Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Version non testée : Macintosh
Disponible sur : Linux, Windows
En vente sur : Gog.com, Steam.com (Linux, Windows)

Les jeux basés sur le moteur MADS (jusqu’à 2000) :

  1. Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender (1992)
  2. Return of the Phantom (1993)
  3. Dragonsphere (1994)
  4. Once Upon a Forest (1995)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Covox Sound Master, Covox Speech Thing, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

MicroProse. Voilà une société à laquelle il faudrait penser, un jour, à consacrer un dossier, tant il y aurait de choses à dire sur la compagnie cofondée par un certain Sid Meier – et qui évoquera bien des souvenirs enrobés de nostalgie aux joueurs de l’ancienne génération.

Songez qu’en 1992, MicroProse avait déjà dix ans. Et, comme cela a déjà été évoqué en ces pages, la compagnie alors principalement connue à l’époque pour ses simulations et ses jeux de stratégie était en train de chercher à sortir un peu de sa zone de confort pour s’attaquer à d’autres des genres-rois de la période : le jeu de rôle et surtout le jeu d’aventure. Dans le premier cas, cela aura donné cette année-là Challenge of the Five Realms et surtout Darklands. Dans le second, c’était l’occasion d’étrenner le moteur pompeusement intitulé Microprose Adventure Development System (ou MADS), qui ne comptera finalement que quatre titres à son actif. Et le premier jeu à en avoir tiré parti est sans doute le plus célèbre : Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender.

L’histoire vous est narrée dans l’introduction visible en ouverture du test : vous êtes (fort logiquement) Rex Nebular, sorte d’aventurier macho du futur très « hansoloesque », de retour de mission pour le commandant Stone, lequel vous a envoyé chercher un vase ancien contre monnaie sonnante et trébuchante. Êtes-vous parvenu à mettre la main sur le fameux artéfact ? C’est ce qu’un Rex de mauvais poil va entreprendre de raconter à Stone, fort courroucé d’une expédition qui aura eu l’occasion de venir à bout de son vaisseau spatial, le Cochon Glissant, et qui, plus grave encore, aura également égratigné sa virilité…

Voilà pour le pitch de départ, qui vous voit donc débuter la partie au fond de l’océan, dans un appareil en ruines, pourchassé par des femmes ayant un sérieux contentieux à régler avec la gent masculine. L’occasion de découvrir une interface très inspirée de celle des production LucasArts de l’époque : une liste de verbes à gauche, un inventaire à droite. Seule absence marquante : pas de verbe « utiliser » au menu. Et pour cause, chacun des (très nombreux) objets en votre possession profitera de sa propre liste d’actions, comptant généralement au moins une action absurde (si vous ramassez un bras tranché, ne soyez donc pas surpris que le jeu vous propose de lui serrer la main). Un très bon moyen d’aborder deux éléments clés du jeu : sa tonalité et son humour.

L’interface a beau emprunter à LucasArts, difficile de ne pas immédiatement penser à l’autre compagnie maîtresse des jeux d’aventure de l’époque, Sierra On-Line, en lançant le jeu. Qu’il s’agisse de l’esthétique VGA très fouillée où on sent que le pixel art a rapidement cédé devant un scanner et une application 3D, ou des grands pavés descriptifs accompagnant la moindre des actions du jeu, comment ne pas immédiatement penser à Space Quest (qui s’apprêtait alors à publier son cinquième épisode) et ne pas trouver à Rex de faux airs de Roger Wilco ?

Dès les premiers plans sur le cockpit de votre vaisseau dans lequel on pourra distinguer, pêle-mêle, des dés pendus au rétroviseur, une cheminée, une voiture radiocommandée ou un panier de basket au-dessus d’une corbeille à papier, on comprend rapidement que le titre de Kenn Nishiuye ne se prend pas trop au sérieux. Autant le dire tout de suite : l’aventure vous mettant aux prises avec une planète intégralement dominée par les femmes aurait largement pu être imaginé par Mark Crowe, Scott Murphy et Al Lowe, tant leur influence semble prégnante à chaque écran du jeu. Al Lowe ? Eh oui car, thématique oblige, le jeu fait également appel – à très faible dose – à un érotisme léger qui oblige d’ailleurs le jeu à proposer une option afin de censurer les rares scènes salaces, au cas où vous seriez dangereusement émoustillé par la vue d’une paire de seins de trois pixels de large.

L’humour, quant à lui, repose principalement sur deux mécanismes : de longues descriptions textuelles, comme on l’a vu, proposant souvent un côté décalé assez mordant, et le décalage entre votre macho d’aventurier et le monde féminisé dans lequel il évolue. Autant dire que sans une solide maîtrise de l’anglais écrit, vous risquez de vous ennuyer ferme, tant le jeu n’a que rarement recours à des gags visuels – et tant ceux-ci font rarement mouche. Un reproche qu’on pourra d’ailleurs appliquer à la quasi-totalité du jeu, hélas.

À chercher à louvoyer quelque part entre Space Quest, Leisure Suit Larry et Maniac Mansion, il arrive en effet assez souvent que ce Rex Nebular s’égare en route. Le jeu, très ardu dans son ensemble (il propose heureusement trois modes de difficulté), semble chercher sa philosophie en même temps que son récit pendant la plus grande partie de l’aventure. Alors qu’on s’attend à évoluer au contact d’une société dominée par les femmes pendant l’essentiel de l’aventure, cet aspect n’occupe finalement qu’une place assez mineure de l’histoire, vous invitant à passer un bon quart du jeu à la surface d’une planète lambda où il n’y a rien à voir, un autre quart dans des couloirs tous semblables où les interactions avec les femmes sont extrêmement limitées à tous les niveaux, et enfin une moitié dans « Machopolis », une ville autrefois habitée par les hommes et désormais… totalement désertée !

Résultat : alors qu’on s’attendait à enchainer des dialogues hilarants et des situations ubuesques, bien encouragé par la promesse du « changeur de sexe » (gender-bender) du titre, on se retrouve au final avec de vagues séquences beaufisantes de type « les femmes veulent être indépendantes mais elles rêvent en secret d’un mâle pour les fertiliser, lol » et autres références hyper-datées qui font qu’on a bien du mal à s’attacher à un univers qui n’a aucune profondeur et, pour tout dire, pratiquement aucune idée.

D’autant que, plutôt que de tomber dans la farce et d’accepter de verser ouvertement dans la caricature, le titre passe son temps à chercher à se donner un côté adulte, avec son érotisme cheap d’un côté mais aussi avec des séquences de gore qui semblent totalement hors de propos dans un programme qui ne sait jamais s’il doit évoluer au premier, au deuxième ou au troisième degré. Écueil assez parlant à ce niveau, le jeu s’obstine jusqu’au bout à s’accrocher à la quête la plus insignifiante qui soit dans un univers de guerre des sexes : trouver ce foutu vase n’ayant absolument aucun lien avec le reste de l’intrigue. On se retrouve au final avec un titre qui fait penser à Martian Memorandum, avec un humour à peine plus fin, mais avec un univers et une enquête nettement moins travaillés.

Si ceux espérant se payer une bonne tranche de rigolade en s’essayant au jeu feraient bien de visionner en préambule quelques extraits du titre afin d’éviter une douche froide, les amateurs de défi relevé, eux, devraient passer un bien meilleur moment, à condition d’apprécier à la fois les énigmes corsées et légèrement fastidieuses (ah, la composition d’explosifs, ah, les piles à recharger, ah, les lasers à détourner…) ainsi qu’une bonne dose de chasse au pixel dans un environnement qui ne vous affiche jamais aucune information en promenant votre curseur : il faudra cliquer partout.

On meurt également souvent mais, pas de panique, le programme vous renvoie alors immédiatement à l’écran précédent. On regrettera en revanche que le jeu ne rebondisse jamais sur le fait que l’histoire est racontée à la première personne : Stone pourrait réagir au fait que vous lui racontiez votre mort alors que vous êtes en fait piqué juste devant lui (le genre de détail auquel avait pensé Monkey Island 2, par exemple) ; mais non, rien n’est prévu pour vous rappeler le point de départ du récit. Si, en dépit de tous ces reproches, Rex Nebular n’est pas à proprement parler un mauvais jeu, il ressemble plus à une promesse déçue, à un titre qui aurait pu être beaucoup d’autres choses mieux pensées et infiniment plus intéressantes à condition d’un game design mieux arrêté et d’une philosophie plus réfléchie.

Même la réalisation a perdu énormément de son charme, la plupart de ses digitalisations baveuses soutenant souvent très mal la comparaison avec des chef d’œuvre du pixel art comme The Legend of Kyrandia, paru la même année. Et quand on voit les monuments comme Day of the Tentacle qui s’apprêtaient à débarquer, en plein âge d’or du genre, on n’est au final pas très surpris que ce Rex Nebular ait quelque peu glissé dans l’oubli, ni que MicroProse n’ait jamais vraiment réussi à se faire un nom dans un domaine où la compagnie américaine avait manifestement pris le train avec un peu de retard. Reste un jeu qui parlera principalement aux nostalgiques et aux joueurs les plus avides de découvrir cette fameuse grande période du jeu d’aventure.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 (Tilt n°109, décembre 1992) – Meilleur jeu d’aventure Micro

NOTE FINALE : 14/20 Pour son entrée dans le monde du point-and-click, MicroProse aura décidé de composer avec des ingrédients éprouvés : une dose de LucasArts, un gros morceau de Space Quest, une pincée de Leisure Suit Larry... Le résultat est ce Rex Nebular imparfait dont l'intrigue à base de guerre des sexes est finalement dramatiquement sous-exploitée, n'offrant que des poncifs rebattus et accusant un gros coup de vieux sans jamais oser verser franchement dans la folie douce qu'elle laissait espérer. Dans un univers qui manque trop de personnalité pour marquer durablement les esprits, on pourra se laisser porter par un humour parfois plus fin qu'il n'en a l'air, mais reposant intégralement sur une bonne connaissance de l'anglais. Une balade souvent éprouvante qui pourra se montrer sympathique sur la durée, mais qui risque hélas de laisser pas mal de monde sur le bas côté. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un humour reposant beaucoup sur le texte et qui impose de bien maîtriser l'anglais... – ...et un côté beauf, heureusement à petites doses, mais qui peine franchement à faire sourire – Un univers qui sonne creux et auquel on ne s'attache pas – Une réalisation assez froide très loin de rivaliser avec les meilleurs titres de la période – Très difficile – Beaucoup d'allées-et-venues entrecoupées de cinématiques impossibles à passer dans la deuxième moitié du jeu

Les avis de l’époque :

« Le scénario combine magistralement science-fiction et humour décapant, sans tomber à aucun moment dans la vulgarité. L’intrigue est très bien menée et les énigmes demandent plus que jamais de la réflexion. […] Un chef d’œuvre qui n’a pas volé son Tilt d’or, même face au tout récent King’s Quest VI de Sierra. »

Thomas Alexandre, Tilt n°109, décembre 1992

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