Sid Meier’s Civilization

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Titre alternatif : Civilization (titre usuel)
Testé sur : PC (DOS)AmigaPC-98Atari STMacintoshPC (Windows 3.1)Super Nintendo
Versions non testées : PlayStation, Saturn

La saga Civilization (jusqu’à 2000) :

  1. Sid Meier’s Civilization (1991)
  2. Sid Meier’s CivNet (1995)
  3. Sid Meier’s Civilization II (1996)
  4. Sid Meier’s Alpha Centauri (1999)
  5. Civilization : Call to Power (1999)
  6. Call to Power II (2000)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25 (x2) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette française 474.05 émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr
Liens utiles : Patch ajoutant la gestion des cartes sonores de type OPL3 et du standard General MIDI

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’orée des années 90, le jeu de stratégie sur ordinateur représentait, à l’instar du jeu de rôles quelques années avant lui, un genre de niche éminemment codifié où il était rare que le joueur soit surpris par ce qu’on lui offre.

Sorti des éternels wargames proposant de revivre – via des cartes le plus souvent couvertes d’hexagones – les plus grandes batailles historiques depuis les guerres napoléoniennes jusqu’à la seconde guerre mondiale, le genre connaissait quelques représentants plus originaux mettant en scène des conflits imaginaires, dont certains avaient connu un certain succès critique, comme le célèbre Battle Isle ou encore l’adaptation du jeu de plateau de Ludodélire Full Metal Planète. Mais tous ces jeux composaient, comme c’était alors la norme, avec une limitation évidente : celle d’être cantonné à une période et à un lieu donnés, avec des unités et un environnement définis dès le départ et qui ne seraient jamais appelés à changer. La rare composante logistique, lorsqu’elle existait, se bornait généralement à la gestion de l’approvisionnement. Civilization allait venir changer tout cela, et initier à lui seul un nouveau genre qu’on baptiserait, un peu plus tard, le 4X (pour eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination).

Pour bien comprendre toute l’originalité du titre imaginé par Sid Meier et Bruce Sheley en 1991, il faut d’abord commencer par énoncer son objectif : « Bâtir une civilisation qui résistera à l’épreuve du temps ». Comment ? Eh bien tout d’abord, en choisissant d’incarner le chef d’une des quatorze civilisations du jeu. Des Anglais aux Russes en passant par les Américains, les Indiens ou même les Zoulous, on appréciera le relatif éclectisme du titre à ce niveau.

Après quoi, on sélectionne son niveau de difficulté, le nombre de civilisations présentes en jeu et le nom de son glorieux chef, et la partie commence. Et là, une unique unité de colons (parfois deux) apparaitra sur une carte entièrement masquée qu’il vous appartiendra de découvrir. Nous sommes en 4000 avant J.C., et votre but sera de mener votre peuple depuis la préhistoire jusqu’à l’ère spatiale, pour remplir l’un des deux objectifs de victoire du jeu : être la dernière civilisation encore en vie, ou bien être la première à fonder une colonie hors du système solaire. Oui oui, rien que ça. Si, au terme de la partie (plusieurs centaines de tours), aucune civilisation n’a rempli un de ces deux objectifs, le vainqueur sera désigné selon un système de points.

D’emblée, l’ambition du titre apparait comme énorme : loin de vous mettre à la tête d’une armée pour une période dépassant rarement la décennie, comme c’était le cas pour la quasi-totalité des wargames de l’époque, celui vous place au contrôle total d’une civilisation entière pour une période pouvant dépasser six mille ans !

Et comme vous pouvez vous en douter, ce contrôle va s’étendre beaucoup plus loin que celui de vos troupes : puisque vous allez partir d’une simple ville perdue au milieu d’une carte inconnue (générée aléatoirement, même s’il est également possible de commencer sur une carte reproduisant la géographie terrestre), il va falloir explorer, vous étendre, traiter avec les autres civilisations, leur faire face militairement le cas échéant, et bien évidemment mener vos recherches scientifiques pour changer une société maitrisant à peine les outils en une puissance spatiale. Pour cela, il vous faudra composer avec des concepts un peu plus complexes que de déplacer des unités sur une carte, et les possibilités qui vont s’offrir à vous vont rapidement devenir réellement vertigineuses.

Commençons par le commencement : votre première ville. Un écran spécial, affiché dès que vous cliquez sur elle, vous dévoilera la clé de son développement – et de celui de tout votre empire lorsque vous aurez plus d’une cité. Tout d’abord, le terrain sur lequel votre capitale est bâtie, ainsi que les terres environnantes, ont une importance vitale : chaque type de terrain (plaines, prairies, montagnes, forêts, marécages, etc.) produit différentes quantités de trois types de ressources. La nourriture définira la vitesse à laquelle la population de votre ville va s’accroitre : en cas de manque, la croissance s’interrompra, et pourra même laisser place à une famine qui vous fera alors perdre de la population.

La production, elle, influera sur la vitesse à laquelle vous produirez unités et bâtiments, et le commerce se répartira entre trois axes dont vous pourrez définir l’équilibre à tout moment : les impôts qui financeront les dépenses courantes de votre empire, la recherche qui lui permettra de progresser scientifiquement, et les marchandises de luxe qui auront un impact sur le taux de satisfaction de votre population. Comme vous pouvez vous en douter, l’équilibre entre ces différents paramètres sera une des clés pour décider de la victoire à long terme : négligez la recherche, et vous risquez de faire grise mine en voyant un adversaire venir aligner des catapultes et des légions en armure face à vos milices armées de sagaies ; levez des impôts trop bas et vos bâtiments s’effondreront faute d’entretien, laissez la grogne monter et vos villes se révolteront une à une, paralysant la production et la croissance, et aboutissant même parfois à une révolution.

Car oui, le jeu gère également votre système politique. Si celui-ci se limite au despotisme au début de la partie, vos recherches vous amèneront à pouvoir adopter, au terme d’une courte période d’anarchie, un régime monarchique, démocratique, communiste ou républicain qui aura des effets spectaculaires sur la production de chaque case de terrain, mais aussi sur les couts d’entretien et sur l’impact des garnisons au sein de vos villes.

Chacun apportera également son lot de contraintes, la démocratie étant le plus exigeant de tous : le sénat vous interdira le plus souvent de déclarer la guerre, le prix de l’entretien des troupes sera prohibitif, et une mécontentement trop élevé aura vite fait d’aboutir à une révolution et à un retour express à la case « Anarchie ». Bien évidemment, ces contraintes s’appliquent également à vos adversaires, et vous craindrez moins une attaque surprise venant d’un démocrate plutôt que d’un régime autocratique mené par Staline ou Napoléon. Autre petit détail : chaque civilisation du jeu sera naturellement, selon le tempérament de son leader, plus ou moins agressive, le pacifique Gandhi ayant le plus de chance de représenter un voisin agréable. Notons malgré tout un bug célèbre, qui rend ce dernier monstrueusement agressif lorsque l’Inde opte pour la démocratie : croyez-moi, voir le Mahatma vous menacer de frappes nucléaires au milieu de négociations tendues peut faire un drôle d’effet. Reste l’opportunité d’échanger des recherches scientifiques au cours des négociations, voire de prononcer des exigences histoire de mettre la pression aux civilisations sur lesquelles vous pensez avoir l’ascendant.

Le jeu propose également d’avoir un impact direct sur votre environnement, à plusieurs niveaux. Tout d’abord, vos colons font également office d’ouvriers sur la carte du jeu, et pourront optimiser la production des différents terrains en construisant des routes, des irrigations ou des mines, par exemple. À des stades plus avancés du jeu, il leur sera également possible de construire des ponts, de tracer des lignes de chemin de fer, de planter des forêts et même de nettoyer la pollution que vos cités industrielles ne manqueront pas de générer, voire les retombées radioactives consécutives à l’emploi de l’arme atomique (thématique très actuelle : le réchauffement climatique est géré, et peut aboutir à une montée des eaux).

Ces améliorations ont non seulement un effet direct sur la croissance de vos villes – des terres irriguées produiront davantage de nourriture, et les routes génèreront plus de commerce – mais également un intérêt stratégique majeur : en cas de guerre, acheminer des troupes vers la ligne de front se fera infiniment plus vite via des voies ferrées que si vous laissez vos unités avancer en rase-campagne – ou pire, à travers forêts et marécages. Les terrains ont également une valeur défensive qui leur est propre, et il sera beaucoup plus difficile de venir à bout d’une unité retranchée dans les collines ou au milieu d’une forêt que livrée à elle-même au beau milieu d’une plaine.

Profitons-en pour parler du système de combat, qui risque de prendre une importance capitale dans la plupart des parties, tant vos adversaires n’entrevoient le plus souvent la coexistence pacifique comme une option que dès l’instant où vous êtes plus puissant qu’eux – et encore. Chaque unité dispose de trois caractéristiques : une valeur d’attaque, une valeur de défense, et une valeur de déplacement correspondant au nombre de cases qu’elle pourra parcourir à chaque tour. Comme on l’a vu, le type de terrain sur lequel elle se trouve aura un impact direct sur les deux dernières caractéristiques.

Lorsque une unité en attaque une autre, sa valeur d’attaque est confrontée à la valeur de défense de l’ennemi, à laquelle sont appliqués les différents modificateurs (comme la présence de fortifications) pour décider du sort du combat. L’ennui étant que ce système repose sur le « tout ou rien » : les unités n’ont pas de points de vie, elles ne peuvent pas être blessées, il n’y aura donc obligatoirement qu’une seule des deux unités pour ressortir en vie de l’affrontement. Problème : cela laisse une place très importante au hasard, le fait de voir une de vos unités d’élite à 18 en attaque perdre misérablement face à une unité doté d’un unique point de défense n’ayant rien d’exceptionnel, et cela ne va pas en s’arrangeant tandis que la difficulté augmente. Voir une situation serrée basculer en votre défaveur parce qu’une dizaine de vos unités de tanks se seront écrasées contre un unique régiment de mousquetaires adverses peut se révéler particulièrement difficile à digérer – et voir une de vos villes tomber parce qu’un groupe de barbares isolé a soudain décider de remporter tous ses combats n’est pas des plus appréciable non plus.

Dans le même ordre d’idées, on aurait préféré qu’une augmentation de la difficulté corresponde à une maitrise accrue de la part de l’I.A., au lieu de quoi, celle-ci se contente de tricher et de recevoir des bonus de plus en plus conséquents tandis que vous accumulerez les pénalités, un reproche qui restera hélas valable pour l’intégralité de la saga. L’I.A. est d’ailleurs d’une agressivité assez décourageante, et profite outrageusement de certaines des faiblesses de l’interface – comme l’absence de frontières – pour venir entasser ses unités autour de vos villes et vous empêcher d’exploiter les ressources des terres environnantes sans que vous puissiez lui demander de retirer ses troupes. C’est d’autant plus énervant qu’il vous sera impossible de faire de même, le jeu vous interdisant le plus souvent de pénétrer à proximité des cités adverses sans leur déclarer la guerre.

En dépit de ces quelques errements, que la suite de la saga s’appliquera le plus souvent à corriger, le côté extrêmement addictif du jeu ne se dément pas, même plus de 25 ans après sa sortie. Et si les occasions de pester sont nombreuses, la faute à un facteur « chance » un peu trop présent dans les affrontements et dans la viabilité de votre position de départ, le syndrome « allez, encore un tour » qui peut vous amener à continuer à jouer jusqu’à des heures déraisonnables est toujours vivace, preuve de la très grande qualité du jeu.

Un mot, en clôture de ce copieux test, sur la version française du jeu : catastrophique. Elle a le mérite d’exister, ce qui sera toujours mieux que de se frotter à la version originale pour les non-anglophones. En revanche, si les descriptions scientifiques ont l’avantage d’être compréhensibles sans briller par leur style, l’essentiel du jeu multiplie les coquilles, les fautes d’accord, les crachats au visage de la grammaire et les structures de phrases tellement approximatives qu’une traduction Google ressemble à du Ronsard en comparaison. On se demandera également pourquoi le jeu multiplie les abréviations dans des situations où il y avait largement la place pour mettre le mot en entier, ce qui donne parfois le sentiment que les dirigeants adverses s’adressent à vous en langage SMS – ce qui est peut-être exagérément visionnaire pour un jeu de 1991. Heureusement, le manuel, lui, a déjà été mieux traduit, mais je serais curieux de savoir à quel endroit les sociétés américaines s’acharnaient à embaucher leurs traducteurs au début des années 90 pour trouver aussi systématiquement les plus incompétents d’entre eux.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1991 (Tilt n°97, décembre 1991) – Meilleur jeu de stratégie sur micro

NOTE FINALE : 17/20 Le constat est sans appel : plus de 25 ans après sa sortie, la seule chose qui fasse de l'ombre à Sid Meier's Civilization et à l'ambition sans borne de son concept, ce sont les peaufinages apportés par ses différents héritiers jusqu'à aujourd'hui. Initiateur du 4X, savant mélange de stratégie et de gestion, le titre de MicroProse a excellemment vieilli en dépit d'une prise en main un peu délicate et fait partie de ces titres auxquels on peut se surprendre à jouer pendant des heures encore aujourd'hui – ce qui n'est pas un mince exploit. Profitant d'un système de jeu indémodable malgré une réalisation sans panache et une V.F. qui est une insulte à la langue de Rabelais, Civilization est indéniablement un titre majeur qui demeure une référence absolue – même si les néophytes préfèreront sans doute débuter directement par l'excellent deuxième épisode ou par des itérations encore plus tardives. CE QUI A MAL VIEILLI : – Le système de combat qui tient plus du quitte ou double que de la stratégie – Une microgestion qui peut s'avérer assez fastidieuse lorsque votre empire commence à s'étendre – Une diplomatie encore assez primitive – La concurrence des autres épisodes de la saga venus corriger patiemment la plupart de ces erreurs et enrichir le concept avec des ajouts comme la religion, la culture ou la gestion des frontières

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Civilization sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : MPS Labs
Éditeurs : MicroProse Software, Inc (version OCS/ECS) – Software Daemon (version AGA)
Date de sortie : Août 1992 (version OCS/ECS) – Juin 1993 (version AGA)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Versions testées : Version OCS/ECS testée sur Amiga 500, version AGA testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Version OCS/ECS :
Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Installation sur disque dur supportée

Version AGA :
Système : Amiga 1200 – OS : AmigaOS 3.0 – RAM : 2Mo
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu (version AGA) :

L’Amiga aura connu pas moins de trois versions de Sid Meier’s Civilization : une version OCS/ECS en 1992, une version optimisée pour le chipset graphique AGA l’année suivante, et même une version CD-ROM en 1997 (sur laquelle je ne suis hélas pas parvenu à mettre la main). Sans surprise, la version de 1992 est moins colorée que son équivalent en VGA sur PC (cela se sent particulièrement lors des écrans fixes comme les résultats de vos chercheurs), et tend à tourner de façon assez poussive sur un Amiga 500 – le jeu est clairement pensé pour être installé sur un disque dur, et on se doute que bénéficier d’un processeur plus puissant et d’un surplus de RAM comme sur Amiga 1200 fait énormément de bien à une expérience de jeu qui tend à tirer très lourdement sur le processeur. En AGA, fort logiquement, le jeu est identique à la version VGA (sauf le curseur, curieusement). Quant à l’aspect sonore, la puce Paula se débrouille bien, mais le résultat reste globalement inférieur à ce que permettent une Roland MT-32 ou la plupart des cartes General MIDI. Rien de franchement dramatique, on s’en doute – le jeu ne repose de toute façon pas exactement sur la qualité de ses quelques thèmes musicaux (qui se limitent, passé la création de la partie, aux hymnes des différentes nations).

Globalement, le résultat, parfaitement satisfaisant sur un Amiga 1200, souffre en revanche sur une configuration inférieure, tant du côté de la réalisation que de celui du confort de jeu. Sur un Amiga 500 « de base » (avec une extension de mémoire tout de même, le jeu ne fonctionnant pas sans elle), il faut vraiment être patient pour supporter les temps de réflexions de l’I.A. et la valse des disquettes. Mais dans des conditions décentes (c’est à dire a minima avec un disque dur), les choses tendent à grandement s’améliorer. Gardez bien ces détails en tête au moment de vous lancer dans le jeu, en fonction de votre configuration.

NOTE FINALE : 16,5/20 (version OCS/ECS) – 17/20 (version AGA)

Plus que les quelques couleurs abandonnées par la version OCS du jeu, c’est principalement la puissance de votre processeur et la présence ou non d’un disque dur qui impactera la qualité de vos parties de Sid Meier’s Civilization sur Amiga. Sur une configuration optimale, le titre n’a strictement rien à envier à la version PC, mais sur un Amiga 500, les choses risquent d’être un peu moins emballantes.

Version PC-98

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Japan K. K.
Date de sortie : 25 septembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe de l’engouement certain qu’il aura provoqué à sa sortie, Sid Meier’s Civilization aura également eu le privilège d’être commercialisé au Japon – avec la branche japonaise de MicroProse à la distribution, laquelle aura commercialisé une vingtaine de titres au total entre 1989 et 1995.

Sans surprise, le contenu du jeu n’offre que très peu de différences avec celui de la version MS-DOS – tout juste remarquera-t-on qu’il est désormais impossible de choisir le style architectural de son palais, qui est désormais imposé en fonction de la civilisation incarnée, mais cela reste tout-à-fait anecdotique. Ce qui l’est un peu moins, c’est le fait que le programme soit désormais en haute résolution, en 640×400. Bon, ça ne fait toujours pas du jeu un premier prix de beauté, mais en ce qui concerne la lisibilité, c’est inattaquable. Comme souvent, le véritable problème de cette version pour le joueur lambda résidera dans le fait qu’elle soit exclusivement disponible en japonais – ce qui ne sera pas très pénalisant dans le cœur de l’action pour les habitués, mais le deviendra au moment de choisir le prochain bâtiment à construire ou la prochaine recherche scientifique. Bref, une version qu’on réservera surtout au curieux – ou aux joueurs capables de lire le japonais.

NOTE FINALE : 17/20

Quitte à débarquer sur PC-98, Sid Meier’s Civilization aura choisi de le faire en haute résolution, en 640×400. Une curiosité qui rend la réalisation plus lisible, mais pas franchement plus marquante, et le fait que le programme soit intégralement en japonais risque de représenter une barrière de taille pour la grande majorité des joueurs occidentaux. Quoi qu’il en soit, le jeu en lui-même est naturellement toujours aussi bon.

Version Atari ST

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Mai 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 1040 ST – RAM : 1Mo
Écran couleur requis
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1993, l’Atari ST n’était pas (officiellement) mort, mais il n’était pas non plus dans une forme olympique. A l’ère du CD-ROM, du VGA et de la course aux mégahertz, on pouvait même être surpris de voir Microprose s’embarrasser à porter Civilization sur la machine d’Atari. Mais après tout, le titre de Sid Meier n’était pas exactement un monstre technique, non ?

Autant dire que la première chose qui frappe, en lançant le jeu sur Atari ST, ce sont les graphismes. N’y allons pas par quatre chemins : c’est moche. Certes, la version Amiga 500 montrait déjà de nombreuses limitations dans le même domaine, mais le nombre de couleurs a encore été divisé par deux pour arriver à seize, et ça se sent immédiatement. Paradoxalement, la carte du monde est plutôt moins triste et plus colorée que la version Amiga 500, mais il faut également admettre que certains terrains ressemblent tellement à une atroce bouillie de pixels qu’on serait bien en peine de dire ce qu’ils sont censés représenter. Les routes sont dorénavant de simples traits noirs, et certains écrans fixes ont purement et simplement disparu. Si vous venez de poser les yeux sur les versions en 256 couleurs, le choc visuel risque d’être rude, mais l’honnêteté m’oblige à avouer qu’on s’y habitue relativement vite, et que le jeu n’en souffre pas tant que ça.

Musicalement, là encore, les dégâts sont sensibles. Les deux thèmes qui accompagnaient le titre et le lancement d’une nouvelle carte ont été remplacés, pourquoi pas – les hymnes de chaque nation sont bien évidemment toujours là. Comme trop souvent, la qualité audio de la machine n’est pas franchement mise à contribution – quand on pense à ce qu’un titre comme Epic pouvait nous envoyer dans les oreilles… – et fait à peine mieux que le haut-parleur interne du PC. En revanche, les temps de chargement sont bien meilleurs que sur Amiga 500. Le jeu a donc le mérite d’être très jouable, à bonne vitesse, ce qui est exactement ce qu’on lui demande.

NOTE FINALE : 16/20

D’accord, Civilization version ST souffre de graphismes aux ras des pâquerettes – mais pour sa défense, le hardware de la machine d’Atari commençait réellement à arriver en bout de course en 1993. On appréciera que le jeu tourne bien, reste lisible, et soit toujours aussi agréable à jouer mais il faudra composer avec une réalisation assez spartiate.

Version Macintosh

Développeur : MicroProse Chapel Hill
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Date de sortie : Mars 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68000 – OS : System 6.0.7 – RAM : 4Mo

Le Macintosh ayant fini par s’inviter au rang des ordinateurs commercialement viables au début des années 90, de nombreux titres auront commencé à y être portés. Pour Civilization, il aura fallu attendre 1993, et le portage aura directement été assuré pour l’occasion par une équipe de MicroProse. Commençons par les bonnes surprises : il est désormais possible de créer sa civilisation (ce qui se borne à choisir son nom, mais on appréciera quand même), le jeu est désormais totalement intégré à l’interface de MacOS, avec des infobulles partout, et surtout il est affiché en 640×480, avec un résultat plus convaincant que sur PC-98 (sauf pour les écrans fixes, généralement restés en basse résolution avec un filtre dégueulasse). Détail qui tue : la police utilisée pendant les dialogues s’adapte à votre interlocuteur. Pour le reste, l’écran-titre est ici si vite expédié que vous remarquerez que je ne vous en propose pas la vidéo, et comme d’habitude si la résolution de votre bureau est supérieure à celle du jeu, celui-ci s’affichera dans une fenêtre plutôt qu’en plein-écran. Dans l’ensemble, une version solide et très accessible, donc.

NOTE FINALE : 17,5/20

Intelligemment intégré dans l’affichage de MacOS, et en haute résolution, Civilization sur Macintosh y gagne en confort et en ergonomie. La réalisation graphique et sonore a beau être toujours aussi datée, le plaisir de jeu, lui, est toujours là, et c’est bien l’essentiel.

Version PC (Windows 3.1)

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Date de sortie : Décembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : Windows 3.1 – RAM : 4Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA

Quitte à développer un portage pour Macintosh, MicroProse se sera probablement avisé que le PC disposait lui aussi d’une interface graphique qui gagnait en popularité depuis sa version 3.0 : Windows. Décision fut donc prise d’en profiter pour ressortir une nouvelle version du jeu proposant… eh bien exactement la même chose que la version Macintosh, pour être honnête, les forces comme les (rares) faiblesses. On se retrouve donc une nouvelle fois avec le jeu affiché dans la résolution du bureau de Windows (sauf pour les écrans fixes, automatiquement fenêtrés en 507×314), avec les petites fioritures déjà mentionnées (la possibilité de créer votre propre nation, au hasard), et l’écran-titre à nouveau réduit à l’essentiel. La bonne nouvelle, c’est que ça marche toujours aussi bien, et que quitte à découvrir le jeu aujourd’hui, c’est au moins aussi confortable à faire dans cette version (Windows 3.1 a en plus l’avantage d’être assez simple à installer et à faire fonctionner sous DOSBox).

NOTE FINALE : 17,5/20

Clone assumé de la version parue sur Mac OS, Civilization pour Windows 3.1 apporte les mêmes options de confort, ainsi qu’une résolution plus adaptée à l’interface graphique de Microsoft. Quitte à découvrir une version un peu plus lisible et un peu plus ergonomique, ne vous privez pas.

Version Super Nintendo

Développeur : Asmic Software Inc.
Éditeur : KOEI Corporation
Date de sortie : 7 octobre 1994 (Japon) – Octobre 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Manette, souris
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Ce n’est pas nécessairement un fait très connu, mais Civilization premier du nom aura également connu une adaptation sur console – en l’occurrence, sur la 16 bits de Nintendo, et aucune autre. Le relatif anonymat dans lequel cette version est parue vient sans doute de l’année de sa sortie, sur une console en fin de vie.

Comment s’en sort ce portage, alors ? Niveau contenu, tout a l’air d’être à sa place, de l’introduction à la modélisation de la planète, en passant par les quatorze civilisations et les cinq niveaux de difficulté. On assiste même à une petite scénarisation très japonaise, avec une déesse qui vous apparait en début de partie pour vous décrire les pouvoirs qu’elle vous laisse avant de vous laisser vous débrouiller (la générosité divine ayant apparemment ses limites). Graphiquement, le jeu est assez agréable, peut-être pas aussi fin que sur PC mais vous n’aurez aucun problème pour différencier les types de terrain. On pourra en revanche regretter que l’écran de jeu voit un bon quart de sa surface bouffé par des frises dont la seule fonction est purement décorative, parce qu’on aurait sans doute largement profité du gain de surface de jeu offert par le plein-écran. On notera également que le jeu profite dorénavant d’un thème musical en fond sonore en toute circonstance, sympathique quoique rapidement répétitif ce qui n’est pas une bonne chose pour un jeu sur lequel on est appelé à passer des heures.

Côté interface, on pouvait craindre le pire de l’absence de clavier, mais ce portage parvient à faire tenir toute l’interface sur trois boutons de la manette sans rien sacrifier au passage. Presser le bouton A avec le curseur sur une unité ou une ville vous permettra de faire apparaître la liste des actions possibles ; sur un espace vide, vous pourrez accéder à un menu plus général vous autorisant à régler vos impôts, à voir la carte du monde ou à sauvegarder (une seule partie à la fois, malheureusement, mais on remerciera le jeu de se passer d’un indigeste système de mot de passe). Le bouton B fera apparaitre un menu didactique avec les ressources dispensées par chaque type de terrain selon le gouvernement en place, et le bouton Y vous permettra de déplacer une unité sans avoir à sélectionner l’option « Move » dans le menu du bouton A. Les informations qui auraient pu prendre de la place à l’écran (date, argent, répartition des impôts) ne sont affichées que sur l’écran de fin du tour.

Ce serait donc aussi simple ? Eh bien, oui, c’est plus fastidieux que de pouvoir tout faire à la souris et au clavier – même si la souris de la Super Nintendo est gérée, pour l’occasion – mais force est de reconnaître que le tout a été bien pensé. L’écran de ville, par exemple, a désormais été divisé en plusieurs menus afin de vous concentrer sur l’aspect que vous cherchez à modifier. Bien sûr, sachant que le moindre déplacement vous demandera au minimum deux pressions de bouton, l’interface tend à s’alourdir en milieu de partie – n’espérez pas jouer aussi vite que sur les versions sur ordinateurs. Mais on aurait également bien du mal à imaginer une solution plus efficace pour porter un jeu aussi complexe que Civilization sur une manette à six boutons.

NOTE FINALE : 16/20

Très bonne surprise que ce portage fait avec sérieux : naturellement, la maniabilité est un peu plus lourde que sur ordinateur, mais une fois le pli pris le joueur reprend très vite ses marques. On pourra simplement regretter que le jeu ait choisi de sacrifier son aspect didactique en supprimant tous les textes de descriptions des différentes recherches.

R-Type

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com

Développeur : Irem Corp.
Éditeur : Irem Corp.
Testé sur : ArcadeAtari STCommodore 64Master SystemMSXPC EngineZX SpectrumAmigaAmstrad CPCSharp X68000Game BoyPC Engine CDPlayStation
Version non testée : PC-88
Disponible sur : Android, Antstream, iPad, iPhone, J2ME, Nintendo 3DS, Ouya, PlayStation 3, PSP, Wii, Wii U
Présent dans les compilations : R-Types (PlayStation, PlayStation 3, PSP), R-Type Dimensions (Luna, Switch, PlayStation 3, PlayStation 4, Windows, Xbox 360)
En vente sur : Version PC Engine : Nintendo eShop (Wii, Wii U)
Version arcade : Google Play, Apple.com

La saga R-Type (jusqu’à 2000) :

  1. R-Type (1987)
  2. R-Type II (1989)
  3. Super R-Type (1991)
  4. R-Type Leo (1992)
  5. R-Type III : The Third Lightning (1993)
  6. R-Type Delta (1998)

Version Arcade

Date de sortie : Juillet 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Borne
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version internationale
Hardware : Irem M-72
Processeurs : NEC V30 8MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz
Son : Haut-parleur ; YM2151 OPM 3,579545MHz ; 1 canal
Vidéo : 384 x 256 (H) 55,017606Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour chaque catégorie de jeux vidéo, il existe au moins un titre-référence, une légende, un programme que les vieux briscards évoqueront avec une larme à l’œil et dont tous les jeunes joueurs auront fatalement entendu parler un jour sans avoir nécessairement eu l’occasion de poser les mains dessus. Pour les jeux de plateforme, des titres comme Super Mario Bros. ou Sonic the Hedgehog seront fatalement évoqués, difficile de parler de jeux d’action à la première personne sans mentionner Doom… et dans le cadre du shoot-them-up, au milieu des Gradius ou des Xenon II, un titre reviendra immanquablement : R-Type.

Les choses se compliquent très, très vite

Nous sommes en 1987, et la société Irem s’apprête à faire pas mal de bruit. Nous sommes à une époque où les bornes d’arcade sont reines, techniquement loin, très loin au-dessus de ce que peuvent espérer offrir les ordinateurs ou les consoles de salon. Une époque où il n’est pas rare qu’un titre majeur suscite un engouement tel que de véritables files d’attente se forment, à longueur de journée, devant la borne chargée de le faire tourner. Une époque où des joueurs aguerris sont prêts à dilapider toute leur monnaie histoire de se frotter à ce que les salles de l’époque avaient à offrir de mieux. Et croyez-moi, pour venir à bout d’un titre comme R-Type, de la monnaie, il valait mieux en avoir plein les poches…

Probablement l’un des boss les plus célèbres de toute l’histoire du shoot-them-up

R-Type est un shoot-them-up à défilement horizontal vous plaçant aux commandes d’un vaisseau modèle R-9 pour – comme c’est original – aller sauver à vous tout seul la galaxie du terrible empire extraterrestre Bydo. Pour se faire, vous allez devoir traverser huit niveaux particulièrement vicieux avant de vaincre le boss final, et d’être autorisé à recommencer le jeu depuis le début puisque je rappelle que nous sommes sur arcade et qu’après tout, vous avez payé pour ça, non ? Si le jeu a connu à l’époque un carton planétaire, c’est parce qu’il a bénéficié de deux grandes qualités qui étaient appelées à faire école et à être – comme toutes les bonnes idées – régulièrement pillées par la suite.

Après le clin d’œil à Alien, le clin d’œil à Star Wars avec ce compacteur d’ordures (qui va vous en faire baver)

Commençons pas la plus évidente, celle qui sautait immédiatement aux yeux dès l’instant où on croisait fugacement l’écran de la borne d’arcade : sa réalisation. En 1987, le jeu pouvait se targuer de faire partie des plus beaux titres disponibles sur arcade, et même s’il ne déclenchera plus aujourd’hui aucune forme de décrochement de mâchoire, il faut reconnaître que les graphismes ont plutôt bien vieilli. Cela est certainement dû à la principale trouvaille dans le design du jeu, à savoir ce côté organique empruntant ouvertement à des artistes comme Giger, et offrant un cadre à la fois original, dérangeant, et surtout tranchant radicalement avec les éternels déballages mécaniques qui étaient la norme au sein des shoot-them-up futuristes de l’époque. À ce titre, le boss du premier niveau est entré dans la légende – et constitue encore aujourd’hui une des figures les plus connues de l’histoire du jeu vidéo des années 80. Bref, c’était beau, c’était neuf, et dans un lieu où l’on venait dépenser de l’argent pour en prendre plein les mirettes, c’était une condition sine qua non pour espérer se faire un nom – mission accomplie.

Freud aurait sans doute eu beaucoup de choses à dire sur ce boss

La seconde sautera moins aux yeux des joueurs découvrant R-Type trente ans (eh oui, déjà) après sa sortie, et tient à la jouabilité du titre. En-dehors de l’habituel lot d’armes spéciales, de bonus de vitesse et autre satellites venant accroître votre puissance de feu, deux innovations majeures viennent en effet enrichir le gameplay du titre – tellement majeures qu’elle sont désormais devenues relativement banales au sein de l’univers des shoot-them-up. Tout d’abord, une pression prolongée sur votre bouton de tir vous permettra de remplir une jauge pour le charger, permettant ainsi de relâcher un projectile bien plus dévastateur. Et surtout, le jeu met à votre disposition un bonus particulièrement utile : un module qui peut venir se fixer à votre vaisseau.

Vous allez apprendre à haïr ces petits vaisseaux qui laissent un trainée derrière eux

En plus de vous offrir un bouclier fort appréciable – le module étant capable d’arrêter les tirs venus s’écraser contre lui – celui-ci a la particularité d’être détachable : non seulement vous pouvez l’éloigner de votre vaisseau et continuer à tirer avec lui – ce qui peut se révéler infiniment précieux pour couvrir une plus grande partie de l’écran – mais en plus, rien ne vous interdit de l’accrocher à l’arrière de votre R-9. Ce qui non seulement vous offrira une protection contre les adversaires surgissant dans votre dos – et croyez-moi, les bougres ne s’en privent pas – mais vous autorisera également à tirer derrière vous, ce qui sera quasiment obligatoire pour franchir certains passages du jeu, à commencer par le vaisseau géant du niveau 3 dont le boss final est pratiquement impossible à vaincre si vous ne disposez pas du fameux module.

R-Type aura également initié ce grand classique qu’est le niveau composé d’un vaisseau géant à détruire

Ce qui nous amène à aborder le dernier élément ayant concouru à la légende du titre – mais celui-là ne fera pas que des heureux : sa difficulté. Oui, tout le monde a entendu parler de la difficulté des jeux d’arcade, dont la mission principale était de faire cracher des pièces aux joueurs venus se frotter à eux – on comprendra donc aisément que la plupart des jeux de l’époque demandaient déjà un solide niveau de maîtrise avant d’autoriser des parties de plus de deux minutes. Et à ce titre, R-Type ne va pas déroger à la légende : le jeu est d’une difficulté infernale, et si les deux premiers niveaux sont encore à peu près faisables, la suite du jeu tient autant de l’épreuve de contrôle de soi que d’un révélateur du masochisme des joueurs de l’époque.

Arriver au boss final se mérite. Quant à le vaincre, n’en parlons pas

Vous pensez être doué ? Allez vous frotter à ce titre, et vous verrez très vite si vous avez raison. Soyons clair : les réflexes ne suffiront pas. Connaître par cœur le déroulement des niveaux est pratiquement obligatoire, la faute à un level design d’un rare sadisme où le décor sera un de vos pires ennemis, mais où les nombreuses cochonneries débarquant de tous les côtés de l’écran feront tout pour lui disputer ce titre. En fait, vous allez avoir de nombreuses occasions de constater que les bonus du jeu peuvent très rapidement se retourner contre vous. Certaines situations demandent une arme ou un bonus précis pour avoir une chance d’être franchies sans être un jedi et naturellement, le jeu, dans son sadisme assumé, se délecte de l’opportunité de vous offrir les armes les moins adaptées à ce qui se présente à vous. L’un des bonus que vous allez le plus vite apprendre à détester, par exemple, est ce petit « S » qui augmente la vitesse de déplacement de votre astronef. Ayez le malheur d’en ramasser trop, et vous aurez l’occasion de pleurer des larmes de sang lors des manœuvres extrêmement délicates, souvent au pixel près, que vous demandent les derniers niveaux du titre (si vous arrivez jusque là !). Car en plus d’être monstrueusement difficile, le jeu est également atrocement punitif : non seulement un tir suffit à atomiser votre super vaisseau prétendument surarmé (sans rire, le blindage, ils ne connaissent pas dans le futur ?), mais surtout, cela se traduira alors par une perte de tous vos bonus – armes comprises – et un retour au dernier checkpoint (et ils sont rares).

Si vous souffriez d’un excès de sadisme à la fin des années 80, vous pouviez encore postuler chez Irem

C’est à dire qu’un joueur de l’époque pouvait tout à fait engloutir des fortunes sans avancer d’un pouce, car tant que vous n’avez pas fini une section du jeu, il vous faudra la recommencer ad vitam eternam jusqu’à ce que vous en veniez à bout – ou qu’elle ne vienne à bout de vous. Et puisque le jeu est déjà infernal avec un vaisseau doté de tout l’armement, je vous laisse juger de vos chances lorsque vous devez repartir à poil… à tel point que certains joueurs chevronnés préfèrent reprendre le jeu depuis le début en cas de perte d’une vie. Oui, c’est difficile à ce point.

Au fin fond de la salle d’arcade, tout le monde vous entendra hurler

Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Loin de là : la jouabilité est irréprochable, et la difficulté du titre n’a rien d’exceptionnel si on considère son année de sortie. R-Type est le vestige d’une époque où jouer à un jeu avec l’optique de le finir relevait de l’anomalie ou de l’ambition démesurée : on jouait avant tout pour le score, et rarement très longtemps – je peux vous dire que vous risquez d’être dans un drôle d’état après une heure passée sur le même niveau. Un bon moyen de mesurer ce qui sépare le plaisir de jeu actuel de celui que l’on recherchait il y a une génération de cela…

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18/20 R-Type, c'est la rencontre entre un gameplay intelligemment novateur et une esthétique qui fait mouche pour composer un des shoot-them-up les plus iconiques de toute l'histoire vidéoludique. Plus encore que la difficulté redoutable, en particulier dans sa deuxième partie, le titre d'Irem impose avant tout sa formidable ambiance à travers des morceaux de bravoure dont certains (le vaisseau géant, au hasard) sont tout simplement devenus depuis des passages obligés du genre. Symbole de l'ère où les salles d'arcade étaient considérées comme le pinacle technique et ludique indépassable, R-Type demeure aujourd'hui un titre fascinant et d'une rare exigence auquel n'importe quel fan de shoot-them-up doit nécessairement avoir joué au moins une fois dans sa vie. Une référence. CE QUI A MAL VIEILLI : – C'est. Vraiment. Dur. – Pas exactement le type de jeu auquel on joue pour se détendre

Version Atari ST

Développeur : Images Design
Éditeur : Electric Dreams Software
Date de sortie : Novembre 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : RAM : 512ko
Écran couleur requis

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’Atari ST a été parmi les premiers servis pour bénéficier d’une conversion du hit d’Irem, mais il n’est pas celui qui s’en tire le mieux. Graphiquement, si le jeu offre un rendu plus que décent pour une palette de 16 couleurs, la résolution limitée de la machine rend la marge de manœuvre atrocement étroite pour votre R-9 – qui occupe d’ailleurs une place démesurée à l’écran (le sprite doit faire deux fois la taille de celui de la version arcade !). Plutôt que d’opter pour la très intelligente solution adoptée par la PC Engine en autorisant un défilement vertical, Electric Dreams a opté pour une méthode plus crue : ça ne rentre pas dans l’image ? On va tasser au pied pour que ça rentre quand même ! Inutile de dire que, vu le monde à l’écran, le jeu est encore plus difficile sur cette version, d’autant que – pour ne rien arranger – les crédits ne sont pas illimités ! C’est d’autant plus dommageable que la musique est de bonne qualité, et que le jeu tourne (relativement) bien. Mais il aurait fallu ajouter un défilement vertical à l’écran, ou bien redessiner les sprites, car en l’état, le jeu ressemble vite à un simulateur d’embouteillage sur le périphérique nord. Autant dire que ce qui passait pour un portage exceptionnel à l’époque respire désormais un côté « Système D » un peu moins glorieux, mais le jeu demeure jouable, à défaut d’avoir été équilibré correctement.

On se sent un peu à l’étroit…

NOTE FINALE : 11/20

Une réalisation honnête n’est pas toujours la meilleure chose à privilégier sur le gameplay, et cette version souffre de chercher à tasser sur un écran de jeu minuscule tout ce qu’affichait la version arcade. Si la réalisation et la jouabilité sont correctes, on regrettera un équilibrage fait au doigt mouillé qui gonfle encore la difficulté d’un jeu qui n’en avait pas besoin – surtout avec des crédits limités.


Version Commodore 64

Développeur : Rainbow Arts Software GmbH
Éditeur : Electric Dreams Software
Date de sortie : Novembre 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Assuré par Rainbow Arts, ce portage de R-Type sur la machine de Commodore est – reconnaissons-le – très bien ficelé. Le jeu est lisible, coloré, tourne bien, a conservé les fonds, est parfaitement jouable et a même une musique d’excellente qualité pour le support. Seul le niveau 6 manque à l’appel, tout le reste y est, ce qui vu la faible puissance du Commodore 64 n’est pas un mince exploit. En revanche, la sortie du jeu a été précipitée, ce qui engendre, en plus du niveau manquant, quelques problèmes : par exemple, le jeu ne sauvegarde pas les scores et le mode deux joueurs (comprenez : en alternance, comme sur tous les autres supports) ne fonctionne pas. Pour ne rien arranger, le boss final n’a plus qu’une seule attaque, ce qui le rend beaucoup plus simple, et il n’y a plus de séquence de fin : le jeu… s’arrête. Le multiload est très mal géré, d’où des temps de chargement à rallonge. Ce portage est également connu pour avoir réutilisé le moteur d’un autre shoot-them-up, Katakis, que beaucoup de joueurs lui trouvent supérieur – mais ce n’est pas mon cas. Sans doute un des portages les plus impressionnants de la ludothèque du Commodore 64.

Cette version n’a vraiment pas à rougir de sa prestation

NOTE FINALE : 13,5/20

Faire tenir une borne d’arcade dans un C64 n’était pas chose facile, mais Rainbow Arts l’a fait en un temps record (six semaines et demi !). En dépit de nombreux problèmes dus à ce développement accéléré, le jeu reste agréable à jouer, et la musique est sans aucun doute l’une des meilleures de tous les supports 8 bits  et peut-être même d’une partie des supports 16 bits.


Version Master System

Développeur : Compile
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 1er octobre 1988 (Japon) – Décembre 1998 (États-Unis et Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Gestion de la puce sonore YM2413

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La version Master System de R-Type passe généralement pour une des meilleures versions de toutes les plate-formes 8 bits, ce qui n’est qu’à moitié surprenant lorsqu’on retrouve aux commandes une équipe du nom de… Compile, sans doute les maîtres incontestés du genre sur consoles ! Ils étaient visiblement déjà très doués en 1988, les bougres : c’est beau, ça tourne bien, la jouabilité est irréprochable, et les ralentissements sont rares. D’entrée de jeu, on sent immédiatement qu’on ne joue pas dans la même cour que la plupart des portages effectués sur ordinateur : c’est sans doute moins détaillé et moins coloré que sur arcade, mais bon sang ça se défend quand même sacrément bien. Même la musique n’a pas à rougir de la comparaison. Et histoire de faire pencher encore un peu plus la balance, cette version contient même un niveau secret accessible au niveau quatre !

Je connais bien des ordinateurs 16 bits qui ont dû être jaloux…

Alors, le portage ultime ? Eh bien, à son niveau, il n’est vraiment éclipsé que par le fantastique portage sur PC Engine – les consoles 8 bits étaient vraiment très en forme, sur ce coup-là ! Sa seule véritable « tare » est de souffrir d’un nombre assez important de clignotements de sprites – ce qui, vu le monde à l’écran, n’est pas franchement une surprise, mais risque de compliquer un peu les choses en termes de lisibilité lors de certains des passages les plus exigeants du jeu. Un détail certes gênant, mais le titre m’étant apparu comme un peu plus simple que sur la borne, il n’y a pas non plus de quoi dégrader irrévocablement l’expérience de jeu. Bien sûr, aujourd’hui, on se dirigera plus volontiers directement vers la borne, mais la présence d’un niveau inédit reste une carotte suffisante pour avoir une très bonne raison de se laisser tenter par cette excellente version. Sans hésitation l’un des meilleurs shoot-them-up de la Master System.

Récompenses :

  • Tilt d’or 1989 – Meilleur shoot-them-up sur console (Tilt n°72, décembre 1989)

NOTE FINALE : 15,5/20

Compile était déjà une équipe de sorciers en 1988, et leur magie accomplit des exploits avec ce superbe R-Type sur Master System qui a de quoi coller pas mal de complexes à des machines bien plus puissantes. La réalisation est difficilement attaquable, et il ne manque rien – on a même droit à un niveau supplémentaire pour ceux qui sauront le débusquer. Seuls les clignotements de sprites et quelques ralentissements ternissent (un peu) le tableau.

Les avis de l’époque :

« Sega réussit une adaptation irréprochable de R-Type sur console. Les graphismes sont excellents. On appréciera tout particulièrement les monstres, réellement impressionnants. L’animation est précise et l’action s’accompagne d’une bande sonore de qualité. (…) Toutes ces qualités font de R-Type le meilleur shoot-them-up sur la console Sega. »


Alain Huygues-Lacour, Tilt n°62, Janvier 1989, 17/20


Version MSX

Développeur : ISCO, Inc.
Éditeur : Irem Corp.
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Clavier, joystick, manette
Version testée : Version cartouche testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 1
Hé, ho, calmez-vous un peu sur les projectiles !

Les ordinateurs japonais ont également eu droit à leurs portages, et le MSX ne fait pas exception. Les graphismes sont clairs, la musique est présente, le jeu tourne correctement. Cette version est globalement assez agréable à parcourir, mais souffre de deux défauts. La première vient du défilement du jeu, qui avance par légers à-coups plutôt que de façon fluide (une caractéristique récurrente du défilement sur MSX 1). Rien de dramatique, mais cela donne le sentiment d’une progression hachée. La deuxième – plus pénalisante – est que les tirs adverses sont déchainés dans cette version : dès les premiers écrans, on est littéralement noyé sous les tirs. En résulte une version encore plus difficile – et franchement, ça n’est pas une bonne idée.

NOTE FINALE : 12,5/20

Fonctionnelle sans être éblouissante, frustrante sans être pour autant injouable, la version MSX de R-Type reste une bonne pioche – à condition d’apprécier une difficulté proprement infâme.



Version PC Engine

Développeur : Irem Corp.
Éditeur : NEC Home Electronics (U.S.A.) Inc.
Date de sortie : 1988 (Japon) – Novembre 1989 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : HuCard
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : HuCard de 4Mb (initialement divisé en deux jeux, chacun sur une HuCard de 2Mb)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au grand jeu de la conversion ultime, la PC Engine pouvait se vanter d’être une candidate particulièrement crédible dès 1988. On savait que la machine de chez NEC en avait sous le capot, au point parfois de rivaliser avec les 16 bits qui allaient lui succéder. Mais de là à rivaliser avec une borne d’arcade… Eh bien tenez-vous bien : la PC Engine y parvient. Oh, bien sur, le jeu est un peu moins beau, la musique est légèrement inférieure, il y a quelques effacements de sprites… mais bon sang, on est quand même si proche du niveau de la version d’origine qu’on en vient parfois à oublier qu’on n’est pas en train de jouer sur la borne.

Ceci est une version 8bits. Oui, ça calme.

L’ingéniosité avec laquelle les programmeurs ont tiré le maximum de la console est remarquable : la résolution de la PC Engine ne permet pas de rivaliser graphiquement avec l’original ? Pas grave : on rajoute un défilement vertical, et voilà comment on récupère les pixels qui manquent (on remarquera d’ailleurs que l’image s’affiche ici dans un format rarement utilisé sur la console, et plus proche de la résolution affichée d’ordinaire par une Mega Drive). Incroyable mais vrai : il n’aura pas fallu attendre la sortie de la Neo Geo pour avoir un jeu qualité arcade à domicile. La modeste 8 bits de NEC en était déjà capable ! Seul petit bémol – mais celui-ci ne concerne que la version japonaise – faute d’Hu-Card assez grandes pour stocker le jeu à sa sortie, R-Type fut tout simplement vendu en deux morceaux de quatre niveaux chacun, avec un beau « R-Type II » pour la deuxième ! Ceci dit, vu la qualité du jeu, on comprend aisément que certains joueurs aient été prêts à passer à la caisse deux fois.

NOTE FINALE : 17,5/20

Cela paraissait impossible, mais cela s’est pourtant produit : une modeste console 8 bits fait pratiquement aussi bien qu’une des bornes d’arcade les plus impressionnantes de la période. C’est magnifique, c’est d’une fluidité à toute épreuve, c’est d’une fidélité absolue, bref : c’est le Saint Graal des portages de l’arcade. Une version à avoir absolument pour tous les possesseurs de la PC Engine.

Version ZX Spectrum

Développeur : Software Studios
Éditeur : Electric Dreams Software
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Possibilité de redéfinir les touches du clavier
Pas de problème, on le reconnait bien

Étant donné les capacités techniques extrêmement limitées du ZX Spectrum, on était en droit de craindre le pire au moment de lancer l’adaptation d’une borne d’arcade aussi exigeante que celle de R-Type. Mais Electric Dreams, responsable de la quasi-totalité des portages du jeu sur ordinateurs, a fait du très bon boulot, et force est de reconnaître qu’on tient là l’un des meilleurs shoot-them-up de la machine. On peut configurer les touches par simple pression de la touche « ESC » sur le menu du jeu, et les sensations de la version d’origine sont bien là, mais s’il faudra naturellement composer – en plus des limitations graphiques – avec une musique réduite à un court jingle en début de niveau et à des bruitages très limités. Signalons également une erreur à la sortie du jeu, qui faisait que le niveau 7 était présent deux fois en lieu et place du niveau 8, il était donc impossible de voir le dernier niveau. Cela aura été corrigé dans les ressorties en version « budget ». Malgré tout, le jeu est jouable, relativement fluide, et toujours aussi exigeant. Que demander de plus ?

NOTE FINALE : 12/20

Force est de reconnaitre que le ZX Spectrum tient là une très belle conversion – qui n’intéressera malgré tout aujourd’hui que les nostalgiques ou les curieux. Difficile de la recommander en raison des limites du support, mais les joueurs ayant investi dans cette version de R-Type à sa sortie ne l’ont certainement pas regretté.


Version Amiga

Développeur : Factor 5 GmbH
Éditeur : Electric Dreams Software
Date de sortie : Avril 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Sans doute l’ordinateur le mieux équipé pour prétendre à une conversion honnête au moment de la sortie du jeu, l’Amiga livre un portage tout à fait correct – et pour cause, celui-ci a été assuré par les allemands de Factor 5, eux-même programmeurs de la version Amiga de Katakis, un jeu de 1988 qui était… un clone de R-Type. C’est d’ailleurs pour éviter un procès que le studio allemand aura accepté de s’occuper du portage vers l’Amiga ! Certes, graphiquement, on ne sera pas surpris de constater que le jeu ne rivalise pas avec la borne d’arcade, et que si les thèmes musicaux sont toujours reconnaissables, la puce sonore Paula ne se sort pas vraiment les tripes (le thème de l’écran-titre est cependant vraiment chouette).

OK, on a dû pousser un ou deux meubles, mais on a enfin de la place pour les jambes !

Bien sûr, il faut se rappeler que nous sommes en 1989, et que des jeux comme Project-X n’ont pas encore vu le jour histoire de montrer ce que l’Amiga 500 avait dans le ventre. En l’état, ne boudons pas notre plaisir : à un ou deux décors de fond près, le jeu ne sacrifie strictement rien du contenu de la version originale, les sprites sont toujours d’une très belle taille, le vaisseau géant du niveau 3 n’a pas rapetissé d’un pixel (enfin si, mais comme tout le reste de la surface de jeu a rapetissé avec lui, ça ne se voit pas trop), et le titre reste jouable en toute circonstance – à défaut de rester impeccablement fluide. On appréciera surtout que cette version ne reproduise pas l’erreur capitale de la version ST qui offrait une surface de jeu tronquée. Et sinon, oui, c’est toujours aussi dur – mais on n’aura pas cette fois à composer avec un vaisseau qui prend 1/5e de l’écran ni avec les tirs aux trajectoires foireuses comme sur ST, on reste donc dans les clous de la version arcade – et le jeu a le bon goût de vous offrir des crédits illimités.

NOTE FINALE : 15,5/20

Certes, on est toujours loin de la borne d’arcade, mais cette version de R-Type demeure très certainement le meilleur des portages sur ordinateur. On regrettera malgré tout qu’une partie des décors de fond du jeu ait été sacrifiée sans raison valable.

Les avis de l’époque :

« R-Type est magnifique sur Amiga, c’est de loin la meilleure version sur micro. […] Ils sont vraiment très forts les programmeurs allemands car cette version surclasse, sur tous les plans, celle du ST : animation, scrolling, bande sonore, etc. Et surtout, elle est beaucoup plus jouable. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°67, Juin 1989, 18/20


Version Amstrad CPC

Développeur : Software Studios
Éditeur : Electric Dreams Software
Date de sortie : Février 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464
Le copier/coller, l’outil des programmeurs pressés

Vous connaissez le principe du « Speccy port » ? C’est très simple : vous prenez un portage développé pour un système très populaire outre-Manche (en l’occurrence, le ZX SPectrum), et vous l’utilisez comme base pour développer le portage à destination d’un système nettement moins populaire outre-Manche – à savoir l’Amstrad CPC. Cette formule, hélas trop souvent utilisée, est même encore un peu plus gonflée ici puisque cette adaptation ne se hisse même pas au niveau de celle du ZX Spectrum ! Il y a moins de couleurs, et on n’a même plus le droit à l’ébauche de thème musical qu’on pouvait entendre au début des niveaux. C’est fort heureusement toujours jouable, mais les utilisateurs de la machines d’Amstrad ont dû se sentir quelque peu pris pour des pigeons, et pour le coup il est assez difficile de leur donner tort.

NOTE FINALE : 09,5/20

Flagrant délit de grosse flemme pour cette version CPC qui ne fait pas honneur au support. Certes, c’est toujours jouable, mais la machine d’Amstrad était capable de faire beaucoup, beaucoup mieux que ça.

Du côté des fans :

C’est quand même plus convaincant !

Proposer un portage de R-Type plus abouti que celui livré par Software Studios ne semblait pas représenter un rêve inaccessible, alors une équipe nommée Easter Egg s’en sera chargée – avec le 6128 en tête. Le résultat est assez bluffant : graphiquement on a presque l’impression d’avoir changé de génération, et on a cette fois le droit à la musique en jeu. Je vous laisse observer les captures d’écran ; je pense qu’elles se passent de commentaires. Pour ne rien gâcher, le jeu intègre également une toute nouvelle introduction, ainsi qu’un menu des options qui vous permettra de choisir votre nombre de vies et de continues, ainsi qu’un éventuel mode « Casual » qui se justifie d’autant plus que, dans sa difficulté normale, le jeu est plus difficile que sur la borne, la faute a des adversaires très rapides et assez difficiles à toucher. Bon, à l’heure où on peut jouer à la borne d’arcade sur un téléphone portable, on se doute que cela reste une version à destination d’un public de niche – mais si vous voulez voir de quoi les meilleurs modèles de CPC étaient réellement capables, c’est une bonne option. Les joueurs intéressés pourront le trouver assez aisément sur le net, mais voici toujours une adresse pour le faire.

Quelques couleurs de plus font vraiment une grosse différence

NOTE FINALE : 13/20

Ce remake de R-Type assuré par l’équipe d’Easter Egg a le mérite de rappeler à quel point le CPC – et particulièrement le 6128 – aura été dramatiquement sous-exploité durant sa commercialisation. Si vous voulez découvrir le jeu d’Irem sur l’ordinateur d’Amstrad, aucune hésitation à avoir, c’est par là qu’il faut débuter.

Version Sharp X68000

Développeur : Irem Corp.
Éditeur : Irem Corp.
Date de sortie : 9 juin 1989 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Sharp X68000
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Ceux qui connaissent le Sharp X68000 – ou qui auront appris à le connaître dans ces pages – le sauront déjà : l’ordinateur japonais était un monstre à côté duquel l’Amiga passait pour un jouet et le PC pour une machine à écrire. Avec R-Type, il dévoile une nouvelle fois sa puissance : dès 1989, on se retrouve avec une version graphiquement pratiquement identique à la borne d’arcade – c’est encore plus impressionnant que sur PC Engine ! Bon, curieusement, le vaisseau est plus petit (le format en 1/1 de l’image est très différent de celui de la borne), mais pour le reste il faut vraiment placer les deux versions côte-à-côte pour voir la différence. Au niveau sonore, c’est également presque le sans-faute ; je dis « presque » car la qualité musicale est très légèrement inférieure, mais il faut vraiment jouer les deux versions à la suite pour percevoir une différence. La jouabilité est irréprochable, et l’aspect le plus clivant apparaît certainement là où ne l’attendait pas : si le titre dispose de deux modes de difficulté (« normal » et « difficile »), il est déjà plus difficile que la borne dans le mode « normal » ! Dès les premières minutes, vous êtes littéralement noyé sous les tirs adverses ; il y en a facilement deux à trois fois plus que sur la version originale ! Sachant qu’on parle d’un jeu qui n’était déjà pas exactement une promenade de santé, le fait de monter le curseur un peu plus haut n’était vraiment pas nécessaire… Autant dire qu’en dépit de ses qualités techniques presque parfaites, le titre sera quand même à réserver aux harcore gamers les plus exigeants.

Ce n’est pas tout à fait identique à la borne d’arcade, mais ça s’en rapproche sacrément !

NOTE FINALE : 17,5/20

Avec R-Type sur Sharp X68000, on se retrouve avec le portage presque parfait. « Presque » car, en dépit d’une réalisation très proche de la borne, le fait d’avoir gonflé arbitrairement une difficulté déjà hyper-exigeante n’était pas franchement nécessaire. On se retrouve en tous cas avec un très bon jeu, mais probablement à réserver aux experts ou aux joueurs aux nerfs solides.


Version Game Boy

Développeur : B.I.T.S., Ltd.
Éditeur : Irem Corp.
Date de sortie : 17 novembre 1990 (Europe) – 19 mars 1991 (Japon) – 25 mars 1991 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Nouvelle colle en 1990 pour les studios B.I.T.S., chargés de l’adaptation de R-Type sur la console portable de Nintendo : peut-on faire tenir tout le contenu, toute l’action, toute la frénésie d’une borne d’arcade sur un boîtier à piles avec un écran de moins de sept centimètres de diagonale ? La réponse est : presque. Tout d’abord, confronté au même problème qu’Electric Dreams sur la version ST, à savoir une résolution (très) limitée ne permettant pas de tout faire tenir à l’écran, les programmeurs de B.I.T.S. ont fait un choix autrement plus intelligent : adapter les graphismes, la taille des sprites et le déroulement des niveaux. La Game Boy ne peut pas afficher les dizaines de sprites présents à l’écran sur la version arcade ? Eh bien on répartira les vagues. Les adversaires sont moins nombreux ? Oui mais, écran exigu oblige, ils sont également beaucoup plus gros. Bref, cette version de 1991 s’adapte au support, et elle le fait plutôt bien. Comme on peut s’en douter, cela oblige malgré tout à quelques sacrifices. Par exemple, faute d’opposition, le vaisseau du niveau 3 peut désormais être considéré comme le niveau le plus facile du jeu. On remarquera également que les thèmes musicaux des deux premiers niveaux se répètent en alternance à partir du niveau 3 – il faut croire qu’il n’y avait pas assez de place pour en faire tenir plus. De la même façon, les niveaux 4 et 5 ont purement et simplement disparu du jeu – ce qui n’est pas forcément un scandale, la portable de Nintendo se prêtant assez mal aux longues sessions de jeu. Bref, on a dû pratiquer quelques coupes, mais l’essentiel du jeu est là, et reste très agréable à jouer.

R-Type peut aussi tenir dans votre poche

NOTE FINALE : 14/20

Certes, ce R-Type sur Game Boy se présente dans une version sensiblement expurgée à cause des contraintes liées au support. Mais le travail a été bien fait, et le mordu du jeu original ne sera pas dépaysé en s’explosant les yeux sur son écran monochrome, ce qui reste un bel exploit.

Version PC Engine CD
R-Type Complete

Développeur : Irem Corp.
Éditeur : Irem Corp.
Date de sortie : 20 décembre 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus), japonais (narration)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Super System Card requise

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1991, Irem, bien décidé à profiter des capacités du lecteur CD-ROM qu’on pouvait ajouter à la PC Engine depuis 1988, se décide à lancer une version intitulée R-Type Complete (comprendre par là que, contrairement à la version de base, elle ne sera pas vendue en deux morceaux). Et la question qui se pose est alors la suivante : comment améliorer ce qui et déjà le meilleur portage existant de R-Type ? En gavant le CD de cinématiques, pardi !

Le jeu va vous faire bouffer de la cinématique

Autant le dire, ces (longues) cinématiques chargées de développer en long, en large et en travers un scénario originellement écrit sur un timbre poste ont bien plus mal vieilli que le jeu en lui-même. On pourra même leur reprocher de venir casser inutilement le rythme d’un jeu auquel on a objectivement peu de chances de jouer pour la qualité de son histoire. Au cas où vous vous laisseriez malgré tout dévorer par la curiosité, il vous faudra de toute façon parler japonais, car le jeu n’est jamais sorti de l’archipel du Soleil Levant.

Oui, mais qui dit « CD-ROM » dit également « musiques qualités CD », pas vrai ? Soyez heureux, c’est bien le cas ! Malgré tout, même si c’est encore une fois une question de goût, je dois dire que les remix pseudo-technoïdes des thèmes originaux ne m’ont pas franchement transcendé. Reste le jeu en lui-même, qui n’a pas bougé d’un iota depuis sa version de 1988.

Le reste du jeu est toujours fidèle au poste

NOTE FINALE : 18/20

Certes, les petits plus apportés par cette version CD tiennent aujourd’hui davantage du gadget que de l’expérience ultime. On pourra même arguer que les réorchestrations CD ont finalement moins de charme que les thèmes originaux. Reste que le jeu, lui, est toujours aussi bon, alors pourquoi faire le difficile ?

Version PlayStation
R-Type
s

Développeurs : Racdym – Irem Software Engineering, Inc.
Éditeur : Irem Software Engineering, Inc.
Date de sortie : 5 février 1998 (Japon) – Octobre 1998 (Europe) – 28 février 1999 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad*
*Joypads analogiques non supportés
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On pourrait émettre l’hypothèse que jouer à une borne d’arcade de onze ans d’âge n’était sans doute pas la priorité numéro un des possesseurs de PlayStation en 1998 – Irem aura visiblement pensé le contraire, et après tout, il est vrai que le jeu original n’avait toujours pas connu un portage pixel perfect à l’approche de la fin du siècle. On pourra grincer des dents quant à l’approche un peu pingre visant à ne proposer que les deux premiers épisode de la saga sur un CD-ROM qui aurait aisément pu contenir la série en intégralité, mais là n’est plus trop la question de nos jours, alors que vaut ce fameux portage ? Eh bien, comme convenu, c’est la copie conforme de la borne en termes de réalisation – aucun problème à ce niveau-là, même la version Sharp X68000 est enfoncée dans les grandes largeurs. Les options sont très, très maigres puisqu’on trouve juste un mode difficile (!) et un choix du nombre de vies, mais on remarquera également que les continues sont désormais illimités (encore heureux !) et surtout qu’il est possible d’activer une sauvegarde automatique qui vous permettra de reprendre votre épopée à partir du dernier niveau traversé plutôt que de reprendre systématiquement du début. Tant qu’à faire, les nombreux boutons de la manette sont mis à contribution, puisqu’il est possible d’en utiliser un pour le tir automatique et un autre pour le tir chargé. Bref, rien de bien révolutionnaire, mais exactement ce que pouvaient espérer trouver ceux qui venaient chercher la borne à laquelle ils rêvaient de rejouer depuis onze ans.

Le format de l’image n’est pas à 100% équivalent à celui de la borne, mais c’est vraiment la seule nuance qui existe

NOTE : 18,5/20

Cette version PlayStation de R-Type offre à peu près ce qu’on était en droit d’attendre, à savoir la borne à l’identique, avec en plus la possibilité de tempérer un peu la difficulté en activant une sauvegarde au début de chaque niveau. Autant dire un excellent compromis à une époque où il était un peu plus délicat qu’aujourd’hui de tenter à émuler la borne d’arcade.

Ultima I

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre original : Ultima (version originale de 1981)
Titres alternatifs : Ultima I : The First Age of Darkness (PC-88, PC-98), Ultimatum (titre de travail), Ultima I : The Original (Atari 8 bits)
Testé sur : Apple IICommodore 64PC (DOS)PC-88PC-98MSXFM TownsAtari 8 bits
Versions non testées : Apple IIgs, Sharp X1
Disponible sur : Mac OS X (10.6.8), Windows (7, 8, 10)
Présent au sein des compilations :

  • Lord British Starter Kit (1981 – Apple II)
  • Ultima Trilogy : I ♦ II ♦ III (1989 – Apple II, Commodore 64, FM Towns, Mac OS X, PC (DOS), Windows)
  • Ultima I-VI Series (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

En vente sur : Gog.com (Mac OS X, Windows)

La saga Ultima (Jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

–PRÉCISION IMPORTANTE–

En temps normal, la première version testée pour chacun des jeux présentés sur Retroarchives.fr est sa version originale – celle publiée sur la machine sur laquelle le jeu a été programmé – avant de tester les autres versions dans leur ordre chronologique de parution. Dans le cas d’Ultima I, j’ai dû faire une entorse à cette règle. En effet, la première version du titre, alors simplement nommée Ultima sans numéro ni sous-titre et publiée en 1981 par California Pacific Computer, est aujourd’hui extrêmement difficile à trouver, sans même parler de la faire fonctionner. Elle souffrait qui plus est de nombreux bugs, et étant désormais pratiquement impossible à acquérir ailleurs que chez un antiquaire (même en émulation, où je ne serai parvenu à faire fonctionner une de ses très rares versions que bien des années après la rédaction de ce test – remerciements au passage au site The Digital Antiquarian d’avoir partagé une copie des disquettes originales), j’ai préféré m’intéresser à la version retravaillée publiée en 1986 – toujours sur Apple II, ainsi que sur tout un panel d’autres machines de l’époque – qui est, elle, toujours trouvable dans le commerce pour certaines de ses itérations (PC, notamment). La version Atari 800, une deuxième édition publiée par Sierra en 1983 (cette fois sous le titre Ultima I : The Original), sera donc exceptionnellement traitée comme une version secondaire – l’épisode « canonique » et encore commercialisé étant désormais celui publié par Origin Systems.

Version Apple II

Date de sortie : 1981 (première édition) – 1986 (remake)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette (1986) testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Édition de 1981 :
Système : Apple II – OS : Apple DOS 3.2 – RAM : 48ko
Mode graphique supporté : Haute résolution
Applesoft BASIC requis

Remake de 1986 :
Système : Apple II – OS : Aucun – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a un peu plus de 35 ans, à une époque où la machine qui dominait le monde était déjà un produit Apple, le jeu vidéo était encore quelque chose de dramatiquement simple vous proposant le plus souvent de vous renvoyer une balle, de conduire une voiture ou de tirer sur des vaisseaux spatiaux, le tout avec des graphismes – et des sons, quand il y en avait – qui laissaient une très large place à l’imagination. Mais dès le milieu des années 70, quelques universitaires dopés aux jeux de rôles papiers et aux nuits à mener campagne autour d’une table avec toute une boîte de dés à beaucoup plus de six faces s’étaient déjà faits une réflexion : ces fastidieux lancers de dés pourraient facilement être simulés par une machine. Et qui sait, un ordinateur étant capable d’afficher du texte, on pourrait sans doute également lui demander de remplacer le maitre de jeu, et peut-être même y coder quelques symboles simples pour y dessiner des cartes…

Voici comment les premiers jeux de rôles informatiques ont vu le jour, et il n’aura pas fallu attendre longtemps – en l’occurrence, le tout début des années 80 – pour que deux grands succès introduisent deux sagas désormais légendaires qui ont mis en place les fondamentaux qui sont en grande partie encore utilisés aujourd’hui. Le premier s’intitulait Wizardry : Proving Grounds of the Mad Overlord et vous proposait un concept inusable : mener un groupe d’aventuriers au fin fond d’un donjon pour y vaincre un puissant ennemi.

Le deuxième, créée par un jeune étudiant du nom de Richard Garriott – mieux connu de nos jours sous son pseudonyme de « Lord British » – se nommait Ultima et proposait un concept plus ambitieux encore : un monde ouvert, avec des voyages à pied ou en véhicules, des donjons par dizaines, des quêtes à mener et même – tenez-vous bien – des combats spatiaux ! Comme vous l’aurez déjà deviné, c’est à ce deuxième titre que nous allons nous intéresser ici. Comme cela a été précisé, la version présentée sur cette page n’est pas l’originale – désormais à peu près introuvable – mais le remake publié en 1986 pour rebondir sur le succès du quatrième épisode, qui avait fini d’installer la saga au rang des séries majeures de l’histoire du jeu vidéo. En-dehors de corrections de bugs et d’un léger lifting graphique, cette version propose strictement le même contenu que la version parue en 1981, nous ne devrions donc pas être trop dépaysés au moment d’aborder le déroulement du jeu.

Comme tous les jeux de rôles de l’époque, Ultima vous propose d’abord de créer votre personnage selon une sélection de classes très basiques (guerrier, voleur, clerc, mage) et de races puisées dans les poncifs de l’Heroic Fantasy (humain, elfe, nain… et le « bobbit », dont le nom vous rappellera surement quelque chose). Ces choix auront un impact sur les caractéristiques de votre personnage (force, agilité, endurance, sagesse, intelligence), dans lesquelles vous pourrez attribuer un certain nombre de points après avoir choisi un nom à votre héros, puis vous pouvez partir à l’aventure.

Dans les faits, les classes n’ont aucune restriction de caractéristiques, et vous pourrez tout à fait, après avoir progressé dans le jeu, finir avec le score maximal à chacune d’entre elles quelle que soit votre classe de départ. Il en va de même avec l’équipement, et toutes les classes peuvent lancer des sorts – dont le nombre tient d’ailleurs sur les doigts de la main. Il n’y a pas de points de mana, ni de limites de sorts à lancer : vous pouvez très bien spammer les missiles magiques avec votre guerrier niveau 1 sans que cela ne pose problème à personne ; bref, comme vous le voyez, recommencer une partie en changeant de classe ne va pas franchement bouleverser votre expérience de jeu.

Dans le même ordre d’idées, les combats se déroulent de la manière la plus simple qui soit : vous vous placez à côté d’un monstre, vous pressez la touche d’attaque suivie d’une direction… et c’est tout. Que vous touchiez ou que vous ratiez, c’est ensuite le tour du monstre et ainsi de suite jusqu’à la mort d’un des deux protagonistes. Si vous êtes équipés d’une arme à distance comme un arc, une baguette magique ou un pistolet laser (!), vous n’êtes naturellement pas obligé d’être au contact du monstre. Lancer un sortilège se fait exactement de la même façon : on équipe un sort, on appuie sur la touche correspondante, puis sur une flèche pour donner une direction. Autant dire que les capacités tactiques sont assez réduites – mais souvenez-vous qu’on parle d’un programme de 1981. En l’état, vous vous en doutez, la richesse de l’expérience de jeu se situe ailleurs.

De fait, dès les premiers instants passés sur la carte du jeu, vous vous retrouverez en terrain connu, et pour cause : la représentation choisie correspond à celle qui fut ensuite utilisée dans tous les CRPGs japonais pendant les quinze années qui allaient suivre. Vous déplacez un personnage sur une carte en vue de dessus et composée de tuiles chargées de représenter le terrain sans avoir à le dessiner pixel par pixel (Ultima fut le tout premier jeu à penser à cette approche), et chaque fois que vous entrez dans une ville, un donjon ou un château, un changement d’échelle se produit et vous fait apparaître sur une autre carte.

Dans le cas des villes et châteaux, la taille de cette carte ne sera jamais supérieure à un écran : vous pourrez déplacer votre avatar, haut d’à peine quelques pixels, au sein des différents commerces de la ville, où il vous sera possible de chercher à voler la marchandise (conseil : ne vous ratez pas car les gardes, comme cela se confirmera tout au long de la série, sont très puissants). Vos interactions avec la populace seront d’ailleurs uniquement commerciales, car en-dehors des rois et des marchands, il n’est possible d’adresser la parole à personne (il est en revanche tout à fait possible de prendre une cuite à la taverne locale). Les rois, justement, vous proposeront deux types de services : augmenter vos points de vie en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes, ou bien partir dans une quête précise (tuer un certain type de monstre ou atteindre un endroit précis) qui vous vaudra, en cas de succès, d’être récompensé en points de caractéristiques (en force, exclusivement, mais nous y reviendrons) ou bien en recevant une des gemmes qui vous seront indispensables pour finir le jeu. Vous réaliserez aussi bien vite que chaque château contient une princesse retenue prisonnière, et pour laquelle il vous appartiendra de trouver la façon de la libérer – plutôt vers la fin du jeu, de toute façon, puisque vous devrez encore vous frotter aux gardes pour se faire.

Dans le cas d’un donjon, en revanche, surprise : la vue passe à la première personne, et vous pourrez vous balader en case par case dans des couloirs en 3D fil-de-fer où vous pourrez cette fois admirer les ennemis de près – en graphismes vectoriels, eux aussi (si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal : le moteur des donjons est directement repris d’Akalabeth, le précédent jeu de Richard Garriott). Tous les donjons comprennent dix niveaux, et la difficulté des ennemis rencontrés sera fonction de l’étage où vous vous trouvez. Évitez donc d’aller vous frotter aux monstres des profondeurs avec un personnage mal équipé, vous risqueriez de le payer d’une mort violente – qui vous vaudrait de reprendre le jeu dépouillé de votre équipement, de votre argent et de votre nourriture. Les donjons ne contiennent rien d’autre que des couloirs, des portes, des coffres (parfois piégés), des cercueils (qui contiennent des monstres en plus des trésors) et des monstres. Ceux-ci savent parfois se montrer originaux, comme ceux qui prennent l’apparence de coffres aux trésors, ou ceux qui se font passer pour… des murs. Ces derniers sont d’ailleurs particulièrement pénibles, puisqu’ils peuvent détruire votre armure – mais moins que ces cochonneries de Gremlins qui, eux, vous dérobent votre nourriture. Car oui, il faudra garder votre personnage constamment approvisionné : chaque déplacement coûte de la nourriture, et si vos réserves arrivent à zéro, c’est la mort. Très bonne idée, en revanche, à la sortie des donjons : le jeu vous attribue automatiquement un certain nombre de points de vie en fonction du nombre de monstres tués et de leur puissance. On peut donc ressortir d’un donjon en meilleure forme qu’on y est entré – et considérablement plus riche.

On gagnera également pas mal de points d’expérience, mais je vais casser tout de suite l’ambiance : les niveaux, dans le jeu, ne servent à rien. Ou disons, à presque rien : ils influeront sur le nombre de monstres rencontrés sur la carte du jeu, et sur la puissance des objets vendus par les magasins. Et sur rien d’autre. Oui, c’est passablement décevant, mais alors cela signifierait-il que les caractéristiques de notre personnage ne peuvent pas augmenter ? Au contraire, mais celles-ci progressent en fait d’une façon un peu spéciale : comme on l’a vu, les rois peuvent vous attribuer des points de force à la conclusion d’un certain type de quêtes. Et pour les autres caractéristiques ? Eh bien, les rois vous envoient également visiter des points spécifiques. Lorsque vous pénètrerez  dans ces lieux-dits, vous constaterez rapidement que chacun d’entre eux vous fait gagner des points dans une caractéristique donnée. Voilà le truc : rien ne vous empêche de retourner les visiter pour gagner davantage de points, la seule contrainte étant que vous ne pourrez pas visiter le même endroit deux fois de suite.

Rien ne vous interdit donc de faire des allez-et-retours pendant vingt minutes entre deux points jusqu’à avoir le score maximal dans les caractéristiques concernées. Et on touche là à l’une des grosses faiblesses du jeu : une fois compris le « truc », il est tout à fait possible de se faire un personnage « ultime » avec toutes les caractéristiques à fond en à peine une heure. Sachant que l’équipement ne coute pas très cher – surtout comparé à ce que vous allez dépenser en nourriture – quelques phases de farming dans les donjons devraient rapidement vous permettre d’accumuler assez d’or pour acheter des points de vie à ne plus savoir qu’en faire, et le jeu ne devrait plus représenter qu’une difficulté symbolique au bout de deux heures. À un détail près, cependant. Comme on l’a déjà vu, Ultima met à votre disposition un nombre impressionnant de véhicules – chevaux, charriots, aéroglisseurs (!), frégates… – qui vous seront rapidement nécessaires pour explorer de fond en comble les quatre continents du jeu ainsi que les dizaines de villes et de donjons. Sauf que viendra un moment où on vous proposera carrément d’investir dans une navette spatiale (!!!) pour aller poursuivre le combat dans l’espace.

Soyons clairs : ce passage, qui vous demandera d’abattre en vue subjective une vingtaine d’astronefs ressemblant plus qu’énormément à des chasseurs TIE (!!!!!) est, de très loin, le plus pénible du jeu. Les délais sont courts, la maniabilité est très limitée, et comme si cela n’était pas déjà assez stressant, vous verrez vos réserves de carburant dégringoler au fur et à mesure que le combat s’éternisera à force de vous voir rater vos tirs. C’est assez ironique si l’on pense que Richard Garriott sera le fondateur d’Origin Systems, qui publiera une décennie plus tard le célèbre Wing Commander, mais le fait est que le mélange des genres n’était pas franchement indispensable ici… Même si bien sûr, je parle là avec le recul d’un joueur de 2017.

Car en l’état, relisez un peu la liste de tout ce qu’il était possible de faire dans le jeu : voyager à pied, à cheval et en bateau (et en navette !) à travers quatre continents, visiter des dizaines de villes, écumer des dizaines de donjons, accomplir des quêtes pour les différents rois, affronter des chasseurs TIE dans l’espace ( !) et finalement remonter le temps ( !) pour affronter Mondain, le grand méchant du jeu, plus de mille ans dans le passé. Et tout ça dans un jeu programmé en BASIC et tenant sur une seule disquette 5 pouces ¼, en 1981 ! Le simple fait que l’on puisse, encore aujourd’hui, parcourir le jeu avec un certain plaisir est déjà la preuve de tout ce que ce premier Ultima avait à la fois de révolutionnaire et de visionnaire, puisqu’il a très largement contribué à façonner les bases de tous les jeux de rôles à l’avoir suivi pendant près de trente ans… ça force quand même un peu le respect, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20

Qu’il est difficile de noter un jeu aussi légendaire que ce premier Ultima… Certes, le jeu, programmé en BASIC sur Apple II à une époque où la grande majorité des joueurs actuels n’étaient même pas encore nés (et, dans certains cas, même pas leurs parents !) a fatalement pris un coup de vieux, que ce soit dans sa réalisation ou dans sa conception. Et pourtant, tellement de fondations indispensables sont déjà là ! Quoi qu’il en soit, ce jeu a bouleversé à jamais l’histoire du jeu de rôle informatique – les créateurs de sagas aussi célèbres que Dragon Quest ou Final Fantasy ont reconnu s’en être largement inspiré, et de fait, c’est également ce qui rend Ultima I encore jouable de nos jours : en tant que source d’une grande partie de ce que nous avons connu en termes de RPGs, il a quelque chose en lui qui nous est immédiatement familier – même aujourd’hui, plus de 36 ans après.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Mieux vaut avoir la carte de référence du jeu sous la main, car l’interface vous fera utiliser pratiquement toutes les touches du clavier
– Même pour un nostalgique, les capacités graphiques extrêmement limitées de l’Apple II piquent un peu les yeux – d’ailleurs, n’espérez pas de musique non plus
– Franchement, la séquence de bataille spatiale a dû faire rêver pas mal de joueurs à l’époque, mais aujourd’hui on s’en passerait très volontiers
– Un jeu de rôle où l’expérience ne sert à rien ?
– Finalement, le jeu est très court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima I sur un écran cathodique :

Version Commodore 64

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Avril 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En termes de contenu, la version C64 est très exactement équivalente à son homologue sur Apple II. Il faudra donc plutôt chercher les différences du côté de la réalisation. Côté sonore, c’est le calme plat, puisque le jeu n’a toujours pas de musique et qu’il faudra se contenter de quelques rares bruitages lors des déplacements et des combats. Côté graphique, en revanche, le jeu profite du hardware de meilleur qualité pour proposer une image plus nette et plus colorée – c’est particulièrement visible en ville. Pour le reste, tout le test de la version Apple II s’applique également à celle-ci.

NOTE FINALE : 12/20

Un demi-point bonus pour récompenser une version techniquement légèrement supérieure à l’originale (ou plutôt à son remake), mais parfaitement fidèle en terme de jeu et d’interface.

Version PC (DOS)

Développeur : John Fachini
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Octobre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy/PCjr
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Seule version 16 bits d’Ultima I développée par Origin, la version PC, qui reprend une partie des tuiles dessinées pour Ultima IV, s’impose d’emblée comme la plus belle – et cela se voit dès l’écran-titre. Les graphismes sont bien plus colorés, et le PC dispose d’une résolution supérieure à celle des machines 8 bits, bref, c’est bien plus agréable. Côté son, en revanche, toujours rien à se mettre sous la dent en-dehors des quelques bruitages crachés par le haut-parleur interne, et côté interface, le jeu ne tient toujours aucun compte de la présence d’une souris. Cela n’empêcherait pas la version PC de s’imposer comme la meilleure si elle ne souffrait pas de bugs qu’on ne trouve pas dans les autres versions – et jamais corrigés, hélas. Par exemple, le jeu ne tient aucun compte de votre valeur d’armure lorsque vous êtes dans un donjon – ce qui complique drastiquement les choses, surtout que c’est l’endroit où vous en aurez le plus besoin. Bref, une version qu’on sent vendue trop vite, ce qui est quand même dommage si l’on considère que six ans la séparent de l’originale.

NOTE FINALE : 12/20

Techniquement la version la plus aboutie à sa sortie, la version PC est hélas pénalisée par des bugs qui la rendent bien plus difficile – pour de mauvaises raisons – que les version 8 bits.

Version PC-88
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeurs : Super Station Inc. – Desktop Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : Décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe de son incontestable influence sur la scène du jeu de rôle japonais, la saga Ultima aura fatalement terminé sur les ordinateurs nippons les plus en vogue de la période, à savoir les machines de NEC, Sharp et Fujitsu. Parmi la première fournée, le PC-88 sera venu rappeler que les ordinateurs japonais était globalement des machines techniquement très supérieures à leurs homologues occidentaux, comme le prouve ici une réalisation qui n’a plus grand chose à voir avec les versions testées plus haut.

Graphiquement tout d’abord, la résolution est plus haute, c’est beaucoup plus coloré, et ce sentiment tenace que le noir restait – et de très loin – la couleur la plus présente à l’écran appartient désormais au passé. Ce n’est peut-être pas encore du Caravage, mais les extérieurs sont déjà nettement moins abstraits. La lisibilité est également bien meilleure sur les écrans de ville, et les monstres en vectoriels sont désormais remplacés par des sprites en bonne et due forme dans les donjons – les murs demeurant, pour leur part, en mode fil-de-fer. Tant qu’à faire, on gagne également des thèmes musicaux qui n’ont pas grand chose à voir avec les mélodies canoniques de la saga, mais qui correspondent globalement bien à l’ambiance. Bref, l’enrobage est indéniablement meilleur. Il faudra malheureusement composer avec deux défauts : le premier, mineur, étant que l’interface n’a pas bougé d’un iota et qu’elle ne tire toujours aucun parti de la souris, ce qui est un peu dommage. Le deuxième, plus pénalisant, est que le titre n’est bien évidemment disponible qu’en japonais, eu égard à son marché cible, ce qui risque de lui aliéner l’écrasante majorité des joueurs. Une version qui demeure néanmoins clairement dans le haut du panier, mais on lui préfèrera celle sur FM Towns.

NOTE FINALE : 12/20

Premier servi au rang des ordinateurs japonais, le PC-88 délivre une version d’Ultima I qui fait indéniablement partie des plus plaisantes en termes de réalisation, mais qui sera hélas réservée aux joueurs à l’aise avec la langue nippone.

Version PC-98
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 Décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À peu près au même moment que la version PC-88, Ultima I voyait également le jour sur le successeur de la machine de NEC, à savoir le PC-98. Inutile ici de s’attarder en long en large et en travers sur une version identique à 95% à celle que l’on vient d’aborder, mais on peut néanmoins choisir de s’attarder sur la seule différence notable, à savoir la résolution.

Les graphismes sont ici plus fins que jamais, et le gain qualitatif est particulièrement évident comparé à la version PC-88 (on sent bien que ce sont les graphismes de la version PC-98 qui auront servi de base pour la version PC-88 et non l’inverse). Le reste profitant des mêmes améliorations que sur PC-88 – thèmes musicaux, monstres présentés sous forme de sprites dans les donjons – on tiendrait presque ici la version « ultime » du jeu si elle n’était pas, une nouvelle fois, disponible uniquement en japonais – et surtout si la version FM Towns n’était pas venue offrir la même chose en mieux et en anglais. Une curiosité très sympathique pour les joueurs ayant la chance de parler japonais, néanmoins.

NOTE FINALE : 12/20

Sorte de version de référence d’Ultima I jusqu’à la parution d’Ultima Trilogy sur FM Towns, cette itération PC-98 est à n’en pas douter une des plus plaisantes sur le plan de la réalisation – le contenu, lui, n’ayant pas bougé d’un micron depuis la version Apple II. Dommage qu’elle se réserve une nouvelle fois aux joueurs parlant japonais.

Version MSX
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeurs : Super Station Inc. – Desktop Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 1989 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette japonaise testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Débarquée un an après les premières versions publiées au Japon, l’itération MSX d’Ultima I est largement basée sur le portage réalisé pour le PC-88 (et pas sur celui du PC-98, sensiblement supérieur sur le plan de la réalisation). le contenu n’a bien évidemment pas bougé, et la réalisation à peine.

Le jeu s’affiche dans une résolution toujours aussi étrange, mais le gain en couleurs reste appréciable. On constatera que les donjons, une nouvelle fois, sont présentés en 3D vectorielle avec des sprites en guise de monstres, et qu’on peut profiter d’un thème musical pour nous accompagner durant l’aventure. Tout cela est bienvenu, même s’il faudra bien évidemment composer avec un jeu presque intégralement en japonais. Autant dire que l’existence de la version FM Towns – jouable en anglais, elle – prive de fait celle-ci d’une grande partie de son intérêt. À réserver aux curieux.

NOTE FINALE : 12/20

Ultima I sur MSX accomplit l’essentiel, avec un contenu préservé, une jouabilité identique et une réalisation plutôt supérieure à ce qu’on avait pu voir sur les systèmes occidentaux. Malheureusement, le fait qu’elle n’existe qu’en japonais la réservera à un public de niche – autant lui privilégier directement l’itération FM Towns.

Version FM Towns
Ultima Trilogy : I · II · III

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Octobre 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1990, les utilisateurs de FM Towns auront pu découvrir toute la trilogie originale d’Ultima en une seule fois, les trois premiers épisodes n’y ayant jamais été vendus indépendamment comme cela avait été le cas un peu plus tôt pour les autres ordinateurs japonais. L’occasion de profiter des capacités de la machine pour offrir une version sensiblement dépoussiérée sur le plan technique, comme vous pourrez le constater sur l’introduction ci-dessus ainsi que sur les captures d’écran : musique CD, graphismes en haute résolution, on sent tout de suite comme un bond technologique !

La bonne nouvelle, c’est que bien que l’introduction soit en japonais, le jeu, lui, est resté en anglais, et demeure donc parfaitement jouable pour un simple anglophone. La jouabilité n’a d’ailleurs pas changé, en dépit de la reconnaissance de la souris, même s’il y a désormais beaucoup plus d’informations à l’écran, la fenêtre de jeu reprenant l’interface « canonique » ayant été employée du troisième au sixième épisode. On remarquera d’ailleurs que les villes ne sont plus proposées sur un seul écran, mais qu’on peut dorénavant les visiter avec la même vue que le reste du monde. Mine de rien, cette petite refonte technique (très largement empruntée à la version PC-98 pour ce qui est des graphismes) fait un bien fou à un titre qui accusait bien son âge sur le plan visuel et sonore, et rend l’exploration de Sosaria sensiblement plus agréable, en particulier dans les donjons où les murs dessinés et les adversaires désormais clairement représentés sous forme de sprites ont bien plus de personnalité que les couloirs vectoriels directement repris d’Akalabeth ! Seul regret, la présence d’une barre rouge dont la seule fonction semble être de prendre de la place à l’écran, ainsi que d’une barre de titre, soit autant d’espace qui aurait pu être attribué à la fenêtre de jeu. Autant dire que si vous avez un FM Towns à portée de main, il serait dommage de vous priver de cette excellente version.

NOTE FINALE : 12,5/20

Le contenu n’a peut-être pas changé d’un pouce, mais il faut reconnaître que cet Ultima I façon FM Towns bénéficie d’une réalisation technique et de quelques adaptations d’interface qui en font à coup sûr une des versions les plus agréables à parcourir aujourd’hui. Sachant qu’elle est également jouable en anglais, ne faites surtout pas l’impasse dessus si vous avez l’occasion de vous y essayer.

QUELQUES DÉTAILS SUR LA VERSION ORIGINALE

N’ayant pas pu me frotter moi-même à la version Apple II de 1981, elle ne sera pas testée ici. Cependant, j’ai décidé de partager avec vous les quelques informations que j’ai pu trouver sur elle, et qui sont majoritairement issues de la page Ultima Codex – d’où sont également tirés les images de cette version – et que je vous invite à consulter au passage si vous voulez en savoir plus sur la saga – à condition de savoir lire l’anglais. La réalisation graphique de la version de 1981 était encore plus sommaire que celle de 1986 – on comprendra facilement que le remake se soit efforcé d’améliorer les choses dans ce domaine. Le plus frappant étant que strictement rien dans le jeu n’était animé : il faudrait attendre Ultima II pour voir bouger la mer, et Ultima III pour voir bouger les personnages. Le jeu souffre également de quantités de bugs absents du remake de 1986, le plus original étant celui qui modifie la disposition des donjons à chaque fois que vous entrez à l’intérieur. Non, ce n’était pas de la génération procédurale, juste une erreur de code… Notons également que la programmation en BASIC Applesoft du jeu a considérablement compliqué sa conversion vers d’autres systèmes : la version originale n’est compatible ni avec l’Apple IIe, ni avec l’Apple IIc, pas davantage qu’avec l’Apple IIc+ ou avec l’Apple IIgs – des problèmes de code rendent la partie spatiale impossible à gagner.

Version Atari 8 bits
Ultima

Développeur : Sigma Micro Systems
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Novembre 1983
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 48ko

Pour les joueurs qui aimeraient s’approcher au maximum de l’expérience originale sans avoir à dénicher la très rare version Apple II d’Ultima, ce portage sur Atari 8 bits édité par Sierra On-Line en 1983 représente une alternative pertinente. Si le contenu est virtuellement identique à celui du remake de 1986 (à quelques détails près dont le plus marquant est l’absence de monstres errants : l’expérience ne peut passer ici que par la visite des donjons), on pourra ici apprécier une esthétique pour le moins minimaliste : comme on l’a vu, il n’y a ici plus trace de la moindre animation, et on ne peut pas dire qu’on ait l’occasion d’être ébloui par une symphonie de couleurs : si c’est déjà plutôt maussade sur la carte du monde, les donjons et les villes, eux, sont carrément en noir et blanc. La jouabilité, pour sa part, permet de se déplacer avec le joystick en attaquant avec le bouton, tandis que toutes les autres fonctions demeurent sur le clavier. Tout est toujours à sa place, et cette version demeure de toute façon l’unique façon d’expérimenter le jeu sur un Atari 400 ou 800, mais on comprendra aisément qu’elle se réserve aujourd’hui à des nostalgiques ou à des amateurs de pièces de musée.

NOTE FINALE : 11/20

Quitte à aimer le rétro, les vrais amateurs d’antiquités seront heureux de découvrir avec cette version Atari 8 bits d’Ultima une version très proche de l’originale de 1981 sur Apple – jusque dans le choix des (rares) couleurs à l’écran. Ce n’est pas très beau, ça ne bouge pour ainsi dire pas, mais on sent presque la poussière sur la boîte en carton et la texture de la carte en tissu en le lançant. Le pied.

Dragon Lore : La légende commence

Développeur : Cryo Interactive Entertainment
Éditeur : Mindscape, Inc.
Titres alternatifs : Dragon Lore : The Legend Begins (États-Unis, Royaume-Uni), Dragon Lore : Se inicia la Leyenda (Espagne), Dragon Lore : Die Legende beginnt (Allemagne), Dragon Lore : A Lenda se inicia (Brésil), Dragon Lore (3DO)
Testé sur : PC (DOS)3DO
Disponible sur : Macintosh, Windows (7, 8, 10)
Version non testée : PC-98
En vente sur : GOG.com

La saga Dragon Lore (jusqu’à 2000) :

  1. Dragon Lore : La Légende Commence (1994)
  2. Dragon Lore II : Le Coeur de l’Homme-Dragon (1996)

Version PC (DOS)

Vidéo – L’introduction du jeu :

Au début des années 90, Cryo Interactive a commencé à capitaliser sur le succès, tant critique que commercial, de son excellente adaptation de Dune pour se forger une réputation de studio à la patte inimitable, que ce soit graphiquement ou musicalement.

La « French Touch » semblait alors avoir le vent en poupe, tandis qu’Eric Chahi provoquait un tremblement de terre à sa façon avec Another World, ou que des titres tels que Captain Blood, sorti quelques années plus tôt, avaient durablement marqués les esprits à l’échelle internationale. Les années passant, cependant, jusqu’au début des années 2000, une autre réputation – un peu moins flatteuse – commença à coller à la peau des productions françaises : celle de programmer des jeux magnifiques, à la réalisation de haute volée… mais avec un intérêt ludique flirtant dangereusement avec le néant. Or, nous voici justement en 1994, année de la sortie de Dragon Lore : La légende commence, et une question pourrait rapidement se dessiner : cette réputation était-elle déjà justifiée ?

Commençons déjà par placer le cadre : Dragon Lore est un jeu d’aventure – la plus grande partie du temps à la première personne – vous mettant aux commandes de Werner, jeune fermier qui se découvrira (au terme de dix minutes de jeu impliquant des activités aussi trépidantes que de faire regagner son pâturage à une vache) l’héritier des von Wallenrod, famille appartenant au clan des Chevaliers Dragons. Après quoi, votre rôle sera de l’aider à réclamer sa place légitime, sachant que votre approche des énigmes – et particulièrement de votre goût ou non pour la violence – influencera le dénouement du jeu.

Violence ? Oui, Dragon Lore propose un système de combat, et même toute une variété d’armes dont vous pourrez équiper votre personnage. Ces combats se dérouleront de la façon la plus limitée imaginable : en cliquant sur l’adversaire, et en répétant l’opération jusqu’à ce que lui ou Werner ait trouvé la mort.

Sachant que le jeu n’affiche strictement aucune forme d’information, ni impacts à l’écran, ni gémissement, ni absolument rien qui vous permette de connaître votre état de santé ou celui de votre opposant – et que les barres vitales sont cachées au fin fond de votre inventaire, à un endroit où je vous mets au défi de les trouver si vous n’avez pas lu le manuel – autant dire que l’implication du joueur se limite à prier pour la divinité de son choix en espérant que les choses se passent pour le mieux – ce qui est généralement le cas, du moins au début du jeu. Mieux vaut prendre l’habitude de sauvegarder souvent, ceci dit : sachant que chercher à adresser la parole à quelqu’un en tenant une arme revient à lui cogner dessus, autant dire qu’un accident est vite arrivé, et qu’on peut vite se retrouver à se battre contre notre pauvre vieux père adoptif au bout de vingt secondes de jeu faute d’avoir saisi les subtilités de l’interface.

L’interface, d’ailleurs, parlons-en : elle constituera, à bien des niveaux, le premier des multiples griefs que l’on pourra nourrir à l’encontre du jeu. Tout d’abord, Dragon Lore permet de voyager, un peu à l’instar de Myst, en déplaçant un curseur dans des environnements fixe en 3D pré-calculée. Parfois, lors d’un changement de « zone », le programme affichera une petite animation qui sera l’occasion de vous en mettre plein les yeux en vous montrant votre personnage en situation. C’est l’occasion de faire deux remarques :

  1. Si la 3D du jeu représentait, à l’époque, la crème de la crème de ce que pouvait proposer un programme pour nous décrocher la mâchoire, il est particulièrement cruel de constater à quel point celle-ci a infiniment plus mal vieilli, vingt ans après sa réalisation, que ce que pouvaient proposer les illustrations en pixel art à la même période. Plus que la modélisation des personnages et des décors, ce sont surtout les animations qui prêtent désormais à sourire tant la moindre action mise en scène par le jeu laisse transpirer par tous les pores une raideur anti-naturelle sur laquelle il est très difficile de fermer les yeux en tant que joueur du XXIe siècle.
  2. Le curseur utilisé pour les actions, en forme de dragon, est infiniment moins lisible qu’une simple flèche – un reproche que l’on risque de reformuler souvent en parlant de l’interface. De fait, il est extrêmement fréquent de rater une possibilité d’action ou une direction qui s’offrait à nous simplement pour avoir échoué à décrypter ce qu’était censé nous montrer ce maudit curseur.

Dans le même ordre d’idées, le jeu entreprend souvent de vous faire faire le tour de volumes assez basiques situés au milieu de votre route, et il est impressionnant de constater à quel point le simple fait de vouloir aller en ligne droite vers un point situé immédiatement en face de vous puisse parfois représenter une lutte de plusieurs dizaines de seconde entre l’homme et la machine. J’hésite d’ailleurs à parler de l’inventaire, et surtout du fait que les attributions des clics gauche et droit de la souris parviennent à être suffisamment obtuses et bordéliques pour qu’il arrive encore fréquemment, même après plusieurs heures de jeu, qu’on lâche un objet en cherchant à l’utiliser, ou que l’on s’arrache les cheveux pour réaliser une action a priori très simple.

Imaginons par exemple que vous vouliez jeter un sort, grâce au livre de magie dissimulé dans un endroit hautement improbable et que vous pourrez espérer trouver au terme d’une dizaine de minutes de jeu. Il vous faudra déjà un sortilège, ce qui peut paraître logique, mais il vous faudra également commencer par aller dans l’inventaire pour l’associer avec votre livre de sorts. Bon, mais ce sortilège, vous ne savez toujours pas à quoi il correspond, ni comment le lancer : il faut donc prendre le livre de sorts et cliquer avec sur les yeux de votre personnage, afin de voir son contenu et de mémoriser les trois runes qui vous permettront de lancer le sortilège. Notez-les bien, car à présent, il va être temps de le lancer, ce sort : il faudra donc retirer tout ce que vous aviez dans les mains pour y placer le livre, et ensuite quitter l’inventaire pour être enfin autorisé à faire un clic droit pour sélectionner vos runes – et finalement jeter le sortilège. Imaginez-vous en train de refaire le même cirque à chaque fois que vous voudrez essayer d’utiliser la magie sur quelque chose, et vous devinerez aisément la lourdeur du système.

Mais bon, des lourdeurs, il y en avait dans tous les jeux des années 90, pas vrai ? Les premiers Alone in the Dark n’étaient pas très jouables, par exemple. L’important, dans un jeu d’aventure comme celui-là, c’est le scénario, les dialogues, l’atmosphère ; en un mot : l’univers. Vu le travail superbe qui avait été effectué sur Dune, on devrait s’attendre au meilleur, pas vrai ?

Pas vrai ?

Nous en arrivons au stade où je vais réellement me montrer sévère avec Dragon Lore. L’écriture du jeu est mauvaise, c’est un fait. Mauvaise dans sa structure, tout d’abord : le jeu vous promène, de manière finalement extrêmement linéaire, dans des environnements incohérents alignés totalement sans queue ni tête, avec l’espoir que la magie va opérer. On est donc censé ne pas se poser de question en trouvant une structure ancienne composée de crânes géants, avec des squelettes qui se baladent et un petit dragon qui vous parle avec un cheveu sur la langue (un dégât imputable à la VF, mais j’y reviendrai) à à peine cent mètres de la ferme familiale où nous avons apparemment passé les dix-huit premières années de notre vie. On peut d’ailleurs passer, en deux clics, d’une grotte à une auberge dirigée par un lutin juché sur les épaules d’un troll, ou bien à un marécage de champignons géants – ne cherchez pas une logique, il n’y en a pas.

Dans le même ordre d’idées, après nous avoir demandé d’aller lui chercher un bol et de ramener la vache dans son pré, voilà que notre père adoptif nous sort tout à coup en deux phrases que nous ne sommes pas son fils et que nous ferions mieux de partir parce que nous sommes un Chevalier Dragon. C’est pour le moins… succinct, totalement anti-dramatique, et ça aurait peut-être mérité un petit effort de mise en scène, non ? D’ailleurs, en règle générale, on peine énormément à se sentir impliqué tant absolument rien ne semble participer à rendre le monde dans lequel on évolue vivant, crédible, ou simplement cohérent.

Pratiquement tous les personnages que l’on croise sont les autres Chevaliers Dragons : sachant qu’il n’y en a que quatorze dans le monde en vous comptant, c’est quand même du bol. Ils semblent d’ailleurs n’avoir rien de mieux à faire que de glander en attendant de vous donner ou non leur vote pour le grand final – sauf le grand méchant, qui s’appliquera à vous mettre des bâtons dans les roues. Dans l’ensemble, on se contente d’aller au prochain endroit pour essayer de résoudre la prochaine énigme – et manque de chance, c’est soit d’une facilité délirante soit au contraire une gageure sans nom, mais il n’y a pas de juste milieu. Et le fait que le jeu ne semble jamais se sentir gêné de repousser sans explication des solutions évidentes n’aide pas non plus à percer la logique de l’ensemble. Nouvel exemple, parce que je vous sens décrocher : vous vous retrouvez face à une plante carnivore géante qui vous bloque le passage. Ça tombe bien : vous avez dans votre livre de sorts un sortilège de boule de feu qu’on peut imaginer diablement efficace contre un végétal. Sauf que non : dans la logique du jeu, votre boule de feu devait servir à nettoyer une toile d’araignée (!) quelques écrans auparavant, et rien d’autre. Non, la vraie solution est limpide : il faut ramasser un os près de la plante, l’associer à une corde et en faire un grappin qui vous permettra de franchir l’obstacle en jouant à Tarzan à deux mètres de la plante carnivore – qui pourrait d’ailleurs tout à fait vous gober au passage, mais c’est pas grave, on la garde, Coco, c’est dans la boîte.

Tout le jeu étant de cet acabit, on est rapidement tenté d’utiliser n’importe quoi n’importe où n’importe comment, et de résoudre le reste à grands coups d’épées dans la tronche parce que ça a au moins le mérite d’être une solution claire.

C’est d’autant plus vrai que les dialogues du jeu (enfin… les monologues de ceux qui s’adressent à vous, puisque vous ne prononcez pas un mot de toute la partie) sont rarement plus longs que celui que vous adresse votre père adoptif avant de vous foutre dehors, et que si les doublages vont de l’honnête au passable dans la version originale, ils vont du médiocre au consternant dans la version française.

J’ai déjà évoqué le dragon avec un cheveu sur la langue, parlons un peu du lutin qui parle du nez, de l’asiatique avec un accent abominablement cliché et raciste digne d’un Michel Leeb sous Tranxène (répondant ainsi assez bien au personnage affligé, lui, d’un accident africain comme on oserait plus en faire depuis vingt-cinq ans), l’orque doté pour sa part d’un accent marseillais (!) ou encore ce type bleu (?!) totalement en roue libre en partant dans les aigus et dans le n’importe quoi visiblement improvisé qui achève de vous convaincre qu’il n’y a eu aucune forme de direction d’acteur pendant toute la localisation du jeu.

C’est bien simple, il n’y a pas un personnage de tout le jeu qui bénéficie d’un doublage ne fut-ce qu’honnête, et on en aurait presque honte d’être vu en train de jouer au jeu en public quand s’enclenche une conversation. En revanche, il y a certainement moyen de s’offrir quelques crises de fous-rires nerveux en imaginant où et comment ont été recrutés les acteurs responsables de ce carnage. Oh, et évidemment, la synchronisation labiale est complètement passée à la trappe lors de la VF, mais en sera-t-on réellement surpris ?

Pour ne rien arranger, le jeu n’est pas extrêmement long – à condition de ne pas rester bloqué (comptez peut-être cinq ou six heures si c’est votre première partie), et il est également abondamment bugué (Ah ! Ces monstres qui se coincent dans les murs ! Ces plantages en accédant à l’inventaire !).

Et alors qu’on trouvait rien de moins que Stéphane Picq, auteur de la superbe B.O. de Dune,  aux commandes de la musique, celle-ci ne se fait que très rarement entendre (un détail qui sera corrigé, avec plusieurs autres, dans une version « gold » hélas uniquement sortie aux États-Unis). Certes, l’univers sera prolongé dans Dragon Lore II, mais ça, c’est une autre histoire. Ce premier épisode, dans tous les cas, laissera peu de souvenirs impérissables de par son écriture, ou de par son gameplay, et de moins en moins de par sa réalisation. On erre davantage qu’on n’explore, on tâtonne au hasard davantage qu’on ne réfléchit, et au final on se sent entièrement spectateur d’un monde en carton-pâte où l’on recherche désespérément une épaisseur ou une logique, un peu à la façon de titres comme Hand of Fate qui avaient déjà plus misé sur la réalisation que sur l’écriture. En résumé : on a bien du mal à se sentir impliqué à un quelconque niveau, en dépit de l’ambition palpable de l’univers abordé. Elle n’était peut-être pas entièrement volée, finalement, cette réputation qui collait aux jeux français…

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11/20 À sa sortie, Dragon Lore : La légende commence était une vitrine technologique incroyable, un émerveillement permanent, un jeu enfin apte à utiliser pleinement les capacités que n'avait jusqu'ici laissé qu'entrevoir le support CD. Plus de vingt ans après, hélas, force est de reconnaître qu'il ne reste qu'un jeu maladroit à l'écriture simpliste porté par une narration confuse et un gameplay largement déficient. Certes, on a connu largement pire en la matière, en particulier dans les années 80, mais difficile de se sentir concerné par une aventure aussi incohérente, surtout quand ni les énigmes, ni les dialogues ne sont à la hauteur. On peut à la rigueur se laisser guider par une certaine curiosité face à l'univers du jeu, voire même lui trouver un certain charme – à condition de se montrer conciliant devant la 3D datée – mais l'expérience a objectivement mal vieilli. À réserver aux joueurs patients. CE QUI A MAL VIEILLI : – Une réalisation qui sent fort les balbutiements de la 3D – Une interface d'une rare maladresse – Des doublages français qui vont du médiocre au franchement gênant – Des énigmes à la logique déficiente – Un scénario aux enjeux très limités, avec un grand méchant de Prisunic aux motivations floues

Version 3DO
Dragon Lore

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

De toutes les consoles 32 bits qui auraient pu accueillir Dragon Lore en 1995, c’est sur la 3DO que Cryo – ou Mindscape, ou les deux, très honnêtement je serais bien en peine de vous dire d’où venait la décision – aura choisi de jeter son dévolu. La bonne nouvelle, c’est que la puissante – et coûteuse – machine avait a priori les arguments pour faire tourner comme un charme ce qui était encore considéré comme un titre (relativement) à la pointe de la technologie.

Petite facétie : les 3 CD-ROM du jeu comportant toutes les localisations européennes, il faudra commencer par faire un détour par le menu du jeu (en anglais) pour espérer lancer le jeu en français. Une fois cette gageure effectuée, on se retrouve avec une version techniquement équivalente à celle parue sur PC, et même à sa version Gold à en juger par la présence de thèmes musicaux que je n’avais pas entendus lors de mon test sur l’itération DOS. L’interface au pad a même le mérite de s’en sortir plutôt mieux que celle à la souris, chaque bouton ayant une fonction précise, on peut toujours sauvegarder n’importe quand, et les temps de chargement sont aussi rapides que sur PC. Bien évidemment, les choses sont un peu moins emballantes du côté purement ludique, le jeu étant toujours aussi mauvais, mais quitte à vous aventurer à le découvrir, autant le faire sur ce très bon portage.

NOTE FINALE : 11,5/20

Si Dragon Lore n’est pas miraculeusement devenu un jeu d’aventure merveilleusement écrit et doté d’un univers cohérent et de dialogues finement ciselés en passant sur 3DO, il n’empêche qu’il est ici techniquement inattaquable comparé à la version PC, visiblement tiré de la version « Gold », et qu’il se révèle même au moins aussi jouable au pad qu’à la souris. À tout prendre, une très bonne alternative pour un jeu médiocre.

Streets of Rage

Développeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Titre original : Bare Knuckle (Japon)
Testé sur : Mega DriveArcade (Mega-Tech)Game GearMaster System
Disponible sur : 3DS, Android, iPad, iPhone, Mac OS Sierra 10.12.6, Steam OS + Linux Ubuntu 16.10 ou supérieur, Wii, Windows XP ou supérieur (version Mega Drive émulée)
Présent dans la compilation : Sega Classics Arcade Collection (Mega-CD)
En vente sur : Steam.com (Windows)

La saga Streets of Rage (jusqu’à 2000) :

  1. Streets of Rage (1991)
  2. Streets of Rage 2 (1992)
  3. Streets of Rage 3 (1994)

Version Mega Drive

Date de sortie : 2 août 1991 (Japon) – Septembre 1991 (États-Unis) – Octobre 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version internationale patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au milieu des années 80, et jusqu’au début des années 90, incarner une poignée de vigilante pour aller nettoyer – à mains nues, rien de moins – les rues d’une ville systématiquement corrompue par la pègre locale était, aussi surprenant que cela puisse paraître, une activité relativement courante dans les jeux vidéo. Si le genre a, dans ses grandes lignes, été défini par les pères fondateurs que sont Renegade, Double Dragon ou encore Final Fight, plusieurs beat-them-all de l’époque sont parvenus à tirer leur épingle du jeu sans révolutionner en rien les règles du genre. Streets of Rage, véritable légende de la ludothèque de la Mega Drive (et largement pensé comme une réponse au Final Fight évoqué plus haut), fait partie de ceux-là.

Passons rapidement sur le scénario du jeu, qui envoie jusqu’à deux personnages parmi un roster de trois nettoyer le crime en tabassant tout le monde sans distinction dans toute la ville, conception de la justice qui m’a personnellement toujours laissé dubitatif. Parmi ces trois ex-policiers, on sera heureux de trouver une femme histoire de nous changer un peu du machisme ambiant, et on notera que chacun a ses forces et ses faiblesses, Adam étant le plus puissant, Blaze la plus rapide et Axel le plus équilibré. Dans les faits, les trois personnages sont très proches dans leur gameplay – Blaze, par exemple, n’est en rien pénalisée par sa force moindre – et cela tombe bien puisqu’au moment de débuter une partie à plusieurs, il sera impossible pour les deux joueurs de sélectionner le même personnage.

Une fois votre personnage choisi débute enfin votre petite promenade nocturne dans la ville-sans-nom, qui va vous amener, tel un messie débarrassé de son odeur de sainteté, à multiplier les pains avec ferveur. On ne pourra s’empêcher, à ce titre, de faire trois remarques :

  1. On ne comprendra jamais pourquoi les protagonistes de ces jeux s’entêtent à passer la nuit à aller tabasser toute une ville au corps-à-corps, surtout quand ladite ville pourrait facilement être nettoyée en cinq minutes par la voiture de police qui les suit partout et qui est équipée de rien de moins qu’un bazooka.
  2. La voiture en question pourrait d’ailleurs les emmener directement en bas du siège de la pègre où trône le baron local, nommé « Mr. X » dans un de ces traits de génie propre aux scénaristes inspirés, et dont toute la ville semble connaître l’emplacement – mais non, autant faire le trajet à pied avec quelques centaines d’adversaires sur la route, ça nous entretiendra et on vivra plus longtemps.
  3. Vos ennemis semblent heureusement respecter une forme de code d’honneur assez bizarre puisque aucun d’entre eux, à l’exception du boss final, n’a l’idée saugrenue de faire usage d’une arme à feu.

Au diable, la cohérence, donc, mais vous aurez compris que ce n’est pas la première qualité que l’on attend d’un beat-them-all. Puisque l’idée est manifestement de taper, penchons-nous sur l’interface : celle-ci, très simple, fait usage des trois boutons de la manette Mega Drive (Les manettes à six boutons n’arriveront que plusieurs années après la sortie du jeu). Un bouton sert à taper, le deuxième à sauter, et le troisième à appeler, une fois par niveau ou par « vie » de votre personnage, la voiture de police mentionnée plus haut qui fera alors le ménage à l’écran. Une attaque vers l’arrière est possible en pressant simultanément coup + saut, et les « chopes » (les prises consistant à empoigner et immobiliser un adversaire pour le frapper pendant qu’il est dans l’incapacité de se défendre) se font automatiquement en étant assez près d’un ennemi.

Pendant les chopes, plusieurs possibilités s’offrent à vous : frapper l’adversaire jusqu’à l’envoyer au sol, changer votre position (bouton saut) pour passer devant ou derrière lui, l’écraser au sol à l’aide d’une prise qui doit faire bien mal au dos de celui qui l’effectue, ou bien le projeter derrière vous. Comme vous l’aurez peut-être remarqué au terme de cette liste, il n’y a pas – en-dehors de la voiture – de coup spécial vous permettant de toucher une zone plus large que ce que vos poings et vos pieds vous permettent d’atteindre. Tout l’aspect « stratégique » du titre va être là : votre seul moyen de faire le ménage lorsque les adversaires commenceront à se multiplier autour de vous (c’est-à-dire assez vite) consistera à votre aptitude à employer les chopes pour utiliser une partie de vos ennemis comme projectiles pour toucher un maximum de monde. Il sera également possible, à deux joueurs, d’utiliser la chope sur votre allié pour faire une prise spéciale, hélas pas particulièrement efficace. 

Notons également qu’il n’existe pas de mode « A » ou « B », comme dans certaines versions de Double Dragon, pour savoir si vos deux personnages peuvent ou non se blesser mutuellement : quoi qu’il arrive, vos coups atteignent également votre allié. Heureusement, la surface de jeu est suffisamment étendue pour que les « accidents » (car ce sont toujours des accidents, n’est-ce pas ?) menant à allonger une mandale à son coéquipier sans l’avoir voulu soient rares. Comme dans la plupart des beat-them-all de l’époque, on peut ramasser les différentes armes blanches (couteaux, tuyaux de plomb, tessons de bouteille, battes de baseball… ou poivrière) lâchées par les adversaires, ou entreposées dans des containers dont la nature change selon le niveau (bidons, cabines téléphoniques…), et dans lesquels on trouvera également de l’argent (rapportant des points), de la nourriture (restaurant la vie), voire des vies ou une voiture bonus.

Les adversaires qui vous seront opposés au cours des huit niveaux du jeu semblent à première vue assez redondants : depuis la petite frappe de base jusqu’au karatéka partageant des airs de famille avec Shiryu dans Saint Seya, en passant par cette étrange obsession que semblaient nourrir les beat-them-all de l’époque pour les dominatrices en cuir avec un fouet ou pour les punks à cheveux colorés, il faut reconnaître que le menu fretin ne se divise qu’en cinq modèles de base, eux-mêmes déclinés en plusieurs variations de couleurs.

C’est peu – très peu, même – mais curieusement, la lassitude ne s’installe pas, d’abord parce qu’ils sont relativement variés dans la façon de les aborder (certains sont capables de chopes ou de glissades, d’autres arrivent avec des armes, certaines variations des femmes-en-cuir ont cette capacité très énervante de rester au sol où elles sont invincibles après chaque coup et de ne plus en bouger tant que vous ne vous êtes pas éloigné, etc.), et ensuite parce que chaque niveau propose ses petites subtilités : comme ces grands trous très commodes pour y expédier l’opposition (ou perdre stupidement une vie) au niveau 4, ou ces presses hydrauliques qui peuvent autant vous aider à faire le ménage que vous faire perdre un paquet de santé au niveau 6. Évidemment, le plus grand danger de l’opposition viendra du nombre, les adversaires pouvant arriver par grappes de six ou sept, et n’hésitant jamais à vous prendre en sandwich pour vous compliquer la tâche, ce qu’ils font d’ailleurs particulièrement bien lorsque vous jouez seul.

Heureusement, le jeu n’est jamais inutilement frustrant à ce niveau, et n’a pas le défaut de rendre la présence d’un deuxième joueur quasi-obligatoire pour espérer finir le jeu comme c’était assez souvent le cas à l’époque. Le programme distribue également assez généreusement les vies par l’intermédiaire du score, la première vous étant octroyée en atteignant 50.000 points puis tous les 100.000 ensuite – ce qui va relativement vite sans transformer pour autant le jeu en parcours de santé. Le programme propose de toute façon plusieurs niveaux de difficulté, histoire de corser – ou de simplifier – un peu les choses.

Chaque niveau se termine par un boss – ou deux, si vous jouez avec un ami – qui est généralement le meilleur moment pour faire appel à votre voiture de police histoire de les affaiblir un peu. À noter d’ailleurs que si chacun de ces boss a son point faible, et qu’ils sont généralement assez simples à vaincre une fois la technique assimilée, celui du niveau 2 est étrangement le plus difficile de tous et peut même représenter un véritable aspirateur à vie pour un joueur solitaire.

On regrettera également que ces mêmes boss deviennent eux aussi redondants : dès le sixième niveau, on recycle ceux du deuxième, le septième niveau n’a pas de boss et le huitième vous fait ré-affronter tous ceux du jeu (grand classique des derniers niveaux de beat-them-all) – un peu de variété n’aurait pas fait de mal. Reste qu’à la fin de la partie, en dépit de ces nombreuses faiblesses, on réalise qu’on a passé un très bon moment. À noter que Streets of Rage comporte – chose rare pour ce genre de jeux – une « mauvaise » fin vous permettant de devenir le bras droit de Mr X. Celle-ci ne sera accessible qu’en mode deux joueurs, et à condition de combattre son allié, mais l’idée est suffisamment sympathique – et originale – pour mériter d’être mentionnée.

Niveau réalisation, Streets of Rage fait partie des jeux sortis sur une console en début de vie. Difficile, donc, d’être ébloui par ses graphismes, qui ont néanmoins leur petit cachet, et ont surtout l’avantage de rester parfaitement lisibles en toute circonstance, même lorsque cela commence à fourmiller à l’écran. L’animation est efficace et percutante, on ressent bien l’impact des coups – ce qui, vu le temps qu’on va passer à en donner, est la moindre des choses.  Le programme connait en revanche quelques ralentissements occasionnels – le plus souvent provoqués par ces jongleurs de haches ou de torches qui semblent mettre le processeur de la machine à rude épreuve – mais ceux-ci restent très rares, et on ne se retrouve jamais à pester suite à un accès de lenteur du jeu.

La vraie claque, cependant – et certainement celle qui a grandement contribué à la renommée du titre – vient de la musique. Yūzō Koshiro, le compositeur du jeu (dont on avait déjà pu apprécier le talent dans des titres comme The Revenge of Shinobi), a à ce titre fait un travail magnifique : souvent L’avant-dernier niveau est assez jouissif : c’est fou le temps qu’on gagne, en expédiant tout le monde par-dessus bordrythmées, dynamiques, mais aussi parfois nourries d’influence house ou funk, elles participent énormément au plaisir de jeu. Il y a fort à parier qu’une partie d’entre elles vous resteront dans le crâne pendant plusieurs années tant elles sont exécutées à merveille, en dépit des capacités sonores limitées de la Mega Drive. Les bruitages s’en sortent un peu moins bien, notamment cette espèce de bouillie stridente qui s’échappe d’un personnage féminin à sa mort, mais quoi qu’il arrive, Streets of Rage est un jeu auquel il serait criminel de jouer en coupant le son.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Streets of Rage n’invente rien, mais ce qu’il fait, il le fait bien. Porté par sa simplicité autant que par son efficacité, le beat-them-all de Sega aura initié une série désormais mondialement célèbre, bien aidée par une bande originale elle aussi entrée au panthéon de la Mega Drive. Grâce à un gameplay technique, à des coups dont on ressent bien l'impact et à un mode deux joueurs jubilatoire, Streets of Rage reste aujourd'hui encore un classique très agréable à parcourir. CE QUI A MAL VIEILLI : – Niveau graphique, on sait que la Mega Drive est capable de mieux que ça, comme les deux épisodes suivants se chargeront de le prouver. – Pas assez d’adversaires différents, et un gameplay qui se renouvelle peu.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Streets of Rage sur un écran cathodique :

Version Arcade (Mega-Tech)

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Un joystick et trois boutons
Version testée : Version européenne
Hardware : SEGA Mega-Tech
Processeurs : Motorola MC68000 7,670453MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz ; Zilog Z80 3,579540MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; SEGA 315-5313 Megadrive VDP 53,693175MHz ; SEGA VDP PSG 3,579545MHz ; YM2612 OPN2 7,670453MHz ; SEGA 315-5246 SMS2 VDP 10,73862MHz ; SEGA VDP PSG 3,57954MHz ; 2 canaux
Vidéo : 256 x 224 ; 320×224 (H) 59.922738 Hz

Opérons à présent un rapide détour par la version « arcade » de Streets of Rage. Je place ici « arcade » entre guillemets, car comme tous ceux qui connaissent l’offre Mega-Tech le savent déjà, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un hardware équivalent à celui d’une Mega Drive placé à l’intérieur d’une borne, avec la possibilité d’y connecter plusieurs cartouches – exactement comme pour l’offre PlayChoice-10 de Nintendo avec la NES. Ici, un crédit achète donc du temps de jeu, par tranches de cinq minutes, indiqué en bas à gauche du deuxième écran – pour tout le reste, c’est stricto sensu exactement le même jeu que dans sa version de salon, vous pouvez même choisir le mode de difficulté. Autant dire qu’aujourd’hui, sauf à vouloir jouer spécifiquement sur un émulateur de type MAME qui doit représenter la seule opportunité de redécouvrir la gamme Mega-Tech, vous n’aurez aucune raison de privilégier cette itération face à la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 16/20

Simple transposition de la version Mega Drive, Streets of Rage façon Mega-Tech reste le très bon jeu qu’il était dans sa version originale, mais avec l’obligation de rajouter un crédit toutes les cinq minutes.

Version Game Gear

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 27 novembre 1992 (Japon) – 9 décembre 1992 (États-Unis) – Février 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles et un câble Gear-to-Gear)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La première machine servie au rang des conversions aura donc été la portable de Sega, un an avant la Master System. Machines 8 bits oblige, on trouvera de nombreux points communs entre les deux versions, mais la Game Gear aura également dû composer avec des limitations techniques – principalement la taille de son écran – encore plus importantes que celle de son homologue de salon.

Graphiquement, pourtant, cette version s’en sort très bien : c’est coloré, c’est lisible, on reconnait tous les personnages, et les animations n’ont pas été trop mutilées dans le processus. On part donc sur de très bonnes bases : parvenir à afficher autre chose qu’une bouillie de pixels sur un écran de jeu aussi réduit, dans un type de jeu où le challenge repose sur le nombre d’adversaires, est déjà un petit exploit. On peut ainsi avoir jusqu’à trois ennemis à l’écran simultanément en plus du personnage principal : mine de rien, c’est déjà moitié plus que ce que permettra la version Master System un an plus tard. Et, comble de bonheur, on peut toujours jouer à deux… à condition d’avoir deux Game Gear et le câble pour les relier (et sans doute un bon stock de piles vu la faible autonomie de la machine, mais je m’égare). Niveau musical, difficile de lutter avec la Mega Drive, mais les morceaux ont été réorchestrés avec sérieux, et on reconnait la plupart des thèmes – même s’il faut admettre qu’ils tournent également très vite en boucle, d’où une lassitude expresse. Quoi qu’il en soit, cette version semble s’être donné les moyens de proposer la meilleure expérience de jeu possible.

Comme on peut s’en douter, cela aura nécessité quelques sacrifices : Adam a disparu du casting (comme dans les mauvais films américains, ce sont toujours les noirs qui sont sacrifiés en premier), et le jeu ne comporte plus que cinq niveaux. Cela peut paraître peu, mais ceux-ci m’ont parus plus longs que leurs équivalents sur Mega Drive.

Plus de voiture de police non plus, faute de touche pour les appeler : elle est remplacée par un bonus qu’on trouve parfois dans un container et tuant tous les ennemis à l’écran. Mais bien sûr, ce qui décidera de la longévité du titre (en plus des piles), ce sera sa difficulté.

Malheureusement, c’est de ce côté qu’apparaît le vrai problème de la version Game Gear : sa jouabilité. Si cette version de Streets of Rage offre à première vue les mêmes possibilités que la version originale, une différence majeure se dessine après quelques secondes de jeu : il n’est plus possible de frapper un adversaire pendant une chope. Ce sera une projection ou rien. Cet oubli difficilement compréhensible complique les choses pour deux raisons : primo, lors d’une chope, votre ennemi est immobilisé, mais vous aussi. Et donc, le temps de réaliser votre position et de choisir quoi faire, vous être atrocement vulnérable. Effet renforcé par la deuxième raison : il est extrêmement difficile, dans cette version, de conserver une chope plus d’une demi-seconde. Si vous n’appuyez pas précisément en même temps sur arrière et coup au moment de la projection, par exemple, votre personnage lâchera son adversaire et lui tournera le dos, s’exposant ainsi magnifiquement à un coup entre les omoplates. C’est d’autant plus frustrant que les problèmes ne s’arrêtent pas là : votre personnage ne dispose d’aucune frame d’invulnérabilité en se relevant. Il est donc très fréquent de voir toute votre jauge disparaître simplement parce que les ennemis se relaient pour venir vous cueillir à chaque tentative de vous remettre debout sans que vous ne puissiez rien faire. Inutile de dire que, dans ces conditions, le plaisir de jeu s’estompe quelque peu…

L’honnêteté force à reconnaître que le déséquilibre va dans les deux sens, cela dit. Les armes blanches, dans cette version, ne disparaissent pas après un certain nombre d’utilisation comme dans le jeu Mega Drive : il faudra impérativement qu’un ennemi vous les fasse lâcher. Autant dire qu’un niveau peut soudainement se transformer en promenade de santé pour peu que vous mettiez la main sur un tuyau de plomb et que vous ne le lâchiez plus jusqu’au boss. Le jeu n’est donc pas difficile, il est plutôt soumis à votre capacité à conserver vos armes.

NOTE FINALE : 12/20

Streets of Rage sur Game Gear est une belle prouesse technique, c’est indéniable. En revanche, le plaisir de jeu laisse souvent place à la frustration, la faute à un système de chope défectueux et à une difficulté beaucoup plus liée à votre capacité à garder un tuyau de plomb qu’à une réelle maîtrise du gameplay. Bref, une version honnête, et même brillante du point de vue technique, mais qui aurait pu viser infiniment plus haut.

Version Master System

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 7 juin 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par AsmoDeath’s trads
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Sorti plus de deux ans après la version Mega Drive, sur une Master System alors sérieusement en fin de vie, Streets of Rage aura au moins pu bénéficier du savoir-faire de programmeurs désormais particulièrement bien rodés à l’usage de la 8 bits de SEGA.

Le jeu suit aussi fidèlement que possible le cheminement du jeu original – et y ajoute même quelques petites « finitions » absentes de la version Mega Drive, comme les deux combattantes en fin de niveau 5 qui cessent d’être de simples clones de Blaze, ou bien un nouveau boss exclusif en conclusion du niveau 6, venu remplacer le recyclage du boss du niveau 2. Les trois personnages sont toujours jouables, tous les niveaux et tous les coups sont là ; bref, presque rien n’a été sacrifié, et on sent rapidement une réelle ambition pour la grande sœur de la Mega Drive, qui ne boxe pourtant pas franchement dans la même catégorie, même avec les meilleurs programmeurs du monde.

Graphiquement, en tous cas, le jeu impressionne. Les personnages sont grands, c’est très coloré – moins que sur Game Gear, mais après tout l’ambiance du jeu est censée être plutôt sombre – l’animation est plus hachée que sur Mega Drive mais reste fluide et ça ne rame jamais ; à peine observera-t-on quelques effacements de sprites, mais c’est du très beau travail. Les problèmes commencent en revanche dès qu’on aborde la musique, gros point fort de l’original. Les capacités sonores de la Master System sont très inférieures à celles de la Mega Drive, c’est indéniable, et on peut comprendre que cette version reprenne à l’identique la plupart des thèmes de la version Game Gear. On retrouve donc le même grief que sur la version portable, avec des morceaux qui finissent par faire mal au crâne plutôt qu’autre chose – et le fait qu’une partie soit plus longue sur Master System n’améliore pas les choses à ce sujet.

Les différents thèmes ont d’ailleurs souvent été réattribués, un peu anarchiquement, à d’autres niveaux qu’à ceux qu’ils accompagnaient à l’origine : le thème du niveau 2 n’est rien d’autre que la mélodie de sélection de personnage du jeu Mega Drive répétée en boucle, par exemple. Certaines compositions, comme le thème du niveau 5, s’en sortent un peu mieux, mais l’extraordinaire ambiance de l’opus original – qui reposait en grande partie sur sa fantastique ambiance musicale, justement – en prend quand même un sérieux coup.

Niveau jouabilité, le jeu présente là aussi quelques problèmes – mais différents de ceux de la version Game Gear. Le personnage est relativement réactif, les coups s’enchainent bien, on aperçoit quelques erreurs d’alignements de sprites lors des chopes mais le programme a l’air de bien s’en tirer : le jeu semble même, à plusieurs niveaux, encore plus simple que son homologue sur Mega Drive. Et puis un certain malaise s’installe en voyant notre personnage se retrouver au tapis assez facilement jusqu’à ce qu’on mette le doigt sur ce qui cloche : les coups vous touchent dès leur départ, et pas à leur réception. Explication : vous voyez une femme lever son fouet… et vous êtes déjà au sol, car le jeu a considéré que le coup était porté dès la première frame de l’animation, et pas au moment où le fouet touchait votre personnage.

Mine de rien, cela pose un gros problème, car à moins d’avoir le don de prescience, il vous est à peu près impossible d’éviter un coup : un personnage fait un coup de pied sauté, et il vous a déjà touché avant même que ses pieds n’aient quitté le sol. On peut, dans les fait, limiter la casse en utilisant le fait que les adversaires ne peuvent vous toucher que lorsqu’ils sont exactement sur le même plan horizontal que votre personnage, et donc en multipliant les déplacements sur un axe vertical, mais la jouabilité en souffre. Autre petit détail : la manette de la Master System n’a que deux boutons, or, le gameplay en nécessite trois. Appeler votre voiture en soutien demandera donc une pression sur le bouton pause situé… directement sur la console. Autant dire que si vous voulez du renfort, il va falloir vous lever !

Un dernier problème apparait assez vite, et il facile de l’attribuer, en partie, aux limitations techniques de la console. Quoi qu’il arrive, en n’importe quelle circonstance, le jeu n’affichera jamais plus de deux ennemis à l’écran. Jamais. Cela peut se comprendre, mais a quand même un peu de mal à passer quand on se souvient que la Game Gear en affichait trois…  Évidemment, la principale difficulté de ce type de jeu reposant traditionnellement sur le nombre d’adversaires, on est presque heureux des errements de jouabilité constatés, sans quoi le jeu serait d’une facilité absolument écœurante. Dans le même ordre d’idée, les tables qui vous fonçaient dessus au dernier niveau de la version originale ont désormais disparu : trop de choses à l’écran…

Cela engendre une autre limitation, beaucoup plus difficile à pardonner, celle-là : il est désormais impossible de jouer à deux. Oui, au fond, dans un jeu incapable d’afficher plus de trois sprites à la fois, cela peut paraitre logique… mais c’est peu dire que cela prive ce Streets of Rage version 8 bits d’une très grande partie de son intérêt. Peut-être aurait-il fallu se montrer un peu moins ambitieux en terme de réalisation et sacrifier la taille des personnages pour autoriser un gameplay plus riche, mais le mal est de toute façon déjà fait.

NOTE FINALE : 13/20

Streets of Rage sur Master System est-il un mauvais jeu ? Non, loin de là. Il est même, à bien des niveaux, plus agréable à jouer que la version Game Gear. Malheureusement, victime d’une ambition qui donne l’impression d’avoir privilégié la forme sur le fond, il doit faire face à de sévères limitations qui l’empêchent de rejoindre la version Mega Drive dans la légende des beat-them-all. Désormais simple jeu solo, on regrettera également que l’essentiel de sa difficulté lui vienne des errements de sa jouabilité plutôt que du challenge proposé par le titre.

Loom

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STMacintoshFM TownsAmiga CDTVPC Engine CD
Disponible sur : Antstream, Linux, Mac OS X, Windows
Disponible sur : Gog.com (Windows), Steam.com (Windows)

Note : Les patchs de traductions françaises non-officielles de cet article proviennent du site Abandonware France

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mai 1990 (version disquette) – Août 1992 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version disquette) – Anglais, patch de traduction en français (version CD-ROM)
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Versions disquette et CD-ROM émulées sous ScummVM
Configuration minimale : Version disquette :
Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA (16 couleurs)
Cartes sonores supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, Tandy/PCjr

Version CD-ROM :
Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.1 – RAM : 640ko – MSCDEX : 2.1
Mode graphiques supporté : VGA
Système de protection de copie par consultation du manuel
Liens utiles : Patch ajoutant le support de la Roland MT-32 (version disquette uniquement)

Vidéo – L’ouverture et l’écran-titre du jeu :

Loom est un jeu très particulier, ayant grandi dans l’ombre du célèbre The Secret of Monkey Island, sorti à la même période, mais ayant acquis a posteriori ses propres galons dans la glorieuse liste des jeux vidéo ayant durablement marqué les joueurs lors de leur sortie.

À l’initiative du projet, un nouvel employé de chez Lucasfilm Games nommé Brian Moriarty (fraichement débauché d’Infocom chez qui il venait de réaliser trois aventures textuelles dont le très ambitieux Beyond Zork), qui s’était mis en tête d’utiliser le fameux moteur de jeu SCUMM créé pour Maniac Mansion afin de produire un jeu d’aventure plus court et nettement moins punitif que les jeux de l’époque (notamment ceux issus des studios Sierra On-Line, où mourir à de très nombreuses reprises lors d’une partie était monnaie courante). L’idée du jeu lui viendra d’une source d’inspiration majeure, mais assez particulière pour l’univers vidéo-ludique de l’époque : le Lac des Cygnes de Tchaïkovski.

L’idée fondatrice du jeu est donc simple, mais profondément originale : la seule interface du jeu sera la musique. Pas de liste de mots pour former des actions, comme cela avait été utilisé dans Maniac Mansion, Zac McKracken ou Indiana Jones and the Last Crusade, les trois précédents jeux du studio ; en dehors d’un curseur vous servant à vous déplacer et à désigner les objets, votre unique moyen d’action sera un instrument de musique. Et pour bien comprendre en quoi cela pourrait bien vous permettre d’interagir avec quoi que ce soit, il faudra d’abord se pencher un instant sur le scénario du jeu.

Dans un monde inconnu, vous incarnez Bobbin Threadbare, un jeune homme appartenant à la Guilde des Tisserands. Le matin de votre dix-septième anniversaire, une nymphe messagère vient vous adresser un message : le Conseil vous convoque. C’est en assistant à une conversation houleuse entre les Anciens et Hetchel, la femme qui vous a éduqué après la mort de votre mère, que vous allez commencer à en apprendre plus sur une Ombre qui menace le monde – et sur le lien maléfique que certains croient voir entre votre naissance et sa venue. Cela vous permettra surtout d’hériter d’une des quenouilles avec lesquelles les Tisserands ont le pouvoir de créer la réalité…

Surpris ? L’univers dans lequel s’étend Loom est certes original, et très dépaysant. Mais sa plus grande force tient précisément d’une de ses lacunes : À peu près tout ce que vous serez amenés à comprendre de ce monde, vous devrez aller le lire entre les lignes. Pas de texte de présentation, pas de mise en situation, juste un échange d’une demi-heure entre Bobbin et Hetchel enregistré sur une cassette audio distribuée avec le jeu à sa sortie (et, à ma connaissance, jamais traduite en français) et un livre dans lequel vous pouviez noter les différentes « trames » que vous étiez amené à apprendre au fil du jeu. Vous êtes donc lâché sans information dans un univers qui vous est totalement étranger, et où personne ne vous fera jamais de grandes leçons d’histoire afin de vous introduire une culture ou une chronologie : seuls les rares dialogues du jeu, ainsi que quelques inscriptions, vous aideront à imaginer petit à petit l’immense univers qui s’étend autour des quelques régions que vous serez amené à visiter au cours de votre périple.

Cette trouvaille narrative est sans conteste l’un des plus grands points forts d’un jeu où tout ce qu’on vous montre ne semble être qu’un prétexte pour laisser parler votre imagination – avec le fait qu’on ne puisse ni mourir ni être irrémédiablement bloqué, autre concept visionnaire dont Loom aura été la première matérialisation avant le Secret of Monkey Island de Ron Gilbert. Il est d’autant plus frustrant que le jeu n’ait jamais connu de suite officielle, comme cela avait été considéré à une époque, car il faut reconnaître qu’au terme de la (trop courte) aventure, on ne peut s’empêcher de ressentir un petit pincement à l’idée de laisser dernière nous tous ces personnages alors qu’on aurait aimé en connaître encore tellement plus à leur sujet. Les dialogues sont efficaces et font mouche – certains, comme cette conversation surréaliste avec une dragonne ayant peur du feu, vous arracheront même plusieurs sourires. La mélancolie régnant à la fin du jeu a probablement, pour sa part, tiré quelques larmes au moment de sa sortie.

En termes de réalisation, Loom, fait des merveilles avec sa modeste palette de 16 couleurs. Garry Winnick et Mark Ferrari se sont inspirés du style de La Belle au Bois Dormant, de Walt Disney, et le résultat est superbe. Le jeu a incontestablement une « patte » graphique, et certains écrans – notamment cette aube permanente qui découpe en clair-obscur les reliefs de l’île sur laquelle vous commencez le jeu – touchent à la quintessence de ce que pouvaient offrir des graphismes en EGA. On appréciera également l’excellente idée de ces gros plans animés lors des conversations, qui offrent immédiatement une identité visuelle très marquée aux différents protagonistes. On remarquera aussi quelques entorses à ce qui allait s’imposer comme le « style Lucasfilm » de l’époque, et notamment une courte séquence de gore tranchant radicalement avec l’ambiance générale du jeu et qui aura décroché quelques mâchoires à l’époque.

Côté musical, rappelons que nous sommes en 1990, période où les cartes sons commencent à peine à se démocratiser sur PC. La version originale du jeu ne reconnaissait que les cartes AdLib, CMS, Game Blaster et Soundblaster, mais un patch publié quelques mois après sa sortie y ajoute la gestion de la Roland MT-32 – ainsi qu’un prélude musical tiré du Lac des Cygnes et que vous pourrez entendre dans la vidéo de l’introduction présentée ci-dessus. La version PC sur disquettes restera la seule à avoir bénéficié de cette ouverture – même les versions CD ultérieures ne la comprendront pas. Autant dire que l’orchestration est superbe pour l’époque, et qu’il est d’autant plus frustrant que la musique se fasse si rarement entendre, au point qu’on évolue dans un silence de mort pendant une bonne moitié du jeu. Reste pour beaucoup de joueurs d’alors, ce fut l’occasion d’entendre, parfois pour la première fois, de grands thèmes classiques que les jeux vidéo ne nous avaient pas trop donné l’habitude d’employer jusque là.

Alors Loom, jeu parfait ? Non, pas tout à fait, en dépit de l’indéniable capital sympathie dont il jouit auprès de plusieurs milliers de nostalgiques. Tout d’abord – et même si cela correspond à la volonté initiale de Brian Moriarty – le jeu est très court, trop court. On peut facilement en venir à bout en moins de deux heures, ce qui, en soi, n’a rien d’anormal : un jeu comme King’s Quest IV, par exemple, pouvant très bien être bouclé en une vingtaine de minutes… à condition de savoir très précisément quoi faire, sans quoi sa grande difficulté vous demandait d’y passer des semaines, voire des mois. Mais Loom n’est pas juste court, il est également très facile. L’impossibilité de mourir ou de se retrouver bloqué, comme on l’a vu, y est sans doute pour beaucoup ; le peu de possibilités offertes par l’interface étant la deuxième cause. À deux ou trois situations pas très claires près, il est rare de ne pas savoir ce qu’on attend de nous – et un simple coup d’œil à toutes les trames apprises jusqu’alors suffit à nous offrir l’intégralité de nos possibilités.

Il est également assez frustrant d’être confronté à des situations où le jeu nous force la main en dépit du bon sens le plus élémentaire. Ainsi, à un stade avancé du jeu, il est possible de se retrouver enfermé dans une cage face à deux personnes vous demandant de faire démonstration de vos pouvoirs magiques. Vous pourriez alors facilement les effrayer, par exemple – un des nombreux pouvoirs à votre disposition à ce moment du jeu. Mais non, votre seule possibilité est d’ouvrir la porte de votre cage comme ils vous le demandent, sans que rien ne vienne le justifier ; le genre de lacunes un tantinet énervantes. Rien de tout cela n’a empêché le jeu de se faire une petite place dans l’imaginaire collectif de ceux qui ont eu la chance de poser les mains dessus à sa sortie, mais il était important de souligner ces quelques anicroches aux joueurs qui désireraient le découvrir aujourd’hui.

Signalons, malgré tout, que le jeu dispose de trois niveaux de difficulté : si je n’ai décelé aucune différence entre les modes « standard » et « practice », le mode « expert », pour sa part, ne vous affichera plus les notes en bas de l’écran et vous demandera de vous débrouiller intégralement à l’oreille – ce qui rend tout de suite le jeu beaucoup plus délicat. En guise de bonus, ce mode « expert » vous offrira, vers la fin du jeu, une courte scène retirée des deux autres modes. Reste au final un jeu original, culotté et profondément visionnaire dans son approche du game design… et sans doute un peu trop au moment de sa sortie. Perçu comme trop court et trop simple pour un jeu vendu au prix fort, soulevant un certain scepticisme de la part de la critique, il aura au final été totalement éclipsé par le succès de The Secret of Monkey Island, publié quelque mois plus tard, et qui présentait une aventure plus longue, plus complexe et fondamentalement plus classique. Conséquence : Brian Moriarty, redirigé vers des titres éducatifs avant de se casser les dents sur le développement de The Dig, n’aura jamais pu achever la trilogie qu’il avait imaginée autour de Loom et n’aura plus jamais été le game designer d’un jeu d’aventure. Cruelle destinée pour quelqu’un qui aura vu un peu plus loin que les autres un peu trop vite…

Quelques mots, enfin, sur la VF : elle est d’une bonne qualité, surtout si l’on considère la période de sa réalisation, où l’amateurisme le plus total était la règle plutôt que l’exception en terme de localisation. Pas de coquille, pas de faute d’orthographe : ça change très agréablement de ce qu’on pouvait observer, au hasard, dans la série des King’s Quest vers la même période. Seul choix discutable : n’avoir traduit ni les noms des personnages – qui sont pourtant tous chargés de sens – ni le métier à tisser, auquel il est systématiquement fait référence sous le terme « Loom », ce qui permet certes de garder le lien avec le titre du jeu mais n’a pas grand sens au milieu d’une traduction intégrale. Quoi qu’il en soit, mettre la main sur cette VF par des voies légales sera sans doute très compliqué : toutes les plateformes de téléchargement proposant le jeu à la vente à l’heure actuelle ne proposent que la VO. Surement existe-t-il des patchs de fans permettant de contourner le problème.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Loom est un jeu unique, à l'approche incomparable et à l'univers captivant. Lâché dans un monde poétique, bercé par les compositions de Tchaïkovski, le joueur se surprend à assembler lui-même un gigantesque puzzle dont on ne lui offre que quelques pièces, afin de compenser tout ce qu'une narration volontairement elliptique ne lui dit jamais directement par le biais de l'outil le plus efficace qui soit : l'imagination. La promenade est aussi rafraîchissante qu'elle est courte, hélas, et c'est avec regret qu'on laisse derrière nous des personnages qu'on aurait volontiers accompagné pendant dix ou quinze heures supplémentaires. Si vous n'avez encore jamais tenté le voyage, laissez-vous emporter. CE QUI A MAL VIEILLI : – On n’aurait vraiment pas dit non à quatre ou cinq heures de jeu supplémentaires – Certains pouvoirs qu’on ne nous permet pas d’utiliser à des moments où ils seraient très utiles – Version française difficile à dénicher

Les avis de l’époque :

« Servie par de somptueux graphismes, l’histoire reste captivante du début à la fin : il se passe (presque) toujours quelque chose à l’écran. Bref le jeu accroche et possède une atmosphère particulière (c’est rare). (…) Loom est agréable à jouer malgré ses imperfections. Relativement rapide à terminer, il plaira à tous les aventuriers (débutants ou confirmés). J’accepte de l’acheter s’il vaut 200 francs (NDRA : environ 47,15 euros en tenant compte de l’inflation), au-dessus c’est de l’arnaque. »

Dany Boolauck, Tilt n°78, Mai 1990, 16/20

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Loom sur un écran cathodique :

La version CD-ROM :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour une fois, la version CD-ROM du jeu est suffisamment particulière pour mériter un peu plus qu’un paragraphe chargé de statuer sur la qualité des doublages. Comme on va le voir, la date de sortie relativement précoce de cette édition (en 1992, à une époque où le support était encore loin d’être démocratisé) aura certainement eu une lourde influence sur ses caractéristiques techniques, qui sont loin d’être aussi emballantes qu’on était en droit de le souhaiter, comme on va rapidement le voir. En fait, c’est comme si chacun des atouts de cette version étaient immédiatement contrebalancé par un défaut rédhibitoire. Mais jugez plutôt :

Tout d’abord, qui dit support CD dit musique CD, n’est-ce pas ? Ne vous inquiétez pas : elle est bien là, identique dans sa composition dans ce qu’on pourra entendre, à la même époque, sur FM Towns ou sur PC Engine CD. Oui mais… Plutôt que d’utiliser les extraordinaires (pour l’époque) capacités de stockage offertes par le support, que croyez-vous que l’équipe de développement a cru bon de faire ? Eh bien, elle a utilisé les pistes numériques. Ainsi, au lieu de disposer de 640Mo d’espace, la version CD se retrouve limitée à soixante minutes de pistes musicales (moins l’espace pris par les données). Oui, cela présente déjà toutes les caractéristiques de la mauvaise idée, mais bon, une heure de musique, pour un jeu aussi court, ce devrait être largement suffisant, non ?

Cela aurait pu l’être, si les dialogues n’avaient pas également été enregistrés sur les pistes numériques. Oui, tous les dialogues du jeu. Contrainte évidente : l’intégralité des discussions du jeu doit désormais tenir en moins d’une heure. Cela a deux effets aussi évidents que catastrophiques : le premier, c’est que tous les (rares) dialogues du jeu ont dû être réécrits et rabotés pour tenir dans le peu de temps qu’on leur laissait. Non, vous ne rêvez pas : cette version CD à la capacité 300 fois supérieure à ce que contenait la version originale a dû être expurgée d’une partie de ses dialogues !

Attendez, ne ramassez pas tout de suite votre mâchoire : ce n’était que le premier problème. Le deuxième est presque aussi navrant : la musique et les dialogues se partageant la même durée, le plus simple a été de les combiner. Ce qui signifie que la musique ne peut se faire entendre… que pendant un dialogue, et jamais à un autre moment. Votre version CD vous vaudra donc d’évoluer dans un silence de cathédrale pendant la plus grande partie du jeu. Ah, on peut dire qu’ils ont fait fort ! On remerciera le célèbre auteur Orson Scott Card, déjà mis à contribution sur The Secret of Monkey Island, d’être venu apporter son aide lors de cette réécriture, mais cela n’empêche hélas pas cette version CD d’être un charcutage de bas étage d’un jeu déjà pas très bavard à l’origine.

Niveau graphismes, là, pas d’excuse : normalement, tout va bien. D’ailleurs, au premier coup d’œil, on réalise que les graphismes sont identiques à ceux de la version FM Towns sortie l’année précédente. Oui mais… Le trouble apparait après quelques minutes de jeu. Vous vous souvenez de ces magnifiques inserts présentant les personnages en gros plan ou en plan américain au cours des conversation ? Ceux-là même qui existaient déjà en 256 couleurs, puisqu’il suffisait de reprendre la version FM Towns – comme pour le reste des graphismes du jeu ? Eh bien, oubliez-les. Ils ont disparu. Pourquoi ? On ne le saura jamais – sans doute participaient-ils à étirer la durée des dialogues qu’on cherchait à mutiler au maximum. Ça, en termes d’ambiance et d’implication du joueur, c’est un autre énorme coup dur. Les protagonistes n’ont plus de visage, plus d’expression – plus d’identité, en un mot. Afin de faire le change, on a doté leurs sprites de nouvelles animations, mais le résultat donne surtout l’impression que personne dans cet univers n’est capable de dire une phrase de trois mots sans gesticuler la tête ni faire de grands mouvements avec les bras. N’en jetez plus : le carnage est complet.

NOTE FINALE : 13/20

Le destin aura donc voulu que la seule version de Loom encore disponible à la vente en 2017 soit, et de très loin, l’une des plus mauvaises. Mutilée, disséquée, découpée, expurgée, cette version doit représenter le seul cas de version CD appauvrie par rapport à la version disquettes. N’espérez même pas y trouver une VF : son seul et unique atout est de posséder des doublages anglophones – dommage que ceux-ci se basent sur des dialogues vidés de leur substantifique moelle… Bref, une mauvaise version, une mauvaise introduction à ce jeu sublime, et un incommensurable gâchis. Rabattez-vous plutôt sur n’importe quel autre portage – les deux autres versions CD, de préférence, si jamais vous parvenez à mettre la main dessus.

Version Amiga

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : Octobre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 500/2000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation possible sur disque dur
Système de protection de copie par consultation du manuel
*Optimisations graphiques et sonores avec 1Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Développé en même temps que la version PC, la version Amiga en est pratiquement la copie conforme. Graphiquement, le jeu est identique à 99,9% – quelques petites nuances dans le choix des couleurs, lors des dialogues par exemple, mais il vaut mieux avoir de bons yeux pour les déceler. Musicalement, l’Amiga ne se hisse pas à la hauteur de ce que proposait la Roland MT-32, mais il fait largement aussi bien que l’AdLib. Paradoxalement, le jeu est plus facile à trouver en français sur Amiga que sur PC où il est pourtant toujours en vente, un comble ! Mais dans tous les cas, tout le contenu du test de la version PC peut fidèlement s’appliquer à cette version – sauf la présence de l’ouverture de la version patchée.

NOTE FINALE : 16/20

Aucun bouleversement pour la version Amiga, pratiquement identique à la version PC sortie en parallèle. On pourra lui préférer la version originale patchée pour profiter de la qualité de la Roland MT-32, mais ce serait bien là la seule raison.

Version Atari ST

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : Disquette 3,5″ double face (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Écran monochrome supporté
Installation possible sur disque dur
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Si, graphiquement parlant, la version Atari ST fait très exactement jeu égal avec ses deux consœurs sur PC et Amiga, c’est en terme de capacités sonores – comme souvent – que la machine pêche : le thème musical de la version ST fait à peine mieux que ce que pouvait offrir le haut-parleur interne du PC ! Et malheureusement, ici, pas de patch pour espérer connecter une Roland MT-32 ou une interface MIDI afin de sauver les meubles… Autant dire que, dans un jeu basé sur la musique, la version Atari ST fait un peu office de mouton noir : c’est – de peu, certes – la moins bonne version de toutes celles sorties en 1990.

NOTE FINALE : 15,5/20

Un demi-point de pénalité pour la musique de moins bonne qualité que sur les autres supports – l’Atari ST aurait sans doute pu faire un peu mieux que ça. Le reste du jeu étant totalement identique aux versions PC et Amiga, je ne conseillerais cette version qu’aux nostalgiques les plus passionnés de l’Atari ST.

Version Macintosh

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh II
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 6.0.3 – RAM : 1Mo
Configuration graphique : 16 couleurs, noir & blanc
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec l’arrivée du Macintosh II et de ses graphismes en couleurs, la machine d’Apple pouvait enfin espérer glisser dans une case plus traditionnelle dans le cadre du jeu vidéo… grosso modo, elle pouvait devenir l’équivalent du PC. Signe des temps, cette itération de Loom est d’ailleurs jouable aussi bien en noir & blanc qu’en couleur… exactement comme la version Atari ST, en substance.

Graphiquement, dans les deux cas, on retrouve des graphismes en basse résolution, avec des teintes exactement identiques à celles de l’EGA dans le cas de la version couleur. Seule nuance, assez anecdotique : les textes, eux, sont en haute résolution. Pour ce qui est de l’aspect musical, on est quelque part autour de ce que proposaient l’AdLib ou la version Amiga – soit au-dessus du ST et en-dessous de la Roland MT-32. Bref, rien de très surprenant, mais un portage sérieux qui aura au moins permis aux utilisateurs de Macintosh de ne pas avoir à tirer un trait sur un très bon jeu d’aventure.

NOTE FINALE : 16/20

Prenez les graphismes de la version EGA de Loom (ou ceux de la version monochrome de l’Atari St pour la version noir & blanc), ajoutez-y une réalisation sonore du niveau de celle de la version Amiga et des polices d’écriture en haute résolution et vous obtiendrez cette version Macintosh. Un aussi bon moyen qu’un autre pour découvrir le jeu.

Version FM Towns

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, patch de traduction française par Hibernatus*
*Fonctionne uniquement sous ScummVM
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM anglaise patchée en français
Configuration minimale : RAM : 2Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Un an après sa sortie en Europe et aux États-Unis, Loom s’est vu offrir un portage sur les ordinateurs japonais. Et, à en croire le résultat, ceux-ci étaient manifestement bien mieux équipés que leurs homologues occidentaux. Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : cette version FM Towns fait généralement consensus pour être considérée comme la meilleure, tous supports confondus.

Graphiquement, déjà, la différence saute aux yeux dès les premières secondes : le jeu est en 256 couleurs, et ce gain de 240 couleurs par rapport à la version originale n’a pas été galvaudé : les dégradés sont légion, l’aube est plus lumineuse que jamais ; bref, c’est splendide.

Seule petite anomalie : pour une raison inconnue, les icônes désignant les objets avec lesquels vous interagissez, en bas à droite de l’écran, sont restées en 16 couleurs – ce qui n’est pas bien dramatique, mais donne un peu le sentiment d’une finition bâclée. Dans le même ordre d’idées, l’étrange transition Anglais-Japonais-Anglais lors de la traduction a doté le jeu d’un certain nombre de petites coquilles qu’une relecture un peu plus soigneuse aurait facilement éliminées. On trouve également trace d’une censure – vis-à-vis de la présence de sang à la fin du jeu – d’autant plus inexplicable que la scène la plus gore du jeu, elle, a été gardée telle quelle. Bref, quelques anicroches dommageables – mais qui ne suffisent pas à éloigner cette version de son statut de « version ultime. »

Car il faut mentionner, bien sûr, le gain musical apporté par le support CD. La musique est magnifique – très loin au-dessus de ce que pouvait offrir la Roland MT-32 – et on en regrette d’autant plus que l’ouverture du Lac des Cygnes n’ait pas fait le voyage jusqu’au Japon. Curieusement, j’en ai également entendu une version à l’orchestration différente – il existe donc au moins une alternative à la bande sonore employée sur les version PC CD-ROM et PC Engine CD. Apparemment, les deux orchestrations sont présentes sur le CD-ROM, et il semblerait que l’une soit destinée à la version anglaise et l’autre à la version japonaise – difficile de trouver une explication à ce choix, mais il faudra faire avec.

Surtout, là où le jeu original était plongé dans un silence de cathédrale pendant une bonne partie du temps, la version FM Towns choisit, pour sa part, de répéter le thème de la zone où vous vous trouvez en boucle – ce qui n’a pas que des avantages, mais au moins on ne pourra plus accuser le jeu de vous priver de sa musique. Notons également la présence de bruitages digitalisés de très bonne qualité – bref, il ne lui manque que les doublages et on était à deux doigts de tenir la version parfaite.

En fait, le principal débat quant à cette version tient avant tout à des raisons purement esthétiques : si le jeu est indubitablement plus coloré, certains amateurs de la version EGA ne manquent pas de faire remarquer que l’épuration du style original – et les ambiances très tranchées qui en ressortaient, chaque Guilde étant plus ou moins associée à une couleur dans la palette graphique du titre – est un peu passée à la trappe, la direction artistique étant tellement pressée de faire étalage de ses couleurs qu’elle en « trahit » quelque peu l’ambiance de la version de 1990. Le débat étant aussi ouvert que subjectif, je n’y prendrai personnellement pas part – mais je dois avouer que les objections stipulées ci-dessus ne me paraissent pas illégitimes. Quoi qu’il en soit, cette version reste sans conteste la meilleure, ne fut-ce que par le saut qualitatif de la musique.

NOTE FINALE : 17/20

Ironie étrange : la meilleure version de Loom est également la plus difficile à trouver. Tout le monde n’ayant pas un ordinateur japonais sous la main, je ne peux que vous conseiller l’usage du logiciel ScummVM afin d’émuler la machine – et sur le patch traduisant le jeu en français – si jamais vous parvenez à mettre la main sur cette version du jeu. Certains argueront que les graphismes de la version originale, en dépit d’une palette bien plus limitée, possédait une « âme » qu’on ne retrouve pas dans cette version multicolore. Mais si je devais vous donner un conseil, ce serait le suivant : jouez donc aux deux !

Version Amiga CDTV

Développeur : Lucasfilm Games LLC
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Allemand
Support : CD-ROM
Contrôleur : Souris
Version testée : Version allemande
Configuration minimale : Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Loom aura également partie des quelques rares élus à avoir fait le trajet jusqu’au CDTV – coûteuse escroquerie de Commodore qui aura rencontré un bide sidéral à peu près partout dans le monde sauf en Allemagne, où la machine sera parvenue à faire quelques victimes. Ceci dit, sans même mentionner le prix de ce qui n’était qu’un Amiga 500 avec un lecteur CD-ROM, on comprend mieux pourquoi personne ne se bousculait pour investir dans l’engin quand on découvre cette version, laquelle n’est rien de plus… que la version disquette gravée sur un CD-ROM. Les pistes numériques entendues sur FM Towns, sur PC ou sur PC Engine? Même pas en rêve ! Et pour bien situer l’étendue du foutage de gueule, même la protection de copie est toujours présente ! Ça valait bien la peine d’attendre deux ans… Bref, si le jeu est fort heureusement toujours aussi bon, acquérir ce portage ne présentera un quelconque intérêt qu’auprès des collectionneur les plus désespérés.

NOTE FINALE : 16/20

En tant que portage tirant parti du support CD-ROM (ou plutôt, ne le faisant pas), cette version CDTV de Loom mériterait un zéro pointé. Simple copier/coller de la version disquette, on sera heureux que ce portage totalement sans intérêt n’ait jamais eu l’idée d’être commercialisé ailleurs qu’en Allemagne. Mais en tant que version Amiga du jeu, eh bien, c’est toujours un bon point-and-click.

Version PC Engine CD

Développeur : Realtime Associates, Inc.
Éditeur : Turbo Technologies, Inc.
Date de sortie : 25 septembre 1992 (Japon) – 4 décembre 1992 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Configuration minimale : Super System Card requise

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour ceux qui souhaiteraient profiter de la musique CD, mais qui n’apprécieraient pas pour autant la direction artistique de la version 256 couleurs, il se peut que le compromis idéal vienne une nouvelle fois du Japon. Loom a décidément été gâté en posant ses valises dans le lointain Orient (même s’il n’a en fait pas eu besoin d’aller aussi loin, la console de NEC étant distribuée aux États-Unis) : cette improbable version PC Engine CD a tout pour plaire, et nous allons voir pourquoi.

Musicalement, premièrement, le jeu reprend à la note près les compositions réalisées pour la version FM Towns. On est donc toujours en présence de ce qui se fait de mieux – même s’il arrive à la musique de s’interrompre quelques instants à cause de petits temps de chargement. Les bruitages, eux, sont beaucoup plus basiques – allant taper dans les capacités hardware de la 8 bits qui porte décidément mal son nom. On reste dans tous les cas au-dessus de ce que proposaient les versions sorties en 1990 – dans le haut du panier, rien de moins.

C’est graphiquement que le jeu va peut-être (enfin) parvenir à réconcilier tout le monde. La console de NEC ne bénéficie certes pas de 256 couleurs – mais offre malgré tout une version à la fois très proche, et sensiblement plus travaillée que la version 16 couleurs. La palette légèrement étendue de la PC Engine permet en effet de se débarrasser de l’effet de « mosaïque » (dithering en anglais) qu’utilisait la version originale pour donner l’illusion d’une palette plus importante qu’elle ne l’était réellement, et de le remplacer par des aplats d’une autre couleur, tout en autorisant des dégradés impossibles dans la version EGA.

Concrètement, on a donc un jeu extrêmement fidèle, graphiquement parlant, à la version de 1990 tout en étant un peu plus coloré – ce qu’aurait dû être, en fait, la version Amiga si elle avait tiré parti de sa capacité à afficher 32 couleurs au lieu de 16. On pourrait donc décrire cette version comme une sorte de « FM Towns Light », l’avantage étant que le style graphique si particulier de la version 16 couleurs n’a été sacrifié à aucun niveau. Une excellente alternative, donc.

NOTE FINALE : 17/20

Les amateurs de Loom n’auront finalement que l’embarras du choix : pour ceux que la direction artistique de la version FM Towns faisait tiquer, la version PC Engine CD pourrait représenter la bonne pioche, avec sa musique CD et sa réalisation un cran au-dessus des versions 16 couleurs sans trahir en rien le style de la version originale.