Explora III : Sous le signe du serpent

Développeur : SARL Infomédia
Éditeur : 16/32 Diffusion SARL
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)

La série Explora (jusqu’à 2000) :

  1. Explora : « Time Run » (1988)
  2. Explora II (1989)
  3. Explora III : Sous le signe du serpent (1990)

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Du point de vue des joueurs, une série de jeux vidéo doit fonctionner un peu comme un escalier : chaque marche doit être plus haute que la précédente, et on attend de la dernière qu’elle corresponde au sommet. Traduit en clair, et pour prendre un exemple qui corresponde exactement à la situation qui nous intéresse aujourd’hui : après un deuxième opus qui avait su brillamment élever tous les curseurs à la grande joie des fans du premier épisode, on attendait de l’inévitable Explora III (et des éventuelles suites à venir, lesquelles n’auront, comme on le sait maintenant, jamais vu le jour) qu’il vienne représenter un nouveau palier dans le domaine de l’aventure graphique : plus beau, plus jouable, plus long, plus passionnant.

La mission était certes ardue, mais le genre de l’aventure au sens large étant alors au mieux de sa forme – et littéralement aux portes de son âge d’or – on pouvait se permettre de nourrir de grands espoirs quant aux épopées rendues possible par un thème aussi vaste et aussi inépuisable que celui du voyage temporel. Alors quand Explora III fut fort logiquement annoncé, et qu’il s’afficha pour l’occasion avec le sous-titre « Sous le signe du serpent », laissant miroiter une intrigue captivante tournant autour d’une mystérieuse secte dotée de pouvoirs fantastiques, inutile de dire que l’enthousiasme des joueurs était à son comble. Pourtant, malgré l’engouement attendu (pour ne pas dire « convenu ») de la presse francophone pour ce nouvel épisode, les lecteurs les plus attentifs ne pouvaient s’empêcher de déceler une certaine retenue, des signaux contradictoires qui semblaient sous-entendre que, peut-être, cette nouvelle aventure ne correspondait pas complètement à celle que les joueurs attendaient. « Balivernes », pensèrent les optimistes avant de lancer le jeu et de débuter une enquête qui s’annonçait grandiose… et qui ne le fut pas.

L’histoire d’Explora II partait d’un prétexte on-ne-peut-plus simple : trouver le carburant nécessaire à la machine à voyager dans le temps pour regagner son époque. Ici, les choses sont un peu plus complexes, puisqu’il n’est originellement même pas question de voyage dans le temps – comme un symbole, la machine qui donne son nom à la série est aux abonnés absents pendant une très large partie de l’aventure. Le joueur incarne cette fois un nouveau personnage, qui se trouve être un écrivain au succès modéré en train de traverser une angoisse de la page blanche, cinq ans avant que Gabriel Knight ne connaisse une situation similaire au cœur de son château bavarois au début de sa deuxième aventure.

Alors qu’il doit composer avec un ultimatum de son éditeur, sa vie bascule un soir alors qu’il entend son nom au journal télévisé… et le manuel du jeu, qui contient 95% de l’intrigue, ne vous en dit pas plus. Autant vous prévenir : vos premières informations risquent de ne se présenter que lors de vos premiers game over, au moment où la police débarquera chez vous pour vous inculper de meurtre et vous incarcérer – ayant ainsi au moins le mérite de vous informer de ce qui se passe, quelque chose qui n’arrivera pas souvent au fil de l’aventure. Explora III va en effet prendre la forme d’une longue errance, et comme on va le voir, celle-ci ne se révèle peut-être pas tout à fait à la hauteur de la passionnante enquête que ses créateurs rêvaient de programmer.

Abordons rapidement ce qui a évolué en bien pour ce troisième opus : son interface. Déjà très ergonomique dans le deuxième opus, celle-ci a encore connu une simplification salutaire, qui se limite fondamentalement à trois icônes accessibles dans le coin inférieur droit de l’écran : observer, prendre, et utiliser.

Déposer un objet se fait désormais via l’inventaire, lequel est toujours limité en taille, et celui-ci n’est à présent accessible que lorsque vous êtes chez vous ou dans un lieu donné et pas en transit dans les rues de la ville – c’est important, nous aurons l’occasion d’y revenir. Après quelques tâtonnements, une nouvelle fois, le temps de maîtriser les subtilités de la chose, on est rapidement à l’aise, et on peut commencer à explorer le t… ah non, petite anicroche dans le programme attendu : il n’y a plus de voyage dans le temps. Ou plutôt si : il y en aura bel et bien un et pas un seul de plus, lequel se déroulera… à une minute de la conclusion de l’aventure. Incroyable mais vrai : « Explora », la machine à explorer le temps, va prendre la poussière pendant 99% de l’aventure, laquelle se résumera donc pour l’essentiel à parcourir les rues d’une ville imaginaire ressemblant furieusement à Paris. Sacré dépaysement, hein ?

En étant un poil grinçant, on pourrait d’ailleurs dire que le seul véritable voyage temporel du jeu nous ramène deux ans en arrière, en plein dans les maladresses du premier opus qu’Explora II avait si bien su corriger. On se souvient que le côté « monde ouvert » de la première aventure se traduisait surtout par une tendance à parcourir de grandes zones sans jamais savoir où on avait le droit d’aller, avec pour seul bénéfice de pouvoir se faire bouffer par un tigre au détour d’une case de jungle semblable à toutes les autres ou de finir noyé au fond d’un lac.

Explora III choisit ici de reprendre le concept en l’étendant cette fois à toute une ville, qu’il va falloir parcourir en long en large et en travers, mètre par mètre, écran par écran. Outre le fait que le terrain de jeu soit intrinsèquement moins intéressant que de parcourir la préhistoire ou la Grèce antique, le vrai problème est que tous ces déplacements ne servent fondamentalement qu’à faire la jonction entre une petite poignée de lieux intéressants qu’il va falloir commencer par découvrir au milieu de toutes ces rues. Pour vous donner un petit indice quant à la nature du premier et plus gros problème du game design, mentionnons ici que l’arrêt de bus le plus proche de votre appartement, celui qui servira de point de départ à la quasi totalité de vos expéditions, se situe à une distance correspondant à pas moins de… quatorze écrans. Quatorze écrans à traverser un par un (avec un temps de chargement en prime) à chaque fois, et souvent dans les deux sens car vous serez régulièrement appelé à retourner chez vous – ne fut-ce que parce que, comme on l’a vu, l’inventaire n’est pas accessible lorsque vous vous déplacez en ville.

Si vous voulez déposer un objet pour faire de la place dans votre inventaire (et perdre définitivement l’objet en question car oui, ce mécanisme idiot est toujours en place), il faudra donc vous coltiner trois à quatre bonnes minutes de clics convulsifs jusqu’à votre immeuble, le tout dans des rues où il ne se passe rien – strictement rien. Comprendre par là qu’il n’y a aucun objet à ramasser, aucune interaction prévue en-dehors de la possibilité de retirer de l’argent à un distributeur : 95% du temps de jeu consiste donc en du pur remplissage, à ne rien faire de plus utile que d’écouter le lecteur de disque bosser, lui. Réalisant que cela n’était pas très vivant, les développeurs auront donc cru utile d’égayer les écrans via quelques animations… complètement débiles et totalement hors de propos. Vous vous baladez dans la ville, et vous croisez tarzan en slip ou un éléphant rose avec des ailes dans le dos : un humour à peu près à la hauteur des jeux de mots niveau « blague Carambar » qui composent les noms des rues du jeu (« Paul Istirène », hoho, « Marc Hassain », haha) et qui met totalement à côté de la plaque dans une intrigue de meurtre qui glisse ainsi vers sa propre parodie !

Le truc, c’est que non seulement l’essentiel du jeu se limite à aller d’un bout de la ville à l’autre – le plus souvent totalement au pif, faute du moindre objectif clair – mais qu’en plus il faudra souvent tout recommencer, les occasions de perdre étant aussi nombreuses qu’arbitraire (vous rentrez chez vous et vous tomber sur la police, vous retirez de l’argent et vous vous faites tuer…), et surtout l’essentiel des intrigues reposant sur un mécanisme particulièrement infect : le temps.

Chaque déplacement fait en effet avancer la pendule située en bas à droite de l’écran et il est bien entendu établi que certains événements ne peuvent se produire qu’à une heure donnée, sans quoi ce ne serait pas drôle. Devinez quoi : un objet totalement indispensable à la résolution de l’intrigue ne peut être obtenu qu’en étant présent à un coin de rue précis, à une heure donnée, et à regarder un passant comme on en a croisé des centaines repasser dans l’autre sens en s’étant fait coffrer par un CRS. Chance de dégotter l’objet sans avoir consulté une solution au préalable ? Autour de 0,01%… Dans le même ordre d’idées, un hôpital psychiatrique est présent en jeu. Comme il s’agit d’un bâtiment parmi des dizaines, vous aurez pu juger qu’il n’était sans doute pas utile de chercher à y pénétrer après qu’on vous ait signifié à l’interphone que l’établissement ne recevait pas de visiteur – et qu’on vous l’ait répété une deuxième fois au cas où vous auriez eu l’idée saugrenue d’insister. Eh bien le secret pour entrer est bien sûr… de sonner une troisième fois ! Y’a pas à dire, c’est de l’énigme de haut niveau comme on l’aime…

Le vrai drame de l’histoire, cependant, est précisément qu’il n’y en a pas. Ou plutôt, on en distingue quelques bribes via des indices sibyllins à grappiller par-ci par-là, mais il ne faudra cette fois pas compter sur les dialogues digitalisées pour faire avancer l’intrigue. On n’a jamais le droit à la base de la base d’un jeu comme celui-ci, à savoir de l’exposition : aucune explication, très peu de dialogues pour clarifier les choses, rien qui vienne éclaircir le mystère – lequel se résout, comme tout le reste, dans une opacité totale.

Ne vous attendez même pas à ce que le grand méchant vous fasse un monologue final, comme dans tous les James Bond, pour vous expliquer ses motivations : votre seule action face à lui, après l’avoir rencontré depuis deux secondes, sera de lui balancer un cocktail Molotov à la gueule et de signer ainsi la fin de l’aventure ! On termine donc « l’enquête » en ne sachant absolument rien de pertinent sur cette mystérieuse secte, sur ses motivations ni sur le pouvoir qui lui permet de se transformer en serpent, quant à savoir pourquoi il faut voyager dans le temps pour aller la chercher, alors là ! Bref, on est dans le brouillard d’un bout à l’autre, on est constamment puni sans aucune raison valable, et à la fin on n’a rien compris et on ne s’est pas amusé une minute. Un fameux bilan, pour ce qui devait être l’apogée de la trilogie…

On ne va pas se mentir : on sent bien, au fil des minutes qui s’égrène, qu’Explora III a été développé trop vite pour son bien, et qu’Infomédia n’était sans doute pas au mieux de sa forme à ce moment-là : ce sera d’ailleurs le dernier jeu développé par le studio. Difficile de dire ce que ses créateurs auront cherché à faire : tirer un trait sur le mécanisme du voyage temporel pour nous plonger dans la routine de la vie parisienne et nous proposer de passer des heures à aligner les trajets entre la banque et le métro doit représenter une des idées les plus stupides de tous les temps, et les joueurs ne gardent d’ailleurs globalement pas un très bon souvenir d’une aventure qui aura mis à côté d’à peu près toutes les attentes qu’on pouvait nourrir vis-à-vis d’elle.

Sauf à être extraordinairement méthodique et dévoué, on souffle et on lâche l’aventure bien avant d’en avoir vu le terme, la faute à des mécanismes absurdes et sans intérêt (je ne vous ai pas encore évoqué le labyrinthe final dans les égouts de Paris, dont la résolution exige un trajet nécessitant de parcourir au minimum CENT-DIX ÉCRANS ??). Rien n’a été pensé, considéré, équilibré, et le simple fil conducteur de l’histoire est éparpillé jusqu’à priver le joueur de toute récompense ou de toute curiosité vis-à-vis d’une intrigue si nébuleuse qu’on n’a même pas l’idée de lui décrire ne fut-ce que la situation de départ – comme si c’étaient les scénaristes qui, face à l’angoisse de la page blanche, avaient tout improvisé à la dernière minute. En résulte une fin amère en queue de poisson, une farce dont l’humour n’a pas fait rire grand monde et une machine à voyager dans le temps qui aura fini abandonnée dans un musée. Un assez bon symbole, au fond, d’une aventure qui s’est mal terminée.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 09,5/20

À trop prendre de risques, il arrive qu'on s'égare, et le fait est qu'Explora III : sous le signe du serpent est un jeu qui donne l'impression de ne pas trop savoir ce qu'il veut être, quelque part entre enquête confuse, exploration stérile, intrigue incompréhensible et difficulté insurmontable – oh, sans oublier un humour de blague Carambar qui amène parfois à se demander si la seule véritable farce n'est pas exercée à l'encontre du joueur. Maladroit dans son approche, qui consiste à passer 95% du temps de jeu à aller d'un point A à un point B en traversant des dizaines d'écrans où il n'y a rien à voir ni à faire, le titre se perd et s'essouffle jusqu'à réserver le thème normalement central du voyage temporel aux deux dernières minutes de l'aventure, avant une fin qui n'explique ni ne résout rien. Bref, un dernier épisode aussi déstabilisant que décevant, épitaphe peu flatteur pour la trilogie d'Infomédia. À réserver aux vrais, aux purs mordus de l'aventure graphique.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une notion de voyage dans le temps totalement reléguée au second plan
– Une aventure qui ne semble jamais tout à fait décider si on fait face à une enquête ou à sa parodie...
– ...et dont le scénario est, dans l'ensemble, totalement opaque
– Énormément d'allers-et-retours fastidieux dans des rues où il ne se passe rien
– Une gestion du temps qui ajoute encore une couche d'arbitraire à une difficulté déjà énorme
– Toujours énormément d'occasions de mourir ou d'être bloqué sans avoir la moindre chance de l'anticiper
– Et puis évidemment il faut un labyrinthe, hein !

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Explora III est […] une enquête, qui change complètement de ce qu’on a l’habitude de voir, et qui décevra forcément ceux qui s’attendaient à trouver le même état d’esprit que dans les premiers épisodes. […] Si vous êtes sensible à une certaine forme d’humour et que vous soyez (sic) un passionné des mystères à résoudre, vous vous amuserez certainement avec Explora III. »

Kaaa, Joystick n°11, décembre 1990, 87%

« Le scénario est intéressant mais souffre de deux défauts. Tout d’abord, les morts violentes et imprévisibles sont fréquentes (vous prenez de l’argent à un distributeur et un voleur vous tue ; vous fouillez une poubelle et vous vous faites agresser par un clochard, etc.). Ensuite, il faut souvent revenir chez soi au début pour prendre connaissance des dernières nouvelles. Et, si les décors des rues sont très variés, il n’y a en revanche rien à y glaner le plus souvent. »

Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 15/20

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme les deux épisodes précédents, Explora III aura naturellement eu le droit à son adaptation sur Amiga (il est d’ailleurs possible que cette version soit en fait sortie quelques semaines après la version Atari ST ; comme souvent, les dates de parution mentionnées dans le pavé technique sont à prendre avec des pincettes).

On aurait pu espérer des illustrations tirant parti de la palette de la machine, comme dans Explora II, mais le fait est que si l’interface a gagné quelques couleurs (et est devenue plus imposante au passage), le reste des graphismes n’a pour ainsi dire pas bougé. Au rang des curiosités, on remarquera que le curseur de la souris est devenu énorme dans cette version, ce qui ne le rend hélas pas plus précis, mais pour le reste l’interface comme le déroulement du jeu n’ont pas changé d’un iota. Si, tant qu’à faire, on sera naturellement heureux de profiter d’une réalisation sonore un (tout petit) peu plus agréable, les faiblesses de l’aventure sont hélas restées exactement les mêmes, et on ne conseillera cet ultime opus qu’aux joueurs ayant juré de mener la trilogie jusqu’à son terme.

NOTE FINALE : 09,5/20

Explora III : Sous le signe du serpent est peut-être un chouïa mieux réalisé sur Amiga sur le plan sonore, mais ça ne change malheureusement pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même. Dans une aventure qui se limite pour l’essentiel à errer dans des rues parisiennes peuplées d’éléphants roses et de fakirs sur leur tapis volant, on s’ennuie ferme.

Version PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au début des années 90, le PC était peut-être en train de se muer lentement en machine de jeu aux États-Unis, mais en Europe, il en était toujours au même point : en seize couleurs, et avec aucune carte son. Même si plusieurs indices indiquent que cette version a été réalisée à partir de l’itération Amiga – au hasard, la taille de l’interface ou encore celle du curseur, plus imprécis que jamais – il faudra ici se contenter de seize couleurs et pas une de plus – et pas question de bénéficier d’un mode haute résolution non plus, cette fois. Le résultat, comme toujours, offre des teintes beaucoup plus criardes que sur Amiga ou sur Atari ST, mais cela ne devrait pas choquer outre mesure les habitués de l’EGA. En revanche, on pourra se montrer surpris que certains détails aient disparu alors que la résolution n’a pas bougé (par exemple, on ne voit plus de lettre dépasser d’une boîte aux lettres dans le hall). Pour ce qui est de l’aspect sonore, les choses vont aller vite : il n’y en a pas – pas un bruitage, pas le plus infime « bip », rien du tout ! Autant dire que ces quelques pertes n’aident pas le jeu à se montrer plus agréable à parcourir, et qu’on réservera une nouvelle fois cette version DOS aux nostalgiques et à personne d’autre.

NOTE FINALE : 09/20

Austérité obligatoire pour Explora III : Sous le signe du serpent sur PC. Avec des graphismes cantonnés à l’EGA basse résolution et une réalisation sonore réduite à néant, l’expérience déjà pas folichonne sur Atari ST et Amiga est encore inférieure ici. Sans doute pas la meilleure façon de découvrir un jeu qui a déjà pas mal de choses à se faire pardonner.

Need for Speed : Porsche 2000

Développeur : Electronic Arts Canada
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre original : Need for Speed : Porsche Unleashed (Amérique du Nord)
Testé sur : PC (Windows 9x)PlayStation

La série Need for Speed (jusqu’à 2000) :

  1. Road & Track Presents : The Need for Speed (1994)
  2. Road & Track Presents : The Need for Speed – Special Edition (1996)
  3. Need for Speed II (1997)
  4. Need for Speed II : Special Edition (1997)
  5. Need for Speed III : Poursuite infernale (1998)
  6. Need for Speed : Conduite en état de liberté (1999)
  7. Need for Speed : Porsche 2000 (2000)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 22 mars 2000 (Amérique du Nord) – 24 mars 2000 (France) – 27 Mars 2000 (Allemagne) – 31 mars 2000 (Royaume-Uni)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (par internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, suédois
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joystick, joypad, souris, volant
Périphériques à retour de force supportés
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium MMX – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configurations graphiques : API : Direct3D, Glide – DirectX : 7.0a – Résolutions : 640×480 à 1024×768
Liens utiles : Patch de compatibilité avec les systèmes modernes

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À la fin du dernier millénaire, la série des Need for Speed était progressivement passée en quelques années du rang de « killer app de la 3DO » à un statut de véritable institution pour les joueurs PlayStation et PC, quelque part entre le rendez-vous annuel incontournable et le benchmark de luxe pour étrenner sa dernière carte accélératrice tout en goûtant l’efficacité d’une licence qui n’aura jamais fait l’erreur de basculer du côté de la simulation plutôt que de celui de l’accessibilité.

Du côté des joueurs, le cahier des charges pour chaque futur épisode était clair : davantage de la même chose, en plus beau, en plus long, en plus fun ; mais il faut bien reconnaître que la barre devenait de plus en plus difficile à relever pour les développeurs, qui sentaient confusément que le moment où la saga allait être accusée de tourner en rond sans l’embryon d’une idée neuve était voué à s’approcher – au hasard, à la seconde précise où la réalisation technique ne suffirait plus à combler toutes les attentes. Mine de rien, la prise de risque s’avérait d’autant plus délicate que les joueurs, quoi qu’ils en disent, n’aiment pas les surprises : on se souvient à quel point Need for Speed II sera longtemps resté comme le mouton noir de la licence pour avoir osé mettre entre parenthèses certaines des bonnes idées du premier opus – qui allaient, en réaction, devenir des acquis de la série. Alors quand Electronic Arts annonça un partenariat avec Porsche pour développer un jeu exclusivement centré sur la célèbre firme allemande, la question ne manqua pas d’émerger : Need for Speed : Porsche 2000 allait-il être l’épisode du renouveau, celui de la trahison, ou bien le parfait équilibre entre tout ce qui marchait déjà enrichi de quelques apports bien sentis ?

En dépit des très nombreuses avancées technologiques qui avaient déjà eu lieu depuis que Ridge Racer et Daytona USA avaient arrêté les bases de ce qu’allait être le genre de la course en 3D, la plus spectaculaire progression observée depuis le milieu des années 90 – et notamment depuis l’irruption d’un concurrent de taille nommé Gran Turismo – portait un autre nom : le contenu. L’ère des jeux de course articulés autour de trois circuits et d’une poignée de voitures était bien terminée, et les joueurs commençaient à nourrir des prétentions autrement plus ambitieuses au moment de dépenser leur argent durement gagné que de composer avec des courses simples et un mode « Time trial » à refaire en boucle.

Première constatation : Porsche 2000 s’ouvre avec un contenu un peu chiche – quatre circuits, une poignée de voitures – que l’éventail des options de configuration disponibles (mode miroir, mode inversé, présence ou non du trafic) aide certes à rendre un peu plus consistant mais qui nous révèle surtout que cette version PC aura cédé à une tendance déjà bien ancrée dans les itérations PlayStation de la saga : celle du contenu à débloquer. Pour ce faire, on pourra commencer par étrenner un mode « Pilote d’essai » qui fera en quelque sorte office d’entraînement scénarisé : pour gravir les échelons au sein des techniciens de la célèbre firme, il va falloir accomplir une série de défis de plus en plus relevés qui seront une excellente occasion de se familiariser avec la jouabilité du titre. Laquelle se veut d’ailleurs un peu plus réaliste que d’habitude, afin de mieux retranscrire les sensations des très nombreux véhicules – plus d’une soixantaine – que le joueur va être amené à pouvoir piloter au fil du jeu (nous y reviendrons). Quoi qu’il en soit, cette mise en bouche sera un très bon moyen de s’assurer d’être armé des réflexes essentiels pour pouvoir attaquer LE gros morceau du jeu : le mode « Évolution ».

Derrière ce nom pompeux se cache en fait un programme suffisamment ambitieux pour donner une raison d’être au partenariat avec Porsche : celui de couvrir plus de cinquante ans d’histoire de la firme, depuis les voitures de l’immédiat après-guerre jusqu’aux modèles les plus récents du siècle dernier (on parle d’un jeu paru en 2000, comme son nom l’indique). Rassurez-vous, l’idée ne sera pas de vous installer devant un tableau noir pour vous questionner sur les dates et la mécanique, mais bien de reprendre le format du mode carrière de Conduite en état de liberté tout en l’étalant sur trois périodes historiques données.

Le concept est simple : chaque « ère » de la firme est composée de cinq ou six championnats courts, composée de deux à trois course au début avant de proposer des formats un peu plus longs par la suite, et engageant généralement des gammes spécifiques de voitures, ce qui vous obligera à investir l’argent gagné sous formes de primes au terme de vos courses pour acheter et améliorer de nouveaux véhicules. L’élément central de votre activité sera en effet le garage qui contiendra votre collection sans cesse croissante de Porsche de toutes les époques, et où il vous sera possible de paramétrer les réglages de vos bolides, de les réparer après une course heurtée (car les dégâts sont gérés), mais aussi et surtout de les améliorer grâce à une large sélection de pièces détachées qui aideront à booster les performances de vos précieux engins. Chaque « ère » terminée débloquera trois nouveaux circuits dont une variation du seul parcours situé en ville, celui de Monte Carlo, qui offrira à lui seul pas moins de cinq tracés différents à terme. Ces circuits (étrangement tous situés en France, sauf deux portant des noms génériques allemands) deviendront ensuite accessibles dans tous les autres modes de jeu, dont le multijoueur.

Le menu semble copieux, et de fait il faudra bien compter cinq ou six heures de jeu avant d’avoir accès à l’essentiel du contenu du titre – et encore bien davantage pour espérer débloquer toutes les voitures. Du côté de ce qui fera immédiatement consensus : la réalisation. Quoi qu’on puisse penser de la 3D de l’an 2000, le fait est que Porsche 2000 en est un des représentants les plus aboutis, et qu’à peu près tout ce que pouvait afficher une carte accélératrice de la période est présent à l’écran, parfois avec de très bons résultats, notamment lors du circuit de Monte Carlo où les éclairages nocturnes conservent un cachet certain.

Les courses de rallye en extérieur semblent souvent plus vides au niveau des décors, mais elles ont l’avantage de proposer de nombreux chemins alternatifs et autres raccourcis qui font qu’il vaut mieux prendre le temps de considérer le tracé de la course pour avoir une idée de ce que pourra être le trajet idéal. Bien évidemment, les raccourcis les plus avantageux sont aussi les plus difficiles d’accès, et chercher à s’aventurer dans les petites ruelles ou au travers d’un sentier de forêt à fond les ballons demandera une maîtrise technique certaine pour ne pas finir encastré dans le décor et perdre au final bien davantage de temps qu’on en aura gagné – avec en plus la douloureuse des réparations à régler en fin de course. Mais dans l’ensemble, les trajets sont assez bien vus et recèlent juste ce qu’il faut de petits coups de poker à tenter dans les situations désespérées pour s’avérer particulièrement jouissifs en multijoueur.

Au rang de ce qui fera un peu moins plaisir, il est justement temps d’aborder un des plus grands manques dudit mode multijoueur, justement : les courses-poursuites. On peut comprendre que Porsche n’ait pas forcément eut envie de mettre ses voitures en scène comme celles de fugitifs pourchassés par les forces de l’ordre, mais il s’avère que l’un des modes iconiques de la série – particulièrement depuis Need for Speed III – est ici purement et simplement absent, ce qui est d’autant plus dommageable que c’était l’un des modes les plus prenants à plusieurs, et même en solo.

On se retrouve donc cantonné à la bonne vieille course plan-plan où les joueurs connaissant les tracés par cœur mettront une minute dans la vue aux néophytes, et c’est à prendre ou à laisser. On pourra également regretter que les premiers véhicules du jeu se traînent, dans un louable soucis de réalisme, ce qui fait que les premières courses donnent vraiment le sentiment de rouler au ralenti – pour un jeu de course, c’est quand même dommage, même si les choses s’améliorent rapidement et que la vitesse redevient tout à fait satisfaisante à partir du deuxième tiers de la campagne. Reste la question de la conduite qui se veut réaliste et qui échoue à l’être, sauf à croire que les véhicules de la célèbre marque souffriraient tous d’un grave problème de survirage aboutissant systématiquement à une perte de contrôle dès l’instant où le pilote ferait l’erreur d’assumer le réflexe naturel de contre-braquer, ce qui lui vaudrait alors systématiquement de partir en tête-à-queue quel que soit le modèle et sa vitesse. Un détail quelque peu énervant qui peut heureusement être corrigé à force de tâtonnements dans les réglages, mais sachant que la moindre collision peut facilement vous faire perdre une bonne quinzaine de secondes, autant dire qu’on s’agace parfois d’avoir le sentiment de contrôler des caisses à savon plutôt que des voitures de luxe.

Ces quelques écueils empêchent à mon sens Porsche 2000 de pouvoir s’affirmer sans discussion comme le meilleur épisode de la pentalogie originale – même s’il faudra de toute façon lui reconnaître a minima qu’il n’en est vraiment pas loin. On aurait pu apprécier de ne pas avoir à débloquer les circuits, ou au moins de démarrer avec une sélection un peu plus large, mais cela reste assez subjectif à une ère où le contenu à débloquer commençait à représenter une norme établie.

La réalisation a forcément pris un petit coup de vieux – la 3D a fait beaucoup de progrès en 25 ans, et la faiblesse des textures transformées en bouillie par l’omniprésent filtrage bilinéaire est sans doute un des aspects les plus reconnaissables de cette période. Néanmoins, le mode solo reste sans discussion l’un des plus solides des cinq premiers opus, et si le multijoueur est un peu moins satisfaisant, on se doute que ceux qui s’y essaieront aujourd’hui le feront principalement par nostalgie de cette ère du réseau local où s’éclater à huit demandait de se réunir dans une pièce, chacun avec sa tour, son écran et ses périphériques, pour passer des week-end dantesques au grand désespoir des familles. Tout n’est pas parfait, et la conduite est sans doute l’aspect qui fait le moins illusion aujourd’hui, mais on n’en hérite pas moins d’un des meilleurs jeux de course du XXe siècle à l’échelle du PC, un dans lequel on peut encore facilement engloutir plusieurs heures dès l’instant où l’on commence à se laisser happer.

Vidéo – Course : Monte Carlo 1 :

NOTE FINALE : 18,5/20

le cinquième épisode de la saga des Need for Speed surprend peut-être peu, mais il ne déçoit pas beaucoup non plus. Cette fois intégralement orienté intégralement autour de la célèbre marque allemande, Need for Speed : Porsche 2000 appuie sur les points forts habituels de la saga (réalisation de pointe, jouabilité accessible, multijoueur par internet ou en réseau local) tout en variant les modes de jeu et en épaississant le contenu : avec une soixantaine de véhicules customisables à piloter et quatorze courses à parcourir, sans oublier les options en pagaille (mode reverse, miroir, trafic...), il ne manque que les courses-poursuites avec la police pour offrir à la pentalogie originale son magnum opus. Certains diront que la durée de vie est artificiellement allongée par la nécessité de débloquer le contenu et que le multijoueur a pris du plomb dans l'aile – et ils n'auront pas nécessairement tort. Reste qu'en solo, c'est toujours aussi efficace, à condition d'accepter l'expérience dans son ensemble avec ses quelques lourdeurs. Parfait ? Non, toujours pas, mais on reste dans le sommet du panier de ce que le XXe siècle a pu offrir en la matière.



CE QUI A MAL VIEILLI :

– Seulement quatre circuits disponibles au départ, avec plusieurs heures de jeu à prévoir avant d'en débloquer de nouveaux
– Plus de courses-poursuites avec la police...
– ...ce qui pénalise hélas un multijoueur dont c'était l'attraction principale
– Une conduite un peu flottante qui réserve parfois de mauvaises surprises dans les virages

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Need for Speed : Porsche 2000 sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeurs : Eden Studios – Étranges Libellules S.A. – Equinox Digital Entertainment
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 24 mars 2000 (Amérique du Nord) – 23 juin 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 – 1 à 4 (avec le PlayStation Multitap)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, suédois
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, NeGcon
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 à 3 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Petit détail d’importance au moment d’aborder Porsche 2000 sur PlayStation : bien que portant le même nom et assumant exactement la même philosophie que l’épisode développé et publié simultanément sur PC, il ne s’agit pas d’un portage du même jeu.

En fait, et pour clarifier les choses, on pourrait dire qu’il s’agit globalement du même menu, avec les mêmes modes de jeu, mais que le cuisinier n’est pas le même – en l’occurrence, c’est l’équipe lyonnaise d’Eden Studios qui aura hérité du bébé, avec l’aide d’une autre équipe lyonnaise, celle d’Étranges Libellules. Face à la cuisine américaine, privilégiez la cuisine française ! Vous n’aurez d’ailleurs sans doute que peu de raisons de le regretter, car comme on va le voir, cette production franco-française s’est très bien débrouillée avec les ingrédients qu’on lui a confiés.

Première bonne surprise : les modes de jeu. Non seulement tout ce qui était disponible sur PC (mode « Évolution » et mode « Pilote d’essai » inclus) est toujours présent – à l’exception du multijoueur en réseau local, naturellement, même si on remarquera qu’on peut malgré tout jouer à quatre en écran splitté – mais en plus, cette version corrige même certains manques, puisque la poursuite signe son grand retour, accompagnée d’un mode « Fanion » (sorte de capture du drapeau) assez mal fichu en solo mais déjà plus ludique entre humains !

Mine de rien, le principal point faible de la version PC (la faiblesse du mode multijoueur) est ici compensé en beauté, même si on pourra regretter que le mode « Poursuite », justement soit aussi limité : la course se finit dès l’instant où la voiture de police touche celle des fugitifs. Le mode « Évolution » propose sensiblement les mêmes possibilités que sur PC, moins celle d’acheter des pièces pour customiser et améliorer nos petits bolides, mais on remarquera une latitude accentuée dans le choix de l’ordre des épreuves – et dans celui de leur difficulté. Les circuits sont complètements différents de ceux de la version PC (même si certains portent les mêmes noms), et s’ils sont dans l’ensemble bien conçus, ils font nettement moins la part belle aux raccourcis et aux routes alternatives que sur Windows (ce qui ne veut pas dire que ceux-ci n’existent pas).

En revanche, ils ressemblent cette fois enfin aux régions dont ils portent le nom (et ne sont plus limités à la France et à l’Allemagne, désormais, puis l’Écosse, le Japon ou les États-Unis répondent présents), et même s’il s’agit toujours d’une version de carte postale, ça fait quand même plaisir. Autre petit détail bien vu : la musique s’adapte cette fois à l’ère historique traitée, ce qui fait que la bande sonore évoluera depuis du rock des années 40 jusqu’à du hip-hop contemporain. En revanche, au rang des pertes, de nombreuses options de configuration ont sauté, ce qui signifie par exemple qu’il n’est plus question de rouler au milieu de la circulation ici alors qu’il s’agit normalement d’une des marques de fabrique de la série.

L’autre bonne surprise, c’est que les programmeurs et les artistes français sont parvenus à développer un moteur 3D qui peut revendiquer avec une certaine fierté d’être le meilleur de la saga sur PlayStation, et probablement un des tout meilleurs de la console toutes catégories confondues. Évidemment, c’est nettement moins fin que sur PC, les textures sont plus grossières et il y a un peu de clipping dans l’affichage du décor ; par contre, on évite également l’aspect « soupe de pixel » du filtrage bilinéaire, la distance d’affichage est excellente, et surtout, la sensation de vitesse est encore bien meilleure que sur PC !

Le jeu va vite dès les premiers modèles, cette fois, et c’est carrément décoiffant – j’irais même jusqu’à dire que ça va parfois trop vite – avec la dernière génération de voitures. Plus besoin de passer une heure à enchaîner des courses qui se trainent avant d’arriver dans le vif du sujet, et ça fait quand même une grosse différence. Je vous laisse observer les images : ça a vraiment de la gueule pour la période et la machine concernées, et si vous voulez voir à quelle vitesse ça bouge, de nombreux extraits de gameplay sont disponibles dans la vidéo de l’écran-titre à l’ouverture du test de cette version. En résumé : c’est beau, c’est jouable, le contenu est au moins aussi bon – et même parfois meilleur – que sur PC et le multi est un des meilleurs de la console en ce qui concerne les jeux de course. Dommage, en revanche, qu’il faille tirer un trait sur la circulation et que les modes de jeu additionnels soient aussi décevants. Les courses deviennent également réellement difficiles à bord des véhicules les plus rapides, multipliant les angles droits et les épingles à cheveux à des vitesses qui demandent des réflexes surhumains pour ne pas finir dans le décor. Bref, ce n’est pas encore parfait, mais cela reste un titre extrêmement solide qui peut composer une alternative tout à fait valable à la version PC du jeu – et j’avoue avoir un peu de mal à cerner pourquoi une partie de la presse s’était acharnée sur le titre à sa sortie en en faisant le mouton noir de la série jusqu’à critiquer son moteur graphique pour des raisons qui m’échappent. Vous savez quoi ? Dans le doute, essayez-le.

NOTE FINALE : 18,5/20

Need for Speed : Porsche 2000 sur PlayStation réussit à affirmer sa personnalité propre comparé à la version PC, et propose à la fois une réalisation et un contenu solide tout en ne visant pas toujours juste dans ses possibilités, notamment à cause de courses mal pensées pour les voitures les plus rapides et de modes « Poursuite » et « Fanion » qui auraient mérité un peu plus de réflexion. Cela reste néanmoins un des meilleurs jeux de course de la console, particulièrement à plusieurs.

Explora II

Développeur : SARL Infomédia
Éditeurs : 16/32 Diffusion SARL (France) – Psygnosis Limited (Amérique du Nord, Europe)
Titre alternatif : Chrono Quest II (International)
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)

La série Explora (jusqu’à 2000) :

  1. Explora : « Time Run » (1988)
  2. Explora II (1989)
  3. Explora III : Sous le signe du serpent (1990)

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Demandez à n’importe quel auteur de science-fiction (au hasard : moi) et vous obtiendrez sans doute toujours à peu près le même commentaire : le thème du voyage temporel est virtuellement inépuisable. Entre la variété des ères et des cadres, la multitude de séquences historiques célèbres et de personnages qu’il n’est même pas nécessaire de présenter, les petites phrases, les grands drames, les questions auxquelles personne n’aura jamais la réponse, c’est un peu comme une énorme boîte à bonbons dans laquelle il n’y a qu’à puiser avec gourmandise.

Ajoutez-y les paradoxes temporels et autre incongruités scientifiques, sortes de machine à produire des retournements de dernière page, et vous obtiendrez l’équivalent du cheat code des scénaristes en manque d’inspiration. Autant dire qu’Explora avait à peine eu le temps de débarquer dans les étals et dans les rédactions qu’il était déjà établi que les développeurs d’Infomédia disposaient d’une matière plus ou moins inépuisable pour transformer l’aventure graphique qui avait enthousiasmé les joueurs en une longue série sans même avoir à se creuser les méninges pour imaginer des situations intéressantes. On sent d’ailleurs que la réflexion n’aura pas duré des semaines au moment d’établir les bases scénaristiques d’Explora II : après être parvenu à mettre la main sur l’assassin de son oncle à la fin du premier opus, qu’est-ce qui pouvait bien pousser le héros (et donc le joueur) à repartir dans le temps ? Réponse imparable : au moment de retourner dans le « présent » de 1922, la machine temporelle connaît un dysfonctionnement, et notre aventurier malgré lui se retrouve donc coincé à une ère et à un endroit inconnus en quête de ce qui sert de carburant à Explora : des métaux, lesquels vont bien évidemment le balader à travers quantité de périodes différentes avant qu’il ne puisse parvenir à rentrer chez lui. Simple. Efficace.

Quelques esprits pointilleux pourront faire remarquer que même un point de départ aussi simple soulève une ou deux questions pertinentes, comme par exemple de savoir ce qu’est devenu le domestique que vous vous étiez donné tant de mal à dénicher quelques mois plus tôt, mais qu’importe : le prétexte est valide, la mission est claire, et tout le monde n’attend que de savoir si ce deuxième épisode parvient à faire au moins aussi bien que son prédécesseur. Une chose est rapidement sûre, cependant : l’équipe de développement aura remis le couvert avec une ambition indéniable, et même si personne n’attendait alors de révolution majeure dans une formule qui marchait déjà très bien, cela n’aura pas empêché Marc Fajal, Michel Centelles et leurs confrères de revoir un peu leur copie, quitte à prendre quelques risques dans la manœuvre.

Il suffit d’ailleurs de poser un œil sur l’interface dès les premières secondes de la partie pour réaliser qu’un grand nettoyage a été réalisé au sein des innombrables icônes à la signification pas toujours très claire qui permettaient au joueur d’interagir avec le monde. Désormais, il ne reste plus que quatre actions : prendre, déposer, observer et utiliser. Une simplification salutaire qui permet enfin de se concentrer sur l’essentiel, et que l’on retrouve d’ailleurs à d’autres niveaux. Les déplacements ? Oubliez la rosace, ses huit directions et cet aspect « monde semi-ouvert » où il était impossible d’établir où l’on pouvait aller sans expérimenter méthodiquement toutes les possibilités ; désormais, les mouvements se limitent à « avancer » et « reculer ». C’est peut-être plus limité, mais c’est aussi infiniment plus ergonomique, et on ne peut que saluer l’équipe d’Infomédia d’avoir eu la clairvoyance de comprendre, à une époque où c’était encore loin d’être une évidence, que parfois, moins, c’est mieux.

Ceci dit, prétendre que l’on peut faire moins de choses dans Explora II que dans le premier épisode serait largement mensonger. Les différentes ères à visiter sont peut-être plus petites (rarement plus de trois ou quatre écrans, parfois un seul), mais elles sont également beaucoup plus nombreuses : treize au total. Et si la narration en elle-même est toujours très limitée, la possibilité de discuter avec divers personnages pour glaner des informations ou faire avancer l’intrigue a cette fois été intégrée, et en mettant les petits plats dans les grands.

Jugez plutôt : non seulement les conversations offrent des options de dialogue, mais les personnages qui vous répondent le font via des voix digitalisées, lesquelles vous seront interprétées par des comédiens du Théâtre de la Rencontre ! L’occasion de contester l’affirmation selon laquelle Sierra On-Line aurait été la première compagnie à engager des acteurs professionnels pour réaliser les doublages de ses jeux, même s’il s’agit ici vraisemblablement d’acteurs semi-professionnels et que leur contribution se limite à une poignée de phrases. Quoi qu’il en soit, la réalisation est une nouvelle fois à la hauteur, et Fabien Begom n’ayant pas chômé pour proposer des environnements détaillés bénéficiant parfois d’animations (une nouveauté comparé au premier opus), l’écrin semble à la hauteur des espoirs placés en lui. Seul petit regret dans ce concert de louanges : il n’y a toujours pas de musique à l’exception de quelques jingles très ponctuels, et cette fois s’essayer à la version internationale n’y changera rien.

Mais que vaut l’aventure en elle-même ? Comme dans Explora premier du nom, le récit à proprement parler est limité à sa portion congrue : l’objectif est de trouver des objets métalliques, de les ramener à votre machine à voyager dans le temps pour découvrir où ils vous enverront – et surtout d’établir dans quel ordre il faudra explorer les destinations qui s’offrent à vous, chaque voyage étant un aller simple. Les personnages auxquels vous avez le droit de parler constituent plus des énigmes à part entière que des pourvoyeurs d’indices, et il est toujours extrêmement facile d’être bloqué ou de trouver la mort ; préparez-vous donc à faire de nombreuses sauvegardes et sous plusieurs noms si vous voulez avoir une chance de mener l’aventure à son terme. En-dehors de beaucoup d’énigmes qui ne reposent que sur l’expérimentation tous azimuts, on remarquera plusieurs détails quant à la narration en elle-même.

Déjà, pour une raison quelconque, le voyage temporel est ici strictement limité à un contexte européen puisant abondamment dans la mythologie gréco-romaine, avec en guise de plat de résistance un long passage dans une France de Louis XIII débordant de références aux Trois mousquetaires et un passage plus tardif par la chanson de Roland qui donnent à l’épopée un caractère très franco-français qui aura probablement laissé pas mal de joueurs à l’international perplexes. « French touch » oblige, on note également un recours à un érotisme léger gravitant autour des personnages de Milady et de Circée, qui pourra vous valoir la vision d’une paire de seins, une scène d’amour torride (mais pudiquement hors-champ) ou encore la possibilité de finir transformé en cochon (ça vous apprendra à jouer au malin !). Dans l’ensemble, la progression se fait donc toujours largement dans le brouillard sans pouvoir compter sur le moindre indice, mais le fait que les possibilités aient été « recentrées » permet de se sentir un peu moins perdu lorsque l’on commence à se demander quoi faire.

Il en résulte néanmoins une aventure qui, en dépit de la modernité de sa technique et de son interface, est toujours pleinement inscrite (on pourrait presque dire « engluée ») dans les mécanismes de l’aventure à l’ancienne. Quitte à voir autant de choses, on aurait bien aimé passer un peu plus de temps sur chaque écran et avoir davantage de personnages à rencontrer que la petite poignée avec laquelle on est autorisé à échanger deux phrases. Les voix digitalisées, c’est chouette, mais un peu plus de matière dans les dialogues plutôt que de consacrer toutes ces données aux fichiers sonores, ça aurait été bien aussi…

On aurait également apprécié de véritables énigmes plutôt que cette chasse aux objets et l’expérimentation en guise de seul recours (comment deviner qu’une clef trouvée sur une porte à une époque donnée va rouvrir une autre porte plusieurs siècles plus tard ?), mais dès l’instant où l’on accepte les ficelles de l’aventure graphique et leurs inévitables limites, Explora II est à n’en pas douter un des meilleurs représentants du genre, un des plus agréables à parcourir et un des plus simples à prendre en main. Oui, c’est une longue balade avec beaucoup d’impasses, et qui se finit sans tambour ni trompette ni même un vague message de félicitations par un écran repris du premier opus sur lequel on a rajouté les mots « The end » ; c’est un peu court, jeune homme ! Mais dans tous les cas, il y réside encore une partie de ce savoir-faire, de ce culot et de cette naïveté qui faisaient le charme de la production vidéoludique de la fin des années 80. Jouer à Explora II, c’est un peu comme croiser un bon ami : rien de ce qu’il pourra dire ou faire ne risque de nous surprendre et il radote un peu parce qu’on le connait par cœur, mais hé, ça fait quand même plaisir de le revoir.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14/20

Après un premier épisode encourageant, Explora II était attendu au tournant pour parvenir à reproduire l'aventure temporelle en la renouvelant sans pour autant la trahir. La bonne nouvelle, c'est que l'équipe d'Infomédia aura su prendre les bons risques pour offrir un jeu techniquement toujours aussi réussi mais en se montrant à la fois plus ergonomique, plus varié, plus cohérent et mieux écrit. En résulte un parcours plaisant où il faudra certes une nouvelle fois beaucoup expérimenter – et beaucoup échouer – mais qui respire l'ambition, avec ses dialogues doublés, ses animations et sa dizaine d'époques à visiter. Le tout pourrait bénéficier d'encore un peu plus de chair, d'un peu plus de profondeur et d'un peu moins d'opacité dans le déroulement, mais à l'échelle de 1989, c'était clairement le haut du panier. Le logiciel restant agréable à découvrir, et étant bien évidemment intégralement en français, il serait dommage de ne pas l'essayer. L'aventure graphique à son sommet.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Toujours quelques énigmes particulièrement tirées par les cheveux...
– ...et un déroulement qui nous laisse dans le flou d'un bout à l'autre de l'aventure
– Une fin très décevante

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« La réalisation est particulièrement soignée. Les dessins sont superbes, très colorés et parfois animés. Dans certaines scènes, bruitages ou paroles digitalisés complètent l’ambiance. Le scénario est très ardu et je gage qu’il vous faudra de nombreuses heures pour venir à bout de cette nouvelle aventure copieuse à souhait. »

Jacques Harbonn, Tilt n°65, avril 1989, 17/20

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme son prédécesseur, Explora II sera d’abord sorti sur Atari ST avant d’être suivi, une poignée de mois plus tard, par la version Amiga (et, pour la première fois, par la version DOS). On sera heureux de constater que ce portage ne se sera pas limité à une simple reprise du code original en modifiant juste le thème musical de l’écran-titre : les développeurs d’Infomédia ont une nouvelle fois mis le temps à contribution pour peaufiner cette itération, et si les nouveautés ne sont plus à aller chercher du côté de l’interface, déjà très bonne, ils se situent bel et bien du côté de la réalisation. Côté sonore, le rendu est naturellement meilleur (une quasi-constante dans la lutte entre l’Amiga et l’Atari ST), même si on ne peut pas dire que la différence soit renversante non plus.

En revanche, on remarquera que les illustrations du jeu ont été retouchées pour bénéficier de la palette étendue de la machine. Encore une fois, ce n’est pas toujours spectaculaire (une teinte en plus par-ci par-là, comme dans le village de la première ère où le rideau de la hutte à droite de l’écran est devenu rouge), mais le résultat reste appréciable et se ressent parfois vraiment sur certains écrans. Même la fenêtre de jeu semble mieux fignolée, avec un logo « Explora II » qui vient remplacer les flèches de déplacement lorsque vous ne pouvez pas progresser dans une direction. Bref, sans métamorphoser en rien l’expérience, cette itération reste un tout petit peu plus agréable à parcourir que la version ST, alors si vous hésitez entre les deux versions, autant opter pour celle-ci.

NOTE FINALE : 14,5/20

Cela se joue à quelques détails, mais le fait est que l’itération Amiga d’Explora II est globalement un peu mieux réalisée et un peu mieux finie que son alter ego sur Atari ST. Vraiment pas de quoi lancer sa copie originale du jeu à la poubelle dans un accès de rage, mais à tout prendre, c’est bel et bien sur la machine de Commodore qu’on trouve la meilleure version du jeu.

Les avis de l’époque :

« Explora II version Amiga offre au joueur un contexte sonore et graphique de grande qualité. […] On ne souffre pas ici des nombreux changements de disquette qui pouvaient gêner le joueur Atari (NdRA : il est probablement fait référence ici à une version ST tenant sur des disquettes simple face, la version double face tenant sur une disquette de moins que la version Amiga et ne nécessitant pas de changements intempestifs). […] Explora II séduira tous les aventuriers de l’imaginaire. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°69, septembre 1989, 17/20

Version PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le premier Explora avait un temps été annoncé sur PC, mais quelles qu’en aient été les raisons, le portage n’avait finalement jamais vu le jour. Pour Explora II, cette fois, l’adaptation aura bel et bien été réalisée – « avec les moyens du bord », serait-on tenté de dire, tant la machine d’IBM n’était pas encore tout à fait équipée pour être une machine de jeu en 1989, surtout en Europe où le VGA et la carte son AdLib étaient encore des vues de l’esprit plus que des phénomènes manifestes. Signe des temps, cette version est d’ailleurs la seule à être jouable au clavier, la souris n’étant appelé à devenir un périphérique commun sur PC qu’autour de la sortie de Windows 3.0.

Niveau sonore, c’est le haut-parleur interne qui s’y colle, pour un rendu honnête mais qui reste naturellement à des années lumière de ce qu’étaient capables de produire l’Amiga et l’Atari ST. Le choix le plus surprenant est cependant à chercher du côté des graphismes, où on aurait pu s’attendre à un simple changement de palette depuis la version ST (qui n’employait que seize couleurs, comme l’EGA), mais on se retrouve dans les faits avec d’un côté une version CGA en noir et blanc et de l’autre une version EGA en seize couleurs, toutes les deux en haute résolution. Enfin, pour être plus précis, la version EGA affiche une interface en basse résolution et une fenêtre de jeu en haute résolution ; le résultat est tout à fait correct sans qu’on puisse affirmer pour autant que le gain en finesse représente une véritable plus-value : ça reste bien moins coloré que dans les autres versions, même s’il faut juger du rendu sur un écran cathodique pour se faire une idée de la véritable valeur du procédé, où le résultat est alors tout de suite plus convaincant qu’avec l’image hyper-précise des écrans actuels. Reste qu’en dépit des efforts déployés, cette version reste techniquement inférieure aux deux autres – elle s’avère même moins précise, prendre un objet demandant souvent un clic au pixel près. Autant dire que si découvrir le jeu sur PC n’est pas une corvée, ce n’est pas l’option conseillée dès l’instant où on a accès aux autres versions, tout simplement mieux réalisées.

NOTE FINALE : 13,5/20

On peut prendre le problème dans n’importe quel sens, Explora II sur PC est simplement un peu moins agréable à parcourir que sur Amiga et Atari ST, la faute à une réalisation graphique et surtout sonore qui, sans être honteuse, se révèle tout simplement inférieure. À moins d’avoir prêté serment de ne jouer que sous DOS, le mieux est peut-être d’aller découvrir le jeu sur une autre machine.

Bonus – À titre de comparaison, voici ce que peut offrir le rendu du mode EGA haute résolution sur divers écrans cathodiques :

Quest for Glory V : Le souffle du dragon

Développeur : Yosemite Entertainment
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Quest for Glory V : Dragon Fire (États-Unis)
Titres alternatifs : Quest for Glory V : Drachenfeuer (Allemagne), Quest for Glory V: Fogo do Dragão (Brésil), 영웅의 길 V: 용의 불꽃 (Corée)
Testé sur : PC (Windows 9x)/Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (Windows 9x)/Macintosh

Date de sortie : Décembre 1998 (Amérique du Nord) – Février 1999 (Europe) – Novembre 2000 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, portugais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 5 – Résolution : 640×480

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 601 120MHz – OS : System 7.5 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)

Vidéo – L’introduction et l’écran du jeu :

À la fin du dernier millénaire, beaucoup d’histoires étaient en train de toucher à leur fin. Pour Sierra On-Line, qui avait bâti pratiquement toute la sienne autour des jeux d’aventure, il était temps de reconnaître que le genre ne se portait pas bien. Pas bien du tout. Au terme d’une brève phase d’euphorie qui avait laissé croire à un avenir radieux pour les fameux FMV, les jeux remplis de vidéos, après le succès commercial de Phantasmagoria, le soufflé était vite retombé pour abandonner le point-and-click face à une révolution à laquelle il était mal préparé : l’arrivée de la 3D.

Des séries aussi prestigieuses que King’s Quest, Gabriel Knight ou même Monkey Island se seront cassé les dents sur la troisième dimension, s’efforçant de revisiter leur gameplay et leur réalisation pour des résultats que l’on qualifiera poliment de « mitigés », au point de provoquer ce qu’ont pensait être la mort définitive de toutes ces licences (en fait, souvent une très longue parenthèse pour la plupart d’entre elles). L’aventure, dorénavant, se nommait Tomb Raider ou Resident Evil, elle contenait beaucoup plus d’action que de réflexion, et la concurrence devait s’adapter ou mourir, n’en déplaise aux adeptes nostalgiques des vieilles formules qui avaient encore cours quelques années plus tôt et qui se faisaient alors de plus en plus rares. Autant dire que les espoirs de voir réapparaître un jour le héros de Quest for Glory pour reprendre ses aventures là où il les avait laissées étaient maigres, mais à en croire la créatrice de la saga, c’est bien la mobilisation et les lettres indignées des fans qui auront permis la matérialisation de Quest for Glory V : Le souffle du dragon – un épisode qui ne nourrissait pas l’ambition de relancer la licence, mais plutôt de lui offrir une dernière occasion de faire ses adieux. La mission était donc claire : tout ce que Shadows of Darkness n’avait pas eu le temps de conclure, cet ultime épisode allait devoir le clore une bonne fois pour toutes. Histoire que les joueurs laissés sur le quai par l’extrême célérité du changement de paradigme vidéoludique puissent au moins faire leur deuil.

Pour clore une aventure héroïque en beauté, il faut au moins un dragon : celui-ci est annoncé dès le titre, et pour ce qui est de la princesse… eh bien disons juste que vous aurez l’occasion de recroisez plusieurs vieilles amies, et peut-être même de ramener à la vie certaines d’entre elles ; il ne tiendra donc qu’à vous de choisir quelle histoire écrire à ce sujet. Mais inutile de brûler les étapes : l’aventure débute une nouvelle fois par la création de son personnage, et les joueurs qui avaient patiemment conservé leur disquette de sauvegarde de Shadows of Darkness dans un écrin fermé à clef depuis quatre ans allaient enfin pouvoir reprendre leur épopée en important leur héros – seul moyen, comme dans les deux précédents épisodes, d’incarner un paladin et sa très pratique batterie de pouvoirs utiles, dont un sort de soins et un autre pour pacifier les ennemis. Oh, allez : pour ne pas vous frustrer, le jeu met quand même une sauvegarde à votre disposition pour en jouer un.

Pas de nouvelle classe ni de caractéristique inédite, donc, et même les aventuriers nouvellement créés bénéficieront de très généreux scores de caractéristiques afin de faire face aux multiples dangers du royaume de Silmarie. Mais justement, vous voilà déjà propulsé sans tambour ni trompette dans le bureau d’Erasmus (qui vous avait si brutalement téléporté sans vous demander votre avis à la fin de l’opus précédent), qui vous explique le contexte : le roi de l’île de Silmarie, royaume à l’ambiance méridionale bâti suite à l’effondrement de l’Atlantide et évoquant furieusement la Grèce antique, a été assassiné. Pour lui succéder, la tradition exige qu’une sélection de prétendants au trône se départagent en passant successivement sept épreuves qui serviront à établir qui est digne de prendre les rênes de la nation – et vu vos antécédents (vous venez littéralement de sauver une ville, un sultanat, un royaume et une baronnie), le vieux magicien et son rat qui parle ont tout de suite pensé à vous. Il faut dire qu’avec un assassin toujours en liberté et l’ingérence probable de puissances étrangères qui auraient tout à gagner à présenter un candidat pour faire main basse sur la Silmarie, il est évident que la mission risque de ne pas être de tout repos. Mais, hé, vous vouliez être un héros, non ?

Quest for Glory revient, donc, dans ses plus beaux atours. Le paysage informatique ayant beaucoup (beaucoup!) changé en quatre ans, le titre s’affiche désormais en 640×480, avec des décors en 3D pré-calculée et des personnages en 3D temps réel. Le résultat a indéniablement du cachet même si on pourra juger que cette 3D balbutiante a plutôt plus mal vieilli qu’une 2D alors au sommet de son art, notamment en ce qui concerne les habitants anguleux et raides comme des piquets de cette nouvelle région. Néanmoins, il est difficile de nier une ambition tangible dans la surface de jeu réellement massive qui, bien que reprenant le système de carte de Wages of War, offre des dizaines de lieux à visiter (la ville en elle-même, mais aussi plusieurs villages côtiers, des forteresses, des îles, ce qui reste de l’Atlantide et même le royaume d’Hadès lui-même, pour n’en citer qu’une partie).

Il faudra cette fois se déplacer à pied, mais aussi en bateau, et même plus tard en machine volante, et autant vous prévenir qu’il y aura beaucoup de terrain à couvrir, car le jeu est facilement deux fois plus long que ses prédécesseurs. L’interface a été simplifiée : il y a désormais une icône pour observer et une deuxième pour toutes les autres actions (se déplacer, prendre, utiliser, discuter…), et une barre de raccourcis a fait son apparition pour simplifier l’usage des différents pouvoirs et des très nombreux objets que vous serez amené à cumuler. On notera également qu’il est enfin possible d’avoir la main sur l’équipement du héros et de lui acheter armes, armures, casques, bracelets ou amulettes – sans oublier les généreux butins qu’abandonneront les nombreux ennemis. Car autant il était pratiquement toujours possible d’éviter l’affrontement dans les précédentes aventures, autant vous faire à l’idée que l’opposition ici, est particulièrement active, et qu’il ne sera pas rare d’affronter une dizaine d’ennemis à la fois – et même si on peut régulièrement choisir de courir au milieu des adversaires plutôt que de les affronter, de nombreux combats sont pour ainsi dire inévitables. Votre héros est devenu très puissant, il va être temps de vous en servir !

On pourra d’ailleurs regretter que le système de combat soit toujours aussi limité : il ne bénéficie même plus d’une vue particulière, les confrontations se déroulant directement sur l’écran de jeu (ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité), et en-dehors des divers sortilèges et objets de soin dont vous pouvez faire usage, il se résumera grossièrement à cliquer frénétiquement sur un monstre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dommage qu’une composante aussi centrale ne soit jamais parvenue à un compromis vraiment satisfaisant (et plus question d’automatiser les combats cette fois !), mais pour le reste, on sent que le logiciel atteint assez bien son objectif.

Du côté de l’aventure, bien menée et bien rythmée, difficile de ne pas sentir l’épisode hommage : à quelques rares exceptions près comme Aziza, curieusement oubliée ici, pratiquement tous les personnages pertinents des précédents opus (et surtout des premiers) se sont visiblement donnés rendez-vous en Silmarie histoire de venir vous faire coucou une dernière fois, amenant avec eux toutes les références possibles et imaginables – y compris les pizzas (les habitués de la série sauront à quoi je fais référence). Ils pourront vous dire ce qu’ils sont devenus, car le dialogue est une nouvelle fois un mécanisme central du jeu, et mieux vaut prêter une grande attention aux nombreux indices que vous abandonnent souvent vos interlocuteurs pour espérer progresser dans votre quête – laquelle vous laisse tout le temps nécessaire pour monter votre personnage à votre goût avant de démarrer l’épreuve de succession à proprement parler, vous laissant ainsi décider du rythme avant de lancer les choses sérieuses. Les énigmes, sans être très complexes, peuvent se montrer particulièrement opaques si vous n’avez pas eu la bonne idée de noter toutes les informations, et on peut facilement rater des actions importantes faute d’avoir été attentif ou d’avoir bien pensé à interroger tout le monde à chaque fois.

C’est d’ailleurs à ce niveau qu’on aurait aimé que le jeu ait tiré, en 1998, des leçons que certains concurrents avaient déjà assimilé en 1990. On peut facilement se retrouver coincé pour des raison bêtes, certaines tenant ironiquement à quelques unes des bonnes idées introduites par le titre. Par exemple, le jeu met à votre disposition un « aimant mystique » dont la fonction est grosso modo celle d’un portail de ville qui vous permettra de vous téléporter à l’auberge sans avoir à refaire un trajet en sens inverse. Seulement, cet aimant n’emporte pas vos moyens de transport, et si vous avez donc laissé votre ballon dirigeable sur l’île lointaine où il vous avait emmené avant de vous téléporter, eh bien dommage pour vous parce qu’il est perdu et que vous ne pourrez jamais aller le récupérer ! Au niveau des lourdeurs inutiles, on peut citer le cas de l’île des sciences, qui nécessite toute une manœuvre demandant de bloquer des gondoles avec un timing précis pour pouvoir y accéder. Amusant la première fois, mais au bout de la quinzième…

La bonne nouvelle, c’est qu’énormément d’actions sont totalement facultatives, et qu’il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir accompli des dizaines de tâches secondaires correspondant à l’aspect « jeu de rôle ». Par exemple, le « rite de la paix » peut ironiquement très bien être résolu en vous frayant un chemin jusqu’à la reine des Tritons en massacrant tous ceux qui vous barrent la route pour lui imposer vos conditions. Mais si vous avez envie d’être un peu plus fin, d’employer le sortilège de « paix » de votre paladin pour calmer tout le monde et aller discuter pacifiquement avec elle en dépit de l’hostilité de ses troupes, c’est également possible – simplement, rien ne vous y oblige. De la même façon, vous aurez toute latitude pour entreprendre ou non de séduire un des personnages féminins du jeu, ou même pour accepter ou non de devenir roi – ça ne change objectivement pas grand chose au déroulement de l’aventure, mais il y a souvent de nombreuses manières de surmonter un problème, ce qui tempère un peu l’aspect arbitraire des énigmes les plus retorses. Mieux vaudra quand même sauvegarder régulièrement et sous plusieurs noms si vous avez envie d’explorer les possibilités du jeu et de ne rien rater.

Le plus décevant reste la conclusion du jeu en lui-même, qui après une aventure objectivement intéressante où le dragon met beaucoup de temps à arriver, remplissant bien son rôle de cerise sur le gâteau de vos aventures, expédie votre sacre royal (ou votre refus) en deux phrases avant de vous lancer les crédits au lieu de vous offrir une cinématique grandiose – et surtout un épilogue à la Fallout pour vous raconter ce que sont devenus vos nombreux amis et alliés une fois la partie bouclée. Il y a un sentiment de frustration qui se dégage de ces adieux ratés, comme si en dépit du temps passé avec tous ces personnages qui ont fait l’effort de se déplacer jusqu’en Silmarie avec nous, on n’avait jamais vraiment eu le temps d’apprendre quelque chose de pertinent sur eux, leur arc narratif étant bouclé dès la première seconde où on les aperçoit.

Les nouveaux venus ne comprendront sans doute pas grand chose aux nombreuses références, clins d’œil et autres retournements d’une aventure clairement adressée aux vieux de la vieille, et les fans pour leur part auront l’impression d’avoir une nouvelle fois été privés de la conclusion qu’ils attendaient – c’est plus une sorte de revue d’effectif, de fan service où tout le monde vient dire au revoir à la queue-leu-leu que d’épisode venant clôturer un cycle de cinq jeux et de plusieurs dizaines heures. On voulait le grand final, et on hérite juste d’un chapitre en plus ; ça fait quand même plaisir, mais cela laisse un petit goût amer en bouche, comme celui d’un acte manqué que plus rien ne pourra venir corriger. Bien malin celui qui pourra dire si Quest for Glory reviendra un jour, mais l’histoire retiendra que dans une forme d’ultime hommage, son dernier épisode se sera terminé exactement de la même manière que les précédents : en queue de poisson.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Venu apporter une conclusion inespérée à une saga ressuscitée à la demande des fans, Quest for Glory V : Le souffle du dragon fait l'effet d'une sorte de tournée d'adieux à laquelle tous les personnages de la licence auraient été conviés une dernière fois. Clairement destiné aux joueurs ayant accompagné le héros depuis ses débuts, le titre s'efforce de mêler avec plus ou moins de bonheur une ambition réelle, une jouabilité revisitée et une réalisation remise au goût du jour sans pour autant trahir les fondamentaux de la série – ce à quoi il parvient... dans une certaine mesure. Entre la survivance de certains mécanismes datés pour la partie aventure, des combats trop limitées, quelques lourdeurs dommageable et surtout une fin une nouvelle fois bâclée, cet ultime opus peine parfois à insuffler le rythme, la cohérence et l'aspect grandiose qu'on aurait aimé y trouver. Le voyage a beau être plaisant, il abandonne derrière lui une pointe d'amertume laissée par des arcs fermés un peu trop maladroitement sans avoir lâché la bride à des personnages avec qui on aurait aimé avoir plus de choses à partager, comme si une porte se fermait définitivement avant qu'on ait eu le temps de tout se dire. Une conclusion frustrante, mais qui a le mérite d'exister – bien d'autres sagas n'auront pas eu cette chance.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses occasions de conduire l'aventure dans une impasse par étourderie ou par maladresse
– Quelques mécanismes inutilement contraignant (l'accès à l'île des sciences...)
– Des combats toujours aussi limités
– Une fin qui ne dit rien du sort des nombreux personnages qu'on a croisés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le souffle du dragon sur un écran cathodique :

Quest for Glory : Shadows of Darkness

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Shadows of Darkness (titre de travail), הרצון לעוצמה 4: צללי החשכה (Israël)
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.1)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS/Windows 3.1)

Date de sortie : Janvier 1994
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0/Windows 3.1 – RAM : 4Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, General MIDI, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum/16, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

On a beau dire que l’important, c’est le voyage, il est également bon de considérer que celui-ci est voué à aboutir à une destination un jour ou l’autre – n’en déplaise à Robert Louis Stevenson et à ses paraboles sur l’apprentissage permanent qu’est l’expérience de la vie humaine. À force d’errer sans but d’un royaume à sauver à l’autre comme une balle de ping-pong constamment renvoyée entre deux raquettes, il arrive que les héros eux-mêmes s’égarent et se disent qu’il serait peut-être temps de boucler une bonne fois pour toutes les vieilles affaires et de raccrocher les gants pour profiter enfin de leur fortune et de leur renommée accumulées.

Des voyages, justement, le héros de Quest for Glory commençait à en avoir fait beaucoup, et celui de Shadows of Darkness n’était pas appelé à être son dernier – cela n’aurait d’ailleurs même pas dû être le quatrième, l’épisode ayant été annoncé depuis la fin de Trial by Fire, avant que Wages of War ne vienne offrir une parenthèse certes dépaysante, mais sans réellement faire avancer l’intrigue. Or, justement, à force d’accumuler les aventures, la tentation de boucler enfin des arcs narratifs dont certains étaient en suspense depuis les débuts de la saga – soit depuis cinq ans – se faisait de plus en plus pressante, et faute de terminer une série, il faut parfois savoir clore un cycle. Ainsi notre héros se réveille-t-il une nuit dans les souterrains sombres et peu accueillants d’une caverne de la Mordavie, sans savoir qui l’a fait venir ici, ni dans quel but. Après quelques tâtonnements dans une vallée fermée évoquant fortement les Carpates, le château de Vlad Tepes et les vieux films d’horreur de la Hammer, il trouve une ville isolée au bourgmestre peu amène et à la population méfiante, sans nécessairement se douter qu’il va recroiser quelques vieux ennemis…

L’une des premières sensations qui se dégagent de Shadows of Darkness, après des débuts emprunts d’une ambiance « draculesque » aussi classique qu’efficace – et magnifiquement portée par une réalisation réussie –, c’est celle d’une forme de retour aux sources. Les graphismes en EGA des débuts auront eu beau laisser la place à de superbes aquarelles scannées en 256 couleurs, à des personnages campés en plein écran et même, dans la version CD-ROM, à des doublages professionnels participant indéniablement à l’atmosphère (notamment grâce à un narrateur donnant un cachet certain au plus subtil pavé de description), il y a dans la ville fortifiée entourée de la quarantaine d’écrans qui forment la vallée de Mordavie de faux airs de Spielburg remis au goût du jour.

L’interface a peut-être drastiquement changé depuis ses débuts, le système de jeu gagné une classe dans Wages of War et une nouvelle caractéristique d’ailleurs assez gadget dans le présent épisode (l’acrobatie, qui ne servira pour ainsi dire qu’au voleur), les combats ont beau avoir été revus pour s’afficher en vue de profil afin de gérer désormais les déplacements – et même de proposer un mode « stratégique » correspondant ni plus ni moins à un combat automatique pour les aventuriers qui n’aiment pas les séquences d’arcade –, il y a cette sensation de revenir à la maison dans une version revue et corrigée de tout ce qu’ambitionnait être Quest for Glory I. Le temps a passé, notre personnage a pris de la bouteille, mais le monde autour de lui aussi a changé, et le paysage vidéoludique ayant bien gagné en maturité depuis 1989, Shadows of Darkness a tout pour être un bilan tiré à partir des leçons apprises grâce aux trois précédents épisodes. Pour offrir, enfin, une aventure qui fonctionne à tous les niveaux.

Premier point de ce cheminement : l’écriture. La Mordavie a beau correspondre en tous points au cahier des charges des précédents univers visités, comprendre : un monde aux références si archétypales qu’on devine qu’il n’a jamais été conçu pour surprendre, elle réussit à mettre le doigt sur la tonalité juste en ne s’enfonçant jamais bêtement dans un premier degré oppressant (le Dr. Cranium et son cobaye de service, bien évidemment prénommé « Igor », étant là pour nous rappeler que la série ne s’est jamais prise trop au sérieux) mais en parvenant néanmoins à instaurer une ambiance plus sombre qu’à son habitude.

Dans cette atmosphère d’Europe de l’est où l’on retrouve d’ailleurs des créatures largement popularisées depuis lors par The Witcher, chaque silence semble cacher une tragédie, et dès l’instant où les langues se délient surgissent les récits d’une enfant enlevée à ses parents, d’une femme noyée pour s’être refusée à son compagnon violent, ou d’un vieillard fou de solitude prêt à rejoindre son épouse jusque dans la mort. Les personnages, d’abord taillés à la serpe, s’humanisent progressivement tandis qu’ils apprennent à connaître cet étranger dont ils ont toutes les raisons de se méfier, et l’intrigue en devient par moments presque poétique – comme lorsque cette splendide Rusalka, esprit mort-vivant voué à entraîner ses victimes au fond du lac, décide qu’elle n’a plus envie d’essayer de vous tuer dès l’instant où vous avez la galanterie de lui offrir des fleurs et de la traiter comme une femme normale. Pour la première fois, il y a réellement quelque chose d’attachant dans le parcours de certains des êtres qui nous entourent (fussent-ils des monstres), et l’histoire sait se révéler à la fois prenante et subtile par séquences.

L’aspect jeu de rôles de la série retrouve également une partie de sa force en ne se limitant pas à une poignée de combats et à des statistiques qu’il est de toute façon assez simple de maximiser. Outre quelques affrontements plus stratégiques, qui permettront par exemple à un guerrier méthodique de dénicher une armure et un bouclier magiques (et mieux vaudra avoir les protections nécessaires pour affronter les spectres les plus puissants), les quatre classes du jeu offrent surtout des façons alternatives de résoudre les mêmes énigmes, et un personnage versé à la fois dans les armes et dans la magie pourra souvent compter sur un éventail très large pour résoudre un problème.

J’ai ainsi beaucoup apprécié qu’il soit permis à un aventurier de regagner sa chambre à l’auberge (barrée de l’intérieur, comme toutes les maisons de la ville, la nuit) en passant par la fenêtre à l’étage grâce à une séance d’escalade ou un sort de lévitation, ou encore qu’il soit possible de mener de nombreuses actions sans qu’aucune d’entre elles ne soit nécessaire à la conclusion de l’aventure. Le voleur récupère ses butins à amasser la nuit, le magicien peut hériter d’une quête exclusive confiée par les fées – autant de choses que le troisième épisode avait un peu perdu de vue, et qui permettent à la composante « aventure » de ne jamais se rendre bêtement frustrante en fermant des solutions évidentes permises par notre généreuse panoplie de compétences.

Il en résulte un meilleur compromis, une expérience mieux rythmée où le joueur est souvent laissé libre décideur du rythme, mais où certains événements viennent s’imposer de temps à autre pour conserver une forme de pression face à des crises ponctuelles. Au rang des quelques défauts, on pourra citer le besoin permanent de parcourir toute la vallée à pieds, écran par écran – ce qui est moins intéressant au bout de la quinzième fois, surtout quand certains arcs vous demandent d’alterner les allées-et-venues d’une extrémité de la région à l’autre.

Le passage du temps aurait également pu être optimisé ; multiplier les repos d’une heure pour être enfin autorisé à dormir jusqu’au matin parce qu’on attend la suite des événements n’étant pas exactement le pic de l’activité vidéoludique. Le jeu peut également apparaître un peu court – non qu’il soit plus facile ou moins ambitieux que ses prédécesseurs, mais le fait est surtout qu’on aurait volontiers passé encore un peu plus de temps en Mordavie, rencontré d’autres personnages, résolu d’autres tragédies, ce qui est un très bon révélateur du plaisir qu’on prend à découvrir la vallée et ses occupants. Le tout aurait d’ailleurs mérité une véritable séquence de fin en apothéose plutôt que l’éternel recours à un final expédié dès sa résolution avec un nouveau « la suite au prochain épisode » – il y a simplement des choses qui méritaient d’être mieux bouclées. Mais quoi qu’il en soit, si vous avez aimé les précédents épisodes – ou même si certains d’entre eux vous auront laissé sur votre faim – Shadows of Darkness représente à coup sûr la meilleure façon de vous rabibocher définitivement avec une série qui n’a peut-être pas toujours rempli tous ses objectifs, mais qui atteint ici une maturité salutaire.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

À la fois retour aux sources et conclusion de tous les arcs narratifs entamés dans les trois premiers épisodes, Quest for Glory : Shadows of Darkness vient boucler la boucle de la plus belle des manières en offrant une aventure enfin intéressante dans un cadre certes archétypal mais vraiment attachant et avec un aspect jeu de rôle redevenu pertinent. Tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant : la réalisation pleine de charme, les personnages attachants, l'ambiance qui trouve la tonalité juste sans tirer un trait sur l'humour, les combats adaptés au goût de chacun, et une intrigue qui vaut la peine d'être suivie, avec son lot de drames et d'histoires plus sombres que d'ordinaire. Un épisode plus abouti mais qui, en dépit de sa fin ouverte, sent le testament tant la formule était vouée à tourner en rond à un moment ou à un autre – qu'importe, il mérite d'être joué, et c'est tout ce qu'il faut en retenir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses allées-et-venues qui font regretter l'absence d'un système de voyage rapide
– Toujours aucun moyen d'accélérer le passage du temps au-delà des siestes d'une heure
– Un final qui aurait mérité d'être plus grandiose

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadows of Darkness sur un écran cathodique :

Quest for Glory III : Wages of War

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : Quest for Glory III : Seekers of the Lost City (titre de travail), Quest for Glory III : Les gages de la guerre (écran-titre – France) Quest for Glory III : Der Lohn des Krieges (Allemagne)
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :

Les choses ne se passent pas toujours comme prévu. On a beau avoir une feuille de route claire et les moyens de la mettre en œuvre, il se trouve que la réalité a souvent son grain de sel à venir placer et que les plans sont faits pour être revus. Ce serait un peu gênant d’avoir une série télévisée dont un épisode se terminerait en cliffhanger, avec une bande-annonce des événements à venir… qui, au final, ne correspondrait absolument pas au contenu de l’épisode suivant (bon, sauf si on parle de la deuxième saison de Twin Peaks, mais je m’égare).

C’est pourtant exactement ce qui se sera produit avec Quest for Glory, dont la cinématique de fin du deuxième opus annonçait clairement la suite des aventures dans un jeu nommé Shadows of Darkness… qui se révèlera finalement être le quatrième épisode. Il y aura visiblement eu un changement de programme entretemps, qui explique peut-être d’ailleurs le hiatus de deux ans entre Trial by Fire et Wages of War ; toujours est-il que notre héros aura décidé de changer ses projets en dernière minute pour offrir un Quest for Glory III comme une parenthèse enchantée dans une Afrique qui n’en porte pas le nom pour s’interposer dans une guerre naissante avec l’aide de son ami Rakeesh le liontaure. Une étape impromptue traduisant parfaitement l’ère de transition accélérée que le PC était en train de vivre à la même époque : comme on va vite le constater, il s’était passé beaucoup de choses, en deux ans.

Comme son prédécesseur, Quest for Glory III : Wages of War (Les gages de la guerre, dans la version française) inscrit son intrigue dans la continuité directe de celle du précédent opus.

Que vous importiez votre héros victorieux (dont vous serez libre de changer la classe, au hasard pour en faire un paladin) ou que vous en créiez un nouveau, le jeu s’ouvre d’ailleurs par un rappel des événements de Trial by Fire, ou plutôt par un spoiler en bonne et due forme de son combat final (lequel, luxe absolu, respectera le déroulement des événements en fonction de votre classe) narré par Aziza. Puis, après les adieux et les félicitations d’usage, vous empruntez un portail magique vers la lointaine cité de Tarna, accompagné de Rakeesh, d’Uhura et de son fils. Réceptionné sur place par la compagne du liontaure, vous y apprendrez que leur fille, envoyée participer à des pourparlers de paix, aurait été tuée, et que les humains de la tribu Simbani seraient sur le point d’entrer en guerre ouverte avec une peuplade d’hommes-léopards. Un potentiel conflit derrière lequel semble se dissimuler l’ombre du démon qu’Ad Avis, le maléfique sorcier que vous venez de vaincre, semblait si pressé de libérer…

Première constatation : comme on l’a vu, un PC de 1992 n’avait plus grand chose à voir avec un PC de 1990, et le meilleur moyen de s’en convaincre est de jeter un œil à la réalisation en 256 couleurs avec ses décors basés sur des illustrations scannées – une méthode qui avait fait ses classes avec King’s Quest V juste après Trial by Fire, justement, et qui avait déjà eu le temps de faire des petits depuis lors comme on avait pu le constater avec Monkey Island 2 ou avec Rex Nebular. Le résultat permet de juger de la maîtrise des artistes de chez Sierra et de mettre en valeur le cadre du jeu, depuis la ville de Tarna jusqu’aux lointains villages secrets perdus dans la jungle en passant par la savane, de la meilleure façon qui soit.

Comme toujours avec la firme de Ken et Roberta Williams, la réalisation sonore n’est pas en reste, avec une ambiance africaine très bien rendue, mais c’est surtout l’interface intégralement à la souris qui risque de faire pousser un « ouf » de soulagement aux joueurs fâchés avec la ligne de commande : toutes les actions et informations sont accessibles via un menu qui apparait lorsque l’on déplace le curseur en haut de l’écran, ce qui fait passer le jeu en pause – un bon moyen de réfléchir au calme même lorsque la situation demande de réagir vite – et un clic droit permet de faire passer le curseur d’une action à l’autre. Conséquence, ce troisième opus est bien plus accessible que ses prédécesseurs (hors remake), et n’importe quel joueur ayant déjà été en contact avec un point-and-click devrait se sentir rapidement dans son élément. Les combats, pour leur part, n’ont pas beaucoup changé mais peuvent indifféremment être joués au clavier ou à la souris en fonction de ce qui vous paraîtra le plus naturel ; que du bonheur.

L’aventure, de son côté, souffle le chaud et le froid. La bonne nouvelle, c’est que le rythme « forcé » mené par le deuxième épisode (quitte à imposer de longues périodes d’attente) appartient ici au passé : l’histoire ne progresse que lorsque certaines actions ont été accomplies, et tant que ce n’est pas le cas vous être libre de parcourir un terrain de jeu qui n’est plus divisé en une successions d’écran hors des villes mais consiste en une carte sur laquelle vous reprendrez la main chaque fois que votre héros découvrira un lieu intéressant ou fera une mauvaise rencontre.

Le bon côté, c’est qu’on peut désormais explorer et faire ses découvertes à la vitesse où on l’entend, et que les joueurs souhaitant faire du grinding histoire de se préparer au mieux aux rares combats obligatoires seront donc libres de se faire un personnage à leur goût dans les délais qui leur conviennent. Le revers de la médaille, c’est qu’on peut aussi facilement se retrouver à errer en se demandant par quel miracle faire avancer les choses, comme dans le cas de cette prisonnière qui n’apparait au village Simbani que si Uhura a daigné vous défier à l’épreuve du lancer de sagaies, ce qui dans mon expérience aura nécessité pas loin d’une dizaine de séances d’entraînement ! Cette dimension arbitraire est d’autant plus énervante que plusieurs événements ne se déroulent qu’en étant au bon endroit au bon moment, ce qui demande de passer beaucoup de temps à expérimenter un peu tout et n’importe quoi en attendant que quelque chose se produise – pas exactement le meilleur moyen de rythmer l’aventure.

Les énigmes, pour leur part, reposent une nouvelle fois beaucoup sur le dialogue et la collecte d’informations ; elles sont rarement difficiles (le jeu avait été critiqué à sa sortie comme étant devenu trop simple comparé à ses prédécesseurs, en partie à cause de son interface qui circonscrivait les possibilités) et il faudra s’attendre à collecter des ingrédients pour des potions ou à rencontrer les bonnes personnes pour avancer.

Le jeu est d’ailleurs plus bavard que jamais, ce qui permet de doter ses personnages et son univers d’une épaisseur bienvenue, même si la chose perdra beaucoup de charme en français, la faute à une traduction particulièrement médiocre qui fait penser aux pires errances de ce qu’on obtiendrait aujourd’hui via la traduction logicielle – les fautes d’accord et d’orthographe en plus. Les anglophones passeront sans doute un meilleur moment à ce titre – et mieux vaudra l’être, puisque la version française n’est plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes. Dans l’ensemble, en dépit de ces quelques tracas, on revit un peu une version « exotique » du premier épisode où l’on gagne en dépaysement et en confort de jeu ce que l’on perd en surprise ; un « jeu d’aventure en monde ouvert » qui se laisse découvrir à son rythme et qu’on suit avec curiosité.

En revanche, la dimension « jeu de rôle » est plus que jamais anecdotique. Les combats sont toujours aussi rares et aussi limités, les caractéristiques commencent à perdre de leur pertinence à présent qu’on dirige un héros surqualifié, et surtout les différences entre les classes deviennent de plus en plus théoriques : les situations où l’approche changera en fonction de la classe du héros doivent littéralement se compter sur les doigts d’une main et le voleur, particulièrement à l’honneur dans l’épisode précédent, n’aura ici pas grand chose à faire dans une aventure où on lui demande plus que jamais d’être un modèle de vertu – en deux mots : un paladin.

On pourra également arguer que l’univers africanisant du jeu échoue, comme le royaume oriental de Quest for Glory II, à s’échapper d’une suite de poncifs qui côtoient involontairement le racisme et l’imaginaire colonial avec ses personnages qui nous donnent du « bwana », et on sent que l’équipe en charge de l’écriture ne s’est pas exactement épuisée à aller fouiller le folklore de l’Afrique noire pour chercher à donner davantage de personnalité à sa vision de carte postale. On aurait également aimé que le tout soit un peu plus ambitieux, un peu plus grand, un peu plus complexe, un peu plus profond – et ne s’achève pas sur une séquence de fin torchée en deux minutes pour nous expédier manu militari dans Shadows of Darkness. On a affaire à un épisode sur le fil : plus accessible, plus ergonomique, plus accueillant, moins (injustement) punitif, mais les fans des deux premiers épisodes – ceux qui voyaient des possibilités infinies plutôt que des lourdeurs contraignantes dans l’interface – risquent paradoxalement d’être ceux qui resteront le plus sur leur faim. Un épisode de découverte, mais pas le plus marquant du lot : c’est à prendre ou à laisser.

Vidéo – L’introduction et les quinze premières minutes du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Parfois considéré comme l'élément le plus faible de la série, la faute à des enjeux trop flous et à un univers africanisant qui peine à s'évader de l'enfilade de clichés exotiques, Quest for Glory III : Wages of War n'en est pas moins un épisode devenu bien plus accessible grâce à une interface et à une réalisation grandement dépoussiérées – ce qui change beaucoup de choses. Certes, on pourra regretter une progression souvent floue basée sur l'exploration et l'expérimentation davantage que sur un aspect jeu de rôle plus que jamais passé au second plan, mais on prend vraiment plaisir à découvrir un monde dépaysant peuplé de personnages intéressants ayant tous beaucoup de choses à dire. Le tout manque encore un peu de souffle épique, et sonne parfois comme une redite des aventures précédentes, mais reste suffisamment original pour sortir du lot et conserver un petit cachet unique. Pas complètement la suite qu'on espérait, mais une bonne occasion de se laisser surprendre.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Beaucoup d'occasions de tourner en rond faute de comprendre quelle action arbitraire est censée faire progresser l'intrigue
– Un aspect jeu de rôle plus que jamais anecdotique
– Une version française très médiocre qui alourdit la lecture dans un jeu où il y a beaucoup de texte
– Une fin trop vite expédiée

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les graphismes sont vraiment très beaux, à l’exception des paysages de la savane, franchement décevants. Les musiques typiquement africaines et les bruitages sont pour beaucoup dans l’ambiance de l’aventure. La panoplie d’énigmes est tout à fait correcte mais les habitués viendront à bout du jeu, en une dizaine d’heures seulement. »

Thomas Alexandre, Tilt n°108, novembre 1992, 16/20

Quest for Glory II : Trial by Fire

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA (16 couleurs)
Cartes sons supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine l’écran de fin de Quest for Glory s’était-il affiché qu’il était établi qu’un deuxième épisode était déjà sur les rangs : on avait même le droit à son titre en avant-première, et ceux qui auraient eu envie de chercher à deviner dans quel cadre il pourrait bien tenir place disposaient déjà de plusieurs indices très parlants – au hasard, le fait que le personnage à peine décrété héros soit présenté en train de voyager en tapis volant, accompagné d’Abdulla et de ses amis kattas.

Pour être honnête, l’apparition d’une suite était peut-être même promise dès l’écran-titre, tous les logiciels de Sierra contenant le mot « Quest » étant voués à devenir des séries à rallonge, et ce n’étaient pas King’s Quest, Space Quest ou Police Quest qui allaient prétendre le contraire (ni Leisure Suit Larry, mais bon, celui-là ne fait jamais rien comme tout le monde). Il faut dire que, plus encore que tous les autres jeux d’aventure de la compagnie américaine, la (nouvelle) saga imaginée par Corey et Lory Ann Cole se prêtait particulièrement bien à des épisodes à répétition, ne fut-ce que pour assumer la montée en puissance permise par la partie « jeu de rôle » comme le proposaient, au hasard, les « golden boxes » de SSI à la même période. Bref, Quest for Glory II : Trial by Fire était en route, ce n’était un secret pour personne, et il sera arrivé pile au moment où on était en droit de l’attendre : un an après le premier opus, et juste pour les fêtes de Noël. Mais du haut de ses quelques neuf disquettes 3,5″ (basse densité,certes), il annonçait aussi clairement l’arrivée d’un élément qu’on sentait encore un peu embryonnaire dans Quest for Glory I : l’ambition.

Désormais, c’est officiel : vous êtes un héros – ou tout du moins, celui de Spielburg, ce qui n’est déjà pas mal, mais vous maintient encore au rang d’une célébrité du cru. À peine avez-vous eu le temps de vous adonner aux agapes locales que déjà le marchand Abdulla – auquel vous aviez permis de récupérer ses richesses dérobées par les brigands – vous emmène avec Shameen et Shema, les deux kattas, vers leur cité natale : Shapeir, joyaux de l’orient, et véritable catalogue assumé et revendiqué de tous les clichés gravitant autour des Mille-et-une nuits.

Il semblerait en effet que la glorieuse cité doive composer avec ses difficultés propres : l’Émir Arus Al-Din a disparu, et voilà que les élémentaires de la région commencent à faire des leurs. Il se pourrait que quelque chose ou quelqu’un conspire à de sombres projets, mais cela, ce sera à vous de le découvrir – en créant un nouveau personnage, ou en reprenant celui du premier opus avec ses statistiques et ses possessions, ce qui vous évitera largement d’avoir recours à une quelconque phase de grinding, mais nous y reviendrons. Les joueurs les plus observateurs noteront en tous cas l’apparition de deux nouvelles caractéristiques : la communication, qui jugera de vos compétences sociales (mieux vaudrait donc apprendre à dire bonjour et à respecter le protocole), mais aussi l’honneur, qui en plus de juger de votre probité pourra éventuellement vous ouvrir la voie vers une classe cachée accessible à partir de l’épisode suivant : le paladin.

Pour l’heure, le plus urgent est de s’atteler à la découverte de l’apport le plus notable de Quest for Glory II : son cadre, et plus précisément la tentaculaire ville de Shapeir. Là où le premier opus proposait un bourg tenant sur une poignée d’écrans pour réserver l’exploration à la campagne environnante, cet épisode opte pour le parti inverse : le désert y représente plutôt un à-côté, le gros morceau revenant à la ville en elle-même… laquelle fera office, à sa façon, de protection de copie.

En effet, vous allez vite réaliser que la cité orientale est constituée de dizaines de ruelles que l’on parcourt dans une vue immersive à la troisième personne mais dans lesquelles il est très facile de se perdre, et où aller d’un point A à un point B peut vite prendre beaucoup de temps. Votre première mission, pour éviter que la visite locale ne se transforme en une laborieuse corvée au bout de quelques jours, sera donc de commencer par trouver l’emplacement du bureau de change local pour échanger l’or de Spielburg contre les dinars et les centimes locaux, avant d’aller acheter au marchand baratineur Alichica une très pratique boussole et une non moins pratique carte magique qui fera alors office de voyage rapide en vous permettant de vous rendre en un clic à n’importe quel endroit déjà visité. Une excellente idée, qui vient d’ailleurs s’inscrire dans une philosophie générale où beaucoup des erreurs de jeunesse du premier épisode ont été intelligemment corrigées.

Par exemple, la gestion du temps est ici nettement moins contraignante, puisqu’il suffit de retourner à l’auberge de vos amis à n’importe quel moment pour pouvoir dormir une heure, ou jusqu’en soirée (très pratique pour les voleurs, donc) ou jusqu’au matin – le tout pour pas un rond puisque vous êtes hébergé gratuitement et que le repas est compris si vous avez la bonne idée de venir vous mettre les pieds sous la table le soir. Le système de combat a également été revu et approfondi : les neufs touches du pavé numérique ont désormais une fonction précise, et certains ennemis sont plus sensibles à certains types d’attaques.

Le magicien gagne de nouveaux sorts qui commencent à le rendre vraiment efficace en combat – il peut également s’atteler à trouver le mystérieux WIT et à gagner encore de nouvelles aptitudes en passant ses épreuves – et le voleur, pour sa part, pourra dégotter quelques missions lucratives en employant le signe de reconnaissance de sa guilde auprès des personnes appropriées. Bref, la dimension « jeu de rôle » autorise une nouvelle fois une certaine rejouabilité, chaque classe ayant accès à ses activités propres – même si la classe de guerrier est incontestablement la plus limitée et la plus décevante à ce niveau. Conseil : si vous voulez réellement profiter du jeu, concoctez-vous un voleur capable de lancer des sorts et vous devriez voir et vivre beaucoup plus de choses qu’avec un guerrier certes très doué pour le combat, mais comme on va le voir ceux-ci demeurent de toute façon assez rares dans cet épisode – pour ne pas dire largement facultatifs dès l’instant où vous n’avez pas besoin d’aller récupérer de l’argent ou de monter vos statistiques.

L’essentiel de l’activité de la première partie du jeu consistera donc à apprivoiser la ville de Shapeir, à faire connaissance avec tous ses services, à débusquer les personnages les plus exotiques et les mieux cachés, et à poser les bonnes questions aux bons interlocuteurs lorsque les problèmes vont commencer à apparaître. Car contrairement au premier épisode, qui vous laissait gérer les choses à votre rythme, le tempo est ici en partie dicté par le jeu, avec des élémentaires qui vont commencer à faire leur apparition dans les rues de la ville à partir d’un jour donné, et qui vous demanderont à chaque fois de trouver comment les vaincre dans un délai de deux ou trois jours, faute de quoi la partie ne pourra pas être gagnée.

Une légère pression finalement assez simple à contourner dès l’instant où vous prenez l’habitude de sauvegarder régulièrement – au hasard au début de chaque journée – et qui vous laissera d’autant plus de temps pour monter votre personnage que, comme on l’a déjà mentionné, les combats sont tout aussi facultatifs ici qu’ils l’étaient dans le premier opus – seul le guerrier doit avoirs des affrontements obligatoires, et encore, je n’en ai compté que deux, et ceux-ci étaient d’une facilité confondante. C’est d’ailleurs précisément à ce niveau que Quest for Glory II peine à trouver son équilibre : à chercher à présenter une aventure qui puisse convenir autant aux personnages surentrainés importés du premier opus qu’aux nouveaux venus, le titre échoue à trouver un défi à la mesure de tout le monde.

La conséquence la plus dommageable en est cette obligation de suivre le tempo dicté par le jeu : tant que l’on a des endroits à explorer et des personnages à découvrir, on n’a pas matière à s’ennuyer, mais une fois qu’on commence à attendre que les choses se produisent faute de pouvoir les déclencher, le temps peut commencer à paraître long. En fait, quand on sait à peu près ce qu’on a à faire (et surtout à qui parler pour obtenir les bonnes informations, ce qui risque de tourner systématiquement autour des deux ou trois mêmes personnages), on peut littéralement passer la moitié du jeu à dormir à l’auberge pour faire avancer les événements ! Le pécule avec lequel on commence le jeu est largement suffisant pour acheter tout ce dont on peut avoir besoin sans s’obliger à aller déambuler dans le désert à la recherche de monstres, d’autant que les pilules de soins seront ici largement inutiles précisément parce que les combats le sont aussi.

Conseil : faites plutôt une réserve de dagues chez le forgeron si vous êtes un guerrier ou un voleur. Les énigmes reposent, sur l’essentiel, en la capacité à avoir retenu les informations obtenues lors des dialogues, et on se retrouve donc davantage face à un jeu d’enquête demandant de poser beaucoup de questions que face à la rencontre entre l’aventure et le jeu de rôle qui nous avait été vendue. L’aspect « monde virtuel » a toujours beaucoup de charme, et l’aventure connait de nombreux morceaux de bravoure, mais on ne peut s’empêcher de penser que le titre tend largement à mettre de côté ses compétences et ses statistiques pour nous propulser dans un jeu d’aventure plus traditionnel, ce qui est un peu la négation de sa philosophie. D’ailleurs, les différentes classes n’offrent finalement que peu de nuances dans l’approche du jeu : qu’on ouvre une porte en la crochetant avec un voleur, en la forçant avec un guerrier ou en utilisant la magie avec un lanceur de sorts, le résultat sera fondamentalement le même. C’est pourquoi, en dépit de ses nombreuses améliorations, il est également possible que ce deuxième épisode déçoive précisément ceux qui s’étaient éclatés sur le premier et qui risquent de voir la magie s’effriter en constatant, une fois de plus, que leurs possibilités sont définies par leur classe bien plus que par leurs précieuses compétences et que la montée en puissance et les diverses aptitudes ne servent au final pas à grand chose. Un jeu agréable et intéressant, à coup sûr, mais pas tout à fait celui qui nous avait été promis.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Du côté des fans :

À ceux que la réalisation en EGA et l’interface à la ligne de commande effraieraient, Le studio AGD Interactive, spécialisé dans les remakes des jeux d’aventure Sierra (et en particulier de la série King’s Quest) aura apporté une réponse en 2008, avec un remake de Quest for Glory II en VGA s’inspirant très largement du remake (officiel, celui-là) du premier épisode, et que vous pourrez trouver (gratuitement) à cette adresse. Au menu, et comme pour son modèle, une réalisation intégralement refaite en 256 couleurs, une refonte sonore, une interface à la souris ainsi que des quêtes et dialogues additionnels. Pour faire bonne mesure, il est également possible de garder la possibilité d’entrer les sujets de conversation manuellement, et le joueur aura le choix entre la navigation d’origine et des rues simplifiées pour éviter au néophyte n’ayant pas le plan de la ville sous la main de se perdre. Il est également possible d’automatiser les combats en donnant des instructions à son personnage ; bref, un très bon moyen de dépoussiérer et d’approfondir l’expérience originale sans la dénaturer. Une excellente porte d’entrée pour les nouveaux venus – ou pour ceux qui n’auraient pas envie de revenir à l’ancienne formule après avoir goûté au premier opus dans sa version de 1992.

NOTE FINALE : 15,5/20

Fièrement annoncé dès l'écran de fin du premier opus, Quest for Glory II : Trial by Fire vient prolonger les aventures du héros de Spielburg dans un univers oriental aussi archétypal qu'intrigant. Le système de jeu a gagné en maturité, en profondeur et en confort, à l'image des combats, et tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant... du moins, jusqu'à un certain point. En dépit des nombreuses possibilités offertes aux trois classes – et à l'émergence de possibilités inattendues – on ne peut s'empêcher de penser que l'aspect jeu de rôle reste cruellement sous-exploité et que la montée en puissance des caractéristiques de notre personnage s'affiche davantage comme un moyen de passer le temps en attendant de faire avancer une intrigue inutilement étirée sur plus de deux semaines que comme une réelle nécessité – surtout à partir du moment où les affrontements sont aussi rares. C'est bien simple, avec un héros importé, on peut passer la moitié du jeu à dormir à l'auberge ! Ce problème de rythme est d'autant plus dommageable que le reste fonctionne et donne vraiment envie de poursuivre la saga, en espérant la voir gagner encore en épaisseur et en possibilités. Pas encore tout-à-fait le titre qu'on était en droit d'espérer, mais les amateurs du premier épisode n'auront aucune raison d'hésiter à rempiler.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une navigation en ville contraignante au début du jeu
– Une progression de l'intrigue dans le temps qui fait qu'il n'y a parfois rien d'autre à faire que d'attendre d'être arrivé à la bonne journée
– Une interface (semi) textuelle en bout de course...
– ...et toujours aucune version française

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« L’atout le plus fantastique de QfG II réside sans doute dans la variété et l’originalité des lieux et des personnages. Dès le début, vous entrez dans l’ambiance : vous êtes logés (et nourris) dans l’auberge que tiennent les Kattas, qui ont une dette envers vous (voir l’épisode précédent). Cela vous permet d’assister à une danse du ventre, ou à une séance de poésie avec un sage, et quand vous rentrez le soir, votre hôte vous salue (avec les salamaleks (sic) d’usage). »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 18/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Contrairement à son prédécesseur, Quest for Glory II n’aura eu le droit qu’à une unique portage (et aucun remake officiel), et c’est l’Amiga qui aura eu l’honneur de l’héberger. Comme on pouvait s’y attendre – et comme souvent avec les productions américaines – inutile d’espérer un réel travail d’adaptation : le jeu est une bête transcription du code de la version PC, ce qui signifie que les graphismes en EGA n’ont pas bougé d’un pixel. Côté sonore, sans être tout-à-fait à la hauteur de ce que pouvait offrir une Roland MT-32, la puce Paula s’en sort une nouvelle fois très bien. En revanche, et comme pour le premier opus, sur une configuration standard le jeu est ici considérablement plus lent que sur une configuration PC moyen-de-gamme de l’époque : le personnage avance à deux à l’heure, il y a quinze secondes de chargement entre chaque écran, et le simple fait de faire le vingt mètres qui séparent l’auberge de la place centrale risque ici de vous prendre deux bonnes minutes. traverser la ville à pied doit demander à peu près autant de temps que de traverser le centre-ville de Paris ! Ajoutez-y la joie de composer avec la valse des sept disquettes du jeu, et vous comprendrez pourquoi il vaut mieux éviter de découvrir le jeu sur un Amiga 500, sauf à être d’une patience à toute épreuve. Les choses sont heureusement nettement plus supportables sur un Amiga 1200 doté d’un disque dur, mais mieux vaut bien être conscient de la nature de l’expérience avant de se lancer sur une configuration inférieure.

NOTE FINALE : 15,5/20 (Amiga 1200 ou supérieur) – 13/20 (modèles antérieurs)

Comme son prédécesseurs, Quest for Glory II délivre sur Amiga une prestation quasi-identique à celle livrée sur PC – à condition d’avoir le processeur, la mémoire et le disque dur nécessaires. Sur une configuration moins musclée, le jeu se traîne à un stade où parcourir la moindre rue vous laissera le temps d’aller faire un café. Soyez prévenu.

Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Hero’s Quest : So You Want to Be a Hero (première édition – Amérique du Nord)
Titres alternatifs : Quest for Glory : So You Want to Be a Hero (écran-titre), クエスト・フォー・グローリィ: So You Want to be a Hero (Japon)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STPC-98
Également testé : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1989 (première édition) – 1990 (réédition sous le nom Quest for Glory)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x10) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, IBM Music Feature Card, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, MPU-401 MIDI, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
*640ko requis pour la version PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Un doux rêve aura traversé l’univers du jeu de rôle informatique à peu près depuis ses débuts : celui de fournir, via un ordinateur, une expérience aussi proche que possible de celle qu’on obtenait entre amis autour d’une table. La grande force du concept original de jeux comme Donjons & Dragons ou Tunnels & Trolls, les deux pionniers en la matière, c’était que les règles et l’univers n’étaient qu’un cadre : les joueurs n’avaient aucune limite précise quant aux actions qu’ils pouvaient entreprendre, et qu’ils décident d’aller interroger un modeste paysan ou de forcer une porte, c’était au maître du donjon d’improviser et d’offrir une réponse (de préférence pertinente) à leurs tentatives.

Les possibilités étaient virtuellement illimitées – et l’idée qu’un jeu vidéo puisse les reproduire était aussi grisante qu’irréaliste, les premiers programmes informatiques ayant déjà du mal à gérer toutes les règles sans qu’en plus on leur demande de gérer tout un univers dans quelques kilo-octets de données. Le temps passant – et la technique progressant – les jeux de rôle eurent de plus en plus de latitude pour s’éloigner des simples tableaux de caractéristiques qui les résumaient à leurs débuts : la saga Ultima aura ouvert la porte à une notion d’exploration en monde ouvert et à des dialogues par mots-clefs, Dungeon Master aura représenté une avancée formidable en termes d’immersion. Mais on attendait toujours ce jeu où on aurait l’impression de pouvoir faire un peu ce qu’on veut sans l’ordre qu’on veut et de la façon qui nous convient ; celui où on serait notre propre héros avec nos propres méthodes, quitte à entreprendre des choses stupides juste pour juger des conséquences. Jouer un rôle, littéralement. À ce niveau, on ne mesure peut-être pas assez bien l’impact qu’aura représenté un titre a priori aussi simple que Quest for Glory.

D’emblée, tout est dans le (sous-)titre : Alors comme ça, vous voulez être un héros ? La question semble d’autant plus étrange que non seulement on est toujours, par définition, le « héros » d’un jeu vidéo, mais qu’en plus Quest for Glory s’inscrit ouvertement dans une longue série de sagas d’aventure de Sierra – d’ailleurs toutes définies comme des « quêtes » : King’s Quest, Space Quest, Police Quest… – employant le même moteur et offrant, a priori, à peu près les mêmes possibilités.

Première nouveauté, cependant : c’est à nous qu’il appartiendra de nommer notre protagoniste (lequel sera forcément un homme) ; une première dans un jeu Sierra. Et histoire d’introduire immédiatement la dimension « rôlistique » du jeu, on sélectionnera également sa classe parmi les trois classiques que sont le guerrier, le magicien et le voleur, avant d’aller lui attribuer des points de caractéristiques et de décider de la répartition de ses aptitudes. En effet, notre personnage sera amené à se battre et aura donc des appétences pour le combat, la parade ou l’esquive, mais il pourra également lancer des sorts (même s’il n’est pas magicien), être furtif et crocheter des portes (même s’il n’est pas voleur), escalader des obstacles ou faire usage de précision dans ses lancers. Bref, première anomalie dans un jeu d’aventure traditionnel : notre personnage pourra être amené à réussir ou à rater des actions en fonction de ses capacités, et pas en fonction de ce qui avait été scripté dans le programme. Ce qui signifie également – et c’est là que les choses deviennent d’autant plus intéressantes – qu’il pourra être amené, selon ses compétences, à résoudre une même situation de plusieurs manières. Eh bien vous allez rire, mais cela, en 1989, c’était encore loin d’être courant – surtout dans un genre aussi balisé.

Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est sans doute de débuter la partie. Justement, notre héros (en herbe) arrive dans la petite ville de Spielburg, coupée du monde pour l’hiver à cause d’une avalanche, et qui semble avoir affaire à bien des tracas, à commencer par un groupe particulièrement actif de bandits de grands chemins, une sorcière nommée Baba Yaga, et même une malédiction frappant le baron local et ayant entraîné la disparition de ses deux enfants.

Tout cela, vous allez le découvrir en allant parler au shérif de la ville, à votre arrivée, puis à tous les autres personnages, via un système de dialogue à la ligne de commande qui n’est finalement pas très éloigné de celui qu’on employait déjà dans Ultima IV. Vous vous souvenez de tous les services – l’auberge, le forgeron, le guérisseur, la boutique de magie – auxquels vous aviez accès via une simple liste textuelle dans Sorcellerie ? Eh bien ici, vous allez pouvoir les visiter physiquement, vous entretenir avec les marchands, les questionner quant aux affaires qui agitent la ville, et même parcourir les rues et visiter – à vos risques et périls – la taverne mal famée du coin. Il y a un panneau avec des quêtes, dans la guilde des aventuriers, mais rien ne vous empêche de réveiller le maitre de guilde juste à côté pour lui demander des détails ; autant de choses qui paraissent presque banales aujourd’hui mais en 1989, il n’y avait pas d’Elder Scrolls ou d’Ultima VII pour nous donner le sentiment de vivre ce genre d’épopée comme si on y était, et le jeu de Sierra aura indéniablement fait partie des premiers à avoir installé une passerelle aussi visible et aussi importante entre le jeu de rôle et l’aventure – de quoi rendre les choses un peu plus tangibles et un peu moins austères.

Ceci dit, tout ceci ne serait finalement que de l’habillage un peu vide de sens si les aptitudes de votre personnages se limitaient à des statistiques de combat. Seulement voilà, quitte à être un voleur, par exemple, pourquoi ne pas profiter de l’obscurité (le jour et la nuit sont gérés) pour aller crocheter quelques portes et vous servir dans les maisons locales, histoire de mettre un peu d’argent de côté pour aller acheter le coûteux équipement ou les non moins coûteuses potions de soin du jeu, par exemple ? C’est possible – il y a peut-être même une guilde des voleurs pour ceux qui savent chercher, allez savoir !