Développeur : Mike Singleton Éditeur : Beyond Software Testé sur :ZX Spectrum – Amstrad CPC – Commodore 64 Disponible sur : Android, Blackberry, iPad, iPhone, Macintosh, Windows, ZX Spectrum Next Téléchargeable gratuitement sur :Gog.com (Windows), Google Play (Android) Le site officiel du jeu :The Lords of Midnight
La série Lords of Midnight (jusqu’à 2000) :
The Lords of Midnight (1984)
Doomdark’s Revenge (1984)
Mike Singleton’s Lords of Midnight (1995)
Version ZX Spectrum
Date de sortie : Mai 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 48k
Configuration minimale : RAM : 48ko
On a beau être un joueur informatique depuis près de trente-cinq ans, s’être essayé à des milliers de titres et jouir d’une certaine forme de curiosité (et par extension de culture) vidéoludique, on découvre malgré tout encore des choses. Comme toutes les passions, l’univers vidéoludique porte en lui cette force d’être fondamentalement inépuisable, ne fut-ce que par l’étendue considérable de machines et de titres qui le composent. Inutile de le nier : on a tous des lacunes, des systèmes qu’on maîtrise moins que d’autres, et la plupart des ordinateurs 8 bits entrent à n’en pas douter dans cette catégorie en ce qui me concerne ; avant de lancer ce site, je n’avais pour ainsi dire jamais eu l’occasion de poser les doigts sur un Commodore 64 ou un ZX Spectrum, même si j’avais déjà vu tourner leurs jeux.
Certains héros sont fait pour recruter, d’autres pour explorer des endroits plus exotiques
L’avantage de l’inconnu, c’est qu’il peut nous surprendre, et nous permettre d’exhumer occasionnellement des bijoux à la Project Firestart qui méritent objectivement d’être remis en lumière au XXIe siècle. Alors quand deux vieux briscards comme Laurent Cluzel et Olivier Scamps m’ont tous les deux cité, parmi la liste des jeux qui les avaient marqués, un titre sur ZX Spectrum dont je n’avais jamais entendu parler, vous comprendrez que ma curiosité ait été piquée. Il était temps d’aller découvrir ce fameux The Lords of Midnight programmé par un certain Mike Singleton et qui aura tellement marqué les esprits à sa sortie, le bougre, qu’il a encore un site internet à son nom, des versions distribuées gratuitement sur les système modernes, et même des gens qui rêvent encore de lui offrir une suite. L’occasion de se pencher sur l’histoire de Luxor, Morkin, Corleth et Rorthron et sur le destin du monde de Midnight…
Visiter un monde à la première personne sur ZX Spectrum. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait »
Le scénario détaillé sur pas moins d’une quinzaine de pages dans le manuel du jeu vous évoquera en grand détails l’éveil de l’être maléfique appelé Doomdark au sein de sa citadelle d’Ushgarak, dans les royaumes du nord, et la quête de quatre héros pour chercher à le vaincre, que ce soit en lui faisant face militairement ou en parvenant à détruire la couronne de glace, siège de tous ses pouvoirs. Pour ceux qui souhaiteraient connaître l’essentiel des tenants et des aboutissants, autant le dire d’emblée : vous connaissez probablement toute l’histoire du jeu dès l’instant où vous êtes familier avec celle du Seigneur des Anneaux ; remplacez Sauron par Doomsdark, Aragorn par un prince nommé Luxor Moonlight, Frodon par Morkin, fils de Luxor, l’anneau unique par la couronne de glace et la montagne du destin par… la tour du destin et vous devriez immédiatement vous sentir en terrain connu.
Se reposer à un lac régénèrera vos troupes, mais attention : cela ne fonctionne qu’une seule fois par lac et pour toutes vos armées…
Histoire de compléter le tableau, remplacez les elfes par des « fey » et Gandalf le Gris par un sage appelé Rorthron visiblement assez puissant pour faire face à des dragons, et vous comprendrez pourquoi les joueurs de cette lointaine époque (1984 !) où la fantasy était encore considérée comme un genre de niche réservé à une poignée d’excentriques boutonneux pouvaient être aux anges. Ceci dit, Tolkien était déjà une source particulièrement en vogue dans tous les jeux de rôle de la période (bien que son œuvre majeure, elle, n’ait alors pas encore été adaptée en jeu, contrairement au roman Bilbo le Hobbit), on se doute que ce n’est donc pas là que réside la principale trouvaille de The Lords of Midnight. De fait, l’une des premières incongruité du titre est…de ne pas être un jeu de rôle – du moins pas au sens classique du terme, à savoir avec des statistiques et des points d’expérience dans tous les sens. Et ce qu’il sera exactement dépendra en fait en grande partie de la façon dont vous déciderez d’y jouer…
Tous les événements – ici, une bataille – vous seront présentés via des pavés de texte
Comme le scénario détaillé plus haut vous l’aura déjà fait comprendre, il existe deux moyens de triompher du jeu – et cela est clairement établi dans le manuel. La première, souvent vue comme la plus riche et la plus complexe, sera de parvenir à recruter des seigneurs de guerre à l’aide de vos héros, d’aller de citadelle en forteresse pour y lever des troupes, et de faire face aux armées de Doomdark venues du nord avant qu’elles ne mettent le royaume à feu et à sang (ou même après, l’important étant surtout de parvenir à les vaincre).
Une mort tragique qui véhicule une information importante : Corleth n’est pas un guerrier
Dans cette approche, The Lords of Midnight prend alors la forme d’un jeu de stratégie où vous jouerez principalement contre la montre : l’idée sera moins de faire preuve de génie militaire que de parvenir à lever un maximum de troupes en un minimum de temps pour faire face aux armées de Doomdark, avant d’aller porter le combat dans les terres du nord, jusqu’à Ushgarak. Une tâche compliquée par le fait que les troupes subiront une peur croissante causée par la couronne de glace au fur et à mesure de leur avance vers le nord – peur à laquelle seul Morkin est immunisé. Ce qui fait donc naturellement de lui la clé de la deuxième approche : partir seul et sans armée dans les royaumes du nord, se faufiler jusqu’à la tour du destin en se cachant lorsque c’est nécessaire, et parvenir à détruire la couronne de glace. La bonne nouvelle étant que strictement rien ne vous interdit de jouer sur les deux tableaux à la fois, et que quel que soit le destin de vos armées et de votre campagne militaire, le jeu n’est pas fini (ni perdu !) tant que Morkin est encore en vie. Un bon moyen de s’accrocher à une quête désespérée lorsque tout semble perdu… ce qui dénote déjà d’une intelligence indéniable dans le game design et dans la façon d’impliquer le joueur.
Les armées ennemies sont visibles sur la carte – et ici, comme on peut le voir, elles sont très nombreuses !
Partant de ce principe, le titre aurait pu opter pour le choix le plus évident en se présentant par le biais d’une carte vue de dessus avec des cases ou des hexagones et en nous demandant d’y déplacer des unités – quoi de plus logique, au fond ? Seulement voilà, la véritable idée de génie de Mike Singleton, c’est de n’avoir jamais perdu de vue un élément vital à une époque où la technique ne pouvait pas tout (et pouvait même assez peu) : l’immersion. Partant de cette évidence, et plutôt que de vous présenter un conflit abstrait avec la froide distance analytique d’un général penché sur sa carte d’état-major, le titre vous propose donc de vivre l’épopée… à la première personne, en passant d’un personnage à un autre.
Avec Luxor, le principe sera d’aller de place forte en place forte pour recruter tout ce que vous pourrez
D’une simple pression d’une touche sur le clavier, il est en effet possible de changer de héros : selon un mécanisme très malin, vos troupes ne peuvent se déplacer que de jours alors que les armées adverses ne progressent, elles, que la nuit. Votre objectif sera donc de couvrir un maximum de terrain pendant la journée pour aller rencontrer des chefs militaires, visiter des ruines, des citadelles, des tours, des villages, trouver de l’équipement magique, lever des troupes – et prendre le contrôle de tout vos leaders nouvellement recrutés grâce à l’anneau porté par Luxor (ce qui signifie également que vous ne contrôleriez plus que Morkin si Luxor venait à mourir). Et le mieux, c’est que vous ferez cette exploration… via une vue en simili-3D, où vous pourrez apercevoir les villes, les forêts, les collines, les grottes et les montagnes à plusieurs kilomètres de distance. 32000 écrans au total. Sur une cassette contenant quelques dizaines de kilo-octets de données, tournant sur un système à 48ko de mémoire. Vous commencez à comprendre la claque que cela représentait à l’époque ?
La nuit signifiera la fin de votre tour, assurez-vous donc au préalable d’avoir déplacé tous vos hommes
De fait, vous allez rapidement comprendre – le temps de dompter une interface assez intimidante qui vous demandera quasi-obligatoirement de passer par le manuel, sauf à avoir la carte clavier fournie avec le jeu – que The Lords of Midnight n’est en fait ni tout à fait un jeu de stratégie ni réellement un jeu d’aventure. Vous ne prenez jamais aucune décision tactique : les affrontements se déroulent automatiquement et se décident en fonction de la puissance des armées opposées, de la fatigue et de la peur de vos troupes et de la puissance du héros qui les mène – et les statistiques en elles-mêmes ne sont jamais présentées sous forme de chiffres mais plutôt grâce à des descriptions, autant dire de quoi faire hurler les habitués des jeux de stratégie classiques.
Si vous êtes efficace, vous contrôlerez rapidement beaucoup plus de monde qu’au début du jeu
La clé du gameplay est en fait surtout de savoir où aller et quand, en optimisant au maximum ses routes pour pouvoir lever un maximum de troupes en un minimum de temps – ou, a minima, trouver une route à peu près sûre pour mener Morkin jusqu’au cœur du territoire ennemi. Autant dire que lancer vos héros aux quatre vents et au hasard est statistiquement voué à l’échec, et que la carte fournie avec le titre ne vous donnant que des directions assez vagues, le mieux sera sans doute de cartographier avec précision tout l’univers du jeu, quitte à utiliser ce qui vous passe sous la main en guise de pion pour représenter vos divers héros et ainsi vous souvenir où ils se situent ! C’est réellement dans cette dimension « exploration d’un monde ouvert à la première personne » – longtemps, très longtemps avant des programmes comme Arena – que le titre, qui repose autrement sur des mécanismes assez simples (avoir plus d’hommes que l’ennemi), a le mieux vieilli et peut encore se montrer réellement prenant : pour vaincre Doomdark, vous devrez finalement faire comme vos héros et apprendre à connaître le royaume comme votre poche. Un principe basique, mais qui sait en tous cas se montrer toujours aussi efficace.
Une citadelle puissante, avec devant elle un seigneur à recruter : champagne !
Car pour le reste, les barrières sont nombreuses : on a déjà parlé de l’interface qui risque de vous demander un peu de temps pour la dompter, on pourrait également soulever quelques mécanismes trop flous : on ne sait jamais trop s’il vaut mieux avoir deux armées côte-à-côté ou présentes sur la même case, si les hommes sont plus efficaces placés en garnison dans une forteresse ou sous les ordres des héros stationnés dans cette même forteresse, on ne connait jamais vraiment les effets de la peur, tout comme on peut souvent perdre un héros faute de savoir ses capacités réelles lors des premières parties (conseil : si Rorthron et Luxor savent se défendre, parfois face à des ennemis redoutables, évitez d’envoyer Morkin ou Corleth au milieu des loups ou des trolls de glace).
Un héros de plus, l’occasion de couvrir davantage de terrain
Bref, on doit composer avec une caractéristique récurrente des titres de la période qui a assez mal vieilli aujourd’hui : constamment avancer au jugé. Mais on peut aussi prendre cet aspect essai/erreur comme un mécanisme à part entière, apprendre à connaître les forces et les faiblesses de nos personnages, et recommencer une dixième, une centième partie pour apprendre à domestiquer le monde de Midnight, à le faire nôtre et à le parcourir comme on parcourrait un endroit qui nous est familier. Comme souvent, c’est en acceptant d’y consacrer du temps, de se laisser prendre au jeu et de laisser l’imagination prendre le pas sur la froide logique que The Lords of Midnight dévoile toutes ses qualités. Et qu’on se retrouve une nouvelle fois, à une heure avancée de la nuit, avec une carte, un carnet et un stylo, à se rêver au milieu d’un autre monde pour s’atteler à le sauver. Une magie très présente dans les titres de la période, et qui a un peu disparu depuis. C’est peut-être là, au fond, une des raisons fondamentales de notre nostalgie, non ?
Vidéo – Dix minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13/20The Lords of Midnight, c'est un peu le condensé de tout ce qui pouvait faire rêver un joueur en 1984 : un scénario plus qu'inspiré du Seigneur des Anneaux, un jeu de stratégie où l'on court contre la montre, une aventure épique dans un monde gigantesque qu'on visite à la première personne en fausse 3D... et le tout dans un programme de quelques kilo-octets. Pas étonnant que tous les vieux briscards lui vouent un culte : c'est typiquement un de ces logiciels qui parviennent à nous faire oublier toutes les limitations techniques d'une époque où elles étaient pourtant colossales. Entre son interface entièrement au clavier, son background imposant et ses mécanismes finalement extrêmement basiques, le titre de Mike Singleton demandera au joueur actuel une période d'environ une heure pour espérer le dompter et comprendre les véritables enjeux du gameplay. Mais une fois ses marques prises, on se découvre à cartographier le monde de Midnight case par case, à optimiser ses routes, à recruter ses armées, à trouver comment guider Morkin jusqu'à la couronne de glace... et ça marche. Si vous avez envie de redécouvrir ces nuits où l'imagination nous portait dans des univers lointains à écrire la légende, les exploits comme les tragédies de nos héros, laissez à Lords of Midnight le temps de vous conquérir. Ce type de magie est devenu trop rare pour accepter de le bouder.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des mécanismes finalement extrêmement simples...
– ...Surtout si on choisit de s'en tenir à l'épopée de Morkin
– Une interface contre-intuitive, surtout si vous n'avez pas la carte clavier sous la main
– Aucune indication sur les chances de remporter un combat...
– ...et quelques ratés notables dans la gestion de la fatigue ou de la peur glaciale
– Un silence de mort pendant toute la partie
Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Lords of Midnight sur un écran cathodique :
Version Amstrad CPC
Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Amsoft
Date de sortie : Octobre 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
L’ambiance est plus sombre, mais ça a aussi son charme
Fort de son succès critique et commercial, The Lords of Midnight n’aura évidemment pas mis longtemps à poursuivre sa carrière sur les autres systèmes 8 bits, avec des adaptations minimales, pour ne pas dire inexistantes. Premier exemple avec cette version CPC, publiée à peine quelques mois après l’originale, et qui ne prend pour ainsi dire aucun risque : à quelques nuances près dans les teintes employées, les graphismes sont identiques (dommage que les couleurs choisies soient plus sombres), l’interface n’a pas changé d’un iota, et il n’y a toujours pas l’ombre d’un bruitage ou d’un thème musical. Autant dire que dans un jeu ne reposant de toute façon pas directement sur la qualité de sa réalisation, difficile de trouver une raison objective de préférer une version plutôt qu’une autre. Au moins n’aurez-vous aucune raison de vous détourner du CPC si jamais vous cherchez à découvrir le jeu.
NOTE FINALE : 13/20
Aucune surprise, ni bonne ni mauvaise, en lançant The Lords of Midnight sur Amstrad CPC : c’est exactement le même jeu que sur ZX Spectrum, avec des teintes un peu plus sombres pour les graphismes.
Version Commodore 64
Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Beyond Software
Date de sortie : 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko
On ne peut pas dire qu’on sente un gros bouleversement du côté des graphismes
Dernier passage sur les ordinateurs 8 bits, The Lords of Midnight aura donc terminé sa course sur Commodore 64 avant de connaître une très, très longue parenthèse. Une nouvelle fois, les nouveautés ne seront clairement pas à aller chercher du côté de la réalisation, pratiquement identique à celle du ZX Spectrum, au détail près que l’affichage de chaque écran prend désormais un très court temps de chargement qui n’était pas présent (ou alors de façon à peine apparente) sur la machine de Sinclair. Toujours aucun son, ce qui est un peu dommage sur un Commodore 64. En revanche, l’interface a été repensée, ce qui risque de perturber ceux qui connaissaient l’ancienne plutôt qu’autre chose : on avance désormais avec la barre d’espace, et la plupart des actions ont été déplacées vers les touches numériques ou les touches de fonction. Non, on ne peut pas se déplacer au joystick. Pour le reste, on est toujours exactement en terrain connu, ce qui n’est peut-être pas plus mal.
NOTE FINALE : 13/20
Les très rares nouveautés de cette itération de The Lords of Midnight sur Commodore 64 seront principalement à chercher du côté de son interface plus que de sa réalisation, où le programme reste parfaitement fidèle à la version originale, juste que dans son absence totale de musique ou de bruitage.
Développeur : Toys for Bob Inc. Éditeur : Sony Computer Entertainment Europe Ltd. Titre alternatif :マジカルホッパーズ (Magical Hoppers, Japon) Testé sur :PlayStation – PC (Windows 9x) – Saturn Version non testée : N-Gage Disponible sur : BREW, iPhone, PlayStation 3, PSP, PS Vita, Windows XP, Vista, 7, 8 En vente sur :GOG.com (Windows)
La série Pandemonium (jusqu’à 2000) :
Pandemonium! (1996)
Pandemonium 2 (1997)
Version PlayStation
Date de sortie : 31 octobre 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
L’affirmation pourra surprendre les habitués des graphismes en 4K ayant grandi avec un pad analogique entre les mains, mais le passage massif à la 3D opéré dans la deuxième moitié des années 90 n’aura pas nécessairement été facile pour tout le monde, même du côté des joueurs.
Il est temps d’aller rattraper vos bêtises!
Outre l’aspect esthétique qui avait plutôt reculé face à ce que proposait l’âge d’or du pixel art dès l’instant où on n’était pas fasciné par les polygones et les textures baveuses, l’inclusion d’une troisième dimension dans la jouabilité offrait certes de nouvelles possibilités… lesquelles étaient également synonymes de maniabilité certes plus riche, mais aussi plus complexe. Et si les Mario 64 ou les Tomb Raider auront ouvert la voie pour démontrer ce qu’il était possible d’apporter via la 3D, il ne faudrait pas oublier non plus les nombreux avatars du pire, à la Bubsy 3D, qui expliquent sans doute en partie un désamour croissant du public vis-à-vis du jeu de plateforme, pourtant genre roi quelques années plus tôt. Il faut dire que contrôler un personnage sur deux axes, c’est une chose, mais se soucier soudain de retrouver son chemin dans des environnements nettement plus ouverts, avec des sauts plus délicats à jauger, en devant en plus se préoccuper d’une caméra que le programme avait souvent bien du mal à gérer pour vous, cela demandait de repenser tout le game design, exercice auquel même les plus grands auront parfois lamentablement échoué à de nombreuses reprises (coucou, Sonic).
Rien ne vaut la 2D en 3D !
Face à cet épineux problème, certains auront décidé d’apporter une réponse plus maligne qu’elle n’en a l’air : partant du postulat qu’un jeu en 3D ne signifiait pas nécessairement un gameplay en 3D, ils auront donc tout simplement transposé un gameplay 2D dans un environnement 3D.
Les niveaux bonus ne sont vraiment pas évidents
L’un des premiers exemples marquants en date en aura ainsi été fourni par le Crash Bandicoot de Naughty Dog, mais la compagnie américaine n’avait visiblement pas été la seule à plancher sur l’idée, puisque moins de deux mois plus tard débarquait Pandemonium!, un titre reposant sur une idée similaire : un jeu en 3D avec une jouabilité 2D, ce qui aura poussé les érudits de la chose à parler de « 2,5D » (terme également utilisé pour les beat-them-all, lesquels proposaient une gestion de la troisième dimension dans un jeu 2D mais vous aurez compris l’idée). Deux gros succès ayant chacun engendré au moins une suite, preuve que le concept, au fond, était loin d’être idiot.
Le jeu n’hésite pas à vous faire emprunter des chemins tarabiscotés, après tout, où est le problème ?
L’introduction visible en ouverture du test vous résumera parfaitement l’enjeu : alors qu’ils étaient en train de faire mumuse avec un grimoire magique, Nikki l’acrobate et Fargus le bouffon auront fatalement fini par faire une grosse bêtise, invoquant une créature ancienne qui aura purement et simplement gobé la ville dans laquelle ils vivaient sans autre forme de procès.
On appréciera la variété des environnements
Le monde étant heureusement bien fait, une solution existe : elle demandera tout simplement de partir en quête d’une machine à vœux histoire de réparer leur bourde, excellent prétexte pour une épopée qui verra nos deux héros traverser pas moins de dix-neuf niveaux (quand même !) avant d’atteindre enfin leur salut. Une épopée qu’ils accompliront de la plus vieille façon qui soit : en avançant vers la droite et en sautant… sauf que « la droite », comme dirait Perceval, c’est relatif, et que le titre va donc profiter de la 3D pour placer le jeu sur des « rails » qui autoriseront les chemins les plus tarabiscotés sans avoir à vous soucier de la manière de les parcourir. Un bon moyen de tirer parti des capacités de la PlayStation sans avoir à réinventer un gameplay qui avait fait ses preuves depuis déjà plus de dix ans.
Transformé en rhinocéros, je vais en profiter pour aller me faire respecter un peu !
Avant chaque niveau, vous pourrez choisir votre personnage entre Nikki et Fargus, chacun ayant sa petite particularité : là où la jeune femme pourra effectuer un double saut histoire d’atteindre des endroit inaccessibles à son compère, celui-ci pourra effectuer une roue qui lui servira d’attaque au corps-à-corps.
Tous les grands classiques sont là
Le principe du jeu est on ne peut plus clair : atteindre la sortie, en s’attelant au passage à collecter des symboles évoquant un peu les pièces de Super Mario, et qui auront à la fois le mérite de vous offrir une vie supplémentaire après en avoir collecté 300 mais aussi et surtout de vous ouvrir l’accès à un niveau bonus si vous en avez ramassé suffisamment. Les power-up sont autrement assez rares : en-dehors de divers types de projectiles qui vous permettront de vous débarrasser des ennemis à distance et de l’inévitable bonus de soin, on remarquera qu’il faudra composer avec deux points de vie pendant l’ensemble de la partie, et il sera occasionnellement possible (et même obligatoire) de se transformer en animal (tortue, rhinocéros ou même dragon !) histoire de varier un peu les choses. Par trois reprises, il faudra également faire face à un boss dans un niveau dédié, qui prendra alors la forme d’un environnement en anneau où vous devrez comprendre comment atteindre le boss avant d’espérer le vaincre.
Les boss laissent assez peu de place à l’erreur
Le gros argument de vente du jeu, comme on l’a vu, c’était de proposer une maniabilité classique dans un environnement à la pointe de la 3D. À ce niveau-là, Pandemonium! peut indéniablement prétendre réconcilier les nostalgiques de l’ère 16 bits qui n’auront jamais vu l’intérêt d’ajouter une troisième dimension à un gameplay qui avait fait ses preuves et les amateurs enjoués de ce que la PlayStation pouvait offrir en termes de graphismes.
Les choses se compliquent rapidement
Assurément, la réalisation est très réussie, avec des décors variés, des arrière-plans parfois franchement magnifiques, des éclairages colorés, des effets de transparence, une musique CD pour l’accompagnement – bref, un écrin avec suffisamment de charme pour qu’il ait finalement très bien vieilli. Les captures d’écran pourront vous donner une petite idée du rendu, le mieux étant que le tout tourne sans l’ombre d’un ralentissement ou d’un glitch graphique quelles que soient les circonstances. Mine de rien, le fait de pouvoir enfin tordre un peu le cou à la pure 2D et de voir nos héros emprunter des escaliers en spirale ou des chemins qui s’entrecroisent sans que cela ne pose jamais question en terme de maniement a quelque chose d’indéniablement rafraîchissant, et on parvient à avoir le sentiment de redécouvrir de façon originale des mécanismes qui sont finalement ceux qu’on avait alors toujours connu lors des générations précédentes. Bref, parfois, il ne faut pas grand chose pour dépoussiérer un peu un concept qui avait pourtant eu de très nombreuses années pour faire ses preuves.
Même au milieu des nuages, tout le monde déteste Fargus
En revanche, on peut aussi être amené à penser, surtout après une ou deux heures de jeu, que le dépoussiérage en question aurait peut-être mérité d’être effectué un peu plus en profondeur. Si Pandemonium! est indéniablement agréable à jouer et à parcourir, il n’est pas toujours irréprochable : entre des masques de collision capricieux et une inertie un tantinet énervante, on s’agace parfois de mourir pour de mauvaises raisons, en particulier lorsque notre personnage ne saute pas au moment où on le lui demande dans des séquences exigeant un timing proprement irréprochable.
L’accueil n’est pas terrible, dans le coin !
Surtout, la caméra a une fâcheuse tendance à rester un peu trop près de nos héros, lesquels n’hésitent pas à s’élancer à toute vitesse, ce qui fait qu’on n’a souvent qu’un centième de seconde pour espérer anticiper ce qui se passe à l’écran – quand on n’est pas purement et simplement obligé de procéder à des sauts « à l’aveugle » nous amenant à aller trépasser bêtement pour être entré en collision avec un adversaire ou un obstacle qu’on n’avait tout simplement aucun moyen de voir au moment de l’impulsion. Le jeu devenant relativement exigeant dans sa deuxième moitié, il tend à basculer un peu trop dans le camp du die-and-retry que la présence d’un mot de passe à la fin de chaque niveau rend heureusement un peu plus tolérable.
Petite séquence shoot-them-up
Une sauvegarde sur la carte mémoire aurait d’ailleurs été au moins aussi pratique, mais enfin passons. Le fait est qu’à force de ronronner sans se renouveler et de ne prendre aucun risque, le gameplay finit fatalement par s’essouffler un peu et par s’avérer un peu trop limité et un peu trop répétitif pour son propre bien. Du coup, faute de réelles surprises, on surmonte les embûches en pilotage automatique jusqu’à ce que l’on parvienne enfin à aller faire notre vœu, où jusqu’à ce qu’on estime qu’en fait, quitte à jouer en 2D, il y avait de toute façon de meilleurs titres dans le genre, y compris sur la même génération, et ce n’est pas Rayman qui viendra me dire le contraire. Bref, une escapade sympathique à laquelle certains joueurs seront même tentés de revenir, mais sans doute pas le premier jeu de plateforme sur lequel vous jeter aujourd’hui.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Vous n'avez jamais réellement accroché aux jeux de plateforme en 3D ? Vous regrettez des temps plus simples où on pouvait jouer avec deux boutons sans avoir à se soucier de la profondeur ou du placement de cette maudite caméra ? Alors Pandemonium! est sans doute fait pour vous ! En nous lâchant dans un univers en 3D avec une maniabilité en 2D, le titre de Toys for Bob a la bonne idée d'en rester aux fondamentaux dans ce qu'ils ont de plus efficaces, sans pour autant nous priver des polygones, des éclairages colorés et des chemins tarabiscotés permis par la troisième dimension. Et ça marche ! Cette « 2,5D » donne au programme un cachet très particulier, permet de jouer avec les points de vue et la mise en scène sans (presque) jamais alourdir le maniement, et de composer avec un gameplay finalement extrêmement classique mais hélas pas toujours irréprochable tout en donnant le sentiment de sortir un peu des clous. Bref, si on n'est jamais réellement estomaqué ni surpris par les aventures de Nikki et Fargus, et si on peste que celles-ci s'essoufflent un peu sur la durée, on reste heureux globalement de les accompagner dans leur quête, en regrettant juste que celle-ci ne prenne pas un tout petit peu plus de risques.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un angle original, mais un déroulement sans la moindre idée neuve
– Des masques de collision pas toujours irréprochables
– Une caméra parfois trop près de l'action interdisant d'anticiper ce qui va se produire et faisant basculer le jeu dans le die-and-retry
– Une difficulté franchement frustrante sur la toute fin
– Des boss pas très inspirés
– Quitte à avoir deux personnages, un mode deux joueurs aurait été le bienvenu
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Pandemonium! sur un écran cathodique :
Version PC (Windows 9x)
Développeur : Toys for Bob Inc.
Éditeur : BMG Interactive Entertainment
Date de sortie : Mai 1997
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10 avec nGlide
Fort de son succès sur PlayStation, Pandemonium! aura rapidement cherché à aller visiter les autres plateformes prêtes à l’accueillir – qui, en 1996, alors que la 3DO et la Jaguar étaient à l’agonie, n’étaient pas aussi nombreuses qu’on pourrait le penser. Parmi les candidats naturels se trouvaient justement le PC, qui non seulement était un des mieux équipés en matière de 3D, mais commençait en plus à profiter de cette petite gourmandise appelée à changer drastiquement l’ordre d’importance des composants en matière de jeux : les cartes accélératrices 3D.
C’est à peu près ce qu’on était venu chercher, non ?
Concrètement, cela se traduisait à l’époque par la possibilité de jouer en 640×480, et de bénéficier de textures lissées dès l’instant où l’on avait la chance (et les moyens) de posséder une 3Dfx. Aujourd’hui, le titre est proposé à la vente avec un Glide Wrapper qui permet de l’afficher à la résolution de votre choix (au hasard, celle du bureau) et donc de pouvoir bénéficier d’un format en 16/9e ou en 16/10e sans avoir à (trop) déformer l’image (jouer en résolution native et en format 4/3e étant bien sûr également possible). L’occasion de bénéficier d’une version qui reconnaît les pads et qui n’est pas nécessairement beaucoup plus belle que sur la machine de Sony (plus la 3D est précise, mieux on voit les limites des textures), mais qui tourne en tous cas comme un charme avec une lisibilité optimale.
Le plus difficile reste de faire tourner le jeu correctement sous Windows 10
Au rang des récriminations, on remarquera que la musique CD a ici tendance à s’interrompre à la première boucle, vous abandonnant alors dans un angoissant silence jusqu’à votre prochaine mort, et surtout que le jeu n’est PAS prévu pour tourner sous Windows 10. Un petit tracas qui pourra heureusement être contourné en changeant quelques fichiers (vous trouverez toutes vos réponses sur les forums de GOG, qui continue d’ailleurs de vendre le jeu, contrairement à Steam), même si le titre a toujours une fâcheuse tendance à planter quand on le quitte. Oh, et tant qu’à faire, les mots de passe, c’est mignon, mais sur une machine qui intégrait obligatoirement un disque dur… Bref, une alternative pas irréprochable mais qui devrait vous apporter l’essentiel sans avoir à aller chercher une PlayStation dans une brocante. On s’en contentera.
Allez, inutile de faire la fine bouche
NOTE FINALE : 16/20
Comme souvent, le vrai problème avec le PC est sa tendance à ne jamais cesser d’évoluer. Dès lors, faire tourner cette version de Pandemonium! très fidèle à l’originale mais praticable en haute résolution pourra vous demander de mettre un peu les mains dans le cambouis, pour obtenir alors une version correcte mais avec quelques bugs, et qui ne sera de toute façon probablement pas à la hauteur de ce que vous pourriez obtenir avec un émulateur type DuckStation vous permettant de paramétrer la résolution et la qualité des textures. Reste que si le jeu tourne, vous obtiendrez largement de quoi rivaliser avec la PlayStation, et peut-être même un peu mieux. À vous de voir.
Version Saturn
Développeur : Jumpin’ Jack Software
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 24 avril 1997 (États-Unis) – 25 avril 1997 (Japon) – 12 juin 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Sauvegarde pat mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Après la PlayStation, la Saturn était en règle générale l’autre choix naturel pour accueillir un titre en 3D (la Nintendo 64 n’ayant, pour une raison ou pour une autre, jamais accueilli Pandemonium! au sein de sa ludothèque). On sait également que les choses avaient une fâcheuse tendance à se gâter au moment de porter un programme sur un hardware très particulier avec deux processeurs dont l’immense majorité des développeurs – à commencer par les équipes internes de SEGA elles-même – n’auront souvent jamais réussi à tirer la substantifique moelle.
Alors ? Ça le fait ou pas ?
Eh bien à ce niveau-là, très bonne nouvelle : les petits gars de chez Jumpin’ Jack Software connaissaient visiblement leur boulot, parce que cette version du jeu n’a vraiment pas à rougir de la comparaison avec la version PlayStation. En regardant bien, on peut constater que les éclairages colorés ont disparu, la résolution est légèrement plus basse (320×240 contre 320×256), et il arrive que l’action connaisse quelques très légères baisses de framerate, lesquelles peuvent se ressentir dans la réactivité du personnage (on parle de latences de l’ordre du dixième de seconde dans le pire des cas, et encore). Oh, et le jeu est également devenu un peu plus sombre, les temps de chargement très légèrement plus longs, et on remarquera que l’introduction est désormais fenêtrée – des détails, très sincèrement, tant le reste est très largement à la hauteur de ce qu’offrait la machine de chez Sony. Je vous laisse le vérifier sur les images : difficile de se sentir lésé, il faut souvent placer les deux versions côte à côte pour espérer déceler une différence ; même les effets de transparence, limite récurrente de la machine, sont parfaitement assurés ici. Bref, un portage qui a dû faire très plaisir aux possesseurs de la Saturn, et il y a de quoi.
NOTE FINALE : 16/20
Pandemonium! sur Saturn est peut-être légèrement inférieur, d’un point de vue technique, à ce qu’offrait la version PlayStation – mais sur des aspects tellement mineurs qu’ils basculent dans le camp de l’anecdotique. Toys for Bob a su tirer le meilleur de la machine de SEGA pour offrir un portage qui n’a vraiment pas à rougir de la comparaison avec sa grande rivale. Du travail bien fait.
Développeur : Capcom Co., Ltd. Éditeur : Capcom Co., Ltd. Titre original :大魔界村 (Daimakaimura, Japon) Titre alternatif :Ghouls’n’Ghosts (Amiga/Commodore 64 – Europe) Testé sur :Arcade – Amiga – Amstrad CPC – Atari ST – Commodore 64 – Mega Drive – ZX Spectrum – SuperGrafx – Master System – Sharp X68000 – PlayStation – Saturn Disponible sur : Android, iPad, iPhone, J2ME (version arcade), Wii (version Mega Drive), PlayStation 2, Xbox – Figure au sein de la ludothèque pré-installée de la Mega Drive Mini (version Mega Drive) Présent au sein des compilations :
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version internationale
Hardware : Capcom Play System (CPS1) Processeurs : Motorola MC68000 10MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz Son : Haut-parleur ; YM2151 OPM 3,579545MHz ; OKI MSM6295 ADPCM 1MHz ; 1 canal Vidéo : 384 x 224 (H) 59,637405Hz
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
En 1985, la toute jeune compagnie Capcom (fondée à peine deux ans plus tôt) pouvait déjà se vanter d’avoir signé ce qu’on pourrait considérer comme son troisième grand tabac dans les salles d’arcade, avec un Ghosts’n Goblins qui annonçait, après 1942 et Commando, ce qui ressemblait déjà furieusement à une carrière très prometteuse.
On commence à nouveau par le cimetière, et on apprécie tout de suite le comité d’accueil !
Les joueurs, qui venaient de découvrir une des fondations de ce qu’on appelle désormais le die-and-retry, attendaient bien évidemment une suite, mais la firme japonaise sera restée si active à empiler les succès dans les mois qui allaient suivre (Trojan, Bionic Commando, Tiger Roads, Mega Man, Forgotten Worlds, pour n’en citer que quelques uns…) qu’elle prit tout le monde un peu par surprise en publiant enfin un certain Ghouls’n Ghosts plus de trois ans après le premier opus. On attendait plus ou moins la même chose, et c’était visiblement ce qui figurait sur le cahier des charges… mais trois ans, au milieu des années 80, cela représentait trois siècles, et dans le laps de temps Capcom avait eu le temps de sortir son fameux « CP System » et d’apprendre deux-trois ficelles en plus. Il allait donc être temps de montrer aux joueurs tous les progrès, techniques comme ludiques, réalisés en trois ans. Et mine de rien, ils étaient déjà copieux, les bougres !
Il est temps de remettre le bleu de chauffe !
Fidèle à la chronologie réelle, Capcom aura donc situé l’action de son jeu… trois ans après celle de Ghosts’n Goblins. Le roi Arthur, visiblement parti crapahuter loin de son royaume (mais après tout, c’était déjà ce qui lui avait permis d’aller sauver sa dulcinée, on ne se montrera donc pas trop sévère avec lui), revient pour découvrir que la mort a frappé en son absence : c’est tout son royaume qui a été dévasté par les démons.
La carte est toujours de la partie
Cette fois, Lucifer en personne est venu chercher son dû, et loin de se contenter d’enlever Guenièvre, il l’aura purement et simplement assassinée. Arthur étant un pragmatique du genre coriace, il se remet donc en route pour le monde démoniaque, avec pour objectif de récupérer l’âme de sa compagne tout en délivrant une bonne leçon aux monstres qui ont eu l’outrecuidance de confondre son château avec un open bar. L’occasion d’effectuer un parcours qui rappellera souvent furieusement celui du premier épisode, mais aussi d’en profiter pour découvrir ce que Capcom avait appris en trois ans – et de réaliser que c’était largement suffisant pour justifier de retourner au charbon avec enthousiasme.
Surtout, ne pas paniquer…
Arthur ré-enfile donc son armure par-dessus son plus beau caleçon, et ré-endosse au passage toute la panoplie d’aptitudes du premier épisode, consistant à sauter et à tirer.
Ghouls’n Ghosts aussi a l’équivalent du vaisseau géant !
Visiblement un peu moins rouillé que dans ses jeunes années, le roi en aura profité pour apprendre à tirer vers le haut et vers le bas (quand il saute, dans ce deuxième cas), et à se doter d’un arsenal un peu plus équilibré dans sa puissance, mais où hériter de la mauvaise arme au mauvais moment constituera une nouvelle fois une malédiction bien pire que la mort, puisque vous conserverez ladite arme jusqu’à ce que vous en trouviez une autre. On se sent déjà immédiatement un peu plus agile et un peu plus réactif à ses commandes, mais la principale nouveauté prendra la forme d’une armure dorée. Un troisième point de vie ? Que nenni, ce nouveau bonus ne vous protègera pas mieux que l’ancien. En revanche, il fera apparaître une jauge qui correspondra à l’équivalent d’un tir chargé, dont la forme évoluera selon l’arme équipée. Un bon moyen de retourner une situation compromise, en particulier contre les boss, mais à condition de trouver une fenêtre de trois secondes sans avoir un besoin vital de tirer, ce qui n’arrivera pas si souvent que ça…
On sent immédiatement les progrès graphiques depuis 1985
L’habillage était une donnée loin d’être anodine, en 1988, particulièrement dans les salles d’arcade où les joueurs venaient pour en prendre plein les yeux et les oreilles. Justement, Capcom venait de passer deux ans et demi et d’investir près de dix millions de dollars à concevoir les puces de leur nouvelle architecture baptisée »CP System », ou CPS-1 pour les intimes.
Pour arriver à celui-là, il faudra le mériter !
Ghouls’n Ghosts aura été le deuxième jeu à tirer parti de cette architecture, après Forgotten Worlds, et le moins qu’on puisse dire est qu’on sent immédiatement le chemin parcouru lors des trois ans séparant le jeu de son prédécesseur. Dès le premier niveau, les sprites et les animations pullulent à l’écran : les squelettes passent leur tête depuis les hautes herbes pour s’en extraire, les vautours lâchent des nuages de plumes, les arbres dans le décor sont secoués par la tempête… L’environnement est d’ailleurs plus vivant que jamais, avec un sol qui peut s’effondrer par blocs, un plafond mouvant, des passerelles qui s’ouvrent sur des sables mouvants, des statues géantes qui tirent une longue langue qui servira de plateforme ; l’ambiance correspond parfaitement à celle du premier épisode, mais on sent bien que les choses sont vues en plus grand, en plus ambitieux, en plus fluide – et ça marche ! Il n’y a qu’à voir le gigantesque boss du premier niveau pour comprendre que les contraintes techniques commencent à être secondaires, et la réalisation irréprochable annonce déjà les futures claques que seront Strider ou Final Fight, en criant au monde les capacités du CP System. Cri entendu : c’est beau, c’est inspiré, ça a une identité folle et ça tourne à la perfection. La musique n’est bien entendu pas en reste, avec des thèmes immédiatement reconnaissables, et on retrouve l’univers mi-macabre mi-parodique du premier opus avec un plaisir intact.
Le danger vient de partout
Le mieux reste cependant avec quel savoir-faire le jeu organise sa difficulté. On ne va pas se mentir : n’importe quel joueur s’attaquant à Ghouls’n Ghosts aujourd’hui sait qu’il va en baver, et c’est paradoxalement pour ça qu’il vient. C’est qu’on est loin d’un jeu anarchiquement difficile, où on passerait son temps à mourir de façon injuste face à des adversaires inévitables : comme souvent, la mémoire fera une grosse différence, et chaque niveau prend un peu la forme d’une longue chorégraphie qu’il faudra apprendre à maîtriser dans le plus infime mouvement.
Préparez-vous à souffrir
Chaque arme peut dramatiquement changer la façon d’appréhender un passage, chaque séquence de plateforme nécessitera un timing rendu d’autant plus délicat qu’il y a souvent beaucoup de choses à gérer en même temps, et bien évidemment, une fois à court de vie, ce n’est plus au dernier point de passage que l’on repart mais bien au début du niveau… Naturellement, la ficelle imposant de terminer le jeu deux fois d’affilée (et avec la bonne arme !) pour en voir la vraie fin a toujours cours, mais la grande force du titre reste de nous donner ce sentiment permanent qu’on n’est jamais passé très loin de réussir – on ne se sent jamais vraiment accablé par un passage insurmontable, plutôt titillé à l’idée de résoudre ce qui s’apparente parfois à une sorte de casse-tête miniature. Oui, c’est redoutable, mais quel plaisir de découvrir qu’on progresse et qu’on arrive chaque jour un peu plus loin… Sans doute l’origine du succès de la borne, et de celui d’une série qui n’a finalement pas pris une ride depuis sa sortie. Respect, Capcom.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 18/20
« Trois ans après », annonce l'écran-titre... et finalement, c'est le meilleur résumé de ce qu'est Ghouls'n Ghosts : tout simplement Ghosts'n Goblins avec trois ans d'améliorations techniques, d'idées et d'expérience en game design en plus. Sans chercher à révolutionner une formule qui avait déjà magnifiquement fait ses preuves – ce que personne ne leur demandait de faire, pour être honnête – Capcom reprend donc fidèlement tout ce qui avait fonctionné dans le premier épisode en le peaufinant : c'est plus beau, c'est plus jouable, c'est plus varié, et c'est encore plus dur. Dans le domaine du die-and-retry, on touche là à un maître : certes, le défi est toujours aussi ridiculement relevé, et chaque écran rivalise d'ingéniosité pour réussir à vous faire trépasser en un temps record, mais le jeu ne fait jamais l'erreur de devenir bêtement injuste ou impossible. Encore une fois, ceux qui cherchent à jouer pour se détendre ne devront sans doute essayer cette borne qu'à faibles doses, mais pour tous les amateurs du premier opus, le constat est sans appel : c'est encore meilleur. Un classique.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une difficulté plus retorse que jamais...
– ...dont il faudra une nouvelle fois venir à bout deux fois de suite !
– Des environnements qui sonnent parfois comme une simple redite de ceux du premier épisode
Bonus – Ce à quoi ressemblait Ghouls’n Ghosts sur une borne d’arcade :
Version Amiga
Développeur : Software Creations Ltd.
Éditeur : U. S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
On ne va pas se mentir : pour un joueur du XXIe siècle, c’est rarement avec un grand enthousiasme qu’on se plonge dans un portage publié par U.S. Gold à la fin des années 80. La conversion aura cette fois été confiée à Software Creations, studio spécialisé dans ce genre d’exercice, et le résultat n’est… eh bien, franchement pas terrible. Commençons rapidement par l’évidence : la réalisation est honnête, mais elle ne joue clairement pas dans la même cour que la version arcade, et si les graphismes ne sont pas honteux, ils ne sont pas non plus des kilomètres au-dessus de ce que pouvait offrir un système 8 bits bien programmé – et je ne parle même pas de la PC Engine. Tant qu’à faire, il faudra composer avec des grandes bandes noires et une interface envahissante. Les sprites sont assez petits, ils sont nettement moins nombreux que sur arcade, le framerate doit péniblement tourner à 15 images par seconde, et la musique se réduit désormais à une nappe musicale si discrète qu’on pourrait la qualifier de « subexistante » – ce qui ne l’empêche pas de priver l’action de bruitages. On n’était encore qu’à la fin des années 80, ce n’est donc pas honteux, mais c’est déjà très limite. Le vrai problème, en revanche, vient de la jouabilité. C’est déjà gênant de devoir sauter en poussant le stick vers le haut, mais ça l’est encore plus quand on réalise qu’on ne peut plus tirer vers le haut qu’en sautant, désormais ! Pour ne rien arranger, l’équilibrage a fini aux orties : les patterns des monstres volants sont incompréhensibles, les masques de collision sont ratés, les tirs ne sortent pas à la même vitesse… Résultat des courses : parvenir à franchir le premier niveau est déjà un exploit, même si les choses se passent mieux dès qu’on réalise que foncer vers la droite aide à contourner 90% des obstacles… Plaisir de jeu ? Très bas, même si j’imagine que les joueurs les plus patients pourront trouver quelques vagues vertus au titre, d’autant que tout le contenu du jeu est encore là, même s’il a été réadapté pour l’occasion afin de composer avec les limites évidentes des programmeurs. À moins de ne jouer que sur Amiga, le verdict est simple : allez plutôt jouer à la version arcade.
Graphiquement, on a vu bien pire, mais ce n’est clairement pas là qu’est le plus gros problème
NOTE FINALE : 10,5/20
Ghouls’n Ghosts sur Amiga n’est sans doute pas le jeu qui réconciliera les joueurs avec les portages sauce U.S. Gold. Si la réalisation est correcte considéré sa date de sortie, l’illusion se dissipe dès que le tout commence à bouger, et la jouabilité ratée ne rend clairement pas hommage à la borne dont le logiciel est tiré. Praticable avec beaucoup de patience, mais uniquement si on n’a pas la borne ou une console sous la main.
Version Amstrad CPC
Développeur : Software Creations Ltd.
Éditeur : U. S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Après une version Amiga de Ghouls’n Ghosts pas franchement emballante, on était en droit de se demander ce que la même équipe parviendrait à accomplir avec un ordinateur sensiblement moins puissant, à savoir le CPC. Techniquement, soyons honnête : c’est moche, mais on pouvait s’y attendre. Les décors sont très vides, notre héros s’égayant généralement sur un grand fond noir, mais le bon côté est que c’est parfaitement lisible – et Arthur est bien animé, même s’il est un tantinet lent. Du côté sonore, c’est assez vite résumé puisqu’il n’y a strictement rien passé l’écran-titre. Au niveau de la maniabilité, si on retrouve les mêmes errements que sur Amiga, avec cette impossibilité de tirer vers le haut sans sauter, je dois néanmoins préciser que l’expérience m’a parue meilleure ici, avec un rythme plus maîtrisé et une jouabilité suffisamment précise pour prétendre avancer. Tout n’est pas parfait : le timing pour éviter des monstres qui apparaissent sous vos pieds est vraiment trop serré, et il y a beaucoup plus de monde que sur Amiga, mais on a déjà plus l’impression d’être aux commandes d’un jeu, et le fait est qu’on peut s’amuser là où ça n’était clairement pas le cas sur la version Amiga. On s’en contentera.
Ce n’est pas magnifique, mais vous remarquerez qu’il y a plus de sprites que sur Amiga
NOTE FINALE : 11/20
Comme souvent, Ghouls’n Ghosts s’en tire finalement mieux sur un ordinateur 8 bits comme le CPC que sur l’Amiga où on sentait bien que davantage d’énergie était passée dans la réalisation que dans le jeu en lui-même. Si on ne sera clairement pas ébloui par les graphismes, le jeu est suffisamment maniable et précis pour qu’on puisse tenter de mener l’aventure à son terme, et c’est vraiment le minimum de ce qu’on était en droit d’attendre.
Version Atari ST
Développeur : Software Creations Ltd.
Éditeur : U. S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Écran couleur requis
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Sans surprise, Ghouls’n Ghosts sur Atari ST est une version semblable à 95% à celle parue sur Amiga, avec les mêmes errements au niveau de la jouabilité, et surtout un jeu difficile pour de mauvaises raisons avec des ennemis trop résistants ou qui apparaissent systématiquement sous vos pieds sans vous laisser le temps de réagir – les joueurs de l’époque pensaient probablement que c’était normal, la version arcade étant réputée pour sa difficulté, mais on a depuis eu le temps d’apprécier la différence et d’embrasser des notions comme l’équilibrage. Notons qu’ici, le thème musical un peu plus guilleret que sur Amiga dynamise agréablement l’action (certains diront qu’il ruine l’ambiance, mais Ghouls’n Ghosts n’a jamais été fait pour être pris trop au sérieux) et que le jeu ne tire bien évidemment pas parti de l’overscan, ce qui signifiera de grandes bandes noires dans tous les sens. On perd également quelques détails, comme le décor de fond du premier niveau, et on remarquera que l’agencement des niveaux a légèrement changé sans que cela modifie vraiment l’expérience de jeu. Pour le reste, le constat est le même que sur la machine de Commodore : médiocre.
Si seulement les développeurs européens s’étaient intéressés à ce truc appelé « jouabilité », à l’époque…
NOTE FINALE : 10/20
Après la version Amiga, on savait à quoi s’attendre avec Ghouls’n Ghosts sur Atari ST, et c’est à peu près ce qu’on obtient : un titre médiocre à la jouabilité maladroite et à la difficulté équilibrée n’importe comment. La réalisation faisant encore moins illusion que sur la machine de Commodore, on ne saura trop recommander aux joueurs d’aller découvrir ce superbe titre via une autre plateforme.
Version Commodore 64
Développeur : Software Creations Ltd.
Éditeur : U. S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Nouvelle version de Gouls’n Ghosts, mêmes errements : sur Commodore 64, le titre nous assomme une nouvelle fois avec une réalisation tout juste correcte et surtout avec une jouabilité à revoir. Ça pourrait encore être bien pire, mais c’est surtout cet équilibrage qui pue l’amateurisme à plein nez : le début du premier niveau est un vrai cauchemar, avec des ennemis dans tous les sens, alors que la deuxième moitié, où on peut parfois traverser plusieurs écrans d’affilée sans croiser un ennemi, est une vraie promenade ! Seule bonne surprise : un thème musical franchement sympathique, comme souvent sur la machine de Commodore, mais le reste est à ranger dans la même case que la grande majorité des portages de Software Creations : médiocre.
L’essentiel est là, mais pas l’indispensable…
NOTE FINALE : 10/20
Je pense que les lecteurs assidus de RetroArchives auront eu le temps de réaliser qu’entreprendre de découvrir les grands succès de l’arcade des années 80 via leurs portages sur micro était une mauvaise idée, particulièrement quand U.S. Gold se chargeait de trouver les équipes pour le faire. Une nouvelle fois, on se trouve ici face à une version qui ne pourra intéresser que les nostalgiques de la machine de Commodore et à peu près personne d’autre. Oubliable, oublié.
Version Mega Drive
Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 3 août 1989 (Japon) – Octobre 1989 (États-Unis) – Novembre 1990 (Europe)
Pour la petite histoire, la sortie de Ghouls’n Ghosts sur Mega Drive aura représenté un moment charnière à plusieurs niveaux dans l’histoire de la machine.
On commence vraiment à sentir la différence
En plus d’être la première collaboration entre SEGA et Capcom, la célèbre firme ne collaborant jusqu’ici qu’avec Nintendo (quitte, comme on l’a vu, à laisser les commandes aux équipes de développement de SEGA, comme ce serait également le cas plus tard pour Strider), ce fut surtout l’un des tout premiers titres à pouvoir enfin justifier les prétentions de la console à représenter « l’arcade à domicile », prétentions que le catalogue de la machine avait jusqu’ici plutôt échoué à remplir dans les grandes largeurs (Golden Axe, autre portage à pouvoir rivaliser avec la borne, ne verrait le jour que quatre mois plus tard, tout comme l’excellent Revenge of Shinobi). Le jeu constitua donc la toute première « killer app » réellement à même de constituer un argument de vente pour la console en présentant une adaptation de l’arcade réellement apte à rendre jaloux les possesseurs des autres machines (constatation d’autant plus vraie que Ghouls’n Ghosts ne sera jamais sorti sur NES ni sur PC Engine, et devrait attendre l’année suivante pour voir le jour sur SuperGrafx). La vraie question reste la suivante : la magie opère-t-elle encore aujourd’hui ?
Rien n’a été édulcoré, et il ne manque pas un sprite
À ce niveau-là, autant le dire tout de suite : même si on sait aujourd’hui que la Mega Drive est capable de faire encore mieux que ça, on comprendra que les joueurs de l’époque n’y aient vu que du feu. Les graphismes sont un peu moins fins, la palette a perdu pas mal de nuances, et certains décors (au hasard, le début du deuxième niveau) sont objectivement ratés mais bon sang, au moment de la sortie du jeu, aucun débat possible : ça ne jouait pas dans la même cour que les autres portages.
Le mode « practice » a déjà largement de quoi vous occuper
Entre les défilements parallaxes, la taille des sprites, et le fait qu’il ne manque absolument aucun des passages marquants de la version arcade, on est ici face à la première version qui ne donne pas l’impression de jouer à un ersatz, même savamment conçu comme sur Master System, de l’expérience originale. La jouabilité est d’ailleurs optimale – je n’ai même pas souvenir d’avoir croisé un ralentissement – et pour ne rien gâcher, le jeu va même jusqu’à offrir deux modes de difficulté, le niveau « practice » étant déjà largement assez exigeant pour que vous fassiez les crocs avant de basculer sur la difficulté originale ! Ce peut d’ailleurs également être une bonne porte d’entrée avant d’aborder une borne sans concession, à condition bien sûr d’accepter une réalisation graphique légèrement inférieure à l’arcade – même si on n’y fait objectivement plus vraiment attention au bout de dix minutes. La réalisation musicale fait également le travail, même si elle souffre une nouvelle fois de figurer au sein des débuts de la console ; c’est joli, mais la 16 bits allait bientôt se charger de prouver qu’elle pouvait faire mieux. Seul sacrifice : la brève introduction du jeu, mais cela reste vraiment accessoire.
Voilà exactement ce qui pouvait donner une raison d’acheter une Mega Drive à l’époque
Au final, même si le joueur du XXIe siècle se dirigera sans doute directement vers la version arcade, il n’aura pour une fois pas trop de raison de se sentir perdant en s’attaquant à l’opus sur Mega Drive. Techniquement inférieure, cette version n’en est pas moins un portage d’une qualité rare pour 1989, qui a surtout le mérite de parfaitement retranscrire l’expérience ludique de la borne en allant même jusqu’à offrir un mode de difficulté plus abordable. Si jamais vous avez l’occasion de vous y essayer, ne vous en privez pas.
NOTE FINALE : 17/20
Ghouls’n Ghosts pourra se vanter d’avoir été le tout premier jeu à laisser réellement entrevoir ce que la Mega Drive avait dans le ventre. De fait, l’expérience est vraiment très proche de l’arcade, avec une réalisation technique certes inférieure mais parfaitement apte à faire illusion, et une jouabilité absolument irréprochable. Si vous avez une Mega Drive avec le jeu, inutile de les bouder pour attendre de vous essayer à la borne : tout est déjà ici et remplit sa mission avec les honneurs. Du beau boulot.
Les avis de l’époque :
« À côté de cette petite merveille, les versions micro font triste figure (j’en avais dit du bien à l’époque et c’était une erreur, excusez la bavure !). Une des grandes conversions d’arcade de l’année. »
Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°82, octobre 1990, 18/20
Version ZX Spectrum
Développeur : Software Creations Ltd.
Éditeur : U. S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Dernière adaptation aux mains de Software Creations, on ne sera pas surpris de voir ce Ghouls’n Ghosts sur ZX Spectrum afficher sensiblement les mêmes lacunes que les autres versions développées par le studio. Une nouvelle fois, sans être à tomber à la renverse, la réalisation fait le minimum pour être qualifiée d’ « acceptable », c’est lisible et ça tourne bien, avec une musique réussie lors de l’écran-titre (un peu moins en jeu). En revanche, plus que la jouabilité à un bouton qu’on ne maudira jamais assez, le vrai problème provient une nouvelle fois d’un équilibrage ni fait ni à faire qui complique inutilement le simple fait de parvenir à atteindre le stage 1-2 : les monstres ont une fâcheuse tendance à apparaître juste sous vos pieds, les vautours sont une plaie sans nom, on n’a jamais le temps d’anticiper quoi que ce soit, et en conséquence, on ne s’amuse pour ainsi dire jamais. C’est dommage, parce qu’avec un minimum de soins, il y avait matière à obtenir un jeu honnête, mais en l’état, plus personne ne pourra trouver un quelconque intérêt à ce machin.
Quand Software Creations tenaient un équilibrage foireux, ils ne le lâchaient pas!
NOTE FINALE : 08/20
Plombé par un équilibrage inexistant et une jouabilité pénible, Ghouls’n Ghosts sur ZX Spectrum n’échappe à la catégorie « catastrophique » que pour se plonger corps et âme dans la catégorie « médiocre ». Si vous voulez vous amuser sur la machine de Sinclair, allez plutôt voir du côté d’Head Over Heels ou de Jet Set Willy.
Version SuperGrafx Daimakaimura
Développeur : AlfaSystem Co., Ltd.
Éditeur : NEC Avenue, Ltd.
Date de sortie : 27 juillet 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : HuCard
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : HuCard de 8Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Pour ceux qui ne le sauraient pas, la SuperGrafx étaient un modèle « avancé » de la PC Engine commercialisé à partir de décembre 1989 au Japon.
C’est encore plus beau que sur Mega Drive…
Sans doute pensée comme une réponse à la Mega Drive (réponse d’ailleurs largement inutile, dans un pays où la 16 bits n’aura jamais vraiment représenté une menace ni pour NEC ni pour Nintendo), la machine présentait des caractéristiques très alléchantes, avec notamment une deuxième puce vidéo et quatre fois plus de mémoire que le modèle de base. Problème : probablement vendue trop vite pour un marché pas prêt à abandonner le modèle précédent, elle n’aura au final vu que cinq jeux tirer spécifiquement parti de ses compétences – et devinez quoi, il se trouve que Ghouls’n Ghosts, sous son titre original de Daimakaimura, a le privilège d’en faire partie.
…même si cela reste parfois extrêmement serré
Une chose est sure, en tout cas : si le but était de montrer que la SuperGrafx pouvait damer le pion à la Mega Drive, alors c’est réussi !
Pas de tour de chauffe, cette fois !
Graphiquement, cette version est encore un peu plus fine et un peu plus colorée que sur la 16 bits de SEGA – ce n’est toujours pas la version arcade, mais les nuances commencent à être franchement anecdotiques. Là où le jeu présentait encore quelques décors assez limites sauvés par la présence des parallaxes sur Mega Drive (au hasard, le début du niveau deux), ici, il faut commencer à plisser les yeux pour vraiment apercevoir des manques dans la palette. Et s’il subsiste quelques clignotements de sprites, l’expérience est une nouvelle fois on-ne-peut-plus proche de celle de la version arcade, d’autant plus que l’introduction est bien présente cette fois.
C’est toujours aussi efficace
Seuls les sprites, paradoxalement, manquent un peu de couleurs – ce qui se voit sur l’armure d’Arthur. De quoi avoir de gros regrets en imaginant la ludothèque qu’aurait pu présenter la machine si elle avait été mieux soutenu par NEC et par les développeurs ! Seul « manque » par rapport à la version Mega Drive : pas de mode « practice » ici, le jeu sera extrêmement dur où il ne sera pas. Ce qui fait d’ailleurs qu’on ne sait au final pas trop à qui recommander cette version aujourd’hui, car quitte à goûter à la difficulté originale, autant le faire sur la borne… Dans tous les cas, si vous avez une SuperGrafx et que vous rêvez de voir ce qu’elle a dans le ventre, voici un excellent point de départ.
NOTE FINALE : 17,5/20
Quand on voit de quoi la SuperGrafx était capable, on peut clairement regretter qu’elle n’ait hébergé que cinq jeux ! Parce qu’avec des titres comme ce Daimakaimura, il y avait vraiment de quoi avoir l’eau à la bouche. Pas de débat, au moment de sa sortie, c’était clairement le meilleur portage disponible – de peu, et sans doute un an trop tard pour inquiéter la Mega Drive, mais l’exploit mérite d’être mentionné. Clairement à posséder pour les (rares) détenteurs de la machine.
Les avis de l’époque :
« Il semble que la volonté de NEC soit de compenser la faiblesse de la logithèque de sa nouvelle console par des logiciels d’une qualité exceptionnelle. Après Grand Zort (sic), Ghouls’n Ghosts est le second titre majeur sur la Supergrafx, et la seconde réussite. »
Banana-San, Tilt n°82, octobre 1990, 18/20
Version Master System
Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : Janvier 1991 (États-Unis) – Avril 1991 (Europe)
Retour de SEGA aux commandes pour la version Master System d’un jeu qui avait si bien réussi à la Mega Drive. Au moment de revitaliser un peu une console 8 bits qui s’annonçait en fin de vie (sauf au Brésil), il allait être temps de sortir les muscles et de monter un peu que la console avait des arguments à défendre.
À première vue, on est en terrain connu… sauf que SEGA n’a pas pu s’empêcher d’ajouter ses idées !
Graphiquement, si ça n’est clairement pas à la hauteur de la Mega Drive ou de la SuperGrafx, cela peut largement prétendre chatouiller, voire surpasser, des machines comme l’Amiga. Certes, les décors font parfois un peu brut de décoffrage, avec leurs gros blocs répétés sans finesse, mais attendez de voir les boss gigantesques ! Avec une musique sympathique mais trop discrète, la réalisation fait le travail, et la jouabilité a le bon goût de suivre, on est donc d’ores et déjà face à un titre plus intéressant que ce que les portages sur ordinateur avaient pu nous offrir jusqu’ici. Mais SEGA étant SEGA, la firme japonaise n’aura pas pu s’empêcher d’ajouter son lot d’idées à la formule.
Ah oui ! Respect, là !
Si les niveaux comportent quelques différences – certains étant rabotés, d’autres au contraire un peu plus long, le principal changement tient aux possibilités d’Arthur. Vous remarquerez rapidement la présence d’une jauge de « magie » d’autant plus surprenante que, contrairement au tir chargé, celle-ci se vide, n’est pas liée à votre arme mais à un choix dans une liste affichable via le bouton Start, et ne nécessite plus d’armure dorée puisqu’elle n’existe plus tout à fait sous la même forme !
Les décors font un peu « gros pâtés », mais il faut se souvenir qu’on est sur 8 bits !
En fait, ce même menu vous permettra de découvrir que notre héros dispose désormais d’un équipement découpé en trois catégories : le casque décidera de votre puissance magique, l’armure influera sur le nombre de coups que vous pourrez encaisser (représenté via des cœurs sur la droite de l’écran), et vos bottes décideront de votre vitesse et de la portée de vos sauts, le tout étant classifié selon un code de couleur : argent, vert, rouge et doré pour le plus haut grade. On peut donc se faire un Arthur très puissant, ce qui donne une bonne raison de débusquer les coffres, voire des portes secrètes qui peuvent vous amener devant un marchand (autre nouveauté) ! Inconvénient de ce système : ces fameux bonus sont très rares, et il faudra donc être capable de mener l’aventure très loin pour avoir une chance de réellement en profiter. On appréciera néanmoins l’idée qui permet de tempérer un peu la difficulté sans la galvauder pour autant. Une fameuse trouvaille !
On ne peut pas dire que le jeu soit beaucoup moins difficile que sur arcade
NOTE FINALE : 14/20
SEGA ne semblait jamais tout à fait à cours d’idées pour sa Master System. Si celles-ci ne faisaient pas toujours mouche, ce Ghouls’n Ghosts sur la machine 8 bits peut se vanter de présenter un système d’upgrade très original et sacrément bien fichu – ce qui fait d’autant plus regretter qu’il soit à ce point sous-exploité. La réalisation allant du correct (les décors) à l’impressionnant (les boss), et la jouabilité étant à la hauteur, on ne pourra qu’inviter les curieux à consacrer un peu de temps à cette itération très originale.
Version Sharp X68000 Daimakaimura
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 22 avril 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Vidéo : Modes 15Hz et 31Hz supportés
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
On a déjà eu plusieurs fois l’occasion de s’esbaudir ici même des capacités techniques du Sharp X68000. Avec un jeu développé par Capcom, on a d’autant plus de raisons de se sentir en confiance que le CPS-1 lui-même était censément basé sur une architecture dérivée de celle de la machine de Sharp (il y aurait apparemment une large part de mythe dans cette affirmation, mais passons). Si on peut s’interroger sur ce qui aura conduit la firme japonaise à attendre si longtemps (six ans !) pour porter le jeu sur une machine qui était déjà commercialisée au moment de la sortie de la borne, le bilan technique va être rapide : c’est la borne. Au pixel et à la note de musique près. Plus question, cette fois, de chercher à distinguer les différences comme sur Mega Drive ou sur SuperGrafx : elles n’existent pour ainsi dire pas. Vous vouliez la borne sur votre ordinateur ? Vous pouviez l’avoir dès 1994, mais c’était indéniablement plus facile en étant japonais.
Fin des débats
Tant qu’à faire, cette version profite également d’un menu des options, histoire de configurer un peu l’expérience de jeu – et les touches par la même occasion, si vous jouez au clavier. Outre une pléthore de réglages graphiques pour la taille et le format de l’image, on y trouvera surtout pas moins de huit modes de difficulté (c’était également le cas sur la borne, mais cela demandait d’aller modifier les DIP switches) qui devraient vous permettre d’adapter à la perfection le défi à vos attentes. Vous vouliez la version ultime ? Bon, eh bien je crois que vous venez de la trouver. Fin du game.
Même le format de l’image est fidèle à celui de la borne
NOTE FINALE : 18/20
Le Sharp X68000 déçoit rarement, et il livre avec Daimakaimura exactement ce qu’on était en droit d’attendre : le portage pixel perfect de la borne, avec en plus un généreux menu des options pour se composer une expérience de jeu à la carte. Difficile d’imaginer mieux.
Version PlayStation Capcom Generations
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 23 septembre 1998 (Japon) – 3 septembre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme cela avait déjà été le cas pour Ghosts’n Goblins, avec la génération 32 bits, on quitte définitivement les terres de la conversion pour arriver dans celle de l’émulation pure et dure. La PlayStation n’ayant pas exactement de complexe à nourrir face au CPS1, il ne manque bien évidemment pas un pixel au jeu – même si l’image est curieusement plus sombre que sur la borne, mais bon, au pire il suffira de régler votre écran. L’intérêt sera plutôt à aller chercher du côté des options : on n’a peut-être pas droit à huit niveaux de difficulté comme sur Sharp X68000, mais on en a quand même quatre, ce qui devrait être largement suffisant – surtout quand on peut se donner jusqu’à dix vies et que les continues sont illimités. En y ajoutant les habituelles petites friandises de type galerie d’artworks, on récupère exactement ce qu’on était venu chercher.
D’accord, c’est plus sombre, mais pour le reste c’est la borne avec quelques options en plus
NOTE FINALE : 18/20
En 1998, on était en droit d’espérer avoir l’exact équivalent de la borne de Ghouls’n Ghosts sur sa PlayStation, avec d’autres jeux, une poignée de bonus et quelques options de configuration en prime – et, ô joie, c’est exactement ce qu’on obtient.
Version Saturn Capcom Generation : Dai 2 Shū – Makai to Kishi
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 23 septembre 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou carte mémoire
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
La Saturn et la PlayStation avaient sans doute une guerre farouche à se livrer quant à l’étendue de leurs capacités techniques, que ce soit en 2D ou en 3D, mais pour ce qui est d’émuler des bornes d’arcade ayant respectivement treize et dix ans d’âge, elles faisaient jeu égal. On remarquera néanmoins que le problème de l’image plus sombre n’a pas cours ici (peut-être un problème d’émulation ?), vous aurez donc d’emblée des couleurs aussi vibrantes que sur la borne sans avoir à pousser la luminosité de votre écran. Quant aux options et aux bonus, ce sont exactement les mêmes que sur la console de Sony. Pas de jaloux, donc.
Pas de problème : c’est la borne comme on rêvait de l’avoir chez soi dix ans plus tôt
NOTE FINALE : 18/20
Quoi que les joueurs japonais aient attendu de leur Saturn en 1998, ceux qui avaient envie de jouer à Ghouls’n Ghosts (ou, en l’occurrence, à Daimakaimura) pouvaient le faire dans des conditions absolument idéales. C’est d’ailleurs toujours le cas, si le cœur vous en dit.
Si le nom de « Graftgold » ne vous dit rien, vous n’avez probablement pas grandi face à un ordinateur dans les années 80. Sans nécessairement être un des « grands noms » de l’époque comme pouvaient l’être des studios à la Cinemaware ou à la Bitmap Brothers, la compagnie fondée par Steve Turner aura malgré tout laissé quelques milliers de nostalgiques dans son sillage, particulièrement au sein des possesseurs de Commodore 64 ou d’Amiga.
Le jeu varie les ambiances, ce qui est un très bon point
Realms, Fire & Ice, Paradroid… Autant de titres qui n’évoqueront peut-être rien au commun des mortels de moins de quarante ans, mais qui seront restés gravés dans la mémoire de bien des joueurs, lesquels connaîtront également souvent le nom d’Andrew Braybrook, associé à bien des logiciels marquants de l’époque. C’est d’ailleurs lui qu’on retrouve au game design d’Uridium, un shoot-them-up sorti à une ère que l’on pourrait qualifier de « pré-R-Type », et qui figurait un concept suffisamment original pour qu’il demeure, aujourd’hui encore, sans réel équivalent à l’exception de sa suite directe, sortie sept ans plus tard (!).
Allez attaquer des vaisseaux géants !
Figurez-vous donc une galaxie lointaine, très lointaine, où un système solaire comptant quinze planètes est attaqué par des cuirassés spatiaux gigantesques venus piller les ressources minérales du cru sans se soucier de demander la permission d’abord. Comme d’habitude, les crédits militaires ont visiblement tous été perdus au poker, et c’est un vaisseau solitaire qui va devoir aller sauver tout le(s) monde(s) en allant abattre la flotte vaisseau par vaisseau.
La fin d’un niveau sera l’occasion de grappiller des points supplémentaires
Comme souvent, votre extraordinaire astronef de classe Manta n’a pas grand chose pour lui, comprenez par là qu’il n’a qu’un unique tir et que le moindre contact avec quoi que ce soit signera immédiatement sa destruction immédiate. C’est donc uniquement votre habileté, et un peu votre mémoire, qui vous permettront de venir à bout des quinze cuirassés adverses situés chacun en orbite d’une planète différente. Et comme vous n’avez ni rayon de la mort, ni arme secrète, ni bombe à neutron, vous allez devoir procéder à vos assauts de la façon la plus risquée, pour ne pas dire la plus kamikaze qui soit : en volant en rase-motte le long de la structure pour faire un maximum de dégâts…
Le décor sera un de vos ennemis les plus fourbes
C’est d’ailleurs là la principale originalité d’un titre qu’on pourrait confondre, de loin, avec un classique shoot-them-up à défilement horizontal. Loin de vous pousser vers la droite de l’écran jusqu’à la fin des temps, Uridium ré-introduit en effet à sa manière un mécanisme déjà étrenné dans des titres à la Defender : le demi-tour.
Vous pourrez même voir le cuirassé se désintégrer en temps réel
Concrètement, pousser le stick plus ou moins fort vers la gauche ou la droite aura un impact sur la vitesse de votre vaisseau, mais aussi sur son orientation : étant donné qu’il y a peu de chance que vous veniez à bout d’un cuirassé adverse en un seul passage, préparez-vous à en faire plusieurs… ou même et surtout à changer de multiples fois de direction pour vous laisser le temps de tâter le terrain, de maîtriser sa géographie, mais aussi d’anticiper l’arrivée des quelques chasseurs adverses et autres mines guidées qui assureront naturellement la défense des super-structures. Car qui dit vol en rase-motte dit également que vous pouvez tout à fait vous écraser misérablement contre un radar ou une tourelle adverse – et étant donné à quelle vitesse se déroule l’action, autant vous prévenir que cela vous arrivera très souvent. Si souvent, d’ailleurs, que vous avez intérêt à prévoir de longues heures de pratique pour prétendre mener votre vaisseau et ses trois misérables vies ne fut-ce que jusqu’à la troisième planète. Oui, c’est vraiment dur à ce point-là.
Les cuirassés sont parfois entourés de vaisseaux plus petits, mais ça ne change rien : détruisez-les aussi !
Le truc, c’est qu’Uridium souffre de l’une de ses plus grandes qualités : la rapidité et la fluidité de son action. Pour un titre développé sur Commodore 64, le logiciel place la barre très haut : il tourne sans difficulté à 50 images par seconde, et on a rarement eu l’occasion de découvrir des jeux à la jouabilité aussi nerveuse et aussi réactive sur la machine de Commodore.
Vous ne serez jamais seul très longtemps
Une vitesse grisante… mais aussi extrêmement pénalisante quand il s’agit d’anticiper les obstacles et les ennemis qui se présentent à vous – surtout quand il n’est pas nécessairement évident de reconnaître un obstacle d’un simple élément de décor. Or justement, l’essentiel de la partie se décidera sur des réflexes éclairs et sur des prises de décisions de l’ordre du dixième de seconde, face à des ennemis qui n’hésitent pas à vous foncer dessus, à se placer dans votre angle mort ni surtout à se montrer plus rapides que vous, et qu’il faudra parvenir à éviter sans pour autant aller vous emplafonner dans un des (très) nombreux obstacles au « sol », si j’ose dire. Conséquence : parvenir à la séquence finale d’un niveau, qui vous demande d’aller vous poser sur la piste atterrissage la plus à droite du cuirassé avant d’assister à sa destruction (après une séquence de loterie dont le seul objectif est le score), représente déjà un accomplissement que l’immense majorité des joueurs n’aura accompli que de façon exceptionnelle !
L’ombre est souvent le meilleur indicateur de la hauteur d’un obstacle
En l’état, en se demande presque pourquoi l’équipe de développement s’est fatigué à créer quinze niveaux quand 99% des joueurs de l’époque jouant sur des version non-crackées n’en auront jamais vu le dixième. La durée moyenne d’une partie ne dépassera pas la minute, même avec beaucoup de pratique : ça va tellement vite et on a tellement peu de temps pour réagir qu’on est condamné à se vautrer dans les plus brefs délais.
Combien de joueurs seront parvenus jusqu’aux derniers niveaux ?
Et bien évidemment, en cas de mort, tout le niveau est à refaire et les dégâts provoqués ne sont pas conservés ! On dirait presque un exercice d’entraînement pour Jedi : c’est ultra-difficile, c’est profondément injuste, c’est extraordinairement punitif… et c’est par conséquent potentiellement très ludique pour tous ceux qui aiment affronter des défis pensés pour être totalement infranchissables. Si vous êtes du genre nerveux, je vous conseille de passer immédiatement votre chemin, mais si vous avez enfin de pratiquer de très courtes séquences de jeu dans un état au bord de la transe et où la plus infime erreur de concentration se paie cash (et où parfois elle se paie même quand on n’en a pas fait…), alors vous pourriez comprendre pourquoi Uridium a marqué les joueurs. Si le concept vous attire, mais que vous sentez que l’incapacité à jouer plus de trente secondes sans mourir risque d’être un frein, essayez plutôt sa suite.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 12/20
Considéré son âge vénérable, Uridium est un shoot-them-up original qui a plutôt mieux vieilli que la plupart de ses contemporains. Vous proposant, une fois n'est pas coutume, d'aligner les allers-et-retours en rase-motte au-dessus de cuirassés adverses, le titre se révèle rapide, nerveux, jouable... et surtout si atrocement dur que parvenir à atteindre le troisième niveau (sur quinze !) est déjà un exploit qui demandera des heures de pratique. Titre pensé pour le scoring, le programme de Graftgold est redoutable, injuste, sadique... mais étonnamment amusant par (très) courtes sessions, pour peu qu'on ne se mette surtout pas en tête l'idée absurde de chercher à le vaincre. Les curieux auraient tort de ne pas y jeter un œil, mais les joueurs à la recherche d'un défi plus équilibré, mieux pensé, mieux réalisé et tout simplement plus ludique auront sans doute aussi vite fait de se diriger immédiatement vers Uridium 2.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Difficulté totalement insurmontable autant qu'injuste...
– ... ce qui fait que survivre plus d'une minute est déjà un exploit
– Un concept original, mais qui ne se renouvèle pas d'un niveau à l'autre
– Aucun moyen d'anticiper quoi que ce soit
– Difficile de reconnaître immédiatement un obstacle d'un objet au-dessus duquel on peut voler
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Uridium sur un écran cathodique :
Version ZX Spectrum
Développeur : Dominic Robinson
Éditeur : Hewson Consultants Ltd.
Date de sortie : Novembre 1986
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick Kempston
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Difficile d’imaginer un jeu pensé pour un ordinateur 8 bits faire l’impasse sur le ZX Spectrum en 1986. Uridium aura donc eu le droit à son adaptation, qui ne se hisse sans surprise pas à la hauteur de celle parue sur Commodore 64, mais qui préserve néanmoins l’essentiel. Si le jeu est ainsi devenu moins fluide, il tourne toujours très bien et se montre toujours aussi rapide. La réalisation a beau être essentiellement monochrome, à quelques détails près, elle n’en est pas moins parfaitement lisible, et les sensations de jeu ne sont vraiment pas à des kilomètres de celles de la version originale. On constatera en revanche qu’on perd quelques menus détails (vous ne verrez plus votre vaisseau sortir du hangar au début des niveaux, ni les cuirassés se désintégrer après la réussite de votre mission), que les plans des niveaux sont différents (peut-être ont-ils été mélangés par rapport à la version C64), et que la loterie de fin de niveau à disparu. Mais dans l’ensemble, le jeu propose sensiblement les mêmes qualités et les mêmes défauts que dans sa version originale, et vous ne devriez pas vous sentir trop lésé en lançant le logiciel sur la machine de Sinclair.
Du travail propre, fait sérieusement
NOTE FINALE : 11/20
Porté avec sérieux sur ZX Spectrum, Uridium y laisse sans surprises quelques plumes mais parvient à sauvegarder l’essentiel. Face à un gameplay toujours aussi nerveux et toujours aussi exigeant, les quelques coupes majoritairement esthétiques opérées ne pénalise que très marginalement l’expérience de jeu. Un bon portage.
Version Amstrad CPC
Développeur : Neil Latarche
Éditeur : Hewson Consultants Ltd.
Date de sortie : Janvier 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
En voyant la date de sortie repoussée à 1987 on nourrissait presque l’espoir fou que le CPC se voit offrir un portage adapté à ses capacités… perdu, c’est bel et bien une copie à peine retouchée de l’itération ZX Spectrum qui aura atterri sur la machine d’Amstrad. La bonne nouvelle, c’est que les adversaires sont désormais en couleurs, ce qui rend le titre légèrement plus lisible. Le jeu m’a également paru un peu plus lent que sur ZX Spectrum (même s’il file quand même bon train quand on pousse le stick à fond), ce qui le rend également un tout petit peu plus simple. Pour le reste, on retrouve très exactement les coupes et les modifications de la version programmée pour la machine de Sinclair, ce qui est un peu dommage mais ne change fondamentalement pas grand chose. Décevant par rapport aux capacités de la machine, mais toujours aussi sympathique à jouer.
On ne va pas crier au génie, mais le travail est fait
NOTE FINALE : 11/20
Le CPC ne se sera clairement pas sorti les tripes pour offrir ce portage à peine retouché de la version ZX Spectrum d’Uridium. Cela n’en reste pas moins un jeu correct, plaisant à jouer, et peut-être même un tantinet plus lisible et moins difficile que sur la machine de Sinclair.
Version Atari ST
Développeur : Joe Hellesen
Éditeur : Hewson Consultants Ltd.
Date de sortie : Janvier 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Première surprise : Uridium se sera vu porté sur Atari ST et pas sur Amiga, ce qui sonne comme une anomalie dans la carrière de Graftgold – mais il faut se souvenir qu’on était encore qu’en 1987, à une période où l’Amiga 500 n’était tout simplement pas encore disponible à la vente. On sent d’ailleurs bien que le concept d’ordinateur 16 bits est encore largement étranger à l’équipe de développement : le jeu est techniquement plutôt inférieur à la version C64 ! Certes, c’est au moins aussi coloré (de peu), et on retrouve les scènes de décollage (pas celles de destruction, en revanche). Mais alors pour ce qui est de la vitesse, le jeu est moins fluide que sur les ordinateurs 8 bits, et se paie même carrément des ralentissements ! Et tant qu’à faire, il n’y a toujours pas de musique passé l’écran-titre, et les bruitages sont l’exact équivalent de ce qu’ils étaient sur ZX Spectrum ou CPC. Du coup, si on a vraiment du mal à être ébahi par cette version poussive, on lui reconnaîtra au moins le mérite d’une difficulté rendue plus tolérable par sa vitesse réduite, ce qui fait que certains joueurs pourraient bien préférer ce rythme de sénateur à l’action un peu trop survoltée de la version originale. À vous de voir ce que vous venez chercher, mais une version qui demeure décevante dans tous les cas.
Alors ce n’est déjà pas très impressionnant comme ça, mais il faut en plus voir la chose bouger…
NOTE FINALE : 11/20
Incroyable mais vrai : la version Atari ST d’Uridium ne parvient même pas à se hisser au niveau technique des itérations 8 bits du jeu ! Plus lent et moins fluide que sur les autres machines, le jeu en devient également plus facile, ce qui fait que cette version est l’une des rares que vous puissiez anticiper de finir sans être un surhomme (ou une surfemme, mais vous m’aurez compris). Une alternative valable, mais déconcertante.
Les avis de l’époque :
« On attendait avec impatience la version ST de ce superbe programme. Les graphismes sont les mêmes que sur le Commodore 64 mais le scrolling est d’une lenteur désespérante. Plus grave encore, votre vaisseau a les réactions fulgurantes d’un escargot asthmatique à l’article de la mort. Oubliez cette version au plus vite !
Alain Huyghues-Lacour, Tilt n° 51, février 1988, 5/6
Version BBC Micro
Développeur : Graftgold Ltd.
Éditeur : Hewson Consultants Ltd.
Date de sortie : Janvier 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version cassette testée sur BBC Model B
Configuration minimale : –
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Signe de sa date de sortie, Uridium aura également été porté sur BBC Micro, un ordinateur qui aura connu un succès somme toute assez confidentiel à l’échelle de la France comparé à ses quelques 1,5 millions d’exemplaires vendus au niveau mondial – sans doute à cause de la gamme d’ordinateurs éducatifs de chez Thomson qui fleurissait à l’époque dans les écoles de l’Hexagone. Toujours est-il que l’ordinateur aura bel et bien eu droit à son portage d’Uridium… lequel s’en sort objectivement très bien ! Alors certes, on assiste aux mêmes coupes que sur à peu près tous les autres portages, mais c’est coloré, lisible, et bon sang, ça va au moins aussi vite que sur Commodore 64. Conséquence, c’est aussi au moins aussi dur ! Reste que pour ceux qui venait tâter de ce fameux gameplay ultra-nerveux, cette version offre ce que l’on attendait d’elle et ne termine vraiment pas loin de l’itération C64. Du très bon boulot.
Préparez-vous à en baver, mais rassurez-vous : vous n’aurez pas le temps de souffrir
NOTE FINALE : 11,5/20
Le BBC Micro n’était pas nécessairement la plateforme sur laquelle on attendait le plus Uridium, mais le fait est que la machine d’Acorn s’en sort très bien, ne terminant derrière la version C64 que pour quelques broutilles. Si vous voulez du jeu nerveux où vous ne survivrez pas trente secondes, voilà de quoi combler vos désirs les plus fous !
Version PC (DOS)
Développeurs : John Friedman, Joe Hellesen
Éditeur : Mindscape, Inc.
Date de sortie : Avril 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
On ne va pas s’étendre une milliardième fois sur ce que valait le PC en tant que machine de jeu en 1988. On s’attardera donc plutôt sur le fait de découvrir ici un portage de la version Atari ST… eh bien, assez réussi, ma foi, puisqu’il tourne mieux que sur la version dont il est tiré ! L’action est fluide, ça tourne vite, et même s’il y a quelques ralentissements, les sensations de jeu n’en souffrent pas. En fait, sans les éternelles coupes constatées dans tous les portages, on ne serait vraiment pas loin de la version Commodore 64 ! Du coup, voici pour une fois une version DOS qu’on n’aura pas de raison de balancer à la poubelle. Et ça, c’est déjà une victoire.
C’est plus que correct, ma foi !
NOTE FINALE : 11,5/20
On s’attendait au pire et on avait tort : cette itération PC d’Uridium fait mieux que se défendre, et offre une expérience de jeu qui ose s’en aller chatouiller celle du Commodore 64. Dommage qu’on ne récupère pas les détails dont ont été amputés dans tous les autres portage, mais en termes de fun, c’est à la hauteur.
Développeur : Core Design Ltd. Éditeur : Eidos Interactive, Inc. Titres alternatifs :トゥームレイダース (Tomb Raiders, Japon), Tomb Raider I (Steam), 古墓奇兵 (Chine) Testé sur :PC (DOS, Windows 9x) – PlayStation – Saturn Disponible sur : N-Gage, PlayStation 3, PSP, PS Vita,Windows, Windows Mobile Présent au sein de la compilation :Tomb Raider 1+2+3 (Windows) En vente sur :Gog.com (Windows), Steam.com (Windows) L’extension du jeu :Tomb Raider : Version longue
La saga Tomb Raider (jusqu’à 2000) :
Tomb Raider (1996)
Tomb Raider II (1997)
Tomb Raider III : Les Aventures de Lara Croft (1998)
Tomb Raider : La Révélation Finale (1999)
Tomb Raider III : Le Dernier Artéfact (2000)
Tomb Raider : Sur les Traces de Lara Croft (2000)
Tomb Raider (Game Boy Color) (2000)
Version PC (DOS, Windows 9X)
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 22 novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick
Version testée : Version dématérialisée optimisée pour cartes graphiques 3Dfx émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : MS-DOS 5.0, Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s) Modes graphiques supportés : SVGA, VGA – API : Glide Cartes sonores supportées : Ensoniq Soundscape, Gravis UltraSound, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I/RAP-10, Sound Blaster/Pro/16
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Les amours interdites sont parfois la source des plus grandes idylles.
Cela a peut-être l’air un peu abstrait, pour ne pas dire pompeux, dit comme cela. Alors le mieux est sans doute de prendre un exemple concret. Celui de Core Design devrait faire l’affaire. La compagnie britannique fondée par des anciens de Gremlin Graphics aura en effet connu un destin peu courant entre sa création en 1988 et son rachat par Rebellion en 2006 : non seulement deux de ses plus grand succès lui auront été inspirés par une licence concurrente, mais ils auront même poussé le vice jusqu’à être inspirés par la même !
L’histoire se révèle via des vidéos mettant en scène une Lara très badass
Là où Lucasfilm Games avait fait du plus célèbre archéologue du septième art, j’ai nommé Indiana Jones, une des figures majeures du point-and-click, Core Design en aura fait une inspiration assumée de deux titres majeurs. Le premier, nommé Rick Dangerous, cachait à peine sa filiation derrière un aspect parodique, et surtout derrière un concept génial. Quant au deuxième, il aura été le point de départ d’une saga florissante toujours en vie de nos jours, et qui se porte même franchement mieux – au moins sur le plan vidéoludique – que son illustre inspirateur. En 1996, en remplaçant le (déjà) vieillissant héros par une plantureuse jeune femme à l’activité très similaire (elle a même l’Arche d’Alliance dans son manoir !), Core Design aura dynamité le monde du jeu vidéo avec un des pionniers de l’aventure/action en 3D : existe-t-il encore un joueur sur terre pour n’avoir jamais entendu parler de Tomb Raider ?
Qui aurait pu croire qu’il serait si grisant d’être égaré des kilomètres sous terre ?
Commençons donc par le commencement : vous êtes Lara Croft, aventurière intrépide à la renommée mondiale. Contactée par Jacqueline Natla pour aller récupérer un artefact ancien nommé le Scion, vous partez pour le Pérou et la tombe de Qualopec… où vous ne tarderez pas à découvrir, après quelques heures de périple, que votre employeuse ne vous a pas tout dit et a envoyé d’autres « archéologues » à la recherche d’autres fragments de la relique tout en cherchant à vous doubler.
Sans doute l’un des passages les plus célèbres du jeu…
Bien décidée à tirer les choses au clair, vous vous embarquez alors pour un monastère romain avant de visiter une cité souterraine égyptienne, sans vous douter que vos voyages pourraient vous conduire jusqu’à la mythique Atlantide elle-même. Et quitte à comprendre la nature et la fonction de ce fameux Scion, attendez-vous à visiter des vallées perdues, des tombeaux anciens et des ruines millénaires, où la faune locale vous sera invariablement hostile et où le surnaturel ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez…
Le jeu assume parfaitement sa troisième dimension et sait utiliser intelligemment la verticalité
Vous l’aurez compris : vous n’avez peut-être ni chapeau, ni fouet, mais aller récupérer des fétiches en or avant de prendre la fuite, poursuivi par un rocher en cavale, c’est votre métier ! Comme son comparse Rick, Lara multiplie les références et les hommages à Indiana Jones, en se voulant une incarnation moderne et féminine de l’aventurier qui passe beaucoup plus de temps sur le terrain que dans sa salle de classe. Un programme déjà ambitieux sur le papier, mais plus encore dans une 3D toujours balbutiante en 1996, année où le sémillant Super Mario 64 venait tout juste de voir le jour.
Faire de la varappe au-dessus des crocodiles : une journée comme les autres, pour Lara
Dès lors, l’autre inspiration évidente sera un jeu en 2D qui n’avait alors pas encore tenté le passage à la troisième dimension (et qui se ramassera à sa première tentative de le faire, trois ans plus tard) : courir au-dessus des pointes, sauter sur des corniches, se faufiler entre des lames mécaniques, se raccrocher au-dessus du vide à la seule force des bras… Cela ne vous rappelle rien ? Prince of Persia aura donné les clefs du gameplay, restait à adapter celui-ci en 3D et à y creuser une composante vitale pour une aventurière : l’exploration. Encore fallait-il défricher des mécanismes largement inexistants et offrir un level design à la hauteur – ce que Fade to Black, principal initiateur du genre, avait partiellement échoué à accomplir. Hors, coup de bol : c’est précisément à ce niveau que Core Design sera parvenu à toucher le génie du doigt.
Évidemment, il faudra réussir des sauts compliqués au-dessus du vide !
Du côté de la jouabilité, Lara peut marcher, courir, sauter, faire feu avec ses deux revolvers ou avec d’autres armes qu’elle pourra trouver en chemin, escalader des corniches, se suspendre, mais également regarder autour d’elle et pousser ou tirer des blocs.
Oups ! Grimper sur la main de Midas : mauvaise idée…
Autant de fonctions encore difficiles à faire tenir sur un joystick PC à l’époque ; de fait, une certaine raideur due à l’inspiration « prince-of-persiaesque » du titre rend sa maniabilité plutôt plus précise au clavier, surtout que la caméra est fixée derrière les épaules et qu’il ne sera pas question ici d’aller la déplacer à la souris. Si un léger temps d’adaptation est à prévoir pour les habitués des FPS modernes où faire cinq choses en même temps est devenu une routine relativement courante, le fait est qu’on prend vite ses marques et qu’on découvre les premiers niveaux avec d’autant plus de confort qu’il est possible de sauvegarder absolument n’importe quand. Dès lors, si un saut un peu scabreux vous fait peur, n’hésitez pas à assurer vos arrières – en cas de décès, votre seul recours sera un retour à la dernière sauvegarde, et tant pis pour vous si celle-ci remonte à plusieurs heures.
Une maladresse, et c’est la mort
Penser un univers en 3D, c’est une science. Il faut savoir composer avec la verticalité, glisser des indices aux joueurs quant à la direction à suivre sans pour autant lui mâcher le travail, inclure des lieux cachés, distiller une ambiance, et composer avec les limites techniques de 1996 en s’efforçant de les faire oublier. Et là, Core Design a visé juste ; si juste, en fait, qu’il n’aura jamais réussi à atteindre tout à fait le même niveau dans les suites qui n’auront pas manqué de voir le jour suite au succès planétaire du premier opus.
La tombe de Qualopec, une étape un poil convenue
Non seulement les niveaux sont excellemment agencés, avec quelques très rares étapes un peu plus convenues (la tombe de Qualopec) ou inutilement tarabiscotées (la citerne), mais surtout le titre parvient à distiller une ambiance absolument fabuleuse et à régulièrement vous surprendre, alignant des morceaux de bravoure devenus cultes comme le célèbre T-Rex du troisième niveau à une sensation d’isolement magnifiquement transmise par une suite d’excellentes idées. On ne voit jamais le ciel, On ne croise pratiquement jamais un être humain, et la bande sonore se compose intégralement de nappes d’ambiances formées de vents mugissants, de bruits d’eau coulant sur la roche ou d’échos lointains qui donnent toujours le sentiment que tout un monde s’étend autour de vous et que vous n’en apercevez que des bribes, isolé que vous êtes sous des tonnes de roches au cœur de cités perdues où personne n’a mis les pieds depuis des millénaires.
Quel pied, quand on trouve une architecture grandiose à la sortie d’une rivière souterraine !
Que l’on plonge du haut d’une cascade, que l’on aligne des épreuves aux noms de divinités anciennes, que l’on louvoie entre les crocodiles au fond d’un bassin ou que l’on escalade un Sphinx gigantesque à moitié enseveli par le sable, l’univers du jeu fait mouche, et on se surprend rapidement à jouer dans le noir avec le casque sur les oreilles pour se croire perdu quelque part dans une vallée oubliée en se demandant quelle forme prendra le prochain obstacle à venir se placer sur notre route.
La citerne vous demandera de jouer avec le niveau de l’eau
Cela pourrait devenir prévisible, cela pourrait devenir redondant, cela pourrait même devenir fastidieux – miraculeusement, cela fonctionne toujours, et chaque changement géographique est l’occasion de découvrir de nouveaux environnements et de nouvelles architectures dans un cadre qui sait se rendre crédible avec un à-propos qui laisse pantois. Rarement s’est-on senti aussi seul au monde, et en même temps captivé par les restes épars des civilisations perdues qui s’étalent sous nos yeux. Oui, il faut souvent aller chercher des clefs, actionner des leviers, regarder partout pour comprendre où aller – mais le tout est présenté de façon si ingénieuse qu’on en vient à trouver la dizaine d’heures nécessaire à l’accomplissement du jeu trop courte, beaucoup trop courte.
Le jeu sait varier ses décors au sein d’un même environnement
Pour brute qu’elle soit, la 3D texturée de 1996 accomplit d’ailleurs de véritables miracles. Le jeu s’en sortait déjà très bien en VGA, dans une réalisation qui était alors la copie quasi-conforme de ce qu’on peut apercevoir dans la version PlayStation, mais rares étaient ceux à disposer d’une machine assez puissante pour espérer jouer en 640×480.
Les rares humains que vous croiserez seront systématiquement des concurrents
Non seulement ce n’est évidemment plus un problème, mais Tomb Raider aura également vu le jour à l’époque où les premières cartes accélératrices 3D commençaient à montrer le bout de leur nez, offrant à la fois une action beaucoup plus fluide et des textures filtrées. C’est une version optimisée pour les cartes 3Dfx (qui ont disparu depuis longtemps) et tournant sous DOSBox en utilisant un Glide Wrapper qui est commercialisée aujourd’hui sur GOG.com (cela ne semble pas être le cas de la version vendue sur Steam, mais je n’ai pas poussé le vice jusqu’à acheter les deux versions pour vérifier). Cela permet de profiter de graphismes plus fins et de textures moins pixelisées, pour un rendu qui a globalement bien vieilli. Je me souviens que le jeu reconnaissait également certaines cartes Direct 3D à sa sortie : je l’avais découvert sur un PC équipée d’une Matrox Mystique, et j’avais alors pris une sacrée claque. De nos jours, l’ambiance additionnée à l’excellence du level design compensent très largement cette 3D anguleuse mais qui a conservé une large partie de son charme.
Plus on avance, et plus l’atmosphère côtoie l’étrange…
Je dois d’ailleurs avouer avoir complété le jeu pour la deuxième fois, presque vingt-cinq ans après sa sortie, avec un plaisir égal à celui de la première. Une fois la prise en main domptée (soit au bout de cinq minutes, dans le pire des cas), on est frappé par la fascination quasi-universelle que représente le fait de prétendre être un explorateur à la recherche des mondes perdus qu’on prétendait dénicher dans un coin isolé de la cour de récré ou au fond du placard lorsqu’on était enfant.
Si ça ce n’est pas un classique du genre…
On tourne parfois en rond, on se creuse les méninges, on jubile de découvrir enfin le mécanisme qui nous avait échappé, et on aborde la suite du programme avec une gourmandise jamais démentie tant chaque niveau réussit à nous proposer quelque chose de suffisamment dépaysant pour parvenir à nous surprendre dans la continuité. C’est sans doute là, bien plus que sa plantureuse héroïne, la vraie raison du succès mondial instantané qu’aura rencontré Tomb Raider : c’est non seulement un excellent jeu, mais c’est aussi une aventure aussi prenante, aussi efficace et bien plus longue que les épopées filmiques de l’archéologue qui l’a inspirée. Si jamais vous n’avez encore jamais posé les mains sur ce titre, accordez-vous le temps de vous laisser happer. Il y a des expéditions qu’on n’oublie tout simplement jamais.
De tous les obstacles, les chronométrés seront les plus délicats à franchir
Quelque mots, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu. Le doublage aura été confié à une équipe professionnelle, où la doubleuse de Lara Croft (Françoise Cadol, la voix française de Sandra Bullock) tire clairement son épingle du jeu face à des doubleurs masculins en surjeu. Rien de dramatique, mais de quoi briser un peu l’immersion.
Le jeu n’est jamais à court de surprises
Notons aussi quelques ratés dans la traduction, le plus célèbre intervenant dans la cinématique de fin du premier « monde » : alors que votre héroïne devait finir par les paroles « Thanks, I will » (soit, dans le contexte « Merci, c’est ce que je vais faire »), cela aura été traduit très littéralement en français pour devenir un « Merci, je vais » qui ne veut absolument rien dire ! Que l’équipe responsable du doublage ait enregistré la phrase telle quelle sans se poser de question en dit hélas assez long sur le professionnalisme des équipes d’époque, mais il vous sera de toute façon délicat d’en profiter, la version française n’étant plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 19/20
Parfois, un jeu débarque, vise juste à tous les niveaux et met tout le monde d'accord. Loin d'un simple succédané d'Indiana Jones, Tomb Raider est la première véritable aventure à la Prince of Persia en 3D mêlant exploration, énigmes, combats et habileté. Et quelle claque ! Entre un level design tirant magnifiquement parti de la troisième dimension et touchant parfois au génie et surtout une ambiance pratiquement indépassable, le titre de Core Design parvient à nous faire devenir l'aventurier – ou plutôt, l'aventurière – qu'on avait tous rêvé d'être en regardant les aventures de l'archéologue imaginé par Steven Spielberg et Georges Lucas. Perdu des kilomètres sous terre, dans des cités oubliées, à chercher des artefacts interdits en réveillant des créatures anciennes, on se laisse emporter pour une quinzaine d'heures dans une épopée comme on en a peu vécues depuis lors. Un vrai bijou que chaque joueur devrait prendre le temps de découvrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Pas de carte
– Une caméra pas toujours bien placée
– Maniabilité assez raide
– Quelques niveaux moins inspirés que d'autres
– Le bug du menu (version GOG.com)
Les avis de l’époque :
« Le cadre est ici magnifié par la 3D et non plus limité par elle. On est bien loin des balbutiements d’un Fade to Black. La liberté offerte au joueur est totale et le décor doté d’un relief n’ayant rien à envier à celui de notre héroïne (ce qui est déjà un exploit en soi). »
Thierry Falcoz, Génération 4 n°93, novembre 1996, 5/6
Version PlayStation
Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : Eidos, Inc.
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 25 novembre 1996 (Europe) – 14 février 1997 (japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’introduction du jeu :
Tomb Raider ayant été publié simultanément sur PC, sur PlayStation et sur Saturn, avec sensiblement la même équipe aux commandes à chaque fois, on était en droit d’attendre des versions très proches avec des adaptations minimales. De fait, cette itération PlayStation est techniquement si proche de la version VGA initialement parue sous DOS (et donc pas de la version optimisée pour 3Dfx qui est celle actuellement vendue sur GOG.com) qu’on s’attend presque à trouver la copie conforme du jeu tel qu’on l’a connu sur PC.
Techniquement, comme souvent avec la PlayStation, c’est du solide
Plusieurs différences existent, néanmoins. Techniquement, le jeu est irréprochable et tourne comme un charme, même s’il est naturellement moins fin que la version 3Dfx, avec une résolution deux fois plus basse et des textures non filtrées. La réalisation fait toujours mouche en dépit de son âge, et la maniabilité au pad est très bonne à condition de bien se souvenir qu’on est ici aux balbutiements du genre, et qu’il ne faudra pas vous attendre à déplacer la caméra avec le stick droit ou à pouvoir vous diriger avec autant de naturel que dans les FPS dernière génération – comptez cinq à dix minutes d’adaptation.
Dommage qu’on ait perdu les nappes sonores dans cette version
La première surprise intervient du côté de la musique : les excellentes nappes d’ambiance qui accompagnaient la version PC ont ici totalement disparu, remplacées par des thèmes dynamiques qui se font généralement entendre lorsque des adversaires apparaissent. C’est dommage, car ces échos de vent mugissant ou d’eau clapotant contre la roche étaient cent fois plus efficaces que ces thèmes prévisibles, qui ont en plus l’inconvénient de vous annoncer à l’avance que des ennemis vont vous tomber dessus. Les différents animaux m’ont d’ailleurs parus sensiblement moins résistants dans cette version.
Évidemment, pas de filtre bilinéaire pour les textures ici
Sans doute une mesure de rééquilibrage, car la principale différence avec la version PC va bien évidemment se situer au niveau… de la sauvegarde. Plus question ici, en effet, de sauvegarder avant chaque saut si le cœur vous en dit : vous ne pourrez sauvegarder qu’entre les niveaux, et via des cristaux disséminés à des points stratégiques, et qui en plus d’être peu nombreux, ont en plus le tort d’être à usage unique. Autant dire que la philosophie globale s’en retrouve largement bouleversée : vous pouvez tout à fait mourir pour avoir raté un saut délicat et repartir un quart d’heure en arrière ! Dès lors, le défi est évidemment plus consistant et peut se révéler très frustrant, particulièrement lors de combats dans des endroits exigus où les faiblesses de la caméra risquent de vous poser de sérieux problèmes. Autant dire que si vous n’aimez pas refaire des séquences de dix minutes en boucle pour avoir raté une action ou entrepris un geste un peu trop vite, vous risquez de souffrir ! Ces détails mis à part, le contenu du jeu n’a évidemment pas bougé d’un iota, et même s’il faut désormais composer avec des temps de chargement au lancement des niveaux, l’expérience demeure globalement très satisfaisante. À vous de voir si la difficulté vous effraie, car si vous avez les nerfs fragiles, il sera peut-être plus sage de se diriger vers la version PC.
Les ennemis m’ont paru un peu moins coriaces
NOTE FINALE : 18/20
Tomb Raider est un jeu souvent associé à la PlayStation, et vu l’excellente réalisation du titre, on comprend facilement pourquoi. Sans parvenir à se hisser au niveau de la version optimisée pour cartes accélératrices sur PC, la technique est irréprochable et la jouabilité est très bonne une fois qu’on a pris le pli. Dommage que les nappes d’ambiance aient disparu, en revanche, et que le système de sauvegarde rende le jeu beaucoup plus exigeant, mais si vous êtes prêt à découvrir le jeu « à la dure », inutile de bouder cette version.
Version Saturn
Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : Eidos, Inc.
Date de sortie : 24 octobre 1996 (Europe) – 18 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 24 janvier 1997 (Saturn)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire
Vidéo – L’introduction du jeu :
Sur le papier, la Saturn avait des arguments pour rivaliser avec la puissance de sa principale concurrente, à savoir la PlayStation. Dans les faits, rares auront été les développeurs aptes à tirer le meilleur du capricieux hardware de SEGA, et la comparaison entre un même jeu tournant sur les deux machines est très rarement à l’avantage de la Saturn. Une constatation qui s’appliquera également à Tomb Raider : si le jeu bénéficie des mêmes adaptations que sur la machine de Sony (plus de sauvegarde à tout va, plus de nappes d’ambiance), on sent que le moteur de jeu a laissé quelques plumes lors du transfert (il ne tire visiblement aucun parti du VDP2, le deuxième processeur de la console).
Ça tourne moins bien, mais ça tourne
Globalement, les graphismes sont moins fins, le jeu tourne plus lentement, il est moins fluide (avec quelques ralentissements dans les grandes salles), et surtout la qualité des textures se dégrade dramatiquement dès qu’on s’éloigne à plus de deux mètres d’une surface. Pour ne rien arranger, le gamma est trop sombre, et même en le réglant dans les options, on a toujours l’impression de jouer avec des lunettes de soleil. Rien de rédhibitoire pour autant – le jeu n’est pas devenu moche ni injouable – mais la déperdition reste sensible, particulièrement si vous venez tout juste de voir tourner une des autres versions. La qualité des bruitages, elle aussi, a baissé. Dit comme cela, cela semble commencer à faire beaucoup, mais le jeu est fort heureusement toujours aussi bon. À tout prendre, la Saturn n’est certes pas la meilleure machine sur laquelle découvrir le jeu, mais ceux qui n’auraient que cette version à portée de main devraient malgré tout passer un très bon moment.
La Saturn était capable de mieux que ça, mais peu de développeurs le savaient
À noter que, même si ces éléments ne m’étaient pas connus au moment du test, il s’avère que Tomb Raider aura bel et bien été… une exclusivité temporaire de la Saturn. Celle-ci, apparemment négociée sur le tard par SEGA auprès d’Eidos, aura donc valu au jeu de paraître sur la console de SEGA un mois avant les versions PC et PlayStation – sans doute avec l’espoir que cela apporterait un petit coup de fouet aux ventes de la machine –, ce qui pourrait expliquer que cette version « anticipée » jouisse de quelques petites différences en termes de level design, et qu’elle soit la seule à ne pas bénéficier d’une version française intégrale.
Le jeu est devenu plus sombre ; pensez à régler votre téléviseur en conséquence
NOTE FINALE : 17/20
Sans surprise, la Saturn tire la langue au moment de rivaliser avec la PlayStation, et ce Tomb Raider se situe clairement en-dessous de celui de la machine de Sony sur le plan technique. Cela ne suffit heureusement pas à dégrader irrévocablement l’expérience de jeu, et on s’amuse toujours autant, mais si vous voulez des textures plus précises ou un jeu plus fluide, mieux vaut vous diriger vers les autres versions.
Tomb Raider : Version longue
Titre original :Tomb Raider : Unfinished Business (Royaume-Uni) Titres alternatifs :Tomb Raider Gold (Amérique du Nord), Tomb Raider : Director’s Cut (Allemagne) Date de sortie : 17 février 1998 Testé sur : Macintosh, PC (DOS, Windows 9x) Disponible sur : Android, iPad, iPhone
C’est littéralement davantage de la même chose
Cas un peu particulier de cette extension qui n’en n’est pas tout à fait une : sortie quelques mois avant Tomb Raider III, cette édition sous-titrée « Version longue » dans la langue de Rabelais est, comme son nom l’indique, une version « regonflée » du titre original incluant quelques nouveautés. Du côté technique, en plus du jeu de base, on trouve sur le CD des patchs pour la plupart des cartes accélératrices 3D disponibles en 1998 histoire d’élargir encore un peu le public visé. À ce détail près, le principal intérêt de cette version réside dans les quatre niveaux inédits inclut en bonus : deux niveaux égyptiens envoyant Lara enquêter sur une mystérieuse statue dédiée à la déesse Bast et deux niveaux atlantes prenant place immédiatement après la fin de l’aventure originale (Lara commence ici directement sur la pente qui clôturait le jeu initial). Comme on peut s’en douter, pratiquement tout ce qui est utilisé ici, qu’on parle des environnements ou des monstres, était déjà présent dans le titre de base (même si on sera heureux de croiser les premiers extérieurs du jeu) – ce qui explique sans doute que cette « extension », si on peut l’appeler ainsi, n’ait jamais été vendue seule, le contenu additionnel pouvant être vaincu en moins de deux heures. À tout prendre, c’est toujours un ajout bienvenu, mais on notera que celui-ci n’est pas inclus avec la version vendue en ligne à l’heure actuelle, ce qui pourra le rendre difficile à dénicher. Il n’est donc probablement pas utile de remuer ciel et terre pour espérer le dénicher de nos jours, mais les joueurs ayant la chance de le posséder pourront au moins rempiler pour une ou deux séances de jeu supplémentaires.
NOTE FINALE : 16/20
Bonus sympathique plus que réelle extension, Tomb Raider : Version longue a le mérite d’offrir quatre niveaux supplémentaires qui n’introduisent certes absolument rien qu’on n’ait déjà vu dans le jeu de base, mais qui permettront de bénéficier de deux heures d’aventure en plus. Pourquoi se priver ?
Développeur : Richard Garriott Éditeur : California Pacific Computer Co. Titres alternatifs :D&D28b (titre de travail), Ultima 0 (titre informel) Testé sur :Apple II – PC (DOS) Disponible sur : iPhone, Linux, Macintosh, Windows 7/8/10 (Version DOS émulée) Téléchargeable gratuitement sur :Gog.com (Linux, Macintosh, Windows)
Version testée : Version disquette testée sur Apple II
Configuration minimale : Système : Apple II – OS : Applesoft BASIC – RAM : 48ko Mode graphique supporté : Haute résolution
Pourrait-on réellement imaginer aborder la genèse du jeu de rôle informatique sans mentionner Richard Garriott ? Le nom n’évoquera pas nécessairement quelque chose aux joueurs les plus jeunes (comprendre : aux moins de trente-cinq ans), et pourtant, c’était sans doute l’une des toutes premières célébrités au sein de l’univers des développeurs de jeu vidéo. Personnage fantasque vivant désormais dans un manoir improbable rempli de passages secrets, sixième touriste de l’histoire de l’aérospatiale, le fils de l’astronaute Owen K. Garriott aura acquis dès son adolescence, en raison de ses origines anglaises, le surnom sous lequel il sera resté célèbre : Lord British.
Une des premières versions du jeu, vendue dans un sac Ziploc (source : mobygames.com)
Et l’histoire de sa longue et prolifique carrière débute à l’été 1979, alors que Richard travaille dans une boutique d’informatique. Programmeur occasionnel, celui qui s’apprête à rejoindre l’université du Texas vient de terminer un énième logiciel, auquel il a donné le nom d’Akalabeth, sans doute en référence à un chapitre du Silmarillion de J.R.R. Tolkien au nom très proche (« Akallabêth ») et qui décrit la chute du royaume de Númenor. Encouragé par ses amis et son manager à le commercialiser, Garriott s’exécutera, imprimant les notices et vendant les disquettes du jeu dans des sacs en plastique, avant de le proposer aux clients de passage. Pour la petite histoire, seuls douze de ces exemplaires trouveront un acquéreur. La chance ou le hasard auront voulu que l’un de ces exemplaires finisse sur le bureau de la California Pacific Computer qui, emballée, aura proposé un contrat au jeune étudiant. Akalabeth se vendra à plus de 30.000 exemplaires, démarrant ainsi la légende de son créateur…
Des couloirs, des portes, des monstres, des trésors : la base
Le but du jeu n’est même pas d’aller vaincre un grand méchant : l’introduction textuelle du jeu vous expliquera comment vous intervenez après la défaite de Mondain (qui deviendra l’adversaire final d’Ultima l’année suivante), dans un royaume en reconstruction déjà dirigé par un certain Lord British (autre gimmick récurrent de la future saga, ce qui conduit d’ailleurs souvent les joueurs à considérer Akalabeth comme une sorte d’ « Ultima 0 »). Votre objectif sera de remplir une série de quêtes vous envoyant sempiternellement vaincre un type donné d’adversaire avant d’en rendre compte au roi, lequel finira par vous adouber en vous accordant le titre de chevalier… avant de vous laisser continuer à parcourir les donjons du royaume, le titre n’ayant pas de fin à proprement parler. On touche donc aux fondamentaux du genre – et notamment aux codes en vigueur dans Rogue, qui verra d’ailleurs le jour à la même période : s’équiper, explorer et combattre. Le tout selon un système bien évidemment inspiré de LA référence du jeu de rôle papier d’alors : Donjons & Dragons.
Il est déjà possible de visiter le monde extérieur
À ce titre, le jeu ne propose pas un plan et un univers défini : vous débuterez en fait la partie en choisissant votre « numéro fétiche » qui décidera ensuite de la génération procédurale du monde et des différents donjons du logiciel. Après avoir sélectionné votre difficulté via un chiffre entre un et dix, vous procéderez au choix de votre classe : ce sera guerrier ou mage. Dans les faits, cela ne change que très peu de choses : le mage n’a pas accès à toutes les armes, mais il tirera plus facilement de meilleurs résultats de l’unique objet magique du jeu : l’amulette.
Toutes les possibilités du jeu en un écran
Après quoi, vous passerez au tirage de vos caractéristiques, puis débuterez votre périple dans une ville qui vous permettra de faire vos premiers achats. Comme vous allez rapidement le découvrir, il y a très peu de choses à acheter dans Akalabeth ; en fait, il est tout à fait possible de partir à l’aventure avec un équipement « optimal », ce qui ne demandera pas un gros effort puisqu’il n’y a que quatre armes en comptant l’amulette magique, une seule armure, et que le reste de vos dépenses ne concernera de toute façon que la nourriture, dont vous aurez un besoin vital. Il n’y a pas de magie dans le jeu, pas davantage de soins : il est impossible de dormir et il n’y a pas de potions. Vous récupèrerez simplement des points de vie à la sortie d’un donjon – encore un système qui sera repris dans Ultima, ce qui n’est pas très surprenant lorsqu’on considère que le moteur y gérant les donjons sera tiré directement d’Akalabeth. Votre première tâche devra donc être de trouver un donjon, pour y gagner de l’argent et faire quelques réserves de nourriture. La deuxième sera de trouver le château de Lord British pour y dégotter vos quêtes. Dans tous les cas, sortez vos cahiers : il va falloir commencer par cartographier le royaume.
Au loin, une trappe, et derrière elle, un coffre
Sans aller jusqu’à proposer un monde aussi étendu et réaliste que celui qui allait faire la renommée d’Ultima, le royaume d’Akalabeth s’étend en effet sur une grille de 20×20 générée, comme on l’a vu, en fonction du chiffre que vous avez entré au début de la partie. Vous n’y trouverez que cinq types d’éléments : des villes qui font office de boutique (et de rien d’autre), des montagnes que vous ne pouvez pas franchir, des arbres qui ne servent à rien, des donjons qui seront le cœur du jeu, et enfin le château de Lord British où vous irez chercher et rendre vos quêtes.
Le système de quête est intelligemment intégré au jeu
Sachant que votre personnage ne « voit » que dans un rayon d’une case autour de lui, mieux vaudra être méthodique pour ne pas rater le fameux château… et un peu chanceux, car si vous mettez trop de temps à trouver un donjon et à y amasser de l’argent pour revenir faire vos emplettes à la ville la plus proche, vos réserves de nourriture s’épuiseront et ce sera le game over. Ces premières minutes seront donc les plus difficiles : l’idée est de dénicher au plus vite un parcours rapide entre une ville et un donjon histoire de vous faire des réserves suffisantes pour pouvoir partir en quête du château et « lancer » enfin la véritable quête du jeu.
Trouver le château de Lord British est une quête en soi
Nous sommes en 1980, et explorer des donjons pour tuer des monstres est donc le seul véritable mécanisme vidéoludique du jeu. Les combats se font en pressant une touche et en choisissant l’arme à employer. Il n’y a pas de magie à proprement parler, comme on l’a vu ; les coffres se ramassent automatiquement en passant dessus, il n’y a pas besoin de les crocheter et il n’y a pas de pièges. Impossible également d’être empoisonné (les voleurs peuvent en revanche vous voler de l’équipement, et surtout les gremlins peuvent vous dérober la moitié de votre nourriture !).
Les combats sont très basiques, comme le reste
La gestion de l’inventaire est minimale (aucun encombrement), les objets tiennent en une simple liste, et il n’y a même pas d’expérience : votre personnage gagne un point de chaque caractéristique en rendant une quête, tout le reste ne tient qu’à l’amulette magique qui peut, selon votre bonne étoile, faire apparaître une échelle vers le haut ou vers le bas ou bien vous transformer en crapaud ou en homme-lézard – avec, on s’en doute, un effet dramatique sur vos caractéristiques. Sachant que vous pouvez de toute façon l’employer à répétition sans aucune limite, vous avez donc le jeu résumé en deux lignes : devenir autonome, monter votre puissance, tuer des monstres, recommencer.
Les serpents du jeu ne peuvent pas vous empoisonner
Dire que le principe montre ses limites extrêmement vite est une évidence – on parle ici d’un des tout premiers jeux de rôles, développé par un étudiant seul sur son temps libre à la fin des années 70 ; autant dire qu’on ne va s’attendre à trouver ni Diablo ni Baldur’s Gate. Pourtant, le plus fascinant reste de constater à quel point la formule, pour extraordinairement basique qu’elle soit, fonctionne encore… allez, pour une heure, peut-être deux dans le meilleur des cas. Le fait qu’il n’y ait pas de réelle montée en puissance de votre personnage ou de son équipement est la plus grave lacune : on n’a tout simplement rien pour nous pousser à continuer à jouer, ce qui fait qu’une fois le monde exploré et le pli pris, revenir au jeu n’a pour ainsi dire aucun intérêt dès l’instant où on a n’importe quel autre jeu de rôle sous la main. Inutile également de mentionner la réalisation du jeu : pas de son, graphismes monochromes, couloirs vectoriels, rien qui fasse briller la rétine ou vibrer les tympans.
Tremble, vil rat !
Néanmoins, le tout est si bien pensé et si « fondateur » que je ne parviens pas à trouver en moi l’énergie de descendre le logiciel en flammes, en dépit de l’énorme coup du vieux qu’il a bien évidemment accusé. Certes, Akalabeth est une curiosité qu’on parcourt comme on visite un musée : par soif historique bien plus que par ambition ludique. Mais on y lit tellement de potentiel, et on y devine déjà tous les mécanismes essentiels du genre avec une telle évidence qu’il est tout simplement absurde de parler de « mauvais » jeu. Daté, limité, basique, court ; Akalabeth est tout cela, et il y a peu de chances que vous découvriez en le lançant un logiciel capable de vous occuper des mois – ou même des jours, pour être honnête – mais si vous voulez comprendre sur quelles bases a été fondée la quasi-totalité de l’histoire du jeu de rôle informatique, alors voilà sans doute l’un de vos points de départ. À connaître.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 08/20
Si on prend en compte son âge canonique (plus de quarante ans !), Akalabeth : World of Doom est assurément un titre qui méritait d'offrir à Richard Garriott les premiers jalons de sa fantastique carrière ; il propose encore aujourd'hui tous les mécanismes essentiels du genre : explorer, combattre, progresser, et recommencer. Évidemment, avec quatre décennies de production vidéoludique à sa suite, il a fatalement pris un énorme coup de vieux et manque de quantité de mécanismes qui sembleraient évidents de nos jours : un système de plan, un équipement et des caractéristiques plus poussés, de l'expérience, une gestion de groupe, de la magie... Difficile pourtant de se montrer sévère avec ce simple projet d'étude originellement vendu dans un sac Ziploc : il demeure suffisamment efficace pour qu'on puisse se surprendre à y engloutir une heure ou deux le temps de voir ce qu'il a réellement à offrir. Le début d'une aventure bien plus vaste, qui a de quoi faire réfléchir plus d'un apprenti-programmeur.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des mécanismes extrêmement basiques dans tous les secteurs
– Une réalisation qui hurle son âge
– Pas d'expérience, et une gestion de l'équipement extrêmement limitée
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Akalabeth sur un écran cathodique :
Version PC (DOS)
Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 17 février 1998
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
C’est un peu plus dur, mais ça tourne plutôt mieux
Akalabeth était originellement sorti exclusivement sur Apple II, à une époque où même l’antique PC n’existait pas. Un portage officiel aura pourtant fini par voir le jour… pas moins de 17 ans après la sortie du titre original. La raison ? Electronic Arts publiant l’ambitieuse Ultima Collection, qui réunissait les huit épisodes « canoniques » de la saga dans leur version PC (Ultima IX n’allait sortir que deux ans plus tard, et aucun des spin-off de la série n’était présent, pas même les deux Ultima Underworld), il fut décidé de publier l’opus « originel » (quand bien même il n’était pas officiellement rattaché à la saga) en guise de bonus pour les joueurs PC qui n’avaient jamais eu l’occasion de poser les mains dessus (la configuration minimale donnée est d’ailleurs celle de la compilation, je doute qu’Akalabeth ait franchement besoin d’un 486DX pour tourner). Le titre fut donc intégralement reprogrammé pour tourner sous MS-DOS – ce qui était un peu limite, même en 1998, l’OS de référence sur PC étant alors Windows 95. Au menu, que retrouve-t-on ? Eh bien, sensiblement la même chose, avec des résultats un peu différents. Par exemple, entrer votre numéro fétiche ne génèrera pas les mêmes cartes que dans la version Apple II. Chaque pas coûte ici une unité de nourriture, ce qui rend le jeu bien plus délicat, surtout dans ses premières minutes. En revanche, les graphismes n’ont pratiquement pas bougé, il n’y a pas une couleur à l’écran, il n’y a ni écran-titre ni instructions ingame, et il n’y a pas de musique ni de bruitage non plus. Autant dire que le jeu tourne en revanche comme un charme et qu’on n’a pas l’ombre d’un délai d’affichage au moment de dessiner les couloirs des donjons. Le logiciel remplit donc à merveille sa fonction, à savoir de reproduire l’expérience originale plus ou moins fidèlement sans avoir à dénicher un Apple II et un des 30.000 exemplaires vendus.
NOTE FINALE : 08/20
Sorte de petite friandise avant tout pensée pour les fans de la saga Ultima, Akalabeth sur PC offre un portage relativement fidèle (mais sensiblement plus difficile) de ce qu’offrait la version Apple II. Un bon moyen de découvrir le jeu gratuitement, puisqu’il est distribué librement sur GOG.com sans avoir à débourser un centime.
Développeur : The Logic Factory, Inc. Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Titres alternatifs :Ascendancy : Macht der Allmacht (Allemagne), Ascendancy : De Galactische Uitdaging (Pays-Bas) Testé sur :PC (DOS) Disponible sur : iPad, iPhone
La chose a certainement déjà été évoquée dans ces pages, mais au sein du firmament vidéoludique ne brillent pas que des astres éblouissants au milieu d’une masse de matière sombre. Il y a également des étoiles filantes : des jeux ayant bénéficié d’une fugace célébrité au moment de leur lancement avant de disparaître dans les ténèbres de l’anonymat, souvent accompagnés du studio qui les a développés.
Les possibilités de configuration sont limitées, et il manque surtout un mode de difficulté
À titre d’exemple, combien parmi vous ont déjà entendu parler de The Logic Factory ? Derrière ce nom se cache une société américaine au parcours singulier : après avoir publié deux titres à la fin des années 90, la compagnie a sombré dans l’oubli avant de réapparaître en 2012, le temps de porter leur premier jeu, Ascendancy, sur iPhone, et d’annoncer une suite. Depuis ? Nouveau silence radio, et le site internet de la société a même fermé ses portes en 2014. L’occasion de se pencher un peu sur ce titre, justement, succès critique à sa sortie, et de découvrir s’il méritait réellement de disparaître des radars pendant près de vingt ans ou s’il aurait mérité une série, voire même un reboot comme celui dont a récemment bénéficié Master of Orion.
Toute une galaxie s’offre à vous !
Ascendancy est un titre qui s’inscrit dans la tradition balbutiante de ce qu’on n’appelait pas encore les 4X à l’époque (le terme désignant les quatre axes du genre en anglais : « eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate » dont l’équivalent français ne devrait pas poser trop de problème même aux moins bilingues de nos lecteurs).
Il n’y a absolument aucune option de tri ni aucun filtre dans l’interface du jeu
Ce mélange de gestion et de stratégie initié par Civilization en 1991 avait déjà commencé à faire des petits, parmi lesquels les excellents Master of Orion ou Master of Magic, mais représentait encore quelque chose de relativement neuf en 1995. Le but ici sera d’asseoir votre domination sur la galaxie… a priori. Je dis « a priori », car premier faux pas : l’objectif du titre n’est jamais clairement donné nulle part, pas même dans le manuel où il est spécifié que « ce sera à vous de le découvrir » (!). Si on peut imaginer que le but du jeu rejoigne celui des canons du genre, on ne pourra que s’agacer d’être lâché dans un programme sans même avoir la moindre notion de ce qu’on est censé y accomplir, ce qui traduit déjà un game design qu’on sent lacunaire. Qui joue à un jeu sans connaître les règles ni savoir comment on gagne ?
Le développement de vos planètes représentera une part importante du jeu
Dans les faits, le logiciel a au moins le mérite de vous proposer un didacticiel très complet qui vous permettra de maîtriser l’interface et les différentes subtilités du titre, et on sera également heureux de profiter d’une aide directement intégrée dans l’interface via une simple pression de la touche Maj.
Les options de construction tournent exclusivement autour de trois axes plus la défense militaire
L’occasion de découvrir que vous allez commencer par développer une unique planète avant de lancer vos recherches scientifiques et d’acquérir le savoir nécessaire pour pouvoir coloniser votre système solaire, puis le reste de la galaxie. Le développement de toutes vos planètes sera basé sur trois axes qui ne varieront pas au cours de la partie : la production, l’agriculture et la recherche. Plus vos capacités de production seront importantes, plus vous produirez vite, et il en ira de même pour la recherche, la seule fonction de l’agriculture étant d’entretenir la croissance de la population qui vous fournira la main d’œuvre pour faire tourner vos usines et vos laboratoires. Il n’y a pas de commerce à proprement parler, pas de gestion politique (pas de mécontentement ou de révoltes), pas d’infrastructure à gérer : autant dire l’essentiel, mais cela a le mérite de clarifier les choses au moment de sélectionner vos priorités de développement.
Les combats se déroulent eux aussi sur une carte en 3D
L’exploration et le combat seront assurés par les seules unités que vous puissiez bâtir : vos vaisseaux spatiaux. Ceux-ci seront à concevoir composant par composant en fonction de plusieurs caractéristiques : puissance de feu, vitesse de déplacement, énergie, boucliers, etc. Au fil de vos recherches, vous débloquerez des dizaines d’améliorations qui finiront par représenter une liste d’autant plus pénible à parcourir qu’aucun composant n’est jamais considéré comme obsolète et qu’il est à la fois impossible d’opérer une quelconque forme de tri ni surtout de sauvegarder un modèle. Chaque fois que vous construirez un astronef, il faudra impérativement le concevoir de zéro, même lorsque vous serez en train de construire une flotte en vue d’une guerre imminente. Si ce louable effort de customisation a le mérite de rendre les combats un peu plus techniques, nettement moins aléatoires et un peu plus prenant que ceux de Civilization, il introduit en revanche une tare qui risque de rapidement assommer les fans les plus accomplis du genre : la microgestion.
Concevoir un vaisseau est une tâche moins amusante lorsque c’est le dixième en deux minutes
Dites-vous par exemple qu’une grande planète est constituée d’une bonne cinquantaine de cases sur lesquelles vous construirez vos bâtiments, en tenant compte d’un code de couleurs visant à offrir des bonus au type de structure approprié. Vous devrez donc sélectionner manuellement chacun des bâtiments à construire à chaque fois que la précédente construction sera terminée, et sans doute revenir démolir les structures les plus anciennes pour les remplacer par de plus performantes.
Autant dire que le développement d’une petite planète devra être farouchement optimisé…
C’est déjà chronophage, d’autant plus lorsqu’on réalise qu’absolument aucune option d’automatisation n’est disponible. Maintenant, imaginez-vous en train de reproduire la même chose sur plus de 70 planètes, ce qui n’aura strictement rien d’exceptionnel dans une partie lambda avec une galaxie de densité moyenne, et vous allez vite comprendre pourquoi la moindre partie s’étire sur des dizaines d’heures. De fait, 95% de votre temps de jeu risque de se limiter à choisir de construire un des trois types de bâtiments dans une liste et à recommencer, ce qui finit rapidement par présenter un intérêt ludique proche du néant. Autant vous y faire, car le jeu ne connaissant à ma connaissance ni victoire diplomatique ni victoire scientifique, votre seul salut passera par une conquête méthodique de toutes les planètes de la galaxie… face à une I.A. qui n’aura aucune chance.
La diplomatie est beaucoup trop limitée
Contrairement à ses illustres prédécesseurs, Ascendancy ne propose en effet qu’un unique mode de difficulté, où l’I.A. ne triche pas – ce qui est certes louable, mais demande du coup des routines de développement bien pensées, ce qui n’est pas le cas ici. Vous allez vite constater que vos adversaires développent leurs planète n’importe comment et ne font preuve d’aucune cohérence dans leurs décisions, choisissant souvent de vous déclarer la guerre un peu au hasard et de ne jamais se rendre quand bien même vous avez laminé 99% de leur empire. L’aspect diplomatique est de toute façon boiteux, pour ne pas dire foncièrement inutile : on ne peut pour ainsi dire rien y accomplir en-dehors d’un échange de cartes ou de recherches, et dans ce dernier cas vous devrez obligatoirement échanger TOUTES vos avancées contre celles de votre interlocuteur !
Beaucoup d’informations sont délivrées sur le moment et ne sont consultables nulle part
Un patch sera venu offrir une I.A. plus agressive et plus capable, mais il ne casse toujours pas des briques, et le fait est que les possibilités du jeu le réduisent un peu trop exclusivement à une conquête méthodique de la galaxie planète par planète face à une opposition très limitée pour qu’on puisse véritablement parler de 4X digne de ce nom. Pour ne rien arranger, l’aspect militaire lui-même montre vite ses limites : vous êtes bridé dans vos capacités de production à un certain nombre de vaisseaux dans votre flotte, ce qui fait que construire les modèles les plus petits et les moins puissants n’a absolument aucun intérêt, et les affrontements en eux-mêmes se jouent quasi-exclusivement sur la portée et la puissance de vos armes. Notons également des erreurs d’équilibrage flagrantes, comme le fait qu’il soit possible de découvrir via des fouilles archéologiques des percées scientifiques infiniment plus avancées que celle de tous les autres joueurs, ce qui peut donner un avantage indépassable grâce à un pur coup de chance.
La recherche se termine en eau de boudin, un peu comme le reste du jeu
C’est d’autant plus dommage que le titre sait se montrer authentiquement addictif lors des premières heures, notamment grâce à une réalisation musicale qui mérite d’être mentionnée ici. En terme d’atmosphère, Ascendancy n’a que peu de réels équivalents, et nombreux sont les joueurs à aimer le relancer uniquement pour bénéficier de ses thèmes musicaux (la vidéo de gameplay du jeu, en clôture de l’article, devrait vous aider à vous faire une idée). La variété des races extraterrestres laissait également entrevoir des possibilités grisantes, mais le fait est qu’une fois l’arc scientifique et la galaxie explorés, on n’a tout simplement pas grand chose d’autre à faire que de continuer à construire des bâtiments qui ne servent plus à rien et d’envoyer notre flotte vers le prochain système stellaire pour ajouter trois ou quatre planètes à notre empire microgéré. Frustrant, car on sent bien qu’avec quelques mois de rodage supplémentaires, il y aurait vraiment eu matière à proposer un titre majeur du genre, mais en l’état, le soufflé retombe trop vite et on a vite fait de retourner sur les ténors du domaine.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13,5/20
En s'appuyant sur des codes du 4X bien installés depuis Civilization et Master of Orion, Ascendancy commence par fasciner le joueur grâce à sa densité, son ambiance prenante et sa musique hypnotique. Les premières minutes annoncent un titre addictif aux possibilités inépuisables... avant que la pratique ne dévoile très rapidement les affres d'un logiciel visiblement sorti trop vite et pas aussi bien pensé qu'on avait voulu le croire. Alourdi par une microgestion permanente et pas passionnante, rendu confus par des objectifs flous jamais détaillés, le titre de Logic Factory finit par sonner de plus en plus creux lorsqu'on réalise que l'expansion et la guerre sont les deux seuls réels axes de développement qu'il propose et que ceux-ci sont desservis par une I.A. pas à la hauteur. Si on aura envie de s'accrocher quelques heures, le temps de finir une partie et de découvrir ce que le jeu a à offrir, on risque en revanche de le remiser après coup et de ne plus y revenir avant longtemps. Dommage, pour un logiciel qui aurait pu être tellement plus que cela...
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des objectifs flous, délivrés nulle part : peut-on seulement remporter la partie autrement qu'en tuant tout le monde ?
– Une I.A. ratée, même après le patch
– Beaucoup, beaucoup trop de microgestion...
– ...rendue d'autant plus fastidieuse qu'il n'y a aucune option d'automatisation
– Un seul niveau de difficulté
– Des options diplomatiques bien trop limitées
– Un équilibrage bancal
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ascendancy sur un écran cathodique :
Développeur : Coktel Vision Éditeur : Tomahawk Titres alternatifs :Gobliny (Russie), 頑皮小精靈 (Chine) Testé sur :PC (DOS/Windows 3.x) – Macintosh – Amiga – Atari ST Disponible sur : Blacknut, iPhone, Windows Présent au sein des compilations :
Date de sortie : Décembre 1991 (version disquette) – Septembre 1993 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français (version française intégrale)
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Versions testées : Versions disquette et dématérialisée émulées sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 2.11/ Windows 3.0 – RAM : 512ko* Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA Cartes sonores supportées : AdLib, Disney Sound Source, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, ThunderBoard *640ko requis pour le mode Tandy Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu (CD-ROM) :
Dans la longue liste des studios français précurseurs ayant fait leurs armes dans les années 80, il serait injurieux de ne pas mentionner Coktel Vision, fondé par Roland Oskian en 1984.
Ce magicien est-il la solution ou le problème ?
Aussi curieux que cela puisse paraître pour une compagnie vidéoludique, et en dépit de nombreux jeux à licence autour de la bande dessinée (Blueberry, Lucky Luke, et trois jeux Astérix, entre autres), sa production la plus célèbre sera sans doute resté… la ligne éducative des Adibou, qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui. Sur le plan du jeu, les titres vraiment marquants sont plus rares, souvent perdus au milieu de titres plus originaux ou plus connus, même s’ils ont très souvent en commun l’apport de Muriel Tramis et de ses thématiques novatrices pour l’époque, qui lui auront valu d’être surnommée la « Roberta Williams française ». On pourrait citer des titres comme Fascination, Geisha ou encore Méwilo ou Lost in Time, mais la série qui sera indéniablement restée la plus célèbre a un nom : Gobliiins.
Enfin un univers où tout le monde se marre !
Un cocktail de visions ?
Figurez-vous un royaume médiéval loufoque peuplés de personnages à la trogne inimitable (dessinés par Pierre Gilhodes et sa patte bien à lui). À sa tête, le bon roi Angoulafre… soudain pris d’un accès de folie au cours d’un banal festin.
Quelques écrans de narration viennent faire avancer l’histoire
Pour enquêter sur sa condition et résoudre la crise, on mandate trois de ses plus fidèles sujets : Oups, Ignatius et Asgard, les trois gobelins du titre, auront donc pour tâche de sauver le royaume à leur façon, un simple prétexte pour parcourir une série d’écrans appelant chacun leur propre résolution car, comme vous allez vite le réaliser, Gobliiins n’est pas vraiment un jeu d’aventure… sans être entièrement un jeu de réflexion non plus. Bienvenue dans un autre de ces OVNIs dont les studios français tiraient alors l’essentiel de leur renommée !
Ne cherchez pas, tout est parfaitement cohérent. D’une certaine façon
Le principe, sur le papier, est simple : chacun des 22 niveaux du jeu est constitué d’un unique écran que vous ne serez autorisé à franchir que lorsque vous aurez résolu l’énigme qui y réside.
Les choses sont parfois… ésotériques
La spécificité étant que, la plupart du temps, vous ne saurez ni ce que vous êtes censé faire, et encore moins comment ! Pour espérer progresser, une seule solution : diriger vos trois personnages grâce à une interface limpide ; il n’y a pas de verbes, pas de dialogues, seulement trois icônes entre lesquelles vous pouvez passer grâce à un clic droit. En fait, les possibilités sont définies précisément par les trois gobelins en eux-mêmes : Asgard peut frapper avec ses poings, Ignatius utiliser la magie, et Oups est le seul à pouvoir ramasser les objets (un seul à la fois) et à en faire usage. Et c’est tout. L’intégralité du jeu va donc reposer sur l’expérimentation, en cherchant à tirer le meilleur des capacités de vos personnages pour percer à jour la logique très particulière du titre.
Les animations sont délectables
Car si les choses peuvent avoir l’air simples après cette courte description de vos possibilités, dites-vous bien qu’elles sont nettement moins évidentes une fois la partie lancée !
L’univers du jeu est très vivant
L’idée est que vous pouvez virtuellement agir sur n’importe quoi à l’écran, et qu’il est très difficile de prédire les résultats de vos actions, en particulier avec la magie d’Ignatius. Elle peut aussi bien modifier un objet qu’activer un élément de décor ou métamorphoser un personnage, et le seul moyen de connaître son effet est de l’employer. Le truc (et sans doute la seule vraie mauvaise idée du jeu, pour être honnête), c’est que vous n’êtes pas censé faire n’importe quoi non plus : vos trois gobelins peuvent être effrayés ou blessés, et chaque action dangereuse viendra faire baisser une jauge de vie globale située en bas de l’écran, laquelle ne se remplira pas entre les niveaux. On se retrouve donc face à l’injonction contradictoire d’un jeu reposant intégralement sur l’expérimentation… et vous punissant d’avoir expérimenté. Un peu idiot…
Confrontation finale
Au rang des quelques maladresses, signalons également la difficulté de mener certaines actions (il m’aura fallu une bonne dizaine d’essais pour qu’Asgard se décide enfin à monter une corde au niveau 6, et sans une solution à proximité je n’aurais probablement jamais su qu’il pouvait le faire) et certains niveaux particulièrement punitifs, comme le 13ème où le simple fait de passer trop près du magicien se traduira par la mort d’un de vos personnages et l’obligation de recommencer depuis le début.
Une carotte avec une clé. Logique.
Non, vous ne pouvez pas sauvegarder, le jeu reposant sur un système de mot de passe, et même si un niveau se boucle généralement très vite une fois qu’on sait ce qu’on a à y faire, devoir recommencer une vingtaine de fois une séquence d’une dizaine d’actions juste parce qu’on ne connait pas la onzième peut être assez pénalisant.
La magie d’Ignatius sera la source de bien des surprises
Les trois points sur les « i »
Ces quelques défauts exceptés, il faut bien reconnaître que le jeu a une identité forte, très bien rendue par sa patte graphique si particulière et par les dizaines d’animations à l’écran.
Bon, maintenant, j’ai une fléchette… j’en fais quoi ?
On est toujours heureux de voir les conséquences de nos actions, les bonnes comme les mauvaises, chacune se traduisant par des mimiques impayables de la part de nos personnages. La réalisation graphique a très bien vieilli, la prise en main est immédiate, le seul regret tenant à la relative faiblesse de l’aspect sonore, limité à quelques bruitages – pas un seul thème musical ne se fera entendre de toute la partie. Pour le reste, on se prend rapidement au jeu… à condition, bien sûr, d’adhérer au concept.
Un niveau particulièrement difficile
Comme tout ce qui est original, Gobliiins pourra en effet décontenancer bien des joueurs, à commencer par ceux qui s’attendaient à un jeu d’aventure plus traditionnel (ce qu’il n’est pas) et surtout ceux qui s’arrachent les cheveux devant une logique difficile à saisir.
À l’assaut des araignées géantes !
Ici, la logique « lunaire » est pour ainsi dire la raison d’être du jeu : le but est précisément de cerner l’incompréhensible pour résoudre des situations loufoques dans des cadres dépaysants. Autant dire qu’on peut facilement tourner en rond et que la méthode du « essayer n’importe quoi n’importe où n’importe comment » ne sera pas forcément du goût de tout le monde. Avec le recul, il serait pourtant un peu paradoxal de condamner le titre de Coktel Vision pour sa principale originalité : certes, il ne ressemble à rien d’autre, mais c’est précisément l’intérêt, non ? Si vous espérez être enfin surpris par un monde de l’aventure un peu trop balisé dans les années 90, faites un crochet par l’univers de Gobliiins. Ne jamais l’avoir visité serait, quoi qu’on en dise, une vraie lacune.
L’expérimentation tous azimuts est la seule réponse
Un mot, en conclusion, sur la version CD-ROM, qui aura choisi de retravailler l’aspect sonore du jeu. Le gain qualitatif est audible dès l’introduction : non seulement il y a dorénavant de la musique, non seulement une partie des bruitages ont été refaits, mais on gagne en plus de nouveaux sons d’ambiance d’une excellente qualité. Mine de rien, cela modifie énormément l’atmosphère du jeu, qui passe d’un silence quasi-total à un véritable festival sonore, d’ailleurs très réussi. Les puristes pourront s’étrangler de ces ajouts – grand bien leur fasse, la version disquette est de toute façon vendue avec la version CD-ROM sur les plateformes en ligne. Notons également que la VF est disponible dans cette version, là où ce n’est pas le cas pour la version disquette du pack vendu sur GOG.com. Bref, une très bonne occasion de mettre enfin vos esgourdes à contribution, et on ne s’en plaindra pas.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Avec Gobliiins, Coktel Vision aura réalisé un titre plus original qu'il n'y parait. Pas tout à fait un jeu d'aventure, pas complètement un jeu de réflexion, le logiciel imaginé par Pierre Gilhodes, Muriel Tramis et leur équipe est en fait un programme basé sur l'expérimentation tous azimuts. Le véritable objectif de l'aventure est d'assimiler sa logique si particulière : à la tête de vos trois gobelins, apprendre à mener des actions aux effets imprévisibles sur à peu près tout et n'importe quoi deviendra rapidement une seconde nature, et les choses seront d'autant plus amusantes que la réalisation cartoonesque du titre met parfaitement dans le mille. Bien sûr, on tourne parfois en rond dans un programme où la solution est toujours une action simple à laquelle on n'avait pas pensé, et on regrette a contrario qu'il ne comprenne que 22 niveaux. Mais dès l'instant où la magie commence à agir, il faut bien reconnaître qu'on a du mal à s'éloigner de nos trois héros miniatures et à les abandonner avant la résolution de leur quête pour sauver le roi Angoulafre. Un titre qui ne ressemble à rien d'autre encore aujourd'hui, et assurément un logiciel à découvrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Concept clivant : faire un peu n'importe quoi au hasard
– La jauge de vie, mauvaise idée dans un jeu qui repose spécifiquement sur l'expérimentation
– Un peu court
– Quelques actions difficiles à réaliser
Les avis de l’époque :
« Un jeu d’aventure/action plein de charme, simple d’utilisation et passionnant à souhait. Un très beau jeu à s’offrir pour Noël. »
Laurent Defrance, Tilt n°98, janvier 1992, 13/20 (NDRA : il est fort possible, étant donné la place du jeu en tête de la section « Hits » du magazine, que ce 13/20 corresponde à une coquille et que la note originale ait en fait été un 18/20. On ne le saura hélas jamais…)
« Gobliiins m’a complètement retourné ! Dès la première image j’ai été séduit par ce superbe jeu. Original, simple, plein de charme (décors et personnages sortent tout droit d’une bande dessinée), bourré d’humour et d’une jouabilité exemplaire, Coktel Vision a réussi un grand jeu d’aventure. »
Axel Münschen, ibid.
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gobliiins sur un écran cathodique :
Version Macintosh
Développeur : Coktel Vision
Éditeur : Coktel Vision
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Quadra 900
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0 – RAM : 3Mo Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Gobliiins aura également au droit à sa version Macintosh, et de ce côté, au moins, les choses risquent d’aller vite. On se retrouve en effet avec une version fidèle à 95% à celle publiée sur PC : Les graphismes sont rigoureusement identiques, et même les bruitages n’ont pas bougé. Où sont les 5% restants, alors ? Eh bien le fait est que cette version profite de thèmes musicaux, elle. Ce qui serait sans doute une très bonne chose si ceux-ci n’étaient pas aussi désespérément répétitifs. En l’état, on est vite tenté de couper le son, ce qui fait que cette version n’offre au final pas franchement de valeur ajoutée comparée à la version PC.
Le jeu des zéro différence bat son plein…
NOTE FINALE : 16/20
Prenez la version PC de Gobliins, ajoutez-y des thèmes musicaux rapidement pénibles, et vous obtiendrez cette itération Macintosh qui trouvera certainement ses fans, mais à laquelle on préfèrera la version CD-ROM du jeu.
Version Amiga
Développeur : Coktel Vision
Éditeur : Coktel Vision
Date de sortie : Février 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : OCS/ECS Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Signe des temps : Gobliiins aura été développé sur PC avant d’être porté sur Amiga ce qui, deux ans plus tôt, aurait certainement été une anomalie (même si c’était nettement moins vrai dans le domaine du jeu d’aventure). À quoi est-on en droit de s’attendre ? Eh bien, tout simplement au même jeu, avec quatre fois moins de couleurs disponibles dans la palette. Concrètement, les dégradés sont nettement moins fins dans cette version, et ont le plus souvent laissé la place à de gros aplats bruts de décoffrage. Si la déperdition graphique est sensible, on ne peut pas dire que la différence soit traumatisante, et on n’y pense plus au bout de dix minutes. En revanche, on espérait que l’Amiga ferait au moins valoir ses capacités sonores, ce qui n’est pas le cas : on est, de ce côté-là, face à une version 100% identique à celle publiée sur PC. Une petite déception, donc, mais ce qui fait l’intérêt du jeu est toujours là et bien là.
Il y a des couleurs en moins, c’est indéniable, mais ça ne trahit pas la patte graphique de l’ensemble
NOTE FINALE : 15,5/20
Gobliiins sur Amiga débarque à peu près dans l’état où on s’attendait à le trouver, c’est à dire avec sensiblement moins de couleurs sans trahir pour autant le style de la version originale. On aurait sans doute apprécié un petit effort du côté de la réalisation sonore, mais on ne va pas trop pinailler.
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Faisons court, faisons bien : cette itération Atari ST de Gobliiins est exactement identique à celle parue sur Amiga. Le seul enseignement à en tirer est que ladite version Amiga n’employait donc pas 64 couleurs, ni même 32 – pour être honnête, on s’en doutait un peu, mais on sera quand même surpris de voir jusqu’en 1992 des titres Amiga subir un « downgrade » pour s’aligner sur la version ST. Quoi qu’il en soit, ni le son ni les graphismes n’auront pour une fois à souffrir de la comparaison avec la machine de Commodore, mais on continuera de privilégier la version PC.
Au moins, pas de quoi se faire charrier par les possesseurs d’Amiga…
NOTE FINALE : 15,5/20
Pas de mauvaise surprise avec ce Gobliiins sur Atari ST, qui offre exactement la même performance que sur Amiga. Ce n’est pas aussi beau que sur PC, mais si vous n’avez que cette version sous la main, vous devriez malgré tout vous en remettre.
Développeur: Capcom Co., Ltd. Éditeur : Capcom Co., Ltd. Titres alternatifs :Street Fighter ’89 (titre de travail), ファイナルファイト (graphie japonaise), Final Fight One (Game Boy Advance), Final Fight CD (Mega CD) Testé sur :Arcade – Super Nintendo – Amiga – Amstrad CPC – Atari ST – Commodore 64 – ZX Spectrum – Sharp X68000 – Mega-CD Disponible sur : 3DS, Game Boy Advance, Wii, Wii U (versions Super Nintendo & Game Boy Advance), iPhone, J2ME (version arcade) Également testé :Final Fight Guy (Super Nintendo)
La série Final Fight (jusqu’à 2000) :
Final Fight (1989)
Final Fight 2 (1993)
Mighty Final Fight (1993)
Final Fight 3 (1995)
Final Fight Revenge (1999)
Version Arcade
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : Borne
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et trois boutons
Version testée : Version internationale, set 1
Hardware : Capcom Play System (CPS) Processeurs : Motorola MC68000 10MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz Son : Haut-parleur ; YM2151 OPM 3,579545MHz ; OKI MSM6295 ADPCM 1MHz ; 1 canal Vidéo : 384 x 224 (H) 59.637405 Hz
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
On aura déjà eu l’occasion de dessiner, au fil de ces pages, une certaine vision de ce qu’a pu être l’histoire du beat-them-all – sans aucun doute un des genres maîtres des salles d’arcade à la fin des années 80, son hégémonie ne lui étant alors disputée que par les shoot-them-up, avant qu’un certain Street Fighter II ne vienne introduire une troisième catégorie reine dans les années 90.
♪ Quand on arrive en ville Tout le monde change de trottoir ♫
Si j’avais pour ma part placé Kung-Fu Master comme l’un des titres fondateurs du genre – le débat reste ouvert – les deux jalons suivants sont nettement moins matière à débat : Renegade pour l’introduction de la « 2.5D », puis Double Dragon pour l’inclusion du mode deux joueurs et de la possibilité d’utiliser des armes. On pourrait alors considérer qu’on tient déjà toutes les bases inaliénables du genre (les coups spéciaux seront introduits par Double Dragon II), et pourtant il serait difficile de faire l’impasse sur un titre qui n’a, à première vue, pas introduit grand chose et sur lequel aucune histoire du beat-them-all ne saurait pourtant faire l’impasse : un certain Final Fight.
Il va être temps de faire régner la justice à l’ancienne !
Le titre de Capcom aura certes connu un succès mondial dans les salles d’arcade, mais en se penchant sur lui, on ne décèle pas immédiatement ce qui pourrait lui valoir d’être considéré comme un titre plus important qu’un Golden Axe, par exemple, publié la même année et proposant certains mécanismes alors réellement originaux pour l’époque.
Les boss sont souvent de vrais aspirateurs à points de vie
Le scénario, déjà, ne devrait dépayser personne : fraichement élu à la tête de Metro City, le nouveau maire et ancien champion de catch (tiens, comme c’est pratique) Mike Haggar découvre que la pègre locale, représentée par le maléfique gang Mad Gear, a kidnappé sa fille Jessica afin de monnayer son obéissance. Qu’à cela ne tienne, aidé de Cody, petit-ami de Jessica, et de son ami Guy, il décide de faire la seule chose sensée : aller nettoyer toute la ville à mains nues. Ne rigolez pas : on n’était encore qu’en 1989, et ce scénario (inspiré d’un film américain de 1984 nommé Les rues de feu) comme le contexte n’avaient pas encore nécessairement été usé jusqu’à la corde – les années 90 allaient se charger de le faire, notamment grâce à des sagas très inspirées de Final Fight, comme celle de l’immortel Streets of Rage.
Haggar est un maire qui sait se faire respecter
Vous débutez donc une partie qui vous promènera dans toute la ville de Metro City à travers des niveaux assez longs mais découpés en environnements variés, égrainant tous les (futurs) classiques du genre : les rues, le métro, la zone industrielle, le parc, les bas-fonds, et l’inévitable gratte-ciel final.
Que serait un jeu Capcom sans une voiture à détruire ?
Vous aurez le choix entre trois personnages : Haggar, le plus lent et le plus puissant, Guy, le plus rapide, et Cody, le plus équilibré. La jouabilité est simplissime : un bouton pour taper, un autre pour sauter, presser les deux en même temps déclenchera un coup spécial qui fera le ménage autour de vous – mais puisera dans votre jauge de santé. Le troisième, pour sa part, sera dédié uniquement à vous libérer en cas de chope adverse. Les chopes sont automatiques, les projections évidentes, les coups sortent vite et bien ; bref, on n’est pas face à un monstre de technicité mais tout marche à la perfection.
Si frapper des femmes vous met mal à l’aise (et on vous comprend), sachez que celles de Final Fight sont en fait des… travestis. Non, je n’invente rien.
En fait, en l’état, on pourrait déjà avoir pratiquement tout dit sur le jeu : son seul « apport », pour la période, était de permettre de détruire des éléments de décor pour y trouver des armes ou de la nourriture (les armes étaient lâchées par les adversaires dans Double Dragon, et la nourriture pouvait être collectée en tuant des lutins dans Golden Axe, mais l’idée de détruire du mobilier vient de Final Fight). Oh, et peut-être le fait que les adversaires aient des jauges à l’écran, aussi. Seulement voilà, en se penchant un peu sur ce qu’était le genre en 1989, on comprend assez vite ce que le titre de Capcom lui a réellement apporté : une réalisation à couper le souffle et surtout une efficacité comme on n’en avait encore jamais rencontré.
Tant qu’à faire, autant que le boss final soit un vieux dégueulasse
Pour ce qui est de la réalisation, les captures d’écran et les vidéos qui accompagnent l’article devraient déjà vous donner un élément de réponse, mais il faut bien se souvenir de la claque que pouvait représenter une borne aussi puissante que le CPS dans les salles d’arcade à la fin des années 80.
La réalisation était clairement fantastique pour l’époque
Si certains systèmes, comme le mythique Super Scaler de SEGA, en mettaient déjà plein les yeux à l’époque, il fallait voir la queue se former derrière des bornes comme celle de Strider pour comprendre ce qu’était alors le nouveau mètre-étalon de la 2D. Le meilleur moyen de réaliser la claque que pouvait représenter Final Fight à sa sortie est sans doute de le comparer à des titres contemporains comme Double Dragon II ou Vigilante : entre les sprites gigantesques, le nombre délirant d’ennemis à l’écran, les décors hyper-détaillés, les couleurs à foison ou encore le fait que le tout ne souffre absolument jamais du plus infime ralentissement, c’est bien simple : le titre de Capcom ne boxait tout simplement pas dans la même catégorie que sa concurrence directe, qui venait soudainement de prendre un gros coup de vieux. Mais c’est aussi en s’intéressant à la rapidité et à la nervosité de l’action qu’on commence à réaliser à quel point Final Fight est, avant toute chose, le véritable moule dont seront issus tous les beat-them-all made in Capcom dans les années 90 et, avec eux, ceux de la très grande majorité de l’industrie.
Les noms des ennemis s’inspirent souvent de groupes de hard rock européens, avec des résultats… polémiques
J’ai déjà évoqué plus haut l’efficacité de Final Fight. Le fait est que n’importe quel joueur vaguement familier avec n’importe quel beat-them-all de l’âge d’or pourra prendre immédiatement le jeu en mains et se sentir en terrain connu, mais le mieux reste surtout qu’il n’aura aucun effort à faire pour s’amuser. Comparé à Golden Axe, où l’action serait désormais considérée comme lente, ou Double Dragon, où la réalisation et l’action semblent poussives et un peu dépassées, ici, tout a excellemment vieilli : ça va vite, c’est fluide, ça bouge dans tous les sens, l’adrénaline et les réflexes sont rois – on s’amuse, tout simplement !
Attendez-vous à y laisser des pièces !
En fait, le véritable accomplissement de Final Fight, c’est bien d’avoir contribué à définir (avec d’autres titres comme le sympathique Teenage Mutant Hero Turtles de Konami) la feuille de route pour à peu près tous les beat-them-all qui allaient sortir lors de la décennie à suivre : accessibilité totale, mécanismes évidents, réalisation à couper le souffle, rythme effréné, jeu à deux ou plus ; autant dire ce qui est désormais devenu la base. Ce qui fait qu’il souffre aujourd’hui de la concurrence de tous les titres qu’il aura lui-même contribué en grande partie à définir – n’empêche qu’il a vraiment bien vieilli et qu’on peut toujours prendre autant de plaisir à la parcourir d’un bout à l’autre, particulièrement à deux joueurs. Pour un titre ayant déjà fêté ses trente ans, c’est quand même loin d’être anecdotique.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 17/20Final Fight n'est pas juste un très bon jeu : c'est carrément le moule d'où auront été tiré la quasi-totalité des beat-them-all qui allaient suivre au cours des années 90. Le titre de Capcom a beau ne strictement rien révolutionner comparé à Double Dragon - il est même, à bien des niveaux, moins original que des titres à la Golden Axe ou à la Alien Storm - son véritable apport au genre reste son efficacité redoutable : des sprites énormes, une animation rapide, une jouabilité limpide, une accessibilité immédiate ; on touche là à l'un des premiers logiciels du genre à pouvoir prétendre n'avoir pas pris une seule ride. Certes, difficile en conséquence d'espérer être surpris par des mécanismes et un univers revus et réutilisés un million de fois depuis, mais si vous cherchez un excellent moyen de passer un moment de franche rigolade à l'ancienne avec un ami, inutile d'aller plus loin. Une valeur sure, et appelée à le rester.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Quelques boss vraiment pénibles
– Impossible de faire quoi que ce soit quand on se fait cueillir alors qu'on se relève
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Final Fight sur une borne d’arcade :
Version Super Nintendo
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 21 décembre 1990 (Japon) – Septembre 1991 (États-Unis) – 1992 (Europe)
Première conversion publiée de Final Fight, la version Super Nintendo est pratiquement un cas d’école de ce qu’on considérait comme un portage fantastique au moment de sa sortie… et comme l’exemple-type de tout ce qu’il ne faut surtout pas faire, trente ans plus tard. La raison de l’engouement original est assez simple à cerner : la réalisation. Certes, on est quand même assez loin de l’arcade : les sprites sont plus petits, il y a moins de couleurs, et surtout, il n’y a jamais plus de trois adversaires à l’écran quoi qu’il arrive. Reste que comparé à ce qu’on pouvait espérer trouver sur un Amiga, un Atari ST ou même une Mega Drive à l’époque (le VGA commençait à peine à se démocratiser sur PC), c’était très clairement dans le haut du panier, au point de faire tourner les têtes… et d’oublier un peu vite les (très) nombreux défauts de cette version.
À l’époque, on ne voyait aucune différence avec l’arcade. Maintenant, déjà, un peu plus
On a déjà évoqué la réduction du nombre de personnages à l’écran, qui est sans doute moins grave que la disparition totale du mode deux joueurs ! Réduire Final Fight à une expérience solo n’était sans doute pas la meilleure idée du monde – c’était hélas un choix assez fréquent lors des premières années de commercialisation de la Super Nintendo, le temps que les développeurs apprennent à contourner les limitations d’un processeur rachitique. Malheureusement pour l’acquéreur du jeu, les coupes ne se seront pas arrêtées là : le roster ne comprend désormais plus que deux personnages jouables, Guy ayant été invité à aller voir ailleurs ce qui s’y passait. Ça ne vous suffit pas ? Alors on enlève carrément un niveau entier : oubliez la zone industrielle ! Visiblement, tous ces gros sprites prenaient beaucoup de place sur une cartouche de 8Mb… Comme si cela ne suffisait pas, supprimez tous les personnages « féminins » (techniquement, c’étaient des travestis, mais passons), censurez tous les noms, les références à l’alcool ou à la divinité, abîmez la réalisation sonore (les bruitages comme la musique ont vraiment perdu en qualité), rendez le rythme nettement moins nerveux que sur la borne (la version PAL étant la pire à ce niveau) et vous vous retrouverez avec une version dont l’essentiel de la valeur résidait dans le fait d’être la seule disponible à la vente au moment de sa sortie… Autant dire que si ce portage pouvait faire illusion au début des années 90, il fait aujourd’hui plutôt l’effet d’une version sévèrement expurgée qu’on ne recommandera qu’aux fans irréductibles de la Super Nintendo n’ayant accès à aucun autre des opus de la saga.
Le rythme est nettement moins frénétique, et seul, ça perd quand même beaucoup de sa saveur
NOTE FINALE : 13,5/20
Final Fight était peut-être un argument majeur de vente au moment de la sortie de la Super Nintendo, le fait est qu’il a plutôt transité aujourd’hui dans une zone où n’évoluent que les titres dont les possesseurs de la console ont un peu honte : expurgé d’une quantité invraisemblable de contenu en même temps que de son excellent mode deux joueurs, le titre de Capcom évoque aujourd’hui un pâle ersatz dont la réalisation, impressionnante au moment de sa sortie mais désormais largement mise à l’amende par des dizaines de logiciels sur la machine, ne suffit plus à faire illusion. Un beat-them-all sympathique, sans plus.
Final Fight Guy
Plateforme : Super Nintendo
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 20 mars 1992 (Japon) – Juin 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
À ceux qui se lamenteraient du tournant bassement mercantile fatalement emprunté par le jeu vidéo avec l’arrivée du nouveau millénaire, il convient de rappeler que bien avant de proposer des DLC, du contenu téléchargeable et des micro-transactions, les grosses compagnies n’hésitaient pas à vendre des jeux entiers qu’on n’oserait même pas proposer aujourd’hui sous forme de patch. Excellent exemple, avec ce Final Fight Guy alors vendu au prix (très) fort, et qui vous propose sensiblement le même titre que Final Fight… mais en remplaçant Cody par Guy. Non, le roster n’a même pas été élargi, et non on ne récupère ni le niveau manquant ni le mode deux joueurs ! L’honnêteté oblige toutefois à reconnaître que Capcom, loin de se limiter à échanger deux sprites, en a au moins profité pour réaliser quelques subtiles optimisations par rapport au titre de base : ça tourne plus vite (pas de version PAL ici, de toute façon), la difficulté a été rééquilibrée, quelques bonus ont été redessinés et deux nouveaux font leur apparition (une vie et un mode invincible), on récupère également quelques animations, ainsi que différentes séquences de fin selon la difficulté. Bref, une sorte de version « 1.1 » du jeu qui ne transcende en rien l’expérience originale, mais qui a néanmoins le mérite d’être plus aboutie que l’opus initial. Tant qu’à faire, on prend.
Bon, soyons bien clair : inutile d’acquérir cette version si vous possédez déjà la première itération…
NOTE FINALE : 13,5/20
Les changements sont subtils, mais le fait est que Final Fight Guy n’est pas uniquement une version du jeu de base où Cody a été remplacé par Guy. Même si le jeu ne récupère aucun des aspects qui avait été coupés depuis la version arcade, il est néanmoins un peu mieux fini, un peu mieux pensé et un peu mieux équilibré. Quitte à opter pour une version Super Nintendo, autant privilégier celle-ci.
Version Amiga
Développeur : Creative Materials
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Septembre 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Comme pour tous les succès de l’arcade, Final Fight aura eu le droit à sa tournée d’adaptations sur ordinateur, publiée par l’éternel U.S. Gold. On trouve Creative Material aux commandes et le résultat, sans être catastrophique, est passablement décevant. Du côté des satisfactions, si la palette de couleurs du jeu a énormément réduit depuis la version arcade, les sprites restent de belle taille, il peut y en avoir un bon nombre à l’écran, et l’action demeure relativement fluide en toute circonstance. Surtout, le mode deux joueurs est toujours là, ce qui est assurément une très bonne chose. Malheureusement, le reste est nettement moins enthousiasmant : il n’y a plus de musique passé l’écran de sélection de personnage, et les rares bruitages présents ne font pas oublier l’impression persistante de jouer dans un grand silence. Toutes les transitions ont disparu – il n’y a plus d’écran des scores, ni de carte, ni même de numéro de stage ; vous apparaissez directement au milieu de l’action, parfois au milieu d’un groupe d’adversaires. Surtout, la jouabilité à un seul bouton est passablement médiocre (je n’aurai jamais réussi à sortir un coup spécial, même avec les instructions délivrées en début du jeu), les patterns des ennemis se limitent à vous foncer dessus (j’ai vaincu le boss du premier niveau en restant piqué au même endroit avec le bouton enfoncé : dans cette version, il ne se replie jamais et n’appelle personne), et il n’y a plus ni chope ni projection ! Pour ne rien arranger, une fois que les ennemis parviennent à vous toucher, c’est fini : ils continueront à vous tabasser sans que vous ayez la moindre occasion de répliquer jusqu’à ce que mort s’ensuive. En fait, le jeu est beaucoup trop facile avec Haggar, et pratiquement infaisable avec les autres. Ce qu’on appelle de l’équilibrage de pointe… Bref, une nouvelle version qui fait vaguement illusion tant qu’on la regarde de loin, mais qui montre ses limites dès qu’on pose ses mains dessus.
Bonne idée, tiens, venez tous vous placer au même endroit, ça sera encore plus simple
NOTE FINALE : 09,5/20
Final Fight sur Amiga est devenu un jeu passablement médiocre, mais sur lequel on peut encore espérer s’amuser à deux à condition d’être particulièrement conciliant vis-à-vis d’une jouabilité réduite à peau de chagrin. Face à des adversaires idiots qu’on ne peut plus affronter qu’avec deux attaques différentes dans un silence quasi-total, la lassitude s’installe assez vite.
Version Amstrad CPC
Développeur : Creative Materials
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Septembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 6128 – RAM : 128ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Fin 1991, le CPC – comme toutes les machines 8 bits – commençait à être un peu à l’agonie. On était donc en droit de s’attendre au pire pour un portage qui ne visait qu’un marché de plus en plus minoritaire… et qui, comme la plupart des autres versions, aura avant tout misé sur sa réalisation. Certes, il reste bâti sur le moule de la version ZX Spectrum, mais les graphismes sont nettement plus colorés, et si l’action n’est pas ébouriffante de vitesse, elle pourrait être jouable… si les masques de collision catastrophiques n’exigeaient pas un placement exactement sur la même ligne qu’un adversaire, au pixel près, pour espérer le toucher. Il n’y a jamais plus de deux ennemis à l’écran – et le mode deux joueurs a disparu – mais on récupère en revanche les chopes et les projections absentes de la version Amiga. Au rang des inconvénients les plus rédhibitoires : des temps de chargement entre chaque niveau, une introduction impossible à passer, une jouabilité toujours aussi médiocre, l’absence de musique… Bref, ça aurait pu être pire, bien pire, mais cela reste une version qui n’attirera personne aujourd’hui.
Ça ne fera sans doute rêver personne aujourd’hui, et à raison
NOTE FINALE : 08/20
Final Fight sur CPC n’a pas grand chose de plus que l’essentiel à offrir, et on sent qu’il aura davantage cherché à soigner sa présentation que sa jouabilité – grave erreur. Si on peut comprendre que les derniers utilisateurs de CPC aient été ravis de découvrir des sprites de cette taille sur leur machine, ils auront vraisemblablement déchanté dès l’instant où ils auront tenté de jouer. Dommage.
Version Atari ST
Développeur : Creative Materials
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Octobre 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double-face (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : RAM : 512ko Support de la palette étendue du STe
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
On se doute bien que Creative Material ne se sera pas donné le mal, au milieu de tous ses portages, d’adapter Final Fight spécialement pour l’Atari ST. On se retrouve donc sans surprise avec ce à quoi on était en droit de s’attendre : la version Amiga en moins bien. Les graphismes n’ont a priori pas bougé (au détail près que la résolution est plus basse : 320×200 contre 320×240), mais le défilement se fait désormais par à-coups, et si on peut profiter de la musique plutôt que des bruitages, celle-ci fait franchement pitié comparée à celle de la version Amiga. La jouabilité est toujours aussi mauvaise, et dans mon cas le jeu a même eu la bonne idée de planter au bout de trente secondes (d’autres versions avaient une fâcheuse tendance à multiplier les glitches) : autant dire que ça commence quand même à faire beaucoup pour prétendre sauver ce portage.
En 1991, l’Atari ST commençait à s’approcher doucement du bord de l’abîme
NOTE FINALE : 09/20
Déjà limité sur Amiga, Final Fight commence à virer à sa propre parodie sur ST. C’est lent, c’est à peine jouable, la musique est nulle et l’essentiel de l’action se limite à garder le bouton du joystick enfoncé en attendant que les adversaires viennent jusqu’à vous. Bref, on oublie.
Version Commodore 64
Développeur : Creative Materials
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Sale temps pour les machines 8 bits. Au début des années 90, l’ordinateur le mieux vendu de Commodore ne représentait plus un marché d’avenir, et cela commençait à se ressentir dans la qualité de ses adaptations. Final Fight pêche à à peu près tous les niveaux : la réalisation, avec ses sprites minuscules et ses décors moches, n’est même pas à la hauteur de celle du CPC, le son se limite à quelques « bip bip » en jeu, la jouabilité est flottante et incompréhensible (on en vient parfois à se demander si c’est vraiment nous qui jouons !), avec des masques de collision abjects et des latences absolument insupportables. Bref, on ne s’amuse pas, on se demande ce qu’on fait devant ce truc et on s’en va jouer à autre chose en vitesse. Beurk.
C’est aussi emballant que ça en a l’air
NOTE FINALE : 08/20
« Médiocre » est certainement le mot qui définira le mieux ce portage de Final Fight sur Commodore 64. La réalisation est minable, la jouabilité est douteuse, la musique est inexistante, et l’amusement est mort-né. À oublier.
Version ZX Spectrum
Développeur : Creative Materials
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Octobre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, Joysticks Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 128ko
Vidéo – L’introduction du jeu :
Reconnaissons au moins à cette itération ZX Spectrum de Final Fight une ambition certaine : on aura rarement eu l’occasion, dans l’histoire de la machine de Sinclair, d’y apercevoir des sprites de cette taille. Le prix à payer, en revanche, est élevé : les graphismes sont monochromes et difficilement lisibles, la musique est absente, le défilement est atrocement saccadé, l’animation est lente à pleurer, la jouabilité est atroce, le mode deux joueurs a disparu, et toute cette liste de récrimination ne fait que s’additionner à celles déjà entrevues sur Amiga. Bref, autant dire qu’en dépit de l’effort, cette version ne présente aujourd’hui qu’un intérêt historique, et que seul un masochiste entreprendrait de consacrer une heure de sa vie à tenter de finir le jeu.
Ceci n’est pas un portage adapté aux capacités de la machine
NOTE FINALE : 06/20
« Bel effort » serait encore le seul compliment qu’on pourrait adresser à cette version ZX Spectrum de Final Fight, qui tente de se rapprocher au maximum des portage 16 bits. Malheureusement, de gros sprites ne compensent pas une liste interminable de défauts, allant d’une réalisation silencieuse et illisible à une lenteur atroce et une maniabilité douteuse. À oublier.
Version Sharp X68000
Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 17 juillet 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais (menus) / Japonais (narration)
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Sharp X68000 Pro
Parfois, je me surprends à penser à ce à quoi aurait pu ressembler le paysage vidéoludique mondial si le Sharp X68000 avait été distribué massivement hors du Japon – et j’en viens à penser que Commodore aurait alors fait faillite cinq ans plus tôt. Au rang des portages, et comme souvent avec la vaillante machine japonaise, on touche ici à l’absolu de 1992 : c’est pratiquement une conversion identique au pixel près de la version arcade ! Ce n’est que moyennement surprenant si l’on se souvient que le CPS1 qui faisait tourner la borne était lui-même un dérivé du Sharp X68000…. Autant dire que la comparaison est extrêmement cruelle pour l’Amiga, ou même pour la Super Nintendo : il ne manque pas un niveau, pas un personnage, pas une transition, la musique est identique, et seuls les bruitages m’ont paru légèrement plus sourds. Normalement, le Sharp affiche un peu moins de sprites que le CPS1, mais personnellement, je n’y ai vu que du feu : on parle quand même de se retrouver avec une version quasi-identique à l’arcade chez soi, moins de trois ans après la borne originale, et sans avoir à payer les prix prohibitifs des jeux Neo Geo ! Bref, inutile de tourner autour du pot : cette version fait aussi bien que la version arcade, et devrait mettre tout le monde d’accord.
Bon, là, on entre clairement dans le niveau au-dessus
NOTE FINALE : 17/20
Fini de rire : Final Fight sur Sharp X68000, c’est la version arcade à domicile, fin de l’histoire. Les bruitages sont peut-être légèrement plus sourds que sur la borne, on perd peut-être quelques sprites affichables à l’écran, mais tout le reste est quasi-identique et tourne merveilleusement avec une jouabilité irréprochable. À se demander pourquoi les gens achetaient des consoles, au Japon.
Version Mega-CD Final Fight CD
Développeur : A Wave, Inc.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 2 avril 1993 (Japon) – Juin 1993 (États-Unis) – Septembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypas
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : –
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Parmi les dernières machines servies, le Mega-CD aura profité d’une période où Capcom semblait enfin se souvenir que la Mega Drive existait, la firme japonaise ayant clairement privilégié la Super Nintendo après sa sortie tout comme elle avait choisi la NES comme plateforme privilégiée lors de la génération précédente. Ironie du sort : cet amour tardif aura permis la publication d’une version CD de Final Fight donnant clairement une bonne leçon à un portage Super Nintendo qui avait été un des arguments de vente majeur de la machine avant la sortie de Street Fighter II.
D’accord, on a perdu quelques couleurs, mais on s’en remet vite
Commençons par les rares points qui fâchent : la palette de couleurs de la Mega Drive n’est pas aussi étendue que celle du CPS ou de la Super Nintendo, et on sent bien qu’on a perdu quelques teintes – le jeu est sensiblement plus « terne », tout en restant des kilomètres au-dessus de la version Amiga. La censure aura également continué à sévir en occident pour cette version, mais dans une mesure moindre de la version Super Nintendo : par exemple, les personnages « féminins » sont toujours là, mais leurs vêtements ont été rallongé, il n’y a plus de sang, etc. – un travers contournable en jouant à la version japonaise du jeu. En revanche, pour ce qui est du reste, difficile de faire la fine bouche : non seulement les sprites n’ont pas rapetissé d’un seul pixel, non seulement la réalisation chatouille celle de la borne d’arcade, mais en plus il n’y a cette fois pas la moindre coupe et le jeu est parfaitement jouable à deux ! En l’état, on tiendrait déjà le meilleur portage du jeu avec la version Sharp X68000, mais le CD aura également donné des idées à Capcom : cette itération est la seule à disposer de thèmes musicaux qualité CD qui correspondent à des versions (très bien) réorchestrées des thèmes originaux ! Ajoutez-y un mode « Time Trial » et un menu des options assez complet, et vous obtenez une version qui peut non seulement rivaliser avec la borne, mais même prétendre à la surpasser. Voilà du boulot comme on aurait aimé en voir plus sur le Mega-CD !
Un portage comme on aurait aimé en avoir plus sur le Mega-CD !
NOTE FINALE : 17/20
Le Mega-CD n’aura peut-être jamais bénéficié d’un épisode exclusif de la saga Streets of Rage, mais il peut se vanter d’héberger un des meilleurs portages de Final Fight. Non seulement le titre de Capcom ne perd ici qu’une poignée de couleurs comparé à la borne d’arcade, mais il gagne un mode de jeu et des musiques qualité CD dans une version qu’on prendra toujours autant de plaisir à parcourir aujourd’hui. Du bel ouvrage !
Le bon roi est mort. Tombé au champ d’honneur face à l’armée de Skorls de l’enchanteresse Séléna, il laisse derrière lui une garde vaincue, un royaume en péril… et un simple manant nommé Diermot, engagé comme rabatteur quelques jours plus tôt, et emporté contre son gré par le flot des événements, jusqu’à finir dans une cellule moisie du château de la magicienne. À présent, vous allez l’assister afin qu’il venge le roi, sauve la ville et le royaume, trouve l’amour, et vienne à bout de la tentatrice… Bienvenue dans Lure of the Temptress.
Le petit village de Turnvale vous ouvre ses portes!
En 1992, personne n’avait entendu parler de Revolution Software, et pour cause : le studio fondé par quatre personnes dont un certain Charles Cecil, venait tout juste de voir le jour.
On aura même le droit à quelques mini-cinématiques
Encore aujourd’hui, le nom ne déplacera pas nécessairement les mêmes hordes de nostalgiques que des légendes comme les Bitmap Brothers, Richard Garriott, Peter Molyneux ou Lucasfilm Games, et pourtant la plupart des retrogamers partagent des souvenirs émus de titres comme Beneath a Steel Sky ou Les Chevaliers de Baphomet, issus de ce studio. En dépit d’un excellent accueil critique au moment de sa sortie, Lure of the Temptress demeure pourtant le jeu le plus méconnu du catalogue de Revolution Software, sans doute égaré au milieu de point-and-click légendaires qui pullulaient à la même époque – on touchait alors à l’âge d’or du genre. Le titre a pourtant de nombreux arguments à faire valoir, la question étant de savoir s’il méritait réellement de sombrer dans un relatif anonymat face aux cadors de la période.
Les environnements sont bien dessinés, mais abusent des teintes gris/marron
Une fois n’est pas coutume pour un jeu d’aventure, l’un des principaux arguments de vente du logiciel se trouvait être… son moteur. Baptisé « Virtual Theatre » (ai-je vraiment besoin de traduire ?), et utilisé par Revolution Software pendant toutes les années 90, un de ses principaux intérêts étaient de permettre aux multiples PNJs du jeu de vivre leur vie au fil des différents tableaux plutôt que de rester bêtement piqués sur place à attendre que vous interagissiez avec eux, comme c’était pourtant la norme.
Le cas échéant, il faudra apprendre à suivre un personnage – ou à l’éviter
Au sein du village où se déroulera la quasi-totalité de l’action du jeu, vous verrez donc souvent les habitants déambuler, se saluer, se gêner pour passer (nous y reviendrons), et tenir des conversations entre eux histoire de rendre l’endroit vivant – mention spéciale pour Ratpouch, votre suivant du début du jeu, qui se fera refouler de toutes les tavernes de la ville et aura parfois des réflexions authentiquement drôles. L’idée, si elle n’a plus rien de fondamentalement novatrice à l’ère des mondes ouverts, a néanmoins le mérite de ne pas vous donner cette sensation persistante d’être le seul être vivant actif dans un monde figé. Elle introduit également des possibilités assez originales, puisqu’il est tout à fait possible de commander à un personnage vous accompagnant de se rendre à un endroit précis pour accomplir une action particulière grâce à un menu assez bien conçu, et ainsi de résoudre à deux des situations insurmontables seul.
Évidemment qu’il y a un dragon. Il faut toujours un dragon.
Le revers de ce système, c’est que dénicher un personnage pour lui poser une question impose souvent une déambulation assez fastidieuse sur une dizaine d’écrans, et que si on prend un certain plaisir, lors de la première heure de jeu, à aller flâner partout pour faire la connaissance de tout le monde, on s’agace également assez vite de tourner en rond pour trouver quelqu’un, ou de composer avec les limites du pathfinding, qui se voulait révolutionnaire, lui aussi, mais fait en fait peine à voir comparé à ce que proposait n’importe lequel des titres issus de chez Lucasfilm Games à l’époque.
L’intrigue dans son ensemble manque singulièrement d’épaisseur
Il arrive fréquemment qu’on ne puisse pas franchir une porte ou changer d’écran parce qu’un personnage est piqué devant le nôtre, mais cela peut même tourner au chaos pur et simple lorsque quatre ou cinq badauds cherchent à se déplacer sur le même écran, aboutissant à des scènes surréalistes de dialogues à la « pardon, excusez-moi » en boucle. Bref, le « Virtual Theatre » offre du bon et du moins bon – une constatation qui s’applique d’ailleurs à pratiquement tous les secteurs du jeu.
Le château de la tentatrice…
Si les énigmes demeurent globalement assez cohérentes, certaines ne tiennent tout simplement pas debout, ce qui peut conduire à plusieurs blocages frustrants. Par exemple, vous avez en votre position une bouteille pleine, vous avez besoin d’une bouteille vide : n’importe quel imbécile aurait l’idée de vider ladite bouteille au sol ou dans un massif de fleurs, pour faire bonne mesure.
Vous sentez le problème qui arrive, là ?
Ici, non : il faudra l’offrir à tous les personnages du village jusqu’à ce que l’un d’eux accepte de la vider d’un trait ! Dans le même ordre d’idées, on ne sait pas trop pourquoi vous devez demander à Ratpouch d’ouvrir un passage secret dont on vient de vous révéler l’existence ou d’aller crocheter une porte à votre place, alors que strictement rien n’indique qu’il dispose de compétences particulières dans le domaine. Le pire étant que certaines actions vous demandent d’agir vite, et de composer avec des personnages qui ont besoin d’un trajet parfaitement dégagé pour parvenir à faire ce que vous leur demandez ! Autant dire qu’on s’énerve souvent, et qu’on passe également beaucoup de temps à tourner en rond en réinterrogeant tous les personnages un par un pour deviner la suite du programme. Ce qui est d’autant plus dommage que le jeu, accompli en ligne droite, est assez court et qu’on ne peut pas dire que les environnements soient nombreux ou extrêmement variés. La fin est également un peu chiche, pour ne pas dire bâclée.
On aura même droit à deux combats, d’ailleurs pas trop mal conçus
Du côté de la réalisation, Lure of the Temptress est également du mauvais côté d’une époque charnière. Si les différents écrans du jeu sont détaillés et bien dessinés, enfonçant clairement ceux de titres à la Opération Stealth (paru, il est vrai, deux ans plus tôt), on sent également immédiatement que le jeu a avant tout été développé avec une machine comme l’Amiga en ligne de mire, ce qui fait qu’on sent bien qu’il ne tire jamais pleinement parti du VGA.
La plupart des écrans du jeu ne servent finalement à rien
C’est joli, certes, mais comparé au moindre écran de The Legend of Kyrandia, sorti un peu plus tard la même année, la différence est assez cruelle. La réalisation sonore ne relève hélas pas le niveau, car même si les bruitages sont nombreux et assez détaillés (évitez de jouer sous ScummVM, si vous en avez la possibilité, car faire fonctionner le son sous cette version est problématique), la musique, elle, ne se fait pratiquement plus entendre une fois l’introduction passée. Signalons également un bug assez fâcheux, et qui fait qu’un objet indispensable n’apparait pas toujours au sein de la forge – le seul moyen d’éviter le problème étant de choisir de recommencer la partie dès son lancement. Le jeu souffre d’ailleurs de quelques plantages – et les choses ne font qu’empirer sous ScummVM, ce qui m’encourage à vous pousser à lui préférer DOSBox.
Ces gargouilles ne vous laisseront passer que si vous connaissez leur nom… et si vous êtes une femme
Au final, beaucoup de maladresses dans un jeu qu’on a pourtant inexplicablement envie de trouver sympathique. Il y a un côté « début des années 90 » dans ce Lure of the Temptress, avec un humour potache et avec un univers graphique qui évoquent parfois des titres à la Monkey Island – sans jamais s’approcher, malgré tout, du monument de Ron Gilbert.
Pour moins d’une dizaine de bâtiments, Turnvale contient pas moins de deux tavernes !
Mieux vaudra être patient, car le maniement est souvent assez lourd et le déroulement pas très fluide, mais on peut facilement comprendre que les joueurs de l’époque aient appris à connaître ce village et ses habitants avec un certain plaisir à une époque où internet n’était pas là pour leur offrir des solutions complètes après cinq minutes de blocage. On aurait aimé une aventure plus longue, plus ambitieuse, mieux structurée, mieux pensée, dans un jeu réellement conçu pour tirer parti du VGA – mais en l’état, on se retrouve face à un titre qui mérite d’être parcouru avec une certaine bienveillance. Ce n’est déjà pas si mal.
Votre histoire d’amour avec Goewin ressemble furieusement à un truc rajouté la dernière minute – surtout qu’on ne peut pas dire qu’il se passe grand chose entre vous
Quelques mots enfin, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu : celle-ci a le mérite de faire le travail correctement dans un français vieilli assez soigné, en évitant les gros contresens ou la plupart des lourdeurs qui empoisonnaient la majorité des VF de l’époque. Certes, les coquilles sont nombreuses (dès l’introduction : « la village », « mes » à la place de « mais ») et dénotent une absence de relecture, mais la traduction ne nous sort jamais du jeu, ce qui est bien l’essentiel. La trouver aujourd’hui pourra en revanche s’avérer délicat, car même si Revolution Software distribue le jeu gratuitement à l’heure actuelle, seule la version originale est disponible au téléchargement.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13,5/20
En tant que premier jeu de Revolution Software, Lure of the Temptress fourmille d'erreurs de jeunesse, avec des finitions bancales, une écriture un peu boiteuse, un pathfinding maladroit, un « théâtre virtuel » rempli de mauvaises idées et quelques énigmes franchement tirées par les cheveux. Pourtant, et pour une raison difficile à cerner, le logiciel ne se défait jamais totalement d'un caractère fondamentalement attachant, avec un humour qui fait parfois mouche, un aspect vivant inhabituel, et une certaine magie qui invite le joueur à insister plus qu'il ne le devrait. Sans prétendre approcher les titres de légende qui allaient voir le jour dès l'année suivante – ou qui l'avaient précédé (pas vrai, Monkey Island ?), Lure of the Temptress reste un jeu mieux pensé que les programmes façon Voyageurs du Temps et une curiosité à découvrir, particulièrement pour les fans de Beneath a Steel Sky ou des Chevaliers de Baphomet.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Beaucoup de temps perdu à déambuler à la recherche de PNJs qui ne tiennent pas en place
– Une réalisation honnête, mais qui ne tire pas pleinement parti du VGA
– Aucun thème musical de toute la partie
– Certaines énigmes à la logique pas évidente...
– ...voire totalement stupide
– Le bug qui oblige à recommencer la partie
– Un peu court
Version Amiga
Développeur : Revolution Software Ltd.
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : Juillet 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleur : Souris
Version testée : Version française testée sur Amiga 1200
Lure of the Temptress ayant été publié quasi-simultanément sur Amiga, Atari ST et PC, difficile de dire sur quelle machine le titre a été développé. Cependant, la palette de couleurs utilisée – qui ne tirait clairement pas parti des 256 couleurs du VGA – tendrait à désigner l’Amiga comme une plateforme de développement crédible. Le jeu est d’ailleurs extrêmement proche, dans cette version, de ce qu’il était sur PC : graphiquement, même si l’on sent parfois qu’on a perdu quelques couleurs, il est souvent difficile de déceler une différence notable d’une machine à l’autre. Les encarts de texte sont même plus lisibles dans cette version ! Du côté sonore, s’il y a toujours aussi peu de musique dans cette version, les bruitages y sont plus présents et de meilleure qualité, même comparés à ce que permettait la Roland MT-32. Bref, de loin en loin, les deux versions sont très proches, et il me parait difficile de déclarer un vainqueur, ce qui serait objectivement une question de goût.
Les dégradés sont devenus un peu moins fins, mais on ne peut pas dire que ça soit spectaculaire
NOTE FINALE : 13,5/20
Lure of the Temptress sur Amiga reste très proche de la version PC, avec ses propres arguments : si les graphismes y sont légèrement moins colorés, la réalisation sonore y est en revanche plutôt meilleure. À vous de voir lequel de ces deux aspects vous parait le plus important avant de choisir votre version.
Version Atari ST
Développeur : Revolution Software Ltd.
Éditeur : Virgin Games, Ltd.
Date de sortie : Juillet 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 1040 ST – RAM : 1Mo
Vidéo – L’introduction du jeu (Français) :
Sur la machine d’Atari, le hardware commence à montrer ses limites : avec seulement 16 couleurs affichables à l’écran et une puce sonore assez limitée, difficile d’attendre des miracles de cette version de Lure of the Temptress. Le fait est que les dégâts sont cependant assez bien circonscrits : certes, la dégradation graphique est encore plus visible que sur Amiga, mais on ne peut pas dire qu’on soit à des kilomètres de la version VGA – on finit même assez rapidement par ne plus y faire attention. La musique est une nouvelle fois la plus grande victime, mais comme on ne l’entend pratiquement pas une fois l’introduction passée… En revanche, point de salut à attendre du côté des bruitages, à peu près aussi limités que sur un PC uniquement équipé d’un haut-parleur interne. Fort heureusement, l’expérience de jeu n’en souffre au final que très marginalement, mais cela n’empêche pas cette version de figurer un cran en-dessous des autres.
Il y a encore moins de couleurs, mais elle sont plutôt mieux employées
NOTE FINALE : 13/20
Lure of the Temptress limite assez bien la casse sur Atari ST, en offrant une version certes légèrement inférieure à celle publiée sur Amiga et PC, mais de très peu. La réalisation en 16 couleurs s’en sort bien, mais l’aspect sonore est le vrai sacrifié de cette version autrement très honnête.