Développeur : Namco Limited Éditeur : Namco Limited (Japon) – Namco Hometek Inc. (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) Titre original :Ace Combat (Japon) Testé sur :PlayStation Disponible sur : BREW
Date de sortie : 30 juin 1995 (Japon) – 9 septembre 1995 (Amérique du Nord) – 10 octobre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, NeGcon
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
L’avantage du présent, c’est que c’est le futur du passé.
Bon, laissez-moi développer un peu, parce que je sens que vous ne voyez pas très bien où je veux en venir.
Aujourd’hui, par exemple, on sait d’expérience que la licence des Ace Combat est une valeur sure, inscrite dans la durée, et qu’elle continue de vivre sa plus belle vie après plus de trente ans de bons et loyaux services. On peut donc en aborder chaque épisode en ayant pleinement conscience de sa place dans l’histoire vidéoludique au sens large, ainsi que de la trajectoire suivie sur le long-terme par les mécanismes et la philosophie de la saga.
Quitte à être monstrueusement riche, autant payer quelqu’un pour assurer vos arrières
On connait d’avance les impasses, on sait reconnaître les prémices de tout ce qui va fonctionner – un confort dont rêverait n’importe quel développeur. Et il est intéressant de chercher à aborder un épisode comme Air Combat sur PlayStation – le premier opus à quitter les salles d’arcade pour offrir une expérience domestique – précisément sous le prisme de ce que l’on sait, avec le recul, des forces et des faiblesses de la (longue) série. Ace Combat, de nos jours, c’est un peu le pinacle du simulateur de vol « light » : une expérience n’ayant jamais renié ses racines venues de l’arcade, et privilégiant l’action au réalisme ; les amateurs de technicité peuvent toujours aller jouer à Falcon 4.0, quand on juste envie de jouer à Top Gun avec un manche un balai, une gâchette et absolument aucune contrainte, on sait exactement vers quoi on va se tourner. Spoiler alert : toutes les prémices de cette approche sont déjà présentes dans cet épisode, parfois sous leur forme la plus « pure » – comprendre, la plus nue, et pas toujours la plus adroite.
Votre mission ? Tout détruire (et c’est chouette) !
Pour fêter ses débuts sur console, Air Combat commence par s’offrir un scénario – disons plutôt « un cadre » car face à une menace terroriste particulièrement vague ayant apparemment réussi à mener un coup d’État au sein d’un pays jamais nommé, l’important est que le joueur incarne un pilote mercenaire, et plutôt dans le genre « velu » – de ceux à qui on est prêt à confier à la fois le sort d’un pays et des sommes absolument stratosphériques en guise de rémunération, parce que parfois, un vrai héros vaut bien qu’on lui offre l’équivalent du budget de cinq ministères ; et puis qui aura besoin d’écoles, d’hôpitaux et de services publics dans son pays fraichement libéré de toute façon ?
La campagne, assez ouverte, vous permettra au moins de ne pas toujours refaire les mêmes missions
L’unique mode de jeu solo prend donc la forme d’une campagne d’une vingtaine de missions, mais avec sa dose d’embranchements – dans les faits, les joueurs pressés pourront tout-à-fait boucler le jeu en sept ou huit sorties si le cœur leur en dit. Ce qui pourra également se comprendre dans le sens où la campagne en elle-même n’offre aucun mécanisme de sauvegarde ; il faudra donc tout faire d’une traite, et cet aspect « semi-ouvert » a donc le mérite d’offrir une certaine forme de rejouabilité qui devrait malgré tout difficilement étendre la durée de vie de l’expérience au-delà de deux ou trois heures, sauf à jouer dans les modes de difficulté les plus exigeants.
Les décors et les ambiances changent, mais pas les objectifs ni les moyens de les atteindre
Chaque mission est précédé d’un briefing qui se charge de lister les objectifs, lesquels sont rarement plus complexes que ceux des opus parus sur bornes d’arcade : dans les faits, il s’agit toujours de détruire quelque chose, qu’il s’agisse de chasseurs, de bombardiers, d’avions de ravitaillement ou d’objectifs au sol (plus quelques navires).
Plus c’est gros, plus ça fait plaisir quand on le détruit
Les deux seules armes disponibles étant un canon doté d’une très généreuse réserve de munitions et des missiles fournis, là aussi, en quantités totalement irréalistes (imaginez à quoi ressemblerait un jet avec quarante ogives sous chaque aile…), il n’y a donc ni bombes, ni projectiles guidés, ni contremesures – le cœur du jeu sera du bon gros dogfight à l’ancienne livré à des vitesses ne correspondant pas du tout à celle des appareils supersoniques engagés. On est face à de la « simulaction » assumée, ce qui signifie qu’il n’y a toujours ni décollage, ni atterrissage, ni ravitaillement – ni rien de ce qui menacerait dangereusement de ressembler à un temps mort de plus de trente secondes, ce qui fait précisément le charme de ce type de programme. Tout juste pourra-t-on afficher un radar avec le bouton □, changer de vue avec Select, ou bien freiner ou activer la postcombustion avec les deux boutons de tranche – autant dire l’essentiel, et c’est très bien comme ça.
Quelle que soit votre cible, un missile ou deux (ou trois) fera toujours l’affaire
Chaque mission terminée permet d’encaisser des gains suffisamment colossaux pour que votre modeste pilote puisse carrément se payer un ou plusieurs nouveaux avions qui iront rejoindre les autres dans son hangar personnel. Chaque appareil a bien évidemment des caractéristiques spécifiques – certains sont même furtifs, ce qui n’a en fait pas grand effet une fois en jeu – mais le joueur n’a en revanche absolument aucune prise sur l’équipement : il n’y a qu’un seul type de canon, un seul type de missile et basta.
L’action tend à être simple et directe, et c’est tout ce qu’on lui demande
Et vu que le modèle de vol est quand même assez primitif, on ne peut pas dire qu’on ait besoin d’adapter sa façon de piloter d’un appareil à l’autre. Les missions, qui ne dépassent qu’occasionnellement les dix minutes, sont de toute façon très basiques, comme on l’a vu ; mais on peut néanmoins apprécier le fait que le programme ajoute quelques subtilités au fil de la campagne, comme la présence (facultative) d’un ailier à payer de votre poche en lui dictant à l’avance son comportement, ou bien des objectifs plus ambitieux (raser un pont suspendu, s’attaquer à une forteresse volante) ou plus originaux (voler en rase-motte au fond d’un canyon). Le défi est mesuré, le seul moyen d’éviter les tirs adverses est généralement de gesticuler en modifiant sa vitesse, et 95% des affrontements se résoudront à l’aide de vos missiles à tête chercheuse, le recours au canon étant le plus souvent fondamentalement inutile. Bref, c’est de l’arcade délayée avec quelques épices pour relever le plat, mais pas grand chose de plus que la borne d’Air Combat 22 en moins beau et avec beaucoup plus de contenu.
Les missions dans les canyons sont très simples, faute d’opposition
En dépit de la présence d’un sympathique mode deux joueurs en écran splitté (uniquement compétitif, certes, mais c’est toujours un excellent moyen pour décider qui va faire la vaisselle), l’expérience ne sera pas nécessairement du goût de tout le monde. En cause : une 3D pas très impressionnante (il n’y a pas grand chose à voir en dépit d’une louable variété dans les environnements et la distance d’affichage n’est pas extraordinaire), une vitesse poussive (surtout dans la version PAL), et une certaine lourdeur dans le maniement qui donne plus l’impression de piloter des biplans de la première guerre au ralenti que des jets lancés dans des combats tournoyants à pleine vitesse.
Et partir à l’assaut d’une forteresse volante, ça vous tente ?
Les joueurs les plus méfiants ou les plus pressés pourront donc être tentés d’aller voir directement les épisodes ultérieurs en fonction de leur degré d’attachement au rétrogaming ; néanmoins, même si l’action est moins viscérale et un tout petit peu moins efficace que sur la borne (où il n’y avait, pour le coup, vraiment aucune lenteur), on se surprend à prendre un plaisir véritable à enchaîner des missions rapides aux mécanismes simples – sans doute pas pendant des mois ni même des semaines, mais qu’importe. L’expérience manque encore d’un poil de profondeur, d’un soupçon de défi et d’une bonne dose de nervosité, mais elle fournit néanmoins les bases essentielles pour donner envie de découvrir ce qu’offriront les autres épisodes à sa suite. Et puisque cet envie a manifestement survécu plus de trois décennies avec une quinzaine d’opus commercialisés depuis lors, c’est qu’elle devait bien avoir visé au moins un peu dans le mille, non ?
Vidéo – La première mission du jeu :
NOTE FINALE : 15/20
Pour ses débuts sur console, la licence Ace Combat accomplit déjà l'essentiel de ce qui sera amené à faire sa renommée : une jouabilité arcade assumée, une action accessible, un réalisme aux abonnés absents et juste ce qu'il faut de variété pour avoir envie de relancer une mission. Air Combat ne brille peut-être dans aucun domaine en particulier – 3D pas très impressionnante, nervosité mesurée, profondeur absente – mais tous les éléments sont déjà en place pour se surprendre à se pencher sur son siège en attaquant un pont suspendu ou en volant en rase-motte dans un canyon. Rien de fondamentalement neuf – on pense souvent à Strike Commander ou à Comanche : Maximum Overkill – mais les joueurs n'ayant jamais eu envie de compulser 200 pages de manuel pour se lancer dans un simulateur de vol trouveront déjà tout ce qu'il faut pour s'amuser pendant quelques heures, et c'est très bien comme ça.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une réalisation assez sommaire avec une distance d'affichage limitée et très peu de détails au sol – Une jouabilité « arcade » qui manque rapidement de profondeur – Une campagne à mener d'une traite sans aucun moyen de sauvegarde
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Air Combat sur un écran cathodique :
Développeur : HAL Laboratory, Inc. Éditeur : Nintendo Co., Ltd. Titre original :星のカービィ 夢の泉の物語 (Hoshi no Kirby : Yume no Izumi no Monogatari – Japon) Titre alternatif :3D Classics : Kirby’s Adventure (3DS) Testé sur :NES Disponible sur : 3DS, Switch, Wii, Wii U – Figure au sein de la ludothèque pré-installée de la NES Mini Présent au sein de la compilation :Kirby’s Dream Collection : Special Edition (Wii)
Date de sortie : 23 mars 1993 (Japon) – Mai 1993 (Amérique du Nord) – 12 septembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 6Mb – Système de sauvegarde par puce interne
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
L’audace, c’est parfois de savoir arriver précisément là où on ne vous attendait plus.
En 1993, le monde du jeu vidéo filait à un train d’enfer, et mieux valait être attentif pour ne pas rater un wagon. La guerre commerciale opposant SEGA à Nintendo – et qui allait largement, a posteriori, résumer la génération 16 bits – était déjà bien engagée, pour ne pas dire qu’elle connaissait son apex, et les prémices de la génération suivante étaient déjà posés puisque le mois d’octobre de cette même année correspond à la fois à la date de l’annonce de la PlayStation par Sony et à celle de la commercialisation de la 3DO – la Jaguar allait suivre à peine un mois plus tard.
Chaque séquence est un peu comme un micro-casse-tête
Bref, alléchés par un avenir qui s’annonçait spectaculaire, la plupart des joueurs ne prêtaient plus aucune attention à la génération 8 bits, considérée comme morte et enterrée… et pourtant, c’est bel et bien sur NES – et exclusivement sur NES – qu’aura débarqué la deuxième aventure d’une petite boule rose qui avait connu ses débuts l’année précédente sur Game Boy : Kirby. Et alors qu’on aurait pu penser que ce choix osé scellerait d’entrée de jeu le sort de la jeune licence, il s’avéra qu’il fut un triomphe, car non seulement la NES n’était pas encore morte, en fin de compte, mais les joueurs restés coincés sur la génération précédente avaient, pour l’une des dernières fois de leur vie, une occasion de narguer ceux qui s’étaient laissés embarquer sur le train de la modernité. Il se trouve en effet que Kirby’s Adventure ne débarquait pas juste avec le savoir-faire d’HAL Laboratory et avec le contenu permis par une imposante cartouche de 6MB, non ; il arrivait aussi et surtout avec une idée tellement géniale qu’elle est devenue depuis totalement indissociable du personnage et de la licence.
Bienvenu au Pays des Songes – vous allez adorer la visite
Mais commençons par le commencement : le Pays des Songes est en émoi, et pour cause : ses habitants ne rêvent plus. Parti enquêter pour justifier son statut de héros et ses émoluments considérables, Kirby découvre que le Sceptre Étoilé qui assurait le bon fonctionnement de la Fontaine des Rêves a été dérobé par le Roi Dadidou – qui, non content d’assumer son crime en piquant tranquillement une tête dans ladite fontaine, a divisé le sceptre en sept parties qu’il a confiées à ses acolytes, lesquels se sont éparpillés dans le Pays des Songes !
Affronter un mini-boss vous permettra de récupérer son pouvoir, souvent surpuissant
Évidemment, devinez qui va partir à la recherche des sept parties du sceptre au sein de sept régions, elles-même divisées chacune en sept niveaux (dont un boss) ? Un programme particulièrement copieux qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Super Mario Bros. 3 – qui n’avait pas exactement été timide en matière de contenu, lui non plus – mais cette fois, les années sont passées, la technique a évolué, la mémoire coûte moins cher et les joueurs sont moins coriaces, ce qui signifie que la cartouche bénéficie d’une pile de sauvegarde qui fait une énorme différence avec le hit légendaire de Nintendo. De quoi se lancer dans une aventure de deux à trois bonnes heures sans avoir à craindre que maman éteigne malencontreusement la console qu’on avait volontairement laissé allumée en partant à l’école pour ne pas perdre l’avancement de sa partie.
Techniquement et artistiquement, le jeu est extrêmement solide
En termes de gameplay, Kirby’s Adventure commence par s’affirmer a priori comme un pur calque de l’épisode précédent sur Game Boy – ce qui n’est pas franchement un reproche, la jouabilité de la licence ayant été excellente depuis ses débuts. Notre boule rose continue donc de s’envoler au-dessus des passages de plateforme les plus problématique d’une simple pression sur la flèche du haut, il peut toujours absorber et recracher les ennemis et, tant qu’à faire, il a également ajouté une glissade à sa panoplie, parce que pourquoi pas.
Sous l’eau, le pouvoir de Kirby est limité
Mais la véritable nouveauté, l’idée géniale mentionnée plus tôt, celle qui change tout, se manifeste lorsque Kirby gobe un de ses ennemis avec la flèche du bas – ce qui, dans Kirby’s Dream Land, ne servait pour ainsi dire à rien. Sauf qu’ici, avaler un adversaire permet… de lui voler son pouvoir, et d’en faire usage contre les autres. Absorbez un chevalier en armure et aller ferrailler avec les habitant du pays des songes, ou bien digérez un cracheur de feu et devenez la star de tous les barbecues ! Cela ne fonctionne certes pas avec tous les habitants du Pays des Songes, mais la panoplie d’actions et de possibilités est déjà extrêmement généreuse – et, comme on peut s’en douter, une grande partie du jeu offrira une expérience très différente en fonction du pouvoir embarqué, quitte à savoir en abandonner un au bon moment en l’évacuant grâce au bouton Select. De quoi métamorphoser tout un game design !
Les boss du jeu demandent souvent de mémoriser quelques patterns simples
La vraie bonne nouvelle, c’est que cette idée géniale bénéficie cette fois d’un terrain de jeu à la mesure des possibilités qu’elle offre. Là où le premier opus était (trop) vite bouclé, Kirby’s Adventure s’étale comme on l’a vu sur plus d’une quarantaine de niveaux, et la bonne nouvelle est que la réalisation est à la hauteur du contenu. Saluons déjà la diversité hallucinante des environnements : souvent divisés en de multiples courtes séquences, les niveaux du jeu ne laissent absolument jamais la moindre forme de routine s’installer.
Le genre de passage qui est tout de suite plus simple avec le bon pouvoir
Non seulement le résultat est magnifique pour de la NES, mais en ayant la bonne idée de ne pas chercher à recycler les mêmes éléments de façon trop visible au sein d’un même univers, le jeu donne le sentiment de suivre un train d’enfer où le cadre change toutes les vingt secondes. Une philosophie correspondant d’ailleurs à la perfection au level design, qui s’efforce de proposer toute une sélection de mini-problèmes ludiques qui peuvent le plus souvent être résolus à la perfection en employant précisément le pouvoir d’une des créatures à proximité : des pentes à dévaler sous la forme d’une roue, une difficile séquence de chute entre des pointes facilité par l’usage d’un parapluie qui fait office de parachute, etc. Conséquence : on est souvent surpris, jamais lassé, et les niveaux s’enchaînent avec un plaisir tel qu’on en viendrait presque à regretter que le défi ne soit pas un peu plus relevé.
Comme dans Super Mario Bros. 3, l’aventure est entrecoupée de mini-jeux (facultatifs) qui apportent encore un peu plus de variété
Comprenons-nous bien : ce n’est pas tant que le titre d’HAL Laboratory soit une simple promenade de santé – la cartouche réserve quelques passages qui risquent de vous demander de nombreuses tentatives, surtout vers la fin – ; le truc, c’est surtout que le programme vous ensevelit sous une telle quantité de vies qu’il est très difficile d’apercevoir un écran de game over.
Ces énormes buzzers ouvrent l’accès à des parties cachées du monde
Chaque fin de niveau donne lieu à une petite épreuve de timing qui, bien exécutée, offre une vie ; de nombreux mini-jeux sont présent au fil des « hubs » qui séparent chaque niveau qui permettent, eux aussi, d’ajouter au total – et en ajoutant les nombreux raccourcis, passages secrets et salles bonus accessibles en jeu, terminer le jeu avec une trentaine de vies au compteur n’aura rien d’exceptionnel. Une accessibilité que certains jugeront un peu exagérée, mais qui ne pénalise heureusement en rien la qualité de l’expérience de jeu en elle-même : Kirby’s Adventure figure sans débat parmi les meilleurs jeux de plateforme de sa génération, et sans doute parmi les meilleurs jeux de plateforme tout court. C’est une des nombreuses magies qui confèrent à la NES son aura de légende : même en 1993, dix ans après la sortie de la Famicom, elle avait encore le pouvoir de faire des jaloux. Essayez cette cartouche et vous comprendrez immédiatement pourquoi.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 18,5/20
Le choix de proposer une exclusivité sur NES en 1993, à un an de la sortie de la génération 32 bits, avait quelque chose de particulièrement gonflé – mais le fait est que Kirby's Adventure fait partie de ces élus d'une trempe suffisante pour faire regretter aux joueurs d'avoir revendu leur console 8 bits. Prenez un héros charismatique, une jouabilité exemplaire, un univers adorable, ajoutez-y une idée géniale, un contenu dantesque et une variété impressionnante et vous obtiendrez une véritable référence du jeu de plateforme, apte à aller chatouiller jusqu'au gigantesque Super Mario Bros. 3 en personne ! Rarement épopée aura été aussi efficace et aussi ludique d'un bout à l'autre, et même si certains regretteront que le défi ne soit pas un peu plus conséquent, il est pratiquement impossible de s'ennuyer en compagnie de la petite boule rose qui méritait déjà pleinement d'être une star. Que vous aimiez le genre ou que vous possédiez une NES – ou même si aucune de ces deux hypothèses n'est vraie –, le titre d'HAL Laboratory est tout simplement un indispensable. Quelle claque !
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un défi largement dilué par le nombre hallucinant de vies mises à votre disposition par le programme
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Kirby’s Adventure sur un écran cathodique :
Note : L’émulation du Namco System 22 étant encore imparfaite au moment du test, il est possible que les captures d’écran ne correspondent pas avec exactitude au rendu de la borne.
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Quand il s’agit de piloter (virtuellement) des avions de chasse, il y a deux écoles.
Faire le tour des modes de jeu ne devrait même pas laisser à votre café le temps de refroidir
La première, c’est de penser que le véritable aspect grisant de la chose, c’est précisément son réalisme. Quitte à avoir raté une magnifique carrière de pilote pour cause de myopie, rien ne vaut la revanche de consacrer quarante-cinq heures à se former sur Flight Simulator histoire de savoir faire la différence entre un altimètre et l’autoradio (« Quelle est votre altitude ? – Hmmm, je dirais RMC ») et de prouver au monde que si on nous avait laissé notre chance, rien ne nous aurait empêché de jouer les Tom Cruise dans Top Gun. Et puis il y a la deuxième, à savoir se dire que ce qui demande du travail cesse par définition d’être du loisir, et que c’est fondamentalement au moins aussi intéressant de se débarrasser de toutes les contingences techniques pour nous laisser nous livrer à l’essentiel : jouer à piou-piou avec un manche à balai pendant cinq minutes avant de retourner bosser, parce que c’est tout le temps que ça mérite qu’on y consacre.
Des cibles faciles juste devant vous : le pied
Curieusement, après avoir été un véritable pionnier dans le domaine de la deuxième catégorie avec les deux After Burner, SEGA aura semblé quelque peu avoir lâché le concept. Il faut dire que des bornes comme G-LOC : Air Battle et Strike Fighter, en plus d’avoir connu un rendement commercial sans commune mesure avec celles des deux références évoquées plus haut, commençaient à trahir un certain manque d’idées, pour ne pas dire une impasse absolue en termes de technique comme de game design.
Le ravitaillement en vol, c’est simple : suivez les flèches
À tel point que, surprise, en 1993 c’est bel et bien le grand rival Namco qui semblait avoir repris le filon – et sans opposition, qui plus est – avec Air Combat (et si jamais vous vous demandez pourquoi la borne n’est pas encore testée sur le site, la réponse est simple : l’émulation du System 21 est encore trop lacunaire pour permettre un test), point de départ pas forcément très connu d’une licence qui se porte encore très bien de nos jours, mais désormais sous le nom d’Ace Combat. Et au moment de lui donner sa première suite, en 1995 – trois mois à peine avant qu’un autre opus ne débarque sur PlayStation –, Namco l’aura logiquement intitulé… Air Combat 22. Non, ce n’est pas une coquille, juste une façon d’indiquer que la borne tourne sur le successeur du System 21, le System 22. Ah, vous voyez que quand on l’explique, c’est parfaitement logique.
La mise en scène fait sans doute moins d’effet qu’en 1995, mais cela reste assez joli
Par essence, Air Combat 22 ne cherche d’ailleurs pas vraiment à être beaucoup plus que la mise à jour du précédent opus. Le menu est assez simple : trois jets qui se pilotent peu ou prou de la même manière (un F14 Tomcat, un F22 Raptor et un Su-27), une même mission déclinée en deux modes de difficulté (les deux premiers modes visibles sur le menu correspondant au fait d’afficher ou non des explications pendant la partie), un manche à balai, une manette des gaz, et à vous le plaisir de conquérir les cieux.
Inutile de gaspiller vos missiles sur les bombardiers : profitez-en pour vous entraîner au tir au canon
Oh, et au cas où les cinq grosses minutes nécessaires à compléter le jeu vous laisseraient sur votre faim, un mode « Dogfight » permettra d’affronter des appareils ennemis de plus en plus doués les uns à la suite des autres sans avoir à s’embarrasser avec une bribe de scénarisation ou de mise en scène – et uniquement en vue subjective, étrangement, alors que le mode principal, lui, se joue à la troisième personne. On pourra donc regretter qu’un simple bouton ne permette pas de basculer à la volée d’une vue à l’autre, comme cela aura vraisemblablement été assez simple à intégrer.
On fonce en piqué et on recommence, pourquoi compliquer les choses ?
L’action en elle-même n’est pas plus complexe, et c’est à la fois ce qui fait sa grande force et celle de toute la licence à sa suite. Fondamentalement, vous prenez les commandes avec un avion déjà en vol (aucun décollage ou atterrissage à gérer) et vous devez détruire des vagues d’appareils ennemis dans un laps de temps donné, à l’aide de votre canon et de vos missiles à tête chercheuse, à munitions limitées dans les deux cas.
Ce décollage est purement cinématique : le jeu vous fera toujours commencer dans les airs
Il n’y a pas de cibles au sol à l’exception d’un porte-avion ennemi qui servira d’objectif lors de la dernière phase du mode principal, rien qui ressemble à de la DCA ou à des batteries sol-air, et l’essentiel du jeu se résumera donc à manœuvrer pour se placer dans les six heures des chasseurs et bombardiers adverses afin d’en faire des cibles faciles – en jouant avec votre vitesse pour s’efforcer de rester assez près pour qu’ils n’aient pas le temps de déployer des contre-mesures pour stopper vos missiles. Certes, votre propre chasseur ne bénéficie pas de cette capacité, mais il est de toute façon particulièrement solide, et puis hé, ça doit quand même être difficile de trouver de la place pour ranger les contre-mesures alors qu’il a déjà huit missiles sous chaque aile.
Pour économiser ses missiles, mieux vaut les tirer de très près
En l’état, tout est dit : on participe à la forme la plus simplifiée et la plus viscérale des dogfights, et ça fonctionne très bien. La jouabilité arcade est parfaite, suffisamment réaliste pour qu’on se sente bien plus aux commandes que dans After Burner sans jamais avoir à se soucier de tracasseries comme le voile noir, le voile rouge, ou même le sol ou la gravité la plupart du temps.
On ne peut pas mourir, dans le jeu : au pire, votre pilote trouve toujours le temps de s’éjecter
La 3D de pointe de 1995 n’a pas trop mal vieilli, même si la distance d’affichage est assez limitée et qu’il n’y a pas grand chose à voir au sol ; c’est lisible et parfaitement fluide, et on se prend au jeu à tous les niveaux, y compris lors de la phase bonus proposant de se ravitailler au vol en échange de secondes supplémentaires. Seul petit défaut : aucun moyen de consulter l’état de son avion tandis qu’il se fait canarder – ça n’aurait quand même pas été compliqué de glisser une jauge de vie quelque part. Est-ce réellement amusant plus de dix minutes ? Sans doute pas, faute de profondeur, de contenu et de renouvellement – la saga se montrerait un peu plus ambitieuse à ce niveau sur consoles – mais il faut bien reconnaître que pendant ces dix minutes, on s’amuse au moins autant que pendant n’importe quelle mission de n’importe quel épisode de Wing Commander. C’est de la « simulaction » taillée sur mesure pour l’arcade, et comme tout ce qui est bon, ça l’est parce que c’est suffisamment court et intense pour ne pas avoir le temps de devenir ennuyeux. Autant dire une très bonne affaire, en échange de quelques pièces.
Note : Bien que la borne ait apparemment été commercialisée aux États-Unis, la seule version actuellement disponible dans des conditions d’émulation correctes est la version japonaise. Très honnêtement, cela ne devrait pas beaucoup vous gêner pour trouver quelle gâchette correspond au canon et laquelle correspond aux missiles.
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 15,5/20
Décidément toujours dans les bons coups, Namco démontrait une nouvelle fois en 1995 qu'en termes de simulateur de vol « allégés » à destination de l'arcade, la firme n'avait aucun complexe à nourrir face aux meilleures bornes de SEGA. Avec un très bon équilibre entre le fun et l'immédiateté de l'arcade et juste ce qu'il faut de réalisme pour y croire et se sentir aux commandes, Air Combat 22 capitalise à merveille sur les bases de son prédécesseur tout en offrant une réalisation remise à jour et qui a plutôt bien vieilli. Dommage que le contenu se limite à plus ou moins la même (courte) mission en deux niveaux de difficulté et à un mode « gunfight » qui aurait été plus divertissant contre un autre joueur, car pour l'essentiel les dix minutes qu'on y consacre donnent envie d'y revenir pour y passer beaucoup plus de temps. De la « simulaction » efficace comme on l'aime.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un contenu malingre, même pour une borne d'arcade – Vue imposée, alors que les deux modes étaient disponibles et qu'on aurait facilement pu passer de l'un à l'autre avec un bouton dédié – Aucun moyen de consulter les dégâts subis par l'avion
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Air Combat 22 sur une borne d’arcade :
Développeur : Kalisto Entertainment SA Éditeur : Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) – Activision, Inc. (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Inc. (Japon) Titre alternatif :Gothik (titre de travail) Testé sur :PlayStation – PC (Windows 9x) – Nintendo 64
La licence Nightmare Creatures (jusqu’à 2000) :
Nightmare Creatures (1997)
Nightmare Creatures II (2000)
Version PlayStation
Date de sortie : 31 octobre 1997 (Amérique du Nord) – 15 janvier 1998 (Europe) – 26 février 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc (PAL/NTSC-J) ou 2 blocs (NTSC-U)) ou par mots de passe
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
On évoque souvent, en rétrogaming, les perles méconnues injustement passées sous les radars, les fameuses « hidden gems » comme disent les anglosaxons qui ont toujours un mot ou une expression pour tout, et à propos desquelles les passionnés aiment s’étendre avec passion pour promouvoir un excellent jeu ou un programme novateur qui aurait mérité – à leurs yeux – une meilleure reconnaissance.
Un monstre solidement barricadé derrière des barils explosifs, et le jeu vous fournit même le pistolet pour les faire sauter
Ce dont on parle moins, ou alors au fil d’échanges non moins enflammés, ce sont des titres en situation inverse : ceux qui ont connu un réel succès commercial, et dont on se demande encore pourquoi. Des programmes survendus, ayant outrageusement profité d’une campagne marketing agressive ou d’une presse étrangement décidée à parler d’eux à chaque numéro pendant des mois… et puis parfois, plus étrangement encore, des jeux qui semblaient déjà diviser tout le monde à leur sortie sans jamais soulever un consensus et qui, malgré tout, se sont attirés les faveurs d’un grand nombre de joueurs.
« L’Enfer est un couloir » (moi)
Nightmare Creatures, par exemple, correspond assez largement à cette description. Imaginé par les français de Kalisto Entertainment – qui avaient fait beaucoup de chemin depuis la fondation du studio, alors nommé Atreid Concept, par Nicolas Gaume en 1990.
Si vous aimez la brume, vous allez adorer l’ambiance
Racheté par le groupe britannique Pearson pour devenir Mindscape Bordeaux en 1995, le studio avait racheté 100% de ses parts l’année suivante pour prendre le nom qu’on lui aura connu jusqu’à son dépôt de bilan en 2002, et proposer à peu près en même temps qu’un autre de leurs titres, un jeu d’aventure nommé Dark Earth, un beat-them-all en 3D qui attirait surtout les regard pour son ambiance horrifique encore rare en 1997 (Resident Evil venait alors à peine de sonner les débuts de la popularité du survival horror) et par son cadre : une cité de Londres à l’époque victorienne qui avait elle aussi été assez peu mise à contribution à l’époque. De quoi offrir un supplément de personnalité au titre, et laissez espérer aux joueurs une visite suffisamment marquante pour qu’ils s’y déplacent en nombre – plus d’1,5 millions d’exemplaires vendus au total, ce qui est loin d’être anecdotique. Et pourtant, qui aujourd’hui parle encore de Nightmare Creatures ? Eh bien nous, aujourd’hui, visiblement, alors autant s’y atteler dès à présent pour comprendre ce qui a fait mouche à l’époque.
Les sauts ne représenteront sans doute pas votre activité préférée dans le jeu
Le récit gravite donc, comme le dévoile la cinématique d’introduction, autour d’un homme de science nommé Adam Crowley – une référence à peine voilée à Aleister Crowley, un occultiste ayant créé sa propre religion au début du XXe siècle – qui a apparemment décidé d’occuper ses journées à trifouiller des cadavres au nom d’une mystérieuse Confrérie d’Hécate dont il serait le fondateur.
Les combats se compliquent quand il faut commencer à manœuvrer entre les flammes
En résultent des créations monstrueuses qui commencent à se répandre dans les rues de la ville pour y semer la mort, ce qui encourage deux aventuriers, l’exorciste Ignatius et Nadia, une jeune femme dont le père a été assassiné par Crowley, à se lancer à la poursuite du fâcheux le temps d’une nuit de chaos où ils ne croiseront curieusement jamais un être humain ou le moindre policier en patrouille (« mais où passent nos impôts ? »). Au menu : vingt niveaux d’exploration et de combats acharnés contre les « créatures cauchemardesques » du titre, aux commandes de l’un des deux protagonistes présentant des capacités équivalentes mais des caractéristiques différentes (Nadia attaque plus vite qu’Ignatius, ce qui fait déjà une excellente raison de la sélectionner au début de l’aventure). Les nouveaux venus pourront également être tentés de choisir la difficulté « facile » (la seule alternative étant « difficile », pas de mode intermédiaire à espérer) histoire de profiter de quelques aides et conseils livrés dans le feu de l’action histoire de les guider un peu pour leurs débuts en terres londoniennes.
Le jeu ne comporte que quatre boss, mais vu le résultat, c’est sans doute bien assez
Le gameplay est relativement classique pour un beat-them-all, fut-il en 3D : un bouton pour attaquer avec l’arme du joueur (un bâton pour Ignatius, un sabre pour Nadia), un autre pour frapper avec les pieds, un bouton de saut qui ne sera utile que pour des séquences de plateforme particulièrement malvenues (nous y reviendrons), une parade qui le sera bien davantage lors des affrontements, et la gestion des divers bonus qui iront rejoindre l’inventaire après avoir été collectés (armes, explosifs, gel des adversaires, soins…) se fait via L2, tandis que R2 sert à les employer. Et les deux autres boutons de tranche ?
Bien que les événements se déroulent tous au cours de la même nuit, vous ne parcourrez qu’une seule fois un environnement couvert de neige
Eh bien ils sont naturellement attribués aux déplacement latéraux, le titre employant le système de déplacement popularisé par Tomb Raider un an plus tôt et qualifié depuis lors de « tank », comprendre qu’il est impossible d’avancer et de changer de direction en même temps, d’où une lourdeur certaine dans le maniement de personnages qu’on aura souvent de très bonnes raisons d’essayer de garder en mouvement. Les combats reposent sur un mécanisme de combo assez basique (rarement plus de quatre coups d’affilée) qui permet d’apporter un peu de technicité, et on appréciera que les pas de côté s’effectuent en restant centré sur le plus proche ennemi (enfin… le plus souvent), ce qui permet de tourner assez facilement autour d’un adversaire sans avoir à lutter avec la maniabilité « tank » mentionnée plus haut. Bref, sur le papier, on a exactement les bases pour aller casser du monstre horrible dans les rues de Londres pendant le temps qu’il faudra.
L’histoire du jeu semble n’exister que pour offrir un peu de lecture pendant les temps de chargement
Commençons donc par saluer le domaine par lequel Nightmare Creatures parvient à avoir un réel cachet : son cadre. Certes, celui-ci a largement perdu de sa fraîcheur et de son originalité depuis 1997, mais il y a indubitablement quelque chose qui fonctionne dans ces rues londoniennes brumeuses plongées dans les ténèbres (faut-il préciser que la totalité de l’action se déroule de nuit ?), avec une véritable visite guidée de tous les poncifs du genre : les égouts, les docks, le parc, le zoo, l’abbaye de Westminster…
Je ne le voyais pas comme ça, le zoo de Londres !
Une esthétique encore novatrice à l’époque, avec des monstres assez classiques (loups-garous, zombis, gargouilles…) et d’autres à l’apparence plus dérangeante préfigurant dans une certaine mesure les horreurs que l’on pourrait rencontrer deux ans plus tard dans une Silent Hill au brouillard encore plus omniprésent. Disons que le titre a la bonne idée d’être une sorte de survival horror (par l’atmosphère davantage que par les mécanismes) qui ne se contente pas de cloner bêtement Resident Evil, et ceux-ci n’étaient pas exactement nombreux en 1997. La narration, de son côté, est d’autant plus anecdotique qu’elle est pour ainsi dire entièrement contenue dans… les écrans de chargement du jeu, lesquels vous dévoilent en quelques lignes le déroulement de votre enquête – laquelle se résume, dans les faits, à parcourir des environnements ressemblant souvent à de longs couloirs sans jamais croiser une autre forme de vie que les monstres (à part les rats et quelque chauve-souris), d’où une absence totale de dialogue ou simplement de scripts – si l’on exclut les quelques apparitions d’Adam Crowley que vous allez passer la totalité du jeu à pourchasser.
Les combats nécessitent rarement une stratégie plus pointue que de marteler un bouton
Les limites, comme on pouvait le craindre, apparaissent surtout du côté du gameplay en lui-même. Dans un jeu composé à 80% de combats, on ne peut hélas pas dire que l’approche varie d’un affrontement à l’autre, tant les ennemis – déjà pas assez variés, moins d’une dizaine de modèles répétés ad nauseam – tendent à tous s’affronter exactement de la même façon. Le système de combo, très mal détaillé (pas un seul d’entre eux présenté dans le manuel, par exemple) et beaucoup trop raide pour encourager l’expérimentation, ne sert de toute façon pas à grand chose : 100% des rencontres peuvent être résolues en spammant en boucle l’attaque de base, la seule subtilité étant de parvenir d’abord à coincer l’ennemi contre un mur.
Les décors ne s’éloignent qu’assez rarement des rues de Londres, au final
Car tant que ce n’est pas le cas, les attaques adverses ont une fâcheuses tendance à passer arbitrairement au-dessus des vôtres même quand vous frappez en premier, ce qui oblige à recourir très fréquemment à la parade le temps de trouver la faille – ou de faire un pas de côté au bon moment histoire de passer dans le dos de l’adversaire. Une fois le truc assimilé, les vraies difficultés ne se présentent que lorsqu’il faut faire face à plusieurs ennemis à la fois – et lorsque le système de verrouillage déficient du jeu peut alors convoler en juste noces avec la raideur de la maniabilité et avec la caméra incapable de rester sagement dans le dos de votre personnage pour vous offrir quelques pics de frustration où l’on se fait un peu trop systématiquement trucider pour de mauvaises raisons – détail toujours énervant dans un titre où il est strictement impossible de sauvegarder pendant les missions, qui sont heureusement rarement très longues. Notons d’ailleurs l’existence d’un système de démembrement qui permet d’écourter les combats – mais qui se révèle bien trop aléatoire pour pouvoir composer un mécanisme stratégique à proprement parler ; un bon résumé de la plupart des composantes du titre.
Les éclairages sont globalement assez réussis
Car le vrai problème du jeu est surtout qu’il semble chercher à embrasser ses limites plutôt qu’à les corriger, comme lors de combats de boss où la grande difficulté est de parvenir à bouger vite et précisément dans un jeu où c’est quasiment impossible, ou lors de séquences de plateforme à la précision catastrophique qui demeurent heureusement assez rares après un ignoble galop d’essai dans les égouts du début du jeu où vous risquez de perdre un bon paquets de vie à comprendre à quelle distance va atterrir votre personnage.
Affronter deux ennemis est toujours beaucoup plus délicat que d’en affronter un seul
La plus mauvaise idée de toutes est cependant matérialisée par une jauge d’adrénaline qui se remplit à chaque monstre vaincu et qui se vide automatiquement le reste du temps, jusqu’à vous faire perdre de la santé en continu. Sa seule fonction ? Vous placer l’épée de Damoclès d’une limite de temps arbitraire au-dessus de la tête pour bien vous empêcher d’explorer les niveaux et vous empêcher de découvrir les nombreuses caches de bonus et autres améliorations de votre équipement qui auraient pu récompenser vos tentatives de parcourir le jeu autrement qu’en ligne droite. LA SEULE ! En imposant de la sorte un rythme éprouvant au joueur condamné d’avancer au pas de course jusqu’au prochain monstre, le jeu tend à dégrader encore un peu plus vite un game design déjà pas exactement pensé en profondeur, et réduit de facto son expérience à environ quatre heures de jogging en ligne droite dans des environnement pas assez variés, à enchaîner des combats trop semblables contre des ennemis qui ne se renouvèlent pas beaucoup non plus. C’est un peu court, jeune homme…
Plus ils sont gros et plus ils font de bruit quand ils tombent !
C’est d’autant plus dommage qu’en dépit des limites évidentes du gameplay, on ne passe objectivement pas un mauvais moment lors des deux premières heures de jeu – en fait, on se surprend même à penser qu’on y reviendrait volontiers si seulement le titre avait le bon goût d’afficher un peu plus d’ambitions dans tous les domaines: des niveaux plus longs, plus ouverts et plus variés, des ennemis plus malins, des combats plus techniques, une exploration enfin valorisée…
Vers la fin du jeu, la jauge d’adrénaline se vide si vite qu’on a à peine le temps de ramasser les bonus
En l’état, on est surtout content que le jeu ne soit pas plus long puisqu’il a pour ainsi dire éventé la totalité de ses possibilités bien avant l’affrontement final (d’ailleurs pas très bien pensé, lui non plus) contre Crowley. L’exemple type d’un logiciel mal dégrossi au burin et vendu tel quel alors qu’il aurait réellement pu ressortir transfiguré en bénéficiant de six mois de développement supplémentaire, et qui aura bénéficié d’un succès de curiosité en s’appuyant sur sa direction artistique vaguement originale avant de sombrer dans l’oubli en un temps record – avant même la sortie du deuxième épisode, le soufflé était déjà retombé, et ce qui devait devenir une licence à succès n’aura au final pas fait de vieux os. Reste aujourd’hui un logiciel habité d’une certaine atmosphère et qui se laisse découvrir le temps d’une partie complète – mais sans doute pas de deux. Il faudra s’en contenter.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 14,5/20
Succès commercial un peu inattendu au moment de sa sortie, le Nightmare Creatures des français de Kalisto n'est fondamentalement pas grand chose de plus qu'un beat-them-all en 3D se déroulant dans une ville de Londres de l'ère victorienne fantasmée. L'ambiance horrifique fonctionne et permet de découvrir le jeu avec une certaine curiosité, mais il faut bien reconnaître qu'au bout du centième combat contre une sélection d'ennemis trop limitée, le programme commence à s'essouffler d'autant plus irrémédiablement que la jouabilité manque de précision, le gameplay de profondeur, et que le game design choisit de pénaliser arbitrairement et stupidement la seule chose qui pourrait le relever un peu, à savoir l'exploration. Reste un titre qui se parcourt sans déplaisir – à condition, bien sûr, de ne pas être allergique à la maniabilité « tank » et à la 3D de 1997 – mais qui échoue à être autre chose qu'un jeu couloir trop répétitif pour son propre bien.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Les fameux contrôles « tank » à l'ancienne qui risquent de ne pas plaire à tout le monde... – ...cumulé à une caméra elle aussi parfaitement inscrite dans son époque... – ...d'où une imprécision dommageable dans un jeu où elle devrait être irréprochable – Le mécanisme de la jauge d'adrénaline, dont la seule fonction semble être de pénaliser l'exploration – Ca aurait vraiment été tuant de proposer une version française, surtout pour ce qu'il y a à traduire ?
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Nightmare Creatures sur un écran cathodique :
Version PC (Windows 9x)
Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Activision, Inc.
Date de sortie : 11 décembre 1997 (Amérique du Nord) – 5 mars 1998 (Europe)
En 1997, le PC avait eu le temps de redevenir la machine de pointe en termes de 3D grâce à la démocratisation des cartes accélératrices – et on se doute qu’un titre comme Nightmare Creatures n’avait aucune raison de faire l’impasse sur l’insubmersible ordinateur sur lequel il a vraisemblablement été au moins partiellement développé.
Si vous aimez la 3D lisible, autant jouer sur PC
Bien évidemment, inutile de chercher des différences avec la version PlayStation du côté du contenu, et le gameplay n’a subi aucune adaptation – comprendre qu’il est donc toujours impossible de sauvegarder en cours de niveau, contrairement à ce qui était l’usage sur la machine. Graphiquement, le jeu peut s’afficher dans des résolutions bien plus élevées que sur la machine de Sony, et la gestion des deux API les plus répandues de l’époque lui permet d’afficher une image plus lisible, ainsi qu’un framerate virtuellement illimité. Du côté de la maniabilité, Windows 95 ne gérant pas plus de quatre boutons sur un joystick, il faudra de toute façon passer par le clavier pour la gestion de l’inventaire, mais globalement les commandes « tank » tendent à être plus précises au clavier, qui constitue donc pour l’occasion une excellente alternative. Bref, c’est la même chose que sur PlayStation en plus fin et en plus fluide, mais peut-être en légèrement moins jouable si vous espériez jouer intégralement au joypad.
NOTE FINALE : 15/20
Copie très propre pour Nightmare Creatures sur PC, qui délivre exactement la même expérience que sur PlayStation mais avec une réalisation supérieure. La maniabilité pourra en revanche s’avérer un peu plus lourde, mais rien qui dégrade irrémédiablement un maniement « tank » de toute façon particulièrement adapté au clavier.
Version Nintendo 64
Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Activision, Inc.
Date de sortie : 30 novembre 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 128MB Système de sauvegarde par mot de passe ou Controller Pak Rumble Pak supporté
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Quitte à faire attendre les joueurs un an pour avoir le droit de jouer à Nightmare Creatures sur Nintendo 64, Kalisto en aura profité pour opérer quelques petits réajustements sur son jeu – certains dictés par le hardware, d’autres probablement par la lecture appliquée de centaines de lettres d’insultes. Du côté des contraintes « techniques » : format cartouche oblige, la cinématique d’introduction ainsi que celle de fin sont passées à la trappe, remplacées par un simple pavé de texte défilant sur une scène réalisée avec le moteur du jeu.
C’est plus fin et ça tourne mieux. On ne va pas s’en plaindre…
Les temps de chargement ayant eux aussi disparu, l’histoire est désormais racontée via un texte surimprimé sur l’action au début ou à la fin d’un niveau. La jouabilité qui place les pas de côté et le blocage sur les boutons C pourra également demander un temps d’adaptation. En revanche, du côté des bonnes nouvelles, le jeu profite également d’une résolution regonflée en 512×240 (contre 320×256 sur la version PlayStation), ainsi que d’un framerate doublé en 60ips – c’est notable, et l’expérience en ressort plus naturelle et plus nerveuse. Cette version est surtout la seule à proposer une option qui aurait dû figurer dans toutes les autres versions : celle de désactiver purement et simplement cette satanée jauge d’adrénaline qui ne sert à rien pour pouvoir prendre le temps d’explorer chaque niveau à son rythme. De quoi donner une vraie bonne raison, pour une fois, d’oublier quelques vidéos inutiles pour profiter d’un portage un peu mieux pensé que ses prédécesseurs.
…mais la meilleure nouvelle reste la possibilité de jouer sans l’adrénaline, et ainsi de pouvoir enfin explorer les niveaux
NOTE FINALE : 15/20
Nightmare Creatures sur Nintendo 64 a beau perdre en narration et en mise en scène, format cartouche oblige, sa réalisation et son framerate augmentés lui permettent de faire mieux que la version PlayStation – et la possibilité de se débarrasser de l’encombrante jauge d’adrénaline pourrait même amener certains à préférer cette itération à celle parue sur PC. Un bon moyen de découvrir le jeu aujourd’hui.
Développeur : Media.Vision Entertainment Inc. Éditeur : Sony Computer Entertainment Inc. (Japon) – Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) Titre original :Gunners Heaven (Japon) Disponible sur : PlayStation 3, PS Vita, PSP
Version PlayStation
Date de sortie : 28 avril 1995 (Japon) – 29 septembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : –
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Le line-up de lancement d’une console tend généralement à laisser des souvenirs émus aux nostalgiques dont le premier contact avec leur machine bien-aimée s’est souvent fait via le jeu vendu en bundle avec celle-ci – ou, à défaut, via l’un des autres titres disponibles au premier jour de commercialisation. Si jamais vous croisez un joueur qui vous parle encore d’Altered Beast avec des sanglots dans la voix, vous pouvez par exemple parier sans trop de risque que vous avez affaire au possesseur enthousiaste d’une Mega Drive, et les impatients s’étant portés acquéreur d’une PlayStation dès le mois de septembre 1995 vous parleront sans doute encore de leurs premiers instants sur WipE’out” ou sur Battle Arena Toshinden.
Choisissez votre héros en fonction de votre style de jeu
Seulement voilà : les joueurs qui investissent dans une nouvelle machine aiment en prendre immédiatement plein les yeux et les oreilles et avoir le sentiment de s’essayer à une expérience n’ayant rien en commun avec celle de la génération précédente – quitte à s’intéresser à la forme davantage qu’au fond, ce qui peut expliquer que des titres de lancement pourtant objectivement réussis comme Jumping Flash! n’aient suscités que peu d’enthousiasme en Europe, probablement pénalisés d’appartenir à un genre trop lié à la génération précédente (la plateforme) ou d’afficher une esthétique acidulée ne correspondant pas à l’image sombre et décalée avec laquelle la PlayStation avait été promue en occident. C’est également le sort qui a attendu un certain Rapid Reload, souvent mis de côté comme une pièce à conviction honteuse par la presse du vieux continent. Son crime, sa grande faute ? Il était en 2D. Ah, le monstre.
De la vraie bonne action en 2D sur PlayStation ? On a ça.
Rapid Reload est effectivement le type de jeu dont on n’aura pas eu l’occasion de voir beaucoup d’exemples sur PlayStation : un run-and-gun en vue de profil à l’ancienne, avec un style graphique et un gameplay faisant immédiatement penser à un certain Gunstar Heroes – il y a pire, comme référence. Le titre vous place aux commandes d’un chasseur de trésors à choisir parmi deux : un homme (Axel Sonics) et une femme (Ruka Hetfield), qui ont le mérite d’être chacun livré avec sa propre sélection de tirs – nous y reviendrons.
Bénéficier de davantage d’extérieurs aurait été appréciable
Avec leur bonne bouille fleurant bon les personnages principaux d’une licence à la Metal Slug (laquelle ne verrait le jour, rappelons-le, qu’un an plus tard), nos deux héros ont pour principal défaut de ne pas pouvoir être joués simultanément, l’expérience étant strictement solo. Quant à leur quête pour l’étrangement orthographié « Valkiry », il faudra aller en chercher les détails dans le manuel, car le jeu ne profite absolument pas du support CD-ROM pour bombarder le joueur de scènes cinématiques animées histoire de présenter l’enjeu, les personnages, et un grand méchant qu’on voit en tout et pour tout cinq secondes à l’écran – un peu dommage. Un enrobage qui aurait probablement aidé le logiciel à se débarrasser au moins partiellement de l’étiquette infamante de « jeu 16 bits » que tendait à lui coller une presse vidéoludique trop pressée de retourner jouer à Ridge Racer pour s’intéresser à cet avatar dépassé d’un passé révolu.
Le titre s’efforce de varier les situations, quitte à opter pour un niveau de shoot-them-up
Dans son système de jeu, Rapid Reload fait une nouvelle fois penser à Gunstar Heroes – pas de combinaisons de pouvoir ici, mais une sélection de quatre type de tirs entre lesquels les deux personnages pourront passer à la volée d’une simple pression sur le bouton △ : un tir standard frontal et relativement puissant, un lance-flammes dévastateur mais à la portée ou à la cadence plus réduite, un tir à tête chercheuse très pratique pour faire rapidement le ménage sans se soucier de visée, et un tir rebondissant contre les murs (ou les suivant, selon le héros) particulièrement adapté pour certains affrontement en espace restreint.
On doit souvent gérer beaucoup d’ennemis en même temps
Pour être employés à leur pleine puissance, ces tirs nécessitent de collecter des power-up servant à remplir le compteur de puissance indiqué en haut de l’écran, lequel décroit automatiquement avec le temps, même lorsque vous ne tirez pas. Pour compléter la panoplie, une smart bomb pas très efficace peut être lancée avec ⭘, maintenir L2 appuyé permettra à votre personnage de s’immobiliser pour consacrer la croix directionnelle à la direction du tir, et il est possible de s’accrocher automatiquement aux plateformes horizontales comme le premier Sparkster venu. Rien de follement original, mais une approche néanmoins relativement fraiche en 1995 – largement de quoi offrir l’action nerveuse qu’on était venu chercher.
Vous aimez les combats de boss ? Alors vous allez adorer Rapid Reload !
Les cinq niveaux du jeu prennent d’ailleurs une forme évoquant davantage un boss rush entrecoupé de phases de run-and-gun que celle plus « standard » d’un titre à la Metal Slug – un format rappelant énormément celui d’Alien Soldier, sorti à peine deux mois plus tôt au Japon. Néanmoins, là où le jeu de Treasure semblait considérer ses phases de run-and-gun comme de simples entractes principalement destinés à collecter des bonus pour se refaire une santé entre deux combat de boss, Rapid Reload fait le choix d’une distribution des séquences plus équilibrée qui a l’avantage d’apporter une certaine variété dans son rythme : chaque phase pose ses propres difficultés et appelle à ses propres réponses.
Les temps morts sont rares
Autant prévenir d’ailleurs les joueurs espérant s’en sortir uniquement grâce à leurs réflexes qu’après deux niveaux pas trop punitifs, le titre de Media.Vision Entertainment bascule vers sa deuxième moitié dans une difficulté nettement plus redoutable où le seul espoir de survie passera nécessairement par l’apprentissage scrupuleux des patterns de tous les boss, avec des timings se jouant parfois au dixième de seconde près et très peu de marge d’erreur. On pourra d’ailleurs regretter un équilibrage pas complètement cohérent, qui commence comme une sympathique promenade de santé avant de se transformer sans prévenir en die-and-retry hyper-exigeant, avec notamment un quatrième niveau tout-à-fait redoutable qui risque de vous résister un bon bout de temps, avant de s’achever sur un boss massif en trois phases nécessitant cinq bonnes minutes de lutte et qui doit être à la fois un des plus exigeants et un des plus jouissifs du genre ! En comparaison, le boss final ressemble à un simple amuse-gueule, et cette courbe de progression pas très régulière aurait mérité un peu plus de soin – et sans doute une option pour baisser ou augmenter un peu la difficulté, en fonction des attentes du joueur.
La narration aurait mérité davantage qu’une poignée d’écrans fixes
Car en-dehors d’un game design qui semble ne pas trop déterminer à qui il se destine (les casual gamers feront des cauchemars face à la deuxième partie du jeu, les hardcore gamers ne comprendront pas trop l’intérêt de la première), Rapid Reload est un titre efficace auquel on pourrait surtout adresser le reproche d’un certain manque d’ambition à l’échelle de la génération 32 bits : entre une mise en scène discrète échouant à donner un quelconque intérêt à un scénario inutile, des environnements tournant un peu trop autour des classiques du genre (usines, jungles, une autre usine…) et une esthétique globalement trop neutre échouant à doter les superbes sprites massifs d’un surcroit de personnalité, le jeu apparait comme un peu trop propre, un peu trop sage pour parvenir à réellement surprendre – or, la surprise était précisément ce que recherchaient le plus les joueurs au moment de découvrir cette fameuse « nouvelle génération » qui venait de leur coûter la totalité de leurs économies.
Le titre ne manque pas d’ennemis massifs
Avec le recul, cela reste un run-and-gun particulièrement bien réalisé et avec de vrais morceaux de bravoure qui aurait probablement reçu des notes dithyrambiques s’il était sorti à un autre moment et sur une autre console – au hasard sur une Saturn où la 2D était mieux accueillie. Sans se hisser au rang de référence incontournable, Rapid Reload est clairement un titre qui mérite de figurer dans la ludothèque de n’importe quel fan d’action exigeante et débridée, et dommage que l’obsession de l’époque pour la 3D l’ait empêché de bénéficier d’une suite venant corriger les quelques maladresses d’un galop d’essai pourtant très prometteur. Si vous cherchez ce jeu d’action auquel personne n’a joué sur PlayStation mais qui mérite clairement une seconde chance, vous venez sans doute de le trouver.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 17/20
Quelque part entre Gunstar Heroes, Alien Soldier et Metal Slug se trouve Rapid Reload, ce titre de lancement européen de la PlayStation que tout le monde a oublié parce qu'il a fait l'erreur d'être en 2D sur une console où cela est rapidement devenu un blasphème. Autant le dire : c'est très immérité, car sans rien inventer ni déplacer aucun curseur, le titre de Media.Vision Entertainment offre une action débridée et sans temps mort qui aurait été saluée sur à peu près n'importe quelle autre machine. Proposant un assez bon équilibre entre le boss rush et le run-and-gun, Rapid Reload souffre peut-être d'un léger manque d'idées, d'environnements pas assez variés et d'une difficulté qui côtoie parfois l'immonde et qu'on aurait bien aimer pouvoir paramétrer, mais il devrait rapidement toucher une corde sensible parmi les joueurs qui aiment les combats de boss dont on ne peut rêver de venir à bout qu'en en maîtrisant chaque pattern sur le bout des doigts. Exigeant et clairement pas pour le casual gamer – du moins pour sa deuxième moitié – mais très satisfaisant auprès d'un public qui sait exactement ce qu'il vient chercher.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une narration qui aurait gagné à mettre un peu plus à contribution le support CD-ROM – Une difficulté qui grimpe vite et qu'il est impossible de configurer – Des boss qui tirent parfois un peu en longueur – Un équilibrage perfectible qui fait que le jeu louvoie entre deux publics irréconciliables
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Rapid Reload sur un écran cathodique :
Développeur : SCE Studio Cambridge Éditeur : Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) – Sony Computer Entertainment America Inc. (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Inc. (Japon) Titres alternatifs :Dead Man Dan (titre de travail), MediEvil : Yomigaetta Garomea no Yūsha (Japon) Testé sur :PlayStation Disponible sur : Android, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation 5, PSP, PS Vita En vente sur : PlayStation Store (PlayStation 4, PlayStation 5) Les remakes :
MediEvil : Resurrection (2005 – PlayStation 4, PlayStation 5, PSP)
MediEvil (2019 – PlayStation 4)
La licence MediEvil (jusqu’à 2000) :
MediEvil (1998)
MediEvil 2 (2000)
Version PlayStation
Date de sortie : 9 octobre 1998 (Europe) – 21 octobre 1998 (Amérique du Nord) – 17 juin 1999 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand,anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs :DualShock, joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
On a suffisamment eu l’occasion d’évoquer dans ces pages – souvent avec une certaine amertume – les nombreuses lacunes qui tendaient à accompagner la production vidéoludique européenne du siècle dernier pour pouvoir remarquer que celles-ci auront eu tendance à se corriger avec le temps, la professionnalisation des studios amenant fatalement les divers acteurs du secteur à tirer des leçons face à la concurrence venue (entre autres) du Japon.
Le titre délivre régulièrement conseils et anecdote afin de vous guider
Comme on l’aura vu avec Psygnosis, par exemple, devenu un élément clef du lancement européen de la PlayStation avec des titres comme WipE’out” ou Destruction Derby après son rachat par Sony, l’ère des complexes face à une production nippone qui avait su se structurer plus vite était en train de se rapprocher de sa fin – les budgets et les effectifs n’étaient alors peut-être pas encore tout à fait les mêmes pour les plus grosses productions, mais en termes de talent pur, le match était clairement devenu beaucoup plus serré ; une tendance qui ne ferait d’ailleurs que se confirmer au cours de la décennie à suivre. C’était plutôt une bonne nouvelle du côté des joueurs, très heureux de pouvoir s’éclater sur des Pandemonium!, des Die Hard Trilogy ou des Mortal Kombat 3 sans avoir à attendre que la dernière production de chez Capcom ou de chez Konami daigne faire le trajet jusqu’au vieux continent (ce qu’elles faisaient pourtant de plus en plus rapidement et de plus en plus volontiers sous l’ère 32 bits), et cela aura permis à d’excellentes surprises de rappeler que les développeurs européens, souvent armés de très bons codeurs et d’artistes de plus en plus compétents, pouvaient à leur tour toucher les étoiles dès l’instant où ils commençaient à s’intéresser au game design. Très bon exemple avec un MediEvil qui aide à mesurer à sa façon le chemin parcouru dans ce domaine en quelques années.
Avec Daniel Fortesque, le sorcier Zarok va tomber sur un os !
À l’origine du projet se trouve un nom qui dira peut-être quelque chose aux nostalgiques de l’Amiga : Chris Sorrell, le créateur d’un certain James Pond – licence dont le deuxième épisode, en particulier, avait déjà donné l’indice que la production européenne n’était pas à des kilomètres de celle des ténors du genre quand elle s’en donnait la peine.
Votre périple sera l’occasion de rencontrer de nombreux personnages… hauts en couleur…
À une époque où le jeu de plateforme sortait à peine d’une lente et douloureuse mutation, engagé dans le sillon d’un Super Mario 64 qui avait montré avec brio la voie à suivre, le britannique et son équipe auront fait le choix de s’aventurer dans un de ces genres hybrides mélangeant aventure, action, plateforme et réflexion et qui pouvait donner des perles à la Banjo-Kazooie – tiens, une autre production européenne. Et pour incarner le joueur quoi de mieux… qu’un mort-vivant, en l’occurrence le chevalier Daniel Fortesque, se réveillant après un siècle de repos éternel bien mérité pour découvrir que le maléfique sorcier Zarok qu’il pensait avoir vaincu un siècle plus tôt est revenu à la tête d’une armée de zombis, bien décidé à prendre le royaume d’assaut. Une quête sur mesure pour le « grand héros de Gallowmere », lequel cache en réalité un secret honteux : loin de ce que les légendes ont fait de lui, il est en fait tombé au combat dès la première charge, ce qui lui a valu d’être refoulé du Hall des Héros – sorte de Valhalla local où terminent les vrais guerriers. L’occasion est donc trop belle de laver son honneur en allant botter le séant osseux de Zarok au cours d’une quête qui pourra prendre entre cinq et dix heures en fonction de votre habileté et de votre désir de complétion.
Les quelques séquences cinématiques témoignent du soin réel apporté à l’univers et à la mise en scène
La crypte qui sert de premier niveau au jeu sera à ce titre un bon indicateur du reste du programme : on y trouve une épée qui viendra remplacer le bras squelettique de Dany en tant qu’arme principale – la première pierre d’un arsenal qui, à terme, pourra comprendre arc, arbalète, marteau, massue, lance et hache –, des couteaux de lancer (la deuxième pierre), une rune qui servira de clef, de nombreux livres qui feront office de didacticiel et de dispensaires d’indices, une fiole qui viendra doubler votre jauge de santé à la manière des réserves d’énergie de Metroid, des coffres au trésor qui offriront les moyens d’acheter des munitions supplémentaires pour vos armes à distance à des gargouilles disséminées dans les différents niveaux, et même un passage secret qui ne sera accessible qu’à la condition de revenir plus tard dans l’aventure – au hasard, lorsque vous aurez une masse ou un marteau pour abattre le mur qui le dissimule.
Chaque niveau bénéficie de sa propre atmosphère et de ses propres mécanismes, et c’est tant mieux
Un programme qui viendra par la suite s’enrichir avec la présence d’un calice dans chaque niveau, lequel devra à la fois être déniché et surtout rempli pour pourvoir être ramassé, le mécanisme étant de vaincre suffisamment d’ennemis pour que les âmes des défunts (enfin, des re-défunts) viennent s’amasser à l’intérieur. Chaque calice collecté de la sorte ouvrira l’accès au Hall des Héros le temps de parler à une des célébrités locales qui vous délivrera le plus souvent une arme additionnelle – sachant que chacune d’entre elles a ses avantages et ses inconvénients en fonction de l’adversaire, et que certaines d’entre elles peuvent ouvrir l’accès à des passages autrement inaccessibles.
Les énigmes se limitent souvent à amener un objet à un endroit précis, mais après tout, pourquoi faire plus compliqué ?
On a là tous les éléments pour proposer ce qui aurait pu n’être qu’un bête beat-them-all dans des couloirs en 3D saupoudré de quelques mini-séquences de plateforme, et le menu aurait sans doute déjà été satisfaisant – d’autant que la réalisation fait très bien le travail, avec des ambiances bien retranscrites et des effets de couleur du plus bel effet, une distance d’affichage très correcte et une ambiance sonore au poil, sans oublier au passage une localisation française de qualité professionnelle avec juste quelques minuscules bévues (les carreaux d’arbalètes devenus des « éclairs », suite à mauvaise traduction de l’anglais « bolt ») qui ne viennent pas gâcher le plaisir du joueur.
Pour vaincre ce golem de métal, le point faible est dans le dos !
La vraie bonne surprise, cependant, est surtout que le programme s’acharne à proposer une véritable variété, chaque niveau offrant ses propres objectifs, ses propres idées et son propre cheminement. Et ça marche ! Que l’on visite un village maudit bâtiment par bâtiment en s’efforçant de ne pas s’en prendre aux habitants du cru qui n’ont pas demandé à glisser vers le mal, que l’on parcoure un labyrinthe végétal en résolvant les énigmes de Justin des Bois (!) ou que l’on se plie aux désidératas d’une sorcière pour aller lui chercher de l’ambre au cœur d’une fourmilière, le jeu parvient à ne jamais être inutilement redondant passé les premières heures et chaque nouvelle étape du voyage est accueillie avec un enthousiasme rafraichissant : on a vraiment envie de mener l’aventure à son terme, ce qui est toujours un excellent signe, surtout à une époque où la durée de vie des jeux vidéo commençait à augmenter drastiquement comparé aux titres de la génération précédente.
La réalisation est particulièrement solide pour sa date de sortie
Évidemment, l’épopée demandera aussi de composer avec les limites de la période, à commencer par la maniabilité en 3D : la caméra, comme dans la majorité des productions de l’époque, a une fâcheuse tendance à être incapable de rester derrière notre héros, et comme il n’est pas toujours possible de la déplacer manuellement à l’aide des boutons de tranche, on aura l’occasion de râler devant une lisibilité qui devient souvent problématique.
D’une idée à l’autre, le jeu ne s’essouffle jamais
Sentiment encore renforcé par un manque de précision assez dommageable dans les combats au corps-à-corps, qui nécessiteront un certain temps d’adaptation pour réellement comprendre comment affronter un adversaire sans que celui-ci ne vous rende tous vos coups. En dépit d’un système d’aide à la visée pour les armes à distance (qui aurait sans doute gagné à être transformé en un système de verrouillage applicable sur tous les ennemis du jeu, au passage), on doit souvent composer avec des phases de plateforme où il est difficile de juger des distances, et mieux vaudra apprendre à alterner entre la marche et la course pour éviter les dérapages incontrôlés qui vous enverront dans le vide et constitueront une large partie de vos causes de mortalité.
Les combats de boss se résolvent souvent beaucoup mieux avec une arme à distance
On constate d’ailleurs de nombreux petits ratés dans l’équilibrage et dans le game design, dont certains qui risquent de provoquer la fureur des joueurs les moins patients. Par exemple, le fameux niveau du labyrinthe végétal se conclut par une énigme a priori assez basique : placer quatre pièces d’échiquier (en mouvement à votre arrivée) sur la place correspondant à leur couleur sur un plateau de jeu.
L’armure dragon vous permettra, vers la fin du jeu, de résoudre de nombreux problèmes
Problème : pour une raison quelconque, qui n’est bien évidemment annoncée nulle part, le pion ne peut être déplacé qu’une seule et unique fois avant de se figer à jamais. Et s’il s’immobilise ailleurs que sur la bonne couleur, comme cela a 99% de chance d’arriver lors de votre première tentative de joueur en train d’expérimenter pour comprendre ce qu’on attend de lui ? Eh bien l’énigme est foutue, et il faudra recommencer. Attention : pas recommencer l’énigme, recommencer TOUT LE NIVEAU. Depuis le début. Et bien évidemment, si vous avez le malheur de frapper le pion au mauvais moment ou sous un mauvais angle, vous en serez quitte pour un nouveau tour de manège de dix minutes ! Comment ont-ils pu laisser une énormité pareille dans le jeu sans jamais la corriger ?!
On ne s’ennuie jamais
Dans le même ordre d’idées, on peut facilement perdre le fil et oublier de ramasser un objet indispensable (j’avais complètement oublié, dans le village endormi, que j’avais en ma possession une clef que le jeu n’utilise bien évidemment pas automatiquement et qui servait à ouvrir un placard auquel je n’avais prêté aucune attention), ce qui pourra provoquer quelques séances de « je suis censé aller où/ je suis censé faire quoi » – mais dans l’ensemble, le jeu s’efforce de ne pas vous égarer au milieu de dizaines de quêtes secondaires et ne vous envoie pas collecter des patounes histoire de délayer artificiellement sa durée de vie, et on l’en remerciera. À quelques petites maladresses près (ce combat final, bon sang…), le titre prend les bons risques, s’efforce d’accumuler les bonnes idées et délivre une expérience qui fait la bonne durée sans chercher à en faire trop ni à offrir du contenu pour la simple fonction de boucher laborieusement des trous. Tout n’est pas toujours parfaitement maîtrisé, mais on peut facilement comprendre pourquoi MediEvil avait été aussi bien accueilli à sa sortie : objectivement, il le mérite, et c’est avec un réel plaisir qu’on peut le (re)découvrir aujourd’hui. Si vous ne l’avez pas encore fait, n’hésitez plus !
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 17/20
MediEvil aurait pu faire le choix de n'être qu'un beat-them-all en 3D extrêmement paresseux handicapé par une caméra aux pâquerettes – comme à peu près tous ses contemporains – et, pour être honnête, on lui en aurait probablement à peine tenu rigueur à l'époque. Mais la grande force du titre imaginé par Chris Sorrell, c'est d'avoir préféré être beaucoup plus que cela, le mérite en revenant à un level design extrêmement bien fichu, à une louable variété dans les situations, à de nombreuses petites énigmes bien senties, à un contenu facultatif présent sans être envahissant et à une réalisation de haute volée pour la console. Le résultat ? De l'Aventure/Action avec un grand « A » qui s'en va lorgner du côté de Banjo-Kazooie davantage que de celui de Castlevania sauce Nintendo 64, et c'est tant mieux ! En dépit de petites lourdeurs et autres maladresses qui, accumulées, finissent par trahir l'âge du titre et de son gameplay, MediEvil reste une expérience qui se parcourt avec enthousiasme dès l'instant où l'on est prêt renouer avec les premières heures de la maniabilité en 3D. Une escapade comme on les aime.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une caméra qui nous rappelle tout ce qu'on pouvait détester dans les jeux en 3D de l'époque... – ...avec des combats au corps-à-corps où il est très difficile d'apprécier les distances – Quelques passages aussi frustrants que stupidement punitifs (l'énigme de l'échiquier...) – Refaire des niveaux en entier parce qu'on a raté un objet indispensable : pas génial – Un combat final interminable aux mécanismes vraiment pas inspirés
Bonus – Ce à quoi peut ressembler MediEvil sur un écran cathodique :
Développeur : NCS Corporation Éditeur : NCS Corporation Graphie originale :改造町人シュビビンマン零 Titres alternatifs :Cyber Citizen Shockman Zero (PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Xbox One, Xbox Series) – Shockman Zero (édition collector par Retro-Bit sur Super Nintendo – Amérique du Nord, Europe) Testé sur :Super Famicom Disponible sur : PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Xbox One, Xbox Series En vente sur :Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4, PlayStation 5), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series)
Version testée : Version japonaise patchée en anglais
Spécificités techniques : Cartouche de 6Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il y a des routes si cahoteuses qu’on se demande pourquoi certains prennent la peine de les emprunter – surtout quand elles semblent ne mener nulle part.
Quelles que soient les raisons de la (relative) notoriété de la série des Kaizō Chōjin Shubibinman au Japon, une chose est sûre : il suffisait de s’y essayer une fois pour comprendre pourquoi la licence n’aura pratiquement jamais quitté l’archipel, à l’exception notable d’un deuxième épisode qui n’aura d’ailleurs pas franchement marqué les esprits en occident. Difficile de trouver quelque chose à sauver dans ce qui faisait penser à un ersatz sans imagination – et, plus grave, sans talent – de Mega Man, et en dépit des efforts du troisième opus pour pousser les curseurs de l’ambition et de la mise en scène un peu plus haut, la série n’aura simplement jamais franchi la barre de la médiocrité et semblait voué à disparaître dans l’oubli en se demandant encore comment quelqu’un pourrait en venir à la regretter.
Des pièges, des ennemis, des gnons : l’essentiel
Signe que la licence n’était pas exactement un succès majeur au Japon non plus, le quatrième opus, prévu sur Super Famicom en 1994, aura été purement et simplement annulé alors qu’il était terminé… avant de revoir miraculeusement le jour trois ans plus tard, en plein pic de l’ère 32 bits, via le service de téléchargement du Satellaview ! Et comme un indice que cet épisode oublié d’une saga inconnue a peut-être un petit quelque chose de plus, non seulement Kaizō Chōjin Shubibinman Zero – c’est son nom – aura connu une réédition sur cartouche via Columbus Circle vingt ans plus tard (!), mais celle-ci aura même bénéficié d’une édition occidentale en janvier 2025 sous le nom de Shockman Zero… six mois après avoir bénéficié d’une sortie inattendue reprenant la traduction de fan réalisée par Swambo sur la Switch et sur les consoles de Sony et Microsoft ! Un fameux destin pour un jeu dont personne ne voulait, non ?
Les cyborgs sont de retour, et on ne pensait pas être content de les revoir
Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas sentir immédiatement la filiation entre cet épisode « Zero » et ses prédécesseurs : bien que les deux cyborgs qui servent de héros soient censés être de nouveaux personnages, ils remplissent exactement le même rôle que les précédents dans le même univers et autour des mêmes figures récurrentes – à commencer par celle du savant qui fait de gros efforts pour qu’on ne l’appelle pas « Dr. Wright ».
Les environnements sont variés et ont leur dose de personnalité
Petite nuance, cependant : pour la première fois de la série, les deux personnages jouables n’ont pas exactement les mêmes aptitudes… ce qui ne se vérifiera hélas qu’en mode deux joueurs, le titre ne vous laissant plus sélectionner votre héros au lancement (une bévue corrigée, semble-t-il, dans la version vendue en ligne aujourd’hui) ! Raita, le garçon, a décidé de laisser tomber son épée pour se battre aux poings, mais il peut également tirer une boule d’énergie qui achève de le faire ressembler encore plus au célèbre robot auquel on l’a si souvent comparé. Il a également une attaque spéciale assez délicate à réaliser et lui permettant de sortir une sorte de shoryuken. Azuki, la jeune fille, a elle gardé son épée, mais elle peut elle aussi tirer à distance et son attaque spéciale (beaucoup plus simple à réaliser) lui permet de faire une puissante attaque aérienne.
La plupart des boss sont bien pensés, mais ils sont souvent trop vite vaincus pour se montrer marquants
La première grosse différence avec les précédents épisodes est d’ailleurs à aller chercher dans un aspect beat-them-all assumé – très basique, certes, les adversaires nécessitant rarement un enchaînement de plus de trois coups pour être vaincus – ayant le mérite d’imprimer un rythme nerveux et particulièrement efficace aux divers niveaux du jeu.
L’erreur est souvent de se laisser griser et d’aller trop vite
Nos cyborgs vont vite, leurs attaques sont précises, et si leurs ennemis sont vite balayés, beaucoup d’entre eux nécessitent un timing précis pour être approchés – ce qui, additionné à de nombreux pièges reposant eux aussi sur le timing, donne au gameplay un aspect fluide évoquant parfois un authentique jeu de rythme, voire la redoutable efficacité de titres à la Shinobi dont tout le génie était précisément à aller chercher dans le placement des adversaires et dans la véritable « danse » qu’il fallait parfois réaliser pour parvenir à les vaincre de façon optimale. Là où le game design des trois précédents opus puait la maladresse (quand ce n’était pas la fumisterie) à quinze années lumière, celui de Kaizō Chōjin Shubibinman Zero a quelque chose qui fait mouche et qui rend la balade authentiquement plaisante par séquences sans que le level design ne côtoie jamais le génie. « Simple mais efficace » est ici une expression qui colle à merveille : il faut cinq secondes pour maîtriser l’essentiel de la jouabilité, et le reste se laisse découvrir avec aisance.
Le scénario du jeu ne révolutionne pas le genre, mais il parvient au moins à arracher quelques sourires
« Avec trop d’aisance », pourrait-on d’ailleurs objecter, car il s’avère que la difficulté du jeu est vraiment très mesurée, invitant à regretter qu’il n’existe aucun moyen de la gonfler un peu. C’est particulièrement frustrant lors de certains boss, comme votre rival récurrent Kagemaru, qui proposent des patterns intéressants… mais qui sont si vite vaincus qu’on a rarement besoin de chercher à les maîtriser.
On n’est vraiment pas loin d’un très bon jeu
Le premier boss, littéralement vaincu en trois coups en fonçant dessus, est un assez bon exemple d’un problème qui témoigne des étroites limites de l’équilibrage du jeu : il y a beaucoup d’affrontements qui n’ont simplement pas le temps d’être intéressants, alors qu’il aurait suffi que les ennemis nécessitent quelques coups en plus pour qu’ils le deviennent ! Les huit niveaux du jeu, agréables à parcourir et réservant quelques passages un peu plus exigeants, sont hélas vite vaincus, mais le tout s’enchaîne si naturellement qu’on peut rapidement être tenté de relancer une partie pour le plaisir – ce qui est toujours bon signe. Il faut d’ailleurs signaler que l’humour du jeu se montre cette fois assez efficace – la traduction de Swambo y étant sans doute pour quelque chose – avec un professeur aux mimiques tordantes et une méchante sidekick bien clichée qui se révèle être générale à mi-temps (!) avant de se barrer parce qu’elle estime ne pas être payée assez cher. Bref, le jeu est ce que ses prédécesseurs avaient cherché à être sans jamais réellement y parvenir : divertissant.
Le gameplay est nerveux et efficace
Reste cet arrière-goût lancinant qui laisse sur sa faim : avec un équilibrage mieux pensé, un chouïa d’idées en plus et la réintégration de quelques idées visiblement coupées en court de route (à quoi bon nous faire chevaucher une moto volante dans une cinématique pour ne pas nous laisser la piloter ?), le titre n’aurait certes jamais représenté un indispensable de l’année 1997, mais il aurait réellement pu s’inscrire au rang des joyaux méconnus qui méritent une deuxième chance.
Indépendamment, les ennemis sont rarement dangereux, mais les choses se gâtent quand il faut en gérer plusieurs
En l’état, il n’est vraiment pas loin de postuler, mais à condition de rechercher une expérience adaptée exclusivement aux néophytes ou aux joueurs aimant vaincre un jeu en moins d’une heure dès leur première partie. On sentait bien que les éléments étaient enfin en place pour proposer une série qui vaille la peine qu’on y revienne, mais hélas, trop tard, beaucoup trop tard, surtout quand les derniers concurrents dans le domaine (au hasard, la série des Mega Man X) évoluaient déjà dans de toutes autres sphères. Qu’importe : pour les joueur n’attendant rien de plus qu’un bon (mais court) moment de gameplay « à l’ancienne », Kaizō Chōjin Shubibinman Zero fait le travail, et le fait plutôt bien. Une rédemption certes un peu tardive, mais qui vaut malgré tout la peine d’être saluée.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 15,5/20
Parfois, la patience est la clef ! Après trois épisode louvoyant entre la maladresse et la consternante médiocrité, Kaizō Chōjin Shubibinman Zero sera venu conclure une licence dont on n'espérait plus rien d'une façon qu'on n'attendait plus : avec un bon jeu. Certes, il y a quelque chose d'irrémédiablement frustrant dans cet épisode trop court et trop facile qui ne semble jamais parvenir à exploiter pleinement ses meilleures idées, à commencer par son improbable mélange beat-them-all/run-and-gun/plateforme, mais il y a aussi et surtout quelque chose qu'on n'avait pas assez croisé jusqu'ici dans la série : du fun, des mécanismes efficaces, et même un humour qui fonctionne. Clairement pas de quoi aller titiller des Mega Man X ou les vraies références du genre, mais pas de quoi congédier non plus une aventure agréable à parcourir à défaut d'être réellement marquante. Dommage que la saga ne soit pas partie de cet opus plutôt que de se terminer par lui, parce qu'on l'aurait sans doute suivie avec beaucoup plus de plaisir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Pas de choix du personnage en solo, alors que les deux cyborgs avaient pour une fois des capacités différentes – Un niveau de difficulté très bas... – ...et aucune option pour l'augmenter – Un level design un peu trop linéaire
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Kaizō Chōjin Shubibinman Zero sur un écran cathodique :
Vous êtes-vous déjà demandé comment Atari, société pionnière confortablement assise sur le toit du monde vidéoludique au début des années 80, était parvenue à s’effondrer en même temps que le jeu vidéo américain en quelques mois alors qu’elle jouissait d’une position de force sans précédent ?
Je vais vous faire la version courte : tout ça, en fait, c’est à cause du jeu vidéo indépendant.
Dans l’espace, ça ressemble quand même vachement à Pac-Man
Bon, après réflexion, la phrase mérite peut-être une explication un peu plus longue – le sujet est passionnant, même si ce n’est pas tout-à-fait ce dont il est question ici. Tout commence donc lorsque certains des plus brillants développeurs de chez Atari décident de claquer la porte, écœurés que la direction ait refusé de leur accorder un pourcentage sur des ventes se chiffrant parfois en millions d’exemplaires, pour aller fonder le premier studio indépendant : Activision. Atari, d’abord hilare qu’une poignée de techniciens s’en aille tenter leur chance avec les poches vides sur un marché que la compagnie domine de la tête et des épaules, commence à grincer des dents lorsqu’elle réalise qu’Activision a décidé de développer des cartouches… pour l’Atari 2600. Courroucée, elle saisit alors la justice, arguant de son droit à décider qui a le droit de vendre des jeux sur sa console… ce à quoi le juge répond en substance qu’il n’existe aucune loi lui permettant de le faire.
Toutes proportions gardées, c’est quand même plutôt joli
Un camouflet aux conséquences lourdes, puisqu’il ouvre littéralement les portes du marché à une concurrence qui n’en attendait pas tant. Une bonne chose pour les joueurs ? Eh bien, la suite prouvera que non : souvent fondées par des entrepreneurs désireux de s’en mettre plein les fouilles plutôt que par des passionnés rêvant de déverser leur savoir sur le monde, les nouvelles entreprises ne croulent pas exactement sous les idées de game design. Qu’importe : la propriété intellectuelle étant alors plus une vue de l’esprit qu’une réalité manifeste dans l’univers du jeu vidéo, le marché commence rapidement à ployer sous les (mauvais) clones de Pac-Man, de Space Invaders, de Pong ou de Defender, deversés par dizaines dans des versions absolument dégueulasses dont l’unique fonction est de piéger les joueurs mal informés (c’est à dire, virtuellement, tous) avec des jaquettes ronflantes pour les amener à croire qu’ils achètent la conversion officielle de l’arcade… avant de se retrouver avec l’équivalent des contrefaçons chinoises bas-de-gamme. Oh, et puis quelques jeux de cul bien crades à la Custer’s Revenge aussi, histoire de finir d’abîmer une image qui aura commencé à se dégrader à grande vitesse.
Je suis sûr que vous avez tous pensé à ça dès que vous avez lu « Alien ». Comment ça, « non » ?
Conséquence : devenu à la fois une escroquerie géante et un far west pour investisseurs peu scrupuleux, le jeu vidéo américain s’effondre en 1983, ayant consciencieusement massacré la poule aux œufs d’or jusqu’à en écœurer tout le public de destination.
Et tout cela, donc, à cause de jeux comme Alien.
Dans les premiers niveaux de difficulté, l’équilibrage est relativement clément
Revenez, vous avez lu le pavé de note, vous savez que c’est plus compliqué que cela et que je fais volontairement preuve d’une mauvaise foi qui confine à la provocation. Le fait est que, confronté à l’adaptation d’un film qui venait mine de rien de fêter ses trois ans, on imagine les développeurs de Fox Video Games face à un fameux casse-tête : comment retranscrire la tension, l’atmosphère et l’efficacité du fameux thriller de science-fiction sur l’Atari 2600 ? Facile : en faisant un clone de Pac-Man. L’idée, après tout, est loin d’être aussi idiote qu’elle en a l’air : le Nostromo figure un excellent labyrinthe, les fantômes peuvent facilement être remplacés par des xénomorphes (oui, autant en mettre plusieurs, cela reste quand même un jeu), et pour remplacer les pac-gommes, on n’a qu’à dire que le héros (il n’est jamais nommé dans le manuel, c’est juste le joueur) écrase des œufs d’aliens sans risquer de se prendre un facehugger dans la face. Et les super-pac-gommes ? Une arme futuriste appelée « Pulsar ». Eurêka.
L’ajout d’une séquence bonus est un moyen bienvenu d’introduire un (tout petit) peu de variété
La grande différence entre Alien et les centaines d’ersatz qui auront fini par dévaster l’industrie, c’est que la cartouche parvient à être, eh bien, pertinente – ne fut-ce que parce que la conversion officielle de Pac-Man sur Atari 2600 la même année s’était révélée particulièrement catastrophique. Ici, premier bon point : le jeu est bien réalisé : il y a des cycles de couleurs qui animent les sprites, l’action est fluide, ça ne clignote pas, les bruitages font le travail avec efficacité.
Quand les ennemis commencent à s’approcher un peu trop près, sortez le lance-flammes !
Il n’y a certes toujours qu’une seule arène qui se répète en boucle avec des ennemis de plus en plus rapides et un « Pulsar » à la durée de vie de plus en plus courte, mais le titre s’efforce d’introduire de bonnes idées, comme un niveau bonus demandant de se frayer un chemin entre des créatures en moins de huit secondes, à la Freeway cette fois, ou l’usage d’un lance-flammes permettant d’éloigner temporairement les xénomorphes avec le bouton du joystick. De quoi compenser un peu le fait que les stratégies soient moins ouvertes que dans Pac-Man : contrairement aux super-pac-gommes, il n’y a jamais plus d’un seul exemplaire du « Pulsar » présent à l’écran à la fois, ce qui fait que le joueur doit composer en fonction de l’endroit où apparaitra le suivant plutôt que d’optimiser sa route en fonction des quatre « oasis » que représentaient originellement les super-pac-gommes. Conséquence ? il faut improviser un peu plus, mais le gameplay ne se renouvèle pas davantage.
Évidemment, plus la difficulté augmente, plus les xénomorphes sont rapides
Objectivement, il faut néanmoins convenir que la cartouche s’en sort globalement très bien, et que quitte à proposer un autre clone de Pac-Man, le studio aura au moins eu le mérite d’en offrir une version rafraichissante avec ses propres idées – et une résultat bien supérieur à celui de la cartouche officielle, petit rappel au passage que le krach de 1983 n’aurait sans doute pas eu lieu si les joueurs avaient au moins pu s’appuyer sur la qualité des cartouches directement conçues par Atari.
Lors des game over, le titre pratique une audacieuse inversion de palette
Qu’importe : c’est, comme pratiquement tous les jeux de sa génération, un titre pensé pour des parties de quelques minutes et pas davantage – mais il le fait bien. Sans doute pas de quoi abandonner ses parties d’Alien Trilogy, mais de quoi se souvenir qu’en jeu vidéo, il existe toujours une ligne – parfois très fine, mais qui fait toute la différence – entre l’inspiration et le gros plagiat qui tache. N’empêche : un long-métrage horrifique de 1979 comme matrice secrète du concept de Pac-Man, j’avoue qu’il fallait y penser, à celle-là. Comme quoi, il est décidément plein de surprises, ce film.
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 12/20
Comment adapter un monument du cinéma de science-fiction comme Alien sur une console comme l'Atari 2600 ? En faisant un clone de Pac-Man, pardi ! L'idée a beau être décevante sur le papier, transformant le chef d'oeuvre de Ridley Scott en un de ces avatars qui faillirent tuer le jeu vidéo américain en 1983, il faut reconnaître que le cartouche fait plutôt nettement mieux en la matière que le catastrophique portage de la mascotte de Namco sur le même système : c'est coloré, ça ne clignote pas et c'est suffisamment bien équilibré pour qu'on se surprenne à ne pas avoir envie de reposer le joystick avant d'avoir terminé sa partie de trois minutes. Alors non, l'atmosphère, la tension et l'adrénaline ne sont pas là, mais un jeu décent ? À tout prendre, ce n'est déjà pas si mal.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une ambiance sonore extrêmement discrète – Un seul plan de labyrinthe – Des stratégies réduites par le fait qu'il n'y ait qu'un seul pulsar accessible à la fois
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Alien sur un écran cathodique :
Développeur : Sega R&D 8 Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. Titres alternatifs :ストライクファイター (graphie japonaise), After Burner III (FM Towns, Mega-CD) Testé sur :Arcade – FM Towns – Mega-CD Également testé :SEGA Strike Fighter
Hardware : SEGA Y Board Processeurs : Motorola MC68000 12,5MHz (x3) ; Zilog Z80 4,026987MHz Son : Haut-parleur (x2) ; YM2151 OPM 4,026987MHz ; SEGA PCM 4,026987MHz ; 2 canaux Vidéo : 320 x 224 (H) 60Hz
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
L’innovation n’est pas un phénomène linéaire qu’il suffit de mettre en route comme on démarre un moteur avant d’en récolter les fruits. C’est, par nature, le résultat d’un ensemble d’expérimentations dont une large partie aura été vouée à échouer. Ou, pour dire les choses de façon plus simple : il y a des fois ou ça ne marche pas, et puis il y a des fois où on n’a plus d’idées.
Loin de ces considérations scientifiques, le béotien (généralement appelé « responsable marketing ») a souvent une appréciation plus simple de ce qu’est l’innovation : quand le public en veut, il faut lui en donner vendre, et puisque c’est précisément à ça que servent les sections R&D, eh bien elles n’ont qu’à en produire, et de préférence avant lundi prochain, parce que ça urge.
On sait tellement ce qu’on vient chercher qu’on se demande même si on ne serait pas en train de nous resservir le plat de la veille
Mais comme on peut s’en douter, un gouffre sépare souvent la théorie de la pratique et même une entreprise à la pointe de l’innovation comme pouvait l’être SEGA au début des années 90 était vouée à aboutir, de temps à autre, dans une impasse. Avec le recul, la volonté de continuer à offrir des bornes d’arcade basées sur le sprite scaling et reposant sur le fait de piloter un jet suite au succès des deux premiers épisodes d’After Burner en aura rapidement constitué une, et si les années auront vu apparaître à répétition des G-LOC : Air Battle, des Strike Fighter ou des Sky Target, aucune de ces bornes n’aura jamais pu prétendre approcher le succès des opus imaginés par Yu Suzuki. Pendant que la 3D débarquait dans les salles d’arcade via le succès de Virtua Racing ou de Virtua Fighter, l’innovation n’aura donc jamais produit d’After Burner III… au contraire du mercantilisme, qui aura décidé de donner ce nom à la version domestique d’une borne si mineure qu’elle n’aura finalement jamais quitté le Japon – et qui aurait sans doute largement pu mériter ce nom tant les points communs entre les deux licences sont nombreux, mais à laquelle il manquait peut-être juste un élément pour porter le glorieux nom de ses aînées : une idée…
Et si on retournait tirer sur les mêmes trucs depuis le même avion ?
Strike Fighter serait né d’une volonté simple : celui du reprendre le moteur et le système de jeu de G-LOC : Air Battle et de faire tendre sa philosophie (originellement celle de proposer une simulation allégée) vers celle, plus adaptée à l’arcade, d’After Burner.
Faire des tonneaux en tirant : la base
Traduit en clair : apparemment, demander au joueur de remplir des objectifs aussi basiques que de détruire un certain nombre de cibles était déjà perçu comme trop compliqué, alors autant revenir à l’essentiel : voler tout droit, tirer sur tout ce qui se présente, et surtout : survivre. Un menu un peu léger sur le papier, mais sachant que le fun résulte souvent d’une alchimie très délicate – et que G-LOC : Air Battle avait échoué à renouer avec le succès de son prédécesseur – on peut comprendre que le premier réflexe ait été de chercher à renouer au maximum avec ce qui avait fonctionné tant c’est précisément ce que tendent à attendre les joueurs. En résumé, si Strike Fighter aspirait à être un tout petit peu plus qu’After Burner tournant avec le moteur de G-LOC : Air Battle, le fait est qu’il ne semble pas exactement être parvenu à viser plus haut que cela.
Les séquences d’attaque au sol se jouent exactement de la même manière que les autres
Le truc, c’est que les joueurs ne s’attendaient sans doute pas à une application aussi littérale du programme qui vient d’être exposé. Car en lançant Strike Fighter, la première conclusion qui s’impose, c’est quand même qu’on vient de lancer G-LOC : Air Battle : même hardware, même moteur, même vue, même jouabilité… le moins qu’on puisse dire, c’est que la différence ne saute pas exactement aux yeux – les détails au sol semblent même plus rares, puisqu’il ne sera pas question ici d’aller faire des passages en rase-mottes dans des défilés ni de participer à des missions de nuit comme le proposait pourtant son prédécesseur un an plus tôt !
L’action est exactement aussi confuse que celle d’After Burner
Même les séquences de poursuite qui voient la vue passer à la troisième personne pour donner l’occasion au joueur d’éviter les tirs d’un avion placé dans ses six heures sont reprises à l’identique, à se demander si SEGA n’était pas en train d’écouler les stocks de ses vieilles bornes en leur donnant un nouveau nom pour enfumer tout le monde ! Seule minime, minuscule nouveauté : la présence d’une post-combustion qui permet de bénéficier d’un gain d’évasion en même temps que d’un boost d’adrénaline – c’est d’ailleurs tellement efficace que j’en viens à me demander s’il n’est pas possible de terminer les quinze vagues du jeu de cette façon, en se contentant de foncer tout droit en évitant les tirs adverses avec le pied dans le phare.
Vous avez un chasseur aux trousses ? Activez la post-combustion et partez en tonneaux ; succès garanti
Reste donc l’idée de proposer une jouabilité plus « arcade » que celle d’une borne d’arcade, et pour le coup on hérite très exactement de ce qui avait déjà servi à décrire G-LOC : Air Battle : c’est littéralement After Burner en vue subjective, et rien d’autre. Ce qui signifie également que le gain en précision qui avait pu être observé dans le premier nommé n’a plus cours ici : comme dans After Burner, les jets adverses et leurs missiles arrivent à une telle vitesse que la méthode la plus efficace pour espérer survivre est de secouer le manche à balai en tous sens pour enchaîner les tonneaux cheveux au vent en se posant d’autant moins de questions que les tirs de mitrailleuse comme les missiles sont illimités.
Les pilotes son priés de laisser leur cerveau dans la soute à bagages
Autant dire que 95% du temps, on ne comprend pas grand chose à ce qui se passe, et qu’à la rigueur ce n’est de toute façon même pas l’objectif : ça va vite, c’est marrant, on s’est bien amusé pendant une minute et maintenant on va jouer à autre chose. Ben comme After Burner, en fait. Mais sans l’effet de surprise, avec moins de détail au sol, avec des idées en moins (on n’a même plus de séquences de ravitaillement puisqu’on n’a rien à ravitailler !) et des sensations globalement moins présentes. Bref, ça aurait effectivement pu être After Burner III si c’était simplement parvenu à être autre chose qu’une version « light » d’After Burner II. Rien d’étonnant, donc, à ce que le marketing de SEGA ait par la suite fini par franchir le pas et par bousiller par la même occasion sa licence en vendant un jeu dont personne ne voulait basé sur une borne qui avait déjà fait un bide au Japon : à trop essorer les mêmes concepts avec les mêmes techniques, ont fini par aboutir à la quadrature du cercle : le même jeu. Autant dire qu’on aurait aussi bien pu s’en passer.
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 12,5/20
Le vrai problème avec Strike Fighter, c'est qu'on passe les très rares moments où on ne se demande pas pourquoi quelqu'un s'est donné la peine de changer le nom de la borne de G-LOC : Air Battle à se demander pourquoi quelqu'un s'est donné la peine de changer le nom de la borne d'After Burner. Non seulement il n'y a pas l'ombre du début du commencement d'une idée neuve dans la borne de SEGA R&D 8, mais en plus la réalisation donne elle aussi le sentiment de ne pas avoir avancé d'un pouce, tandis que le système de jeu, lui, a plutôt fait un pas en arrière. Il en résulte qu'on passe une fois de plus dix minutes à faire des tonneaux dans tous les sens en tirant au hasard sans jamais avoir le sentiment d'avoir la moindre prise sur ce qui se passe à l'écran, et qu'en dépit de l'adrénaline offerte par la chose, on ne sait même plus dire si on s'est réellement amusé. De quoi se défouler avec le cerveau sagement rangé dans un coin de la pièce, mais le temps d'un crédit ou deux et pas davantage.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une réalisation qui n'offre rien de plus que G-LOC : Air Battle... – ...tout en perdant en précision et en jouabilité à vouloir décalquer le gameplay d'After Burner – Une durée de vie qui se chiffre en minutes
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Strike Fighter sur une borne d’arcade :
Version FM Towns After Burner III
Développeur : CSK Research Institute Corp.
Éditeur : CSK Research Institute Corp.
Date de sortie : Juin 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais (narration), anglais (menus)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale : –
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Au grand jeu des conversions de l’arcade, le FM Towns n’est a priori pas la machine la plus mal équipée, et en prenant en considération le fait que le portage d’After Burner sur la même machine, réalisé trois ans plus tôt par le même studio, avait été d’excellente qualité, on lance le jeu avec une certaine confiance. Malheureusement, le titre a beau être devenu After Burner III, on a plutôt l’impression de revoir les abominables conversions sur ordinateurs de G-LOC : Air Battle ; ce n’est pas que ça soit moche ou que ça bouge mal, mais où sont passé tous les détails au sol ? On n’a pour seul horizon qu’un pâté bleu en guise de ciel, avec un pâté vert/jaune/blanc en guise de sol, et quelques points anarchiquement disséminés pour donner une illusion de mouvement ! Et histoire d’en rajouter une couche, le programme se sent obligé d’afficher ce néant à une résolution mutilée de 256×192, comme si afficher trois sprites se battant en duel au-dessus d’un décor bichrome lui demandait trop de ressources ! Alors certes, cette fois, on n’a plus vraiment d’excuses pour ne pas comprendre ce qui se passe à l’écran, la vitesse est plutôt bien préservée et la musique CD sauve la réalisation. Mais sachant que le portage du premier opus faisait mieux dans absolument tous les domaines, renommer ce Strike Fighter en After Burner III n’était sans doute pas le meilleur service à lui rendre. À oublier.
Le décor ? Youhou, le décor ?
NOTE FINALE : 08,5/20
Supprimer pratiquement tous les éléments visuels dans un jeu reposant quasi-exclusivement sur sa réalisation n’est jamais une bonne idée, et on ne saura probablement jamais pourquoi CSK Research Institute aura jugé qu’After Burner III se porterait mieux en n’offrant que deux pâtés informes en guise de décor. Toujours est-il qu’on se retrouve avec un petit jeu de tir pas impressionnant pour deux sous et dont on fait le tour en une poignée de secondes. Pas exactement ce qu’on était venu chercher…
Version Mega-CD After Burner III
Développeur : CSK Research Institute Corp.
Éditeur : CSK Research Institute Corp. (Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord) – SEGA Enterprises Ltd. (Europe)
Date de sortie : 18 décembre 1992 (Japon) – Mai 1993 (Amérique du Nord) – Juin 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad (trois ou six boutons), XE-1 AP
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : –
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Avec la même équipe que pour la version FM Towns aux commandes, autant dire que c’est avec un enthousiasme plutôt mesuré qu’on lance After Burner III sur Mega-CD. Pourtant, les choses partent plutôt mieux que ce qu’on pouvait craindre : certes, les graphismes sont moins colorés que dans les autres versions, mais on a au moins le droit à une résolution en 320×224, comme sur la borne, et le jeu affiche cette fois des sprites au sol – pas beaucoup, mais suffisamment pour faire un minimum illusion. La réalisation sonore est à la hauteur, cette version intégrant carrément des thèmes remasterisés des deux premiers After Burner, le framerate est bon et la jouabilité réactive. Le contenu a également été revu à la hausse : le mode débutant intègre 11 niveaux, le mode normal 15 et le mode expert 20 – ce qui fait cinq de plus que sur la borne – plus deux modes chronométrés consistant à abattre un maximum de cibles en 90 secondes ; un peu gadget mais pourquoi pas. Les versions occidentales du jeu intègrent également la possibilité de choisir sa vue, soit via le menu des options, soit à la volée en cours de partie – à condition d’avoir un pad à six boutons. Bref, cela ressemble à une version un peu plus conforme aux attentes… à un petit détail près.
Ça fait à peu près illusion… jusqu’à ce qu’on commence à jouer
Ce détail, hélas, se trouve être la jouabilité : quelle que soit la vue choisie, éviter un missile adverse demande un temps de réaction si ridiculement court que l’acte est rendu virtuellement impossible à un être humain ordinaire. Seule solution : gigoter le manche en permanence au pif total dans l’espoir de passer entre les gouttes – ce qui pouvait éventuellement faire illusion deux minutes sur arcade, mais tend à annihiler toute forme de stratégie et de plaisir de jeu ici – d’autant que cette version est beaucoup plus difficile que la borne. Atteindre la troisième vague sans perdre un continue est déjà presque un exploit ! Autant dire que l’expérience de branlotage de manche démontre rapidement son manque total d’intérêt et qu’on abandonne rapidement le jeu pour aller s’essayer à autre chose – au hasard, à After Burner sur Mega Drive, qui était bien supérieur.
Je dirais bien qu’on s’amuse, si j’étais prêt à mentir
NOTE FINALE : 09/20
After Burner III sur Mega-CD a beau essayer de donner le change en augmentant son contenu et en s’efforçant de soigner (un peu) sa réalisation, le fiasco qu’est sa difficulté insurmontable rend l’expérience de jeu profondément inintéressante. Après avoir passé deux minutes à faire la toupie sans rien comprendre à ce qui se passe, on va vomir un coup et on range le CD-ROM bien proprement à sa place, dans l’incinérateur. Un beau ratage.
Développeur : WOW Entertainment Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Japon) – SEGA Enterprises, Inc. (USA) (Amérique du Nord) – SEGA Amusements Europe, Ltd. (Europe) Titre alternatif :セガ ストライクファイター (graphie japonaise) Testé sur :Arcade
À la fin du dernier millénaire, à un moment où les salles d’arcade étaient déjà inéluctablement sur le déclin et où SEGA jouait gros (et était sur le point de perdre) avec sa Dreamcast, on aurait pu s’attendre à voir débarquer sur la borne NAOMI (qui employait une architecture similaire à celle de la Dreamcast) un nom ronflant de type After Burner IV. Pour une raison ou pour une autre, c’est pourtant bel et bien la licence nettement moins célèbre des Strike Fighter qui aura eu le droit à un nouvel épisode, et histoire de rendre les choses plus confuses encore, au lieu d’avoir le droit à un grand « 2 » en bonne et due forme, le titre se sera contenté d’un grand « SEGA » pour le distinguer de la borne sortie presque dix ans plus tôt. Une forme d’aveu, tant ce nouvel opus est moins une suite qu’une relecture de l’épisode précédent, chargé de dévoiler toutes les prouesses technologiques de l’année 2000 dans une borne simple ou un modèle « deluxe » faisant usage de pas moins de trois écrans côte-à-côte – et très probablement une réponse à la série concurrente des Ace Combat du grand rival Namco, au game design extrêmement similaire. Le concept a beau être toujours exactement le même – détruire des cibles aériennes et au sol sans trop se poser de question –, la philosophie a évolué en même temps que la technique, et le jeu repose dorénavant beaucoup plus sur un gameplay précis que sur une adrénaline et une sensation de vitesse désormais quasi-inexistantes, sauf en rase-mottes. Un très bon moyen de découvrir tout ce qui avait changé en neuf ans – en bien comme en mal.
Version Arcade
Date de sortie : Novembre 2000 (Japon, Europe) – Février 2001 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleurs : Un manche à balai, deux pédales, une manette des gaz et trois boutons
Neuf ans, en temps vidéoludique, c’est extrêmement long – surtout au XXe siècle, où la technologie avançait à un train d’enfer. Très bonne démonstration avec SEGA Strike Fighter : reprenez exactement le concept d’une borne de 1991, et qu’obtenez-vous en 2000 ? Déjà, de la 3D nettement plus spectaculaire, en temps réel, avec ombrages, effets de lumière et toute la batterie de capacités de la Dreamcast.
La borne vous laisse l’occasion de vous faire la main avant de vous envoyer au casse-pipe ; très bon point
Est-ce plus beau ? Infiniment. Est-ce que cela impacte la jouabilité ? Oui, mais en bien : plutôt que baser l’expérience sur la vitesse pure, WOW Entertainment aura fait le choix d’un modèle de vol un peu plus réaliste, que la borne prend d’ailleurs le temps de vous détailler via un mode entraînement dédié de plusieurs minutes ! Alors soyons clairs : on est toujours très loin d’une simulation, comme on peut s’en douter (encore une fois, la série des Ace Combat vient immédiatement à l’esprit), mais on comprend enfin ce qui se passe, et l’action est d’autant plus basée sur les manœuvres et la précision que les munitions ne sont plus illimitées et que la durée des diverses missions est très limitée : entre une minute et une minute trente. Dans ce laps de temps, l’objectif est de détruire un certain nombre de cibles clairement désignées – ce qui fait qu’on s’approche encore un peu plus de G-LOC : Air Battle.
Moins d’esbroufe, plus de contrôle !
Le gros de l’action est divisée en deux « campagnes » variant les cibles et les environnements, et poussant même le raffinement jusqu’à vous offrir le choix entre deux missions différentes à la conclusion de chacune d’entre elles. On a même le droit à des petits briefings, avec une opératrice asiatique dotée d’un nom occidental, parce qu’exportation, et à un niveau bonus de ravitaillement en vol, mais la donnée importante est surtout que la borne réussit précisément l’amalgame que sa prédécesseuse avait raté : suffisamment de technicité pour qu’on se sente réellement investi en tant que pilote, et une action suffisamment nerveuse et suffisamment accessible pour qu’on soit à l’aise en une poignée de secondes.
Comme dans After Burner III, on a toute liberté pour choisir la vue à n’importe quel moment
On n’a jamais le temps de s’ennuyer, et le chrono représentant de toute façon l’adversaire principal, la vraie difficulté des missions avancées reposera surtout sur la capacité à éviter les dogfights interminables pour parvenir à aligner les cibles le plus rapidement possible. C’est relativement beau, ça va vite, c’est précis, on passe un bon moment, et il y a suffisamment de contenu pour se vider les poches avec enthousiasme. Évidemment, l’action finit fatalement par être redondante – 95% des missions consistent à garder les cibles dans le viseur suffisamment longtemps pour pouvoir tirer les missiles à tête chercheuse – mais en tant qu’expérience dans une salle d’arcade, c’est indéniablement des kilomètres au-dessus de la première version. En fait, on est très proche de ce qu’avait déjà commencé à offrir – et de ce qu’offre encore – une licence à la Ace Combat : de la simulaction où des chasseurs sont capables de transporter 45 missiles sous leurs ailes et s’affronte aux réflexes plutôt qu’aux instruments, mais ça fait parfaitement le café. De quoi donner envie de remettre une petite pièce de temps à autre, juste pour le fun.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16/20
L’arcade de 2000 avait visiblement plus de matière à offrir que celle de 1991 : SEGA Strike Fighter fait le choix de ne plus s’appuyer exclusivement sur la vitesse et sur la poudre aux yeux, et il l’assume avec brio. Grâce un aspect simulation très basique, mais qui donne enfin le sentiment de contrôler son avion, on aligne les cibles avec jubilation dans une 3D irréprochable jusqu’à ce que le menu finisse par manquer de variété – mais on aura eu tout loisir de passer un long et bon moment avant que la lassitude ne s’installe. De l’action comme on l’aime.
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy Cartes sons supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy, Tandy SL/TL
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Dans la vie, tout le monde ne part pas avec les mêmes armes. Même la grande famille vidéoludique comprend son lot de déshérités – et pas toujours là où on les attend.
Toutes les opérations partiront du bulletin d’information assuré par April O’Neil
Autant le dire d’emblée : Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions est une anomalie. Quelque chose ne tourne pas rond avec lui, et la première question qui aura approché l’esprit de la plupart des lecteurs – y compris ceux nourrissant ou ayant nourri un intérêt particulier vis-à-vis des Tortues Ninja – en voyant apparaître son nom est sans doute : « Pourquoi n’en avais-je encore jamais entendu parler ? ». Certes, le titre ressemblant fortement à celui de The Manhattan Project – ironiquement sorti le même mois – peut prêter à confusion, mais au-delà de ce détail, on est bel et bien en présence d’une boîte de jeu tout ce qu’il y a de plus officielle, avec une illustration figurant clairement les quatre personnages principaux de la licence et un énorme « Konami » en bas à droite. Alors qu’est-ce qui cloche ? Déjà, le fait que l’on soit en présence d’une exclusivité PC, ce qui ne correspondait pas exactement au terrain préférentiel de la compagnie japonaise.
Le terrain de jeu qui s’offre à vous est d’une taille appréciable
Le monde étant finalement plus rationnel qu’on le pense, on réalise rapidement que Konami n’est pas le développeur mais bien l’éditeur du jeu – ce qui reste un peu déroutant, Konami commercialisant alors quasi-exclusivement des titres issus de ses propres studios, quitte à créer ses propres labels de type Palcom pour contourner les restrictions placées par Nintendo. Le développeur se trouve être un certain Distinctive Software – pas exactement le nom le plus célèbre ni le plus ronflant en la matière, mais qui serait bientôt connu sous celui d’EA Canada. Une chose est certaine, en tous cas : Konami, l’éditeur, croyait suffisamment au jeu pour le commercialiser, mais visiblement pas assez pour le vendre ailleurs qu’en Amérique du Nord, et vraisemblablement avec une promotion minimale ; le fait que je ne sois même pas parvenu à trouver un test d’époque concernant le jeu m’invite à penser qu’il n’a peut-être même pas été envoyé aux rédactions journalistiques de la période. Investissement minimal de la part de Konami (qui avait toutes les raisons de croire qu’un titre estampillé Tortues Ninja se vendrait de toute façon tout seul en période de Noël) ou volonté de ne pas faire trop de bruit autour d’un programme ne correspondant pas à ses standards ? On ne le saura jamais. Mais disons simplement que s’il s’agit de la deuxième option, celle-ci part vraisemblablement d’un constat très sévère.
Les tortues sont de retour, et elles vont avoir beaucoup de boulot
On ne peut en tous cas pas enlever au titre de DSI un respect certain pour son matériau d’origine, le programme s’ouvrant sur une longue introduction prenant la peine de décrire l’origine de nos héros ; ce n’est certes pas le pic de ce qu’on a pu connaître en matière de pixel art (la participation des artistes de chez Konami aurait indéniablement fait beaucoup de bien à ce niveau), mais c’est cohérent, bien présenté, et il est difficile de ne pas craquer en entendant le haut-parleur interne cracher « pizza ! » lorsqu’une des tortues prononce son premier mot.
Les ennemis sont souvent plus dangereux par leur nombre que par leurs attaques
S’ensuit l’enjeu principal du programme : Shredder indique fort courtoisement à la télévision qu’il va prendre le contrôle de Manhattan sous 48 heures. Pour le contrer, les tortues n’ont a priori aucune piste… sauf celle des nombreux méfaits commis en ville, dont plusieurs pourraient être reliés directement au chef du clan foot. N’écoutant que leur courage, les quatre ninja prennent donc le parti d’aller faire le travail de la police en s’intéressant à cinq affaires : une attaque de banque, des êtres à tête de tricératops qui sèment le chaos en ville, un réseau de vendeurs d’armes, des incendies criminels, et même des contrebandiers d’ivoire (!). Un peu à la manière de The Punisher, il va donc falloir mener l’enquête pour trouver où est caché Shredder – au détail près que cette enquête prendra cette fois la forme d’un beat-them-all en 2D à l’ancienne avec très peu d’éléments d’aventure, ce qui a au moins le mérite de simplifier les choses.
Les graphistes de DSI n’étaient peut-être pas des peintres de la Renaissance, eux, mais on ne peut qu’apprécier les efforts entrepris pour soigner l’enrobage du jeu
Chaque affaire est divisée en plusieurs étapes qui demandent d’être résolues dans l’ordre, mais le joueur a la totale liberté de choisir sa prochaine destination et la ou les tortues qu’il dirigera (car oui, le jeu est jouable à deux) ; la seule limite est celle du temps, puisque le jeu devra être terminé en moins de 48 heures. Si cela semble un total assez généreux pour un titre dont l’action se déroule en temps réel, il faut garder à l’esprit que vos héros auront souvent besoin de se reposer entre les missions histoire de se refaire une petite santé – ce qui leur prendra au moins une heure à chaque fois.
L’entraînement sera un bon moyen de se familiariser avec les adversaires qui pourraient vous poser problème – mais il ne devrait pas y en avoir beaucoup
Ils auront également tout loisir de s’entraîner, Splinter étant visiblement suffisamment au fait de la nature de l’adversité pour avoir un exemplaire de chaque ennemi à disposition dans ses égouts (!!), un bon moyen pour le joueur de mémoriser les patterns adverses… et pour les tortues de progresser, chaque combat terminé faisant progresser à la fois sa force, sa vitesse et sa jauge d’énergie. Avec le temps, non seulement chacune d’entre elles pourra donc devenir bien plus résistante, mais elle pourra même aller jusqu’à développer de nouveaux coups plus meurtriers ! Je sens déjà les cyniques grincer des dents : « un bon moyen de doper la durée de vie du jeu en obligeant le joueur à passer deux plombes à s’entraîner histoire d’avoir des statistiques correctes, c’est ça ? ». Eh bien non, car les tortues progressent également très vite en situation réelle, et le titre n’étant objectivement pas très difficile (DSI s’est peut-être rappelé que son public de destination restait les enfants…), on peut se lancer immédiatement dans le feu de l’action, quitte à passer rapidement d’une tortue à une autre via la touche F1 pour pouvoir profiter de leurs quatre jauges de santé et de leurs réserves de shurikens cumulées.
Le genre de situation à éviter à tous prix : pris en sandwich entre deux adversaires
Il faudra d’abord prendre le temps de dompter une jouabilité faisant beaucoup penser à celle des jeux de combat à la Budokan, et nécessitant pas moins de deux boutons du joystick – un de ces avantages du PC sur l’Amiga et l’Atari ST –, facilement remplacés par la touche Entrée et la barre d’espace quand on joue au clavier.
Shredder ne devrait pas vous poser beaucoup de problèmes, pas plus que le reste du jeu
Par défaut, une tortue peut sauter, se baisser, lancer des shurikens (très pratique contre les boss ou les ennemis équipés d’armes à feu) et collecter divers bonus, qu’il s’agisse des boîtes de pizza qui font office de soins, de shurikens additionnel ou d’objets servant à la résolution de petites énigmes très simples (de type trouver une corde pour franchir un précipice). En appuyant sur les deux boutons en même temps, elle passe en mode combat, un bouton servant à réaliser les combinaisons offensives et un autre les combinaisons défensives – qui, autant le dire, sont rarement sinon jamais utiles, les affrontements n’étant pas assez techniques pour nécessiter la mise en place de stratégies complexes. Traduit en clair : on pourra résoudre à peu près n’importe quel conflit en spammant les deux mêmes attaques quelle que soit la tortue sélectionnée, ce qui évitera au moins de composer avec une courbe de progression interminable qui n’en aurait objectivement pas valu la peine.
Les séquences de plateforme sont rares ,ce qui vu leur précision n’est sans doute pas plus mal
Une fois en jeu, le principe est simple et la vue comme la jouabilité évoquent ce qu’aurait pu donner un titre à la Batman : The Caped Crusader s’il avait été jouable et équilibré à peu près correctement. La réalisation, sans être transcendante, met un point d’honneur à varier les environnements et les ennemis rencontrés, et on se découvre un certain plaisir à découvrir tous les niveaux du jeu, qu’on soit en train de parcourir les rues de Manhattan, un pétrolier, une boîte de nuit ou un dojo.
Les décors sont variés, on ne peut pas enlever ça au jeu
En fait, en dépit de la répétitivité de l’approche, on se surprend même à penser que le système de jeu n’est pas mal pensé du tout et qu’avec un peu plus de soin à tous les niveaux – une réalisation tirant mieux parti des 256 couleurs du VGA, une musique qui se manifeste au-delà de l’écran-titre, des objectifs un peu plus variés que d’aller tuer des boss, un système de combat plus technique… – on n’aurait vraiment pas été loin de tenir un des meilleurs programmes tirés de la licence, c’est dire !
Ne perdez pas votre temps avec ce barman : évitez les bouteilles qu’il vous lance et franchissez directement la porte
En l’état, le jeu souffre d’un peu toutes les anicroches correspondant à un jeu d’action sur PC en 1991 : la jouabilité est un peu raide, l’assemblage est parfois un peu bancal, et on se dit qu’en dépit de quelques qualités bien senties, la prise en main demeure inutilement complexe pour ce qui reste fondamentalement un beat-them-all à la Kung-Fu Master avec quelques timides séquences de plateforme et des « énigmes » qui ne servent qu’à justifier un aspect exploration très limité en demandant de transporter des objets d’un point A à un point B rarement situé à plus de deux écrans de là. Bref, le tout sent un certain manque de polish, pour ne pas dire d’ambition – comme si les développeurs savaient très bien que Konami n’allait pas exactement se mettre en quatre pour promouvoir leur jeu – qui empêche ce jeu d’être davantage qu’une curiosité sympathique avec des idées qui auraient mérité d’être creusées. Clairement pas un indispensable, mais si vous avez un goût irrationnel pour ces programmes maladroits qui n’étaient qu’à quelques sauts de puce d’être vraiment bons, ce Manhattan Missions mérite surement une deuxième chance.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13,5/20
Titre méconnu passé totalement sous les radars – sans doute à cause de son statut d'exclusivité PC non développée par Konami – Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions est un logiciel qui aurait sans doute mérité un meilleur sort. Sorte de rencontre improbable entre Batman : The Caped Crusader et The Punisher sur la même machine, le jeu imaginé par DSI en reprend une partie des bonnes idées pour en tirer – miracle ! – un amalgame mieux pensé, mieux équilibré et bien plus jouable. Certes, comme on pouvait s'y attendre en 1991, l'expérience a encore un côté brut de décoffrage, avec une réalisation parfois mal dégrossie, une jouabilité pas toujours assez précise et un manque global de finitions. Il n'empêche qu'on se surprend à passer un bien meilleur moment que ce qu'on pouvait craindre en compagnie des tortues ninja à visiter Manhattan sous toutes ses coutures. Une curiosité qui pourrait faire mouche auprès de certains joueurs.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une difficulté assez anecdotique – Une jouabilité inutilement complexe pour les possibilités réelles qu'elle offre
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Manhattan Missions sur un écran cathodique :