et un système de jeu particulièrement bien pensé, le titre d'ORIGIN aura fait rentrer l'aventure, le dialogue et la profondeur dans l'univers du jeu de rôle en passant par la grande porte. Une quête passionnante d'un bout à l'autre à découvrir absolument.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– On pouvait difficilement en demander plus à l'Apple II, mais les joueurs contemporains seront peut-être plus à l'aise en découvrant le titre par le biais d'un de ses portages 16 bits
– Gestion des munitions un peu frustrante
– Sans doute un peu plus accessible et un peu plus marquant aux yeux des joueurs ayant déjà terminé Ultima IV

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima V sur un écran cathodique :

Version Commodore 64/128

Développeur : David Shapiro
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Décembre 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko*
*Commodore 128 en mode natif nécessaire pour entendre la musique

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu (Commodore 128) :

Comme l’Apple II, le Commodore 64 aura accueilli tous les épisodes de la saga jusqu’en 1988 – il aura même le privilège de bénéficier du sixième épisode là ou la machine d’Apple tirait sa révérence. Le portage, assuré par Dr. Cat, ne se contente pas d’un simple calque de la version originale : le jeu est clairement plus coloré, s’approchant par moments des versions 16 bits. Les donjons, s’ils sont un peu plus détaillés, sont en revanche toujours en une seule couleur. Techniquement, le jeu connait en revanche plusieurs problèmes. Le premier est que le Commodore 64 ne dispose tout simplement pas d’assez de RAM pour jouer la musique du jeu – le titre est ainsi un des rares à réellement exploiter le Commodore 128 en mode natif, seul moyen de bénéficier de la musique du jeu. Les chargements y sont d’ailleurs sensiblement plus rapides. En revanche, si le jeu reconnait bel et bien le fastloader en mode NTSC, celui-ci ne fonctionne pas sur les modèles PAL, condamnant les joueurs européens à souffrir une nouvelle fois de temps de chargement à rallonge. Le problème est heureusement nettement moins dérangeant sur C128, où les temps de chargement sont de toute façon bien meilleurs tant que vous êtes équipés de lecteurs de disque modèles 1570 ou 1571.

NOTE FINALE : 17/20 (C64) – 17,5/20 (C128)

Ultima V souffre, sur Commodore 64, de plusieurs défauts inhérents au hardware de la machine, à commencer par l’absence de musique et surtout des temps de chargement rédhibitoires sur les modèles européens. Sur Commodore 128, le jeu fonctionne beaucoup mieux et profite même d’une réalisation sensiblement plus colorée que sur Apple II.

Version PC (DOS)

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Juillet 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25 (x4) et 3,5″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme cela avait déjà été le cas sur Ultima IV, les différentes versions 16 bits d’Ultima V auront été développées en parallèle, d’où de très nombreuses similitudes entre les versions PC, Atari ST et Amiga. Graphiquement, le jeu profite cette fois d’une palette de 16 couleurs où chaque tuile a été entièrement redessinée, donnant ainsi à cet épisode une « patte » particulière que n’avait pas la version originale qui puisait encore très majoritairement dans les tuiles de l’opus précédent. L’ensemble est plus coloré, plus détaillé – les Seigneurs des ombres ressemblent ainsi davantage à l’illustration de Denis Loubet, et certains monstres comme les trolls où les démons sont désormais beaucoup plus convaincants. Les donjons profitent également des 16 couleurs, et sont encore plus réussis que dans la version originale. Le gain qualitatif par rapport à Ultima IV est cette fois évident dès l’introduction. En revanche, l’interface sur PC ne tire toujours pas parti de la souris – ce qui est un peu moins gênant qu’auparavant, l’interface ayant beaucoup progressé, et surtout, la musique a disparu puisque les cartes sonores AdLib n’étaient pas encore disponible à la sortie du jeu. Les bruitages sont donc délivrés par le haut-parleur interne, et vous pourrez parfois profiter d’un court morceau de musique lorsqu’un de vos bardes vous joue une berceuse avant de dormir. Dans l’ensemble, on sent une nette amélioration par rapport à la version Apple II – dommage que le son ne suive pas.

Du côté des fans :

Pas de refonte graphique cette fois, mais Voyager Dragon aura décidé d’ajouter ce qui manquait à l’itération PC : la musique ! Son patch, téléchargeable ici, ajoute donc tous les thèmes des versions Apple II et Commodore 128 en qualité MIDI, et y ajoute l’unique thème musical de la version Amiga pendant la création de personnage. Un excellent moyen, donc, de bénéficier d’un des meilleurs portages du jeu. Seul problème, le logiciel de configuration utilise DPMI, qui n’est pas émulé nativement sous DOSBox ; arriver à faire fonctionner le patch pourra donc se révéler délicat.

NOTE FINALE : 17,5/20 (version non patchée) – 18,5/20 (version patchée)

Ultima V sur PC bénéficie grandement de l’apport des 16 couleurs de sa palette, proposant une réalisation graphique bien plus agréable que sur Apple II. Cela se fait malheureusement au prix de la musique – sauf si vous parvenez à faire fonctionner le patch de Voyager Dragon, auquel cas vous bénéficierez d’un des tout meilleurs portages du jeu.

Version Atari ST

Développeur : Binary Vision Ltd.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Avril 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il aura fallu attendre 1989 pour voir débarquer Ultima V sur Atari ST. La version PC ayant posé les bases, on ne s’attendra pas à trouver de grosses nuances sur le plan graphique. Seule différence : la présence un tantinet envahissante d’un logo « Ultima V » en bas de la fenêtre de jeu, qui ne sert à rien sauf à prendre de la place. Musicalement, en revanche, le jeu reprend tous les thèmes des versions 8 bits, mais les distribue différemment – pourquoi pas, difficile de savoir la raison de cette réorganisation. Le jeu profite également d’une interface à la souris moins indispensable que dans les épisodes précédents, et souffre également de quelques bugs qui n’auront hélas jamais été corrigés, dont un qui demande d’insérer un disque avant de s’achever en plantage en bonne et due forme (très désagréable quand vous n’avez pas sauvé depuis une heure parce que vous vous trouviez au fond d’un donjon). C’est dommage car, à ces petits détails près, on tiendrait à n’en pas douter l’une des meilleures versions du jeu.

NOTE FINALE : 18/20

Ultima V sur Atari ST offre à première vue une sorte de version améliorée du portage paru sur PC, en y ajoutant les thèmes musicaux qui manquaient cruellement à l’expérience DOS. Dommage, malgré tout, que la fenêtre de jeu ait été inutilement rabotée et que quelques bugs n’aient jamais disparu, car on n’était pas loin de toucher la perfection du doigt.

Version Amiga

Développeur : DMA Systems Ltd.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aurait pu s’attendre à ce que la version Amiga soit globalement identique à 99% au portage sur Atari ST – avec peut-être un gain sensible en terme de qualité musicale. Et au moment de lancer le jeu, on retrouvera effectivement une copie conforme en terme de réalisation graphique – avec toujours ce logo inutile qui vient grignoter une partie de la surface de jeu. En revanche, du côté sonore, c’est la stupeur : le jeu ne comporte en tout et pour tout qu’un seul et unique thème musical répété en boucle pendant toute la partie ! Même si ce morceau est très sympathique, autant vous dire qu’au bout de quelques heures de jeu, on commence un peu à saturer – c’est d’autant plus inexcusable que l’Amiga était parfaitement capable d’offrir l’intégralité des morceaux présents sur la version ST. Pour ne rien arranger, la saisie au clavier connait également quelques ratés, et il faut parfois appuyer plusieurs fois sur une touche pour qu’elle daigne être reconnue. Enfin, il est impossible de transférer son personnage depuis Ultima IV. Beaucoup d’erreurs pour une version qui aurait pu prétendre à mieux.

NOTE FINALE : 17/20

La version Amiga d’Ultima V agace quelque peu à force d’accumuler les errements aussi dommageables qu’inexplicables. Même si ceux-ci ne pénalisent au final que marginalement l’expérience de jeu, on ne pourra que regretter de se retrouver cantonné avec un unique thème musical pendant les dizaines d’heures que durera la partie. Mieux vaudra privilégier la version ST.

Version PC-98

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Tout comme les épisodes précédents, Ultima V aura atterri sur PC-98 en 1990, comme sur la plupart des autres systèmes japonais. Sur l’ordinateur de NEC, le jeu offre une réalisation qui devrait mettre tout le monde d’accord, et qui est plus ou moins une version haute-résolution des tuiles employées dans les meilleures versions 16 bits. Le résultat est d’une lisibilité rare, très coloré, et figure à n’en pas douter parmi les plus belles versions du jeu – d’autant que l’introduction a également été redessinée en plus fin, et que les thèmes musicaux sont toujours là dans des versions très agréables. Bref, on tiendrait là à n’en pas douter un candidat sérieux à la version ultime sans un léger petit détail : le fait que le jeu n’existe qu’en japonais – ou plutôt, dans un étrange mélange d’anglais et de japonais qui vous permettra peut-être de jouer aussi facilement que sur les autres systèmes, mais vous interdira de comprendre le moindre dialogue du jeu sans un solide niveau dans la langue de Mishima.

NOTE FINALE : 18/20

Si vous cherchez la version d’Ultima V la mieux réalisée, pas de débat, c’est vers cette itération PC-98 (ou son équivalent sur Sharp X68000) qu’il faudra vous tourner. Tout y est désormais en haute résolution, y compris les donjons, et les thèmes musicaux sont toujours de la partie. En revanche, le jeu vous sera inaccessible si vous ne parlez pas japonais, hélas.

Version Sharp X68000

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Ultima V aura également connu un portage sur Sharp X68000 – et, pour l’occasion, les choses vont aller vite : on a affaire à un clone quasi-parfait de la version PC-98, les deux portages sont d’ailleurs sortis le même jour. Graphiquement, la police d’écriture (japonaise) est un peu différente et certaines animations ont disparu, mais pour le reste c’est précisément le même jeu, au pixel près. Ce qui signifie une nouvelle fois qu’il vous faudra savoir lire le japonais pour pouvoir espérer tirer quoi que ce soit de cette version, sans quoi, seuls ceux connaissant déjà le titre original par cœur auront une petite chance de pouvoir en voir le bout. Frustrant, mais on commence à avoir l’habitude.

NOTE FINALE : 18/20

Pas de jaloux : si vous n’avez pas de PC-98 pour faire tourner la meilleure version d’Ultima V, il vous reste son clone quasi-parfait sur Sharp X68000 ! Naturellement, cela nécessitera une nouvelle fois de savoir parler (ou du moins lire) le japonais, mais si c’est le cas et que vous avez la chance de posséder à la fois la coûteuse machine de Sharp et une copie du jeu, foncez !

Version FM Towns

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

https://youtu.be/rldwLawuDMU

Autre grand habitué des « versions définitives », le FM Towns aura hébergé un portage d’Ultima V visiblement réalisé en parallèle de celui d’Ultima IV (d’ailleurs commercialisé à peine quatre mois plus tôt)… ce qui en fait hélas une version nettement moins enthousiasmante que les deux précédentes. Commençons par les bons points : on hérite une nouvelle fois d’une mise en contexte historique reprenant une partie des informations que vous donne déjà Iolo à la fin de l’introduction – exclusivement en japonais – et les écrans fixes ont été redessinés avec plus ou moins de bonheur. On bénéficie également de musique qualité CD, mais uniquement pendant la cinématique susmentionnée et pendant l’écran-titre ; le reste du temps, c’est le processeur sonore de la machine qui prend le relai. Graphiquement, en revanche, non seulement le titre reprend les tuiles des versions 16 bits occidentales en se sentant obliger de rajouter une grosse barre rose inutile en haut de la fenêtre de jeu, mais en plus on perd carrément des couleurs au passage ! Rien d’insurmontable, mais quand on connait les caractéristiques de la machine, on se sent un peu roulé… Bonne nouvelle, en revanche : passé la première cinématique, le jeu est intégralement en anglais, avec quelques coquilles en bonus. Bref, une version honnête mais qui ne justifie sans doute pas l’investissement.

NOTE FINALE : 17,5/20

Déception pour cette version FM Towns d’Ultima V qui n’offre pas grand chose de plus que les versions 16 bits occidentales du jeu – et même pour l’occasion, un peu moins, les graphismes ayant perdu en couleurs et la fenêtre de jeu étant rabotée par une grande barre dont on cherche encore la fonction. Heureusement, le jeu en lui-même est toujours aussi bon – et il est en anglais, cette fois.

Version NES
Ultima : Warriors of Destiny

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : FCI, Inc.
Date de sortie : Janvier 1993 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les adaptations NES de la série Ultima réservent toujours de nombreuses surprises, et celle du cinquième épisode ne fait pas exception. La première est la date de sortie du jeu : 1993, soit cinq ans après la version originale – une époque où non seulement la NES était plus qu’en fin de vie, mais où la saga elle-même approchait de la sortie de son huitième épisode ! Un anachronisme qui se retrouve d’ailleurs une fois la partie lancée. Premier choc : loin des graphismes japonisants des précédents opus, cet épisode emprunte le moteur… d’Ultima VI – pourtant bien trop gourmand pour un système 8 bits.

Les conséquences sont immédiatement palpables, car l’intégralité du monde du jeu est désormais représentée à une échelle unique, et l’univers se veut infiniment plus détaillé, avec notamment un portrait pour chacun des PNJs du jeu ! On ne pourra que se demander pourquoi ce portage n’aura pas été fait sur une Super Nintendo beaucoup mieux équipée pour l’accueillir, mais le fait est que le titre souffre immédiatement de son ambition en se trainant lamentablement. Des dizaines d’autres sacrifices ont dû être effectués : la carte du monde est beaucoup plus petite, il n’y a qu’un seul thème musical une fois la partie commencée, il y a beaucoup moins de personnages et ceux-ci sont bien moins bavards, l’introduction et la séquence de fin sont plus courts, il n’est plus possible de monter à cheval, etc. Au final, le résultat est très étrange et surtout à peu près injouable, la faute à la lenteur générale du programme et à une interface pas du tout pensée pour tenir sur deux boutons. C’est d’autant plus dommage qu’on ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu donner une telle adaptation sur un système assez puissant pour le faire tourner dans des conditions optimales, mais en l’état, on est plus proche du monstre de Frankenstein que d’un titre savamment conçu.

NOTE FINALE : 08/20

Chercher à porter Ultima V sur NES avec le moteur d’Ultima VI, c’est un peu comme vouloir mettre un satellite sur orbite avec un lance-pierre : c’est ambitieux, mais voué à l’échec. Lent, expurgé, pratiquement injouable, le titre risque de venir à bout de vos nerfs bien avant que vous ayez réellement pu débuter l’aventure. Beaucoup d’énergie gaspillée pour un portage qui aurait dû, d’emblée, être pensé pour la Super Nintendo.

Ultima IV : Quest of the Avatar

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titres alternatifs : Ultima IV : Avatar no Tankyu (Japon), Ultima : Quest of the Avatar (NES), Ultima : Seisha e no Michi (Famicom)
Testé sur : Apple IICommodore 64Atari 8 bitsAtari STMSXPC (DOS)PC-88PC-98Sharp X1AmigaSharp X68000NESMaster SystemFM Towns
Version non testée : FM-7
Disponible sur : iPhone, Ipad, Mac OS, Windows
Présent dans les compilations :

  • Ultima : The Second Trilogy (1992 – Commodore 64, Mac OS, PC (DOS), Windows)
  • Ultima I-VI Series (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

Téléchargeable gratuitement sur : Gog .com (Mac, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version Apple II

Date de sortie : Novembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II – OS : Aucun – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution
Cartes sonores supportées : Mockingboard A/C/Sound I/Sound Speech I

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il existe des polémiques récurrentes dans l’histoire du jeu vidéo, et certaines sont tellement insignifiantes aux yeux du joueur lambda qu’il en vient souvent à oublier – voire à purement ignorer – leur existence. On a connu les éternels procès en violence faits aux FPS – à qui les gens les moins informés aiment à reprocher ce qu’ils tolèrent au cinéma – ou les attaques régulières à l’encontre de titres moralement ambigus comme la saga des Grand Theft Auto.

Mais le jeu de rôle a lui aussi été l’objet de critiques avant même d’exister sous une forme vidéoludique. Et même au tout début des années 80 – soit à une époque où le RPG constituait un genre de niche au milieu d’une activité elle-même de niche – on pouvait déjà trouver, aux États-Unis notamment, des fondamentalistes ou des conservateurs pour hurler contre ces jeux diaboliques et amoraux qui pervertissaient la belle et grande jeunesse américaine.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces attaques auront amené Richard Garriott à s’interroger – et à désirer leur donner tort. De fait, en 1985, le but de n’importe quel jeu de rôle – et les trois premiers Ultima n’y faisaient nullement exception – se limitait fondamentalement à aller tuer quelqu’un. Le plus souvent un magicien maléfique ou un nécromancien mégalomane, chacun au fond de son donjon, mais la dimension « rôle » ne dépassait jamais la gestion d’une feuille de personnage.

On n’incarnait finalement rien de plus que dans un jeu de plateforme ou dans un jeu d’action, et les rares décisions à prendre se cantonnaient à savoir comment s’équiper ou quelle direction prendre à un croisement. Les alignements étaient souvent purement cosmétiques, et les backgrounds des différents personnages, fussent-ils joueurs ou non, étaient largement laissés à l’imagination des joueurs. Et, à tout bien y réfléchir, cette pauvreté dans l’approche des mécanismes de jeu se ressentait fatalement dans la crédibilité de l’univers ou dans le plaisir qu’on pouvait prendre à aligner des combats pendant des heures.

Richard Garriott se mit donc en tête de créer un jeu de rôle qui ne ressemblerait à aucun autre, et dont l’objectif, pour une fois, ne se limiterait pas à tuer quelqu’un. Et, ce faisant, il engendra une des plus grandes révolutions de l’histoire du jeu de rôle. Ainsi naquit Ultima IV : Quest of the Avatar.

L’objectif du jeu est donc donné dans le sous-titre : vous allez chercher à devenir l’Avatar des huit vertus, et partir en quête du Codex de la Sagesse Ultime. Et non, ces huit vertus ne vous demanderont pas d’aller vaincre des boss pour libérer des cristaux mais bien de respecter un code moral – par ailleurs si cohérent et si bien conçu qu’il restera pertinent pendant tout le reste de la série.

Oubliez Sosaria ; le jeu se situe dorénavant sur le royaume de Britannia, toujours gouverné par Lord British. Le jeu adopte une nouvelle carte composée d’un continent massif entouré de plusieurs îles, créant ainsi un nouveau canon puisque – chose rarissime encore aujourd’hui – ce continent restera le terrain de jeu sur lequel évoluera le joueur pendant la très grande majorité du reste de la saga. Vous allez créer un héros – juste un seul – en répondant à des questions présentant chacune des dilemmes moraux avant que vos réponses ne dictent votre classe et vos caractéristiques de départ. Puis vous débuterez votre aventure dans la ville correspondant à votre classe, et devrez démarrer une longue et passionnante enquête vous emmenant jusqu’à l’Abîme, donjon final où vos connaissances du système éthique du jeu seront passées au crible.

Ce fameux système éthique, justement, quel est-il ? En découvrir les tenants et les aboutissants étant une des grandes forces du titre – et de la série – je préfère n’aborder ici que les grandes lignes. Les huit vertus dont il est question dans le jeu sont les suivantes : l’honnêteté, la compassion, la valeur, la justice, le sacrifice, l’honneur, la spiritualité et l’humilité. Chacune de ces vertus a une ville qui lui est dédiée, la seule exception étant la ville de Magincia, détruite par les démons sous le poids de son orgueil.

Chacune de ces vertus correspond également à une classe de personnage (le jeu en comprend donc huit, si vous suivez, un chiffre extrêmement important dans la saga), à un donjon qui correspondra à un aspect opposé de la vertu (ainsi, le donjon associé à Britain, ville de la compassion, est nommé Despise qui signifie « mépriser »), mais aussi à un sanctuaire qui vous permettra de méditer sur cette vertu, à condition de posséder une rune vous autorisant à entrer, et surtout un mantra vous permettant de vous concentrer.

Cela fait déjà énormément de choses à assimiler, et c’est ici que le jeu montre sa première qualité : son aspect enquête. Grande nouveauté : les centaines de PNJs qui occupent chacune des villes, des villages et des châteaux du jeu ne se contentent plus de vous débiter une unique ligne de dialogue. Dorénavant, c’est bien une véritable conversation qu’il faudra entretenir avec chacun d’entre eux, grâce à un système de mots-clefs. Tapez « name » en interrogeant en personnage, et il vous donnera son nom, « job » et il vous décrira son métier, « health » et il vous parlera de sa santé, et ainsi de suite.

Bien évidemment, le principe sera de rebondir sur chacune de ses réponses pour découvrir de nouveaux mots-clefs, et aboutir régulièrement à des informations très importantes : tel personnage connait le mantra, interrogez-le ; allez écouter les rumeurs à la taverne de Trinsic pour connaître l’emplacement de la rune ; avez-vous entendu parler des pierres de vertu ? Finir le jeu sans interroger méthodiquement tout le monde est totalement impossible, et vu le grand nombre d’éléments pertinents à retenir, autant vous dire que vous avez tout intérêt à préparer un carnet de notes pour avoir une chance de mener l’aventure jusqu’à son terme.

Bien évidemment, votre enquête vous amènera régulièrement en terrain hostile, ce qui représente une très bonne transition pour aborder le système de combat du jeu. Ce dernier reprend les grandes lignes de celui d’Ultima III, au détail près qu’il est possible – et même indispensable – de compter jusqu’à huit membres dans votre équipe. Face à ce qui pourrait rapidement s’avérer laborieux, Ultima IV a heureusement l’excellente idée de simplifier la gestion de votre groupe : plus question ici de gérer indépendamment les rations de voyage de chaque personnage, ni de s’échanger les armes ou l’or ; toutes les ressources sont désormais communes à toute l’équipe, ce qui fait un bien fou. Fini, la micro-gestion permanente ! Et si la nourriture est toujours aussi importante, elle ne devrait guère vous demander plus d’une poignée de secondes d’attention toutes les deux ou trois heures de jeu.

Les affrontements eux-mêmes ont été affinés : le jeu vous dit par exemple à quel degré un adversaire est blessé à chaque fois que vous faites mouche, et les combats sont à la fois moins longs, moins aléatoires et moins frustrants que ceux de l’opus précédent. Le système de magie a également été entièrement refait, et comprend désormais… un sortilège pour chaque touche du clavier, intelligemment attribué à son initiale. Ainsi, « A » correspondra à « Awaken » (réveil), « B » à « Blink » (clin d’oeil), « C » à « Cure » (guérison) et ainsi de suite.

Mais il ne suffira plus de connaître un sortilège pour le lancer, il faudra commencer par le préparer en mélangeant des réactifs ! Si la plupart d’entre eux sont disponibles dans des boutiques dont les prix varient largement selon la ville qui les héberge, les réactifs les plus puissants seront à aller cueillir directement sur la carte du jeu, à condition naturellement de savoir où les trouver… Le système est vraiment bien fichu, car une expédition au fond d’un donjon nécessitera une préparation minutieuse pour être bien certain de ne pas tomber à court de sorts au pire moment. Seul inconvénient : les sorts doivent être préparés un par un, ce qui est vite fastidieux (le problème sera heureusement corrigé dès Ultima V). Et puisque l’on parle de donjons, ceux-ci sont désormais réellement passionnants, proposant des salles comportant des combats, bien sûr, mais également de petites énigmes qui vous demanderont de réfléchir un peu pour ouvrir des chemins dissimulés. On notera d’ailleurs que le jeu propose pour la première fois des passages secrets que les joueurs apprendront à reconnaître à certains indices visuels.

Tout cela est déjà très intéressant, et suffirait à faire d’Ultima IV un très bon jeu de rôle, indubitablement supérieur à son prédécesseur. Mais le véritable génie du système de jeu imaginé par Richard Garriott, c’est bien évidemment la mise en application de ces fameuses huit vertus. Car devenir l’Avatar ne se résoudra pas simplement en tuant des monstres, en menant l’enquête et en explorant de donjons : la façon dont vous allez le faire est au moins aussi importante…

Si vous jouez aujourd’hui encore à n’importe quel jeu de rôle, il y a de très forte chance que personne ne voie aucun problème à ce que votre héros entre partout sans invitation pour se servir dans les tiroirs. Si cela est également possible dans Ultima IV, la grande révolution est que cela aura des répercussions. Imaginez que vous découvriez la chambre du trésor de Britannia et que vous décidiez de vous servir dans les coffres : bon courage, ensuite, pour vanter votre honnêteté au moment de prier dans le sanctuaire idoine… De la même manière, comment croire en votre courage si vous prenez régulièrement la fuite lors des affrontements ? Et pour faire preuve de votre compassion, il pourra non seulement être utile de faire la charité, mais également de laisser fuir les adversaires blessés… tant que ceux-ci ne sont pas des êtres maléfiques, naturellement.

Vous l’avez compris : vous pouvez bel et bien faire énormément de choses, mais il faudra cette fois réfléchir à leur portée morale. Agir en assassin kleptomane vous rendra peut-être riche et puissant, mais vous interdira d’accomplir l’objectif du jeu. Évidemment, il n’est pas toujours facile de savoir ce qui est juste et ce qui ne l’est pas : dans le doute, les différents sanctuaires sauront vous expliquer comment gagner en vertu, et le devin présent au château de Lord British saura vous dire à quel point vous avez avancé ou non dans votre cheminement éthique. Mais combien de jeu de rôles vous proposent-ils, près de 35 ans plus tard, de réfléchir à la portée de tous vos actes jusque dans le plus banal et le plus anodin des combats du jeu ?

Conclusion évidente : Ultima IV reste aujourd’hui encore un monument majeur de l’histoire du jeu vidéo. Certes, il faudra composer avec une réalisation désuète, avec la nécessité de prendre des notes, de dresser des plans, d’avoir toujours le manuel à portée de main… Mais pour ceux qui feront l’effort, il est surprenant de découvrir à quel point le titre peut encore se montrer extrêmement prenant. Enfin débarrassé de ses grandes phases de grinding répété – vous allez encore énormément vous battre, mais vous aurez toujours quelque chose à faire, et souvent plusieurs dizaines de choses à faire en même temps – Ultima IV devient exactement ce qu’il promet dans son sous-titre : une quête à la fois épique et personnelle pour devenir un être meilleur. Si ça n’est pas la meilleure définition qui soit du jeu de rôle…

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Ultima III avait fait trembler les fondations du genre, Ultima IV les aura dynamitées. En choisissant de placer le joueur au centre d'une quête mystique et philosophique plutôt que dans une éternelle chasse-au-grand-méchant, le titre de Richard Garriott aura réellement donné son sens à l'expression « jeu de rôle » en offrant aux dialogues, à l'enquête et jusqu'à la façon d'accomplir les objectifs un rôle central dans ce qui était encore trop souvent un simple simulateur de combats. Débarrassé d'une grande partie des lourdeurs de la première trilogie, à commencer par un recours systématique à un grinding pas toujours passionnant, Ultima IV : Quest of the Avatar aura été une révolution, un OVNI extraordinaire dont beaucoup de titres contemporains gagneraient encore à s'inspirer. Le jeu qui aura définitivement ancré la saga Ultima dans la cour des géants. CE QUI A MAL VIEILLI : – Prise de note obligatoire – Mélanger les sortilèges un à un : fastidieux... – Réalisation datée – Interface toujours assez lourde à l'usage

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima IV : Quest of the Avatar sur un écran cathodique :

Version Commodore 64

Développeur : Chuck Bueche
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Décembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Commodore 64 PAL
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On commence à connaître les forces et les faiblesses inhérentes au hardware du Commodore 64 – auxquelles peuvent rapidement s’ajouter la compétence ou le dévouement des programmeurs. Ce portage ayant une nouvelle fois été réalisé par Chuck « Chuckles » Bueche, on ne sera donc pas surpris de retrouver exactement les mêmes qualités et les mêmes défaut que dans la conversion C64 réalisée pour Ultima III. Au rang des satisfactions, donc, le jeu est un peu plus coloré – et les teintes un peu mieux choisies – que sur Apple ][. La puce sonore du C64 permet également de ne pas nécessiter de posséder de carte son pour bénéficier de la musique (même si on ne profite plus, du coup, que de trois voix là où la Mockingboard en autorisait six). En revanche, les donjons sont une nouvelle fois en noir et blanc, et surtout les temps de chargement sont proprement insupportables, absence de fastloader oblige (comptez déjà cinq bonnes minutes pour espérer lancer le jeu). Le contenu, pour sa part, n’a pas évolué d’un pouce – mais en avait-il besoin ?

NOTE FINALE : 16/20

Sans surprise, Ultima IV : Quest of the Avatar offre sur Commodore 64 une prestation très semblable à celle offerte sur Apple II. Si les couleurs sont un peu plus cohérentes tant que l’on n’entre pas dans un donjon, le titre doit hélas composer avec des temps de chargement à rallonge qui réserveront l’expérience à des joueurs particulièrement patients.

Du côté des fans :

Comme pour Ultima III avant lui, Ultima IV aura également bénéficié, en 2006, d’une version de fans intitulée Ultima IV Gold. Celle-ci, en plus d’apporter sa dose de correction et d’éléments de triche, a surtout le gros mérite de faire tenir le jeu sur une seule disquette et d’accélérer drastiquement les temps de chargement. Vous pourrez trouver plus de détails à cette adresse et télécharger le jeu ici. Mais ce n’est pas tout ! Le jeu aura également profité d’un remaster effectué par les fans, cette fois en 2015, sous le titre Ultima IV Remastered. Le programme profite ainsi d’une refonte graphique particulièrement visible pendant l’introduction, et qui emprunte énormément de tuiles à Ultima V une fois en jeu. Des améliorations qui aident à faire de cette version une des meilleures adaptations 8 bits du jeu. Vous pouvez la télécharger ici.

Comparez avec la vidéo en ouverture du test : c’est quand même nettement plus beau ! (source : http://wiki.ultimacodex.com)

Version Atari 8 bits

Développeur : David Lubar
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Février 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Atari 800 PAL
Configuration minimale : Modèle NTSC requis pour l’affichage des couleurs

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu (PAL) :

La version Atari 8 bits d’Ultima IV est, grosso modo, un portage fidèle de la version Apple II. La principale nuance se situe, comme toujours, au niveau des couleurs : le jeu est affiché en noir et blanc sur les systèmes PAL, et les teintes tendent furieusement à varier d’un modèle à l’autre en NTSC ou en SECAM. Seule véritable perte : le jeu ayant cette fois été programmé pour n’utiliser que 48k de mémoire, une bonne partie des thèmes musicaux sont purement et simplement passés à la trappe. Pour le reste, on demeure en terrain connu.

NOTE FINALE : 16,5/20

Pour sa dernière conversion sur Atari 8 bits, Ultima IV laisse malheureusement quelques plumes du côté de la réalisation musicale. C’est dommage car, pour le reste, le titre est toujours largement aussi bon – mieux vaut pouvoir y jouer, malgré tout, en NTSC.

Version Atari ST

Développeur : Robert Hardy
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ simple face (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Interface MIDI supportée
Écran couleur requis

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu (Français) :

Petite originalité, pour une fois : toutes les versions 16 bits d’Ultima IV (c’est à dire sur PC, Atari ST et Amiga) ont été formées dans le même moule. Fini, l’interface tantôt bleue, tantôt beige au gré des portages et les orques qui hésitaient entre le vert et le marron : cette fois, la réalisation est semblable à 95% sur les trois machines… à quelques petits détails près, comme souvent. Commençons par l’évolution la plus évidente : les graphismes en 16 couleurs qui rendent la réalisation un peu moins tristounette que sur Apple II, et l’introduction sensiblement mieux réalisée (même s’il n’y a pas non plus de quoi se relever la nuit). On retrouve une nouvelle fois une interface qui profite de la souris, et des thèmes musicaux qui tirent partie des capacités sonores du ST (d’autant plus que le jeu peut tout à fait être connecté à une interface MIDI). Le gros plus, cependant, est l’apparition de murs bien plus détaillés dans les donjons, reléguant finalement les parois en surfaces pleines oranges et bleues au passé. Signalons que ce portage sur Atari ST a un avantage par rapport à celui sur Amiga : il autorise à transférer son personnage vers Ultima V. Notons enfin que l’Atari ST est la seule machine à bénéficier d’une version française, et comme vous pourrez le constater dans la vidéo de l’introduction, le résultat est absolument abominable – en plus d’être bugué au point de rendre le jeu impossible à finir.

NOTE FINALE : 17,5/20

Porté sur Atari ST, Ultima IV bénéficie d’un petit coup de jeune dans tous les secteurs, de la réalisation jusqu’à la maniabilité. Évidemment, il y a peu de chance que vous soyez aujourd’hui ébahi par les graphismes, mais c’est plus coloré, plus détaillé, plus jouable et plus fluide puisqu’il n’y a même plus de changement de disquette à effectuer. Bref, un très bon moyen de découvrir un excellent jeu.

Version MSX

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quitte à débarquer sur les systèmes domestiques japonais, Ultima IV n’allait pas faire l’impasse sur le très populaire (du moins au Japon) MSX. Pour l’occasion, pas question de profiter ici de la haute résolution qui semblait faire école sur la plupart des ordinateurs de NEC et de Sharp : il faudra même plutôt composer avec une résolution plus basse que ce qu’on pouvait voir sur certains ordinateurs occidentaux. Cependant, le résultat – qui évoque souvent ce qu’allait offrir, trois ans plus tard, la version Master System – reste coloré, lisible et très plaisant, et la musique est bien entendu toujours de la partie. L’interface n’a pas changé d’un millimètre (pas de gestion de la souris ou du pad, donc), mais le seul vrai défaut de cette version demeure le fait d’être restée cantonnée au japonais. Une simple curiosité pour la grande majorité des joueurs occidentaux, donc, qui auront tout loisir de découvrir le titre en anglais sur beaucoup d’autres plateformes, mais une version parfaitement correcte quoi qu’il en soit.

NOTE FINALE : 17,5/20

D’une fidélité totale à l’expérience originale, Ultima IV sur MSX profite pour l’occasion de graphismes colorés et parfaitement lisibles en dépit de la faible résolution, et le reste est si fidèlement à sa place qu’on ne pourra guère reprocher à ce portage que de n’être disponible qu’en japonais.

Version PC (DOS)

Développeur : James Van Artsdalen
Éditeur : ORIGIN Systems
Date de sortie : Octobre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0* – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA Composite, EGA, Tandy/PCjr
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)
*DOS 2.1 ou 3.2 fortement recommandé
Lien utile : Xu4 : Ultima Recreated

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Les années passants, le moment arriva enfin où le PC pouvait prétendre rivaliser avec un Apple II sans être doté d’un moniteur composite. Le fait de reconnaître les cartes EGA permet à cette version de se hisser graphiquement pratiquement à la hauteur des autres versions 16 bits… malgré quelques manques difficiles à expliquer. Ainsi, sur la carte du monde, les noms des personnages sont désormais en blanc, la bordure extérieure blanche a disparu, les lunes en haut de l’écran sont devenues monochromes… Dans le même ordre d’idée, même les écrans d’introduction ont des teintes moins bien choisies, avec des personnages affichant une teinte de peau couleur « jaune Lego ». Plus grave : les donjons, eux, sont restés en surfaces pleines comme sur les ordinateurs 8 bits ! Niveau son, enfin, les cartes sons AdLib n’ayant fait leur apparition qu’en 1988, il faudra se contenter de quelques « bip-bip » en guise de bruitages et d’un silence de mort en guise de musique. Et l’interface à la souris est également à oublier (elle ne fera son apparition qu’avec Ultima VI, soit le premier jeu de la saga développé directement sur PC). Autant dire que dans un jeu où la réalisation est très secondaire, ce n’est que moyennement pénalisant, mais on ne pourra que regretter de ne pas bénéficier, une nouvelle fois, du portage « ultime ».

Du côté des fans :

Ultima IV étant tombé dans le domaine public dès la fin des années 90 – une opération destinée à promouvoir la sortie d’Ultima IX – il aura été un des premiers épisodes de la saga a avoir bénéficié de l’attention des fans. Des patchs améliorant les graphismes ou ajoutant de la musique MIDI n’auront pas tardé à fleurir – aujourd’hui, il est carrément possible de profiter via XU4 d’un moteur tournant sous Windows et permettant d’intégrer quantités de correctifs, de modifier les graphismes ou les thèmes musicaux, d’intégrer des améliorations venues d’Ultima V, voire même de simplifier l’interface pour automatiser certaines fonctions (comme l’ouverture ou le crochetage). Le tout est entièrement configurable, permet de se faire une expérience sur mesure convenant aux néophytes comme aux vieux de la vieille, et peut même tourner sous ScummVM ! Bref, un bon moyen de dépoussiérer un peu le jeu originel si jamais l’interface et la réalisation vous effraient quelque peu.

NOTE FINALE : 17/20 (version originale) 18/20 (XU4)

Ultima IV n’aura, pour une fois, pas trop souffert de son transfert sur PC. Certes, on perd la musique des versions 8 bits et quelques couleurs par rapport aux versions 16 bits, mais l’essentiel de l’expérience est là, en plus coloré que sur Apple II. La version mise à jour de XU4 permettra également aux néophytes de se façonner une expérience un peu moins austère et un peu plus accessible.

Version PC-88

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : Juillet 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La version MSX d’Ultima IV nous aura donné, en quelque sorte, un « guide » de ce à quoi risquent de ressembler la plupart des portages sur les ordinateurs japonais. Confirmation d’ailleurs avec cette itération PC-88 qui en est objectivement très proche – la réalisation ne tire d’ailleurs aucunement bénéfice de la résolution de la machine. Les quelques rares nuances demandent d’ailleurs pratiquement de placer les deux versions côte-à-côte : on a perdu quelques couleurs, et les sprites tendent à être entourés d’un grand bloc noir faute d’effets de transparence. À ces (rares) détails près, on hérite d’un portage qui ne tire certes pas parti de toutes les capacités de la machine, mais qui reste largement apte à rivaliser avec les versions 16 bits occidentales. Dommage que le jeu soit toujours exclusivement en japonais, en revanche.

NOTE FINALE : 17,5/20

Sorte de portage de la version MSX – avec quelques modestes détails en moins – Ultima IV sur PC-88 ne pousse certainement pas la machine qui l’accueille à se sortir les titres, mais reste un portage tout à fait satisfaisant, à condition, naturellement, de parler le japonais.

Version PC-98

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : Juillet 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sans surprise, la gamme PC-98 de NEC aura également eu droit à sa version d’Ultima IV, d’ailleurs à peu près en même temps que la version PC-88. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, il ne s’agit pas d’une simple transcription de la version parue sur la génération précédente : la réalisation tire cette fois bel et bien parti de la haute résolution de la machine, pour s’approcher en jeu de ce qu’offrirait la version Sharp X68000 un an plus tard. Difficile de trouver des reproches à adresser à ces graphismes fins, lisibles et colorés, avec des illustrations nettement mieux réalisées que ce qu’offrent les versions occidentales – en fait, le seul regret viendrait plutôt des donjons, dont les murs demeurent en grands aplats vides plutôt que d’offrir des surfaces un peu plus détaillées. La musique, naturellement, est toujours présente, et de meilleure qualité que sur MSX et PC-88. En revanche et comme on pouvait le craindre, le jeu demeure intégralement en japonais.

NOTE FINALE : 17,5/20

Sur PC-98, Ultima IV est encore un peu plus beau et un peu plus détaillé que sur les autres versions japonaises parues la même année. Une nouvelle fois, la réalisation est donc difficile à prendre en défaut, et cette version constituerait à n’en pas douter une excellente façon de découvrir l’épisode, voire même la saga, si elle n’était pas intégralement en japonais.

Version Sharp X1

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

1987 aura décidément été une année particulièrement faste pour les conversions d’Ultima IV sur les ordinateurs japonais. Voici donc le dernier bénéficiaire : le Sharp X1. Et pour le coup, les choses vont aller relativement vite, pour la bonne et simple raison qu’on hérite d’un portage qui est un clone pratiquement parfait de la version parue sur PC-88, avec exactement les mêmes limites – et les mêmes qualités. Une nouvelle fois, on a donc affaire à une itération plus colorée que sur les ordinateurs occidentaux, avec des thèmes musicaux bien rendus, aucune gestion de la souris, et des textes intégralement en japonais. Sans doute pas de quoi justifier de remuer ciel et terre pour dénicher cette version, mais si jamais vous parlez la langue de Mishima et que vous avez la chance d’avoir un Sharp X1 sous la main, vous ne devriez pas regretter de découvrir le jeu de cette manière.

NOTE FINALE : 17,5/20

Ultima IV sur Sharp X1 offre une version identique à celle publiée sur PC-88 : c’est assez joli, ça tourne bien, la musique est agréable, et c’est intégralement en japonais. Certainement pas la version ultime, mais rien qui ne soit apte à vous rebuter non plus – tant que vous parlez la langue, naturellement.

Version Amiga

Développeur : Robert Hardy
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Au moins, pour la version Amiga d’Ultima IV, les choses iront vite : prenez la version Atari ST, améliorez la qualité sonore sans avoir à connecter le jeu à une interface MIDI, et voilà ! Deux versions pratiquement identiques, à une petite nuance près (pour ceux qui suivent) : l’impossibilité d’importer son personnage dans Ultima V. Pour le reste, on profite malgré tout d’un des meilleurs portages sur les systèmes occidentaux.

NOTE FINALE : 17,5/20

Comme sur Atari ST, Ultima IV profite sur Amiga d’un de ses meilleurs portages dans à peu près tous les domaines. Une valeur sûre pour ceux qui souhaiteraient découvrir le titre aujourd’hui.

Version Sharp X68000

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquettes 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dans le long cortège des adaptations japonaises d’Ultima IV, le Sharp X68000 aura fait partie de la deuxième fournée : celle de 1988. Il hérite pour l’occasion d’un portage directement repris du PC-98, avec des graphismes en haute résolution très colorés qui font toujours leur petit effet, et une bande-son fidèle aux thèmes de l’Apple II, mais avec une qualité supérieure. En revanche, il gagne aussi une introduction entièrement redessinée, que vous pourrez d’ailleurs visionner ci-dessus. Comme pour beaucoup de portages sur les ordinateurs japonais, son principal défaut est d’offrir des dialogues inaccessibles à tous ceux qui ne parlent pas la langue – et dans un jeu où ils sont aussi importants, autant dire que c’est un problème. Cette version risque donc de rester davantage comme une curiosité aux yeux de la majorité des joueurs, elle aussi, ce qui est dommage car elle a clairement son charme.

NOTE FINALE : 17,5/20

Sans surprise, cette itération Sharp X68000 d’Ultima IV se hisse clairement dans le haut du panier en termes de réalisation, bénéficiant même d’une introduction redessinée qui n’existait pas sur PC-98. Malheureusement, elle restera réservée à des joueurs parfaitement à l’aise avec le japonais écrit, ou connaissant déjà le déroulement du jeu par cœur.

Version NES
Ultima : Quest of the Avatar

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

D’une façon intéressante lorsque l’on connait la rivalité qui opposait à l’époque SEGA à Nintendo, Ultima IV sera sorti à la fois sur NES et sur Master System, pour deux approches assez différentes.

Sur NES, le jeu aura été adapté, exactement comme cela avait été le cas avec Ultima III. La refonte graphique et sonore est l’aspect le plus évident, avec une patte typique des J-RPG de l’époque, et des thèmes musicaux intégralement recomposés par Seiji Toda. Même si l’ensemble pourra déstabiliser quelque peu les joueurs ayant découvert la saga sur ordinateur, la réalisation est indéniablement plus aboutie que celle de l’opus précédent, et le tout a un charme certain. Non, les points clivants de cette version sont plutôt à chercher du côté du contenu.

L’expérience de jeu, dans sa globalité, a été simplifiée – et les choses n’ont fait qu’empirer lorsque le titre a été localisé en occident. Ainsi, ce sont près de 40% des PNJs qui ont disparu du jeu ! Les villes et les donjons sont plus petits, les dialogues ont été remplacés par de simples commentaires (fini, les mots-clefs !), il n’y a plus ni nourriture, ni réactifs, ni gestion du vent… Dans le même ordre d’idée, votre équipe ne peut compter plus de quatre membres simultanément (le reste attendra au château de lord British), on ne voit plus les monstres errants sur la carte du jeu, l’introduction a disparu pour être remplacée par un texte dans le manuel, etc. Cela ne fait pas pour autant de ce portage un mauvais jeu, loin de là, mais cette expérience « light » risque vraiment d’être réservée à des joueurs intimidés par le contenu du jeu de base – et qui trouveront, de toute façon, des centaines de titres plus abordables pour découvrir le genre aujourd’hui.

NOTE FINALE : 13,5/20

Comme cela avait déjà été le cas pour Ultima : Exodus, le principal défi de la version NES d’Ultima IV sera avant tout de parvenir à trouver son public. En faisant le choix de simplifier l’expérience de jeu, le titre est certes devenu plus accessible, mais il a aussi perdu une partie significative de sa richesse – et de son intérêt. Les gens hermétiques aux dialogues par mots-clefs et à l’aspect exploration du jeu apprécieront peut-être cette version un peu plus directe, mais les amateurs de la saga originale auront sans doute beaucoup de mal à y trouver leur compte.

Version Master System

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sur Master System, changement complet de philosophie : le titre aura été développé par SEGA of America (mais, ironiquement, jamais distribué aux États-Unis) et s’applique cette fois à être d’une fidélité totale au titre original. Et la bonne nouvelle est qu’il le fait très bien ! Dès la boîte de jeu, on retrouve l’illustration originale de Denis Loubet, avec la carte (cette fois sur papier), l’histoire de Britannia et le livre de la sagesse mystique fournis dans des formats réduits.

Cette fois, le jeu contient l’intégralité de l’introduction, des graphismes plus colorés que sur les versions informatiques sans trahir pour autant la patte de l’univers, les thèmes originaux remixés de manière très satisfaisante – il ne manque pratiquement rien. Les système de mot-clef a été conservé mais, faute de clavier, il fonctionne un peu à la manière de celui d’Ultima VII : vous ne pouvez aborder un sujet avec un personnage que si lui ou quelqu’un d’autre vous a déjà informé qu’il détient des connaissances à son propos. Cela interdit donc de faire une partie accélérée avec les informations déjà notées : votre groupe devra commencer par les obtenir.

L’interface est très bien pensée : pas besoin d’ouvrir le menu face à chaque porte, votre personnage le fera tout seul, et il est enfin possible de préparer plusieurs sortilèges en une fois. Les combats sont restés équivalents à ceux de la version originale – ils sont même légèrement supérieurs, puisqu’ils permettent de viser les adversaire en déplaçant un curseur comme dans Ultima V, autorisant ainsi enfin à attaquer ailleurs que dans les quatre directions cardinales. Seul petit sacrifice : les donjons ne sont plus vus à la première personne (l’exemple de Phantasy Star avait pourtant démontré que la Master System était plus que capable d’afficher ce type de graphismes) et on s’y déplace donc en vue de dessus. Mais à ce détail près, on se retrouve avec une version si bien pensée qu’elle peut sans difficulté postuler à être l’une des meilleures.

NOTE FINALE : 17,5/20

Ultima IV sur Master System accomplit pratiquement un sans faute : c’est jouable, c’est ergonomique, c’est bien pensé, c’est bien réalisé. Le fait de ne plus bénéficier des donjons à la première personne est le seul petit regret que laissera cette version autrement absolument irréprochable.

Version FM Towns

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Avril 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Pour les amateurs de retrogaming, lancer un jeu sur FM towns est un peu comme ouvrir une boîte de friandises : il est rare qu’on soit déçu par ce qu’on y trouve. Ici, le jeu s’ouvre pour l’occasion sur un menu vous laissant visionner une courte histoire de Sosaria/Britannia avant les événements du jeu (en japonais), avant de vous laisser lancer le titre en lui-même… en anglais, cette fois. On découvre pour l’occasion une introduction entièrement redessinée, avec de la musique CD en soutien, et on lance le jeu avec confiance… avant d’avoir la surprise de découvrir des graphismes directement tirés d’Ultima V, avec l’ajout assez inélégant d’une grande barre rose inutile au sommet de l’image. Un choix assez déstabilisant, surtout pour une machine qui aurait a priori largement pu afficher les mêmes graphismes que ceux de la version Sharp X68000, mais les fans de la saga – et en particulier ceux du cinquième épisode – ne devraient pas être déstabilisés outre-mesure. Dommage que les donjons n’aient, une nouvelle fois, connu aucune amélioration graphique, mais la présence de thèmes musicaux qualité CD et surtout le fait que le jeu soit, cette fois, intégralement praticable en anglais rendent cette version déjà nettement plus intéressante aux yeux du profane (et des autres).

NOTE FINALE : 17,5/20

D’accord, cette version FM Towns d’Ultima IV n’est peut-être pas tout-à-fait celle qu’on attendait, avec ses graphismes basses résolutions repris d’Ultima V, mais le fait que cela lui confère un certain charme additionné à une musique qualité CD et surtout au fait que le jeu soit intégralement jouable en anglais lui confèrent malgré tout des qualités indéniables.

Ultima Underworld : The Stygian Abyss

Développeur : Blue Sky Productions
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre alternatif : Ultima Underworld 1 (GOG.com), ウルティマ アンダーワールド (Japon)
Testé sur : PC (DOS)PC-98PlayStation
Version non testée : FM Towns
Disponible sur : Mac OS, Windows, Windows Mobile
Présent au sein des compilations :

  • Ultima Underworld : The Stygian Abyss / Wing Commander II : Vengeance of the Kilrathi (CD-ROM Edition) (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Underworld : The Stygian Abyss / Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (CD-ROM Edition) (1993 – Mac OS, PC (DOS), Windows)
  • EA Compilation (1994 – PC (DOS))
  • The Ultimate RPG Archives (1998 – PC (Windows 9x))

En vente sur : GOG.com (Mac OS, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Sylvain Rocher
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 5,25″ (x5) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 2Mo
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le jeu vidéo est un secteur qui connait finalement assez peu l’injustice. Bien sûr, il peut arriver qu’un logiciel ne connaisse pas d’emblée un succès qui aurait paru mérité, voire qu’il se montre si outrageusement visionnaire qu’il soit boudé à son lancement par les joueurs – pas toujours aussi réceptifs à l’innovation qu’ils veulent bien le croire – pour être réhabilité après coup. Mais les titres véritablement révolutionnaires signent quasi-systématiquement des succès planétaires mérités, ce qui vaut à leur nom d’être connus par les joueurs de toutes les cultures et de toutes les générations, quand bien même ceux-ci n’ont jamais eu l’occasion de s’y essayer.

Et pourtant, il est temps que l’on se penche aujourd’hui sur une des cruelles exceptions à cette règle sacrée. Je ne pense pas prendre un grand risque en affirmant que n’importe qui ayant un minimum de culture vidéoludique a aujourd’hui nécessairement entendu prononcer des noms comme Dungeon Master, Final Fantasy, Fallout ou Dragon Quest. Mais le nom d’Ultima Underworld, lui, est nettement moins cité, cruellement éclipsé par celui d’un titre techniquement inférieur et qui lui doit pratiquement tout : Doom. La légende veut d’ailleurs que ce soit en voyant tourner une démo du titre de Blue Sky Productions que John Carmack et John Romero aient eu l’idée du fameux Wolfenstein 3D. Mais le succès indéniable de ces deux premiers FPS aura fini par faire quelque peu oublier le véritable précurseur des jeux en 3D texturée – une cruelle injustice qu’il convient de réparer sur le champ. Découvrons donc ensemble un titre produit par un certain Warren Spector, et dont l’influence se sera étendue non seulement à Wolfenstein 3D et Doom, mais aussi à des titres comme Deus Ex, BioShock, la saga des Elder Scrolls et même Gears of War.

Le jeu prend place dans l’univers de la saga Ultima, et pas n’importe où : dans le Grand Abîme Stygien, le donjon final d’Ultima IV, celui-là même où l’Avatar (c’est à dire vous) était allé chercher le Codex de la Sagesse Ultime. Les choses ont cependant bien changé : un idéaliste nommé Cabirus a entrepris, après votre départ, de transformer le terrible donjon en une folle utopie ; une colonie où cohabiteraient en paix toutes les races et les cultures de Britannia, dans le respect des huit vertus.

Malheureusement, le grand rêve n’aura pas survécu à la mort, dans des circonstances douteuses, de Cabirus : après bien des années de chaos et d’anarchie, la grande colonie n’est rien de plus qu’une sordide prison où le notable en poste sur l’Île de l’Avatar, le baron Almric, fait expédier les petits criminels. Mais voilà qu’une nuit, le fantôme d’un dénommé Garamon vous apparaît en rêve pour vous prévenir que son frère, Tyball, est sur le point de lâcher un mal terriblement puissant sur Britannia. Il vous entraîne donc dans le royaume que vous avez si souvent sauvé – au pire endroit, hélas : dans la chambre de la fille du baron Almric, Arial, au moment où celle-ci est en train de se faire enlever. Désormais considéré comme le principal suspect par le baron qui refuse de croire que vous puissiez être l’Avatar, vous êtes expédié de force dans le donjon que vous avez été le premier à vaincre, avec pour mission de ramener Arial… et d’enquêter sur ce grand mal pour lequel Garamon a été prêt à venir vous chercher depuis le royaume des morts.

D’entrée de jeu, on sent donc immédiatement que l’habituel prétexte de n’importe quel dungeon crawler aura ici largement bénéficié de l’univers de la saga Ultima (même s’il aura été rattaché tardivement à la série, ce qui se ressent immédiatement quand on voit toutes ces races exotiques absentes des épisodes « canoniques »). On pourrait penser, en lançant la partie, que l’objectif sera le même que celui du premier Dungeon Master venu : descendre le plus vite possible au fond du donjon pour y vaincre le boss final.

Sauf que cette approche ne vous mènera, dans les faits, strictement à rien : Ultima Underworld est un jeu beaucoup plus ambitieux qu’il n’en a l’air, et l’enchaînement porte-monstre-trésor qui constituait encore le B-A-BA de la grande majorité du genre en 1992 ne l’intéresse pas. Mais pour bien comprendre la forme prise par cette révolution évoquée en introduction de cet article, mieux vaut commencer par se plonger sur le déroulement de l’aventure en elle-même.

La partie commence par la création de votre personnage – pas de groupe ici, comme le scénario vous l’aura déjà fait comprendre. Nom, sexe, classe (parmi les huit de la saga), et jusqu’à savoir si vous êtes gaucher ou droitier – tout cela sera laissé à votre discrétion, avec des caractéristiques tirées au hasard. Vous remarquerez également que selon votre classe, on pourra vous demander de donner un bonus à une série d’aptitudes, parmi lesquelles on reconnaîtra les habituelles compétence martiales, mais aussi des capacités plus inhabituelles comme la natation, la discrétion ou la négociation – une vingtaine au total, qui vous informeront immédiatement que votre épopée ne se limitera pas à taper sur des monstres. Puis la partie commence, et vous place exactement là où l’introduction vous avait laissé : à l’entrée de l’Abîme.

Difficile d’aborder le titre sans parler de la prouesse technologique qu’il représentait pour l’époque : c’était le tout premier titre du genre en 3D texturée. Le plus frappant est d’ailleurs de constater à quel point ce moteur 3D est en avance sur celui de jeux comme Wolfenstein 3D, par exemple, et qui offrait un monde plat où seuls les murs étaient texturés.

Ici, non seulement le sol et le plafond le sont aussi, mais on a même le droit à des pentes, des reliefs, une gestion de la lumière, et même à un moteur physique qui vous permettra, par exemple, de voir un objet dévaler une pente ou un projectile rebondir contre un mur – autant de choses qu’on ne trouvera toujours pas dans Doom, pourtant sorti un an et demi plus tard ! On appréciera d’ailleurs que la fenêtre de jeu soit plus grande que celle de la plupart des dungeon crawler, et que l’ambiance s’installe dès les premières secondes de jeu, où vous allez commencer par fouiller les environs immédiats pour trouver le minimum vital : vos premières torches, vos premières armes, vos premières runes (particulièrement importantes pour les magiciens, mais nous y reviendrons), et surtout une très précieuse carte automatique (et annotable !) qui vous aidera à vous repérer dans un des donjons les plus crédibles et les plus immersifs qu’on ait pu visiter alors.

L’un des aspects les plus intéressants du jeu est ainsi de vous placer dans la peau d’un captif comme les autres, littéralement débarqué avec les poches vides, et de devoir apprendre à domestiquer l’environnement autour de vous. Première donnée importante : tous les êtres vivants que vous croisez, fussent-ils des humains, des gobelins, des nains, des hommes-lézards ou même des goules, ne sont pas nécessairement vos ennemis. N’oubliez pas que l’Abîme Stygien a été une colonie : de nombreuses communautés y vivent encore, en plus ou moins bonne intelligence, et attaquer tout le monde ne vous servira à rien.

Non seulement cela vous conduirait souvent à vous faire purement et simplement massacrer, mais surtout, cela vous empêcherait de mener votre enquête et d’acquérir des informations, d’abord sur ce qu’a pu devenir Arial mais également sur le fonctionnement de la colonie, sur ce que Cabirus avait cherché à accomplir, et sur ce fameux mal que vous ne pourrez de toute façon pas espérer vaincre par la force pure. Précipitez-vous jusqu’au huitième et dernier niveau du donjon, et vous réaliserez vite que vous n’avez encore rien accompli : la quête principale est longue et complexe, et ne pas la mener scrupuleusement risque surtout de vous conduire à sacrifier des éléments indispensables sans même le savoir. Il faudra composer non seulement avec des combats, mais également avec des énigmes, des passages secrets, des langues à apprendre (!) et même des passages de plateforme ! Car oui, il est possible de sauter, de regarder vers le haut et le bas, bref, de s’y croire à fond, et ça marche.

Le système de combat, entièrement jouable à la souris, est ainsi très bien conçu : le placement de votre curseur influera sur le type de coup, et frapper d’estoc ou de taille selon que vous teniez une épée, une hache ou une massue ne donnera pas les mêmes résultats. La mobilité sera souvent la clé – une donnée alors assez nouvelle pour l’époque, où on avait certes pris l’habitude de tourner autour des monstres, mais pas de se battre en temps réel en essayant d’acculer un adversaire pour l’empêcher de fuir, ou en prenant garde de ne pas tomber d’un pont ou d’une corniche en cherchant à éviter ses coups.

Heureusement, la maniabilité est une fois de plus irréprochable, et on en vient presque à être étonné, vingt-cinq ans plus tard, de se déplacer aussi naturellement à la souris là où la quasi-totalité des jeux du même type nous ont depuis habitué à le faire au clavier ou au pad. En revanche, la progression du personnage est un peu plus surprenante : on gagnera, à chaque montée de niveau, des points d’aptitude qu’on pourra dépenser en priant à des sanctuaires reconnaissables à leur croix ansée (un symbole majeur de la saga depuis le quatrième épisode) à l’aide de mantras (des chants à réciter) que vous ne connaîtrez pas au début du jeu.

Il vous faudra ainsi les découvrir, sachant que certains d’entre eux amélioreront plusieurs de vos capacités là où d’autre se focaliseront sur une seule. La grande richesse de ce système, c’est que rien n’interdit à votre guerrier de prier pour améliorer ses capacités magiques ou son aptitude à crocheter, ce qui fait qu’il est tout à fait possible de se fabriquer un personnage sur mesure plutôt que d’être limité par sa classe – un magicien pouvant largement être tenté, par exemple, de sacrifier quelques points pour améliorer ses aptitudes martiales le temps de mettre la main sur les runes qui lui manquent.

Le système de magie du jeu reprend d’ailleurs celui de la saga : il faudra composer chaque sortilège syllabe par syllabe en alignant jusqu’à trois runes dans l’espace prévu à cet effet. Les habitués de la série retrouveront immédiatement leurs marques (même avec deux décennies de recul, je me souvenais qu’un sort de lumière correspondait à In Lor…), les autres feront appel au manuel, et découvriront vite qu’il est possible de deviner des sorts par pure logique selon la signification des runes.

On appréciera également l’existence d’un système de troc impacté par vos aptitudes, de la gestion du poids, de l’encombrement, de la lumière, de la faim et de la soif (d’une façon heureusement pas trop intrusive)… Le tout enrobé d’une réalisation qui n’impressionnera naturellement plus personne, mais qui véhicule malgré tout à merveille l’ambiance qu’on est en droit d’attendre d’une expédition solitaire au sein d’un donjon aussi marquant. On remarquera d’ailleurs un vrai effort dans la variété des environnements : bois, pierre, crépis, bannières, étendues d’eau, de lave, cascades, brume… il est même possible de nager ! Autant dire qu’on se prend vite au jeu, notamment avec les superbes mélodies qui placent merveilleusement l’univers, surtout si vous avez la chance de posséder une Roland MT-32, avec laquelle même les bruitages sont meilleurs qu’avec une Sound Blaster. Comptez facilement une quinzaine d’heures pour voir le bout de l’aventure – non seulement vous ne le regretterez pas, mais vous pourriez même être tenté d’y retourner régulièrement.

Note : les versions disquettes et CD-ROM du jeu sont exactement identiques.

Video – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 (Tilt n°109, décembre 1992) – Meilleur jeu de rôle micro
  • Role-Playing Game of the Year 1992 (jeu de rôle de l’année) – Computer Gaming World
  • Best Science Fiction or Fantasy Computer Game (meilleur jeu de science-fiction ou médiéval fantastique) – Origin Awards (1992)
  • Best RPG in 1992 (meilleur jeu de rôle de 1992) – PC Games (1993)
  • #8 dans les « cent jeux les plus importants des années 90 » – Gamestar (1999)
  • #8 Top Game of all time (8ème meilleur jeu de tous les temps) – Gamespy (2001)
  • #62 Best Game of All Times (Reader’s Vote) (62ème meilleur jeu de tous les temps (vote des lecteurs) – Retro Gamer (2004)

NOTE FINALE : 18/20

Il est proprement incroyable qu'un titre à l'influence et aux répercussions aussi colossales qu'Ultima Underworld ne jouisse pas aujourd'hui d'une renommée éclipsant à elle seule celle de tous les autres jeux de rôles, tant le logiciel imaginé par Warren Spector et Paul Neurath aura bouleversé à tout jamais l'histoire du jeu vidéo. Au-delà de l'extraordinaire prouesse technologique et de l'impact qu'elle aura eu sur la production vidéoludique, il faudra surtout retenir la très grande qualité du jeu sur le plan de l'écriture et de la conception ludique, qui permet au logiciel d'avoir bien mieux vieilli que la quasi-totalité de ses prédécesseurs – on peut encore très facilement y engloutir des dizaines d'heures, tant les éléments correspondant à la conception moderne du jeu de rôle sont déjà tous présents, et sous une forme remarquablement ergonomique. Le titre avait été plébiscité à sa sortie et mériterait de l'être aujourd'hui encore, en véritable père fondateur de pratiquement toute l'ère moderne du jeu vidéo. Une légende à laquelle n'importe quel rôliste doit avoir joué au moins une fois dans sa vie.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Système de montée de niveau assez contraignant
– On peut détruire des objets de quête sans le savoir

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima Underworld sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« J’affirme qu’Underworld vient briser de nouvelles barrières dans le domaine des jeux en 3D. Il représente le premier pas vers la ‘réalité virtuelle’, c’est à dire le jeu de demain. L’innovation technique d’Underworld, inspirée des travaux de Chris Roberts et de l’influence ‘mystique’ de Richard Garriot (sic), a contribué à faire de ce jeu un produit révolutionnaire. Désormais, on parlera de l’avant-Underworld et de l’après-Underworld. »

Man-X, Tilt n°100, Mars 1992, 20/20

Version PC-98

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Electronic Arts Victor
Date de sortie : 17 décembre 1993 (version 256 couleurs) – 25 février 1994 (version 16 couleurs)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 256 couleurs
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Les lecteurs assidus du site doivent commencer à connaître le PC-98, gamme d’ordinateurs personnels de NEC qui aura constitué un terrain d’accueil privilégiés pour les portages de jeux de rôle occidentaux. On ne mettra d’ailleurs pas longtemps à réaliser pourquoi : en termes de contenu ou de réalisation graphique, cette version est exactement équivalente à celle commercialisée sur PC – même si on notera l’apparence d’une version en 16 couleurs, petite curiosité qui n’aurait sans doute pas été très bien accueillie en Europe ou aux États-Unis à la même date. La seule différence serait plutôt à aller chercher du côté du son : les thèmes musicaux sont plutôt moins bons que ce qu’autorisaient une Roland MT-32 ou une Sound Blaster, et tendent à s’avérer sensiblement plus répétitifs que les magnifiques morceaux atmosphériques qui seyaient si bien à la version originale. Le morceau qui accompagnait les combats a d’ailleurs été modifié, et le résultat n’est pas non plus très enthousiasmant, tout comme le fait que les voix digitalisées aient purement et simplement disparu – vraiment rien de dramatique, mais quand on sait à quel point l’atmosphère du jeu repose sur le son, on ne peut que regretter que le résultat ne soit pas un peu plus convaincant. Pour le reste, le jeu n’a pas changé d’un micron, à un détail près : il est désormais intégralement en japonais, et ce n’est pas négociable.

NOTE FINALE : 17,5/20 (version 256 couleurs)

Comme attendu, Ultima Underworld sur PC-98 livre une prestation très semblable à celle observée sur PC. Le seul regret, en-dehors de l’impossibilité de jouer en anglais, sera à aller chercher du côté sonore, pas à la hauteur de ce qu’on pouvait entendre sur les version occidentales.

Version PlayStation

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Electronic Arts Victor
Date de sortie : 14 mars 1997 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Gertius
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (7 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Même si la date pourra surprendre (cinq ans presque jour-pour-jour après sa sortie sur PC), pour la beauté de la chose, il était presque indispensable que l’un des premiers annonciateurs de la révolution 3D débarque sur la console qui aura sans doute le plus contribué à ladite révolution, c’est à dire la PlayStation. Il l’aura malheureusement fait sous la forme d’une exclusivité japonaise, le marché des jeux de rôle occidentaux n’étant visiblement pas assez en forme aux yeux d’Electronic Arts pour justifier une commercialisation en occident (ceux-ci, il est vrai, étaient loin de la popularité qu’ils avaient connue une décennie plus tôt).

Pour l’occasion, la réalisation aura subi un petit coup de chiffon, avec notamment une introduction entièrement redessinée, selon une approche qui rappelle un peu le traitement réservée à Super Wing Commander. On remarquera d’ailleurs que les portraits des personnages lors de la création de votre avatar adoptent dorénavant un style nettement plus japonisant – pourquoi pas, c’est le marché visé, après tout. La vraie surprise arrive une fois en jeu : le moteur, s’il n’a pas énormément évolué depuis la version PC, est cette fois affiché en plein écran. La jouabilité au pad demandera un temps d’adaptation, mais elle est finalement assez bien pensée : on peut baisser ou lever les yeux avec L1, et la plupart des actions s’accomplissent en faisant apparaître un curseur à l’aide de R1 ; l’inventaire, lui, est relégué dans une fenêtre à part.

Plus surprenant : si les objets sont toujours des sprites, les monstres et les PNJs, eux, ont été modélisés en 3D ! Bon, le résultat n’est pas franchement enthousiasmant, que ce soit à cause du manque de polygones (les rats ressemblent à des boudins à pattes) ou surtout du manque absolu de phases d’animation, les personnages se mouvant à deux images par seconde.

Néanmoins, même si cela est parfois un peu grotesque, cela ne brise pas trop l’immersion, d’autant que le jeu tourne de manière très fluide et que la bande sonore profite désormais du support CD-ROM, pour un résultat assez proche de ce que que permettait la Roland MT-32. Quant au déroulement, il n’a pour ainsi dire pas changé. Bien évidemment, le principal défaut de cette version restait le fait qu’elle ne soit jamais sortie du Japon – et que, par conséquent, elle soit inaccessible aux joueurs ne parlant pas japonais ; fort heureusement, on peut comme souvent compter sur le travail des fans pour bénéficier d’une version traduite en anglais, ce qui rend de fait le jeu au moins aussi accessible que la version DOS originale. Dès lors, si la curiosité vous pousse à découvrir cette version « full 3D », vous pourrez profiter d’une alternative intéressante au titre de 1992.

Grâce aux fans, à présent, on peut jouer en anglais !

NOTE FINALE : 18,5/20

Ultima Underworld, à la manette et sur PlayStation ? L’idée est surprenante, mais l’exécution est plutôt réussie, avec notamment une jouabilité bien réadaptée pour l’occasion, et un moteur que la console de Sony fait tourner comme un charme – et en plein écran. Si la curiosité vous gagne, n’hésitez pas à lui donner une chance : le jeu est toujours aussi bon.