Développeur : Treasure Co., Ltd. Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord) Testé sur :Mega Drive – Game Gear – Master System Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Mac OS, PlayStation 2, PlayStation 3, Switch, Wii, Windows Présent au sein de la ludothèque intégrée de la Mega Drive Mini Présent au sein des compilations :
Sega Ages 2500 : Vol.25 – Gunstar Heroes : Treasure Box (2006 – PlayStation 2, PlayStation 3)
SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS, Windows)
Version Mega Drive
Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Octobre 1994 (Europe)
Moins d’un an : c’est le temps qu’il aura fallu à la jeune équipe de Treasure pour parvenir à accomplir deux faits suffisamment notables pour mériter d’attirer beaucoup d’attention. Quand le premier jeu développé par un studio se trouve être rien de moins que Gunstar Heroes, run-and-gun si frénétique et efficace qu’il peut revendiquer le titre de meilleur représentant du genre sur Mega Drive – et peut-être même à l’échelle de toute la génération 16 bits – il y a déjà de quoi avoir très envie de voir la suite des événements ; et quand celle-ci revient à transformer ce qui aurait dû être un simple jeu de promotion insipide apte à donner des cauchemars à des millions d’enfants en mettant en scène l’immonde Ronald McDonald en le très sympathique McDonald’s Treasure Land Adventure, on commence à approcher de la magie noire.
Un jeu de plateforme qui prend le temps de vous enseigner ses mécanismes : ça n’était pas commun, en 1994 !
Il faut dire qu’avec d’anciens développeurs du Konami de la grande époque à la manœuvre, on se doutait qu’on n’avait pas exactement affaire à des pitres, mais une petite voix un peu paranoïaque tout en restant désespérément rationnelle murmurait que peut-être ces deux succès pouvaient aussi bien constituer deux accidents, deux exceptions avant des productions nettement plus convenues appelées à rentrer dans le rang en même temps que leurs concepteurs. Dès lors, les joueurs impatients attendirent fébrilement la confirmation, la dernière preuve qu’ils venaient d’assister à la naissance d’un studio appelé à faire date et dont il faudrait surveiller le moindre logiciel comme on le faisait avec les Bitmap Brothers ou la Sonic Team. Ils n’eurent pas à patienter trop longtemps : dès la mi-1994 surgissait Dynamite Headdy, autre représentant assumé d’un domaine où la concurrence était pourtant terrible : le jeu de plateforme. Et le jugement ne tarda pas à tomber, inéluctable : sans vouloir faire de mauvais jeu de mots (bon allez, si, un peu quand même), c’était de la bombe. Encore.
Dynamite Headdy : ce jeu auquel vous ne savez pas encore que vous avez furieusement envie de jouer
La première petite surprise conférée par le jeu, c’est son univers. Certes, celui-ci n’est pas exactement introduit par une version occidentale où tous les dialogues ont été supprimés (un patch – anglais – de traduction de la version japonaise existe, je vous renvoie au pavé technique), la difficulté augmentée et quelques modifications cosmétiques opérées, mais il est difficile de ne pas remarquer le fait que toute l’action, des environnements au déroulement des niveaux, est présenté comme un décor de théâtre mû par une machinerie visible à l’écran : panneaux amovibles, épais cordages, clous apparents, déchirures dans la toile – et que le tout est souvent remplacé à la volée en pleine action, parvenant à offrir un dynamisme inattendu à des éléments censés être statiques.
Chaque sous-niveau du jeu est une trouvaille à lui seul
Un thème particulièrement pertinent dans le sens où il justifie une mise en scène permanente : un boss introduit par un projecteur, un décor de fond qui s’écroule, des indications pour les techniciens en coulisse, et même un personnage dont l’unique fonction est de vous désigner le point faible des boss ! Tout cela donne un aspect organique, une vie permanente aux tableaux qui défile sous nos yeux et introduit d’emblée une variété impressionnante sur laquelle on aura l’occasion de revenir : d’un bout à l’autre, Dynamite Headdy est un jeu en mouvement où tout semble concourir à ne jamais laisser vos sens au repos d’une façon plus subtile et encore un peu plus audacieuse que celle d’un certain hérisson bleu qui avait pourtant dynamité (calembour) beaucoup de codes en la matière.
Comme tout le reste du jeu, les boss sont aussi bien présentés qu’ils sont intelligents dans leurs mécanismes
La deuxième surprise, c’est le mode d’action de notre héros qui résout les problèmes avec sa tête – littéralement. Plus d’un an avant que Rayman n’ait l’idée de lancer ses poings, le bien nommé Headdy, lui, utilise carrément son crâne en guise de projectile.
Mais où vont-ils chercher tout ça ?
Et non seulement cela est très efficace et lui permet d’ailleurs également de s’agripper à des prises qu’il peut employer pour se propulser à distance, mais c’est aussi la base d’un système de power-up très bien fichu puisque notre héros peut carrément changer de tête pour changer de pouvoir : une tête de marteau pour frapper dur, une tête miniature pour s’ouvrir des passages autrement inaccessibles, une tête de cochon pour aspirer tout ce qui se trouve à l’écran, ou même une tête l’expédiant dans un niveau bonus et une tête malus le ralentissant – près d’une vingtaine au total. Un petit côté Kid Chameleon très bien mis à profit, puisque les pouvoirs ne sont pour ainsi dire jamais distribués au hasard mais plutôt en fonction de ce qui met en valeur le level design, introduisant constamment de nouvelles idées au fil des neuf niveaux eux-mêmes divisés en plusieurs sous-niveaux – quitte à offrir un segment shoot-em-up pendant toute la durée du sixième monde, voire à carrément offrir un sous-niveau entier (et facultatif) à présenter en situation les principaux mécanismes du jeu ! Bref, Dynamite Headdy a des idées et de l’audace en réserve – et la dernière bonne nouvelle, c’est qu’il a aussi le talent de l’équipe de Treasure pour en tirer le meilleur.
Même quand le jeu devient un shoot-them-up, c’est toujours aussi bon
On pourrait ainsi s’attarder longtemps sur la réalisation exceptionnelle du jeu, véritable vitrine technologique mettant en scène à peu près tout ce que la Mega Drive est capable d’afficher en la matière – et de rappeler qu’il n’était pas nécessaire d’avoir à disposition un Mode7 comme la Super Nintendo pour afficher des rotations ou des zooms – mais les captures d’écrans seront déjà suffisamment parlantes à ce niveau – et quel plaisir de profiter d’un tel déluge de couleurs sur une console qui s’était un peu trop acharnée à offrir des titres sombres, pour ne pas dire grisâtres, pendant ses premières années de commercialisation.
Le jeu compte également de nombreux mini-boss
Mais la vraie star du jeu reste son extraordinaire game design : chaque sous-niveau du jeu semble introduire une nouvelle idée, une petite trouvaille dont il tire merveilleusement parti et qui fait qu’on n’a virtuellement jamais le temps de sentir pointer quoi que ce soit qui ressemble à de l’ennui. Sol qui se penche, phases où il faut jouer avec la gravité – un peu à la façon d’un segment du deuxième monde de Castle of Illusion, mais en beaucoup mieux exploité ici – tour rotative à la Nebulus, poursuite en défilement imposé, tout y passe, quitte parfois à cumuler plusieurs idées sur un même niveau. On se retrouve face à une variété qui parvient à supplanter celle d’un titre comme Rocket Knight Adventures, pourtant déjà pas avare en la matière, et en offrant surtout une merveilleuse efficacité dans le rythme qui permet au jeu d’être un peu tout ce que Tiny Toon Adventures : Buster Busts Loose! avait cherché à être sans réellement y parvenir – et non, ce n’est pas par accident que j’ai choisi deux titres de Konami en guise de comparaison.
Plus on avance et moins l’action fait de cadeaux !
On pourrait encore creuser longtemps tout ce qui vient nourrir la rejouabilité du titre, comme l’existence de « points secrets » à glaner en accomplissant certaines actions (par exemple en détruisant le robot qui vous pourchasse lors du premier niveau plutôt que de vous contenter de fuir) et qui permettent d’ouvrir l’accès au « vrai » boss final, lequel est pour le coup assez surprenant !
le stage bonus du jeu demande un timing sans faille
Mais la vérité est surtout que Dynamite Headdy est une véritable mine de trouvailles, un vaccin permanent contre la monotonie dont les deux seuls minimes défauts sont un certain flou dans les zones de collision lors des combats de boss (il n’est pas toujours facile de comprendre ce qui vous touche et ce qui ne vous touche pas) et surtout une difficulté qui bascule dans le sauvage vers la deuxième moitié du jeu et qui imposera de longues séquences de die-and-retry à un jeu déjà assez long, ce qui amène presque à regretter qu’un système de mot de passe ne soit pas disponible. On en prend constamment plein les mirettes et on a hâte de voir la prochaine idée grandiose du programme – même si on se doute qu’on va rapidement en baver – et on se retrouve face à un de ces monuments qui nous aident à comprendre pourquoi le jeu de plateforme aura longtemps été considéré comme le genre roi sur console : quand ça atteint ce niveau-là, ça ne prend tout simplement pas une ride, jamais, même avec trente ans de recul. Vous voulez redécouvrir ce qu’était le fun à l’ère 16 bits ? Essayez Dynamite Headdy. C’est un peu comme un baume de fraise Tagada sur vos rêves d’enfants meurtris.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 18,5/20
Dynamite Headdy aurait pu n'être qu'une vitrine technologique pour la Mega Drive, ou bien uniquement la rencontre entre une idée de gameplay sympa et un univers original, ou bien simplement un jeu de plateforme d'une rare variété, et cela aurait déjà été très bien. Mais ce qui fait du titre de Treasure l'un des meilleurs représentants du genre au sein de sa génération, c'est surtout qu'il soit parvenu à être tout cela à la fois. S'il est un mot à bannir définitivement en décrivant la formidable cartouche délivrée par l'équipe japonaise, c'est bien « monotonie » : on a rarement vue autant de trouvailles présentées à un rythme aussi effréné et d'une façon aussi merveilleusement efficace – de quoi donner la leçon même à des références en la matière, Rocket Knight Adventures en tête. Certes, mieux vaudra avoir la tête froide et des nerfs d'acier vers la fin du jeu, car la difficulté y devient redoutable, mais c'est avec un plaisir certain qu'on sera heureux d'y revenir tant l'expérience est plaisante d'un bout à l'autre. Chapeau bas, messieurs.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des zones de collision pas toujours très claires, en particulier lors des combats de boss – Une difficulté qui ne fait vraiment pas de cadeaux sur la fin du jeu
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dynamite Headdy sur un écran cathodique :
Version Game Gear
Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Novembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Bien qu’on l’associe traditionnellement à la Mega Drive, Dynamite Headdy aura également connu une sortie simultanée sur Game Gear, avec l’équipe de Minako Giken – grande habituée des portages sur la console portable – à la baguette. Dans l’absolu, cette itération 8 bits s’efforce de respecter au maximum le déroulement de la version Mega Drive, mais comme on peut s’en douter, les capacités de la console alliés à la division par quatre de la taille de la cartouche auront fatalement entraîné de nombreux sacrifices.
À force de rogner les angles, il finit par ne plus rester grand chose
Si la réalisation est colorée et relativement efficace, avec la plupart des thèmes musicaux repris fidèlement à quelques exceptions près (le thème de l’écran-titre reprend celui du premier niveau de la version Mega Drive, par exemple), le framerate est nettement plus bas, la fenêtre de jeu nettement plus petite, et à peu près toutes les trouvailles graphiques de la version Mega Drive – les zooms, les rotations, le sol du niveau trois qui pivote – ne sont plus à l’ordre du jour ici. Le contenu a lui aussi été lourdement sabré : il n’y a plus que six niveaux, ils contiennent moins de sous-niveaux, les boss ont été simplifiés, etc. ; le jeu peut donc être vaincu beaucoup plus vite même si la difficulté reste conséquente, notamment parce que la jauge de vie du héros est ici nettement moins conséquente. Le vrai problème, c’est que même avec toute la meilleure volonté du monde, Dynamite Headdy n’a tout simplement plus les armes pour surprendre sur Game Gear et l’expérience nerveuse, variée et rafraichissante a ici laissé la place a quelque chose de nettement plus convenu où le déroulement est devenu beaucoup plus téléphoné. Les niveaux n’ont pas le temps d’être mémorables, la difficulté est souvent frustrante parce qu’on n’a que très peu de temps pour comprendre les patterns des boss et mini-boss, et sans passer un mauvais moment on est plus proche d’un ersatz de l’expérience originale que de sa retranscription fidèle. Une cartouche à lancer par curiosité, mais si vous voulez vraiment découvrir le jeu, essayez plutôt la version Mega Drive.
NOTE FINALE : 13,5/20
En dépit d’une réalisation honnête, Dynamite Headdy sur Game Gear aurait été bien inspiré d’être une adaptation pensée pour la console portable plutôt qu’un simple portage, surtout quand celui-ci perd au passage pratiquement tout ce qui faisait la force de la version Mega Drive pour devenir un jeu prévisible où la plupart des idées originales ont disparu. Une version expurgée qui conserve son petit charme, mais qu’on préfèrera réserver aux curieux.
Version Master System
Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : Octobre 1995 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
En 1995, la Master System faisait encore une très belle carrière au Brésil, ce qui aura permis aux locaux de bénéficier de cartouches jamais commercialisées dans le reste du monde. Comme on peut s’en douter, les équipes de SEGA n’auront pas exactement été mobilisées pour un marché qui demeurait relativement marginal – ou en tous cas, très secondaire derrière celui des jeux Saturn ou même Game Gear –, et les équipes de Tec Toy se seront donc contentées de reprendre la version développée par Minato Giken et de l’adapter à la Master System. Ironiquement, en dépit du manque total d’innovations que cela implique, il faut bien reconnaître que l’accroissement de la fenêtre de jeu rend l’action nettement plus lisible, que les couleurs sont moins agressives et que le framerate est également meilleur, rendant de fait cette version sensiblement plus jouable que celle dont elle est tirée. Pour le reste, il faudra composer exactement avec les mêmes coupes que sur Game Gear, ce qui offre à la console un jeu de plateforme très correct mais ne jouant clairement pas dans la même cour que l’opus Mega Drive.
NOTE FINALE : 14/20
Comme très souvent avec les exclusivités brésiliennes sur Master System, Dynamite Headdy n’est rien de plus que le portage de la version Game Gear adapté à la résolution de la console – ce qui apporte, mine de rien, un indéniable surplus en termes de confort. De quoi offrir à la machine un jeu de plateforme très correct.
Développeur : Strategic Simulations, Inc. Éditeur : Strategic Simulations, Inc. Testé sur :PC (DOS) Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows Présent au sein des compilations :
Dungeons & Dragons : Ultimate Fantasy (1995 – PC (DOS))
Three Worlds of Official Dungeons & Dragons 2nd Edition Computer Games (1995 – PC (DOS))
Advanced Dungeons & Dragons Masterpiece Collection (1996 – PC (DOS))
Dungeons & Dragons : Dark Sun Series (2015 – Linux, Mac OS, Windows)
En vente sur :GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s) Mode graphique supporté : VGA Cartes sons supportées : AdLib/Gold, ARIA Chipset, General MIDI, General MPU-401 MIDI Devices, Gravis Ultrasound/ACE, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard Système de protection de copie par consultation du manuel
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
En 1992, l’union autrefois idyllique entre Strategic Simulations, Inc. et la licence Donjons & Dragons commençait à sérieusement battre de l’aile.
Première urgence : quitter l’arène
Du côté de SSI, tout d’abord, l’enthousiasme initial qui avait entouré le triomphe critique et commercial de Pool of Radiance se sera fatalement essoufflé, la faute autant à un marché saturé de « Gold Boxes » (neuf jeux en cinq ans, sans même parler des « Silver Boxes » qui les accompagnaient) qu’à une baisse notable de la qualité de ces dernières, le poids des années se faisant de plus en plus sentir sur un moteur de jeu resté prisonnier des contraintes des ordinateurs 8 bits pour lesquels il avait été conçu – et qui commençait à faire sourire face à des productions de pointe à la Ultima VII. Conséquence : les ventes auront logiquement suivi la pente déclinante de l’intérêt des joueurs, et là où Pool of Radiance s’était écoulé à plus de 260.000 exemplaires à son lancement, The Dark Queen of Krynn, la dernière des « Gold Boxes », aura à peine dépassé les 40.000 copies vendues. L’embellie passagère provoquée par le succès d’Eye of the Beholder, dernier titre de la licence à avoir franchi le cap des 100.000 ventes, n’aura pas survécu au rachat de Westwood Studios par Virgin Games, et dans l’ensemble les résultats financiers n’avaient pas de quoi faire sourire les responsables du studio américain.
Tourisme : découvrez un univers exotique (où pratiquement tout le monde veut votre peau) !
Pour être honnête, du côté de TSR – détenteurs de la licence Donjons & Dragons –, l’ambiance n’était pas meilleure, et pas seulement parce que les ventes des « Gold Boxes » étaient en chute libre ou que SSI avait échoué à porter la plupart de ses jeux sur consoles. La concurrence commençait également à se faire féroce sur le marché des jeux de rôles papier, et l’émergence de concurrents plus accessibles comme Vampire : La Mascarade et bientôt celle d’un certain Magic : L’Assemblée semblait prendre de court une firme dont la seule réponse était de sortir systématiquement des tombereaux de nouveaux modules et univers exclusifs, achevant de rendre la licence encore plus opaque et encore plus impénétrable aux yeux des néophytes.
C’est comme toujours votre groupe qui hérite de la tâche de sauver toute la région, et on peut regretter que ce ne soit pas négociable
L’accord qui unissait les deux compagnies devait prendre fin au 1er janvier 1993, et le moins qu’on puisse dire, c’est que SSI jouait beaucoup plus gros que TSR au moment de chercher à obtenir la prolongation dudit accord. Au terme de tractations intenses, celui-ci se trouva finalement étendu de 18 mois, mais à une condition : plus question pour SSI de se reposer sur le moteur agonisant des « Gold Boxes » ; il allait être temps d’embrasser la modernité, et surtout de développer un jeu dont les chiffres de vente retrouve les sommets atteints par Pool of Radiance, rien de moins. Le studio américain, parfaitement conscient d’être en train de jouer sa survie, investit donc plus d’un millions de dollars dans la conception d’un nouveau moteur de jeu, lequel accoucha de ce qui aurait dû être la tête de lance de la nouvelle fournée de jeux estampillés Donjons & Dragons : Dark Sun : Shattered Lands.
Les communautés pacifiques sont rares – et elles auront toutes besoin de votre aide
Le titre du jeu trahit d’ailleurs déjà la première exigence de TSR, qui aura imposé l’usage d’un de ses nouveaux univers flambants neufs histoire de le promouvoir plutôt que de se reposer sur la licence désormais sur-employée des Royaumes Oubliés. Entre donc l’univers vaguement post-apocalyptique de Dark Sun, monde vidé de sa force vitale par des magiciens surpuissants, et qui présente une esthétique qui a le mérite d’être relativement originale, tendance « Mad Max chez les elfes et les nains ».
Mieux vaut en pas être trop pressé de dégainer son arme : on peut trouver des alliés partout, y compris là où on ne s’y attend pas
Comme souvent avec Donjons & Dragons, cet univers s’accompagne également d’une surcouche de règles, de races et de spécificités qui pourront décontenancer jusqu’aux habitués de la licence principale – sans même parler des néophytes, qui risquent d’être perdus pour de bon. Ainsi, la création des quatre personnages qui formeront votre équipe demande désormais de composer avec des races aussi exotiques que des demi-géants, des Muls (croisements de nains et d’humains) ou des Thri-Keens, espèce insectoïde à six pattes ne pouvant s’équiper d’aucune forme d’armure. Les classes sont également chamboulées, d’abord parce que le rôle de soigneur échoie désormais aux druides tandis que les clercs doivent choisir un élément dans lequel se spécialiser, mais aussi et surtout parce que toutes les races et les classes disposent désormais de pouvoirs psioniques en plus de leur éventuelle magie – et pour ne rien arranger, bien qu’il n’en soit fait mention nulle part, le jeu est clairement pensé d’un bout à l’autre pour des combattants multi-classés, n’hésitez donc pas à donner à tous vos personnages une classe de guerrier ou de gladiateur à côté de leur classe principale, vous ne le regretterez pas. À peine formé, votre groupe sera catapulté dans le feu de l’action, ou plutôt dans l’arène, puisque la partie s’ouvrira dans la peau d’un groupe de gladiateurs retenus esclaves, avec un premier objectif clair : parvenir à se faire la malle pour aller découvrir le vaste monde.
L’aspect « aventure » a beau s’être épaissi, il faudra toujours passer beaucoup de temps à se battre
Une très bonne occasion de découvrir ce fameux nouveau moteur de jeu qui respire, à bien des niveaux, l’inspiration évidente qu’était celui d’Ultima VII. Non seulement les graphismes sont des kilomètres au-dessus de ce que permettait le moteur des « Gold Boxes », avec des détails dans tous les sens et des personnages fidèlement campés à l’échelle, mais en plus les développeurs de SSI ont visiblement bien travaillé puisque le jeu est nettement moins gourmand que son modèle et qu’il offre aussi et surtout un système de combat en tour-par-tour nettement plus satisfaisant que les affrontements largement automatiques du concurrent de chez ORIGIN Systems, et qui permet de mettre à contribution la large panoplie de possibilités additionnelles dont nous avons à peine égratigné l’étendue au paragraphe précédent.
Les enjeux sont mal introduits, tout comme le grand méchant qui n’est finalement qu’un soldat parmi d’autres
Un changement qui se ressent autant dans l’ergonomie désormais intégralement à la souris, puisqu’il est possible d’interagir avec pratiquement tous les objets et les êtres vivants présents à l’écran, que dans la philosophie générale où les conversations jouent désormais un rôle nettement plus important que dans les « Gold Boxes » qui tendaient à se limiter à une longue suite de combats. Le joueur peut désormais choisir comment répondre, se montrer agressif ou conciliant, tuer tout ce qui bouge ou bluffer, et la bonne nouvelle est que la plupart des quêtes sont dorénavant pensées pour pouvoir être résolues de plusieurs manières, depuis la plus directe – et généralement la plus brutale – jusqu’à la plus intelligente. Un gros changement d’approche – où l’influence des Ultima se fait une nouvelle fois sentir – qui permet enfin au joueur de faire du roleplay au-delà du choix de sa classe et de ses caractéristiques, ouvrant ainsi la voie aux jeux de rôles « modernes » à la Fallout.
Les conversations vous permettront souvent de résoudre les problèmes autrement qu’en tuant tout le monde
Jusqu’ici, le menu est très alléchant, d’autant plus que la présentation est nettement plus soignée, et on pourrait penser que Dark Sun : Shattered Lands a absolument tous les arguments pour pouvoir prétendre au titre de « nouveau Pool of Radiance » qu’il cherchait si désespérément à atteindre. Dans les faits, il n’en est pas si loin, grâce notamment à ce nouveau moteur qui laisse enfin une place prépondérante à l’aventure et à l’expérimentation, mais comme souvent avec SSI les problèmes commencent plutôt à se manifester du coté de l’écriture et de celui de la finition.
Il n’est pas très difficile de rapidement crouler sous l’or et les possessions
Tout d’abord, on pourra par exemple regretter que le joueur soit en quelque sorte pris à froid en se faisant bombarder au milieu des combats dès les premières secondes de jeu sans même se voir offrir le temps de découvrir l’univers, les enjeux et l’interface, avec une pression constante sur les épaules puisque chaque repos l’approche du prochain combat d’arène, lequel s’avèrera chaque fois un peu plus difficile que le précédent – et sans même un marchand pour pouvoir s’équiper. Un peu raide, comme courbe d’apprentissage ! Dans le même ordre d’idées, le monde du jeu est assez mal introduit, on n’a aucune notion précise de sa géographie, de sa géopolitique ou des rapports de force en présence, et le scénario se limite finalement à unir une poignée de villages contre une grande armée dont on n’est même pas certain de bien comprendre qui la mène ni pourquoi elle veut massacrer tout le monde. Difficile de se sentir impliqué dans un univers où tout le monde ne semble se soucier que de son petit nombril et nous envoyer faire des quêtes se résumant à récupérer un truc ou à tuer un machin, et dans l’ensemble le charme qu’aurait dû représenter la découverte de ce monde original se limite un peu trop à parcourir de grands déserts vides où on ne trouve que trop rarement quelqu’un à qui parler en tuant les monstres qui se présentent en route. Une philosophie pas si nouvelle que ça, en fin de compte…
La possibilité de faire apparaître une carte n’importe quand facilite grandement la navigation
De la même façon, on sent encore une interface pas bien dégrossie, notamment parce que les possibilités sont loin d’être évidentes. Par exemple, il est parfois possible d’escalader un mur ou d’ouvrir un passage, sauf que rien ne distingue ces éléments interactifs des autres, et qu’on se retrouve trop souvent dans des situations où on « peut » faire des choses » mais où rien n’indique qu’on puisse le faire, et il faut un long moment pour découvrir la réelle étendue des possibilités d’action du jeu – et à quels endroits celles-ci se manifestent.
Bon point : le jeu fait un réel effort pour varier ses environnements, même si on se doute que l’aspect post-apocalyptique fait qu’on croise surtout des déserts
Par exemple, dès la première zone du jeu, on peut choisir de donner à boire à un prisonnier dans l’arène, encore faut-il avoir ramassé un pot, s’être trouvé en présence d’une réserve d’eau, et avoir sélectionné l’objet dans son inventaire avant d’en sortir et d’enchaîner les clics droits jusqu’à ce que l’objet sélectionné réapparaisse pour enfin l’utiliser sur l’abreuvoir afin de le remplir. On est très loin de l’interface hyper-intuitive d’Ultima VII… De fait, le jeu se montre souvent bavard et verbeux alors qu’il n’a pas grand chose à dire, la zone de jeu se limite à une quinzaine de régions dont on fait très vite le tour, et la durée de vie du programme atteint au final péniblement les dix heures (je ne sais pas où Tilt était allé chercher le chiffre d’une « petite centaine d’heures », mais on en est très loin !). En y ajoutant de nombreux bugs et autres soucis de pathfinding, les promesses entrevues lors des premières minutes de jeu peinent trop souvent à se matérialiser, et sans passer un mauvais moment on a un peu trop souvent l’impression que ce Dark Sun n’est que l’ébauche du jeu qu’il aurait pu être avec un peu plus de soin – et surtout, avec un peu plus de temps.
On peut trouver des quêtes partout en sachant fouiller un peu
Le succès public n’aura d’ailleurs clairement pas été au rendez-vous : en dépit d’un très bon accueil critique, le jeu se sera péniblement vendu à 45.000 exemplaires – à peine plus que les ultimes opus des « Gold Boxes » à bout de souffle, et surtout péniblement un sixième des ventes atteintes par Pool of Radiance en son temps. Pas exactement l’objectif recherché pour un titre ayant nécessité des investissements massifs et dix-huit mois de développement…
Dommage qu’il y ait souvent si peu de choses à découvrir dans les différentes régions du jeu
Après de nouvelles âpres négociations entre TSR et SSI, l’accord d’exclusivité les liant aura finalement été prolongé jusqu’au 1er janvier 1995, après quoi la licence serait accessible à d’autres développeurs – et SSI, qui n’avait pour ainsi dire vécu que de l’exploitation de Donjons & Dragons depuis 1988, se sera efforcé d’essorer son précieux sésame avec ses dernières forces (Al Qadim, Dark Sun : Wake of the Ravager, deux épisodes de Ravenloft, Menzoberranzan, Deathkeep…) avant d’être contraint de retourner à ses premières amours et de retrouver, ironiquement, le succès avec un jeu de stratégie à l’ancienne, un certain Panzer General. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, les joueurs souhaitant découvrir une expérience un peu moins balisée et un peu plus organique que celle des « Gold Boxes » seraient bien inspirés de laisser une chance à ce premier Dark Sun certes imparfait, mais plus accessible et plus dépaysant que ses glorieux prédécesseurs tout en conservant les possibilités d’un système de combat largement célébré. Il ne fait peut-être pas mouche à tous les niveaux – et les « Gold Boxes » avaient l’avantage de présenter des possibilités mieux encadrées et mieux définies, en dépit de leurs lourdeurs – mais il demeure un des rares représentants de cette première vague de jeux de rôles « de transition » avant l’ère du CD-ROM et du multimédia, et il conserve le charme de la relative originalité de son univers. Ça vaut peut-être bien une deuxième chance, non ?
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 15,5/20
Lancé comme le programme qui devait apporter un second souffle à la licence Donjons & Dragons et renouer avec le succès de Pool of Radiance grâce à un moteur de jeu revu de fond en comble, Dark Sun : Shattered Lands aura hélas échoué à atteindre son objectif dans les grandes largeurs et annoncé le terme de la tumultueuse relation entre SSI et TSR. C'est d'autant plus dommage que c'était clairement un pas dans la bonne direction, quelque part vers Ultima VII, avec une interface nettement plus accessible, une aventure ne se résumant plus à une longue suite de combats et une véritable ouverture dans les possibilités de mener à bien les diverses quêtes du jeu. Malheureusement, l'univers imposé de Dark Sun est assez mal mis à contribution, et dans l'ensemble le jeu laisse trop souvent l'impression d'évoluer dans le brouillard : un monde mal présenté, des environnements trop vides, des possibilités pas assez claires faute d'être convenablement encadrées, des règles trop complexes, des combats pas assez profonds, des enjeux trop nébuleux, sans oublier de nombreux bugs. Il en résulte une expérience un peu frustrante où le joueur catapulté dans le feu de l'action met beaucoup de temps à trouver ses aises, et où la liberté offerte agit souvent comme un obstacle plus que comme comme un apport à une aventure qui n'acquiert jamais tout-à-fait l'épaisseur dont elle voudrait se doter. Un bon jeu de rôles, mais sans doute pas celui qu'on attendait à ce moment-là.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des enjeux mal introduits et qui peinent à se montrer intéressants... – ...tout comme l'univers, qui échoue à exister autrement que comme une suite de grands déserts – Des combats qui se résolvent trop souvent au corps-à-corps après s'être lancé un sort de hâte – Un système de jeu fidèle au support papier mais incluant beaucoup de nuances complexes et souvent inutiles – De nombreux bugs et soucis de pathfinding
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Sun : Shattered Lands sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Superbe. Shattered lands est tout simplement superbe. De fait, je le place directement au côté de Serpent Isle, parmi les meilleurs jeux de rôle en 3D isométrique. SSI a vraiment réussi à se renouveler ! Les graphismes sont beaux et très variés, la musique proche de la perfection et l’ergonomie originale bien conçue. Seule la durée de vie ne soutient pas la comparaison avec Serpent Isle : une petite centaine d’heures (c’est déjà pas mal)… »
Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°119, novembre 1993, 90%
Développeur : Interplay Productions, Inc. Éditeur : Electronic Arts, Inc. Testé sur :PC (DOS) – Amiga Disponible sur : Antstream, Linux, Mac OS, Windows En vente sur :GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko* Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA Cartes sons supportées : AdLib, Covox Sound Master, Game Blaster, haut-parleur interne, Innovation Sound Standard, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr *640ko requis pour les modes VGA et MCGA
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Le problème avec beaucoup de bonnes idées, c’est qu’elles fonctionnent rarement plus d’une fois.
À l’ère où l’informatique était encore entourée d’une certaine magie de par sa capacité à donner vie à des choses qui avaient jusqu’ici été réservées à l’imagination, Battle Chess avait mis étonnamment dans le mille grâce à une idée si simple qu’un joueur n’ayant pas grandi dans les années 80 pourrait s’interroger sur son simple intérêt : faire bouger les pièces. Voir les très abstraits pions, tours et cavaliers du très austère échiquier se livrer bataille via des saynètes animées correspondait visiblement à une véritable attente, à en juger par le succès du titre et le nombre impressionnant de portages auxquels il aura donné lieu.
On peut très vite aller placer le danger dans le camp adverse
Mais ceci étant placé, une fois le concept matérialisé, quelle marge de progression lui restait-il ? Deux axes se présentaient aux développeurs d’Interplay pour une éventuelle suite : reprendre exactement le même principe en changeant juste les graphismes, ou bien – approche plus risquée – en changeant carrément le jeu. Petite surprise : la première approche, la plus prévisible et la plus attendue, aura dû attendre 1993 pour voir le jour avec Battle Chess 4000 ; car auparavant, la firme américaine n’aura pas hésité à déployer une certaine dose de culot en osant lancer en premier Battle Chess II : Chinese Chess. Un nom qui est déjà tout un programme, car là où les joueurs s’attendaient fort naturellement à repiquer pour d’autres parties d’échecs – c’est après tout le nom du jeu – le sous-titre annonce immédiatement le contrepied en proposant des échecs… chinois. Stupeur et tremblements : là où on attendait bêtement un nouvel habillage – qu’on obtenait au passage – il allait également falloir (ré)apprendre à jouer.
Battle Chess II : et si on jouait aux échecs autrement ?
Pour ceux qui ne connaîtraient pas les règles du xiangqi (à ne pas confondre avec le shōgi, communément considéré comme « les échecs japonais », dont il se rapproche), le manuel du jeu sera fort heureusement l’occasion de découvrir les subtilités d’une activité qui pourra au premier abord paraître fort déroutante – en particulier aux yeux des connaisseurs des échecs occidentaux.
Une fois ses marques prises, on préfèrera la version en 2D, plus lisible
On ne se lancera pas ici dans un déroulé des très nombreuses différences existant entre les deux jeux, d’autant que les règles sont dorénavant facilement trouvables en ligne, mais on mentionnera quand même le fait que dans le xiangqi, les unités se déplacent sur des lignes et non dans des cases, que le roi ou général y est cantonné à un espace constitué d’un carré et de ses deux diagonales (le « palais »), que les pions n’ont accès à toute leur mobilité qu’à partir de l’instant où ils ont franchi la « rivière » – une ligne horizontale séparant les deux moitiés du plateau – ou encore que les cavaliers, s’ils bougent de la même façon que dans le jeu occidental, n’ont pas ici la capacité d’« enjamber » les autres unités. Surtout, les débuts de partie tendent à être nettement plus offensifs et nettement moins cantonnés au déploiement des troupes, notamment grâce à une unité redoutable lors des premières minutes : le canon. Celui-ci présente en effet une particularité notable : celle de pouvoir toucher une unité situé sur la même ligne ou la même colonne, comme une tour, mais à la condition qu’une autre unité se trouve entre sa cible et lui-même. Cette petite spécificité introduit un vaste aspect tactique qui oblige à penser très soigneusement ses premiers mouvements, et représentera sans doute un de vos premiers axes de réflexion au moment de réfléchir à vos ouvertures.
Le plateau de jeu tend à se clairsemer beaucoup plus vite que dans les échecs occidentaux
Mais au fait, nous sommes toujours dans un Battle Chess : que sont devenues les fameuses animations qui avaient fait la renommée du premier épisode ? Naturellement, elles sont toujours de la partie, et elles mettront ici en scène une imagerie chinoise peuplée de dragons et d’éléphants (un autre nom possible d’une des unités du jeu, autrement traduit par « Ministre ») avec des petites animations qui s’efforcent d’être divertissantes mais y parviennent rarement avec trente-cinq ans de recul.
Ça sent la fin, pour le général bleu…
On appréciera néanmoins l’ambiance globale qui se dégage du plateau et de l’activité qui y règne, avec des unités globalement bien reconnaissables (sauf pour les cavaliers qui, de dos, ressemblent un peu trop aux soldats), et surtout le fait que cette représentation aide à égayer des premières parties qui auraient autrement été un peu intimidantes en déplaçant des unités rendues trop abstraites par de simples symboles. Avec le temps, on se hâtera de basculer vers le plateau en 2D, plus lisible, pour s’adonner à des parties rendu plus rapides par la suppression de toutes ces animations qui perdent rapidement de leur charme. Toutes les options du premier épisode sont toujours là, à commencer par les neuf niveaux de difficulté, même si l’équilibrage est un peu plus consistant ici (l’ordinateur est moins redoutable dès les premiers niveaux) et surtout, le fait que le jeu soit pensé dès le départ pour un 286 ou supérieur fait qu’il est ici très aisé de déployer toute la puissance du processeur et de profiter ainsi de temps de réflexion infiniment plus courts (pour ne pas dire inexistants, la plupart du temps) que ce qui avait été observé sur Amiga deux ans plus tôt.
Les animations de combat sont toujours là pour égayer les parties, mais surprennent rarement
Ironiquement, l’une des raisons les plus probables pour lesquelles ce deuxième opus n’aura pas rencontré le succès du premier – à savoir le fait de proposer un jeu nettement moins connu en occident que les échecs « traditionnels » – est précisément celle qui rend le titre attractif aujourd’hui, à une ère où le xiangqi ne court toujours pas les rues au sein de la production vidéoludique occidentale (même si on peut facilement trouver quelques programmes vendus à bas prix sur les plateformes de vente en ligne).
Les simples soldats sont plus polyvalents que dans les échecs occidentaux, mais pas question ici d’en faire des reines.
Pour le coup, profiter d’un plateau animé chargé de donner un peu de vie aux unités le temps de briser la glace est plutôt une bonne chose, et aide à faire passer la pilule des inévitables premières raclées qu’on est voué à subir le temps d’assimiler les nombreuses subtilités du jeu, à commencer par le fait que de nombreuses unités n’ont pas du tout la même valeur selon qu’on soit en début ou en fin de partie. Pas de « reine » surpuissante pour faire basculer le cours d’une rencontre serrée ici, et beaucoup d’unités qu’il peut être profitable de sacrifier à la première occasion – notamment au sein de votre « palais » – afin de gagner en liberté de mouvement. C’est vraiment toute une philosophie à découvrir, avec des parties qui débutent régulièrement sur les chapeaux de roue et des escarmouches sur tous les fronts là où les échecs occidentaux nous avaient plutôt habitués à une longue mise en place et à une bataille focalisée sur les cases centrales. Une très bonne façon d’étendre ses horizons et de découvrir un jeu encore trop méconnu hors d’Asie, et un bon moyen de se trouver un nouveau dada qui soit à la fois vaguement familier et réellement dépaysant. À tout prendre, c’est certainement ce qu’on pouvait espérer trouver de plus original au sein des très nombreux jeux d’échecs du siècle dernier, et on remerciera Interplay d’avoir accepté de prendre ce risque. Parfois, on trouve du neuf même dans le vieux, et ça n’est pas plus mal.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Observer des pièces de jeu d'échecs gigoter et se crêper le chignon sur un plateau virtuel était certes une idée qui avait su faire mouche en 1988, mais qui restait fondamentalement un fusil à un coup – dès lors, on était en droit de se demander quel pouvait être l'intérêt réel d'un Battle Chess II... jusqu'à ce qu'on réalise que celui-ci aura fait le pari plutôt culotté d'être un des rares titres occidentaux de la période – si ce n'est le seul – à permettre de jouer aux échecs chinois. C'est d'ailleurs là son principal point fort, bien au-delà d'animations peu imaginatives qui perdront l'essentiel de leur valeur divertissante dès l'instant où on les aura vues une fois. Passé une heure ou deux de curiosité polie, c'est en effet bel et bien sur le plateau en 2D qu'on passera l'essentiel de son temps, à chercher à maîtriser les subtilités de règles dépaysantes pour les habitués des échecs « traditionnels ». Évidemment, ce qui était encore profondément original en 1990 l'est nettement moins à l'ère où les alternatives sont bien plus nombreuses mais on trouvera ici une manière comme une autre de s'initier de façon visuelle à un jeu qui mérite d'être mieux connu.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des animations qui perdent l'essentiel de leur intérêt au bout de dix minutes – Pas de didacticiel ni d'explications des règles en-dehors du manuel
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Chess II sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Un bon logiciel, mais réservé aux amateurs du genre. »
Dany Boolauck, Tilt n°84, décembre 1990, 16/20
Version Amiga
Développeur : Silicon & Synapse, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc. (Amérique du Nord) – Electronic Arts, Inc. (Europe)
Date de sortie : Août 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko* Mode graphique supporté : OCS/ECS *1Mo requis pour bénéficier de la musique en jeu
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Signe des temps : Alors que Battle Chess avait été développé, sur Amiga puis porté sur une pléthore de systèmes, Battle Chess II, pour sa part, aura été développé sur PC… et uniquement porté sur Amiga, ce qui tend à indiquer que ce deuxième opus n’aura clairement pas rencontré le même succès que le premier. Développée par la jeune équipe de Silicon & Synapse (futur Blizzard Entertainment), cette version du jeu doit composer avec les quelques faiblesses que présentait désormais la machine de Commodore face à celle d’IBM – ce qu’elle fait plutôt bien. Graphiquement, on perd bien quelques couleurs comparé au mode VGA, mais on ne peut pas franchement dire que la différence saute aux yeux. La vraie bonne surprise, c’est surtout que les temps de réflexion de l’ordinateur demeurent globalement extrêmement courts, y compris dans les modes de difficulté les plus élevés – ne pas avoir à aller prendre un café entre chaque coup dès les premiers échanges est quand même un progrès notable comparé au premier épisode où ladite attente ne servait d’ailleurs pas à grand chose, le niveau de l’intelligence artificielle restant globalement le même quoi qu’il arrive.
Graphiquement, le travail est fait – le reste dépendra surtout de la puissance de votre configuration
NOTE FINALE : 15,5/20
Un tout petit peu moins beau que sur la machine d’IBM, Battle Chess II : Chinese Chess sur Amiga n’en reste pas moins une version qui n’a pas grand chose à envier à celle parue sur PC, et un moyen comme un autre de découvrir les échecs chinois dans la joie et la bonne humeur.
Développeur : Silicon Software Éditeur : Personal Software Services Testé sur :Atari ST – Amiga – PC (DOS) Disponible sur : Windows Présent dans la compilation :Legend of the Sword Series (2019 – Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520ST – RAM : 512ko
Qui prendra un jour le temps de raconter l’histoire de tous ces studios de développement qui n’auront jamais accédé à la notoriété ?
Ah, ça, évidemment qu’on se doute que ça se bouscule davantage pour raconter l’irrésistible ascension de Steve Kelly, Mike Montgomery et Eric Matthews à la tête des Bitmap Brothers, pour cerner les personnages fantasques que sont Richard Garriott et Peter Molyneux, ou pour se pencher sur l’influence de Chris Metzen au sein du futur géant Blizzard Entertainement. C’est normal, c’est tout de suite plus vendeur – ce sont des noms qui parlent à tous ceux qui s’intéressent au medium et à son histoire.
Puisque le jeu vous fournit si généreusement une épée à côté du serpent qui vous menace, autant s’en servir !
Il n’empêche, quels espoirs déçus pourraient donc nous raconter les créateurs de Silicon Software, petite compagnie qui n’aura existé que le temps de développer Legend of the Sword et sa suite, et dont les membres semblent avoir depuis lors durablement quitté l’univers du jeu vidéo ? Qui saura la frustration d’avoir œuvré à deux programmes ayant reçu un très bon accueil critique à leur sortie mais ayant depuis sombré si profondément dans l’oubli que vous rougissez déjà en avouant à demi-mots que vous n’aviez jamais entendu parler du premier opus ni de sa suite directe, The Final Battle ? Ah, comme disait Brassens, trompettes de la renommée, vous êtes bien mal embouchées… Qu’importe, faute de l’opinion des premiers concernés, il ne sera plus question ici de drame ou du justice, mais simplement de ce qui nous intéresse nous, égoïstement, en tant que joueur : The Final Battle vaut-il seulement la peine qu’on se penche à nouveau sur son cas aujourd’hui ?
Il est temps de retrouver nos héros dans un monde désormais un peu plus tangible !
Comme dans le premier épisode, l’histoire est ici brièvement présentée en quelques lignes au lancement du jeu, sans bénéficier d’une scène d’introduction ou même d’un thème musical pour accompagner l’écran-titre.
La très pratique carte du jeu est toujours présente, et elle vous autorise à présent à faire du voyage rapide
Pour aller à l’essentiel, la fine équipe du précédent opus n’aura visiblement pas eu le temps de célébrer sa victoire sur le maléfique sorcier Suzar, puisqu’après une embuscade et une courte échauffourée, votre héros se réveille seul dans une cellule et en bien mauvaise posture, pour ne pas dire « revenu au point de départ mais en pire » puisqu’il n’a bien évidemment plus la fameuse épée magique ni le bouclier qui l’accompagnait, et qu’il va rapidement falloir trouver un moyen de décamper de la prison qui le retient pour aller libérer ses alliés – s’ils sont encore en vie –, en débusquer d’autres si nécessaire et aller enfin régler son compte à ce grand méchant qui commence à être un tantinet pénible. Bref, du classique, et une aventure qui vient s’inscrire dans la continuité directe de la précédente sans contenir d’éléments trop complexes pour avoir une chance de décontenancer les joueurs qui découvriraient la série via ce chapitre. Pour l’originalité, on repassera, mais on se souvient que Legend of the Sword avait précisément su viser juste en dépit d’une quête assez banale en soignant sa narration et son ergonomie au détriment d’une réalisation purement fonctionnelle mais qui accomplissait l’essentiel : laisser travailler l’imagination.
Un seul moyen de vaincre ce serpent de mer : utiliser le sort adéquat !
Seulement voilà : en deux ans, le marché vidéoludique avait déjà beaucoup changé et les attentes des joueurs avec lui, et The Final Battle fait donc le choix assez sensé de soigner sa présentation, cette fois. Dès le lancement, le jeu s’affiche fièrement dans une vue en 3D isométrique qui a le mérite de matérialiser de manière un peu plus visible tout ce que le précédent jeu prenait le temps de vous détailler via des pavés de texte.
Pour attaquer un ennemi, il faut commencer par cibler une partie de son corps. Celui-là a l’air coriace, méfiez-vous !
Place ici aux courtes description, qu’il s’agisse de nommer un objet ou un élément de décor sur lequel vous venez de cliquer ou simplement de détailler l’atmosphère lorsque vous pénétrez dans une nouvelle pièce (il n’y a ni défilement ni animation : le monde se dévoilera écran par écran, exactement comme dans Legend of the Sword). Le tout a beau souffrir ponctuellement de quelques petits problèmes de lisibilité (et être tragiquement dépourvu de son), la représentation de l’univers a un cachet certain, et Silicon Software semble avoir parfaitement saisi le sens du vent (et de l’histoire) en faisant transiter son aventure graphique vers ce qui est désormais un point-and-click en bonne et due forme, entièrement jouable à la souris, au détail près que votre personnage – et tous ceux qui viendront à l’accompagner – n’est visible à l’écran qu’une seule fois de la partie, lors de sa première apparition. Après quoi, bien que tout soit vu à la troisième personne, le jeu part du principe que vous voyez le monde selon ses yeux et il ne sera plus matérialisé que par son portrait en haut à gauche de l’écran, tout comme ses camarades.
Sachez fouiller partout, et ne laissez jamais de la nourriture derrière vous
Justement, on en revient à ce qui avait été la première grosse satisfaction de Legend of the Sword : le soin et l’intelligence avec lesquels l’interface du jeu avait été conçue. On aimerait que ce soit également le cas ici, mais on va dire qu’en s’aventurant sur un terrain encore relativement vierge en 1990, l’équipe de Silicon Software aura choisi des sentiers qui paraissent nettement moins judicieux avec trente-cinq ans de recul.
Un jeune homme en mauvaise posture ; allez donc donner une leçon à ces bandits
Pourtant, à première vue, tout est parfaitement en place : un mois avant King’s Quest V (mais deux ans après Explora), The Final Battle emploie déjà une interface intégralement à base d’icônes, reprenant une partie de l’interface de Legend of the Sword (pour les déplacements) tout en y ajoutant des fonctions autrefois accessibles uniquement via la liste de verbe, comme une paire de lunettes pour observer les environs, une oreille pour écouter ce qui se passe ou des icônes un peu moins claires pour les actions. Vous pensez que la main sert à se saisir de quelque chose ? Raté : elle correspond en fait à l’acte de lancer un objet. La bouche sert à se nourrir, et pas à discuter, quant à la fonction la plus évidente de toutes, à savoir « utiliser », elle se dissimule en fait maladroitement derrière le point d’interrogation… et encore, pas toujours. Car en dépit de ses symboles pas toujours judicieusement choisis (on se souvient d’errances similaires dans le premier volet d’Explora que nous mentionnions un peu plus tôt, par exemple), la jouabilité du jeu ne prendrait finalement que quelques minutes tout au plus à maîtriser… si elle n’avait pas la mauvaise idée de se doter d’une surcouche de complexité en ajoutant des actions qui ne sont accessibles que via un double-clic, d’autres qui ne le sont que par un clic droit, et d’autres encore qui ne le sont que via l’inventaire ou la feuille de personnage de vos héros… à condition, là encore, de savoir comment y accéder !
Crysella et Pagan pourront encore être sauvés… si vous les libérez suffisamment vite !
Un exemple valant mieux qu’un long discours, autant utiliser la première situation qui se présentera à vous : quitter la cellule dans laquelle vous débutez le jeu. La solution, pas forcément évidente au premier regard, est pourtant assez simple : déplacer le banc situé près du mur pour aller le placer sous une grille d’aération (oui, c’est un univers où les forteresses médiévales ont des conduits d’aérations), ouvrir la grille et s’enfuir par ce biais. A priori, l’action est simple, surtout une fois qu’on a compris que la commande « utiliser » correspondait au point d’interrogation… sauf que je vous annonce d’ores et déjà que vous n’aboutirez sans doute à rien au terme de dix minutes de lutte. L’icône « utiliser » est en fait réservée à un usage spécifique : pour employer un objet avec un autre objet. Si vous voulez utiliser un objet seul (ouvrir une porte ou la grille qui nous intéresse, par exemple), il faut double-cliquer dessus.
Voilà tout ce qu’il reste de Cornilius et les autres : des squelettes au fond d’un puits. Désolé, les gars…
Ça n’a l’air de rien, et ça paraît évident une fois qu’on le dit, mais le problème est que beaucoup d’actions qui semblent évidentes au premier abord choisissent ici des mécanismes qui ne sont absolument pas naturels aux yeux d’un joueur moderne. Par exemple, si vous voulez lancer un objet sur quelque chose, il faut bien choisir l’icône idoine, mais pour sélectionner d’abord la cible et ensuite le projectile, là où tous les jeux d’aventure nous ont depuis appris à faire exactement l’inverse – et bien évidemment, le programme ne vous précise jamais dans quel ordre vous êtes censé faire les choses. Vous voulez parler à quelqu’un ? Ne cherchez pas à double-cliquer dessus : il faut afficher sa feuille de personnage en faisant un clic droit sur son portrait, et ensuite allez y sélectionner l’icône « discuter » – eh oui, l’icône de la bouche sert à manger, vous vous souvenez ? Ah mais attention, si vous faites un clic gauche, là, vous accéderez à son inventaire – à condition qu’il fasse partie de votre groupe, auquel cas son portrait apparaîtra cette fois à gauche, si vous avez auparavant sélectionné le petit bouclier correspondant à sa position dans votre coterie. Inventaire d’ailleurs classé en quatre catégories (objets, armes, clefs, nourriture), ce qui s’applique également aux coffres et aux corps que vous fouillez. N’oubliez donc JAMAIS de vérifier les quatre onglets à chaque fois que vous inspectez un meuble ou un tiroir, car vous pouvez très facilement rater une clef vitale pour avoir oublié d’inspecter la catégorie correspondante !
Pénétrer dans cet arbre sans risque vous demandera d’avoir un Jack en bonne santé, capable d’escalader les branches et de jouer du couteau
Conséquence : au bout de deux heures de jeu, on se surprend encore à faire des dizaines de tentatives pour chercher à comprendre comment réaliser une action selon la logique très spécifique du jeu. Ce qui peut se montrer d’autant plus problématique à cause d’une donnée supplémentaire introduite par le programme : le temps réel. Imaginons par exemple que votre lutte avec l’interface vous occupe cinq minutes de trop : vous débarquez dans une cellule censée contenir Pagan et Crysella, deux de vos compagnons prisonniers… et vous n’y trouvez que deux squelettes (!). Bah oui, pendant que vous vous battiez pour comprendre comment ouvrir une porte, eux sont morts !
La vue isométrique employée a un charme certain
Autant dire que non seulement il va donc falloir faire les choses correctement, mais que vous seriez également bien inspiré de les faire vite, surtout au début du jeu : ce qu’on appelle une fausse bonne idée, et un mécanisme supplémentaire pour vous pousser à recommencer une aventure loin d’être évidente. Le truc, c’est qu’il est toujours aussi difficile de fouiller un monde aussi étendu que dans le premier épisode : comment deviner par exemple que vous êtes censé « utiliser » le sol à un endroit qui n’a rien de notable, près d’un arbre comme le jeu en compte des dizaines, pour trouver une gemme indispensable à la résolution du jeu ? L’exploration est d’autant plus complexe que non seulement il est possible de diviser son groupe, mais que certaines actions ne peuvent être accomplies qu’à certains moments de la journée, d’autres uniquement par certains personnages (à vous de deviner lesquels !) et que leur état de forme a une influence sur la réussite de leurs actions ! Par exemple, vous pouvez à un moment sauver un jeune garçon d’un groupe de bandits pour qu’il vous rejoigne, mais attention : pour qu’il ne soit pas blessé avant que vous interveniez, vous devez courir jusqu’à lui dès que vous entendez ses cris… ce qui implique donc de savoir a/ que vous pouvez courir et surtout b/ comment. Je vous livre la méthode : il faut bien évidemment faire un clic droit sur le portrait de votre personnage, et aller cliquer sur l’icône des jambes. Ah oui, c’est limpide…
Comme dans le premier opus, la surface à fouiller est très intimidante
Le pire, c’est qu’il m’est également arrivé de voir mon personnage principal mourir d’épuisement après avoir abattu un arbre simplement parce qu’il ne s’était pas assez reposé – ou qu’il n’avait pas assez mangé, je ne suis même pas sûr – ce qui implique une sorte de microgestion où on doit constamment aller surveiller les diverses jauges de nos compagnons et s’efforcer de les conserver en bonne santé sans trop savoir comment. Imaginez à quoi ressemble un combat lorsque non seulement celui-ci est impacté par l’arme que vous utilisez, mais également par qui la manie, quelle partie du corps elle vise et l’état de santé de celui ou celle qui la tient !
Lancé à pleine vitesse, ce chariot pourrait bien être la clef pour ouvrir les portes de la forteresse
Bref, en tant que pure aventure, le déroulement de l’épopée est souvent nébuleux, et comme les indices sont aussi rares que vos compagnons sont désormais désespérément silencieux une fois qu’ils ont rejoint vos rangs, tout ce qui contribuait à rendre Legend of the Sword vivant (les interventions des personnages, les descriptions d’ambiance, l’humour) n’a plus vraiment cours ici. Sachant que l’interface aura elle aussi confondu « richesse des possibilités » et « passer un quart d’heure à essayer de comprendre comment insérer une clef dans une serrure », on se retrouve face à un titre dont on ne peut s’empêcher de déceler le potentiel, mais qui représente finalement plutôt un pas en arrière face au premier épisode, la faute à une réalisation certes plus soignée mais qui introduit au final plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Il y a toujours énormément de passages dérobés à découvrir
En y ajoutant une version française assez lunaire puisqu’elle se contente de traduire (mal) le texte introductif et le nom des lieux (!), on se retrouve au final devant un jeu qui demande beaucoup, beaucoup de temps pour qu’on puisse enfin y rentrer… pour découvrir ce qui n’est finalement qu’une redite du premier opus. C’est dommage, car avec une interface mieux pensée, un déroulement moins punitif et un aspect jeu de rôle qui aille plus loin qu’une gestion de la faim, de la fatigue et de la santé qui n’apporte au final absolument rien, on aurait au moins pu espérer bénéficier d’une aventure un peu rafraichissante de par sa vue isométrique et sa gestion de groupe. Mais devant ce qui restera plutôt au final comme un Legend of the Sword en moins bien, les amateurs d’aventure mêlée de jeu de rôle passeront sans doute un meilleur moment sur un des épisodes de la saga Heroes of the Lance. Bien essayé quand même, Silicon Software. Vous méritiez sans doute une autre chance.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 12,5/20
Là où Legend of the Sword avait su tirer la quintessence de l'aventure graphique grâce à une ergonomie irréprochable et à une narration efficace au détriment de la réalisation, The Final Battle aura involontairement accompli exactement l'inverse : un point-and-click poussif à l'univers intrigant et bien présenté mais à la prise en main problématique et la narration anémique. Chaque fois qu'on semble sur le point de pardonner au jeu ses infinies lourdeurs pour essayer de s'enticher de son univers, on finit sempiternellement par se prendre les pieds dans une des très nombreuses zones d'ombre de son interface et de sa jouabilité, et ce qui aurait pu être une aventure prenante vire hélas rapidement à une errance désabusée où on passe davantage de temps à lutter contre le programme qu'à jouer avec lui. Le potentiel était là, si seulement les compagnons avaient conservé leur gouaille et leur personnalité, si les indices étaient plus nombreux et le cheminement plus intuitif, mais au final on hérite plutôt d'une redite du premier opus en vue isométrique, en dix fois moins maniable et en moins bien raconté. Une curiosité qui peut avoir son charme, mais à réserver aux joueurs patients.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une interface peu claire qui risque de nécessiter un long, très long moment pour être domptée – Une pression du temps en début de partie qui peut facilement ruiner vos espoirs pour avoir musardé deux minutes de trop – Un déroulement flou avec extrêmement peu d'indices sur la marche à suivre – Une jouabilité peu réactive avec de nombreuses latences – Une version française qui laisse 95% du jeu en anglais
Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Final Battle sur un écran cathodique :
Version Amiga
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Personal Software Services
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Comme une large des jeux développés sur Amiga ou sur Atari ST dans une période s’étendant grosso modo de 1987 à 1992, The Final Battle aura été développé en parallèle sur les deux machines en vue d’une sortie rapprochée sur les deux supports. Conséquence évidente : les deux versions sont extrêmement proches, et on pourrait même les décrire comme « jumelles » sur le plan visuel si les couleurs de cette itération Amiga n’étaient pas un tantinet plus vibrantes et surtout si une barre n’avait pas fait son apparition en haut de l’écran pour afficher à la fois le nom du lieu et un pourcentage correspondant à la progression de l’aventure, à la manière du score affiché par les productions de chez Sierra On-Line. Bon, pourquoi pas… Pour le reste, on notera surtout une jouabilité un peu plus réactive, des commandes qui répondent mieux et des transitions d’un écran à un autre plus rapides, ce qui, sans résoudre les nombreux problèmes de l’ergonomie, a au moins le mérite de rendre l’expérience un chouïa plus confortable. On bénéficie également de quelques (très rares) bruitages digitalisés, mais toujours aucune musique à se mettre sous la dent. Bon, ce n’est déjà pas si mal.
NOTE FINALE : 13/20
Techniquement extrêmement proche de la version Atari ST, cette itération Amiga de The Final Battle a cependant pour elle de s’avérer plus réactive, plus jouable et en deux mots plus confortable. Quitte à découvrir le jeu, l’expérience sera sans doute un tantinet moins frustrante sur la machine de Commodore.
Les avis de l’époque :
« The Final Battle est un bon jeu d’aventure teinté de jeu de rôle. Les graphismes sont fins et variés, l’ergonomie tout-souris excellente (NdRA : Tu parles !), le scénario logique et intéressant et quelques bruitages digitalisés viennent renforcer le tout. »
Jacques Harbonn, Tilt n°83, novembre 1990, 17/20
Version PC (DOS)
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Personal Software Services (édition originale) – Throwback Entertainment Inc. (réédition numérique de 2019)
Date de sortie : Juin 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy/PCjr Carte son supportée : Aucune Pas de programme de configuration. Pour jouer en EGA (le jeu se lance par défaut en CGA), ajoutez /e derrière l’exécutable
Ah, l’EGA et sa palette, toute une époque…
Par une de ces étranges décisions commerciales qui restera nimbée de mystère, The Final Battle aura eu droit à une réédition au format numérique dès 2019, et ce alors que le jeu, qui n’aura pas déplacé les foules à sa sortie, ne jouissait même pas d’un quelconque succès d’estime. Quoi qu’il en soit, si vous voulez y jouer aujourd’hui sans avoir une machine d’époque ou un émulateur sous la main (même si, techniquement parlant, cette version est bel et bien émulée pour faire tourner DOS, mais au moins le programme s’en charge pour vous), il vous restera cette version PC… par ailleurs réduite à l’essentiel, puisque le manuel n’est même pas disponible dans cette édition (ce qui représente un vrai problème avec une interface aussi peu naturelle) ! Bien que paru en 1991, le jeu ne tire toujours aucun parti du VGA (on dira qu’il est sorti dans une année de transition à ce niveau, surtout pour la production européenne), et il ne faudra pas espérer de son non plus, mais bon, vu ce que les autres versions avaient à proposer dans ce domaine… Le résultat, comme souvent, propose des couleurs assez criardes – ce n’est pas forcément très gênant, disons que ça a le mérite de rendre les tableaux assez lisibles grâce à des contrastes bien tranchés, le reste est une question de goût. En revanche, la bonne nouvelle, c’est que la jouabilité est aussi réactive que sur Amiga, ce qui donne un peu moins l’impression de pédaler dans la semoule et de devoir patienter cinq secondes entre chaque écran. Les joueurs qui parviendront à maîtriser l’interface devraient pouvoir jouer dans un confort appréciable.
NOTE FINALE : 13/20
Comme souvent, The Final Battle sur PC est un peu la version « contraste à fond » de la version Atari ST sur le plan graphique – la faute à une réalisation cantonnée à l’EGA – mais a le mérite de tourner de manière infiniment plus réactive, comme sur Amiga. Cette itération représente donc une bonne façon de découvrir le jeu – dommage que le manuel ne soit pas fourni avec l’édition commerciale en vente en ligne, parce qu’il n’aurait vraiment pas fait de mal.
Développeur : Silicon Software Éditeur : Rainbird Software Testé sur :Atari ST – Amiga – PC (DOS) Disponible sur : Windows Présent dans la compilation :Legend of the Sword Series (2019 – Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520ST – RAM : 512ko Protection de copie par consultation du manuel
Raconter une histoire, en jeu vidéo, c’est déjà toute une aventure. D’ailleurs, c’est même carrément devenu un métier – et on ne parle pas juste de rédiger un scénario mais bien de se pencher sur la narration dans son ensemble, qu’il s’agisse des éléments les plus flagrants (les cinématiques, les dialogues) mais aussi et surtout les plus subtils (les éléments de décor, les commentaires des PNJ, la manière de guider un joueur par le level design, le rythme, l’ambiance). À ce titre, comme le cinéma ou la bande dessinée avant lui – ou virtuellement n’importe quelle forme d’art –, le jeu vidéo aura dû apprendre à comprendre ses propres codes et à les perfectionner.
Prenez le temps de vous familiariser avec l’île et d’expérimenter les différentes routes
L’aventure graphique en tant que genre aura par exemple été un long voyage pour découvrir qu’elle pouvait – et devait – être bien plus qu’une simple aventure textuelle avec des images plaquées dessus, et que c’était toute l’interaction et la narration en elles-mêmes qui nécessitaient d’être repensées pour arriver à donner au joueur l’impression qu’il était réellement le héros de sa propre histoire. Et mine de rien, la tâche était loin d’être évidente. Si on se souvient de The Hobbit, par exemple, on a surtout en mémoire un titre qui ne racontait pas grand chose et ne permettait pas davantage et se révélait fondamentalement inaccessible à quelqu’un n’ayant pas lu le roman de Tolkien, faute de description, de dialogues, et tout simplement de matière. À l’autre bout du spectre, et au moment même où des Explora s’affairaient à se débarrasser totalement du texte – avec plus ou moins de succès –, il m’apparait important de citer un titre pas forcément très connu comme Legend of the Sword : un jeu qui aura visé juste en termes d’intégration du joueur au récit et en termes d’interaction. Et ça, quand on cherche à faire vivre une aventure, c’est juste fondamental.
Quand on tombe sur un monstre, premier réflexe : sauvegarder et vérifier s’il peut être occis à l’huile de coude
L’histoire en elle-même est très classique – ce qui, en soi, n’est pas un mauvais point, assommer le joueur avec des dizaines de pages d’intrigue ultra-complexe n’étant pas toujours le meilleur moyen de l’aider à entrer dans un univers qu’il ne connait pas. Dans un monde médiéval-fantastique que l’on qualifiera de « lambda », débarque donc le maléfique sorcier Suzar, qui se révèle capable de faire sortir une armée de nulle part et de retourner les combattants les uns contre les autres grâce à ses pouvoirs télépathiques.
Il est possible de faire basculer la carte en plein écran histoire de mieux situer le chemin parcouru – et tout ce qu’il vous reste à visiter
Pour ne rien arranger, il se révèle également invulnérable, protégé par un sortilège que ni lames ni flèches ne semblent pouvoir franchir. Au terme de la première bataille sur une île isolée, un seul survivant parvient à prendre la fuite : vous. Récupéré par un navire marchand après trois jours à dériver en mer sur un radeau de fortune, vous êtes conduit devant le roi qui vous charge de retourner, avec un groupe de volontaires, sur l’île où est apparu Suzar en quête de deux objets de légende apte à vaincre le sorcier : une épée et un bouclier magiques. Une mission qui, on s’en doute, laissera assez peu de marge d’erreur et demandera de faire preuve d’inventivité, de logique… et de composer avec vos compagnons qui, loin d’être forcément acquis à votre cause, sont souvent des roublards ou des mercenaires qui ne se bousculeront pas forcément pour obéir à vos ordres. Bref : il va falloir improviser et se montrer digne du statut de héros qu’on vous envoie revendiquer.
On passe énormément de temps dans des châteaux et des souterrains, mais la carte permet de garder la navigation limpide en toute circonstance
Une intrigue simple mais efficace, voilà un très bon point de départ pour vivre une aventure sans se demander qui on est et ce qu’on est censé faire – remercions donc Legend of the Sword de prendre le temps de nous dérouler les enjeux en deux pages au lancement du jeu là où un titre comme Explora par exemple se contentait de congédier les (rares) informations pertinentes dans le manuel du jeu. Premier bon point, qui devrait être évident mais ne l’était visiblement pas à l’époque : dès le départ, vous savez qui vous êtes, vous savez où vous êtes et vous savez ce que vous êtes censé faire – trois points qu’Explora, pour s’en tenir au même exemple, ne prenait tout simplement pas le temps d’éclaircir. La première bonne nouvelle est d’ailleurs que le jeu a pris le temps de se pencher sur un aspect fondamental : son ergonomie.
Les événements sont très bien décrits, et l’humour fait souvent mouche
Comme dans la plupart des aventures graphiques, tout peut être accompli au clavier et à la ligne de commande, dans le titre de Silicon Software – c’est la base. Mais non seulement l’interpréteur syntaxique est ici puissant et très complet (on peut faire des phrases complexes en employant des virgules et des références aux instructions précédentes), mais aussi et surtout, de très nombreuses fonctions sont accessibles… via la souris, grâce à une interface très bien pensée où l’on dispose d’une rosace indiquant clairement les directions accessibles (ce que n’avait pas Explora… bon, je crois que vous commencez à comprendre l’idée), d’une carte très lisible et affichable en plein écran, d’une sélection de verbes d’action et de personnages et d’objets avec lesquels interagir… et même d’une option pour vous lister une partie des verbes reconnus, voire d’une fonction d’aide intégrée pour vous donner des indices (plutôt des conseils, mais quand même) ! Et histoire de peaufiner encore les choses, il est même possible de modifier la couleur du fond d’écran et celle du texte pour jouer dans les conditions qui vous paraitront les plus confortables – avoir déjà pensé à tout cela en 1988, c’est loin d’être anecdotique, et cela permet au jeu de se révéler nettement plus accessibles que beaucoup de ses contemporains.
Inutile de paniquer si vous mettez le pied dans un piège ; pensez plutôt à le récupérer
Avoir une très bonne interface qui mette tout de suite le joueur à l’aise, c’est une chose, mais ça ne servirait pas à grand chose si l’aventure en elle-même était mal racontée et ne fonctionnait pas. À ce niveau, Legend of the Sword parvient heureusement à accomplir la synthèse que The Hobbit avait raté dans les grandes largeurs (surtout pour cause de contraintes techniques, mais ce n’est pas le sujet ici) en parvenant à offrir des descriptions détaillées et vivantes sans pour autant tomber dans la verbosité qui alourdirait quelques années plus tard la lecture d’un titre comme Wonderland, un peu bavard à force de chercher à singer Lewis Carrol.
Votre groupe aura du sang sur les mains bien avant la fin du récit, et vos compagnons ne sont pas des anges
Ici, tout y est : clarté, concision, ambiance, petits détails pour rendre les scènes vivantes… et puis toujours la béquille bienvenue de cette carte de jeu de rôle qui vous montre la région environnante et tous les chemins disponibles sans jamais vous donner la sensation d’être perdu. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais on sait toujours où on est et quelles sont les directions qui s’offrent à nous, et un simple passage par la commande « look » donne à chaque fois un inventaire assez précis des éléments avec lesquels il est possible d’interagir. Cela donne au jeu un côté Livre dont vous êtes le héros où on ne se sent jamais perdu en dépit des possibilités colossales, puisque non seulement il est possible de faire énormément de choses, mais le jeu a surtout le bon goût d’en reconnaître une large partie plutôt que de vous enfermer dans ce que vous êtes tenu de faire, et ça fait toute la différence – essayez de botter le train du capitaine du navire sur lequel vous commencez l’aventure, et vous comprendrez de quoi je parle.
La tour abandonnée à l’ouest de l’île contient le premier indice du jeu
Cela signifie aussi qu’il faut être capable de penser comme le demande un jeu qui vous laisse faire énormément de choses. Par exemple, si le titre comprend un nombre colossal de portes et de clefs pour les ouvrir, il faudra aussi être prêt à penser « hors de la boîte » et à songer à escalader une grille fermée pour aller l’ouvrir de l’autre côté, ou même à enfoncer une porte d’un bon coup d’épaule.
L’interface du jeu est un modèle du genre
Dans le même ordre d’idées, si jamais le programme refuse que vous donniez un os à un chien parce que l’os est trop gros, mieux vaut avoir la présence d’esprit de simplement casser l’os en deux plutôt que de chercher une solution alambiquée qui vous aurait échappé. Même si le jeu est très loin d’être simple, beaucoup de situations peuvent être résolues de façon assez évidente dès l’instant où l’on pense bien à regarder partout (vous serez surpris du nombre de choses qu’on peut trouver en escaladant les arbres !) et à agir de façon logique. Il faudra, comme souvent, composer avec certaines lourdeurs comme la gestion de l’inventaire, mais on appréciera au moins qu’on puisse ici retrouver les objets laissés au sol exactement à l’endroit où on les a déposés (pas comme dans Explo… oui, bon, j’arrête), voire tout simplement les faire porter par nos compagnons de route.
N’hésitez pas à prendre le temps de manger un morceau de temps en temps – l’aventure, ça creuse !
Ces fameux compagnons, d’ailleurs, ont le bon goût de ne pas être de simples plots chargés de faire acte de présence. Comme on l’a vu, ils ont tous un nom et une personnalité, et s’ils peuvent se montrer précieux dans les coups durs, ils n’hésitent pas non plus à empocher des objets qui trainent, à lâcher des commentaires bien sentis (et bien écrits !), voire à s’opposer à vous le cas échéant et il faudra même être prêt à leur allonger une bonne droite pour leur rappeler qui commande si jamais l’un d’eux refuse de vous céder un objet dont vous estimez avoir davantage besoin de lui !
Il y a énormément d’endroits à fouiller, sur l’île du jeu. Avec des passages secrets dans tous les sens, tant qu’à faire !
C’est une des grandes réussites du jeu – on est loin du Gandalf de The Hobbit qui ne vous adressait pas un mot de toute la partie, ou du Thorin qui n’existait que pour vous répéter de vous dépêcher cinq fois par minutes. Ici, on apprend à connaître les divers tempéraments sur le tas, et on acquiert le réflexe de distribuer les armes trouvées en cours de route aux autres membres du groupe afin qu’ils puissent se révéler utile en cas de bataille. Bref, pour le coup, on a vraiment l’impression de cheminer avec notre petite coterie de fortes têtes, et ça fait mine de rien une grosse différence.
Les ennemis les plus puissants du jeu demanderont d’avoir les bons objets pour les vaincre, sans quoi…
Tout est-il parfait pour autant ? Non, sans quoi le jeu aurait une note supérieure : comme toujours avec les aventures graphiques, les possibilités d’action étant virtuellement illimitées et le terrain de jeu étant assez massif, il est très facile de passer à côté d’un indice ou d’un objet indispensable ou de se faire tuer à la suite d’un piège qu’on n’avait pas vu venir, et vaincre le jeu sans recourir à une solution nécessitera une persévérance à toute épreuve, et probablement plusieurs longues semaines de lutte.
Vous aurez plusieurs fois l’occasion d’être fait prisonnier, au cours du jeu. Improvisez !
On regrettera également une réalisation assez minimaliste, avec des vignettes décrivant l’action ne faisant que quelques dizaines de pixel de large, et l’absence de la moindre forme d’accompagnement sonore – on est, pour le coup, à l’opposé de la philosophie du Explora auquel j’ai si souvent fait référence au cours de ce test et qui axais, lui, toute sa narration sur les graphismes. Le bon côté, c’est qu’on se sent ici plus acteur que touriste, et qu’on ne se sent jamais abandonné loin de toute forme d’élément pertinent : on vit véritablement l’aventure via la narration plutôt que de chercher désespérément des bribes d’histoire en errant sans but dans des décors superbes. Cela demande certes d’être à l’aise avec l’anglais et d’avoir envie de passer beaucoup de temps à lire, mais ça marche, et ça marche même si bien qu’on en viendrait à se dire que le genre de l’aventure graphique aurait peut-être mérité de persévérer dans cette voie et de survivre en parallèle du point-and-click tant la forme a ses arguments qui auraient mérités d’être entendus. Il y a dans Legend of the Sword ce charme de l’imagination qui aide à donner à l’aventure une dimension qui aurait d’ordinaire nécessité des dizaines de disquettes de contenu pour être mise en scène visuellement, et qui lui permet d’avoir nettement mieux vieilli que des dizaines de ses contemporains qui avaient oublié (ou jamais considéré) les fondamentaux. Une très bonne surprise, qui mérite d’être redécouverte.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 14/20
Legend of the Sword n'est peut être pas l'aventure graphique la plus originale qui soit, ni même la mieux réalisée, mais c'est sans doute une des plus ergonomiques, une des plus vivantes et une des mieux racontées ; une de celles qui se rapprochent le plus des fameux livres dont vous êtes le héros. Le terrain de jeu est vaste, l'épopée est longue et la progression loin d'être évidente tant les possibilités sont nombreuses et les solutions pas toujours limpides, mais pour peu qu'on se pique au jeu, on peut réellement prendre plaisir à tester tout ce qui nous vient à l'esprit – y compris les idées les plus loufoques – pour avancer pas à pas avec ses compagnons d'armes. On pense souvent à une partie de jeu de rôle papier avec un maître de donjon qui saurait rendre une partie vivante, et même s'il faudra une patience et une dévotion à toute épreuve pour espérer terminer le jeu sans avoir recours à une solution, l'escapade vaut clairement la peine d'être tentée, y compris pour ceux qui ne seraient pas des nostalgiques du genre. À découvrir pour revisiter ce côté « l'imagination est la seule limite » que les point-and-click ne pouvaient pas offrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des possibilités très étendues qui demandent souvent de tenter beaucoup de choses pour progresser... – ...ce qui fait regretter que le programme ne se montre pas un peu plus souple quant aux solutions à apporter – De nombreuses lourdeurs dans la gestion de l'équipement du groupe... – ...surtout quand on n'a accès à aucune information claire sur l'état de forme de chacun – Une réalisation assez minimaliste
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Legend of the Sword sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Legend of the Sword est un jeu aux graphismes moyens qui a le mérite d’être très captivant malgré tout. La présence de vos compagnons et vos rapports avec eux donnent un ton particulier au jeu. Le scénario comporte des arborescences qui laissent une certaine initiative au joueur. […] Bref, voilà un soft qui, malgré quelques imperfections, procure des moments passionnants. »
Dany Boolauck, Tilt n°57, septembre 1988, 16/20
Version Amiga
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Août 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : OCS/ECS Protection de copie par consultation du manuel
Pourquoi aller modifier quelque chose, après tout ?
L’Atari ST et l’Amiga étaient deux machines proprement indissociables dans la deuxième moitié des années 80, comme on aura déjà souvent eu l’occasion de le vérifier. Voir Legend of the Sword débarquer sur la machine de Commodore quelques semaines à peine après sa sortie sur celle d’Atari n’était donc pas exactement une surprise, pas davantage que le fait de constater que les deux versions sont virtuellement identiques au pixel près. Des couleurs supplémentaires ? Inutile d’en chercher : la palette est restée rigoureusement la même que sur Atari ST (allez, si, il y en a dans la barre de commande en haut de l’écran et dans les possibilités de configuration des couleurs de l’interface). Quant à l’aspect sonore, vu qu’il n’y a toujours ni bruitages ni musique… Reste l’aventure en en elle-même, qui est fort heureusement toujours aussi efficace dès l’instant où on mord au simple concept d’aventure graphique. Bref, rien de neuf, mais l’essentiel était de toute façon déjà là.
NOTE FINALE : 14/20
Constat aussi évident que limpide pour Legend of the Sword sur Amiga : c’est exactement le même jeu que sur ST, pratiquement au pixel près. Pour le reste, l’aventure a toujours autant de charme, dommage qu’on n’ait pas gagné quelques bruitages ou quelques musiques d’ambiance lors du transfert.
Version PC (DOS)
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Mars 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : CGA, EGA Protection de copie par consultation du manuel
Les teintes sont très légèrement différentes, mais je pense qu’on va s’en remettre
Les jeux d’aventure, on le sait, ont toujours été particulièrement à leur aise sur PC – une machine justement très adaptée aux grand écrans fixes sans aucun défilement. En 1989, Legend of the Sword ne pouvait certes compter que sur les seize couleurs de l’EGA – mais le jeu de base étant de toute façon déjà en seize couleurs, on devra juste composer avec des teints un chouïa plus criarde et avec des options de configuration de la page un tantinet moins étendues. Très honnêtement, la différence est à peine décelable, tant la version originale ne reposait déjà pas sur l’éclat de sa réalisation graphique, et on pourra se montrer heureux que cette version reconnaisse la souris – ce qui n’était pas encore une évidence à l’époque – et que les faiblesses sonores du hardware n’aient pour une fois aucun impact sur un jeu où il n’y a de toute façon jamais rien eu à entendre. Cette version étant à l’heure actuelle la seule disponible à la vente, on sera heureux de constater qu’elle n’a de toute façon pratiquement aucune raison de rougir de la comparaison avec les itérations ST et Amiga.
NOTE FINALE : 14/20
Aucun accident de parcours pour la version PC de Legend of the Sword, qui ne se différencie des itérations Atari ST et Amiga que par des teintes plus criardes. Cette version reste un excellent moyen de découvrir le jeu, d’autant plus qu’elle est toujours disponible à la vente.
Quand on y pense, la peur constitue un mécanisme vidéoludique assez étrange. Partant du principe qu’on joue pour se distraire, pour parvenir à oublier un instant l’indicible angoisse qu’est l’existence humaine (je schématise), pourquoi irait-on en plus jouer à se faire peur ?
Le score est d’autant plus un objectif que c’est lui qui vous permettra de prolonger votre partie
Mais de façon plus rationnelle, de la même manière que l’humour est la plus grande arme pour transgresser les sujets tabous et se rire de nos angoisses, le jeu vidéo peut également constituer un élément cathartique de premier ordre pour transcender une peur et s’en amuser – littéralement. Prenez la lancinante terreur de l’holocauste nucléaire, par exemple. C’est une peur qui s’est un peu dissipée depuis quarante ans, et plus spécifiquement depuis la chute du bloc de l’Est (mais bon, comme à peu près tout ce qui a été à la monde il y a moins d’un demi-siècle, elle tend à revenir…). Néanmoins, c’était un sujet d’inquiétude récurrent, majeur, permanent, à la fin des années 70, à une période qui vivait avec la cicatrice encore un peu trop vive de la crise des missiles de Cuba ; une épée de Damoclès qui semblait planer au-dessus de la planète entière… dès lors, quel meilleur sujet pour une borne d’arcade ? Avec Missile Command, on se rit de l’hiver nucléaire : de toute façon, il arrivera. À nous de le repousser au maximum !
J’espère qu’aucun général ne découvrira jamais à quel point c’est amusant de stopper des missiles nucléaires
Le principe est simple – et, comme souvent avec les titres fondateurs, c’est là qu’est tout son génie. Prenez une région innocente (ou pas, à vous de le décider en fonction de ce qui conviendra à votre conscience : de toute façon, elle n’est pas nommée, donc vous avez toute latitude) constituée de six villes maladroitement groupées les unes à côté des autres.
Ce jeu est comme la vie : on sait pertinemment comment ça va se finir, on s’efforce juste de le retarder au maximum
Au-dessus d’elles, un ciel d’où va pleuvoir l’enfer : des projectiles explosifs capables de raser une ville, des bombardiers et des satellites capables de lâcher davantage de missiles à plus basse altitude, et même des bombes guidées dotées de la faculté de changer de trajectoire pendant leur chute. Au sol : les villes, donc, mais aussi et surtout trois bases lances-missiles : une à gauche, une à droite et une dernière au centre. Chacune dispose de sa propre réserve de munitions et de son propre bouton de tir, et votre mission va donc naturellement d’utiliser vos propres missiles pour arrêter ceux de l’adversaire et empêcher qu’il ne rase vos cités… ou vos bases, puisque cela vous priverait d’une large part – voire de la totalité – de votre puissance de feu. Chaque ville préservée, chaque missile conservé viendra grossir votre score à la fin d’une vague, et à chaque incrément d’une valeur donnée (par défaut, 10.000 points), le jeu rebâtira une de vos villes malencontreusement rasée. Perdez toutes vos villes, et vous perdez la partie. Simple, efficace.
D’un niveau à l’autre, le programme change la couleur des décors et des tirs adverses
En l’état, on pourrait penser que le concept se limitant à déplacer un viseur avec le trackball de la borne montrerait très vite ses limites, mais le fait est que le jeu est aussi simple à appréhender qu’il est difficile à maîtriser – essayez donc de survivre plus de cinq minutes si vous voulez comprendre de quoi je parle.
Quand les choses se gâtent, il faut faire des choix – et les faire vite
Car en dépit de l’absence totale de fioritures (pas de bonus, pas de « soucoupe volante » à la Space Invaders pour chercher à gratter du score additionnel, pas de power-up), c’est précisément le mélange entre la précision, l’anticipation (vos missiles mettent un certain temps à arriver jusqu’à leur cible, d’où un besoin constant de prévoir en un instant où devra se produire l’interception) et la stratégie (savoir répartir intelligemment l’emploi des différentes base en fonction de leurs munitions et de la proximité de la menace, savoir « sacrifier » certaines villes pour défendre un réduit lorsque les missiles – ou les bases – viennent à manquer) qui fonctionne à merveille. La menace n’a même pas réellement besoin de se renouveler : le simple fait de composer avec le nombre et la vitesse sans cesse croissants des projectiles adverses est largement suffisant pour vous scotcher à la borne d’un bout à l’autre, et même pour vous pousser à remettre une pièce histoire de montrer qui commande ici. Voilà. le fun, c’est ça.
Au début, ça a l’air simple. Mais alors deux minutes plus tard…
Le plus impressionnant reste de constater à quel point le côté bêtement addictif de la borne fonctionne encore, même avec plus de quarante ans de recul. Certes, la réalisation est minimaliste, et il ne reste pour ainsi dire rien à voir ni à entendre aux yeux d’un joueur de l’actuelle génération, mais ce qui suscite à merveille cette petite tension et cette envie de retourner faire mieux, c’est cette conviction trompeuse selon laquelle ce devrait être simple : déplacer un viseur pour tirer, quel concept plus évident ? Comment pourrait-on se faire déborder en moins de trois minutes alors que tout est si clair, si lisible, si prévisible presque, si organisé ?
Parfois, il faut savoir attendre que plusieurs tirs adverses convergent en un même point pour pouvoir les détruire avec un seul missile plutôt que d’en employer trois ou quatre
Et pourtant, toujours, on finit par avoir un missile qui passe pour avoir tenté un timing un peu trop serré, un bombardier dont on s’occupe un dixième de seconde trop tard, une base qui saute pour avoir négligé ce satellite isolé un instant de trop… Oui, factuellement, on peut dire qu’on a vu tout ce que le jeu a à offrir au bout d’une minute, mais le mieux est que ça n’a tout simplement aucune incidence sur le plaisir que l’on peut éprouver à jauger une centième fois sa capacité à gérer quinze choses à la fois à la façon d’un chef d’orchestre. Missile Command, c’est cela : un menu dont on connait le moindre ingrédient de chaque plat et auquel on a déjà goûté un million de fois, mais hé, ce n’est pas pour cela que c’est moins bon. Si vous cherchez à comprendre quelle était cette inexplicable magie qui poussait des gens très sérieux à aller dépenser beaucoup d’argent durement gagné dans des salles d’arcade, vous en avez un très bon exemple ici. Comme le disait si bien Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 13,5/20
Comme tous les concepts simples mais géniaux qui fleurissaient à l'âge d'or des salles d'arcade, Missile Command est exactement le type de jeu dont on peut aussi bien estimer avoir fait le tour – à raison – au bout de vingt secondes tout comme y revenir régulièrement pendant des semaines, des mois, des années – voire des décennies. Trois réserves de missiles, une poignée de villes à protéger, des menaces qui demandent à être anticipées et priorisées, et voilà de quoi rester concentré pour des parties de deux minutes avant de s'y remettre pour la centième fois, frustré de s'être encore laissé déborder par les projectiles adverses. Pas de power-up, pas de smart bomb, pas de super bonus qui changent tout : juste un peu d'habileté, une pointe de stratégie et une certaine dose de réflexe sont tout ce qui est nécessaire, et c'est précisément là qu'est la force de la borne de David Theurer et Rich Adam. Pourquoi faire plus compliqué quand tout est déjà là ?
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un contenu fatalement limité se limitant à une toute petite poignée de nouvelles menaces et à des color swaps des décors
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Missile Command sur une borne d’arcade :
Version Atari 8 bits
Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, trackball
Version testée : Version cartouche testée sur Atari 800 XL PAL
Configuration minimale : Système : Atari 400/800, XL/XE – RAM : 8ko Cartouche de 64kb
Ça n’est peut-être pas encore complètement la borne à domicile, mais sincèrement l’expérience est toujours très amusante
Au bal des portages d’une borne d’Atari, quoi de plus normal que de trouver, au premier rang, les machines d’Atari ? En dépit de la simplicité apparente d’adapter le concept de Missile Command aux systèmes domestiques, on réalise rapidement que plusieurs colles se seront présentées aux développeurs, le fait d’utiliser originellement un trackball et trois boutons n’étant pas le moindre. Dans cette version Atari 8 bits, le problème aura trouvé deux réponses : en ajoutant la possibilité de jouer avec un trackball (il suffit de faire CTRL+T en cours de partie), et en ne proposant plus qu’une seule base de missiles au lieu de trois. Conséquence : il n’est plus possible ici de sélectionner d’où tirer en fonction de la direction et de la proximité des projectiles, et il n’est plus possible de voir la totalité de ses réserves de missiles à l’écran. En-dehors de ces quelques sacrifices qui imposent de revoir quelque peu sa stratégie (mieux vaut protéger sa base de missiles en début de vague à n’importe quel prix !), la réalisation graphique reste très proche de celle de la borne (en moins fin), tout comme la réalisation sonore qui emploie le même processeur que la borne, et on retrouve les différentes subtilités comme les bombardiers ou les projectiles qui se divisent. Bref, sans être la transcription fidèle de la borne, l’essentiel y est, et si on préfèrera sans doute aujourd’hui se tourner directement vers la version originale, on peut encore passer quelques bons moments sur un jeu qui reste addictif à faible dose.
NOTE FINALE : 12,5/20
Porté sur la gamme 8 bits d’Atari, Missile Command y opère quelques sacrifices pas forcément nécessaires mais qui ne pénalisent pas trop lourdement l’expérience de jeu. Le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule base de lance-missiles est un peu dommage, mais l’équilibrage comme la réalisation permettent néanmoins de pouvoir enchaîner les parties avec plaisir exactement comme sur la borne. Une très bonne alternative pour l’époque.
Version Atari 2600
Développeur : Rob Fulop
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version cartouche PAL
Spécificités techniques : Cartouche de 32kb
La bonne nouvelle, c’est qu’on s’amuse toujours
Porté sur la vénérable console de salon d’Atari, Missile Command connait encore quelques sacrifices supplémentaires comparé à la version sur ordinateurs. Ainsi, non seulement il n’y a toujours qu’une seule base de lance-missiles, mais en plus les bombardiers et autres appareils volants ne sont plus de la partie, eux non plus : il faudra uniquement composer avec les missiles ennemis et avec les bombes intelligentes. Il n’est également plus possible de lancer plus de trois missiles à la fois, ce qui compose une difficulté pertinente d’un point de vue stratégique. De façon ironique, le jeu ne reconnait pas le trackball de la console, mais fonctionne très bien avec celui d’une ColecoVision utilisant le module de compatibilité avec l’Atari 2600 ! La réalisation est encore un peu plus grossière que sur Atari 400/800, mais on ne peut pas dire que cela fera une énorme différence aux yeux (et aux oreilles) d’un joueur du XXIe siècle. Dans l’ensemble, on regrettera de perdre plusieurs subtilités stratégiques dans cette version, mais on peut toujours tuer dix minutes de temps à autre dessus, ce qui ne se refuse pas. Les vrais curieux iront quand même directement tester la version arcade.
NOTE FINALE : 11,5/20
Cette version Atari 2600 de Missile Command aura encore dû rogner quelques angles, en perdant notamment ses bombardiers en plus des deux bases lance-missiles déjà sacrifiées par la version sur ordinateurs, mais cela n’empêche heureusement pas le concept du jeu de se révéler toujours aussi bêtement addictif. Les vieux briscards fonceront directement vers la borne, mais pour un néophyte voulant se défouler quelques minutes, il est saisissant de constater à quel point le potentiel ludique de cette antique cartouche de 32kb est toujours valable.
Version Atari 5200
Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1982
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, Trak-Ball
Version testée : Version cartouche
Spécificités techniques : Cartouche de 64kb
La même chose que sur Atari 800. Quelqu’un est surpris ?
Comme souvent avec les versions Atari 5200, les choses vont être courtes : on est techniquement, face au calque parfait de la version parue sur Atari 400/800, qui utilisait le même hardware (la fameuse affirmation selon laquelle une Atari 5200 n’était pas grand chose de plus qu’un Atari 800 vendu sans son clavier étant assez proche de la vérité). La bonne nouvelle, c’est que le titre est ici particulièrement jouable avec le Trak-Ball de la console, et le reste avec son joystick de base. La mauvaise, c’est qu’il faudra une fois de plus se contenter d’une unique base lance-missiles et de color swaps un peu moins spectaculaires que sur la borne. Bref, un portage toujours aussi solide mais qui présente déjà moins d’intérêt à une époque où il est très facile d’émuler la borne.
NOTE FINALE : 12,5/20
Sans surprise, Missile Command livre sur Atari 5200 exactement la même performance que sur la gamme d’ordinateurs 8 bits de la firme. Le joystick comme le trackball de la machine se révèlent particulièrement adaptés au maniement du jeu et la réalisation fait toujours le travail, mais il faudra une fois de plus composer avec des adaptations qui ne seront pas forcément au goût des puristes.
Version Atari ST
Développeurs : Robert Zdybel et Gary Johnson
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Écran monochrome supporté
On ne va pas dire que ça envoie du rêve, mais ça fait le travail
Évidemment, on se doute qu’Atari n’allait pas faire l’impasse sur le fleuron de sa flotte, l’Atari ST, au moment de porter Missile Command – et tant pis si cela signifiait développer le jeu sept ans après sa sortie sur borne d’arcade. Pour l’occasion, la réalisation se veut un peu plus travaillée, avec des villes plus détaillées et des explosions mieux dessinées, mais cela reste un grand fond noir sur lequel se découpe des traits colorés et pas grand chose de plus (et non, le color swap ne touche pas ici le fond de l’écran comme dans la version arcade). Il y a cette fois deux bases lance-missiles : une attribuée au bouton gauche et l’autre au bouton droit, car le titre se joue exclusivement à la souris ; une adaptation assez intelligente qui fait qu’on n’a toujours pas accès à la même profondeur de jeu que dans la version arcade, mais qu’on s’en approche. On gagne également quelques options de configurations destinées à moduler la difficulté de la partie et la fréquence d’apparition des villes bonus, voire de passer un certain nombre de vagues. Bref, le type d’adaptation qui n’impressionnait déjà plus personne en 1987, mais qui préserve assez intelligemment ce qui pouvait l’être sans avoir à lutter contre la jouabilité : un compromis honnête.
NOTE FINALE : 13/20
Assez intelligemment adapté au matériel – et en particulier à la souris – de l’Atari ST, Missile Command doit une fois de plus composer avec de légers sacrifices et avec une réalisation pas franchement éblouissante pour offrir une expérience qui ne rivalise pas tout-à-fait avec la borne, mais qui s’en approche. Un moyen comme un autre de découvrir le jeu en 1987, mais la chose a un peu perdu en intérêt depuis – sauf à être motivé par la curiosité.
Version Game Boy
Développeur : The Code Monkeys
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Mars 1992 (Amérique du Nord) – Octobre 1992 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il aura donc fallu attendre douze ans pour voir Missile Command faire une escapade (officielle) ailleurs que sur une machine estampillée Atari. L’heureuse élue aura été la Game Boy, qui doit pour l’occasion composer avec ses propres limites techniques, mais qui le fait plutôt bien. Le côté monochorme n’impacte pas vraiment un jeu qui ne comptait de toute façon pas beaucoup sur la couleur, et en dépit de la petitesse de l’écran et de la faiblesse de la résolution, les sensations demeurent assez bonne. Comme sur ST, il n’y a que deux bases de lance-missiles ici : une par bouton (dommage que le titre n’ait jamais eu droit à une version Mega Drive !), et on constatera que chaque niveau représente ici une ville réelle comme Le Caire ou Moscou, soit un bon prétexte pour changer régulièrement le décor de fond. Les équilibrages sont un peu différents de ceux de la borne (les explosions durent plus longtemps, mais les collisions sont un peu moins précises), mais dans l’ensemble on retrouve exactement ce qui faisait le sel de la version originale… à une base près. Oh, et n’espérez pas trouver la moindre option de configuration ici, ce qui fait quand même un peu pingre. À noter que la version du jeu présente dans la compilation Arcade Classic 1 : Asteroids / Missile Command sur la même console est exactement identique à celle-ci.
On pouvait difficilement s’approcher davantage de la borne sur Game Boy
NOTE FINALE : 13/20
Quelques timides adaptations, certaines contraintes et d’autres bienvenues, aident cette adaptation de Missile Command sur Game Boy à fournir l’essentiel de ce qu’on était en droit d’attendre: une version lisible, jouable et correctement équilibrée. Dommage qu’absolument aucune option de configuration ne soit présente, cependant.
Version PC (Windows 3.1) Microsoft Arcade
Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : Octobre 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Cette fois, strictement rien ne manque, et il y a même un peu plus que sur la borne
Les années 90 auront vu apparaître les premières compilations de grands succès de l’arcade – ce qui correspondait, déjà, à du retrogaming. Dans le domaine, cette improbable compilation à destination de Windows 3.1 fait figure de pionnière, et force est de reconnaître que la retranscription est parfaitement fidèle à la borne. Cette fois, les trois bases lance-missiles sont bien là, ce qui signifie qu’il faut diriger le curseur avec la souris et tirer avec les touches Q, S et D, et très honnêtement ça n’est pas exactement ce qu’on peut appeler une contrainte majeure dès l’instant où on a deux mains. Le jeu tourne par défaut à la résolution de la borne mais peut être basculé en plein écran avec des graphismes plus fins, et la difficulté est équivalente à celle de la borne, sauf que de nombreuses options de configurations allant jusqu’à vous laisser régler la vitesse de vos missiles sont disponibles. Bref, c’est exactement ce qu’on voulait et cela permettait de découvrir Missile Command dans des conditions optimales longtemps avant l’existence de MAME. Que du bonheur.
NOTE FINALE : 14/20
De toutes les plateformes existantes, il aurait donc fallu que ce soit Windows 3.1 qui vienne offrir la première retranscription parfaitement fidèle de Missile Command, avec une jouabilité préservée et des options de configuration en pagaille. C’est littéralement la borne originale, mais en un peu mieux. Pourquoi se priver ?
Version Macintosh Microsoft Arcade
Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : 1994
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh IIci
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0 – RAM : 3Mo
C’est toujours aussi bon (et c’est toujours aussi dur)
On pourra peut-être se montrer surpris de voir Microsoft débarquer sur Mac pour proposer une compilation de jeux originellement parue sur Windows, mais le fait est qu’on hérite très exactement des mêmes possibilités et du même rendu que sur PC pour une expérience identique. Une nouvelle fois, le jeu peut s’afficher dans sa résolution originale ou à celle du bureau, la jouabilité demande toujours l’usage de la souris et du clavier (mais une option a été ajoutée pour que le programme décide automatiquement de la base qui lance les missiles, vous autorisant ainsi à jouer uniquement avec la souris) et la difficulté peut toujours être paramétrée via des réglages particulièrement précis. Bref, on pouvait bel et bien jouer à une borner d’arcade sur Macintosh en 1994.
NOTE FINALE : 14/20
Comme sur Windows 3.1, Missile Command se sent comme un poisson dans l’eau sur l’OS du Macintosh et offre à peu près tout ce qu’on pouvait espérer d’une retranscription de l’expérience originale. Le retrogaming de 1994 à son sommet.
Version Lynx Super Asteroids and Missile Command
Développeur : Atari Corporation
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1995
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb
Premiers instants. A priori, c’est la même chose…
Il manquait encore une machine d’Atari pour avoir la panoplie complète, elle aura dû attendre 1995 pour être servie (en fait, il en manquait encore deux, mais la Jaguar aura été servie à la même période avec Missile Command 3D). Fourni ici avec une version améliorée d’Asteroids, le titre d’Atari ressemble à première vue à une retranscription fidèle de l’arcade avec des graphismes légèrement remis à jour – les trois bases lance-missiles sont bien présentes mais, faute de boutons, c’est le programme qui décide automatiquement laquelle fait feu.
…jusqu’à ce que cet écran fasse son apparition
Et puis rapidement, on réalise que le programme ne se contente pas de changer de décor à la fin de chaque série de vagues : le score fait ici office de monnaie… pour acquérir des power-up entre les niveaux. Ceux-ci sont de deux types : des améliorations pour vos missiles, qui peuvent ainsi être plus rapides, bénéficier d’explosions élargies ou même être à tête chercheuse (très pratique !) et des bonus à utilisation unique, de type smart bomb ou boucliers temporaires à lancer au-dessus de vos villes, qui s’emploieront eux avec le deuxième bouton de la console. Le résultat n’est pas toujours parfaitement équilibré (certaines améliorations simplifient dramatiquement les choses), même s’il faut réinvestir dans les power-up après chaque niveau, mais il faut reconnaître que cette prime au score pour espérer aller un peu plus loin rajoute un objectif et une dimension stratégique intéressante. Ce n’est plus tout-à-fait l’exigence de la borne, et les parties peuvent vite durer plus longtemps que dans la version originale, mais ça fonctionne assez bien et c’est une bonne occasion de redécouvrir le jeu dans une version un tantinet plus accessible. Pourquoi pas.
Ici, j’ai investi dans de très pratiques explosions qui couvrent une large zone
NOTE FINALE : 14/20
Profitant d’une intéressante remise à jour du concept, Missile Command offre dans cette compilation sur Lynx une approche un peu plus accessible offrant des parties plus longues avec un équilibrage pas toujours idéal. Le résultat, pour imparfait qu’il est, n’en est pas moins un bon moyen d’ajouter un peu d’épaisseur au concept au-delà de l’éternelle course au score. Une évolution intéressante qui aurait mérité d’être creusée.
Version PlayStation Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 20 décembre 1996 (Amérique du Nord) – 20 décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, souris
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
On est venu chercher la borne, on obtient la borne
Il faut croire que même à l’ère de la 3D triomphante et des consoles 32, 64, voire 128 bits, il y avait déjà des gens en train de rêver de dépenser de l’argent durement acquis pour jouer à des bornes d’arcade de plus de quinze ans d’âge. Sans surprise, la PlayStation reproduit sans trop de difficulté la performance déjà accomplie par Windows 3.1 trois ans plus tôt en offrant une reproduction fidèle de Missile Command, de ses mécanismes et de sa jouabilité (il est même possible de jouer à la souris !). On hérite une nouvelle fois d’options de configuration destinées à régler la difficulté (nombre de villes, score nécessaire pour en voir réapparaître une, langue des messages affichés et pas grand chose d’autre) – bref, rien qui n’était déjà sur la borne, mais c’est précisément ce qu’on était venu chercher, non ?
NOTE FINALE : 13,5/20
Pas de fioritures pour Missile Command sur PlayStation : à quelques pixels près, on obtient la borne, et même les options de configuration disponibles ne sont pas grand chose de plus que celles qui étaient déjà présentes dans les DIP switches de la borne. Un moyen comme un autre de découvrir l’expérience originale pratiquement à l’identique, au hasard en remplaçant le trackball originel par la souris de la console.
Version Saturn Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 11 juin 1997 (Amérique du Nord) – Mars 1998 (Europe)
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par cartouche mémoire (1 bloc) Lecteur de disquette Saturn supporté
Ces images commencent un peu à se ressembler, non ?
Même compilation, même équipe aux commandes : il serait exagéré de se dire surpris en découvrant que cette version Saturn de Missile Command est très semblable à celle disponible quelques mois plus tôt sur PlayStation. Les options sont les mêmes, l’interface et les bonus n’ont pas changé, seule la résolution choisie est un peu différente, avec un format entrelacé assez surprenant, mais on ne peut pas dire que cela bouleverse la perception qu’on a des graphismes du jeu une fois la partie lancée. Bref, c’est une fois de plus la borne telle qu’on pouvait s’attendre à la trouver sur Saturn, et le jeu est toujours jouable à la souris pour les puristes.
NOTE FINALE : 13,5/20
Aucune surprise pour Missile Command sur Saturn, qui délivre exactement la même expérience que sur PlayStation – seule la résolution employée est différente, et pour des graphismes aussi basiques, on ne peut pas dire que la différence soit spectaculaire. On a donc une autre occasion de découvrir la borne pratiquement dans les conditions d’origine. Une affaire.
Version Super Nintendo Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : Août 1997 (Amérique du Nord) – Février 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Chaque fois que je regarde cette image, j’y découvre quelque chose de nouveau
La Nintendo 64 avait beau être lancée depuis plus d’un an en 1997, la Super Nintendo continuait de recevoir des jeux – même si on pourra se montrer surpris que la console 16 bits ait eu à patienter aussi longtemps pour héberger une compilation de titres de plus de quinze ans d’âge. Si l’interface de la compilation en elle-même perd bien quelques fioritures ici – plus de menu en 3D, naturellement, plus de descriptions historiques des jeux, ce qui est déjà un peu plus dommage –, on hérite bel et bien de la même conversion que sur les machines de la génération suivante. Encore une fois, les options sont les mêmes (seul le choix de la langue a disparu, remplacé par le choix de la vitesse des missiles du joueur), et seule la résolution en jeu a changé, sans qu’on puisse dire que cela modifie l’expérience à un quelconque niveau. Bref : même jeu, mêmes sensations, on pourra juste regretter que la souris de la Super Nintendo ne soit pas reconnue.
NOTE FINALE : 13,5/20
Même bilan pour cette version Super Nintendo de Missile Command que pour les autres machines ayant hébergé la compilation de Midway : l’idée était de bénéficier d’une version aussi proche que possible de la borne originale, et c’est exactement ce qu’on obtient. On n’aurait pas craché sur quelques options de configuration supplémentaires, mais on s’en contentera.
Version Game Boy Color
Développeur : The Code Monkeys Ltd.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb Système de vibrations inclut dans la cartouche
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Avec un brin de cynisme, on pourra émettre l’hypothèse selon laquelle développer un jeu sur Game Boy Color était un processus aussi aisé que peu coûteux : il s’agissait de reprendre une cartouche Game Boy, d’y barbouiller quelques couleurs et de revendre la chose au prix du neuf. Une chose est sure : du côté d’Hasbro Interactive, on aura décidé de passer de la théorie à la pratique : Missile Command sur Game Boy Color n’est rien d’autre que la version Game Boy de 1992, mais en couleurs. Histoire de faire bonne mesure, la cartouche fait partie des quelques 14 titres de la ludothèque de la machine à intégrer un kit de vibrations destiné à bien vous faire sentir la puissance des explosions de vos missiles – et à vous refiler des crampes dans les doigts. Ça faisait quand même un peu léger pour repasser à la caisse à l’époque, et ça ne s’est pas arrangé depuis, mais à tout prendre et quitte à lancer le jeu sur Game Boy, autant profiter de cette version.
« Vous parlez de rêver ? Rêvez-vous en couleurs ? »
NOTE FINALE : 13/20
Prenez une cartouche Game Boy de sept ans d’âge mettant en scène une borne de dix-neuf ans d’âge, ajoutez-y quelques couleurs, et tada ! Voici votre Missile Command sur Game Boy Color sous blister, flambant neuf. En-dehors du bonus totalement gadget représenté par les vibrations, on va dire que l’acquisition de la cartouche se justifiera surtout par le fait de ne pas posséder la version précédente.
Version PC (Windows 9X) Atari Arcade Hits : Volume 1
Développeur : Atari, Inc.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : Juillet 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (sur la même machine ou via internet)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Tout est fait pour y croire à fond, et l’habillage fonctionne à merveille…
Reproposer des titres très équivalents à quelques années d’écart est un vieux principe de l’informatique (on n’allait pas encore parler de « remaster », à l’époque). Windows 3.1 avait déjà hébergé sa compilation de jeux d’arcade ? Six ans plus tard, c’était le tour de Windows 95 et Windows 98 ! Cette nouvelle compilation profite pour l’occasion d’une interface très agréable et d’options de configuration en pagaille qui permettent de se faire une expérience sur mesure (avec un bouton pour revenir aux réglages par défaut de la borne – très bon point). Elle ajoute également quelques options graphiques pour choisir la résolution, et un mode « amélioré » qui remplace le rendu original avec les lignes de balayage par la même chose sans les lignes. On peut choisir d’afficher un habillage reproduisant celui de la borne ou de jouer en plein écran (comprendre : à un multiple de la résolution de la borne avec des bandes noires), et utiliser avec à peu près tous les périphériques disponibles – et on peut même jouer avec seulement les deux boutons de la souris, grâce à une idée simple : la base lance-missile centrale tire quand on clique sur les deux boutons à la fois. Mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé plus tôt ? Bref, une adaptation extrêmement propre de la borne, avec en plus des archives pour raconter sa création et son histoire : du beau boulot.
…mais il est également tout à fait possible de se passer de ce type de fioritures
NOTE FINALE : 14/20
Quitte à (re)découvrir Missile Command à la fin du siècle dernier, difficile d’en demander beaucoup plus que ce qu’offre l’excellente version de cette compilation très bien pensée. Permettant à la fois de coller au maximum à l’expérience originale tout en offrant des options de configuration à la pelle pour ceux qui voudraient altérer l’expérience sans la trahir, cette version domestique demeure, aujourd’hui encore, une excellente manière de découvrir la borne.
Développeur : Midway Manufacturing Company Éditeur : Midway Manufacturing Company Testé sur :Arcade – Mega Drive – Saturn – Super Nintendo Disponible sur : DS, Game Boy Advance, iPhone, J2ME, Xbox 360 Présent au sein de la compilation :Mortal Kombat : Arcade Kollection (PlayStation 3, Windows, Xbox 360)
Bien avant l’ère des réseaux sociaux, des commentaires assassins sur les pages de Steam et des Youtubeurs avec deux millions d’abonnés, un éditeur avisé avait déjà tout intérêt à prêter une oreille attentive aux retours des joueurs pour éviter une tragique déconvenue (ce que l’on qualifierait en ce moment d’ « effet Concord ») – et tout autant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, lorsque les chiffres de vente étaient bons. Ainsi, Mortal Kombat 3 avait beau avoir rencontré exactement le succès auquel tout le monde s’attendait, les premiers retours des joueurs – et en particulier des fans les plus impliqués de la saga – étaient loin d’être aussi unanimement positifs que ce à quoi l’on pouvait s’attendre.
Le roster commence à être conséquent !
De fait, le troisième opus avait opéré une manœuvre dangereuse : une prise de risques, et celle-ci semblait chaque jour un peu plus mal reçue, de quoi inviter à corriger le tir avant de tuer bêtement ce qui était devenu la principale poule aux œufs d’or de la compagnie avec NBA Jam. Alors que faire, enchaîner immédiatement avec un Mortal Kombat 4 ? Cela pourrait engager un nouveau moteur de jeu, du nouveau matériel, une nouvelle refonte des mécanismes… Or, dans le même temps, Capcom avait démontré qu’on pouvait amasser beaucoup d’argent simplement en vendant jusqu’à plus soif les déclinaisons d’un même jeu à succès – au hasard avec les quelques cinq variantes de Street Fighter II qui avaient vu le jour en quatre ans, et qui avaient d’ailleurs représenté le principal concurrent des Mortal Kombat dans le domaine. Conclusion logique : plutôt que de prendre un nouveau risque, autant proposer une grosse rustine (payante) histoire de montrer aux joueurs qu’on les aime, qu’on les écoute, et leur proposer de repasser à la caisse pour bien montrer à quel point cette affection est mutuelle. Cela donna Ultimate Mortal Kombat 3, un Mortal Kombat 3 en mieux, et une nouvelle borne à acquérir pour les gérants de salles d’arcade.
Ultimate Mortal Kombat 3 : le retour des déclassés ?
Parmi les points à avoir suscité la grogne la plus vive dans Mortal Kombat 3, il en était au moins un qui revenait systématiquement : le roster. L’évacuation de personnages aussi populaires que Johnny Cage ou Raiden n’avait déjà pas bien été vécue, et le fait que s’y ajoute une large partie des (nombreux) personnages de ninja comme Scorpion, Kitana ou Mileena n’avait rien arrangé.
Dès lors, si cette nouvelle version ne réintègre pas tout le monde, elle fait au moins le choix de faire revenir Scorpion, Kitana, Smoke et Reptile, tout en transformant Jade (entraperçue dans Mortal Kombat II) en personnage jouable. Tant qu’à faire, Mileena, le Sub-Zero « classique » (avec son masque, donc) et Ermac signent également leur retour, mais sous forme de personnages secrets à débloquer via un code, avec en prime une version humaine de Smoke. Bref, tout le monde ne sera pas nécessairement comblé, mais le fait d’avoir désormais dix neuf personnages jouables accessibles d’emblée et vingt-deux avec les codes commence à offrir de quoi contenter un paquet de joueurs, d’autant que les réajustements ne se seront bien entendu pas limités à cette réinjection de personnages rejetés du précédent casting.
Les joueurs qui aiment prouver qu’ils sont bons apprécieront le retour des matchs d’endurance
Parmi les très nombreuses retouches opérées pour peaufiner un peu une expérience de jeu qui souffrait de certains déséquilibres flagrants, on notera pêle-mêle : une nouvelle attaque pour Stryker, qui voit en contrepartie sa fameuse grenade « nerfée » en se voyant ajouter une latence qui interdit de la spammer en boucle, un Kabal sérieusement rééquilibré en se voyant privé de plusieurs combos faciles, tout comme Sub-Zero qui voit les capacités de son attaque de clone de glace revue à la baisse, la possibilité d’engager les combos avec un coup de poing ou un coup de pied sautés ou encore de nouveaux enchaînements pour Liu Kang et Sonya.
Le jeu est devenu un tantinet plus accessible
Tant qu’à faire, on assiste au grand retour des « Endurance Matches » opposant le joueur à plusieurs adversaires, à l’ajout d’un tournoi un peu gadget à huit et à celui, déjà plus notable, d’un mode 2 contre 2 en « tag » (ce qui signifie que deux joueurs humain ne pourront pas jouer dans la même équipe). Le mode principal est désormais divisé en quatre niveaux de difficulté, et parvenir à terminer l’un d’entre eux ouvrira la sélection à l’un des « trésors perdus de Shao Kahn » qui permettra de dévoiler certains codes ou de débloquer certains bonus. Pour poursuivre avec les retouches, les joueurs n’ayant guère goûté aux nombreux décors situés sur Terre, une partie d’entre eux aura été remplacée par des cadres un peu plus exotiques. Mis bout-à-bout, cela commence à faire pas mal de choses.
Il y a toujours plus de Fatalities
La grande question reste posée : cela améliore-t-il l’expérience de jeu ? Comme on peut s’en douter, oui. Évidemment, certains problèmes subsistent, et les réfractaires à certaines des orientations « tardives » de la saga – la complexification de sa jouabilité, notamment – risquent de ne pas changer d’avis : le bouton de course est toujours là, tout comme celui de blocage, et il est difficile d’espérer aller loin sans maîtriser un minimum le système de combos.
L’affrontement contre Shao Kahn n’a pas varié d’un iota
Néanmoins, entre la variété du roster, le rééquilibrage bienvenu, et une accessibilité enfin revisitée – les premiers championnats sont nettement plus abordables que les combats extrêmement exigeants auxquels nous avait habitué la série – offrent enfin une chance aux néophytes de se faire les dents sans aligner les frustrantes humiliations à répétition. Le tout a beau être condamné à sentir un peu le réchauffé, Ultimate Mortal Kombat 3 ressemble davantage au titre que Mortal Kombat 3 aurait dû être, et de fait il est très rare de trouver des joueurs lui préférant son édition d’origine. Mais il valide également et assume l’orientation prise par la saga avec ce troisième épisode, et les joueurs qui estimaient que celle-ci commençait à dangereusement ronronner et à tourner en rond en suivant l’orientation « toujours plus mais pas forcément toujours mieux » déjà reprochée à la série concurrente des Street Fighter ne trouveront ici que matière à appuyer leur verdict.
Les décors tendent à manquer un peu de variété
En résulte, comme souvent, un jeu pensé pour les convertis de la première heure et ayant la bonne idée de ne pas se révéler inaccessible aux nouveaux venus, notamment en se laissant enfin approcher dans les modes de difficulté inférieurs. Tous ceux qui savent ce qu’ils viennent chercher – le gore assumé, l’action hyper-nerveuse, la pléthore de personnages, les secrets et les easter eggs dans tous les coins – n’auront aucune raison de renâcler face à une formule qui fonctionne.
Les combats sur terre se font ici plus rares
Les joueurs davantage versés dans l’école « Neo Geo » à la King of Fighters et plaçant la technicité et le pixel art au-dessus de tout le reste continueront d’être réfractaires à un système de jeu qui leur apparaîtra sans doute comme un peu grossier et pas assez bien équilibré ; quant à ceux qui auraient quitté la série en cours de route pour une raison ou pour une autre, il y a peu de chances qu’ils trouvent ici une raison d’y revenir. Reste un jeu efficace qu’on peut relancer fréquemment avec beaucoup de plaisir, et c’est bien là l’essentiel.
Vidéo – Combat : Sub-Zero vs. Reptile :
NOTE FINALE : 16/20
Sentant que l'accueil réservé à Mortal Kombat 3 n'aura pas été tout à fait aussi enthousiaste que prévu, Midway aura eu la bonne idée d'écouter les joueurs pour offrir une version un peu plus conforme à leurs attentes. Ultimate Mortal Kombat 3 ne résout peut-être pas tous les problèmes de la version de base, notamment au niveau du gameplay, mais cela redevient ce qui faisait la force de la saga : un jeu de combat nerveux et rapidement accessible, avec du sang partout et un côté bêtement transgressif, et avec un contenu pléthorique et quelques modes de jeu bien vus, dont les affrontements en deux contre deux. Ce ne sera jamais l'équivalent des maîtres hyper-techniques de la discipline sur Neo Geo, mais ce n'est de toute façon pas vraiment la catégorie qu'il vise – dans tous les cas, c'est une friandise qui accomplit parfaitement sa mission, et c'est bien là l'essentiel
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une jouabilité qui n'a pas corrigé tous ses errements – Toujours pas de Raiden ?
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Ultimate Mortal Kombat 3 sur une borne d’arcade :
Version Mega Drive
Développeur : Avalanche Software LLC
Éditeurs : Williams Entertainment, Inc (Amérique du Nord) – Acclaim Entertainment (Europe) – Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : 11 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 28 novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad (trois ou six boutons)
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme on peut s’en douter, sortir une version « Ultimate » si peu de temps après le jeu de base était un mouvement risqué au moment de porter le jeu sur les systèmes domestiques. C’est sans doute pourquoi on remarquera que parmi les rares consoles à bénéficier d’un portage du titre se trouvaient les deux consoles 16 bits alors en fin de vie et dont les joueurs étaient heureux de pouvoir encore profiter de quelques nouveautés alors que tout le monde s’éclatait déjà sur la génération suivante. Mine de rien, transposer le contenu pléthorique de la borne commençait à représenter une sacrée colle, même en dopant la capacité des cartouches, et certains sacrifices auront donc du être faits : Sheeva est absente des deux versions 16 bits, et plusieurs des décors visibles dans Mortal Kombat 3 ne sont plus accessibles non plus (cette version Mega Drive est d’ailleurs la seule, avec celle sur Saturn, à avoir conservé le décor de la banque). Les Animalities et les Mercies ont également été supprimées. En contrepartie, tous les personnages déblocables sur la borne (Mileena, Ermac et Classic Sub-Zero, pour ne pas les nommer) sont accessibles d’office, avec en prime Noob Saibot et Rain, et Smoke est toujours jouable via un code. Bref, les coupes opérées ne pénalisent qu’assez marginalement la durée de vie de la cartouche, ce qui est un bon point.
D’entrée de jeu, le roster en impose : il ne manque que Sheeva, et même les boss peuvent être débloqués
En termes de réalisation, Avalanche Software a pris la relève de Sculptured Software – ce qui est presque logique, le studio ayant justement été fondé quelques mois plus tôt par des anciens de Sculptured Software. Le résultat est au moins à la hauteur de ce qu’offrait Mortal Kombat 3 sur la même machine, avec des décors plutôt plus colorés et un rendu globalement un peu moins grisâtre. Évidemment, c’est moins fin que sur la borne, et les dégradés étalent tous leurs pixels, mais le résultat n’est globalement pas désagréable et si cette version est la moins belle de toutes, elle n’en tire pas moins le meilleur de ce que pouvait afficher la console, avec un framerate impeccable en toute circonstance et une action très nerveuse – autant que sur arcade, c’est dire ! Les options de configuration de la difficulté restent décevantes, celle-ci augmentant très vite quel que soit le mode, mais le défi reste un peu plus accessible que dans les anciennes versions. Il en résulte qu’on tient une version à la jouabilité irréprochable et à la réalisation qui tient la route, avec un contenu qui aurait de quoi combler même les possesseurs de Mortal Kombat 3 – du très bon boulot, en résumé.
La réalisation fait le travail, et elle le fait bien
NOTE FINALE : 15,5/20
On pouvait penser qu’en 1996, un portage d’Ultimate Mortal Kombat 3 sur Mega Drive risquerait de sentir fort la fainéantise et l’opportunisme, mais Avalanche Software ne s’est vraiment pas moqué du monde : le contenu est dantesque, les coupes sont minimales, la réalisation est solide, la jouabilité est parfaite et l’action n’a pratiquement rien à envier à la borne. Si jamais vous cherchez quelle version de la série Mortal Kombat posséder sur la console de SEGA, un conseil : commencez par celle-là.
Version Saturn
Développeur : Eurocom Developements Ltd.
Éditeurs : Williams Entertainment, Inc (Amérique du Nord) – GT Interactive Software (Europe) – Playtronic Industrial Ltda. (Brésil)
Date de sortie : 27 juin 1996 (Amérique du Nord, Europe) – Avril 1997 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : –
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme on s’en souvient, la Saturn avait dû tirer un trait sur son portage de Mortal Kombat 3 – une histoire d’exclusivité négociée par le président de Sony. Pour sa revanche, elle aura en revanche eu droit à un portage d’Ultimate Kombat 3 qui, lui, ne sera pas paru sur PlayStation – celle-ci étant probablement trop occupée à se préparer à réceptionner Mortal Kombat Trilogy quatre mois plus tard. Vous suivez ? Quoi qu’il en soit, cette version – ironiquement basée sur la version PlayStation de Mortal Kombat 3 – débarque avec l’avantage de ne connaître aucune rivale au sein de la génération 32 bits. l’ambition est à présent d’aller chatouiller la borne d’arcade, ce qui se remarque au fait que le contenu est le même ; comprendre : Mileena, Ermac et Classic Sub-Zero ne sont plus accessibles d’emblée, et Motaro, Shao Kahn et Noob Saibot ne sont plus jouables – mais Sheena, elle, est de retour, comme à peu près tout ce qui avait été coupé dans les versions 16 bits. Le niveau de la banque, présent sur Mega Drive mais pas sur la borne, a également fait le trajet jusqu’à ce portage.
Cette fois, pas de gourmandises dans le roster : c’est juste le contenu de la borne, et ce n’est déjà pas mal
En termes de réalisation, en tous cas, ce n’est peut-être pas encore la retranscription pixel perfect de la borne (la résolution, notamment, est plus basse), mais ça commence à sérieusement s’en approcher, d’autant que l’effet de dithering présent sur la version PlayStation de Mortal Kombat 3 n’a pas fait le trajet jusqu’ici. la différence avec les versions 16 bits saute aux yeux, d’autant qu’on retrouve les défilements parallaxes et toutes les petites friandises de la borne. Le framerate est parfait et l’action aussi nerveuse que sur la borne. En revanche, comme dans l’adaptation 32 bits de Mortal Kombat 3, le souhait de coller à l’expérience originale au maximum signifie également que toutes les options de configuration ont disparu : le seul moyen de régler la difficulté se fait ici via le choix du championnat, comme sur la borne. Heureusement, les premiers niveaux étant ici bien plus abordables que dans l’épisode précédent, on n’a pas trop l’occasion de s’arracher les cheveux au bout de vingt secondes, particulièrement si on a déjà eu l’occasion de s’entraîner un peu sur les versions précédentes. Dommage que ce portage n’en ait pas profité pour intégrer toutes les options présentes dans les versions 16 bits, mais c’est vraiment l’unique reproche à adresser à une version qui n’a clairement pas de complexes à nourrir vis-à-vis de la borne.
Graphiquement, on n’est clairement pas à des années lumière de la borne
NOTE FINALE : 16/20
Ultimate Mortal Kombat 3 offre peut-être sur Saturn des graphismes un peu moins fins que la borne dont il est tiré – et quelques temps de chargement dommageables dus au support CD-ROM – mais pour le reste, il est très difficile de trouver des reproches à lui adresser. Jouable, bien réalisé et nerveux, le titre représente sans discussion possible l’épisode de la série à posséder sur Saturn… avec Mortal Kombat Trilogy.
Version Super Nintendo
Développeur : Avalanche Software LLC
Éditeurs : Williams Entertainment, Inc (Amérique du Nord) – Acclaim Entertainment (Europe) – Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : 11 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 28 novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Même équipe de développement, même philosophie : on ne sera pas surpris d’apprendre que les version Mega Drive et Super Nintendo d’Ultimate Mortal Kombat 3 ont énormément de choses en commun. Le roster de départ et es coupes opérées sont virtuellement les mêmes, avec juste quelques petites nuances, comme l’absence du niveau de la banque, comme on l’a déjà mentionné, ou d’autres détails plus subtils comme le fait que cette version soit la seule où les personnages de Noob Saibot et de Rain ont d’autre Fatalities que les Brutalities.
C’est moins fin que sur Mega Drive, mais on s’en remet assez vite
Pour le reste, les nuances seront à aller chercher du côté de la réalisation, domaine où la machine a ses qualités (sa palette de couleurs) et ses défauts (sa résolution, son processeur). En résumé : c’est clairement plus coloré que sur Mega Drive, mais c’est également un peu moins fin, et l’action est un tout petit peu plus lente. Les différences restent franchement anecdotiques, même si les fans absolus d’une jouabilité irréprochable au dixième de seconde près préfèreront sans doute l’opus Mega Drive, mais dans tous les cas on tient une nouvelle fois un portage solide et bien réalisé – dommage que la difficulté soit toujours aussi mal réglée.
Les coups sortent toujours bien
NOTE FINALE : 15,5/20
Pas de surprise pour cette version Super Nintendo d’Ultimate Mortal Kombat 3, qui joue comme d’habitude avec ses armes et se défend bien en la matière. Très proche de la version Mega Drive dans tous les domaines, elle demeure une alternative tout-à-fait décente à la borne d’arcade, surtout pour ceux qui voudraient profiter d’un contenu boosté et facilement accessible.
Développeur : Sierra On-Line, Inc. Éditeur : Sierra On-Line, Inc. Titre original :Hero’s Quest : So You Want to Be a Hero (première édition – Amérique du Nord) Titres alternatifs :Quest for Glory : So You Want to Be a Hero (écran-titre), クエスト・フォー・グローリィ: So You Want to be a Hero (Japon) Testé sur :PC (DOS) – Amiga – Atari ST – PC-98 Également testé :Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) Disponible sur : Windows Présent dans les compilations :Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :
Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
Date de sortie : Octobre 1989 (première édition) – 1990 (réédition sous le nom Quest for Glory)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x10) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko* Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA Cartes sons supportées : AdLib, IBM Music Feature Card, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, MPU-401 MIDI, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr *640ko requis pour la version PCjr
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Un doux rêve aura traversé l’univers du jeu de rôle informatique à peu près depuis ses débuts : celui de fournir, via un ordinateur, une expérience aussi proche que possible de celle qu’on obtenait entre amis autour d’une table. La grande force du concept original de jeux comme Donjons & Dragons ou Tunnels & Trolls, les deux pionniers en la matière, c’était que les règles et l’univers n’étaient qu’un cadre : les joueurs n’avaient aucune limite précise quant aux actions qu’ils pouvaient entreprendre, et qu’ils décident d’aller interroger un modeste paysan ou de forcer une porte, c’était au maître du donjon d’improviser et d’offrir une réponse (de préférence pertinente) à leurs tentatives.
Au moins, cette fois, si votre aventurier rate une action, vous saurez très exactement pourquoi !
Les possibilités étaient virtuellement illimitées – et l’idée qu’un jeu vidéo puisse les reproduire était aussi grisante qu’irréaliste, les premiers programmes informatiques ayant déjà du mal à gérer toutes les règles sans qu’en plus on leur demande de gérer tout un univers dans quelques kilo-octets de données. Le temps passant – et la technique progressant – les jeux de rôle eurent de plus en plus de latitude pour s’éloigner des simples tableaux de caractéristiques qui les résumaient à leurs débuts : la saga Ultima aura ouvert la porte à une notion d’exploration en monde ouvert et à des dialogues par mots-clefs, Dungeon Master aura représenté une avancée formidable en termes d’immersion. Mais on attendait toujours ce jeu où on aurait l’impression de pouvoir faire un peu ce qu’on veut dans l’ordre qu’on veut et de la façon qui nous convient ; celui où on serait notre propre héros avec nos propres méthodes, quitte à entreprendre des choses stupides juste pour juger des conséquences. Jouer un rôle, littéralement. À ce niveau, on ne mesure peut-être pas assez bien l’impact qu’aura représenté un titre a priori aussi simple que Quest for Glory.
Si vous voulez être un héros, il faudra le mériter (oui, la grenouille, là, c’est vous) !
D’emblée, tout est dans le (sous-)titre : Alors comme ça, vous voulez être un héros ? La question semble d’autant plus étrange que non seulement on est toujours, par définition, le « héros » d’un jeu vidéo, mais qu’en plus Quest for Glory s’inscrit ouvertement dans une longue série de sagas d’aventure de Sierra – d’ailleurs toutes définies comme des « quêtes » : King’s Quest, Space Quest, Police Quest… – employant le même moteur et offrant, a priori, à peu près les mêmes possibilités.
Inutile d’écumer la ville à la recherche de quêtes secondaires : tout est clairement affiché sur le panneau
Première nouveauté, cependant : c’est à nous qu’il appartiendra de nommer notre protagoniste (lequel sera forcément un homme) ; une première dans un jeu Sierra. Et histoire d’introduire immédiatement la dimension « rôlistique » du jeu, on sélectionnera également sa classe parmi les trois classiques que sont le guerrier, le magicien et le voleur, avant d’aller lui attribuer des points de caractéristiques et de décider de la répartition de ses aptitudes. En effet, notre personnage sera amené à se battre et aura donc des appétences pour le combat, la parade ou l’esquive, mais il pourra également lancer des sorts (même s’il n’est pas magicien), être furtif et crocheter des portes (même s’il n’est pas voleur), escalader des obstacles ou faire usage de précision dans ses lancers. Bref, première anomalie dans un jeu d’aventure traditionnel : notre personnage pourra être amené à réussir ou à rater des actions en fonction de ses capacités, et pas en fonction de ce qui avait été scripté dans le programme. Ce qui signifie également – et c’est là que les choses deviennent d’autant plus intéressantes – qu’il pourra être amené, selon ses compétences, à résoudre une même situation de plusieurs manières. Eh bien vous allez rire, mais cela, en 1989, c’était encore loin d’être courant – surtout dans un genre aussi balisé.
Il n’y a qu’une poignée d’ennemis différents, mais c’est bien suffisant à l’échelle de l’aventure
Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est sans doute de débuter la partie. Justement, notre héros (en herbe) arrive dans la petite ville de Spielburg, coupée du monde pour l’hiver à cause d’une avalanche, et qui semble avoir affaire à bien des tracas, à commencer par un groupe particulièrement actif de bandits de grands chemins, une sorcière nommée Baba Yaga, et même une malédiction frappant le baron local et ayant entraîné la disparition de ses deux enfants.
Les actes de charité sont toujours récompensés, alors libérez donc ce pauvre renard pour obtenir de précieux indices
Tout cela, vous allez le découvrir en allant parler au shérif de la ville, à votre arrivée, puis à tous les autres personnages, via un système de dialogue à la ligne de commande qui n’est finalement pas très éloigné de celui qu’on employait déjà dans Ultima IV. Vous vous souvenez de tous les services – l’auberge, le forgeron, le guérisseur, la boutique de magie – auxquels vous aviez accès via une simple liste textuelle dans Sorcellerie ? Eh bien ici, vous allez pouvoir les visiter physiquement, vous entretenir avec les marchands, les questionner quant aux affaires qui agitent la ville, et même parcourir les rues et visiter – à vos risques et périls – la taverne mal famée du coin. Il y a un panneau avec des quêtes, dans la guilde des aventuriers, mais rien ne vous empêche de réveiller le maitre de guilde juste à côté pour lui demander des détails ; autant de choses qui paraissent presque banales aujourd’hui mais en 1989, il n’y avait pas d’Elder Scrolls ou d’Ultima VII pour nous donner le sentiment de vivre ce genre d’épopée comme si on y était, et le jeu de Sierra aura indéniablement fait partie des premiers à avoir installé une passerelle aussi visible et aussi importante entre le jeu de rôle et l’aventure – de quoi rendre les choses un peu plus tangibles et un peu moins austères.
En 1989, les artistes de Sierra savaient déjà tirer de très belles choses de l’EGA. La réalisation a bien vieilli.
Ceci dit, tout ceci ne serait finalement que de l’habillage un peu vide de sens si les aptitudes de votre personnages se limitaient à des statistiques de combat. Seulement voilà, quitte à être un voleur, par exemple, pourquoi ne pas profiter de l’obscurité (le jour et la nuit sont gérés) pour aller crocheter quelques portes et vous servir dans les maisons locales, histoire de mettre un peu d’argent de côté pour aller acheter le coûteux équipement ou les non moins coûteuses potions de soin du jeu, par exemple ? C’est possible – il y a peut-être même une guilde des voleurs pour ceux qui savent chercher, allez savoir !
On peut manger des champignons hallucinogènes, et on aurait été déçu que ça ne soit pas le cas
Autre exemple : une guérisseuse vous a demandé de retrouver son alliance, à laquelle elle tient beaucoup, et vous avez de bonnes raisons de suspecter la pie installée sur l’arbre devant sa masure d’être la coupable. Allez-vous tenter d’escalader ledit arbre pour inspecter son nid ? Allez-vous ramasser des pierres et les jeter sur ledit nid pour espérer le faire tomber ? Ou bien allez-vous tout simplement utiliser un sortilège pour le faire venir jusqu’à vous ? Les trois possibilités sont viables, et vous avez même la possibilité de vous faire la main puisque, à l’instar de Dungeon Master, il suffit d’utiliser une compétence pour la faire progresser ; si vous n’avez pas eu de succès à votre première tentative d’escalader l’arbre, vous en aurez sans doute davantage à la quinzième… Un système gratifiant qui permet de sentir la montée en puissance à chaque action, mais qui « nivèle » également un peu l’expérience, puisque dès l’instant où vous aurez eu la bonne idée de doter votre personnage d’un peu de compétence dans tous les domaines, il pourra exceller partout simplement en répétant mécaniquement une action donnée à un endroit donné. Si vous voulez diriger le héros « ultime » et bénéficier de toute l’expérience du jeu, un conseil : créez un voleur, et dotez-le de capacités en magie. Il aura un peu de mal au début, mais à la fin, il sera invulnérable.
La nuit, même la ville a ses dangers… et ses opportunités de se remplir les poches
D’ailleurs, on n’a même pas encore eu l’occasion d’aborder un autre aspect pourtant important dans un jeu de rôle : le combat. En se baladant dans la région autour de Spielburg – un terrain de jeu d’une cinquantaine d’écrans – notre héros sera amené à croiser des ennemis et à les affronter (ou à fuir, il y a même une commande pour courir si vous préférez éviter l’escarmouche). Le jeu passe alors dans une vue à la troisième personne (certains combats scriptés se dérouleront exceptionnellement de profil) pour offrir une séquence d’action où le personnage pourra être dirigé avec les flèches et ainsi attaquer (flèche du haut), esquiver (flèches latérales) ou parer (flèche du bas, et seul le guerrier est équipé un bouclier). Lancer des sortilèges nécessitera de passer par la ligne de commande (raccourci : CTRL-C), et même un magicien devra apprendre à faire usage de son épée.
Si vous avez un peu d’or, demandez donc au maître d’armes de vous entraîner
Le résultat manque de profondeur et vos chances étant de toute façon définies par vos caractéristiques davantage que par votre habileté, et les combats étant un peu trop rapides dès l’instant où vous jouez sur un 286 ou supérieur (ou sur ScummVM), l’essentiel de l’action risque de se limiter à laisser la flèche du haut appuyée et à attendre de voir ce qui se passe (et à jeter des sortilèges de temps à autre). La récompense en sera la progression de vos précieuses aptitudes, et il ne faudra pas très longtemps pour que vous puissiez congédier sans trop d’efforts des adversaires qui vous mettaient la misère deux heures plus tôt. Le grinding est possible, mais pas réellement utile dans le sens où l’opposition ne fera que devenir encore un peu plus coriace dès l’instant où vous atteindrez les mille points d’expérience (des monstres redoutables qui n’apparaissaient que la nuit commenceront alors à être présent également en journée), et surtout que le jeu ne comporte à ma connaissance qu’un seul et unique combat obligatoire, lequel n’est même pas spécialement difficile pour un personnage « moyen ». Et encore, peut-être est-il possible de le contourner via la furtivité. Bref, si la dimension « gros Bill » ne vous parle pas plus que ça, il est fondamentalement possible d’aborder le programme comme un jeu d’aventure traditionnel.
Il n’est pratiquement jamais nécessaire de se battre, alors ne soyez pas trop pressé de sortir votre épée
À ce niveau, il faudra, comme toujours avec les jeux Sierra, prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’explorer divers endroits à diverses heures du jour ou de la nuit pour espérer faire des rencontres importantes. Il y a finalement assez peu d’énigmes dans Quest for Glory, et la plupart peuvent être surmontées en ayant la bonne idée d’interroger méthodiquement tout le monde et de prendre des notes – comme on l’a vu, il y a pratiquement toujours une façon d’éviter le combat, ce qui fait que Fallout n’aura pas été le premier titre du genre qu’on pouvait escompter finir sans affronter quiconque.
Nettoyer les écuries vous rapportera un peu d’argent – c’est également un très bon moyen de faire avancer le temps
La dimension « visite de la région » est d’autant plus plaisante que les artistes de Sierra commençaient à être capables de très jolies choses avec l’EGA, et la région fait juste la bonne taille pour qu’on la visite avec plaisir et en craignant pour sa vie lors des longues expéditions sans jamais mettre plus de deux minutes à la traverser de bout en bout. L’ambiance sonore bénéficie également grandement de la gestion des cartes sonores (Sierra aura été l’un des pionniers en la matière), et même si la musique se fait rarement entendre, on pourra profiter des chants d’oiseaux et de différents bruitages « atmosphériques » au fil de l’aventure. On explore, on combat, on discute, on s’équipe, on expérimente… on n’est finalement vraiment pas loin d’une sorte de proto-Daggerfall, à une échelle nettement plus réduite, et le mieux est que ça fonctionne encore très bien.
Évidemment qu’il y a des grottes ténébreuses et mal famées !
Certes, l’interface au clavier est souvent contraignante (maîtrise élémentaire de l’anglais obligatoire), il manque quelques options de confort (faire avancer l’écoulement du temps, au hasard), les différents mécanismes manquent de profondeur, il y a très peu d’équipement, les combats sont limités, la région est vite parcourue, il n’y a qu’une poignée d’ennemis différents… mais c’est aussi précisément dans sa dimension initiatique que l’aventure fonctionne : on assimile très vite les possibilités, on est heureux de faire nos expériences et on est authentiquement fier de lever la malédiction qui pèse sur la vallée de Spielburg – même en étant d’ordinaire totalement allergique aux jeux Sierra. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Quest for Glory aura été si bien reçu à sa sortie : à son niveau, c’était sans doute la tentative la plus ambitieuse et la plus intelligente d’aborder un jeu de rôle de façon immersive sans avoir à passer des dizaines d’heures dans une pile de manuels – un lointain ancêtre de Skyrim ou de The Witcher 3, en quelque sorte. Une escapade qui vaut la peine d’être entreprise aujourd’hui encore, et qui donne envie de voir comment se poursuivront les aventures de celui qu’on s’est donné tant de mal à aider à devenir un héros.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
Note : Si jamais vous vous demandez pourquoi le logiciel à été publié dans les mêmes régions sous deux titres différents, sachez que la raison en est, disons, « juridique ». En effet, le titre original d’Hero’s Quest aura été jugé beaucoup trop proche de celui du jeu de plateau publié par MB, HeroQuest (que les visiteurs du site connaissent probablement déjà). Sierra aura donc préféré opter pour une réédition avec un nouveau titre (qui sera ensuite resté celui de la totalité de la saga) plutôt que d’aller discuter de la chose devant un tribunal.
NOTE FINALE : 15,5/20
Quest for Glory aura représenté l'une des premières manifestations d'un des nombreux fantasmes de joueur des années 80 : l'inéluctable rencontre entre l'aventure et le jeu de rôles. Le résultat profite du savoir-faire de Sierra pour offrir à la fois ce qu'on espérait y trouver, à savoir un monde vivant où chaque classe de personnage trouvera manière à jouer à sa façon, et les inévitables scories de l'époque – comprendre : une certaine lourdeur dans l'interface et dans le déroulement ainsi qu'un manque de profondeur à bien des niveaux. Cependant, la fragile alchimie fonctionne, et on prend authentiquement plaisir à mener l'enquête autour de la ville de Spielburg tout en montant en puissance et en ayant, pour une fois, plusieurs façons d'approcher des énigmes rarement trop complexes, en profitant notamment d'une réalisation charmante. Les vieux de la vieille trouveront rapidement leurs marques, mais même les néophytes pourront trouver un certain charme à l'aventure – même s'ils préfèreront sans doute commencer directement par le remake en VGA. À découvrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une interface toujours lourdement basée sur la ligne de commande... – ...d'où la nécessité d'un niveau correct en anglais – Des combats très limités... – ...et une partie « jeu de rôles » qui manque globalement d'épaisseur
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Étant habitué aux excellents jeux d’aventure de chez Sierra On-Line, j’avais fondé de gros espoirs sur Hero’s Quest, un soft mêlant aventure et jeu de rôle. Mais j’étais loin de me douter que ce jeu serait aussi merveilleux, aussi prenant et aussi important. »
Dider Latil, Génération 4 n°17, décembre 1989, 95%
« Pour ma part, je commence à me lasser de ce type d’aventure, surtout depuis que des titres comme Zak Mac Kraken (sic), Indiana Jones ou encore les Voyageurs du temps envahissent les puces de mon micro… »
Olivier Hautefeuille, Tilt n°74, janvier 1990, 14/20
Version Amiga
Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Comme la quasi-totalité des jeux d’aventure américains de l’âge d’or du genre, Quest for Glory aura été développé sur PC – mastodonte écrasant à l’échelle du marché américain, quoi qu’on ait pu penser de ses qualités ludiques – reléguant les autres ordinateurs 16/32 bits (nettement moins populaires outre-Atlantique qu’ils ne l’étaient en Europe) au rang de seconds couteaux bénéficiant de simples portages. Pour dire les choses plus vite, on a ici affaire à une version Amiga qui est visuellement identique au pixel près à celle parue sur PC : seize couleurs et pas une de plus, et même si les teintes ne sont pas à 100% identiques à celles de l’EGA, mieux vaut bien placer deux captures d’écran côte-à-côte pour avoir une chance de déceler la nuance. Cependant, le résultat sur PC était déjà objectivement très bon, on ne va donc pas trop se griffer le visage, d’autant que le rendu sonore n’a pas trop à rougir de la comparaison avec ce que pouvait offrir une Roland MT-32, lui non plus. En revanche, lancé sur un Amiga d’époque, le titre vous permettra également de redécouvrir à quel vitesse tournait un jeu d’aventure sur un PC pré-80286 : comptez facilement quinze secondes de chargement entre deux écrans, ce qui rend la phase d’exploration et de grinding nettement plus chronophage. Le problème peut facilement être contourné en lançant le jeu sur un Amiga plus « costaud », mais les amateurs de ce rythme très particulier d’une époque où on avait une excellente raison de savourer chaque écran seront heureux de retrouver cette sensation. Cette lenteur prend également tout son sens lors des combats, où tenter de parer et d’éviter les assauts ennemis redevient cohérent puisque l’on a enfin le temps d’anticiper les attaques adverses. Pour le reste, pas de surprise : le déroulement est exactement identique à celui de la version originale, et il est toujours aussi sympathique.
Inutile de chercher ne fut-ce qu’un pixel qui ait changé de place
NOTE FINALE : 15,5/20
Porté à l’identique sur Amiga, Quest for Glory y délivre une expérience similaire, qui se révélera cependant infiniment plus lente sur les modèles de base. Si cela peut être corrigé avec une configuration plus puissante, gardez en tête que les combats sont également plus jouables à cette vitesse.
Les avis de l’époque :
« Comme à l’accoutumée chez Sierra On Line (sic), le scénario est superbe et la réalisation sans reproche. de quoi passer de longues journées devant votre ordinateur. »
Duy Minh, Joystick n°7, juillet-août 1990, 92%
Version Atari ST
Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Interface MIDI supportée Installation sur disque dur supportée
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Débarqué sur Atari ST, Quest for Glory/Hero’s Quest y aura reçu exactement le même traitement que pour la version Amiga : un transfert pixel perfect de la version PC. On peut même dire que le portage est encore plus proche de l’original ici, puisque le titre reconnait l’interface MIDI et, par extension, la Roland MT-32, ce qui lui permet d’offrir exactement la même expérience que sur un PC d’époque – comprendre : un PC doté d’un processeur 8088 ou 8086, car le jeu est aussi lent que sur Amiga. Une nouvelle fois, cela rend les combats un peu plus jouables tout en rendant l’exploration nettement plus laborieuse, et je n’ai pas eu l’occasion (ni le matériel) de constater si oui ou non le jeu était compatible avec un modèle de type Falcon, attendez-vous donc à revivre l’expérience à l’ancienne, avec une très large rasade de café entre chaque écran. Mais si c’est précisément ce que vous espérez retrouver, vous serez aux anges.
Ces captures d’écran se ressemblent, hein ?
NOTE FINALE : 15,5/20
Comme sur Amiga, Quest for Glory sur Atari ST nous rappelle à quelle vitesse tournait un jeu d’aventure sur une machine de cette génération : nettement moins vite que sur la suivante. En résulte une nouvelle fois une expérience qui contraindra le joueur à patienter une quinzaine de secondes entre deux écrans tout en lui laissant enfin bénéficier de la portée « stratégique » des combats. À vous de voir si cette perspective vous attire.
Version PC-98
Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line Japan, Inc.
Date de sortie : 12 avril 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : PC-9801 – RAM : 640ko Carte son supportée : Roland MT-32/LAPC-I
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Comme beaucoup de ses concurrents (principalement américains), Sierra On-Line aura tenté à plusieurs reprises sa chance sur le marché japonais – ce qui était d’autant plus facile sur la gamme PC-98 de NEC que les ordinateurs concernés tournaient sous MS-DOS. Dans l’absolu, c’est d’ailleurs à une sorte de version PC « étendue » que l’on a affaire ici ; « étendue » car elle dispose d’options graphiques (possibilité de jouer en huit couleurs au lieu de seize) et sonores (reconnaissance de la plupart des cartes sons compatibles) propres aux machines concernées. Dans les conditions optimales, on se retrouve donc… eh bien, avec le clone de la version PC EGA avec une Roland MT-32, au petit détail près – mais qui risque de faire une grosse différence – que le titre est désormais intégralement en japonais. Yep, même les instructions à la ligne de commande ! Autant dire que sauf à être un joueur japonais disposant de l’équipement (et du clavier) approprié, cette version sera à réserver aux collectionneurs, mais pour le reste, pas de problème, c’est exactement le même jeu.
La campagne de Spielburg sous-titré en japonais… exotique, non ?
NOTE FINALE : 15,5/20
Comme tous les autres portages du jeu, Quest for Glory sur PC-98 n’est pas grand chose de plus qu’une retranscription parfaite de la version DOS originale – mais intégralement traduite en japonais, ce qui la réserve de fait aux joueurs étant plus à l’aise avec cette langue qu’avec l’anglais. Quant à la question de la vitesse, elle sera ici tranchée par la puissance du processeur.
Le remake : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero
Développeur : Sierra On-Line, Inc. Éditeur : Sierra On-Line, Inc. Testé sur :PC (DOS) Version non testée : Macintosh Disponible sur : Windows Présent dans les compilations :Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Au tout début des années 1990, Sierra aura commencé à entreprendre une série de remakes commerciaux de ses plus grands titres. Toutes les principales sagas de la firme – King’s Quest, Space Quest, Leisure Suit Larry, Police Quest et donc Quest for Glory – auront eu droit à leur coup de polish qui permettait de mesurer à quel point le hardware du PC avait progressé en seulement quelques années. Au menu : refonte graphique, refonte sonore, mais aussi et surtout refonte de l’interface ; dès 1991, les remakes auront commencé à bénéficier de toutes les améliorations introduites dans King’s Quest V, et la modification était suffisamment drastique pour inviter bien des joueurs à repasser à la caisse afin de redécouvrir des jeux qu’ils avaient aimés dans une version « nouvelle génération » qui représentait vraiment un gain impressionnant tant en réalisation que de confort de jeu. Quoi qu’il en soit, cette frénésie de remake se sera rapidement interrompue, probablement parce qu’il n’y avait pas assez de joueurs désireux de racheter des jeux qu’ils avaient acquis parfois quelques mois plus tôt – ni assez de nouveaux venus décidés à redécouvrir les origines d’une saga – pour justifier les coûts de production. Quest for Glory aura d’ailleurs constitué le tout dernier de ces remakes – ce qui n’empêche pas ces versions remaniées de figurer aujourd’hui dans toutes les compilations mises en vente, tant elles ont indéniablement mieux vieilli, aux yeux des néophytes, que les versions qui les avaient précédées.
Version PC (DOS)
Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko Modes graphiques supportés : EGA (640×200), MCGA, VGA Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, Game Blaster (CMS), General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy DAC (TL/SL)
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
À peine deux ans et demi séparent Quest for Glory de son remake – indice ô combien parlant de la rapidité délirante à laquelle avait avancé la technologie dans le laps de temps. Pour le joueur, la première évidence se fera sur le plan graphique : désormais en 256 couleurs, les graphismes ont été intégralement refaits à partir d’aquarelles scannées pour les décors, avec des portraits animées qui s’affichent lors des discussions, un système de combat désormais présenté dans une vue isométrique et des monstres parfois modélisés à partir de créatures en pâte à modeler animées en stop motion.
Même la feuille de personnage est devenu un peu plus sexy, à présent
Rien à dire : il y a des petits détails dans tous les sens, et même si on pourra parfois trouver certains décors un peu vide, le bond qualitatif est indéniable. Du côté du son, le progrès est moins évident tout simplement parce que le titre original tirait déjà parti de la Roland MT-32, mais on pourra désormais bénéficier de toute une sélection de cartes et de la gestion du standard General MIDI. Pas de problème : ça a de la gueule. L’avancée la plus impressionnante n’est peut-être pas à aller chercher du côté de la réalisation, malgré tout ; l’interface, désormais à base d’icônes, a été revue pour être intégralement jouable à la souris, et ça fait une énorme différence. Plus besoin de s’échiner à entrer des ordres au clavier, ce qui est déjà une bonne chose, mais l’autre bonne nouvelle est que les sujets de conversation apparaissent désormais sous forme de liste, vous interdisant ainsi d’en manquer un, ce qui simplifie drastiquement la phase d’enquête.
Les conversations sont un peu plus vivantes, maintenant que vous pouvez voir votre interlocuteur en gros plan
Les combats ont également été rééquilibrés pour être à la fois un peu plus faciles et pour davantage reposer sur l’habileté. Désormais, quelle que soit la vitesse de votre processeur, parer et esquiver restera une possibilité pertinente, d’autant plus que l’interface, parfaitement jouable à la souris, l’est toujours au clavier. Le déroulement du jeu en lui-même n’a pas changé, même si certains éléments ont été mis en avant (difficile, par exemple, de rater l’oiseau dans son nid en arrivant sur l’écran de la hutte de la guérisseuse, dorénavant), et seuls certains easter eggs faisant référence à d’autres jeux Sierra ont été modifiés pour être remis au goût du jour – du travail de pro, on vous dit ! Le résultat est que le jeu exige une courbe d’apprentissage un tout petit peu moins raide pour être approché, et qu’un néophyte devrait assez rapidement trouver ses marques – à condition de parler anglais, naturellement. Un très bon moyen de découvrir le titre aujourd’hui, surtout si vous êtes allergique à la ligne de commande.
NOTE FINALE : 16/20
Il s’en était passé, des choses, en deux ans et demi ! Totalement dépoussiéré, avec des graphismes en 256 couleurs, des combats plus équilibrés et surtout une interface intégralement à la souris, Quest for Glory fait peau neuve et se laisse découvrir encore plus facilement qu’avec la version de 1989. Pour ceux qui se demanderaient par où commencer, difficile de se tromper avec cet excellent remake.
Développeur : Donald Brown Éditeur : Aucun (domaine public) Titres alternatifs :The Wonderful World of Eamon (titre alternatif), Le monde merveilleux d’Eamon (traduction française) Testé sur :Apple II – Atari ST – PC (DOS) – Atari 8 bits Disponible sur : Macintosh, Wii, Windows
Version Apple II
Date de sortie : 1979
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais (scénario maître)
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II+ – OS : Apple DOS 3.3 – RAM : 48ko Modes textes supportés : 40×24 ; 80×24
Lien utile :Eamon Wiki – un très bon moyen de découvrir les différentes versions du jeu ainsi que les scénarios associés
Première décision – à l’issue tragique. On n’aime pas les petits malins, ici…
L’une des formidables forces des années 70, période pionnière s’il en est pour le jeu vidéo, c’est précisément eu d’avoir à défricher le terrain sans composer avec des notions établies.
Première étape : créer un personnage
Loin des cases formées par des genres qui n’existaient d’ailleurs pas encore, la seule limite des créateurs en herbe – en-dehors de leurs aptitudes en programmation, cela va de soi – était l’imagination ; curieusement, on ne se sera jamais aussi peu posé la question « est-ce réalisable ? » qu’à l’époque où elle était la plus pertinente. Donald Brown, étudiant ordinaire de l’université Drake de Des Moines (dont il n’aura vraisemblablement même pas été diplômé), ne se la sera visiblement pas vraiment posée au moment de rejoindre le club d’informatique du Computer Emporium de la ville, où il aura pu cultiver sa passion naissante pour l’Apple II d’un côté et pour le jeu de rôle de l’autre. En développant Eamon, il ne se sera pas demandé s’il était en train de créer une aventure textuelle, un jeu de rôle ou un éditeur de scénarios en BASIC : il aura tout simplement créé les trois en même temps. Et afin de rester cohérent avec le concept encore visionnaire en 1979 du programme de création de contenu, il aura immédiatement insisté pour que celui-ci soit et reste distribué gratuitement. La conséquence ? Loin de rester cantonné à une curiosité locale, le titre se sera répandu comme la poudre et aura engendré à sa suite près de 300 scénarios développés par et pour lui – et le mieux, c’est que ça continue. Eamon, c’est un freeware de création d’aventures qui fête cette année ses quarante-cinq ans. Pas mal, non ?
Le jeu a le bon goût de vous présenter clairement ses mécanismes
À la base, le logiciel est un regroupement de programmes disparates remplissant chacun une fonction, établissant ainsi les bases des futures interfaces du genre. Le jeu s’ouvre d’ailleurs sur la présentation d’un hall virtuel de la « guilde des aventuriers libres » où le joueur se voit à la fois introduit prosaïquement à l’univers – encore relativement neutre, et pour cause, ce hall servira de « hub » entre les aventures – tout en se voyant poser une question simple : choisira-t-il de s’inscrire ou d’aller rejoindre les clients en train de se saouler à la bière ?
Inutile d’expérimenter : les possibilités sont clairement données.
Signe d’un cadre qui laissera fatalement moins de choix qu’il ne veut bien le laisser apparaître, les petits malins optant pour la deuxième option se verront immédiatement récompensés par une épée en travers du corps et par la fin de la partie. Les autres seront invités à créer un personnage en lui donnant un nom et un sexe, avant de se voir tirer aléatoirement des caractéristiques qui seront à prendre et pas à laisser : fidèle à la philosophie « donjons-&-dragonesque » encore en cours à l’époque, il n’est pas possible de retirer ou de modifier les trois statistiques – la robustesse, l’agilité et le charisme – même si l’on n’en est pas satisfait ; la seule possibilité sera de créer un autre personnage avec un autre nom, ou d’envoyer le premier au combat avec ses forces et ses faiblesses. Parmi les nombreuses applications n’ayant pas tardé à entourer le programme, l’une des premières aura d’ailleurs ajouté la possibilité de « suicider » son joueur – solution plus rapide que de l’envoyer se faire massacrer dans un scénario où il aurait de toute façon été irrémédiablement effacé à la seconde précise de sa mort. Hé, ça ne rigolait pas, la fin des années 70…
Le scénario « maître » fait également office de hub central entre les aventures
Une fois le personnage créé, il se verra ouvrir l’accès à plusieurs services, à commencer par un marchand pour acheter de l’équipement, un magicien pour apprendre un ou plusieurs des quatre sortilèges du jeu : explosion, soin, vitesse – qui correspondent exactement à leur nom – et « puissance », un sort passe-partout dont la fonction exacte sera en fait laissée à la discrétion du créateur du scénario, ou encore la banque qui permettra de stocker de l’or entre les aventures – au hasard, pour investir dans les sorts et l’équipement susnommés. L’occasion de constater que l’interface, intégralement textuelle comme on peut s’en douter, a l’intelligence de prendre le temps de décrire tous les mécanismes en même temps qu’elle vous les fait découvrir. Le résultat est d’autant plus ergonomique qu’une fois n’importe quelle aventure lancée, une commande incomprise par le programme provoquera immédiatement l’apparition de la liste exhaustive des ordres qu’il est capable de gérer.
Une fois l’aventure bouclée, on investit et on recommence !
Un moyen de juger très clairement et sans poudre aux yeux des possibilités réelles du moteur – contrairement au fameux « interpréteur syntaxique » des aventures textuelles, qui laissait l’illusion de la liberté pour mieux masquer ses colossales limites – lesquelles correspondent aux instructions les plus basiques nécessaire à l’exploration d’un donjon, à la collecte d’objets et au combat contre les PNJs qui auront de grande chances d’être hostiles, puisqu’il n’y a pas d’interface de dialogue à proprement parler si le scénario n’en créé pas une par ses propres moyens. L’aventure d’initiation disponible sur la disquette de base du jeu, nommée « grotte du débutant », donnera d’ailleurs assez vite le « la » en correspondant à une suite de salles et de couloirs dans lequel le joueur pourra affronter des monstres, rencontrer des personnages qui pourront l’affronter ou au contraire choisir de le suivre en fonction de son charisme, trouver des armes, des trésors et des potions… et provoquer des morts rageantes, précisément à cause des limites évidentes du moteur. Imaginons que vous trouviez un livre mystérieux et de toute évidence magique : pas question ici de lancer un sortilège de détection de pièges, ou même de trouver un quelconque moyen d’évaluer sa nature ; le joueur n’aura que le choix de le lire et d’en assumer les conséquences ou bien de le laisser derrière lui en se demandant éternellement ce que l’ouvrage pouvait bien contenir. Et naturellement, s’il le lit, cela signera immédiatement la fin de son aventure (et de son personnage) en le transformant en poisson rouge… La vieille école, quoi.
Terminer la grotte du débutant demandera de débusquer un passage secret à un endroit précis… et sans aucun indice
Ceci dit, la meilleure surprise reste l’évidence et l’immédiateté de la prise en main – à condition de savoir lire l’anglais, naturellement. Contrairement à ce qui allait se passer avec bien des successeurs ambitieux demandant de maîtriser une interface aussi lourde qu’opaque imposant la présence d’une carte de référence à portée de main pour espérer accomplir quoi-que-ce-soit, le titre se laisse maîtriser en une poignée de secondes – et pour cause, pas besoin ici d’expérimenter pour découvrir les possibilités d’action – et il est toujours fascinant de constater à quel point une description d’une ligne suffit à installer toute l’ambiance nécessaire pour se croire dans un donjon… ou ailleurs.
On ne peut consulter ses statistiques que dans le hall principal
L’autre grande force du jeu est ainsi de n’imposer aucun univers, le quatrième scénario créé pour lui – et par Donald Brown lui-même – s’intitulant par exemple, de façon assez parlante, « Death Star ». Ai-je vraiment besoin de préciser à quelle licence il fait référence et dans quel cadre il se déroule ? Car évidemment, la cerise sur le gâteau, c’est l’immense contenu développé par les joueurs, comme on l’a vu : de nombreuses aventures n’ont aucun frein dans leur ambition et n’hésitent pas à placer le joueur à la tête d’armées entières ou dans des univers beaucoup plus dépaysants que les resucées de Donjons & Dragons. En dépit des contraintes (on n’est jamais loin d’une sorte de Rogue textuel), on peut très rapidement se prendre au jeu et se surprendre à y passer bien plus de temps que ce qu’on avait anticipé. Et vu le temps nécessaire pour faire le tour du contenu, surtout en se souvenant que le programme est gratuit, il y a indéniablement quelques heures à tuer sur Eamon – et peut-être beaucoup plus si affinités.
Et en français, c’est possible ?
Ça change des épées et des sorciers !
Comme on peut s’en douter, Eamon étant resté gratuit toute son existence, il n’aura jamais bénéficié d’une distribution commerciale – ce qui signifie qu’il n’y a bien évidemment pas de version française « officielle », laquelle aurait de toute façon exigé de traduire un-à-un tous les scénarios écrits par les joueurs au fur-et-à-mesure de leur création. Néanmoins, dès 1985, J.M. Menassanch aura écrit un scénario intitulé « Le HLM maudit » dont l’intérêt n’est pas simplement de proposer une réinterprétation en français de la grotte du débutant du jeu original, mais aussi et surtout de traduire également tout le contenu de la disquette maître, à savoir le hall principal et les utilitaires dédiés. Pour ne rien gâcher, l’aventure qui donne son nom au scénario est sensiblement plus originale que le donjon d’entrainement de base, proposant comme son nom l’indique d’aller affronter des concierges et des gardiens dans un immeuble de banlieue ! Le scénario porte le numéro 255, et il est – comme tous les autres – toujours disponible aujourd’hui, et vous pourrez facilement le trouver à cette adresse. Un bon moyen de s’initier en douceur.
Vidéo – Écran-titre et dix minutes de jeu :
NOTE FINALE : 12,5/20 Un jeu d'aventure textuel ? Un jeu de rôles à la Donjons & Dragons ? Un éditeur de scénarios en BASIC ? Eamon est tout cela, et l'était de façon totalement gratuite dès 1979. Désormais fort de près de 300 aventures réalisées par les joueurs, dont certaines en français, le titre surprend par son ergonomie, par la variété de ses univers et par l'ambition de certains de ses scénarios. Certes, les mécanismes sont basiques, les possibilités souvent un peu trop restreintes et la réalisation limitée à du texte – mais bon sang, c'est fou ce que ça peut être efficace lorsque c'est bien fait. La plupart des jeux de rôles modernes ont beau faire mieux dans tous les domaines – scénario, exploration, profondeur, mécanismes, réalisation, interface – il y a quelque chose de rafraichissant dans la simplicité du concept et quelque chose de grisant dans le pouvoir de l'imagination. Puisque c'est de toute façon gratuit, pourquoi ne pas lui laisser sa chance ?
CE QUI A MAL VIEILLI : – Des mécanismes jeu de rôles réduits à leur plus simple expression – Un aspect aventure qui ne va pas beaucoup plus loin que de visiter des pièces et de ramasser des objets... – ...et qui se révèle souvent frustrant lorsqu'il tente d'offrir autre chose – Un contenu énorme, mais réservé dans son écrasante majorité aux anglophones
Version Atari ST
Développeur : Michael Detlefsen
Éditeur : Aucun (domaine public)
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais (scénario maître)
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Pour ceux qui préfèrent leur texte en noir sur fond blanc…
Jugeant qu’il aurait été dommage qu’un outil aussi prometteur qu’Eamon reste cantonné sur Apple II (qui reste pourtant, et de très loin, la plateforme privilégiée pour découvrir le titre à l’heure actuelle), un certain Michael Detlefsen aura entrepris de le convertir sur Atari ST entre 1986 et 1987. Cette version – tout aussi gratuite que l’originale – tire parti, pour l’occasion, du mode haute résolution de la machine, ainsi que de la souris pour accéder rapidement à une parti de l’interface de lancement (la souris ne servant plus à rien une fois une aventure lancée). Comme on peu s’en douter, l’avantage de cette version est de profiter d’un certain confort de lecture et d’utilisation, mais son immense inconvénient est de ne pas pouvoir profiter des quelques 250 scénarios développés sur Apple II. Ceci dit, la disquette ne contient pas uniquement la grotte du débutant, mais aussi les quatre premiers scénarios développés sur Apple II (dont le Death Star de Donald brown). Au moins deux autres aventures originales auront été créées depuis lors, mais Detlefsen lui-même aura rapidement abandonné Eamon au profit d’Adventure Game Toolkit. On notera au passage quelques corrections bienvenues dans cette version, comme le fait qu’il soit possible de retirer les caractéristiques de son personnage sans passer par un outil de « suicide ».
NOTE FINALE : 12,5/20
Eamon n’aura pas eu, sur Atari ST, la même carrière que sur Apple II, mais cela n’empêchera pas le joueur curieux de pouvoir découvrir les quatre premiers scénarios du jeu, en plus de la grotte du débutant, dans une version plus lisible et plus ergonomique. néanmoins, ceux qui mordront réellement au concept continueront certainement leur exploration sur la machine d’Apple.
Une interface graphique (facultative) pourra vous renvoyer droit dans les années 80
Le PC semblait être l’autre plateforme toute désignée pour accueillir Eamon. Cela est d’ailleurs tellement vrai qu’on peut encore l’y trouver aujourd’hui, dans une version gratuite – comme toutes les autres – et distribuée avec DOSBox, ce qui lui permet d’ailleurs au passage d’être aisément convertible vers d’autres systèmes. Le jeu n’a certes plus été mis à jour depuis mai 2014, mais sachant qu’il fêtait alors ses trente-cinq ans, cela correspond déjà à une très belle carrière ! Comme son nom d’Eamon Deluxe l’indique, cette version inclut quelques nouveautés servant principalement à dépoussiérer l’interface : un éditeur de personnage dédié, par exemple, avant même de lancer le programme en lui-même, ou même la possibilité d’afficher le hall principal sous la forme d’une interface graphique rappelant furieusement celle des Ultima de la grande époque !
Chacune de ces entrées correspond à un pack de scénarios contenant parfois jusqu’à une vingtaine d’aventures. Il y a de quoi s’occuper !
À ceux qui pesteraient que cela reviendrait à trahir la nature même de l’expérience, pas de panique : il est possible de revenir à l’interface originale d’une simple pression sur la touche X. On remarquera aussi que le texte en lui-même bénéficie d’une sorte de code couleur pendant les aventures, histoire de clarifier au maximum la situation – après tout, pourquoi pas ! La meilleure nouvelle, cependant, est à chercher du côté du contenu : cette version est livrée avec pratiquement tous les scénarios connus regroupés en packs, soit plus de 260 aventures au total. A priori, beaucoup n’ayant pas été mis à jour pour profiter des dernières évolutions du jeu, il faudra parfois mettre la main dans le cambouis pour les lancer, mais vous trouverez de toute façon les instructions nécessaires sur le wiki du jeu ainsi que dans le manuel disponible sur la page principale. On a même droit à un mode dédié pour lancer le jeu sur une liseuse ou avec des options graphiques mises à jour pour les malvoyants. Dans tous les cas, voici au moins un autre très bon moyen de profiter de l’expérience dans d’excellentes conditions, et pour pas un rond. Pourquoi se priver ?
Le texte en lui-même bénéficie d’un code de couleurs pour améliorer la lisibilité
NOTE FINALE : 13,5/20
Si vous souhaitez découvrir l’expérience d’Eamon sur un système moderne – et avec quelques minimes options de dépoussiérage n’ôtant au jeu rien de son charme à l’ancienne – cette itération Deluxe désormais arrivée à terme avec sa version 5.0 peut constituer une excellente porte d’entrée, notamment grâce au contenu gigantesque qu’elle propose. Sachant que ça ne coûte de toute façon rien, pourquoi ne pas lui laisser une chance ?
Version Atari 8 bits
Développeur : Daniel Noguerol
Éditeur : Aucun (domaine public)
Date de sortie : 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais (scénario maître)
Supports : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Atari 800 XL PAL
Configuration minimale : –
On peut au moins profiter d’un fond bleu…
Autre étape de l’infatigable Eamon : l’Atari 8 bits, cette fois sous l’impulsion de Daniel Noguerol. On sent bien, une fois de plus, l’initiative d’un passionné : la gamme 8 bits d’Atari n’était plus exactement dans le vent en 1989, tandis qu’elle s’apprêtait à fêter ses dix ans, et la conséquence en est que seuls deux scénarios en plus de la grotte des débutants ont été retranscrits sur la machine : le Death Star évoqué plus haut et The Lair of the Minotaur – le pire étant que ce dernier, visiblement bugué, plante au lancement ! Comme on peut s’en douter, la communauté déjà très clairsemée de la machine n’a pas franchement suivi, et le titre reste aujourd’hui comme une curiosité qu’on préfèrera découvrir sur Apple II ou sur PC.
NOTE FINALE : 11/20
Bel effort, mais faute de contenu, Eamon sur Atari 8 bits restera une curiosité réservée à une niche très ciblée de nostalgiques. Sauf à chercher un programme gratuit pour son Atari 800, il n’y a objectivement aucune raison de découvrir le jeu sur cette plateforme.
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC : Processeur : Pentium II 233MHz – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s) Configuration graphique : DirectX : 5 – API : Direct3D, Glide – RAM vidéo : 4Mo Périphériques à retour de force supportés
Version Macintosh : Processeur : PowerPC 7xx/PowerPC G3 – OS : Mac OS X 10.1.5 – RAM : 12Mo Configuration graphique : RAm vidéo : 8Mo
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Plus encore que le cinéma qui aura longtemps figuré au rang de ses modèles, le jeu vidéo sera resté depuis ses débuts un medium profondément lié aux avancées technologiques. Quels qu’aient été les progrès et les révolutions dans le domaine du gameplay, du game design, de l’interface ou de la narration, ceux-ci auront toujours été partiellement conditionnés à la rapidité de calcul des processeurs et aux capacités graphiques et sonores du matériel – d’où une tendance naturelle, de temps à autres, à céder à la facilité de la poudre aux yeux pour offrir un programme qui soit une démonstration technique avant même d’être un jeu, et ce ne sont pas les joueurs ayant couru acheter un Amiga 500 après avoir vu tourner Shadow of the Beast qui viendront affirmer le contraire.
Au sol, dans les airs ou sur l’eau, ça ne chôme pas
Il y a des titres dont la fonction première semble être de justifier le perpétuel investissement dans la dernière technologie de pointe afin de ne pas tomber hors du train de la modernité, ceux-là même dont on a secrètement fait l’acquisition pour pouvoir rendre les copains, les collègues ou les voisins malades de jalousie en leur montrant ce truc que leur configuration de deux ans d’âge ne pourrait jamais faire tourner. À la fin des années 1990, la dernière innovation incontournable pour les PC aura été les cartes accélératrices 3D, et le meilleur moyen d’en vendre aura été de commencer par montrer ce qu’elles apportaient réellement en termes de rendu graphique et de puissance de calcul. Parmi les programmes qu’on pouvait s’attendre à trouver en bundle dans une boîte se trouvait Incoming, un jeu qui était aussi un très bon moyen de découvrir en quelques minutes les capacités de son acquisition flambant neuve. Avec un filet de bave, souvent.
Le conflit interplanétaire : parce que péter des trucs, ça fait des jolies lumières
Incoming, avant toute chose, c’est un jeu d’action en 3D qui ne cherche pas à réinventer la poudre, mais plutôt son emballage. Le principe est simple : détruire des trucs, que ce soit à bord d’une tourelle, d’un hélicoptère, d’un avion ou même d’une soucoupe volante, et quel que soit le mode de jeu – y compris les deux campagnes scénarisées – le réel objectif restera toujours le score, comme dans les bonnes vieilles bornes d’arcade de l’âge d’or.
Le ravitaillement constitue la seule minime épaisseur du gameplay
Les modes de jeu, justement, offrent un tour d’horizon assez complet du contenu respectable du programme : on commence par un mode arcade, qui vous laissera prendre les commandes d’un des nombreux appareils du jeu (Comanche, Harrier, F/A-18, mais aussi, comme on l’a vu, des vaisseaux extraterrestres) pour faire face à des vagues d’ennemis de plus en plus puissants, dans un des environnements débloqués via les campagnes. Ici, l’idée sera d’aller collecter des power-up (dont l’emplacement sera désigné par la flèche servant à donner la direction de l’objectif, en haut de l’interface) pour augmenter votre puissance de feu, votre cadence de tir, votre réservoir d’armes secondaires (qui varient selon l’appareil mais sont généralement des munitions à tête chercheuse) ou pour vous soigner, voire vous rendre temporairement invincible. L’occasion de découvrir que l’action se déroule dans des environnements ouverts où la liberté de déplacement est totale, et que chaque appareil se pilote différemment, un hélicoptère d’assaut étant bien plus simple à faire voler en rase-motte dans un canyon qu’un jet supersonique. La jouabilité arcade faisant usage de six boutons (deux pour les tirs, deux pour l’altitude et/ou la propulsion, deux pour les déplacements latéraux) se maîtrise très vite, et le tir principal étant souvent guidé, on aligne rapidement les cartons dans la joie et la bonne humeur.
L’univers du jeu n’est pas extrêmement cohérent, mais hé, tant que ça explose…
Pour les joueurs cherchant quelque chose de plus consistant, le jeu offre également deux campagnes – ou plutôt une seule avec une variante, comme on va le voir. Après un briefing textuel chargé de vous introduire un scénario inepte dont tout le monde se fout, l’idée sera de compléter une dizaine d’objectifs (dits « phases ») assez simples consistant à prendre le contrôle d’un appareil donné pour défendre une position, détruire un certain nombre d’ennemis ou rejoindre un endroit précis. Une fois l’objectif rempli, on change généralement d’appareil et de cible, avant de quitter la région à la fin du scénario (avec des missions se déroulant d’abord sur terre, puis sur la lune, puis carrément sur une planète extraterrestre).
Les phases stratégiques n’auront pas marqué les esprits, à raison
Ces six « scénarios » de dix objectif chacun seront suivis de quatre missions bonus, largement de quoi s’occuper quelques heures, et introduisent également une petite dimension stratégique puisqu’il est tout à fait possible de retourner à une base pour réparer son appareil et se réapprovisionner. Et la deuxième campagne, me demanderez-vous ? Celle-ci, dite « tactique », est en fait exactement la même que la première, mais avec l’inclusion de séquences de stratégie en temps réel extrêmement basiques puisqu’elles se limiteront pour l’essentiel à choisir vos positions défensives et à leur assigner une cible : il n’y a ni gestion de ressources, ni construction de base, et très sincèrement on tirera vite un trait sur cet ajout inutile qui ne fait que diluer l’action. Tant qu’à faire, le jeu offre également du multijoueur, en ligne, en réseau local ou même en écran splitté, et l’option n’étant pas si fréquente sur PC, surtout à l’époque, on sera indéniablement heureux de pouvoir s’amuser à deux devant le même écran ou à huit en réseau.
Le mode arcade est efficace à faibles doses, mais les décors comme les ennemis n’offrent pas le renouvellement dont il aurait eu besoin
Évidemment, l’attraction principale de l’époque, c’était la réalisation. Véritable catalogue de tous les effets graphiques et sonores disponibles en 1998 (MIP-mapping, filtrage bilinéaire et trilinéaire, son 3D…), elle n’impressionnera bien évidemment plus grand monde aujourd’hui, mais son aspect décomplexé à base de lumières colorées dans tous les sens et de grosses explosions a également un charme indéniable qui parlera immédiatement aux nostalgiques de cette période donnée.
Les ambiance varient, c’est déjà ça.
En revanche, autant vous prévenir : le jeu a beau être disponible à la vente, le faire tourner dans des conditions optimales sur une configuration moderne risque de demander pas mal d’efforts, et sans doute l’ajout de programme tiers de type dgvoodoo pour pouvoir émuler d’anciennes version de DirectX, faute de quoi, attendez-vous à composer avec des textures manquantes et avec divers artefacts graphiques. Notez également que le framerate de l’écran-titre n’est pas capé (ne soyez donc pas surpris que les animations tournent à fond de train) mais, que le framerate est bel et bien capé à 30FPS en jeu. Oh, et même avec dgvoodoo, vous pouvez encore vous attendre à des écrans noirs, sauts des plages sonores et autres plantages intempestifs – croyez-moi, si vous n’avez pas envie d’expérimenter pendant deux heures avant de réussir à faire tourner le jeu, vous vous épargnerez du temps et de l’énergie à aller émuler directement la version Dreamcast !
Pourquoi construire des champs de force si c’est pour placer le générateur juste à côté ? ‘Sont pas finauds, ces extraterrestres…
Ces considérations techniques mises à part, on a affaire à un jeu efficace et amusant, mais qui finit fatalement par s’essouffler sur la durée, la faute à un certain renouvellement dans tous les domaines. En dépit des quelques nuances introduites d’un appareil à l’autre, on passe en effet son temps à refaire exactement la même chose, et même si les différents décors aident à apporter un peu de dépaysement, ils sont globalement très vides (quelques bâtiments, jamais un arbre ou un être humain en vue) et se résument pour l’essentiel à des color swaps des mêmes textures.
Avec quelques idées en plus, on ne serait pas si loin d’une référence en la matière
Même s’il y a indéniablement des bons moments à passer, surtout à plusieurs, une fois que la lassitude commence à s’installer, elle devient vraiment difficile à congédier tant le titre reste l’héritier assumé des titres d’arcade à l’ancienne. On n’a donc jamais de raison de tenter une nouvelle approche, et une fois la campagne bouclée (et peut-être même avant, tant les objectifs sont redondants), on risque de ranger définitivement le jeu, surtout à une ère où on n’a plus vraiment de raison de le ressortir pour l’utiliser comme benchmark. Il serait cependant sévère de congédier le titre comme une simple démo technique de plus de vingt-cinq ans d’âge : pour peu qu’on parvienne à le pratiquer dans des conditions décentes, on se prend vite au jeu et on découvre qu’on vient de tuer vingt minutes là où on avait à peine prévu d’en sacrifier cinq. Mais mieux vaudra prendre le temps de traîner sur les forums techniques avant de tenter l’expérience – la technologie du passé, elle aussi, a un prix.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 15,5/20
D'accord, on ne sait plus trop si Incoming était censé être un jeu d'action, un benchmark ou un outil de promotion des cartes accélératrices 3D – avec lesquelles il était d'ailleurs souvent vendu en bundle. Mais derrière une poudre aux yeux devenue fatalement inopérante plus d'un quart de siècle plus tard se cache néanmoins un titre arcade efficace qui n'a certes pas grand chose de plus à offrir que de tirer sur tout ce qui bouge, mais parfois c'est très exactement ce qu'on recherche. En dépit d'un contenu respectable et même d'un mode multijoueur en écran splitté pas très fréquent sur les PC de 1998, le jeu s'essouffle fatalement au bout de quelques heures faute de renouvellement dans l'action ou la jouabilité, mais il demeure un moyen tout-à-fait acceptable de tuer dix minutes de façon agréable – à condition de parvenir à le faire marcher dans de bonnes conditions.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Les nombreuses difficultés pour faire tourner le jeu correctement sur un système moderne – Un manque global de variété et de renouvellement dans l'action et les décors – Des phases de stratégie très limitées et qui jurent un peu avec le reste
C’est toujours la même chose, mais les alliés sont un ajout bienvenu
Bien accueilli à sa sortie, autant pour sa réalisation que pour son action décomplexée, Incoming aura eu le droit à une extension devenue assez délicate à trouver – étrangement, elle n’est d’ailleurs pas présente dans le pack regroupant Incoming et Incoming Forces en vente en ligne au moment où j’écris ces lignes, seule la compilation regroupant la trilogie vendue sur ZOOM Platform la propose à la vente. Comme on pouvait s’y attendre, pas de grosse révolution en vue ici : c’est littéralement davantage de la même chose, avec une campagne de cinq scénarios comprenant entre huit et dix phases chacun pour un total de « 48 missions », comme le présente la boîte du jeu. C’est d’ailleurs tout ce qu’il y a à se mettre sous la dent ici : le mode arcade a disparu, tout comme le multijoueur. On repart donc pour de nouveaux environnements ressemblant furieusement aux anciens, avec quelques nouveaux véhicules ne présentant pas grand chose de neuf comparés aux autres, dans des missions qui reprennent fidèlement le déroulement des anciennes. Au rang des quelques (timides) nouveautés, signalons quand même la présence d’appareils alliés vous donnant un coup de main au cours des scénarios, ce qui vous permettra souvent de ne pas perdre de précieuses minutes à poursuivre ce maudit ennemi qui vous avait échappé alors qu’une autre vague approche. Autant dire que cette extension se réserve à des joueurs n’ayant pas eu leur compte avec la campagne originale, mais cela n’empêche pas l’action d’être toujours parfaitement aussi efficace.
NOTE FINALE : 15/20
Pas grand chose de vraiment neuf dans Subversion, une extension entièrement centrée sur une campagne supplémentaire, là où on n’aurait vraiment pas dit non à du contenu arcade ou multijoueur additionnel. Néanmoins, c’est largement suffisant pour rempiler dans la bonne humeur pour quelques heures d’action débridée. On s’en contentera.
Version Dreamcast
Développeur : Rage Software plc
Éditeurs : Imagineer Co., Ltd. (Japon) – Rage Software plc (Europe) – Interplay Entertainment Corp (Amérique du Nord)
Date de sortie : 17 décembre 1998 (Japon) – 14 octobre 1999 (Europe) – 30 novembre 1999 (Amérique du Nord)
S’il y avait un titre taillé sur mesure pour juger de la puissance de la nouvelle console 128 bits de SEGA face à un PC haut-de-gamme, c’était bien Incoming. Cela tombe bien : le jeu aura débarqué sur Dreamcast dès 1998 au Japon, moins d’un mois après la sortie de la console (laquelle aura dû attendre fin 1999 pour arriver en Europe). L’occasion de constater que la machine rivalisait pour l’occasion très bien avec des configurations nettement plus onéreuses ! Évidemment, plus question ici de jouer dans une résolution au-delà de 640×480, et le multijoueur en ligne a disparu (alors que la machine, ironiquement, faisait partie des premières à offrir cette fonction). Oh, et la campagne « tactique » a également été sacrifiée, mais vu ce qu’elle apportait, on s’en remettra. Mais pour le reste, si on a peut-être perdu quelques effets graphiques comparé à la version PC, c’est pour ainsi dire indécelable, le framerate est constant à 30 FPS, on peut toujours jouer à deux en écran splitté et la maniabilité au pad est parfaite. En fait, avec vingt-six ans de recul, cette version est même plutôt plus accessible que sur PC car pour peu que vous ayez la console (ou un émulateur) sous la main, le jeu est infiniment plus facile à faire tourner dans des conditions optimales que sur un PC avec Windows 10, dgvoodoo et une bonne demi-heure d’essais/erreurs pour faire tourner le programme dans des conditions décentes ! Évidemment, l’action débridée est d’autant moins originale sur console, mais pour ceux qui cherchent un bon défouloir qui ne mette pas trop les cellules grises à contribution, ça fait parfaitement le café.
Si vous trouvez ça moins beau que sur PC, c’est que vous avez de meilleurs yeux que moi
NOTE FINALE : 15,5/20
En-dehors du multijoueur en ligne et de la campagne tactique, cette version Dreamcast d’Incoming ne sacrifie strictement rien et se permet de tenir tranquillement la dragée haute à une version PC exigeant des configurations autrement plus couteuses. C’est beau, c’est fluide, et c’est toujours parfaitement aussi efficace. Aucune raison de bouder cette version, donc.