Développeur : Sphere, Inc. Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc Titre alternatif :FacesTris (appellation commune) Testé sur :PC (DOS) – Macintosh – Amiga Présent dans la compilation :Triple Tris Challenge (1993 – PC(DOS))
Tetris with Carcaptor Sakura : Eternal Heart (2000)
Tetris the Absolute : The Grand Master 2 (2000)
Version PC (DOS)
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément, via modem et câble null-modem) – 1 à 10 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA Carte son supportée : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
À une époque où le puzzle game n’était pas encore un genre à part entière – mais travaillait précisément à le devenir –, le succès international de Tetris aura eu de quoi faire cogiter bien des développeurs (et des commerciaux) désireux de reproduire le tabac du titre d’Alexei Pajitnov. On aura déjà vu en ces pages comment Spectrum Holobyte aura récupéré les droits du jeu pour le territoire américain alors même que ceux-ci n’avaient pas encore été négociés avec les russes, puis comment un certain Welltris était parvenu à accomplir une première fois ce que tout le monde cherchait à réaliser : une suite qui renouvèle le concept tout en lui restant familier.
Le score composera une fois de plus l’unique objectif du jeu
Désireux de continuer à profiter de leur planche à billets magique, les responsables de Spectrum Holobyte auront donc confié une nouvelle fois aux équipes de Sphere la responsabilité d’accoucher d’un clone de Tetris qui soit davantage qu’un clone de Tetris tout en en restant suffisamment proche pour pouvoir continuer à être appelé Tetris – ou, a minima, un truc en « tris » comme l’avait été le deuxième épisode. Vaste programme, car quoi qu’on en dise, les possibilités ne paraissaient pas illimités – et des concurrents à la Columns ou à la Block Out avaient déjà commencé à voir le jour, entretenant la pression pour sortir ZE idée simple-mais-géniale. Le truc, c’est que du côté de chez Sphere – surtout connu jusqu’alors pour ses simulations comme Falcon, Vette! ou Stunt Driver –, on n’avait pas nécessairement un Alexei Pajitnov de substitution pour pondre en vitesse une idée géniale aux répercussions planétaires. Alors, faute de réinventer la poudre, on aura tenté un coup de poker : un jeu en « tris » qui se revendique de Tetris… mais qui ressemble, dès le départ, à une mauvaise idée – sans doute parce que c’en est une.
Quand les bonnes idées sont épuisées, pourquoi ne pas faire un jeu avec les mauvaises ?
À la grande question « Mais qu’est-ce qu’on pourrait bien assembler comme machins cette fois ? », après les tétriminos ou les couleurs, quelqu’un aura donc eu l’illumination de proposer des visages. Faces …tris III, comme son nom l’indique, n’est donc pas un jeu qui vous demande d’assembler des lignes, mais bien des mentons, bouches, nez, yeux et autres front pour arriver à reconstituer des têtes entières.
On ne peut pas dire que les décors, systématiquement en noir et blanc, en envoient plein les yeux
Si le principe est toujours d’assembler des « blocs » (correspondant aux diverses parties susmentionnées) qui tombent du haut de l’écran et d’empêcher que ceux-ci ne viennent s’empiler jusqu’à atteindre son sommet, il ne sera pas question ici de les faire pivoter ; le gameplay aura donc imaginé une alternative en imposant de manier deux blocs à la fois, en parallèle, la touche d’action servant cette fois non à les faire tourner mais simplement à échanger leur position. On devra donc s’efforcer non seulement de façonner des visages selon des règles précises (un visage constitué sans mélanger les éléments de divers portraits rapporte davantage de points et fait disparaître tous les blocs inutiles de sa colonne), mais de les faire deux par deux, quitte parfois à manœuvrer finement pour éviter de bloquer une construction en en réalisant une autre. Voilà pour le concept. Sur le papier, on sent déjà quelques points problématiques, mais l’idée se défend. La (deuxième) grande question étant à présent « et dans les faits ? ». Eh bien c’est là que les problèmes dont on subodorait l’existence se confirment, et en vitesse.
Attendez-vous à devoir rapidement composer avec une très encombrante colonne centrale
Commençons par adresser le problème le plus évident : la grande force de Tetris, c’était à la fois la simplicité et la versatilité de son approche. Avec simplement sept formes différentes, les combinaisons pour former des lignes étaient nombreuses, rapides à imaginer et immédiatement compréhensibles. Avec des visages… eh bien il est hors de question de les assembler autrement que de la façon prévue, depuis le menton jusqu’au front, et ce n’est pas négociable.
Il faut rarement plus d’une ou deux erreurs pour se retrouver dans une situation inextricable
Autant dire que cela limite drastiquement les stratégies, surtout quand le fait de devoir composer avec deux blocs à la fois impose de facto un tableau divisé en deux moitiés où il est très difficile de sacrifier une colonne pour se « défausser » des pièces surnuméraires. Ici plus que dans n’importe quel autre puzzle game, si les pièces n’arrivent pas dans le bon ordre, vous ne pouvez tout simplement rien faire d’autre que les empiler dans un coin – ou dans deux – en attendant que la partie désirée arrive. S’il vous faut une bouche, vous devez attendre une bouche et si elle n’arrive pas, pas question de créer un façonnage en catastrophe comme on pouvait se résoudre à le faire quand la fameuse ligne de quatre ne se présentait pas dans Tetris : vous êtes foutu, et tant pis pour vos capacités d’adaptation qui, très honnêtement, ne seront jamais réellement consultées.
Le septième niveau est le seul à proposer des portraits un peu dépaysants
Dès lors, tout ce qui faisait la force de Tetris – et du genre dans son ensemble –, à savoir la capacité à improviser le plus vite possible avec ce qu’on nous offre, n’a pas vraiment cours ici où on est d’autant plus tributaire de ce qu’on nous offre que le tableau ne permet de bâtir que cinq colonnes simultanément.
Un jeu auquel il aura sans doute manqué plusieurs mois de réflexion
Bref, une fois qu’une partie commence à être très mal embarquée, il est souvent à peu près impossible de corriger le tir, et le simple fait de parvenir à terminer un niveau en assemblant dix visages différents risque déjà de constituer une performance difficile à accomplir. Ce n’est pas tant qu’on passe un mauvais moment sur Faces …tris III, c’est surtout que passé la curiosité face au concept loufoque et à ses mécanismes un peu déstabilisant, il ne reste plus grand chose pour s’amuser faute de réelle profondeur – ce qui revient à dire que le jeu a essoré la quasi totalité de son potentiel ludique au bout d’un quart d’heure, peut-être le double si vous êtes vraiment curieux. Mais le côté addictif du père fondateur du genre ne se manifeste jamais vraiment ici, où l’on fait strictement la même chose d’un bout à l’autre sans aucune possibilité d’aborder les situations différemment.
On fait très, très vite le tour du jeu faute de matière
Pour ne rien arranger, ce ne sont pas les modes de jeu qui vont venir allonger la sauce, puisqu’il faudra se contenter des dix niveaux du jeu et d’un mode « avancé » consistant en exactement la même chose, mais en plus rapide. La réalisation n’a rien d’inoubliable, entre des décors fades et des portraits de personnalités historiques n’ayant rien d’emballant – le seul niveau du jeu mettant en scène des monstres dans une ambiance de film d’horreur constituant l’unique bouffée d’originalité dans un univers trop monochrome et qui sent rapidement la poussière.
Qu’est-ce qu’on (baille) s’amuse !
Même si on notera la possibilité de pouvoir importer ses propres portraits ou encore un mode deux joueurs via modem ou câble null-modem, c’est tout simplement le cœur du jeu qui montre trop vite ses limites, et on comprend assez rapidement les raisons pour lesquelles le titre semble n’avoir jamais quitté le continent américain et qu’on n’en ait pour ainsi dire jamais entendu parler de par chez nous. Reste une curiosité qui a de quoi, comme à sa sortie, soulever un intérêt poli le temps de quelques parties avant de retourner prendre sa place éternelle dans l’oubli qu’elle mérite. Parfois, il vaut mieux reconnaître qu’on n’a plus d’idées et passer à autre chose – Faces …tris III ne restera dans les livres d’histoire les plus exhaustifs que comme la première (et dernière ?) grosse impasse de la licence.
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 09,5/20
L'obsession mercantile visant à essorer le succès du mythique Tetris jusqu'à l'ultime molécule de la dernière goutte aura parfois accouché de propositions originales, certes, mais ludiquement aussi mal pensées que farfelues. Faces ...tris III est un de ces logiciels dont il ne faut guère plus de quelques minutes pour constater qu'il s'agit d'une mauvaise idée : les possibilités ludiques très limitées résultant d'un concept qui paraissait boiteux dès le départ permettent au titre de bénéficier d'une certaine curiosité le temps de quelques parties avant de constater qu'il ne se renouvèle jamais et qu'il manque cruellement de finitions. Vous n'en aviez jamais entendu parler ? Essayez et vous comprendrez pourquoi.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un concept simplement mal pensé au gameplay qui montre trop vite trop de limites – Très peu de modes de jeu... – ...et un multijoueur qui ne montre pas plus d'intérêt que le solo
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Faces …tris III sur un écran cathodique :
Version Macintosh
Développeur : Sphere, Inc.
Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc.
Date de sortie : 1990
Nombre de joueurs : 1 à 10 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh IIci
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68000 – OS : System 6.0 Configuration graphique : Mode noir & blanc et couleur (256 couleurs)
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme on l’a vu, on peut hasarder que Faces …tris III ait été un jeu pensé en premier lieu pour le marché américain, sans doute en guise de galop d’essai avant de s’aventurer sur le marché international – et probablement d’y renoncer, à en juger par le peu de portages existants. Le Macintosh aura en tous cas fait partie des trois heureuses (?) machines à avoir hébergé le jeu, et comme on pouvait s’y attendre, le résultat est très proche de la version PC. Certes, la résolution est plus élevée, mais comme le prouve l’écran-titre redimensionné à la truelle (observez la forme des pixels du dégradé), on ne s’est pas embarrassé à tout redessiner pour l’occasion, mais le résultat est déjà plus convaincant une fois en jeu. Le menu principal se résume désormais au choix du niveau, du mode et du nombre de joueurs, toutes les autres options ayant basculé dans le menu déroulant en haut de l’interface. Le contenu et les possibilités sont identiques à ceux de la version originale, à une petite nuance près : la disparition du jeu à deux par modem et câble null-modem. Ça ne change objectivement pas grand chose à un titre toujours aussi limité, mais qui devrait se laisser découvrir une demi-heure.
Exactement ce à quoi on pouvait s’attendre : du VGA redimensionné à la truelle (mais bon, ça passe)
NOTE FINALE : 09,5/20
Faces …tris III débarque sur Macintosh sans trop se fouler : si la réalisation est un peu plus fine, il faudra en revanche tirer un trait sur un mode deux joueurs de toute façon très anecdotique. Les joueurs curieux de découvrir cette suite de Tetris dont ils n’ont jamais entendu parler seront au moins heureux de pouvoir le faire également sur la machine d’Apple.
Version Amiga
Développeur : Sphere, Inc.
Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc.
Date de sortie : Janvier 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément, via modem et câble null-modem) – 1 à 10 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko* Modes graphiques supportés : OCS/ECS *1Mo requis pour la musique en jeu
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Faces …tris III aura également tenté un timide passage sur Amiga – qui n’aura, comme on le sait, jamais rencontré aux États-Unis le succès connu par son illustre prédécesseur, le Commodore 64. On hérite pour l’occasion de l’interface de la version Macintosh avec le contenu de la version PC – oui, le mode deux joueurs par modem ou câble null-modem est de retour. À cette nuance près, et en incluant la possibilité de jouer au joystick, on hérite d’une version graphiquement légèrement moins colorée que sur les deux autres ordinateurs – mais sincèrement, on ne peut pas dire que la différence soit bouleversante. La réalisation sonore étant, pour sa part, toujours aussi discrète (et nécessitant 1Mo de RAM !), on hérite d’un portage équivalent à la version originale, dans ses (rares) forces comme dans ses (nombreuses) limites.
On ne peut pas dire qu’on sente un gouffre avec ce qu’offrait le VGA ou un Macintosh couleur
NOTE FINALE : 09,5/20
Comme sur les autres systèmes, Faces …tris III sur Amiga offre un contenu maigrelet et une réalisation plus fonctionnelle qu’ébouriffante au service d’un concept qui s’essouffle affreusement vite. Au moins récupèrera-t-on ici la possibilité de jouer à deux, mais je doute que vos amis se bousculent pour expérimenter ce mode.
Développeur : Silicon Software Éditeur : Rainbird Software Testé sur :Atari ST – Amiga – PC (DOS) Disponible sur : Windows Présent dans la compilation :Legend of the Sword Series (2019 – Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520ST – RAM : 512ko Protection de copie par consultation du manuel
Raconter une histoire, en jeu vidéo, c’est déjà toute une aventure. D’ailleurs, c’est même carrément devenu un métier – et on ne parle pas juste de rédiger un scénario mais bien de se pencher sur la narration dans son ensemble, qu’il s’agisse des éléments les plus flagrants (les cinématiques, les dialogues) mais aussi et surtout les plus subtils (les éléments de décor, les commentaires des PNJ, la manière de guider un joueur par le level design, le rythme, l’ambiance). À ce titre, comme le cinéma ou la bande dessinée avant lui – ou virtuellement n’importe quelle forme d’art –, le jeu vidéo aura dû apprendre à comprendre ses propres codes et à les perfectionner.
Prenez le temps de vous familiariser avec l’île et d’expérimenter les différentes routes
L’aventure graphique en tant que genre aura par exemple été un long voyage pour découvrir qu’elle pouvait – et devait – être bien plus qu’une simple aventure textuelle avec des images plaquées dessus, et que c’était toute l’interaction et la narration en elles-mêmes qui nécessitaient d’être repensées pour arriver à donner au joueur l’impression qu’il était réellement le héros de sa propre histoire. Et mine de rien, la tâche était loin d’être évidente. Si on se souvient de The Hobbit, par exemple, on a surtout en mémoire un titre qui ne racontait pas grand chose et ne permettait pas davantage et se révélait fondamentalement inaccessible à quelqu’un n’ayant pas lu le roman de Tolkien, faute de description, de dialogues, et tout simplement de matière. À l’autre bout du spectre, et au moment même où des Explora s’affairaient à se débarrasser totalement du texte – avec plus ou moins de succès –, il m’apparait important de citer un titre pas forcément très connu comme Legend of the Sword : un jeu qui aura visé juste en termes d’intégration du joueur au récit et en termes d’interaction. Et ça, quand on cherche à faire vivre une aventure, c’est juste fondamental.
Quand on tombe sur un monstre, premier réflexe : sauvegarder et vérifier s’il peut être occis à l’huile de coude
L’histoire en elle-même est très classique – ce qui, en soi, n’est pas un mauvais point, assommer le joueur avec des dizaines de pages d’intrigue ultra-complexe n’étant pas toujours le meilleur moyen de l’aider à entrer dans un univers qu’il ne connait pas. Dans un monde médiéval-fantastique que l’on qualifiera de « lambda », débarque donc le maléfique sorcier Suzar, qui se révèle capable de faire sortir une armée de nulle part et de retourner les combattants les uns contre les autres grâce à ses pouvoirs télépathiques.
Il est possible de faire basculer la carte en plein écran histoire de mieux situer le chemin parcouru – et tout ce qu’il vous reste à visiter
Pour ne rien arranger, il se révèle également invulnérable, protégé par un sortilège que ni lames ni flèches ne semblent pouvoir franchir. Au terme de la première bataille sur une île isolée, un seul survivant parvient à prendre la fuite : vous. Récupéré par un navire marchand après trois jours à dériver en mer sur un radeau de fortune, vous êtes conduit devant le roi qui vous charge de retourner, avec un groupe de volontaires, sur l’île où est apparu Suzar en quête de deux objets de légende apte à vaincre le sorcier : une épée et un bouclier magiques. Une mission qui, on s’en doute, laissera assez peu de marge d’erreur et demandera de faire preuve d’inventivité, de logique… et de composer avec vos compagnons qui, loin d’être forcément acquis à votre cause, sont souvent des roublards ou des mercenaires qui ne se bousculeront pas forcément pour obéir à vos ordres. Bref : il va falloir improviser et se montrer digne du statut de héros qu’on vous envoie revendiquer.
On passe énormément de temps dans des châteaux et des souterrains, mais la carte permet de garder la navigation limpide en toute circonstance
Une intrigue simple mais efficace, voilà un très bon point de départ pour vivre une aventure sans se demander qui on est et ce qu’on est censé faire – remercions donc Legend of the Sword de prendre le temps de nous dérouler les enjeux en deux pages au lancement du jeu là où un titre comme Explora par exemple se contentait de congédier les (rares) informations pertinentes dans le manuel du jeu. Premier bon point, qui devrait être évident mais ne l’était visiblement pas à l’époque : dès le départ, vous savez qui vous êtes, vous savez où vous êtes et vous savez ce que vous êtes censé faire – trois points qu’Explora, pour s’en tenir au même exemple, ne prenait tout simplement pas le temps d’éclaircir. La première bonne nouvelle est d’ailleurs que le jeu a pris le temps de se pencher sur un aspect fondamental : son ergonomie.
Les événements sont très bien décrits, et l’humour fait souvent mouche
Comme dans la plupart des aventures graphiques, tout peut être accompli au clavier et à la ligne de commande, dans le titre de Silicon Software – c’est la base. Mais non seulement l’interpréteur syntaxique est ici puissant et très complet (on peut faire des phrases complexes en employant des virgules et des références aux instructions précédentes), mais aussi et surtout, de très nombreuses fonctions sont accessibles… via la souris, grâce à une interface très bien pensée où l’on dispose d’une rosace indiquant clairement les directions accessibles (ce que n’avait pas Explora… bon, je crois que vous commencez à comprendre l’idée), d’une carte très lisible et affichable en plein écran, d’une sélection de verbes d’action et de personnages et d’objets avec lesquels interagir… et même d’une option pour vous lister une partie des verbes reconnus, voire d’une fonction d’aide intégrée pour vous donner des indices (plutôt des conseils, mais quand même) ! Et histoire de peaufiner encore les choses, il est même possible de modifier la couleur du fond d’écran et celle du texte pour jouer dans les conditions qui vous paraitront les plus confortables – avoir déjà pensé à tout cela en 1988, c’est loin d’être anecdotique, et cela permet au jeu de se révéler nettement plus accessibles que beaucoup de ses contemporains.
Inutile de paniquer si vous mettez le pied dans un piège ; pensez plutôt à le récupérer
Avoir une très bonne interface qui mette tout de suite le joueur à l’aise, c’est une chose, mais ça ne servirait pas à grand chose si l’aventure en elle-même était mal racontée et ne fonctionnait pas. À ce niveau, Legend of the Sword parvient heureusement à accomplir la synthèse que The Hobbit avait raté dans les grandes largeurs (surtout pour cause de contraintes techniques, mais ce n’est pas le sujet ici) en parvenant à offrir des descriptions détaillées et vivantes sans pour autant tomber dans la verbosité qui alourdirait quelques années plus tard la lecture d’un titre comme Wonderland, un peu bavard à force de chercher à singer Lewis Carrol.
Votre groupe aura du sang sur les mains bien avant la fin du récit, et vos compagnons ne sont pas des anges
Ici, tout y est : clarté, concision, ambiance, petits détails pour rendre les scènes vivantes… et puis toujours la béquille bienvenue de cette carte de jeu de rôle qui vous montre la région environnante et tous les chemins disponibles sans jamais vous donner la sensation d’être perdu. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais on sait toujours où on est et quelles sont les directions qui s’offrent à nous, et un simple passage par la commande « look » donne à chaque fois un inventaire assez précis des éléments avec lesquels il est possible d’interagir. Cela donne au jeu un côté Livre dont vous êtes le héros où on ne se sent jamais perdu en dépit des possibilités colossales, puisque non seulement il est possible de faire énormément de choses, mais le jeu a surtout le bon goût d’en reconnaître une large partie plutôt que de vous enfermer dans ce que vous êtes tenu de faire, et ça fait toute la différence – essayez de botter le train du capitaine du navire sur lequel vous commencez l’aventure, et vous comprendrez de quoi je parle.
La tour abandonnée à l’ouest de l’île contient le premier indice du jeu
Cela signifie aussi qu’il faut être capable de penser comme le demande un jeu qui vous laisse faire énormément de choses. Par exemple, si le titre comprend un nombre colossal de portes et de clefs pour les ouvrir, il faudra aussi être prêt à penser « hors de la boîte » et à songer à escalader une grille fermée pour aller l’ouvrir de l’autre côté, ou même à enfoncer une porte d’un bon coup d’épaule.
L’interface du jeu est un modèle du genre
Dans le même ordre d’idées, si jamais le programme refuse que vous donniez un os à un chien parce que l’os est trop gros, mieux vaut avoir la présence d’esprit de simplement casser l’os en deux plutôt que de chercher une solution alambiquée qui vous aurait échappé. Même si le jeu est très loin d’être simple, beaucoup de situations peuvent être résolues de façon assez évidente dès l’instant où l’on pense bien à regarder partout (vous serez surpris du nombre de choses qu’on peut trouver en escaladant les arbres !) et à agir de façon logique. Il faudra, comme souvent, composer avec certaines lourdeurs comme la gestion de l’inventaire, mais on appréciera au moins qu’on puisse ici retrouver les objets laissés au sol exactement à l’endroit où on les a déposés (pas comme dans Explo… oui, bon, j’arrête), voire tout simplement les faire porter par nos compagnons de route.
N’hésitez pas à prendre le temps de manger un morceau de temps en temps – l’aventure, ça creuse !
Ces fameux compagnons, d’ailleurs, ont le bon goût de ne pas être de simples plots chargés de faire acte de présence. Comme on l’a vu, ils ont tous un nom et une personnalité, et s’ils peuvent se montrer précieux dans les coups durs, ils n’hésitent pas non plus à empocher des objets qui trainent, à lâcher des commentaires bien sentis (et bien écrits !), voire à s’opposer à vous le cas échéant et il faudra même être prêt à leur allonger une bonne droite pour leur rappeler qui commande si jamais l’un d’eux refuse de vous céder un objet dont vous estimez avoir davantage besoin de lui !
Il y a énormément d’endroits à fouiller, sur l’île du jeu. Avec des passages secrets dans tous les sens, tant qu’à faire !
C’est une des grandes réussites du jeu – on est loin du Gandalf de The Hobbit qui ne vous adressait pas un mot de toute la partie, ou du Thorin qui n’existait que pour vous répéter de vous dépêcher cinq fois par minutes. Ici, on apprend à connaître les divers tempéraments sur le tas, et on acquiert le réflexe de distribuer les armes trouvées en cours de route aux autres membres du groupe afin qu’ils puissent se révéler utile en cas de bataille. Bref, pour le coup, on a vraiment l’impression de cheminer avec notre petite coterie de fortes têtes, et ça fait mine de rien une grosse différence.
Les ennemis les plus puissants du jeu demanderont d’avoir les bons objets pour les vaincre, sans quoi…
Tout est-il parfait pour autant ? Non, sans quoi le jeu aurait une note supérieure : comme toujours avec les aventures graphiques, les possibilités d’action étant virtuellement illimitées et le terrain de jeu étant assez massif, il est très facile de passer à côté d’un indice ou d’un objet indispensable ou de se faire tuer à la suite d’un piège qu’on n’avait pas vu venir, et vaincre le jeu sans recourir à une solution nécessitera une persévérance à toute épreuve, et probablement plusieurs longues semaines de lutte.
Vous aurez plusieurs fois l’occasion d’être fait prisonnier, au cours du jeu. Improvisez !
On regrettera également une réalisation assez minimaliste, avec des vignettes décrivant l’action ne faisant que quelques dizaines de pixel de large, et l’absence de la moindre forme d’accompagnement sonore – on est, pour le coup, à l’opposé de la philosophie du Explora auquel j’ai si souvent fait référence au cours de ce test et qui axais, lui, toute sa narration sur les graphismes. Le bon côté, c’est qu’on se sent ici plus acteur que touriste, et qu’on ne se sent jamais abandonné loin de toute forme d’élément pertinent : on vit véritablement l’aventure via la narration plutôt que de chercher désespérément des bribes d’histoire en errant sans but dans des décors superbes. Cela demande certes d’être à l’aise avec l’anglais et d’avoir envie de passer beaucoup de temps à lire, mais ça marche, et ça marche même si bien qu’on en viendrait à se dire que le genre de l’aventure graphique aurait peut-être mérité de persévérer dans cette voie et de survivre en parallèle du point-and-click tant la forme a ses arguments qui auraient mérités d’être entendus. Il y a dans Legend of the Sword ce charme de l’imagination qui aide à donner à l’aventure une dimension qui aurait d’ordinaire nécessité des dizaines de disquettes de contenu pour être mise en scène visuellement, et qui lui permet d’avoir nettement mieux vieilli que des dizaines de ses contemporains qui avaient oublié (ou jamais considéré) les fondamentaux. Une très bonne surprise, qui mérite d’être redécouverte.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 14/20
Legend of the Sword n'est peut être pas l'aventure graphique la plus originale qui soit, ni même la mieux réalisée, mais c'est sans doute une des plus ergonomiques, une des plus vivantes et une des mieux racontées ; une de celles qui se rapprochent le plus des fameux livres dont vous êtes le héros. Le terrain de jeu est vaste, l'épopée est longue et la progression loin d'être évidente tant les possibilités sont nombreuses et les solutions pas toujours limpides, mais pour peu qu'on se pique au jeu, on peut réellement prendre plaisir à tester tout ce qui nous vient à l'esprit – y compris les idées les plus loufoques – pour avancer pas à pas avec ses compagnons d'armes. On pense souvent à une partie de jeu de rôle papier avec un maître de donjon qui saurait rendre une partie vivante, et même s'il faudra une patience et une dévotion à toute épreuve pour espérer terminer le jeu sans avoir recours à une solution, l'escapade vaut clairement la peine d'être tentée, y compris pour ceux qui ne seraient pas des nostalgiques du genre. À découvrir pour revisiter ce côté « l'imagination est la seule limite » que les point-and-click ne pouvaient pas offrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des possibilités très étendues qui demandent souvent de tenter beaucoup de choses pour progresser... – ...ce qui fait regretter que le programme ne se montre pas un peu plus souple quant aux solutions à apporter – De nombreuses lourdeurs dans la gestion de l'équipement du groupe... – ...surtout quand on n'a accès à aucune information claire sur l'état de forme de chacun – Une réalisation assez minimaliste
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Legend of the Sword sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Legend of the Sword est un jeu aux graphismes moyens qui a le mérite d’être très captivant malgré tout. La présence de vos compagnons et vos rapports avec eux donnent un ton particulier au jeu. Le scénario comporte des arborescences qui laissent une certaine initiative au joueur. […] Bref, voilà un soft qui, malgré quelques imperfections, procure des moments passionnants. »
Dany Boolauck, Tilt n°57, septembre 1988, 16/20
Version Amiga
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Août 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : OCS/ECS Protection de copie par consultation du manuel
Pourquoi aller modifier quelque chose, après tout ?
L’Atari ST et l’Amiga étaient deux machines proprement indissociables dans la deuxième moitié des années 80, comme on aura déjà souvent eu l’occasion de le vérifier. Voir Legend of the Sword débarquer sur la machine de Commodore quelques semaines à peine après sa sortie sur celle d’Atari n’était donc pas exactement une surprise, pas davantage que le fait de constater que les deux versions sont virtuellement identiques au pixel près. Des couleurs supplémentaires ? Inutile d’en chercher : la palette est restée rigoureusement la même que sur Atari ST (allez, si, il y en a dans la barre de commande en haut de l’écran et dans les possibilités de configuration des couleurs de l’interface). Quant à l’aspect sonore, vu qu’il n’y a toujours ni bruitages ni musique… Reste l’aventure en en elle-même, qui est fort heureusement toujours aussi efficace dès l’instant où on mord au simple concept d’aventure graphique. Bref, rien de neuf, mais l’essentiel était de toute façon déjà là.
NOTE FINALE : 14/20
Constat aussi évident que limpide pour Legend of the Sword sur Amiga : c’est exactement le même jeu que sur ST, pratiquement au pixel près. Pour le reste, l’aventure a toujours autant de charme, dommage qu’on n’ait pas gagné quelques bruitages ou quelques musiques d’ambiance lors du transfert.
Version PC (DOS)
Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Mars 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : CGA, EGA Protection de copie par consultation du manuel
Les teintes sont très légèrement différentes, mais je pense qu’on va s’en remettre
Les jeux d’aventure, on le sait, ont toujours été particulièrement à leur aise sur PC – une machine justement très adaptée aux grand écrans fixes sans aucun défilement. En 1989, Legend of the Sword ne pouvait certes compter que sur les seize couleurs de l’EGA – mais le jeu de base étant de toute façon déjà en seize couleurs, on devra juste composer avec des teints un chouïa plus criarde et avec des options de configuration de la page un tantinet moins étendues. Très honnêtement, la différence est à peine décelable, tant la version originale ne reposait déjà pas sur l’éclat de sa réalisation graphique, et on pourra se montrer heureux que cette version reconnaisse la souris – ce qui n’était pas encore une évidence à l’époque – et que les faiblesses sonores du hardware n’aient pour une fois aucun impact sur un jeu où il n’y a de toute façon jamais rien eu à entendre. Cette version étant à l’heure actuelle la seule disponible à la vente, on sera heureux de constater qu’elle n’a de toute façon pratiquement aucune raison de rougir de la comparaison avec les itérations ST et Amiga.
NOTE FINALE : 14/20
Aucun accident de parcours pour la version PC de Legend of the Sword, qui ne se différencie des itérations Atari ST et Amiga que par des teintes plus criardes. Cette version reste un excellent moyen de découvrir le jeu, d’autant plus qu’elle est toujours disponible à la vente.
Quand on y pense, la peur constitue un mécanisme vidéoludique assez étrange. Partant du principe qu’on joue pour se distraire, pour parvenir à oublier un instant l’indicible angoisse qu’est l’existence humaine (je schématise), pourquoi irait-on en plus jouer à se faire peur ?
Le score est d’autant plus un objectif que c’est lui qui vous permettra de prolonger votre partie
Mais de façon plus rationnelle, de la même manière que l’humour est la plus grande arme pour transgresser les sujets tabous et se rire de nos angoisses, le jeu vidéo peut également constituer un élément cathartique de premier ordre pour transcender une peur et s’en amuser – littéralement. Prenez la lancinante terreur de l’holocauste nucléaire, par exemple. C’est une peur qui s’est un peu dissipée depuis quarante ans, et plus spécifiquement depuis la chute du bloc de l’Est (mais bon, comme à peu près tout ce qui a été à la monde il y a moins d’un demi-siècle, elle tend à revenir…). Néanmoins, c’était un sujet d’inquiétude récurrent, majeur, permanent, à la fin des années 70, à une période qui vivait avec la cicatrice encore un peu trop vive de la crise des missiles de Cuba ; une épée de Damoclès qui semblait planer au-dessus de la planète entière… dès lors, quel meilleur sujet pour une borne d’arcade ? Avec Missile Command, on se rit de l’hiver nucléaire : de toute façon, il arrivera. À nous de le repousser au maximum !
J’espère qu’aucun général ne découvrira jamais à quel point c’est amusant de stopper des missiles nucléaires
Le principe est simple – et, comme souvent avec les titres fondateurs, c’est là qu’est tout son génie. Prenez une région innocente (ou pas, à vous de le décider en fonction de ce qui conviendra à votre conscience : de toute façon, elle n’est pas nommée, donc vous avez toute latitude) constituée de six villes maladroitement groupées les unes à côté des autres.
Ce jeu est comme la vie : on sait pertinemment comment ça va se finir, on s’efforce juste de le retarder au maximum
Au-dessus d’elles, un ciel d’où va pleuvoir l’enfer : des projectiles explosifs capables de raser une ville, des bombardiers et des satellites capables de lâcher davantage de missiles à plus basse altitude, et même des bombes guidées dotées de la faculté de changer de trajectoire pendant leur chute. Au sol : les villes, donc, mais aussi et surtout trois bases lances-missiles : une à gauche, une à droite et une dernière au centre. Chacune dispose de sa propre réserve de munitions et de son propre bouton de tir, et votre mission va donc naturellement d’utiliser vos propres missiles pour arrêter ceux de l’adversaire et empêcher qu’il ne rase vos cités… ou vos bases, puisque cela vous priverait d’une large part – voire de la totalité – de votre puissance de feu. Chaque ville préservée, chaque missile conservé viendra grossir votre score à la fin d’une vague, et à chaque incrément d’une valeur donnée (par défaut, 10.000 points), le jeu rebâtira une de vos villes malencontreusement rasée. Perdez toutes vos villes, et vous perdez la partie. Simple, efficace.
D’un niveau à l’autre, le programme change la couleur des décors et des tirs adverses
En l’état, on pourrait penser que le concept se limitant à déplacer un viseur avec le trackball de la borne montrerait très vite ses limites, mais le fait est que le jeu est aussi simple à appréhender qu’il est difficile à maîtriser – essayez donc de survivre plus de cinq minutes si vous voulez comprendre de quoi je parle.
Quand les choses se gâtent, il faut faire des choix – et les faire vite
Car en dépit de l’absence totale de fioritures (pas de bonus, pas de « soucoupe volante » à la Space Invaders pour chercher à gratter du score additionnel, pas de power-up), c’est précisément le mélange entre la précision, l’anticipation (vos missiles mettent un certain temps à arriver jusqu’à leur cible, d’où un besoin constant de prévoir en un instant où devra se produire l’interception) et la stratégie (savoir répartir intelligemment l’emploi des différentes base en fonction de leurs munitions et de la proximité de la menace, savoir « sacrifier » certaines villes pour défendre un réduit lorsque les missiles – ou les bases – viennent à manquer) qui fonctionne à merveille. La menace n’a même pas réellement besoin de se renouveler : le simple fait de composer avec le nombre et la vitesse sans cesse croissants des projectiles adverses est largement suffisant pour vous scotcher à la borne d’un bout à l’autre, et même pour vous pousser à remettre une pièce histoire de montrer qui commande ici. Voilà. le fun, c’est ça.
Au début, ça a l’air simple. Mais alors deux minutes plus tard…
Le plus impressionnant reste de constater à quel point le côté bêtement addictif de la borne fonctionne encore, même avec plus de quarante ans de recul. Certes, la réalisation est minimaliste, et il ne reste pour ainsi dire rien à voir ni à entendre aux yeux d’un joueur de l’actuelle génération, mais ce qui suscite à merveille cette petite tension et cette envie de retourner faire mieux, c’est cette conviction trompeuse selon laquelle ce devrait être simple : déplacer un viseur pour tirer, quel concept plus évident ? Comment pourrait-on se faire déborder en moins de trois minutes alors que tout est si clair, si lisible, si prévisible presque, si organisé ?
Parfois, il faut savoir attendre que plusieurs tirs adverses convergent en un même point pour pouvoir les détruire avec un seul missile plutôt que d’en employer trois ou quatre
Et pourtant, toujours, on finit par avoir un missile qui passe pour avoir tenté un timing un peu trop serré, un bombardier dont on s’occupe un dixième de seconde trop tard, une base qui saute pour avoir négligé ce satellite isolé un instant de trop… Oui, factuellement, on peut dire qu’on a vu tout ce que le jeu a à offrir au bout d’une minute, mais le mieux est que ça n’a tout simplement aucune incidence sur le plaisir que l’on peut éprouver à jauger une centième fois sa capacité à gérer quinze choses à la fois à la façon d’un chef d’orchestre. Missile Command, c’est cela : un menu dont on connait le moindre ingrédient de chaque plat et auquel on a déjà goûté un million de fois, mais hé, ce n’est pas pour cela que c’est moins bon. Si vous cherchez à comprendre quelle était cette inexplicable magie qui poussait des gens très sérieux à aller dépenser beaucoup d’argent durement gagné dans des salles d’arcade, vous en avez un très bon exemple ici. Comme le disait si bien Saint-Exupéry : « La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer. »
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 13,5/20
Comme tous les concepts simples mais géniaux qui fleurissaient à l'âge d'or des salles d'arcade, Missile Command est exactement le type de jeu dont on peut aussi bien estimer avoir fait le tour – à raison – au bout de vingt secondes tout comme y revenir régulièrement pendant des semaines, des mois, des années – voire des décennies. Trois réserves de missiles, une poignée de villes à protéger, des menaces qui demandent à être anticipées et priorisées, et voilà de quoi rester concentré pour des parties de deux minutes avant de s'y remettre pour la centième fois, frustré de s'être encore laissé déborder par les projectiles adverses. Pas de power-up, pas de smart bomb, pas de super bonus qui changent tout : juste un peu d'habileté, une pointe de stratégie et une certaine dose de réflexe sont tout ce qui est nécessaire, et c'est précisément là qu'est la force de la borne de David Theurer et Rich Adam. Pourquoi faire plus compliqué quand tout est déjà là ?
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un contenu fatalement limité se limitant à une toute petite poignée de nouvelles menaces et à des color swaps des décors
Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Missile Command sur une borne d’arcade :
Version Atari 8 bits
Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, trackball
Version testée : Version cartouche testée sur Atari 800 XL PAL
Configuration minimale : Système : Atari 400/800, XL/XE – RAM : 8ko Cartouche de 64kb
Ça n’est peut-être pas encore complètement la borne à domicile, mais sincèrement l’expérience est toujours très amusante
Au bal des portages d’une borne d’Atari, quoi de plus normal que de trouver, au premier rang, les machines d’Atari ? En dépit de la simplicité apparente d’adapter le concept de Missile Command aux systèmes domestiques, on réalise rapidement que plusieurs colles se seront présentées aux développeurs, le fait d’utiliser originellement un trackball et trois boutons n’étant pas le moindre. Dans cette version Atari 8 bits, le problème aura trouvé deux réponses : en ajoutant la possibilité de jouer avec un trackball (il suffit de faire CTRL+T en cours de partie), et en ne proposant plus qu’une seule base de missiles au lieu de trois. Conséquence : il n’est plus possible ici de sélectionner d’où tirer en fonction de la direction et de la proximité des projectiles, et il n’est plus possible de voir la totalité de ses réserves de missiles à l’écran. En-dehors de ces quelques sacrifices qui imposent de revoir quelque peu sa stratégie (mieux vaut protéger sa base de missiles en début de vague à n’importe quel prix !), la réalisation graphique reste très proche de celle de la borne (en moins fin), tout comme la réalisation sonore qui emploie le même processeur que la borne, et on retrouve les différentes subtilités comme les bombardiers ou les projectiles qui se divisent. Bref, sans être la transcription fidèle de la borne, l’essentiel y est, et si on préfèrera sans doute aujourd’hui se tourner directement vers la version originale, on peut encore passer quelques bons moments sur un jeu qui reste addictif à faible dose.
NOTE FINALE : 12,5/20
Porté sur la gamme 8 bits d’Atari, Missile Command y opère quelques sacrifices pas forcément nécessaires mais qui ne pénalisent pas trop lourdement l’expérience de jeu. Le fait qu’il n’y ait plus qu’une seule base de lance-missiles est un peu dommage, mais l’équilibrage comme la réalisation permettent néanmoins de pouvoir enchaîner les parties avec plaisir exactement comme sur la borne. Une très bonne alternative pour l’époque.
Version Atari 2600
Développeur : Rob Fulop
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1981
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version cartouche PAL
Spécificités techniques : Cartouche de 32kb
La bonne nouvelle, c’est qu’on s’amuse toujours
Porté sur la vénérable console de salon d’Atari, Missile Command connait encore quelques sacrifices supplémentaires comparé à la version sur ordinateurs. Ainsi, non seulement il n’y a toujours qu’une seule base de lance-missiles, mais en plus les bombardiers et autres appareils volants ne sont plus de la partie, eux non plus : il faudra uniquement composer avec les missiles ennemis et avec les bombes intelligentes. Il n’est également plus possible de lancer plus de trois missiles à la fois, ce qui compose une difficulté pertinente d’un point de vue stratégique. De façon ironique, le jeu ne reconnait pas le trackball de la console, mais fonctionne très bien avec celui d’une ColecoVision utilisant le module de compatibilité avec l’Atari 2600 ! La réalisation est encore un peu plus grossière que sur Atari 400/800, mais on ne peut pas dire que cela fera une énorme différence aux yeux (et aux oreilles) d’un joueur du XXIe siècle. Dans l’ensemble, on regrettera de perdre plusieurs subtilités stratégiques dans cette version, mais on peut toujours tuer dix minutes de temps à autre dessus, ce qui ne se refuse pas. Les vrais curieux iront quand même directement tester la version arcade.
NOTE FINALE : 11,5/20
Cette version Atari 2600 de Missile Command aura encore dû rogner quelques angles, en perdant notamment ses bombardiers en plus des deux bases lance-missiles déjà sacrifiées par la version sur ordinateurs, mais cela n’empêche heureusement pas le concept du jeu de se révéler toujours aussi bêtement addictif. Les vieux briscards fonceront directement vers la borne, mais pour un néophyte voulant se défouler quelques minutes, il est saisissant de constater à quel point le potentiel ludique de cette antique cartouche de 32kb est toujours valable.
Version Atari 5200
Développeur : Robert Zdybel
Éditeur : Atari, Inc.
Date de sortie : 1982
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick, Trak-Ball
Version testée : Version cartouche
Spécificités techniques : Cartouche de 64kb
La même chose que sur Atari 800. Quelqu’un est surpris ?
Comme souvent avec les versions Atari 5200, les choses vont être courtes : on est techniquement, face au calque parfait de la version parue sur Atari 400/800, qui utilisait le même hardware (la fameuse affirmation selon laquelle une Atari 5200 n’était pas grand chose de plus qu’un Atari 800 vendu sans son clavier étant assez proche de la vérité). La bonne nouvelle, c’est que le titre est ici particulièrement jouable avec le Trak-Ball de la console, et le reste avec son joystick de base. La mauvaise, c’est qu’il faudra une fois de plus se contenter d’une unique base lance-missiles et de color swaps un peu moins spectaculaires que sur la borne. Bref, un portage toujours aussi solide mais qui présente déjà moins d’intérêt à une époque où il est très facile d’émuler la borne.
NOTE FINALE : 12,5/20
Sans surprise, Missile Command livre sur Atari 5200 exactement la même performance que sur la gamme d’ordinateurs 8 bits de la firme. Le joystick comme le trackball de la machine se révèlent particulièrement adaptés au maniement du jeu et la réalisation fait toujours le travail, mais il faudra une fois de plus composer avec des adaptations qui ne seront pas forcément au goût des puristes.
Version Atari ST
Développeurs : Robert Zdybel et Gary Johnson
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Écran monochrome supporté
On ne va pas dire que ça envoie du rêve, mais ça fait le travail
Évidemment, on se doute qu’Atari n’allait pas faire l’impasse sur le fleuron de sa flotte, l’Atari ST, au moment de porter Missile Command – et tant pis si cela signifiait développer le jeu sept ans après sa sortie sur borne d’arcade. Pour l’occasion, la réalisation se veut un peu plus travaillée, avec des villes plus détaillées et des explosions mieux dessinées, mais cela reste un grand fond noir sur lequel se découpe des traits colorés et pas grand chose de plus (et non, le color swap ne touche pas ici le fond de l’écran comme dans la version arcade). Il y a cette fois deux bases lance-missiles : une attribuée au bouton gauche et l’autre au bouton droit, car le titre se joue exclusivement à la souris ; une adaptation assez intelligente qui fait qu’on n’a toujours pas accès à la même profondeur de jeu que dans la version arcade, mais qu’on s’en approche. On gagne également quelques options de configurations destinées à moduler la difficulté de la partie et la fréquence d’apparition des villes bonus, voire de passer un certain nombre de vagues. Bref, le type d’adaptation qui n’impressionnait déjà plus personne en 1987, mais qui préserve assez intelligemment ce qui pouvait l’être sans avoir à lutter contre la jouabilité : un compromis honnête.
NOTE FINALE : 13/20
Assez intelligemment adapté au matériel – et en particulier à la souris – de l’Atari ST, Missile Command doit une fois de plus composer avec de légers sacrifices et avec une réalisation pas franchement éblouissante pour offrir une expérience qui ne rivalise pas tout-à-fait avec la borne, mais qui s’en approche. Un moyen comme un autre de découvrir le jeu en 1987, mais la chose a un peu perdu en intérêt depuis – sauf à être motivé par la curiosité.
Version Game Boy
Développeur : The Code Monkeys
Éditeur : Accolade, Inc.
Date de sortie : Mars 1992 (Amérique du Nord) – Octobre 1992 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il aura donc fallu attendre douze ans pour voir Missile Command faire une escapade (officielle) ailleurs que sur une machine estampillée Atari. L’heureuse élue aura été la Game Boy, qui doit pour l’occasion composer avec ses propres limites techniques, mais qui le fait plutôt bien. Le côté monochorme n’impacte pas vraiment un jeu qui ne comptait de toute façon pas beaucoup sur la couleur, et en dépit de la petitesse de l’écran et de la faiblesse de la résolution, les sensations demeurent assez bonne. Comme sur ST, il n’y a que deux bases de lance-missiles ici : une par bouton (dommage que le titre n’ait jamais eu droit à une version Mega Drive !), et on constatera que chaque niveau représente ici une ville réelle comme Le Caire ou Moscou, soit un bon prétexte pour changer régulièrement le décor de fond. Les équilibrages sont un peu différents de ceux de la borne (les explosions durent plus longtemps, mais les collisions sont un peu moins précises), mais dans l’ensemble on retrouve exactement ce qui faisait le sel de la version originale… à une base près. Oh, et n’espérez pas trouver la moindre option de configuration ici, ce qui fait quand même un peu pingre. À noter que la version du jeu présente dans la compilation Arcade Classic 1 : Asteroids / Missile Command sur la même console est exactement identique à celle-ci.
On pouvait difficilement s’approcher davantage de la borne sur Game Boy
NOTE FINALE : 13/20
Quelques timides adaptations, certaines contraintes et d’autres bienvenues, aident cette adaptation de Missile Command sur Game Boy à fournir l’essentiel de ce qu’on était en droit d’attendre: une version lisible, jouable et correctement équilibrée. Dommage qu’absolument aucune option de configuration ne soit présente, cependant.
Version PC (Windows 3.1) Microsoft Arcade
Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : Octobre 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Cette fois, strictement rien ne manque, et il y a même un peu plus que sur la borne
Les années 90 auront vu apparaître les premières compilations de grands succès de l’arcade – ce qui correspondait, déjà, à du retrogaming. Dans le domaine, cette improbable compilation à destination de Windows 3.1 fait figure de pionnière, et force est de reconnaître que la retranscription est parfaitement fidèle à la borne. Cette fois, les trois bases lance-missiles sont bien là, ce qui signifie qu’il faut diriger le curseur avec la souris et tirer avec les touches Q, S et D, et très honnêtement ça n’est pas exactement ce qu’on peut appeler une contrainte majeure dès l’instant où on a deux mains. Le jeu tourne par défaut à la résolution de la borne mais peut être basculé en plein écran avec des graphismes plus fins, et la difficulté est équivalente à celle de la borne, sauf que de nombreuses options de configurations allant jusqu’à vous laisser régler la vitesse de vos missiles sont disponibles. Bref, c’est exactement ce qu’on voulait et cela permettait de découvrir Missile Command dans des conditions optimales longtemps avant l’existence de MAME. Que du bonheur.
NOTE FINALE : 14/20
De toutes les plateformes existantes, il aurait donc fallu que ce soit Windows 3.1 qui vienne offrir la première retranscription parfaitement fidèle de Missile Command, avec une jouabilité préservée et des options de configuration en pagaille. C’est littéralement la borne originale, mais en un peu mieux. Pourquoi se priver ?
Version Macintosh Microsoft Arcade
Développeur : Microsoft Corporation
Éditeur : Microsoft Corporation
Date de sortie : 1994
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh IIci
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0 – RAM : 3Mo
C’est toujours aussi bon (et c’est toujours aussi dur)
On pourra peut-être se montrer surpris de voir Microsoft débarquer sur Mac pour proposer une compilation de jeux originellement parue sur Windows, mais le fait est qu’on hérite très exactement des mêmes possibilités et du même rendu que sur PC pour une expérience identique. Une nouvelle fois, le jeu peut s’afficher dans sa résolution originale ou à celle du bureau, la jouabilité demande toujours l’usage de la souris et du clavier (mais une option a été ajoutée pour que le programme décide automatiquement de la base qui lance les missiles, vous autorisant ainsi à jouer uniquement avec la souris) et la difficulté peut toujours être paramétrée via des réglages particulièrement précis. Bref, on pouvait bel et bien jouer à une borner d’arcade sur Macintosh en 1994.
NOTE FINALE : 14/20
Comme sur Windows 3.1, Missile Command se sent comme un poisson dans l’eau sur l’OS du Macintosh et offre à peu près tout ce qu’on pouvait espérer d’une retranscription de l’expérience originale. Le retrogaming de 1994 à son sommet.
Version Lynx Super Asteroids and Missile Command
Développeur : Atari Corporation
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : 1995
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb
Premiers instants. A priori, c’est la même chose…
Il manquait encore une machine d’Atari pour avoir la panoplie complète, elle aura dû attendre 1995 pour être servie (en fait, il en manquait encore deux, mais la Jaguar aura été servie à la même période avec Missile Command 3D). Fourni ici avec une version améliorée d’Asteroids, le titre d’Atari ressemble à première vue à une retranscription fidèle de l’arcade avec des graphismes légèrement remis à jour – les trois bases lance-missiles sont bien présentes mais, faute de boutons, c’est le programme qui décide automatiquement laquelle fait feu.
…jusqu’à ce que cet écran fasse son apparition
Et puis rapidement, on réalise que le programme ne se contente pas de changer de décor à la fin de chaque série de vagues : le score fait ici office de monnaie… pour acquérir des power-up entre les niveaux. Ceux-ci sont de deux types : des améliorations pour vos missiles, qui peuvent ainsi être plus rapides, bénéficier d’explosions élargies ou même être à tête chercheuse (très pratique !) et des bonus à utilisation unique, de type smart bomb ou boucliers temporaires à lancer au-dessus de vos villes, qui s’emploieront eux avec le deuxième bouton de la console. Le résultat n’est pas toujours parfaitement équilibré (certaines améliorations simplifient dramatiquement les choses), même s’il faut réinvestir dans les power-up après chaque niveau, mais il faut reconnaître que cette prime au score pour espérer aller un peu plus loin rajoute un objectif et une dimension stratégique intéressante. Ce n’est plus tout-à-fait l’exigence de la borne, et les parties peuvent vite durer plus longtemps que dans la version originale, mais ça fonctionne assez bien et c’est une bonne occasion de redécouvrir le jeu dans une version un tantinet plus accessible. Pourquoi pas.
Ici, j’ai investi dans de très pratiques explosions qui couvrent une large zone
NOTE FINALE : 14/20
Profitant d’une intéressante remise à jour du concept, Missile Command offre dans cette compilation sur Lynx une approche un peu plus accessible offrant des parties plus longues avec un équilibrage pas toujours idéal. Le résultat, pour imparfait qu’il est, n’en est pas moins un bon moyen d’ajouter un peu d’épaisseur au concept au-delà de l’éternelle course au score. Une évolution intéressante qui aurait mérité d’être creusée.
Version PlayStation Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 20 décembre 1996 (Amérique du Nord) – 20 décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, souris
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
On est venu chercher la borne, on obtient la borne
Il faut croire que même à l’ère de la 3D triomphante et des consoles 32, 64, voire 128 bits, il y avait déjà des gens en train de rêver de dépenser de l’argent durement acquis pour jouer à des bornes d’arcade de plus de quinze ans d’âge. Sans surprise, la PlayStation reproduit sans trop de difficulté la performance déjà accomplie par Windows 3.1 trois ans plus tôt en offrant une reproduction fidèle de Missile Command, de ses mécanismes et de sa jouabilité (il est même possible de jouer à la souris !). On hérite une nouvelle fois d’options de configuration destinées à régler la difficulté (nombre de villes, score nécessaire pour en voir réapparaître une, langue des messages affichés et pas grand chose d’autre) – bref, rien qui n’était déjà sur la borne, mais c’est précisément ce qu’on était venu chercher, non ?
NOTE FINALE : 13,5/20
Pas de fioritures pour Missile Command sur PlayStation : à quelques pixels près, on obtient la borne, et même les options de configuration disponibles ne sont pas grand chose de plus que celles qui étaient déjà présentes dans les DIP switches de la borne. Un moyen comme un autre de découvrir l’expérience originale pratiquement à l’identique, au hasard en remplaçant le trackball originel par la souris de la console.
Version Saturn Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : 11 juin 1997 (Amérique du Nord) – Mars 1998 (Europe)
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par cartouche mémoire (1 bloc) Lecteur de disquette Saturn supporté
Ces images commencent un peu à se ressembler, non ?
Même compilation, même équipe aux commandes : il serait exagéré de se dire surpris en découvrant que cette version Saturn de Missile Command est très semblable à celle disponible quelques mois plus tôt sur PlayStation. Les options sont les mêmes, l’interface et les bonus n’ont pas changé, seule la résolution choisie est un peu différente, avec un format entrelacé assez surprenant, mais on ne peut pas dire que cela bouleverse la perception qu’on a des graphismes du jeu une fois la partie lancée. Bref, c’est une fois de plus la borne telle qu’on pouvait s’attendre à la trouver sur Saturn, et le jeu est toujours jouable à la souris pour les puristes.
NOTE FINALE : 13,5/20
Aucune surprise pour Missile Command sur Saturn, qui délivre exactement la même expérience que sur PlayStation – seule la résolution employée est différente, et pour des graphismes aussi basiques, on ne peut pas dire que la différence soit spectaculaire. On a donc une autre occasion de découvrir la borne pratiquement dans les conditions d’origine. Une affaire.
Version Super Nintendo Midway Presents : Arcade’s Greatest Hits – The Atari Collection 1
Développeur : Digital Eclipse Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Date de sortie : Août 1997 (Amérique du Nord) – Février 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Chaque fois que je regarde cette image, j’y découvre quelque chose de nouveau
La Nintendo 64 avait beau être lancée depuis plus d’un an en 1997, la Super Nintendo continuait de recevoir des jeux – même si on pourra se montrer surpris que la console 16 bits ait eu à patienter aussi longtemps pour héberger une compilation de titres de plus de quinze ans d’âge. Si l’interface de la compilation en elle-même perd bien quelques fioritures ici – plus de menu en 3D, naturellement, plus de descriptions historiques des jeux, ce qui est déjà un peu plus dommage –, on hérite bel et bien de la même conversion que sur les machines de la génération suivante. Encore une fois, les options sont les mêmes (seul le choix de la langue a disparu, remplacé par le choix de la vitesse des missiles du joueur), et seule la résolution en jeu a changé, sans qu’on puisse dire que cela modifie l’expérience à un quelconque niveau. Bref : même jeu, mêmes sensations, on pourra juste regretter que la souris de la Super Nintendo ne soit pas reconnue.
NOTE FINALE : 13,5/20
Même bilan pour cette version Super Nintendo de Missile Command que pour les autres machines ayant hébergé la compilation de Midway : l’idée était de bénéficier d’une version aussi proche que possible de la borne originale, et c’est exactement ce qu’on obtient. On n’aurait pas craché sur quelques options de configuration supplémentaires, mais on s’en contentera.
Version Game Boy Color
Développeur : The Code Monkeys Ltd.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb Système de vibrations inclut dans la cartouche
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Avec un brin de cynisme, on pourra émettre l’hypothèse selon laquelle développer un jeu sur Game Boy Color était un processus aussi aisé que peu coûteux : il s’agissait de reprendre une cartouche Game Boy, d’y barbouiller quelques couleurs et de revendre la chose au prix du neuf. Une chose est sure : du côté d’Hasbro Interactive, on aura décidé de passer de la théorie à la pratique : Missile Command sur Game Boy Color n’est rien d’autre que la version Game Boy de 1992, mais en couleurs. Histoire de faire bonne mesure, la cartouche fait partie des quelques 14 titres de la ludothèque de la machine à intégrer un kit de vibrations destiné à bien vous faire sentir la puissance des explosions de vos missiles – et à vous refiler des crampes dans les doigts. Ça faisait quand même un peu léger pour repasser à la caisse à l’époque, et ça ne s’est pas arrangé depuis, mais à tout prendre et quitte à lancer le jeu sur Game Boy, autant profiter de cette version.
« Vous parlez de rêver ? Rêvez-vous en couleurs ? »
NOTE FINALE : 13/20
Prenez une cartouche Game Boy de sept ans d’âge mettant en scène une borne de dix-neuf ans d’âge, ajoutez-y quelques couleurs, et tada ! Voici votre Missile Command sur Game Boy Color sous blister, flambant neuf. En-dehors du bonus totalement gadget représenté par les vibrations, on va dire que l’acquisition de la cartouche se justifiera surtout par le fait de ne pas posséder la version précédente.
Version PC (Windows 9X) Atari Arcade Hits : Volume 1
Développeur : Atari, Inc.
Éditeur : Hasbro Interactive, Inc.
Date de sortie : Juillet 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (sur la même machine ou via internet)
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Tout est fait pour y croire à fond, et l’habillage fonctionne à merveille…
Reproposer des titres très équivalents à quelques années d’écart est un vieux principe de l’informatique (on n’allait pas encore parler de « remaster », à l’époque). Windows 3.1 avait déjà hébergé sa compilation de jeux d’arcade ? Six ans plus tard, c’était le tour de Windows 95 et Windows 98 ! Cette nouvelle compilation profite pour l’occasion d’une interface très agréable et d’options de configuration en pagaille qui permettent de se faire une expérience sur mesure (avec un bouton pour revenir aux réglages par défaut de la borne – très bon point). Elle ajoute également quelques options graphiques pour choisir la résolution, et un mode « amélioré » qui remplace le rendu original avec les lignes de balayage par la même chose sans les lignes. On peut choisir d’afficher un habillage reproduisant celui de la borne ou de jouer en plein écran (comprendre : à un multiple de la résolution de la borne avec des bandes noires), et utiliser avec à peu près tous les périphériques disponibles – et on peut même jouer avec seulement les deux boutons de la souris, grâce à une idée simple : la base lance-missile centrale tire quand on clique sur les deux boutons à la fois. Mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé plus tôt ? Bref, une adaptation extrêmement propre de la borne, avec en plus des archives pour raconter sa création et son histoire : du beau boulot.
…mais il est également tout à fait possible de se passer de ce type de fioritures
NOTE FINALE : 14/20
Quitte à (re)découvrir Missile Command à la fin du siècle dernier, difficile d’en demander beaucoup plus que ce qu’offre l’excellente version de cette compilation très bien pensée. Permettant à la fois de coller au maximum à l’expérience originale tout en offrant des options de configuration à la pelle pour ceux qui voudraient altérer l’expérience sans la trahir, cette version domestique demeure, aujourd’hui encore, une excellente manière de découvrir la borne.
Développeur : Interplay Productions, Inc. Éditeur : Electronic Arts, Inc. Titres alternatifs :Bard’s Tale III : The Thief of Fate (écran-titre – Apple II, Commodore 64), Bard’s Tale 3 (titre usuel) Testé sur :Apple II – Commodore 64 – PC (DOS) – Amiga – PC-98 Disponible au sein des compilations :The Bard’s Tale Trilogy (1989 – PC (DOS)), The Bard’s Tale Trilogy (2018 – Macintosh, Windows) En vente sur :GOG.com (Macintosh, Windows), Steam.com (Macintosh, Windows)
Configuration minimale : Système : Apple II+ – RAM : 64ko Mode graphique supporté : Haute résolution
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Faut-il savoir suivre le sens du vent ?
Les années 80 auront représenté un véritable âge d’or à l’échelle du jeu de rôle, une période charnière où se seront bousculées les licences fondatrices encore régulièrement citées aujourd’hui comme des inspirations majeures : Ultima, Sorcellerie, Dungeon Master… sans oublier The Bard’s Tale, une saga célébrée qui filait bon train après son tabac initial (et mérité) de 1985. En fait, alors que celle-ci s’apprêtait à célébrer en 1988 son troisième épisode en trois ans, on l’imaginait déjà devenir une énième série à rallonge s’appuyant sur des mécanismes éprouvés, sans forcément réaliser que la trilogie initiale était appelée à en rester une pour trente longues années avec un quatrième opus qui ne verrait le jour qu’en 2018 (!), porté par la nostalgie d’une base de fans dévouée.
Le dernier survivant du comité d’examen vous servira de guide
Pourtant, le développement d’un Bard’s Tale IV avait bel et bien été lancé dès 1988 mais, comme un symbole, celui-ci aura finalement changé de nom (et de système de jeu) pour devenir Dragon Wars. L’indice d’un besoin de renouvellement face à l’irruption de challengers de taille, par exemple les « gold boxes » menées par Pool of Radiance ? Signe des temps : dès 1988, justement, on pouvait lire un point de vue d’Eric Cabéria dans le magazine Tilt, se lamentant « [d’]une certaine fainéantise des développeurs qui après avoir fait un coup de maître se contentent de ressortir leur logiciel à intervalles réguliers en y adjoignant un numéro d’ordre (sensé évoquer la nouveauté) », et ce « alors que le marché du logiciel, lui, évolue avec des produits prodigieux tels que Dungeon Master (NdRA : Encore lui…) ». Et de pousser ce mini-coup-de-gueule lors du test, pourtant dithyrambique… de la version Amiga de The Bard’s Tale II. Quelques mois plus tôt, un certain The Bard’s Tale III : Thief of Fate avait déjà commencé à débarquer dans les étals. Avait-il réussi à injecter un peu de nouveauté dans une formule désormais presque trop bien rodée ?
Tarjan, comme tous les méchants, a tendance à revenir à la vie quand ça arrange les scénaristes
À l’instar de Palpatine, Tarjan a trouvé le moyen de revenir, d’une manière ou d’une autre. Le dieu fou que votre équipe avait pourtant affronté et vaincu dans le château du baron Harkyn lors du premier épisode a carrément rasé la ville de Skara Brae, visiblement très en colère de n’avoir même pas été le grand méchant de cet opus inaugural.
Les points d’intérêt sont rares à Gelidia, terre glacée
Pour espérer le vaincre à nouveau, et tant qu’à faire pour de bon, il ne suffira pas de visiter les ruines de la ville, ni même d’explorer la région : cette fois, il faudra carrément parcourir le temps et l’espace pour visiter huit dimensions différentes, en quête d’objets et de combattants capable de renverser Tarjan. Un combat terrible, même pour les héros des deux premiers épisodes… que vous pourrez d’ailleurs importer, comme toujours, afin de vous éviter une laborieuse phase de grinding d’une bonne quinzaine d’heures afin de mettre votre groupe à niveau, car The Bard’s Tale III est pensé pour des aventuriers puissants, très puissants. Et cette fois, pas question de faire l’impasse sur le « donjon du débutant », pleinement intégré à une histoire devenue nettement plus linéaire, mais aussi mieux structurée : car votre récompense sera justement la possibilité de voyager d’une dimension à l’autre via une des deux nouvelles classes du jeu : le très puissant chronomancien.
Les ennemis sont très variés – dommage qu’on ne puisse pas en dire autant du déroulement des combats
Vous débutez donc l’aventure dans la campagne autour de Skara Brae, ou plutôt de ce qu’il en reste. Plus de guilde des aventuriers ici : votre périple commencera dans un camp de réfugiés situé à proximité d’une taverne, et le seul service disponible – le temple – sera à dénicher dans les environs. Pas de boutiques en vue (logique : tous les commerçants n’ayant pas pris la fuite sont morts), vos combattants commenceront donc tout équipés même si vous en créez de nouveaux, et un entrepôt sera disponible à l’entrée de la ville pour stocker ce que vous souhaiterez éventuellement vendre lorsque vous pourrez rejoindre une cité intacte dans une autre réalité.
Pour progresser, il faudra fouiller chaque case de chaque donjon
Il faudra une nouvelle fois débusquer le comité d’examen (Review Board) désormais réduit à un unique membre, lequel vous confiera successivement toutes vos quêtes en vous décrivant à chaque fois les objectifs et en vous donnant les moyens de les atteindre. C’est lui qui propulsera directement tous vos magiciens au rang d’archimage à la conclusion du premier donjon (s’ils n’en sont pas déjà), et lui qui vous offrira l’opportunité d’en dépouiller un de la totalité de ses connaissances (mais pas de ses caractéristiques) pour en faire un chronomancien, donc, lanceur de sorts suffisamment puissant pour faire passer l’archimage pour un simple prestidigitateur en comparaison. Dans la deuxième moitié de l’aventure, ce sera la classe de géomancien qui sera disponible, encore plus puissante, et cette fois accessible à vos classes de corps-à-corps – à condition de renoncer à leurs spécificités, car on n’a rien sans rien. Des nouveautés bienvenues qui permettent au moins de corriger une des limites de The Bard’s Tale II en offrant enfin un timide axe de progression à un groupe déjà potentiellement (pratiquement) au sommet de sa puissance dès le début de la partie.
Le jeu fait un réel effort pour diversifier les situations et les environnements
Histoire de mettre en valeur l’exploration qui est plus que jamais l’un des axes principaux du titre, cet épisode prend le parti d’y adjoindre un aspect « aventure » bien plus développé que dans ses prédécesseurs. Comprendre par là qu’il faudra souvent accomplir des actions précises pour espérer avancer, lesquelles apparaîtront souvent comme à peu près inaccessibles aux joueurs n’ayant pas pris le temps d’amasser les rares indices sibyllins éparpillés dans chaque dimension, lesquelles sont souvent composées d’une ville, d’une région peu étendue et de plusieurs donjons.
Skara Brae en ruines respecte toujours le plan du premier jeu – en plus petit quand même
Par exemple, pour arriver au sommet de la tour de Valarian, dans le monde d’Arboria, vous aurez besoin d’avoir ramassé des glands au sol et de les avoir fait pousser grâce à une eau sacrée dénichée, elle, dans un palais de cristal situé sous les eaux d’un lac (lequel vous aura demandé, au passage, de trouver un moyen de respirer sous l’eau pour éviter de perdre des points de vie à chaque déplacement). L’ennui étant que le programme ne vous ayant jamais proposé de collecter le précieux liquide, il faudra avoir eu l’idée d’utiliser une des gourdes destinées à ce que votre barde puisse se rincer le gosier sans retourner en ville (autre nouveauté du jeu) pour en prendre – ce genre d’énigme, l’aventure en connait des dizaines, et pour les résoudre, mieux vaudra prendre le temps d’explorer la moindre case du moindre donjon en notant scrupuleusement chaque message – une tâche de longue haleine.
Tout ne se résout pas obligatoirement par le combat, réfléchissez bien avant de sortir les armes
La bonne nouvelle, c’est que cet épisode aura décidé de revoir un peu l’équilibrage de sa difficulté. La progression est peut-être toujours loin d’être une balade de santé, mais il ne faudra plus composer ici avec les « Death Snare » du précédent épisode ni avec ces accumulations de pièges absurdes visant à rendre certains donjons proprement impossibles à cartographier.
Prenez le temps d’explorer les guildes de chaque ville pour découvrir de nouveaux sorts ou de nouvelles chansons
Signe d’une volonté de mettre un peu d’eau dans le vin de votre barde : une carte automatique a désormais fait son apparition. Celle-ci se limite souvent à vous dévoiler le chemin que vous avez déjà parcouru – ce qui aura le mérite de ne plus vous demander de lancer des sorts de localisation à répétition pour dessiner vos plans – mais vous donne également parfois la carte complète d’un niveau, sans pour autant vous dévoiler l’emplacement des pièges… du moins, jusqu’à ce que vous puissiez commencer à employer certains des sortilèges du géomancien, qui pourra alors carrément vous donner la position de tous les pièges, téléporteurs et autres passages secrets d’un étage ! De quoi progresser un peu plus vite dans un jeu où il y a toujours énormément de terrain à couvrir et à cartographier… et toujours autant de monstres à combattre.
L’apparition d’une carte automatique fait un bien fou
Problème : comment garder les combats pertinents dans un jeu où votre groupe est pensé pour atteindre rapidement – si ce n’est dès le début du jeu – une puissance délirante ? À cette question, The Bard’s Tale III aura hélas quelque peu échoué à trouver la bonne réponse, et les affrontements du jeu seront globalement à diviser en deux catégories : les rencontres insignifiantes contre des adversaires vite balayés quelle que soit leur puissance ou leur nombre et qui ne serviront à peu près qu’à vous faire perdre du temps et des points de magie (90% des combats), et celles contre les ennemis les plus problématiques du jeu : les lanceurs de sorts.
Évidemment, il faudra toujours trouver un objet qui permette de tuer un boss qui ouvre l’accès à un donjon, etc.
Non seulement ceux-ci sont en règle générale très difficile à approcher, vous bombardant d’attaques tandis que vous cherchez à arriver à portée de combat au corps-à-corps (quand ils ne vous repoussent pas quarante mètres en arrière !), mais surtout, comment croyez-vous que le programme a imaginé une parade face à l’extraordinaire puissance de vos propres magiciens ? De la pire des façons : en dotant les ennemis d’une capacité à résister à la magie – ce qu’ils font très bien, et en annihilant la totalité des dégâts qu’ils auraient dû recevoir. Conséquence : les combats les plus difficiles du jeu… se limitent à prier pour que vos sortilèges atteignent leur but pendant que les sorts adverses n’atteindront pas le leur, et que votre voleur caché dans l’ombre progresse par incréments de dix mètres pour aller placer un coup critique. Autant le dire : c’est aussi rébarbatif que frustrant.
Règle élémentaire du jeu de rôle : tout ramasser, tout le temps
C’est d’autant plus dommage que, dans son scénario et son déroulement, le jeu est plus efficace et se tient mieux que son prédécesseur. L’exploration est vraiment intéressante, et on est toujours heureux de découvrir une nouvelle dimension et ses enjeux, avec ses petits micmacs temporels ici représentés par le personnage d’Hawkslayer, ses énigmes et ses monstres. On peut même affronter des robots ou des soldats nazis ! Certes, tout le monde ne sera pas forcément ravi de composer avec une progression parfois opaque, mais à l’ère d’internet et de toutes ses réponses à portée de main, on n’est bloqué que parce qu’on le veut bien. L’épopée se laisse donc vraiment suivre avec un plaisir certain… quelque peu écorné par ces combats à répétition qui finissent par devenir assommants sans rien apporter, faute de mécanismes obligeant à réellement réfléchir à la façon de les approcher.
Plus on avance et plus le cadre devient hostile
C’est la plus grosse limite d’un titre qui aurait largement pu s’avérer supérieur à l’excellent premier épisode… si seulement il avait été pensé dès le départ pour un nouveau groupe, plutôt que de s’obstiner à nous faire cheminer avec des personnages qui n’ont plus aucune marge de progression depuis au moins deux jeux. On tient d’ailleurs là à un errement qu’on aura déjà eu l’occasion d’évoquer avec les logiciels adaptés de Donjons & Dragons : il y a un moment où la montée en puissance, axe primordial du jeu de rôle, n’a tout simplement plus aucun intérêt, et nous faire incarner des personnages qui sont déjà au sommet de leur art est à peu près aussi idiot que de faire débuter l’aventure dix minutes après avoir tué le grand méchant. Dès lors, si les fans d’exploration trouveront matière à remplir des carnets entiers de plans détaillés, les joueurs peu friands des jeux de rôle « à l’ancienne » souffleront et pesteront à force d’enchaîner des combats qui vont de la simple gêne à la pure corvée. Un vrai bon programme avec ses morceaux de bravoure, mais qui souffre réellement, pour le coup, de ce « III » dans son titre. On comprend donc un peu mieux que la saga soit restée une simple trilogie pendant si longtemps : il était peut-être simplement temps de dire au revoir à nos héros d’autrefois et de passer la main…
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 15/20
Pour un troisième épisode particulièrement ambitieux, The Bard's Tale III : Thief of Fate s'efforce de corriger une partie des faiblesses du précédent volet en offrant une aventure certes beaucoup plus linéaire mais également plus prenante et mieux équilibrée et en réinjectant un peu de nouveauté dans le système de jeu via les deux nouvelles classes de magicien. Le résultat montre encore quelques errements, notamment lorsqu'il tente d'offrir des ennemis aptes à résister à votre groupe hyper-puissant – sans parler de la longue phase de grinding à laquelle n'échapperont pas les joueurs démarrant une nouvelle équipe –, mais il fonctionne dans l'ensemble un peu mieux. Avec un aspect « aventure » mieux intégré et une composante « exploration » mieux recentrée, sans oublier des donjons nettement moins ridiculement punitifs, le titre souffre encore de la surabondance d'affrontements devenus soit viscéralement frustrants, soit profondément sans intérêt, mais les huit dimensions à visiter offrent suffisamment de renouvellement pour que ceux qui acceptent de composer avec des mécanismes quelques peu datés puissent espérer mener l'épopée à son terme. Un bon épisode de conclusion.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une bonne vingtaine d'heures de grinding à prévoir dans le premier donjon pour les nouveaux groupes – De très nombreux combats qui n'offrent souvent que peu de résistance à votre groupe surpuissant... – ...ou bien qui en offrent trop et pour de mauvaises raisons – Un aspect « aventure » souvent opaque... – ...et qui ne trouve sa résolution qu'en explorant chaque case de chaque donjon du jeu
Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Bard’s Tale III sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« En guise de conclusion, disons que Bard’s Tale III ne déçoit pas, c’est même exactement le contraire. Les différentes améliorations apportées au jeu et la qualité du scénario font de ce logiciel l’un des meilleurs de ce printemps 1988 avec Ultima V. »
Dany Boolauck, Tilt n°55, juin 1988, 17/20
Version Commodore 64
Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Pour cet épisode, le Commodore 64 hérite d’une retranscription assez fidèle de la version proposée sur Apple II – on pourrait presque dire « trop » tant la réalisation graphique est décevante, avec rarement plus de quatre couleurs à l’écran et absolument aucun effort pour tenter de tirer parti de la palette de la machine, qui était pourtant capable d’afficher de très jolies choses.
Graphiquement, c’est vraiment le service minimum
L’aspect sonore se limite une nouvelle fois aux morceaux joués par votre barde, même si le bon côté est que ceux-ci ne souffrent plus d’une interruption à chaque déplacement comme sur la machine d’Apple. Niveau jouabilité, le seul grief est qu’on soit condamné à se déplacer avec les touches I, J, K et L, le joystick étant visiblement voué à prendre la poussière. Pour tout le reste, on se retrouve avec une expérience de jeu très semblable à celle de l’Apple II, avec des chargements pas trop envahissants mais des changements de disquette plus nombreux, la faute à l’alternance entre les deux faces. Rien de rédhibitoire, cependant, et les joueurs décidés à découvrir le troisième épisode de la saga sur la machine de Commodore ne devraient pas avoir à s’en mordre les doigts.
NOTE FINALE : 15/20
Porté sur Commodore 64, Bard’s Tale III n’y offre qu’une retranscription assez paresseuse et techniquement pas très impressionnante de la version originale sur Apple II. En dépit des quelques lourdeurs due principalement au hardware, l’expérience de jeu devrait toujours satisfaire les fans des deux premiers opus.
Les avis de l’époque :
« Face à la première version du jeu, Bard’s Tale III profite d’un plus vaste terrain d’action et surtout d’un scénario plus complexe. Le jeu reste cependant assez classique : l’équipe participe à de nombreux combats, collecte de l’or et de l’expérience pour mener une à une les diverses missions qui constituent la quête. Les deux seuls reproches que l’on puisse faire à ce soft concernent d’une part le manque d’effet sonore (sic) de l’aventure, d’autre part l’impossibilité de manier la lutte au joystick. Malgré ces défauts, The Bard’s Tale III est l’un des meilleurs jeux de rôle animés disponibles sur C 64. »
Olivier Hautefeuille, Tilt n°57 (HS), Septembre 1988, 14/20
Version PC (DOS)
Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : CGA, CGA composite, EGA, MCGA, Tandy/PCjr Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr Pour accéder aux options de configurations, ajoutez la lettre « t » derrière l’exécutable à la ligne de commande
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il aura donc fallu attendre la fin de l’année 1990 pour commencer à voir The Bard’s Tale III arriver sur les ordinateurs 16/32 bits – une bien longue attente, mais tel était alors le lot commun des amateurs de jeux de rôle ayant imprudemment abandonné leur Apple II ou leur Commodore 64. Comme on pouvait s’y attendre, inutile d’espérer bénéficier de plus de seize couleurs à l’écran, et même si le résultat est loin d’être impressionnant il reste infiniment plus coloré et plus lisible que sur les ordinateurs 8 bits.
Ce n’est pas ce que l’EGA ait produit de plus impressionnant, mais c’est incontestablement plus beau que les versions 8 bits
La meilleure surprise est plutôt à aller chercher du côté du son : avec la gestion de l’AdLib et surtout de la Roland MT-32, les compositions de votre barde ont tout de suite plus de cachet, et on peut entendre toute la différence dès l’écran-titre. Il est toujours possible de jouer à la souris, même si les raccourcis claviers vont beaucoup plus vite, et on pourra se contenter de choisir les sorts dans une liste plutôt que de les taper manuellement à chaque fois (mais c’est une nouvelle fois plus long quand on doit faire le tri au milieux des dizaines de sortilèges de son archimage). Évidemment, plus question ici d’être empoisonné par des changements de disquette ou des temps de chargement à rallonge, ce qui fait une grosse différence – bref, un bon moyen de découvrir le jeu pour ceux qui auraient juré de ne pas lancer le remaster de 2018.
NOTE FINALE : 15,5/20
Agréablement dépoussiéré par les capacités du hardware – et notamment par une réalisation sonore tirant enfin parti des cartes sons –, The Bard’s Tale III délivre sur PC une expérience à la fois plus ergonomique et plus confortable que sur les versions 8 bits. Si on regrettera qu’aucun épisode de la trilogie n’ait jamais bénéficié des 256 couleurs du VGA, le résultat se laisse néanmoins parcourir avec plaisir.
Les avis de l’époque :
« L’ergonomie est moins bonne que dans BT II (c’est un comble !) : par exemple, quand vous vouliez lancer un sort dans BT II, le programme vous proposait un menu intermédiaire pour le choix de la classe de sort, puis affichait une liste des sorts disponibles en toutes lettres (NdRA : ce n’était vrai que dans la version Amiga ; dans la version PC, il fallait inscrire le sort manuellement, comme dans les versions 8 bits). Avec BT III, rien de tout cela : tous les sorts sont mélangés et représentés sous forme d’abréviations. […] Autre mauvais point : les monstres sont nombreux, très nombreux ! Même s’il est en général possible de fuir, cela ralentit fortement la progression, sans augmenter l’intérêt du jeu. La souris est toujours aussi mal utilisée. Ces critiques n’empêchent pas Bard’s Tale III d’être un très grand jeu. »
Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20
Version Amiga
Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : OCS/ECS Installation sur disque dur supportée
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Les possesseurs d’Amiga auront donc dû attendre pas loin de trois longues années pour pouvoir enfin mettre la main sur Bard’s Tale III (la machine de Commodore avait hébergé le deuxième épisode dès Juillet 1988), et pour être honnête, on est quand même en droit de se demander ce qui aura bien pu justifier une si longue attente – en-dehors du fait que l’Amiga était un tout petit poisson au regard du marché américain.
Les couleurs sont moins criardes que sur PC, mais on voit bien qu’on est parti exactement de la même base
Car là, pour le coup, l’ergonomie a bel et bien reculé : les sorts se limitent désormais à une liste d’abréviations sans aucun tri possible, et à haut niveau parvenir à lancer celui qui nous intéresse peut être une véritable gageure. C’est la seule lourdeur introduite par une gestion de la souris une nouvelle fois réduite à un doublon inutile, car pour ce qui est de la réalisation, les graphismes de l’Amiga font mieux (comprendre : plus coloré) que ceux de la version PC. Les choses sont plus serrées du côté de la musique, la puce Paula n’étant pas complètement à la hauteur du rendu d’une Roland MT-32, mais dans les deux cas cela reste assez anecdotique : même si le titre est un tout petit peu plus beau, l’expérience de jeu est exactement identique à celle de la version PC, qui a de toute évidence servi de modèle pour ce portage. À vous de voir si les teintes de l’EGA vous agressent ou non les pupilles et si vous préférez ou non le rendu sonore de la Roland MT-32, car pour le reste, c’est strictement le même jeu.
NOTE FINALE : 15,5/20
Prise de risques minimale pour cette version Amiga de The Bard’s Tale III, de toute évidence portée directement depuis la version PC – ce qui implique quelques pertes en termes de confort depuis The Bard’s Tale II sur la même machine. On gagne bien quelques couleurs, et l’expérience reste globalement agréable, mais pas de quoi se relever la nuit – surtout si on a le remaster à portée de main.
Les avis de l’époque :
« La version Amiga dispose de graphismes excellents, aux animations convaincantes. En revanche, le jeu se déroule sans bruitage ni musique d’accompagnement (NdRA : Il y a bien de la musique, en l’occurrence les morceaux joués par votre barde), alors que c’est justement l’un des points forts de l’Amiga ! La souris est correctement gérée et l’ergonomie satisfaisante, bien loin toutefois d’un Dungeon Master, Captive et autre Eye of the Beholder. Un excellent jeu de rôle cependant, varié et difficile à souhait. »
Jacques Harbonn, Tilt n°90, mai 1991, 17/20
Version PC-98
Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 octobre 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : –
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
À l’image de ce qui se produisait en sens inverse pour les productions nippones, les joueurs japonais étaient toujours les derniers servis lorsqu’il s’agissait d’accueillir les titres occidentaux. The Bard’s Tale III aura donc mis pas moins de quatre ans et demi à arriver sur PC-98, pour fournir une version qui, pour l’essentiel, est un calque à peine mise à jour de la version PC commercialisée deux ans plus tôt.
Ça ressemble beaucoup à la version PC, hein ?
Au menu, donc : réalisation en seize couleurs où pas une teinte n’a bougé, et une résolution qui n’a changé que pour la police du texte (lequel est désormais, faut-il le préciser, intégralement en japonais). niveau musical, ce n’est pas très emballant non plus, puisqu’il faut se contenter du rendu du processeur sonore, d’ailleurs assez mal exploité, de la machine, ce qui ressemble beaucoup à ce que pouvait produire le haut-parleur interne de la machine d’IBM, mais avec davantage de vibrato (peut-être est-il possible de configurer le jeu pour tirer parti d’une carte son, mais si c’est le cas, je n’y suis pas parvenu). En guise de compensation, on bénéficie d’un écran-titre animé et de pas grand chose d’autre. Fort heureusement, cela ne change pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même, mais on dira simplement que même en parlant japonais, découvrir le titre via cette version n’apporte strictement rien.
NOTE FINALE : 15,5/20
Sorte de « version PC traduite en japonais avec les textes en haute résolution », l’itération PC-98 de The Bard’s Tale III n’a objectivement que peu de raisons de déplacer les foules dès l’instant où l’on a accès à n’importe quelle autre version 16/32 bits, mais elle assure l’essentiel. On s’en contentera.
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Installation sur disque dur supportée
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Du point de vue des joueurs, une série de jeux vidéo doit fonctionner un peu comme un escalier : chaque marche doit être plus haute que la précédente, et on attend de la dernière qu’elle corresponde au sommet. Traduit en clair, et pour prendre un exemple qui corresponde exactement à la situation qui nous intéresse aujourd’hui : après un deuxième opus qui avait su brillamment élever tous les curseurs à la grande joie des fans du premier épisode, on attendait de l’inévitable Explora III (et des éventuelles suites à venir, lesquelles n’auront, comme on le sait maintenant, jamais vu le jour) qu’il vienne représenter un nouveau palier dans le domaine de l’aventure graphique : plus beau, plus jouable, plus long, plus passionnant.
Il y a toujours de très beaux écrans dans le jeu – mais pas assez
La mission était certes ardue, mais le genre de l’aventure au sens large étant alors au mieux de sa forme – et littéralement aux portes de son âge d’or – on pouvait se permettre de nourrir de grands espoirs quant aux épopées rendues possible par un thème aussi vaste et aussi inépuisable que celui du voyage temporel. Alors quand Explora III fut fort logiquement annoncé, et qu’il s’afficha pour l’occasion avec le sous-titre « Sous le signe du serpent », laissant miroiter une intrigue captivante tournant autour d’une mystérieuse secte dotée de pouvoirs fantastiques, inutile de dire que l’enthousiasme des joueurs était à son comble. Pourtant, malgré l’engouement attendu (pour ne pas dire « convenu ») de la presse francophone pour ce nouvel épisode, les lecteurs les plus attentifs ne pouvaient s’empêcher de déceler une certaine retenue, des signaux contradictoires qui semblaient sous-entendre que, peut-être, cette nouvelle aventure ne correspondait pas complètement à celle que les joueurs attendaient. « Balivernes », pensèrent les optimistes avant de lancer le jeu et de débuter une enquête qui s’annonçait grandiose… et qui ne le fut pas.
Explora III : « Où est l’aventure qui m’avait été promise ? »
L’histoire d’Explora II partait d’un prétexte on-ne-peut-plus simple : trouver le carburant nécessaire à la machine à voyager dans le temps pour regagner son époque. Ici, les choses sont un peu plus complexes, puisqu’il n’est originellement même pas question de voyage dans le temps – comme un symbole, la machine qui donne son nom à la série est aux abonnés absents pendant une très large partie de l’aventure. Le joueur incarne cette fois un nouveau personnage, qui se trouve être un écrivain au succès modéré en train de traverser une angoisse de la page blanche, cinq ans avant que Gabriel Knight ne connaisse une situation similaire au cœur de son château bavarois au début de sa deuxième aventure.
Il y a énormément d’endroits à visiter, mais très peu sont réellement utiles
Alors qu’il doit composer avec un ultimatum de son éditeur, sa vie bascule un soir alors qu’il entend son nom au journal télévisé… et le manuel du jeu, qui contient 95% de l’intrigue, ne vous en dit pas plus. Autant vous prévenir : vos premières informations risquent de ne se présenter que lors de vos premiers game over, au moment où la police débarquera chez vous pour vous inculper de meurtre et vous incarcérer – ayant ainsi au moins le mérite de vous informer de ce qui se passe, quelque chose qui n’arrivera pas souvent au fil de l’aventure. Explora III va en effet prendre la forme d’une longue errance, et comme on va le voir, celle-ci ne se révèle peut-être pas tout à fait à la hauteur de la passionnante enquête que ses créateurs rêvaient de programmer.
L’humour du jeu, niveau cour de récré, sonne totalement hors de propos
Abordons rapidement ce qui a évolué en bien pour ce troisième opus : son interface. Déjà très ergonomique dans le deuxième opus, celle-ci a encore connu une simplification salutaire, qui se limite fondamentalement à trois icônes accessibles dans le coin inférieur droit de l’écran : observer, prendre, et utiliser.
Prendre le métro à Paris : quelle aventure ! Quel souffle épique !
Déposer un objet se fait désormais via l’inventaire, lequel est toujours limité en taille, et celui-ci n’est à présent accessible que lorsque vous êtes chez vous ou dans un lieu donné et pas en transit dans les rues de la ville – c’est important, nous aurons l’occasion d’y revenir. Après quelques tâtonnements, une nouvelle fois, le temps de maîtriser les subtilités de la chose, on est rapidement à l’aise, et on peut commencer à explorer le t… ah non, petite anicroche dans le programme attendu : il n’y a plus de voyage dans le temps. Ou plutôt si : il y en aura bel et bien un et pas un seul de plus, lequel se déroulera… à une minute de la conclusion de l’aventure. Incroyable mais vrai : « Explora », la machine à explorer le temps, va prendre la poussière pendant 99% de l’aventure, laquelle se résumera donc pour l’essentiel à parcourir les rues d’une ville imaginaire ressemblant furieusement à Paris. Sacré dépaysement, hein ?
Attendez-vous à repasser très souvent dans ce hall d’immeuble
En étant un poil grinçant, on pourrait d’ailleurs dire que le seul véritable voyage temporel du jeu nous ramène deux ans en arrière, en plein dans les maladresses du premier opus qu’Explora II avait si bien su corriger. On se souvient que le côté « monde ouvert » de la première aventure se traduisait surtout par une tendance à parcourir de grandes zones sans jamais savoir où on avait le droit d’aller, avec pour seul bénéfice de pouvoir se faire bouffer par un tigre au détour d’une case de jungle semblable à toutes les autres ou de finir noyé au fond d’un lac.
Votre appartement doit fournit la moitié des objets utiles du jeu, alors fouillez-le bien
Explora III choisit ici de reprendre le concept en l’étendant cette fois à toute une ville, qu’il va falloir parcourir en long en large et en travers, mètre par mètre, écran par écran. Outre le fait que le terrain de jeu soit intrinsèquement moins intéressant que de parcourir la préhistoire ou la Grèce antique, le vrai problème est que tous ces déplacements ne servent fondamentalement qu’à faire la jonction entre une petite poignée de lieux intéressants qu’il va falloir commencer par découvrir au milieu de toutes ces rues. Pour vous donner un petit indice quant à la nature du premier et plus gros problème du game design, mentionnons ici que l’arrêt de bus le plus proche de votre appartement, celui qui servira de point de départ à la quasi totalité de vos expéditions, se situe à une distance correspondant à pas moins de… quatorze écrans. Quatorze écrans à traverser un par un (avec un temps de chargement en prime) à chaque fois, et souvent dans les deux sens car vous serez régulièrement appelé à retourner chez vous – ne fut-ce que parce que, comme on l’a vu, l’inventaire n’est pas accessible lorsque vous vous déplacez en ville.
Les explications sont beaucoup, beaucoup trop rares
Si vous voulez déposer un objet pour faire de la place dans votre inventaire (et perdre définitivement l’objet en question car oui, ce mécanisme idiot est toujours en place), il faudra donc vous coltiner trois à quatre bonnes minutes de clics convulsifs jusqu’à votre immeuble, le tout dans des rues où il ne se passe rien – strictement rien. Comprendre par là qu’il n’y a aucun objet à ramasser, aucune interaction prévue en-dehors de la possibilité de retirer de l’argent à un distributeur : 95% du temps de jeu consiste donc en du pur remplissage, à ne rien faire de plus utile que d’écouter le lecteur de disque bosser, lui. Réalisant que cela n’était pas très vivant, les développeurs auront donc cru utile d’égayer les écrans via quelques animations… complètement débiles et totalement hors de propos. Vous vous baladez dans la ville, et vous croisez tarzan en slip ou un éléphant rose avec des ailes dans le dos : un humour à peu près à la hauteur des jeux de mots niveau « blague Carambar » qui composent les noms des rues du jeu (« Paul Istirène », hoho, « Marc Hassain », haha) et qui met totalement à côté de la plaque dans une intrigue de meurtre qui glisse ainsi vers sa propre parodie !
Le dépaysement ne s’invite que pour les soixante dernières secondes de l’aventure
Le truc, c’est que non seulement l’essentiel du jeu se limite à aller d’un bout de la ville à l’autre – le plus souvent totalement au pif, faute du moindre objectif clair – mais qu’en plus il faudra souvent tout recommencer, les occasions de perdre étant aussi nombreuses qu’arbitraire (vous rentrez chez vous et vous tombez sur la police, vous retirez de l’argent et vous vous faites tuer…), et surtout l’essentiel des intrigues reposant sur un mécanisme particulièrement infect : le temps.
On aurait bien aimé passer plus de temps à mener l’enquête, et moins à marcher dans la rue
Chaque déplacement fait en effet avancer la pendule située en bas à droite de l’écran et il est bien entendu établi que certains événements ne peuvent se produire qu’à une heure donnée, sans quoi ce ne serait pas drôle. Devinez quoi : un objet totalement indispensable à la résolution de l’intrigue ne peut être obtenu qu’en étant présent à un coin de rue précis, à une heure donnée, et à regarder un passant comme on en a croisé des centaines repasser dans l’autre sens en s’étant fait coffrer par un CRS. Chance de dégotter l’objet sans avoir consulté une solution au préalable ? Autour de 0,01%… Dans le même ordre d’idées, un hôpital psychiatrique est présent en jeu. Comme il s’agit d’un bâtiment parmi des dizaines, vous aurez pu juger qu’il n’était sans doute pas utile de chercher à y pénétrer après qu’on vous ait signifié à l’interphone que l’établissement ne recevait pas de visiteur – et qu’on vous l’ait répété une deuxième fois au cas où vous auriez eu l’idée saugrenue d’insister. Eh bien le secret pour entrer est bien sûr… de sonner une troisième fois ! Y’a pas à dire, c’est de l’énigme de haut niveau comme on l’aime…
l’intrigue pourrait être intéressante, si seulement quelqu’un se donnait la peine de la développer
Le vrai drame de l’histoire, cependant, est précisément qu’il n’y en a pas. Ou plutôt, on en distingue quelques bribes via des indices sibyllins à grappiller par-ci par-là, mais il ne faudra cette fois pas compter sur les dialogues digitalisées pour faire avancer l’intrigue. On n’a jamais le droit à la base de la base d’un jeu comme celui-ci, à savoir de l’exposition : aucune explication, très peu de dialogues pour clarifier les choses, rien qui vienne éclaircir le mystère – lequel se résout, comme tout le reste, dans une opacité totale.
Cantonner la machine à explorer le temps à la toute dernière ligne droite de l’aventure est un choix plutôt gonflé
Ne vous attendez même pas à ce que le grand méchant vous fasse un monologue final, comme dans tous les James Bond, pour vous expliquer ses motivations : votre seule action face à lui, après l’avoir rencontré depuis deux secondes, sera de lui balancer un cocktail Molotov à la gueule et de signer ainsi la fin de l’aventure ! On termine donc « l’enquête » en ne sachant absolument rien de pertinent sur cette mystérieuse secte, sur ses motivations ni sur le pouvoir qui lui permet de se transformer en serpent, quant à savoir pourquoi il faut voyager dans le temps pour aller la chercher, alors là ! Bref, on est dans le brouillard d’un bout à l’autre, on est constamment puni sans aucune raison valable, et à la fin on n’a rien compris et on ne s’est pas amusé une minute. Un fameux bilan, pour ce qui devait être l’apogée de la trilogie…
Vous allez très vite apprendre à détester chacune de ces rues
On ne va pas se mentir : on sent bien, au fil des minutes qui s’égrène, qu’Explora III a été développé trop vite pour son bien, et qu’Infomédia n’était sans doute pas au mieux de sa forme à ce moment-là : ce sera d’ailleurs le dernier jeu développé par le studio. Difficile de dire ce que ses créateurs auront cherché à faire : tirer un trait sur le mécanisme du voyage temporel pour nous plonger dans la routine de la vie parisienne et nous proposer de passer des heures à aligner les trajets entre la banque et le métro doit représenter une des idées les plus stupides de tous les temps, et les joueurs ne gardent d’ailleurs globalement pas un très bon souvenir d’une aventure qui aura mis à côté d’à peu près toutes les attentes qu’on pouvait nourrir vis-à-vis d’elle.
Les égouts de Paris, ou la punition finale
Sauf à être extraordinairement méthodique et dévoué, on souffle et on lâche l’aventure bien avant d’en avoir vu le terme, la faute à des mécanismes absurdes et sans intérêt (je ne vous ai pas encore évoqué le labyrinthe final dans les égouts de Paris, dont la résolution exige un trajet nécessitant de parcourir au minimum CENT-DIX ÉCRANS ??). Rien n’a été pensé, considéré, équilibré, et le simple fil conducteur de l’histoire est éparpillé jusqu’à priver le joueur de toute récompense ou de toute curiosité vis-à-vis d’une intrigue si nébuleuse qu’on n’a même pas l’idée de lui décrire ne fut-ce que la situation de départ – comme si c’étaient les scénaristes qui, face à l’angoisse de la page blanche, avaient tout improvisé à la dernière minute. En résulte une fin amère en queue de poisson, une farce dont l’humour n’a pas fait rire grand monde et une machine à voyager dans le temps qui aura fini abandonnée dans un musée. Un assez bon symbole, au fond, d’une aventure qui s’est mal terminée.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 09/20
À trop prendre de risques, il arrive qu'on s'égare, et le fait est qu'Explora III : sous le signe du serpent est un jeu qui donne l'impression de ne pas trop savoir ce qu'il veut être, quelque part entre enquête confuse, exploration stérile, intrigue incompréhensible et difficulté insurmontable – oh, sans oublier un humour de blague Carambar qui amène parfois à se demander si la seule véritable farce n'est pas exercée à l'encontre du joueur. Maladroit dans son approche, qui consiste à passer 95% du temps de jeu à aller d'un point A à un point B en traversant des dizaines d'écrans où il n'y a rien à voir ni à faire, le titre se perd et s'essouffle jusqu'à réserver le thème normalement central du voyage temporel aux deux dernières minutes de l'aventure, avant une fin qui n'explique ni ne résout rien. Bref, un dernier épisode aussi déstabilisant que décevant, épitaphe peu flatteur pour la trilogie d'Infomédia. À réserver aux vrais, aux purs mordus de l'aventure graphique.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une notion de voyage dans le temps totalement reléguée au second plan – Une aventure qui ne semble jamais tout à fait décider si on fait face à une enquête ou à sa parodie... – ...et dont le scénario est, dans l'ensemble, totalement opaque – Énormément d'allers-et-retours fastidieux dans des rues où il ne se passe rien – Une gestion du temps qui ajoute encore une couche d'arbitraire à une difficulté déjà énorme – Toujours énormément d'occasions de mourir ou d'être bloqué sans avoir la moindre chance de l'anticiper – Et puis évidemment il faut un labyrinthe, hein !
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora III sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Explora III est […] une enquête, qui change complètement de ce qu’on a l’habitude de voir, et qui décevra forcément ceux qui s’attendaient à trouver le même état d’esprit que dans les premiers épisodes. […] Si vous êtes sensible à une certaine forme d’humour et que vous soyez (sic) un passionné des mystères à résoudre, vous vous amuserez certainement avec Explora III. »
Kaaa, Joystick n°11, décembre 1990, 87%
« Le scénario est intéressant mais souffre de deux défauts. Tout d’abord, les morts violentes et imprévisibles sont fréquentes (vous prenez de l’argent à un distributeur et un voleur vous tue ; vous fouillez une poubelle et vous vous faites agresser par un clochard, etc.). Ensuite, il faut souvent revenir chez soi au début pour prendre connaissance des dernières nouvelles. Et, si les décors des rues sont très variés, il n’y a en revanche rien à y glaner le plus souvent. »
Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 15/20
Version Amiga
Développeur : SARL Infomédia
Éditeur : 16/32 Diffusion SARL
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Français
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Mode graphique : OCS/ECS Système de protection de copie par consultation du manuel
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme les deux épisodes précédents, Explora III aura naturellement eu le droit à son adaptation sur Amiga (il est d’ailleurs possible que cette version soit en fait sortie quelques semaines après la version Atari ST ; comme souvent, les dates de parution mentionnées dans le pavé technique sont à prendre avec des pincettes).
Il y en a au moins un qui se marre, c’est déjà ça
On aurait pu espérer des illustrations tirant parti de la palette de la machine, comme dans Explora II, mais le fait est que si l’interface a gagné quelques couleurs (et est devenue plus imposante au passage), le reste des graphismes n’a pour ainsi dire pas bougé. Au rang des curiosités, on remarquera que le curseur de la souris est devenu énorme dans cette version, ce qui ne le rend hélas pas plus précis, mais pour le reste l’interface comme le déroulement du jeu n’ont pas changé d’un iota. Si, tant qu’à faire, on sera naturellement heureux de profiter d’une réalisation sonore un (tout petit) peu plus agréable, les faiblesses de l’aventure sont hélas restées exactement les mêmes, et on ne conseillera cet ultime opus qu’aux joueurs ayant juré de mener la trilogie jusqu’à son terme.
En-dehors de l’interface, les graphismes n’ont pas bougé
NOTE FINALE : 09/20
Explora III : Sous le signe du serpent est peut-être un chouïa mieux réalisé sur Amiga sur le plan sonore, mais ça ne change malheureusement pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même. Dans une aventure qui se limite pour l’essentiel à errer dans des rues parisiennes peuplées d’éléphants roses et de fakirs sur leur tapis volant, on s’ennuie ferme.
Version PC (DOS)
Développeur : SARL Infomédia
Éditeur : 16/32 Diffusion SARL
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS Modes graphiques supportés : CGA, EGA Carte son supportée : Aucune
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Au début des années 90, le PC était peut-être en train de se muer lentement en machine de jeu aux États-Unis, mais en Europe, il en était toujours au même point : en seize couleurs, et avec aucune carte son. Même si plusieurs indices indiquent que cette version a été réalisée à partir de l’itération Amiga – au hasard, la taille de l’interface ou encore celle du curseur, plus imprécis que jamais – il faudra ici se contenter de seize couleurs et pas une de plus – et pas question de bénéficier d’un mode haute résolution non plus, cette fois. Le résultat, comme toujours, offre des teintes beaucoup plus criardes que sur Amiga ou sur Atari ST, mais cela ne devrait pas choquer outre mesure les habitués de l’EGA. En revanche, on pourra se montrer surpris que certains détails aient disparu alors que la résolution n’a pas bougé (par exemple, on ne voit plus de lettre dépasser d’une boîte aux lettres dans le hall). Pour ce qui est de l’aspect sonore, les choses vont aller vite : il n’y en a pas – pas un bruitage, pas le plus infime « bip », rien du tout ! Autant dire que ces quelques pertes n’aident pas le jeu à se montrer plus agréable à parcourir, et qu’on réservera une nouvelle fois cette version DOS aux nostalgiques et à personne d’autre.
Les graphismes ont toujours un certain charme, mais ils y ont quand même laissé des plumes
NOTE FINALE : 08,5/20
Austérité obligatoire pour Explora III : Sous le signe du serpent sur PC. Avec des graphismes cantonnés à l’EGA basse résolution et une réalisation sonore réduite à néant, l’expérience déjà pas folichonne sur Atari ST et Amiga est encore inférieure ici. Sans doute pas la meilleure façon de découvrir un jeu qui a déjà pas mal de choses à se faire pardonner.
Développeur : Electronic Arts Canada Éditeur : Electronic Arts, Inc. Titre original :Need for Speed : Porsche Unleashed (Amérique du Nord) Testé sur :PC (Windows 9x) – PlayStation
À la fin du dernier millénaire, la série des Need for Speed était progressivement passée en quelques années du rang de « killer app de la 3DO » à un statut de véritable institution pour les joueurs PlayStation et PC, quelque part entre le rendez-vous annuel incontournable et le benchmark de luxe pour étrenner sa dernière carte accélératrice tout en goûtant l’efficacité d’une licence qui n’aura jamais fait l’erreur de basculer du côté de la simulation plutôt que de celui de l’accessibilité.
Attendez-vous à passer beaucoup de temps à acquérir et à perfectionner vos voitures
Du côté des joueurs, le cahier des charges pour chaque futur épisode était clair : davantage de la même chose, en plus beau, en plus long, en plus fun ; mais il faut bien reconnaître que la barre devenait de plus en plus difficile à relever pour les développeurs, qui sentaient confusément que le moment où la saga allait être accusée de tourner en rond sans l’embryon d’une idée neuve était voué à s’approcher – au hasard, à la seconde précise où la réalisation technique ne suffirait plus à combler toutes les attentes. Mine de rien, la prise de risque s’avérait d’autant plus délicate que les joueurs, quoi qu’ils en disent, n’aiment pas les surprises : on se souvient à quel point Need for Speed II sera longtemps resté comme le mouton noir de la licence pour avoir osé mettre entre parenthèses certaines des bonnes idées du premier opus – qui allaient, en réaction, devenir des acquis de la série. Alors quand Electronic Arts annonça un partenariat avec Porsche pour développer un jeu exclusivement centré sur la célèbre firme allemande, la question ne manqua pas d’émerger : Need for Speed : Porsche 2000 allait-il être l’épisode du renouveau, celui de la trahison, ou bien le parfait équilibre entre tout ce qui marchait déjà enrichi de quelques apports bien sentis ?
Le grand retour des balades à deux-cents à l’heure en voiture de luxe !
En dépit des très nombreuses avancées technologiques qui avaient déjà eu lieu depuis que Ridge Racer et Daytona USA avaient arrêté les bases de ce qu’allait être le genre de la course en 3D, la plus spectaculaire progression observée depuis le milieu des années 90 – et notamment depuis l’irruption d’un concurrent de taille nommé Gran Turismo – portait un autre nom : le contenu. L’ère des jeux de course articulés autour de trois circuits et d’une poignée de voitures était bien terminée, et les joueurs commençaient à nourrir des prétentions autrement plus ambitieuses au moment de dépenser leur argent durement gagné que de composer avec des courses simples et un mode « Time trial » à refaire en boucle.
Pour trouver les meilleurs trajets, il ne faut pas hésiter à sortir des sentiers battus
Première constatation : Porsche 2000 s’ouvre avec un contenu un peu chiche – quatre circuits, une poignée de voitures – que l’éventail des options de configuration disponibles (mode miroir, mode inversé, présence ou non du trafic) aide certes à rendre un peu plus consistant mais qui nous révèle surtout que cette version PC aura cédé à une tendance déjà bien ancrée dans les itérations PlayStation de la saga : celle du contenu à débloquer. Pour ce faire, on pourra commencer par étrenner un mode « Pilote d’essai » qui fera en quelque sorte office d’entraînement scénarisé : pour gravir les échelons au sein des techniciens de la célèbre firme, il va falloir accomplir une série de défis de plus en plus relevés qui seront une excellente occasion de se familiariser avec la jouabilité du titre. Laquelle se veut d’ailleurs un peu plus réaliste que d’habitude, afin de mieux retranscrire les sensations des très nombreux véhicules – plus d’une soixantaine – que le joueur va être amené à pouvoir piloter au fil du jeu (nous y reviendrons). Quoi qu’il en soit, cette mise en bouche sera un très bon moyen de s’assurer d’être armé des réflexes essentiels pour pouvoir attaquer LE gros morceau du jeu : le mode « Évolution ».
La vitesse et les sensations de course peuvent énormément changer d’un véhicule à un autre
Derrière ce nom pompeux se cache en fait un programme suffisamment ambitieux pour donner une raison d’être au partenariat avec Porsche : celui de couvrir plus de cinquante ans d’histoire de la firme, depuis les voitures de l’immédiat après-guerre jusqu’aux modèles les plus récents du siècle dernier (on parle d’un jeu paru en 2000, comme son nom l’indique). Rassurez-vous, l’idée ne sera pas de vous installer devant un tableau noir pour vous questionner sur les dates et la mécanique, mais bien de reprendre le format du mode carrière de Conduite en état de liberté tout en l’étalant sur trois périodes historiques données.
On retrouve les grands classiques de la série, comme le niveau enneigé
Le concept est simple : chaque « ère » de la firme est composée de cinq ou six championnats courts, composée de deux à trois course au début avant de proposer des formats un peu plus longs par la suite, et engageant généralement des gammes spécifiques de voitures, ce qui vous obligera à investir l’argent gagné sous formes de primes au terme de vos courses pour acheter et améliorer de nouveaux véhicules. L’élément central de votre activité sera en effet le garage qui contiendra votre collection sans cesse croissante de Porsche de toutes les époques, et où il vous sera possible de paramétrer les réglages de vos bolides, de les réparer après une course heurtée (car les dégâts sont gérés), mais aussi et surtout de les améliorer grâce à une large sélection de pièces détachées qui aideront à booster les performances de vos précieux engins. Chaque « ère » terminée débloquera trois nouveaux circuits dont une variation du seul parcours situé en ville, celui de Monte Carlo, qui offrira à lui seul pas moins de cinq tracés différents à terme. Ces circuits (étrangement tous situés en France, sauf deux portant des noms génériques allemands) deviendront ensuite accessibles dans tous les autres modes de jeu, dont le multijoueur.
Toutes les vues sont jouables, avec des caméras bien placées
Le menu semble copieux, et de fait il faudra bien compter cinq ou six heures de jeu avant d’avoir accès à l’essentiel du contenu du titre – et encore bien davantage pour espérer débloquer toutes les voitures. Du côté de ce qui fera immédiatement consensus : la réalisation. Quoi qu’on puisse penser de la 3D de l’an 2000, le fait est que Porsche 2000 en est un des représentants les plus aboutis, et qu’à peu près tout ce que pouvait afficher une carte accélératrice de la période est présent à l’écran, parfois avec de très bons résultats, notamment lors du circuit de Monte Carlo où les éclairages nocturnes conservent un cachet certain.
On a toujours droit aux replays pour voir la course sous tous les angles
Les courses de rallye en extérieur semblent souvent plus vides au niveau des décors, mais elles ont l’avantage de proposer de nombreux chemins alternatifs et autres raccourcis qui font qu’il vaut mieux prendre le temps de considérer le tracé de la course pour avoir une idée de ce que pourra être le trajet idéal. Bien évidemment, les raccourcis les plus avantageux sont aussi les plus difficiles d’accès, et chercher à s’aventurer dans les petites ruelles ou au travers d’un sentier de forêt à fond les ballons demandera une maîtrise technique certaine pour ne pas finir encastré dans le décor et perdre au final bien davantage de temps qu’on en aura gagné – avec en plus la douloureuse des réparations à régler en fin de course. Mais dans l’ensemble, les trajets sont assez bien vus et recèlent juste ce qu’il faut de petits coups de poker à tenter dans les situations désespérées pour s’avérer particulièrement jouissifs en multijoueur.
La grande majorité des circuits a beau être située en France, on ne peut pas dire qu’on reconnaisse franchement les régions représentées
Au rang de ce qui fera un peu moins plaisir, il est justement temps d’aborder un des plus grands manques dudit mode multijoueur, justement : les courses-poursuites. On peut comprendre que Porsche n’ait pas forcément eut envie de mettre ses voitures en scène comme celles de fugitifs pourchassés par les forces de l’ordre, mais il s’avère que l’un des modes iconiques de la série – particulièrement depuis Need for Speed III – est ici purement et simplement absent, ce qui est d’autant plus dommageable que c’était l’un des modes les plus prenants à plusieurs, et même en solo.
Le petit pont de bois, autre grand habitué de la licence
On se retrouve donc cantonné à la bonne vieille course plan-plan où les joueurs connaissant les tracés par cœur mettront une minute dans la vue aux néophytes, et c’est à prendre ou à laisser. On pourra également regretter que les premiers véhicules du jeu se traînent, dans un louable soucis de réalisme, ce qui fait que les premières courses donnent vraiment le sentiment de rouler au ralenti – pour un jeu de course, c’est quand même dommage, même si les choses s’améliorent rapidement et que la vitesse redevient tout à fait satisfaisante à partir du deuxième tiers de la campagne. Reste la question de la conduite qui se veut réaliste et qui échoue à l’être, sauf à croire que les véhicules de la célèbre marque souffriraient tous d’un grave problème de survirage aboutissant systématiquement à une perte de contrôle dès l’instant où le pilote ferait l’erreur d’assumer le réflexe naturel de contre-braquer, ce qui lui vaudrait alors systématiquement de partir en tête-à-queue quel que soit le modèle et sa vitesse. Un détail quelque peu énervant qui peut heureusement être corrigé à force de tâtonnements dans les réglages, mais sachant que la moindre collision peut facilement vous faire perdre une bonne quinzaine de secondes, autant dire qu’on s’agace parfois d’avoir le sentiment de contrôler des caisses à savon plutôt que des voitures de luxe.
Le mode « Pilote d’essai » demandera rapidement de parfaitement maîtriser les subtilités de la conduite
Ces quelques écueils empêchent à mon sens Porsche 2000 de pouvoir s’affirmer sans discussion comme le meilleur épisode de la pentalogie originale – même s’il faudra de toute façon lui reconnaître a minima qu’il n’en est vraiment pas loin. On aurait pu apprécier de ne pas avoir à débloquer les circuits, ou au moins de démarrer avec une sélection un peu plus large, mais cela reste assez subjectif à une ère où le contenu à débloquer commençait à représenter une norme établie.
Méfiez-vous des longues lignes droites, car elles annoncent souvent des virages serrés difficiles à aborder à grande vitesse
La réalisation a forcément pris un petit coup de vieux – la 3D a fait beaucoup de progrès en 25 ans, et la faiblesse des textures transformées en bouillie par l’omniprésent filtrage bilinéaire est sans doute un des aspects les plus reconnaissables de cette période. Néanmoins, le mode solo reste sans discussion l’un des plus solides des cinq premiers opus, et si le multijoueur est un peu moins satisfaisant, on se doute que ceux qui s’y essaieront aujourd’hui le feront principalement par nostalgie de cette ère du réseau local où s’éclater à huit demandait de se réunir dans une pièce, chacun avec sa tour, son écran et ses périphériques, pour passer des week-end dantesques au grand désespoir des familles. Tout n’est pas parfait, et la conduite est sans doute l’aspect qui fait le moins illusion aujourd’hui, mais on n’en hérite pas moins d’un des meilleurs jeux de course du XXe siècle à l’échelle du PC, un dans lequel on peut encore facilement engloutir plusieurs heures dès l’instant où l’on commence à se laisser happer.
Vidéo – Course : Monte Carlo 1 :
NOTE FINALE : 18,5/20
le cinquième épisode de la saga des Need for Speed surprend peut-être peu, mais il ne déçoit pas beaucoup non plus. Cette fois intégralement orienté intégralement autour de la célèbre marque allemande, Need for Speed : Porsche 2000 appuie sur les points forts habituels de la saga (réalisation de pointe, jouabilité accessible, multijoueur par internet ou en réseau local) tout en variant les modes de jeu et en épaississant le contenu : avec une soixantaine de véhicules customisables à piloter et quatorze courses à parcourir, sans oublier les options en pagaille (mode reverse, miroir, trafic...), il ne manque que les courses-poursuites avec la police pour offrir à la pentalogie originale son magnum opus. Certains diront que la durée de vie est artificiellement allongée par la nécessité de débloquer le contenu et que le multijoueur a pris du plomb dans l'aile – et ils n'auront pas nécessairement tort. Reste qu'en solo, c'est toujours aussi efficace, à condition d'accepter l'expérience dans son ensemble avec ses quelques lourdeurs. Parfait ? Non, toujours pas, mais on reste dans le sommet du panier de ce que le XXe siècle a pu offrir en la matière.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Seulement quatre circuits disponibles au départ, avec plusieurs heures de jeu à prévoir avant d'en débloquer de nouveaux – Plus de courses-poursuites avec la police... – ...ce qui pénalise hélas un multijoueur dont c'était l'attraction principale – Une conduite un peu flottante qui réserve parfois de mauvaises surprises dans les virages
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Need for Speed : Porsche 2000 sur un écran cathodique :
Version PlayStation
Développeurs : Eden Studios – Étranges Libellules S.A. – Equinox Digital Entertainment
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 24 mars 2000 (Amérique du Nord) – 23 juin 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 – 1 à 4 (avec le PlayStation Multitap)
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 à 3 blocs)
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Petit détail d’importance au moment d’aborder Porsche 2000 sur PlayStation : bien que portant le même nom et assumant exactement la même philosophie que l’épisode développé et publié simultanément sur PC, il ne s’agit pas d’un portage du même jeu.
Le nombre de véhicules à piloter est toujours aussi impressionnant
En fait, et pour clarifier les choses, on pourrait dire qu’il s’agit globalement du même menu, avec les mêmes modes de jeu, mais que le cuisinier n’est pas le même – en l’occurrence, c’est l’équipe lyonnaise d’Eden Studios qui aura hérité du bébé, avec l’aide d’une autre équipe lyonnaise, celle d’Étranges Libellules. Face à la cuisine américaine, privilégiez la cuisine française ! Vous n’aurez d’ailleurs sans doute que peu de raisons de le regretter, car comme on va le voir, cette production franco-française s’est très bien débrouillée avec les ingrédients qu’on lui a confiés.
Ce n’est pas la 3D qu’offrait un PC de 2000, mais à mes yeux ça a plutôt mieux vieilli
Première bonne surprise : les modes de jeu. Non seulement tout ce qui était disponible sur PC (mode « Évolution » et mode « Pilote d’essai » inclus) est toujours présent – à l’exception du multijoueur en réseau local, naturellement, même si on remarquera qu’on peut malgré tout jouer à quatre en écran splitté – mais en plus, cette version corrige même certains manques, puisque la poursuite signe son grand retour, accompagnée d’un mode « Fanion » (sorte de capture du drapeau) assez mal fichu en solo mais déjà plus ludique entre humains !
La modélisation des voitures est excellente
Mine de rien, le principal point faible de la version PC (la faiblesse du mode multijoueur) est ici compensé en beauté, même si on pourra regretter que le mode « Poursuite », justement soit aussi limité : la course se finit dès l’instant où la voiture de police touche celle des fugitifs. Le mode « Évolution » propose sensiblement les mêmes possibilités que sur PC, moins celle d’acheter des pièces pour customiser et améliorer nos petits bolides, mais on remarquera une latitude accentuée dans le choix de l’ordre des épreuves – et dans celui de leur difficulté. Les circuits sont complètements différents de ceux de la version PC (même si certains portent les mêmes noms), et s’ils sont dans l’ensemble bien conçus, ils font nettement moins la part belle aux raccourcis et aux routes alternatives que sur Windows (ce qui ne veut pas dire que ceux-ci n’existent pas).
Approche d’un virage serré au Japon
En revanche, ils ressemblent cette fois enfin aux régions dont ils portent le nom (et ne sont plus limités à la France et à l’Allemagne, désormais, puisque l’Écosse, le Japon ou les États-Unis répondent présents), et même s’il s’agit toujours de versions de carte postale, ça fait quand même plaisir. Autre petit détail bien vu : la musique s’adapte cette fois à l’ère historique traitée, ce qui fait que la bande sonore évoluera depuis du rock des années 40 jusqu’à du hip-hop contemporain. En revanche, au rang des pertes, de nombreuses options de configuration ont sauté, ce qui signifie par exemple qu’il n’est plus question de rouler au milieu de la circulation ici alors qu’il s’agit normalement d’une des marques de fabrique de la série.
Au moins, la Côte d’Azur ressemble à peu près à la Côte d’Azur, cette fois !
L’autre bonne surprise, c’est que les programmeurs et les artistes français sont parvenus à développer un moteur 3D qui peut revendiquer avec une certaine fierté d’être le meilleur de la saga sur PlayStation, et probablement un des tout meilleurs de la console toutes catégories confondues. Évidemment, c’est nettement moins fin que sur PC, les textures sont plus grossières et il y a un peu de clipping dans l’affichage du décor ; par contre, on évite également l’aspect « soupe de pixel » du filtrage bilinéaire, la distance d’affichage est excellente, et surtout, la sensation de vitesse est encore bien meilleure que sur PC !
Il y a toujours de nombreuses heures à engloutir sur le mode « Évolution »
Le jeu va vite dès les premiers modèles, cette fois, et c’est carrément décoiffant – j’irais même jusqu’à dire que ça va parfois trop vite – avec la dernière génération de voitures. Plus besoin de passer une heure à enchaîner des courses qui se trainent avant d’arriver dans le vif du sujet, et ça fait quand même une grosse différence. Je vous laisse observer les images : ça a vraiment de la gueule pour la période et la machine concernées, et si vous voulez voir à quelle vitesse ça bouge, de nombreux extraits de gameplay sont disponibles dans la vidéo de l’écran-titre à l’ouverture du test de cette version. En résumé : c’est beau, c’est jouable, le contenu est au moins aussi bon – et même parfois meilleur – que sur PC et le multi est un des meilleurs de la console en ce qui concerne les jeux de course. Dommage, en revanche, qu’il faille tirer un trait sur la circulation et que les modes de jeu additionnels soient aussi décevants. Les courses deviennent également réellement difficiles à bord des véhicules les plus rapides, multipliant les angles droits et les épingles à cheveux à des vitesses qui demandent des réflexes surhumains pour ne pas finir dans le décor. Bref, ce n’est pas encore parfait, mais cela reste un titre extrêmement solide qui peut composer une alternative tout à fait valable à la version PC du jeu – et j’avoue avoir un peu de mal à cerner pourquoi une partie de la presse s’était acharnée sur le titre à sa sortie en en faisant le mouton noir de la série jusqu’à critiquer son moteur graphique pour des raisons qui m’échappent. Vous savez quoi ? Dans le doute, essayez-le.
NOTE FINALE : 18,5/20
Need for Speed : Porsche 2000 sur PlayStation réussit à affirmer sa personnalité propre comparé à la version PC, et propose à la fois une réalisation et un contenu solides tout en ne visant pas toujours juste dans ses possibilités, notamment à cause de courses mal pensées pour les voitures les plus rapides et de modes « Poursuite » et « Fanion » qui auraient mérité un peu plus de réflexion. Cela reste néanmoins un des meilleurs jeux de course de la console, particulièrement à plusieurs.
Développeur : SARL Infomédia Éditeurs : 16/32 Diffusion SARL (France) – Psygnosis Limited (Amérique du Nord, Europe) Titre alternatif :Chrono Quest II (International) Testé sur :Atari ST – Amiga – PC (DOS)
Date de sortie : Avril 1989 (France) – Juin 1990 (International)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ double face (x3)
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Installation sur disque dur supportée Système de protection de copie par consultation du manuel
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Demandez à n’importe quel auteur de science-fiction (au hasard : moi) et vous obtiendrez sans doute toujours à peu près le même commentaire : le thème du voyage temporel est virtuellement inépuisable. Entre la variété des ères et des cadres, la multitude de séquences historiques célèbres et de personnages qu’il n’est même pas nécessaire de présenter, les petites phrases, les grands drames, les questions auxquelles personne n’aura jamais la réponse, c’est un peu comme une énorme boîte à bonbons dans laquelle il n’y a qu’à puiser avec gourmandise.
On va voir du pays, et c’est tant mieux car c’est exactement ce qu’on était venu chercher
Ajoutez-y les paradoxes temporels et autre incongruités scientifiques, sortes de machine à produire des retournements de dernière page, et vous obtiendrez l’équivalent du cheat code des scénaristes en manque d’inspiration. Autant dire qu’Explora avait à peine eu le temps de débarquer dans les étals et dans les rédactions qu’il était déjà établi que les développeurs d’Infomédia disposaient d’une matière plus ou moins inépuisable pour transformer l’aventure graphique qui avait enthousiasmé les joueurs en une longue série sans même avoir à se creuser les méninges pour imaginer des situations intéressantes. On sent d’ailleurs que la réflexion n’aura pas duré des semaines au moment d’établir les bases scénaristiques d’Explora II : après être parvenu à mettre la main sur l’assassin de son oncle à la fin du premier opus, qu’est-ce qui pouvait bien pousser le héros (et donc le joueur) à repartir dans le temps ? Réponse imparable : au moment de retourner dans le « présent » de 1922, la machine temporelle connaît un dysfonctionnement, et notre aventurier malgré lui se retrouve donc coincé à une ère et à un endroit inconnus en quête de ce qui sert de carburant à Explora : des métaux, lesquels vont bien évidemment le balader à travers quantité de périodes différentes avant qu’il ne puisse parvenir à rentrer chez lui. Simple. Efficace.
Enfin un peu de dépaysement, ça nous avait manqué !
Quelques esprits pointilleux pourront faire remarquer que même un point de départ aussi simple soulève une ou deux questions pertinentes, comme par exemple de savoir ce qu’est devenu le domestique que vous vous étiez donné tant de mal à dénicher quelques mois plus tôt, mais qu’importe : le prétexte est valide, la mission est claire, et tout le monde n’attend que de savoir si ce deuxième épisode parvient à faire au moins aussi bien que son prédécesseur. Une chose est rapidement sûre, cependant : l’équipe de développement aura remis le couvert avec une ambition indéniable, et même si personne n’attendait alors de révolution majeure dans une formule qui marchait déjà très bien, cela n’aura pas empêché Marc Fajal, Michel Centelles et leurs confrères de revoir un peu leur copie, quitte à prendre quelques risques dans la manœuvre.
À pied, à cheval ou en bateau, cette fois, il va y avoir du chemin à parcourir
Il suffit d’ailleurs de poser un œil sur l’interface dès les premières secondes de la partie pour réaliser qu’un grand nettoyage a été réalisé au sein des innombrables icônes à la signification pas toujours très claire qui permettaient au joueur d’interagir avec le monde. Désormais, il ne reste plus que quatre actions : prendre, déposer, observer et utiliser. Une simplification salutaire qui permet enfin de se concentrer sur l’essentiel, et que l’on retrouve d’ailleurs à d’autres niveaux. Les déplacements ? Oubliez la rosace, ses huit directions et cet aspect « monde semi-ouvert » où il était impossible d’établir où l’on pouvait aller sans expérimenter méthodiquement toutes les possibilités ; désormais, les mouvements se limitent à « avancer » et « reculer ». C’est peut-être plus limité, mais c’est aussi infiniment plus ergonomique, et on ne peut que saluer l’équipe d’Infomédia d’avoir eu la clairvoyance de comprendre, à une époque où c’était encore loin d’être une évidence, que parfois, moins, c’est mieux.
De la violence !
Ceci dit, prétendre que l’on peut faire moins de choses dans Explora II que dans le premier épisode serait largement mensonger. Les différentes ères à visiter sont peut-être plus petites (rarement plus de trois ou quatre écrans, parfois un seul), mais elles sont également beaucoup plus nombreuses : treize au total. Et si la narration en elle-même est toujours très limitée, la possibilité de discuter avec divers personnages pour glaner des informations ou faire avancer l’intrigue a cette fois été intégrée, et en mettant les petits plats dans les grands.
De l’érotisme !
Jugez plutôt : non seulement les conversations offrent des options de dialogue, mais les personnages qui vous répondent le font via des voix digitalisées, lesquelles vous seront interprétées par des comédiens du Théâtre de la Rencontre ! L’occasion de contester l’affirmation selon laquelle Sierra On-Line aurait été la première compagnie à engager des acteurs professionnels pour réaliser les doublages de ses jeux, même s’il s’agit ici vraisemblablement d’acteurs semi-professionnels et que leur contribution se limite à une poignée de phrases. Quoi qu’il en soit, la réalisation est une nouvelle fois à la hauteur, et Fabien Begom n’ayant pas chômé pour proposer des environnements détaillés bénéficiant parfois d’animations (une nouveauté comparé au premier opus), l’écrin semble à la hauteur des espoirs placés en lui. Seul petit regret dans ce concert de louanges : il n’y a toujours pas de musique à l’exception de quelques jingles très ponctuels, et cette fois s’essayer à la version internationale n’y changera rien.
La réalisation est toujours aussi soignée
Mais que vaut l’aventure en elle-même ? Comme dans Explora premier du nom, le récit à proprement parler est limité à sa portion congrue : l’objectif est de trouver des objets métalliques, de les ramener à votre machine à voyager dans le temps pour découvrir où ils vous enverront – et surtout d’établir dans quel ordre il faudra explorer les destinations qui s’offrent à vous, chaque voyage étant un aller simple. Les personnages auxquels vous avez le droit de parler constituent plus des énigmes à part entière que des pourvoyeurs d’indices, et il est toujours extrêmement facile d’être bloqué ou de trouver la mort ; préparez-vous donc à faire de nombreuses sauvegardes et sous plusieurs noms si vous voulez avoir une chance de mener l’aventure à son terme. En-dehors de beaucoup d’énigmes qui ne reposent que sur l’expérimentation tous azimuts, on remarquera plusieurs détails quant à la narration en elle-même.
Un garde du cardinal ? Si vous avez une épée dans votre inventaire, montrez-lui qui commande, ici !
Déjà, pour une raison quelconque, le voyage temporel est ici strictement limité à un contexte européen puisant abondamment dans la mythologie gréco-romaine, avec en guise de plat de résistance un long passage dans une France de Louis XIII débordant de références aux Trois mousquetaires et un passage plus tardif par la chanson de Roland qui donnent à l’épopée un caractère très franco-français qui aura probablement laissé pas mal de joueurs à l’international perplexes. « French touch » oblige, on note également un recours à un érotisme léger gravitant autour des personnages de Milady et de Circée, qui pourra vous valoir la vision d’une paire de seins, une scène d’amour torride (mais pudiquement hors-champ) ou encore la possibilité de finir transformé en cochon (ça vous apprendra à jouer au malin !). Dans l’ensemble, la progression se fait donc toujours largement dans le brouillard sans pouvoir compter sur le moindre indice, mais le fait que les possibilités aient été « recentrées » permet de se sentir un peu moins perdu lorsque l’on commence à se demander quoi faire.
On a cette fois le droit à de véritables interlocuteurs, et intégralement doublés, ce qui n’est pas rien
Il en résulte néanmoins une aventure qui, en dépit de la modernité de sa technique et de son interface, est toujours pleinement inscrite (on pourrait presque dire « engluée ») dans les mécanismes de l’aventure à l’ancienne. Quitte à voir autant de choses, on aurait bien aimé passer un peu plus de temps sur chaque écran et avoir davantage de personnages à rencontrer que la petite poignée avec laquelle on est autorisé à échanger deux phrases. Les voix digitalisées, c’est chouette, mais un peu plus de matière dans les dialogues plutôt que de consacrer toutes ces données aux fichiers sonores, ça aurait été bien aussi…
« Salut, Jésus, je te fais juste un coucou parce qu’en fait je ne viens que pour te piquer tes bougies. »
On aurait également apprécié de véritables énigmes plutôt que cette chasse aux objets et l’expérimentation en guise de seul recours (comment deviner qu’une clef trouvée sur une porte à une époque donnée va rouvrir une autre porte plusieurs siècles plus tard ?), mais dès l’instant où l’on accepte les ficelles de l’aventure graphique et leurs inévitables limites, Explora II est à n’en pas douter un des meilleurs représentants du genre, un des plus agréables à parcourir et un des plus simples à prendre en main. Oui, c’est une longue balade avec beaucoup d’impasses, et qui se finit sans tambour ni trompette ni même un vague message de félicitations par un écran repris du premier opus sur lequel on a rajouté les mots « The end » ; c’est un peu court, jeune homme ! Mais dans tous les cas, il y réside encore une partie de ce savoir-faire, de ce culot et de cette naïveté qui faisaient le charme de la production vidéoludique de la fin des années 80. Jouer à Explora II, c’est un peu comme croiser un bon ami : rien de ce qu’il pourra dire ou faire ne risque de nous surprendre et il radote un peu parce qu’on le connait par cœur, mais hé, ça fait quand même plaisir de le revoir.
Vidéo – Dix minutes de jeu :
NOTE FINALE : 14/20
Après un premier épisode encourageant, Explora II était attendu au tournant pour parvenir à reproduire l'aventure temporelle en la renouvelant sans pour autant la trahir. La bonne nouvelle, c'est que l'équipe d'Infomédia aura su prendre les bons risques pour offrir un jeu techniquement toujours aussi réussi mais en se montrant à la fois plus ergonomique, plus varié, plus cohérent et mieux écrit. En résulte un parcours plaisant où il faudra certes une nouvelle fois beaucoup expérimenter – et beaucoup échouer – mais qui respire l'ambition, avec ses dialogues doublés, ses animations et sa dizaine d'époques à visiter. Le tout pourrait bénéficier d'encore un peu plus de chair, d'un peu plus de profondeur et d'un peu moins d'opacité dans le déroulement, mais à l'échelle de 1989, c'était clairement le haut du panier. Le logiciel restant agréable à découvrir, et étant bien évidemment intégralement en français, il serait dommage de ne pas l'essayer. L'aventure graphique à son sommet.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Toujours quelques énigmes particulièrement tirées par les cheveux... – ...et un déroulement qui nous laisse dans le flou d'un bout à l'autre de l'aventure – Une fin très décevante
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora II sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« La réalisation est particulièrement soignée. Les dessins sont superbes, très colorés et parfois animés. Dans certaines scènes, bruitages ou paroles digitalisés complètent l’ambiance. Le scénario est très ardu et je gage qu’il vous faudra de nombreuses heures pour venir à bout de cette nouvelle aventure copieuse à souhait. »
Date de sortie : Septembre 1989 (France) – Juin 1990 (International)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Mode graphique : OCS/ECS Système de protection de copie par consultation du manuel
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme son prédécesseur, Explora II sera d’abord sorti sur Atari ST avant d’être suivi, une poignée de mois plus tard, par la version Amiga (et, pour la première fois, par la version DOS). On sera heureux de constater que ce portage ne se sera pas limité à une simple reprise du code original en modifiant juste le thème musical de l’écran-titre : les développeurs d’Infomédia ont une nouvelle fois mis le temps à contribution pour peaufiner cette itération, et si les nouveautés ne sont plus à aller chercher du côté de l’interface, déjà très bonne, ils se situent bel et bien du côté de la réalisation. Côté sonore, le rendu est naturellement meilleur (une quasi-constante dans la lutte entre l’Amiga et l’Atari ST), même si on ne peut pas dire que la différence soit renversante non plus.
le déroulement du jeu n’a pas changé. Tiens, je suis encore mort !
En revanche, on remarquera que les illustrations du jeu ont été retouchées pour bénéficier de la palette étendue de la machine. Encore une fois, ce n’est pas toujours spectaculaire (une teinte en plus par-ci par-là, comme dans le village de la première ère où le rideau de la hutte à droite de l’écran est devenu rouge), mais le résultat reste appréciable et se ressent parfois vraiment sur certains écrans. Même la fenêtre de jeu semble mieux fignolée, avec un logo « Explora II » qui vient remplacer les flèches de déplacement lorsque vous ne pouvez pas progresser dans une direction. Bref, sans métamorphoser en rien l’expérience, cette itération reste un tout petit peu plus agréable à parcourir que la version ST, alors si vous hésitez entre les deux versions, autant opter pour celle-ci.
C’est plus coloré, c’est indéniable, même si on sent bien que la puce Denise n’est pas poussée dans ses derniers retranchements
NOTE FINALE : 14,5/20
Cela se joue à quelques détails, mais le fait est que l’itération Amiga d’Explora II est globalement un peu mieux réalisée et un peu mieux finie que son alter ego sur Atari ST. Vraiment pas de quoi lancer sa copie originale du jeu à la poubelle dans un accès de rage, mais à tout prendre, c’est bel et bien sur la machine de Commodore qu’on trouve la meilleure version du jeu.
Les avis de l’époque :
« Explora II version Amiga offre au joueur un contexte sonore et graphique de grande qualité. […] On ne souffre pas ici des nombreux changements de disquette qui pouvaient gêner le joueur Atari (NdRA : il est probablement fait référence ici à une version ST tenant sur des disquettes simple face, la version double face tenant sur une disquette de moins que la version Amiga et ne nécessitant pas de changements intempestifs). […]Explora II séduira tous les aventuriers de l’imaginaire. »
Olivier Hautefeuille, Tilt n°69, septembre 1989, 17/20
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS Modes graphiques supportés : CGA, EGA (640×200) Carte son supportée : Aucune
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Le premier Explora avait un temps été annoncé sur PC, mais quelles qu’en aient été les raisons, le portage n’avait finalement jamais vu le jour. Pour Explora II, cette fois, l’adaptation aura bel et bien été réalisée – « avec les moyens du bord », serait-on tenté de dire, tant la machine d’IBM n’était pas encore tout à fait équipée pour être une machine de jeu en 1989, surtout en Europe où le VGA et la carte son AdLib étaient encore des vues de l’esprit plus que des phénomènes manifestes. Signe des temps, cette version est d’ailleurs la seule à être jouable au clavier, la souris n’étant appelé à devenir un périphérique commun sur PC qu’autour de la sortie de Windows 3.0.
On ne peut pas faire de la plaisance peinard ?
Niveau sonore, c’est le haut-parleur interne qui s’y colle, pour un rendu honnête mais qui reste naturellement à des années lumière de ce qu’étaient capables de produire l’Amiga et l’Atari ST. Le choix le plus surprenant est cependant à chercher du côté des graphismes, où on aurait pu s’attendre à un simple changement de palette depuis la version ST (qui n’employait que seize couleurs, comme l’EGA), mais on se retrouve dans les faits avec d’un côté une version CGA en noir et blanc et de l’autre une version EGA en seize couleurs, toutes les deux en haute résolution. Enfin, pour être plus précis, la version EGA affiche une interface en basse résolution et une fenêtre de jeu en haute résolution ; le résultat est tout à fait correct sans qu’on puisse affirmer pour autant que le gain en finesse représente une véritable plus-value : ça reste bien moins coloré que dans les autres versions, même s’il faut juger du rendu sur un écran cathodique pour se faire une idée de la véritable valeur du procédé, où le résultat est alors tout de suite plus convaincant qu’avec l’image hyper-précise des écrans actuels. Reste qu’en dépit des efforts déployés, cette version reste techniquement inférieure aux deux autres – elle s’avère même moins précise, prendre un objet demandant souvent un clic au pixel près. Autant dire que si découvrir le jeu sur PC n’est pas une corvée, ce n’est pas l’option conseillée dès l’instant où on a accès aux autres versions, tout simplement mieux réalisées.
En plissant les yeux, ça fait presque illusion, mais pourquoi ne pas avoir également affiché l’interface en haute résolution ?
NOTE FINALE : 13,5/20
On peut prendre le problème dans n’importe quel sens, Explora II sur PC est simplement un peu moins agréable à parcourir que sur Amiga et Atari ST, la faute à une réalisation graphique et surtout sonore qui, sans être honteuse, se révèle tout simplement inférieure. À moins d’avoir prêté serment de ne jouer que sous DOS, le mieux est peut-être d’aller découvrir le jeu sur une autre machine.
Bonus – À titre de comparaison, voici ce que peut offrir le rendu du mode EGA haute résolution sur divers écrans cathodiques :
Développeur : Yosemite Entertainment Éditeur : Sierra On-Line, Inc. Titre original :Quest for Glory V : Dragon Fire (États-Unis) Titres alternatifs :Quest for Glory V : Drachenfeuer (Allemagne), Quest for Glory V: Fogo do Dragão (Brésil), 영웅의 길 V: 용의 불꽃 (Corée) Testé sur :PC (Windows 9x)/Macintosh Disponible sur : Windows Présent dans la compilation :Quest for Glory 1-5 (Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Date de sortie : Décembre 1998 (Amérique du Nord) – Février 1999 (Europe) – Novembre 2000 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, portugais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s) Configuration graphique : DirectX : 5 – Résolution : 640×480
Version Macintosh : Processeur : PowerPC 601 120MHz – OS : System 7.5 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s)
Vidéo – L’introduction et l’écran du jeu :
À la fin du dernier millénaire, beaucoup d’histoires étaient en train de toucher à leur fin. Pour Sierra On-Line, qui avait bâti pratiquement toute la sienne autour des jeux d’aventure, il était temps de reconnaître que le genre ne se portait pas bien. Pas bien du tout. Au terme d’une brève phase d’euphorie qui avait laissé croire à un avenir radieux pour les fameux FMV, les jeux remplis de vidéos, après le succès commercial de Phantasmagoria, le soufflé était vite retombé pour abandonner le point-and-click face à une révolution à laquelle il était mal préparé : l’arrivée de la 3D.
Votre feuille de personnage n’a pas bougé depuis le dernier épisode
Des séries aussi prestigieuses que King’s Quest, Gabriel Knight ou même Monkey Island se seront cassé les dents sur la troisième dimension, s’efforçant de revisiter leur gameplay et leur réalisation pour des résultats que l’on qualifiera poliment de « mitigés », au point de provoquer ce qu’ont pensait être la mort définitive de toutes ces licences (en fait, souvent une très longue parenthèse pour la plupart d’entre elles). L’aventure, dorénavant, se nommait Tomb Raider ou Resident Evil, elle contenait beaucoup plus d’action que de réflexion, et la concurrence devait s’adapter ou mourir, n’en déplaise aux adeptes nostalgiques des vieilles formules qui avaient encore cours quelques années plus tôt et qui se faisaient alors de plus en plus rares. Autant dire que les espoirs de voir réapparaître un jour le héros de Quest for Glory pour reprendre ses aventures là où il les avait laissées étaient maigres, mais à en croire la créatrice de la saga, c’est bien la mobilisation et les lettres indignées des fans qui auront permis la matérialisation de Quest for Glory V : Le souffle du dragon – un épisode qui ne nourrissait pas l’ambition de relancer la licence, mais plutôt de lui offrir une dernière occasion de faire ses adieux. La mission était donc claire : tout ce que Shadows of Darkness n’avait pas eu le temps de conclure, cet ultime épisode allait devoir le clore une bonne fois pour toutes. Histoire que les joueurs laissés sur le quai par l’extrême célérité du changement de paradigme vidéoludique puissent au moins faire leur deuil.
Quest for Glory V : la fin d’un long voyage ?
Pour clore une aventure héroïque en beauté, il faut au moins un dragon : celui-ci est annoncé dès le titre, et pour ce qui est de la princesse… eh bien disons juste que vous aurez l’occasion de recroiser plusieurs vieilles amies, et peut-être même de ramener à la vie certaines d’entre elles ; il ne tiendra donc qu’à vous de choisir quelle histoire écrire à ce sujet. Mais inutile de brûler les étapes : l’aventure débute une nouvelle fois par la création de son personnage, et les joueurs qui avaient patiemment conservé leur disquette de sauvegarde de Shadows of Darkness dans un écrin fermé à clef depuis quatre ans allaient enfin pouvoir reprendre leur épopée en important leur héros – seul moyen, comme dans les deux précédents épisodes, d’incarner un paladin et sa très pratique batterie de pouvoirs utiles, dont un sort de soins et un autre pour pacifier les ennemis. Oh, allez : pour ne pas vous frustrer, le jeu met quand même une sauvegarde à votre disposition pour en jouer un.
Profiter bien de la carte du jeu, car vous risquez de passer beaucoup de temps dessus
Pas de nouvelle classe ni de caractéristique inédite, donc, et même les aventuriers nouvellement créés bénéficieront de très généreux scores de caractéristiques afin de faire face aux multiples dangers du royaume de Silmarie. Mais justement, vous voilà déjà propulsé sans tambour ni trompette dans le bureau d’Erasmus (qui vous avait si brutalement téléporté sans vous demander votre avis à la fin de l’opus précédent), qui vous explique le contexte : le roi de l’île de Silmarie, royaume à l’ambiance méridionale bâti suite à l’effondrement de l’Atlantide et évoquant furieusement la Grèce antique, a été assassiné. Pour lui succéder, la tradition exige qu’une sélection de prétendants au trône se départagent en passant successivement sept épreuves qui serviront à établir qui est digne de prendre les rênes de la nation – et vu vos antécédents (vous venez littéralement de sauver une ville, un sultanat, un royaume et une baronnie), le vieux magicien et son rat qui parle ont tout de suite pensé à vous. Il faut dire qu’avec un assassin toujours en liberté et l’ingérence probable de puissances étrangères qui auraient tout à gagner à présenter un candidat pour faire main basse sur la Silmarie, il est évident que la mission risque de ne pas être de tout repos. Mais, hé, vous vouliez être un héros, non ?
L’univers du jeu conserve un charme certain, en dépit de la froideur de la 3D pré-calculée
Quest for Glory revient, donc, dans ses plus beaux atours. Le paysage informatique ayant beaucoup (beaucoup!) changé en quatre ans, le titre s’affiche désormais en 640×480, avec des décors en 3D pré-calculée et des personnages en 3D temps réel. Le résultat a indéniablement du cachet même si on pourra juger que cette 3D balbutiante a plutôt plus mal vieilli qu’une 2D alors au sommet de son art, notamment en ce qui concerne les habitants anguleux et raides comme des piquets de cette nouvelle région. Néanmoins, il est difficile de nier une ambition tangible dans la surface de jeu réellement massive qui, bien que reprenant le système de carte de Wages of War, offre des dizaines de lieux à visiter (la ville en elle-même, mais aussi plusieurs villages côtiers, des forteresses, des îles, ce qui reste de l’Atlantide et même le royaume d’Hadès lui-même, pour n’en citer qu’une partie).
Même les pizzas signent leur grand retour !
Il faudra cette fois se déplacer à pied, mais aussi en bateau, et même plus tard en machine volante, et autant vous prévenir qu’il y aura beaucoup de terrain à couvrir, car le jeu est facilement deux fois plus long que ses prédécesseurs. L’interface a été simplifiée : il y a désormais une icône pour observer et une deuxième pour toutes les autres actions (se déplacer, prendre, utiliser, discuter…), et une barre de raccourcis a fait son apparition pour simplifier l’usage des différents pouvoirs et des très nombreux objets que vous serez amené à cumuler. On notera également qu’il est enfin possible d’avoir la main sur l’équipement du héros et de lui acheter armes, armures, casques, bracelets ou amulettes – sans oublier les généreux butins qu’abandonneront les nombreux ennemis. Car autant il était pratiquement toujours possible d’éviter l’affrontement dans les précédentes aventures, autant vous faire à l’idée que l’opposition ici, est particulièrement active, et qu’il ne sera pas rare d’affronter une dizaine d’ennemis à la fois – et même si on peut régulièrement choisir de courir au milieu des adversaires plutôt que de les affronter, de nombreux combats sont pour ainsi dire inévitables. Votre héros est devenu très puissant, il va être temps de vous en servir !
Les combats seront plus que jamais au menu, dans cette version
On pourra d’ailleurs regretter que le système de combat soit toujours aussi limité : il ne bénéficie même plus d’une vue particulière, les confrontations se déroulant directement sur l’écran de jeu (ce qui pose parfois des problèmes de lisibilité), et en-dehors des divers sortilèges et objets de soin dont vous pouvez faire usage, il se résumera grossièrement à cliquer frénétiquement sur un monstre jusqu’à ce que mort s’ensuive. Dommage qu’une composante aussi centrale ne soit jamais parvenue à un compromis vraiment satisfaisant (et plus question d’automatiser les combats cette fois !), mais pour le reste, on sent que le logiciel atteint assez bien son objectif.
Vous voulez des pilules d’endurance ? Il faudra commencer par récupérer des plumes de Pégase
Du côté de l’aventure, bien menée et bien rythmée, difficile de ne pas sentir l’épisode hommage : à quelques rares exceptions près comme Aziza, curieusement oubliée ici, pratiquement tous les personnages pertinents des précédents opus (et surtout des premiers) se sont visiblement donnés rendez-vous en Silmarie histoire de venir vous faire coucou une dernière fois, amenant avec eux toutes les références possibles et imaginables – y compris les pizzas (les habitués de la série sauront à quoi je fais référence). Ils pourront vous dire ce qu’ils sont devenus, car le dialogue est une nouvelle fois un mécanisme central du jeu, et mieux vaut prêter une grande attention aux nombreux indices que vous abandonnent souvent vos interlocuteurs pour espérer progresser dans votre quête – laquelle vous laisse tout le temps nécessaire pour monter votre personnage à votre goût avant de démarrer l’épreuve de succession à proprement parler, vous laissant ainsi décider du rythme avant de lancer les choses sérieuses. Les énigmes, sans être très complexes, peuvent se montrer particulièrement opaques si vous n’avez pas eu la bonne idée de noter toutes les informations, et on peut facilement rater des actions importantes faute d’avoir été attentif ou d’avoir bien pensé à interroger tout le monde à chaque fois.
Vous aurez même l’occasion de croiser l’auteur du Guide de l’aventurier – qui a un peu perdu la flamme
C’est d’ailleurs à ce niveau qu’on aurait aimé que le jeu ait tiré, en 1998, des leçons que certains concurrents avaient déjà assimilé en 1990. On peut facilement se retrouver coincé pour des raison bêtes, certaines tenant ironiquement à quelques unes des bonnes idées introduites par le titre. Par exemple, le jeu met à votre disposition un « aimant mystique » dont la fonction est grosso modo celle d’un portail de ville qui vous permettra de vous téléporter à l’auberge sans avoir à refaire un trajet en sens inverse. Seulement, cet aimant n’emporte pas vos moyens de transport, et si vous avez donc laissé votre ballon dirigeable sur l’île lointaine où il vous avait emmené avant de vous téléporter, eh bien dommage pour vous parce qu’il est perdu et que vous ne pourrez jamais aller le récupérer ! Au niveau des lourdeurs inutiles, on peut citer le cas de l’île des sciences, qui nécessite toute une manœuvre demandant de bloquer des gondoles avec un timing précis pour pouvoir y accéder. Amusant la première fois, mais au bout de la quinzième…
Vous risquez d’accumuler tellement d’or dans cet épisode que vous serez heureux d’aller le déposer à la banque pour vous alléger un peu
La bonne nouvelle, c’est qu’énormément d’actions sont totalement facultatives, et qu’il est tout à fait possible de finir le jeu sans avoir accompli des dizaines de tâches secondaires correspondant à l’aspect « jeu de rôle ». Par exemple, le « rite de la paix » peut ironiquement très bien être résolu en vous frayant un chemin jusqu’à la reine des Tritons en massacrant tous ceux qui vous barrent la route pour lui imposer vos conditions. Mais si vous avez envie d’être un peu plus fin, d’employer le sortilège de « paix » de votre paladin pour calmer tout le monde et aller discuter pacifiquement avec elle en dépit de l’hostilité de ses troupes, c’est également possible – simplement, rien ne vous y oblige. De la même façon, vous aurez toute latitude pour entreprendre ou non de séduire un des personnages féminins du jeu, ou même pour accepter ou non de devenir roi – ça ne change objectivement pas grand chose au déroulement de l’aventure, mais il y a souvent de nombreuses manières de surmonter un problème, ce qui tempère un peu l’aspect arbitraire des énigmes les plus retorses. Mieux vaudra quand même sauvegarder régulièrement et sous plusieurs noms si vous avez envie d’explorer les possibilités du jeu et de ne rien rater.
Les descriptions que la gnome Anne fait des plats qu’elle vous sert sont souvent très drôles
Le plus décevant reste la conclusion du jeu en lui-même, qui après une aventure objectivement intéressante où le dragon met beaucoup de temps à arriver, remplissant bien son rôle de cerise sur le gâteau de vos aventures, expédie votre sacre royal (ou votre refus) en deux phrases avant de vous lancer les crédits au lieu de vous offrir une cinématique grandiose – et surtout un épilogue à la Fallout pour vous raconter ce que sont devenus vos nombreux amis et alliés une fois la partie bouclée. Il y a un sentiment de frustration qui se dégage de ces adieux ratés, comme si en dépit du temps passé avec tous ces personnages qui ont fait l’effort de se déplacer jusqu’en Silmarie avec nous, on n’avait jamais vraiment eu le temps d’apprendre quelque chose de pertinent sur eux, leur arc narratif étant bouclé dès la première seconde où on les aperçoit.
Le dragon du titre met énormément de temps à intégrer l’équation
Les nouveaux venus ne comprendront sans doute pas grand chose aux nombreuses références, clins d’œil et autres retournements d’une aventure clairement adressée aux vieux de la vieille, et les fans pour leur part auront l’impression d’avoir une nouvelle fois été privés de la conclusion qu’ils attendaient – c’est plus une sorte de revue d’effectif, de fan service où tout le monde vient dire au revoir à la queue-leu-leu que d’épisode venant clôturer un cycle de cinq jeux et de plusieurs dizaines heures. On voulait le grand final, et on hérite juste d’un chapitre en plus ; ça fait quand même plaisir, mais cela laisse un petit goût amer en bouche, comme celui d’un acte manqué que plus rien ne pourra venir corriger. Bien malin celui qui pourra dire si Quest for Glory reviendra un jour, mais l’histoire retiendra que dans une forme d’ultime hommage, son dernier épisode se sera terminé exactement de la même manière que les précédents : en queue de poisson.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16,5/20
Venu apporter une conclusion inespérée à une saga ressuscitée à la demande des fans, Quest for Glory V : Le souffle du dragon fait l'effet d'une sorte de tournée d'adieux à laquelle tous les personnages de la licence auraient été conviés une dernière fois. Clairement destiné aux joueurs ayant accompagné le héros depuis ses débuts, le titre s'efforce de mêler avec plus ou moins de bonheur une ambition réelle, une jouabilité revisitée et une réalisation remise au goût du jour sans pour autant trahir les fondamentaux de la série – ce à quoi il parvient... dans une certaine mesure. Entre la survivance de certains mécanismes datés pour la partie aventure, des combats trop limitées, quelques lourdeurs dommageable et surtout une fin une nouvelle fois bâclée, cet ultime opus peine parfois à insuffler le rythme, la cohérence et l'aspect grandiose qu'on aurait aimé y trouver. Le voyage a beau être plaisant, il abandonne derrière lui une pointe d'amertume laissée par des arcs fermés un peu trop maladroitement sans avoir lâché la bride à des personnages avec qui on aurait aimé avoir plus de choses à partager, comme si une porte se fermait définitivement avant qu'on ait eu le temps de tout se dire. Une conclusion frustrante, mais qui a le mérite d'exister – bien d'autres sagas n'auront pas eu cette chance.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– De nombreuses occasions de conduire l'aventure dans une impasse par étourderie ou par maladresse – Quelques mécanismes inutilement contraignant (l'accès à l'île des sciences...) – Des combats toujours aussi limités – Une fin qui ne dit rien du sort des nombreux personnages qu'on a croisés
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le souffle du dragon sur un écran cathodique :
Développeur : Sierra On-Line, Inc. Éditeur : Sierra On-Line, Inc. Titres alternatifs :Quest for Glory III : Shadows of Darkness (titre de travail), הרצון לעוצמה 4: צללי החשכה (Israël) Testé sur :PC (DOS/Windows 3.1) Disponible sur : Windows Présent dans les compilations :Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0/Windows 3.1 – RAM : 4Mo Modes graphiques supportés : SVGA, VGA Cartes sons supportées : AdLib, General MIDI, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum/16, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16
Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :
On a beau dire que l’important, c’est le voyage, il est également bon de considérer que celui-ci est voué à aboutir à une destination un jour ou l’autre – n’en déplaise à Robert Louis Stevenson et à ses paraboles sur l’apprentissage permanent qu’est l’expérience de la vie humaine. À force d’errer sans but d’un royaume à sauver à l’autre comme une balle de ping-pong constamment renvoyée entre deux raquettes, il arrive que les héros eux-mêmes s’égarent et se disent qu’il serait peut-être temps de boucler une bonne fois pour toutes les vieilles affaires et de raccrocher les gants pour profiter enfin de leur fortune et de leur renommée accumulées.
Votre mission : éviter ça.
Des voyages, justement, le héros de Quest for Glory commençait à en avoir fait beaucoup, et celui de Shadows of Darkness n’était pas appelé à être son dernier – cela n’aurait d’ailleurs même pas dû être le quatrième, l’épisode ayant été annoncé depuis la fin de Trial by Fire, avant que Wages of War ne vienne offrir une parenthèse certes dépaysante, mais sans réellement faire avancer l’intrigue. Or, justement, à force d’accumuler les aventures, la tentation de boucler enfin des arcs narratifs dont certains étaient en suspense depuis les débuts de la saga – soit depuis cinq ans – se faisait de plus en plus pressante, et faute de terminer une série, il faut parfois savoir clore un cycle. Ainsi notre héros se réveille-t-il une nuit dans les souterrains sombres et peu accueillants d’une caverne de la Mordavie, sans savoir qui l’a fait venir ici, ni dans quel but. Après quelques tâtonnements dans une vallée fermée évoquant fortement les Carpates, le château de Vlad Tepes et les vieux films d’horreur de la Hammer, il trouve une ville isolée au bourgmestre peu amène et à la population méfiante, sans nécessairement se douter qu’il va recroiser quelques vieux ennemis…
Découvrez la Mordavie, son architecture typique gothico-cthulhuesque !
L’une des premières sensations qui se dégagent de Shadows of Darkness, après des débuts emprunts d’une ambiance « draculesque » aussi classique qu’efficace – et magnifiquement portée par une réalisation réussie –, c’est celle d’une forme de retour aux sources. Les graphismes en EGA des débuts auront eu beau laisser la place à de superbes aquarelles scannées en 256 couleurs, à des personnages campés en plein écran et même, dans la version CD-ROM, à des doublages professionnels participant indéniablement à l’atmosphère (notamment grâce à un narrateur donnant un cachet certain au plus subtil pavé de description), il y a dans la ville fortifiée entourée de la quarantaine d’écrans qui forment la vallée de Mordavie de faux airs de Spielburg remis au goût du jour.
Le jeu contient aussi sa dose de puzzles classiques – heureusement pas bien méchants
L’interface a peut-être drastiquement changé depuis ses débuts, le système de jeu gagné une classe dans Wages of War et une nouvelle caractéristique d’ailleurs assez gadget dans le présent épisode (l’acrobatie, qui ne servira pour ainsi dire qu’au voleur), les combats ont beau avoir été revus pour s’afficher en vue de profil afin de gérer désormais les déplacements – et même de proposer un mode « stratégique » correspondant ni plus ni moins à un combat automatique pour les aventuriers qui n’aiment pas les séquences d’arcade –, il y a cette sensation de revenir à la maison dans une version revue et corrigée de tout ce qu’ambitionnait être Quest for Glory I. Le temps a passé, notre personnage a pris de la bouteille, mais le monde autour de lui aussi a changé, et le paysage vidéoludique ayant bien gagné en maturité depuis 1989, Shadows of Darkness a tout pour être un bilan tiré à partir des leçons apprises grâce aux trois précédents épisodes. Pour offrir, enfin, une aventure qui fonctionne à tous les niveaux.
Comme dans les autres épisodes, il faudra passer beaucoup de temps à parler à beaucoup de monde – toutes les informations sont importantes pour progresser
Premier point de ce cheminement : l’écriture. La Mordavie a beau correspondre en tous points au cahier des charges des précédents univers visités, comprendre : un monde aux références si archétypales qu’on devine qu’il n’a jamais été conçu pour surprendre, elle réussit à mettre le doigt sur la tonalité juste en ne s’enfonçant jamais bêtement dans un premier degré oppressant (le Dr. Cranium et son cobaye de service, bien évidemment prénommé « Igor », étant là pour nous rappeler que la série ne s’est jamais prise trop au sérieux) mais en parvenant néanmoins à instaurer une ambiance plus sombre qu’à son habitude.
Il faudra évidemment s’attendre à composer avec son lot de cryptes et de cimetières malaisants
Dans cette atmosphère d’Europe de l’est où l’on retrouve d’ailleurs des créatures largement popularisées depuis lors par The Witcher, chaque silence semble cacher une tragédie, et dès l’instant où les langues se délient surgissent les récits d’une enfant enlevée à ses parents, d’une femme noyée pour s’être refusée à son compagnon violent, ou d’un vieillard fou de solitude prêt à rejoindre son épouse jusque dans la mort. Les personnages, d’abord taillés à la serpe, s’humanisent progressivement tandis qu’ils apprennent à connaître cet étranger dont ils ont toutes les raisons de se méfier, et l’intrigue en devient par moments presque poétique – comme lorsque cette splendide Rusalka, esprit mort-vivant voué à entraîner ses victimes au fond du lac, décide qu’elle n’a plus envie d’essayer de vous tuer dès l’instant où vous avez la galanterie de lui offrir des fleurs et de la traiter comme une femme normale. Pour la première fois, il y a réellement quelque chose d’attachant dans le parcours de certains des êtres qui nous entourent (fussent-ils des monstres), et l’histoire sait se révéler à la fois prenante et subtile par séquences.
La vallée de Mordavie profite du savoir-faire des artistes de Sierra – et ceux-ci se débrouillent très bien
L’aspect jeu de rôles de la série retrouve également une partie de sa force en ne se limitant pas à une poignée de combats et à des statistiques qu’il est de toute façon assez simple de maximiser. Outre quelques affrontements plus stratégiques, qui permettront par exemple à un guerrier méthodique de dénicher une armure et un bouclier magiques (et mieux vaudra avoir les protections nécessaires pour affronter les spectres les plus puissants), les quatre classes du jeu offrent surtout des façons alternatives de résoudre les mêmes énigmes, et un personnage versé à la fois dans les armes et dans la magie pourra souvent compter sur un éventail très large pour résoudre un problème.
Les combats sont toujours de la partie, et ils ont été un peu revus pour l’occasion
J’ai ainsi beaucoup apprécié qu’il soit permis à un aventurier de regagner sa chambre à l’auberge (barrée de l’intérieur, comme toutes les maisons de la ville, la nuit) en passant par la fenêtre à l’étage grâce à une séance d’escalade ou un sort de lévitation, ou encore qu’il soit possible de mener de nombreuses actions sans qu’aucune d’entre elles ne soit nécessaire à la conclusion de l’aventure. Le voleur récupère ses butins à amasser la nuit, le magicien peut hériter d’une quête exclusive confiée par les fées – autant de choses que le troisième épisode avait un peu perdu de vue, et qui permettent à la composante « aventure » de ne jamais se rendre bêtement frustrante en fermant des solutions évidentes permises par notre généreuse panoplie de compétences.
La mort est plus présente que jamais, dans cet épisode
Il en résulte un meilleur compromis, une expérience mieux rythmée où le joueur est souvent laissé libre décideur du rythme, mais où certains événements viennent s’imposer de temps à autre pour conserver une forme de pression face à des crises ponctuelles. Au rang des quelques défauts, on pourra citer le besoin permanent de parcourir toute la vallée à pieds, écran par écran – ce qui est moins intéressant au bout de la quinzième fois, surtout quand certains arcs vous demandent d’alterner les allées-et-venues d’une extrémité de la région à l’autre.
Bon, d’accord, vue comme ça, la situation a l’air compromettante, mais après tout, nous sommes dans un donjon…
Le passage du temps aurait également pu être optimisé ; multiplier les repos d’une heure pour être enfin autorisé à dormir jusqu’au matin parce qu’on attend la suite des événements n’étant pas exactement le pic de l’activité vidéoludique. Le jeu peut également apparaître un peu court – non qu’il soit plus facile ou moins ambitieux que ses prédécesseurs, mais le fait est surtout qu’on aurait volontiers passé encore un peu plus de temps en Mordavie, rencontré d’autres personnages, résolu d’autres tragédies, ce qui est un très bon révélateur du plaisir qu’on prend à découvrir la vallée et ses occupants. Le tout aurait d’ailleurs mérité une véritable séquence de fin en apothéose plutôt que l’éternel recours à un final expédié dès sa résolution avec un nouveau « la suite au prochain épisode » – il y a simplement des choses qui méritaient d’être mieux bouclées. Mais quoi qu’il en soit, si vous avez aimé les précédents épisodes – ou même si certains d’entre eux vous auront laissé sur votre faim – Shadows of Darkness représente à coup sûr la meilleure façon de vous rabibocher définitivement avec une série qui n’a peut-être pas toujours rempli tous ses objectifs, mais qui atteint ici une maturité salutaire.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 17/20
À la fois retour aux sources et conclusion de tous les arcs narratifs entamés dans les trois premiers épisodes, Quest for Glory : Shadows of Darkness vient boucler la boucle de la plus belle des manières en offrant une aventure enfin intéressante dans un cadre certes archétypal mais vraiment attachant et avec un aspect jeu de rôle redevenu pertinent. Tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant : la réalisation pleine de charme, les personnages attachants, l'ambiance qui trouve la tonalité juste sans tirer un trait sur l'humour, les combats adaptés au goût de chacun, et une intrigue qui vaut la peine d'être suivie, avec son lot de drames et d'histoires plus sombres que d'ordinaire. Un épisode plus abouti mais qui, en dépit de sa fin ouverte, sent le testament tant la formule était vouée à tourner en rond à un moment ou à un autre – qu'importe, il mérite d'être joué, et c'est tout ce qu'il faut en retenir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– De nombreuses allées-et-venues qui font regretter l'absence d'un système de voyage rapide – Toujours aucun moyen d'accélérer le passage du temps au-delà des siestes d'une heure – Un final qui aurait mérité d'être plus grandiose
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadows of Darkness sur un écran cathodique :
Développeur : Sierra On-Line, Inc. Éditeur : Sierra On-Line, Inc. Titres alternatifs :Quest for Glory III : Seekers of the Lost City (titre de travail), Quest for Glory III : Les gages de la guerre (écran-titre – France) Quest for Glory III : Der Lohn des Krieges (Allemagne) Testé sur :PC (DOS) Disponible sur : Windows Présent dans les compilations :Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows) En vente sur :GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, VGA Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)
Vidéo – L’écran-titre et les crédits du jeu :
Les choses ne se passent pas toujours comme prévu. On a beau avoir une feuille de route claire et les moyens de la mettre en œuvre, il se trouve que la réalité a souvent son grain de sel à venir placer et que les plans sont faits pour être revus. Ce serait un peu gênant d’avoir une série télévisée dont un épisode se terminerait en cliffhanger, avec une bande-annonce des événements à venir… qui, au final, ne correspondrait absolument pas au contenu de l’épisode suivant (bon, sauf si on parle de la deuxième saison de Twin Peaks, mais je m’égare).
Tarna est une ville qui aurait gagné à ne pas se limiter à un ensemble de services pour notre héros
C’est pourtant exactement ce qui se sera produit avec Quest for Glory, dont la cinématique de fin du deuxième opus annonçait clairement la suite des aventures dans un jeu nommé Shadows of Darkness… qui se révèlera finalement être le quatrième épisode. Il y aura visiblement eu un changement de programme entretemps, qui explique peut-être d’ailleurs le hiatus de deux ans entre Trial by Fire et Wages of War ; toujours est-il que notre héros aura décidé de changer ses projets en dernière minute pour offrir un Quest for Glory III comme une parenthèse enchantée dans une Afrique qui n’en porte pas le nom pour s’interposer dans une guerre naissante avec l’aide de son ami Rakeesh le liontaure. Une étape impromptue traduisant parfaitement l’ère de transition accélérée que le PC était en train de vivre à la même époque : comme on va vite le constater, il s’était passé beaucoup de choses, en deux ans.
Sera-t-on enfin surpris par l’univers du jeu ?
Comme son prédécesseur, Quest for Glory III : Wages of War (Les gages de la guerre, dans la version française) inscrit son intrigue dans la continuité directe de celle du précédent opus.
Le cadre est enchanteur, mais il n’y a pas tant de choses que cela à y faire
Que vous importiez votre héros victorieux (dont vous serez libre de changer la classe, au hasard pour en faire un paladin) ou que vous en créiez un nouveau, le jeu s’ouvre d’ailleurs par un rappel des événements de Trial by Fire, ou plutôt par un spoiler en bonne et due forme de son combat final (lequel, luxe absolu, respectera le déroulement des événements en fonction de votre classe) narré par Aziza. Puis, après les adieux et les félicitations d’usage, vous empruntez un portail magique vers la lointaine cité de Tarna, accompagné de Rakeesh, d’Uhura et de son fils. Réceptionné sur place par la compagne du liontaure, vous y apprendrez que leur fille, envoyée participer à des pourparlers de paix, aurait été tuée, et que les humains de la tribu Simbani seraient sur le point d’entrer en guerre ouverte avec une peuplade d’hommes-léopards. Un potentiel conflit derrière lequel semble se dissimuler l’ombre du démon qu’Ad Avis, le maléfique sorcier que vous venez de vaincre, semblait si pressé de libérer…
Wages of War est un jeu où l’on passe beaucoup de temps à parler
Première constatation : comme on l’a vu, un PC de 1992 n’avait plus grand chose à voir avec un PC de 1990, et le meilleur moyen de s’en convaincre est de jeter un œil à la réalisation en 256 couleurs avec ses décors basés sur des illustrations scannées – une méthode qui avait fait ses classes avec King’s Quest V juste après Trial by Fire, justement, et qui avait déjà eu le temps de faire des petits depuis lors comme on avait pu le constater avec Monkey Island 2 ou avec Rex Nebular. Le résultat permet de juger de la maîtrise des artistes de chez Sierra et de mettre en valeur le cadre du jeu, depuis la ville de Tarna jusqu’aux lointains villages secrets perdus dans la jungle en passant par la savane, de la meilleure façon qui soit.
Règle n°13 du jeu vidéo : si on vous évoque un rituel d’initiation, c’est que vous serez amené à le passer tôt ou tard !
Comme toujours avec la firme de Ken et Roberta Williams, la réalisation sonore n’est pas en reste, avec une ambiance africaine très bien rendue, mais c’est surtout l’interface intégralement à la souris qui risque de faire pousser un « ouf » de soulagement aux joueurs fâchés avec la ligne de commande : toutes les actions et informations sont accessibles via un menu qui apparait lorsque l’on déplace le curseur en haut de l’écran, ce qui fait passer le jeu en pause – un bon moyen de réfléchir au calme même lorsque la situation demande de réagir vite – et un clic droit permet de faire passer le curseur d’une action à l’autre. Conséquence, ce troisième opus est bien plus accessible que ses prédécesseurs (hors remake), et n’importe quel joueur ayant déjà été en contact avec un point-and-click devrait se sentir rapidement dans son élément. Les combats, pour leur part, n’ont pas beaucoup changé mais peuvent indifféremment être joués au clavier ou à la souris en fonction de ce qui vous paraîtra le plus naturel ; que du bonheur.
Les combats restent rares et largement facultatifs, particulièrement si vous avez importé votre personnage depuis les précédentes aventures
L’aventure, de son côté, souffle le chaud et le froid. La bonne nouvelle, c’est que le rythme « forcé » mené par le deuxième épisode (quitte à imposer de longues périodes d’attente) appartient ici au passé : l’histoire ne progresse que lorsque certaines actions ont été accomplies, et tant que ce n’est pas le cas vous être libre de parcourir un terrain de jeu qui n’est plus divisé en une successions d’écran hors des villes mais consiste en une carte sur laquelle vous reprendrez la main chaque fois que votre héros découvrira un lieu intéressant ou fera une mauvaise rencontre.
On se déplace à présent sur une carte du monde
Le bon côté, c’est qu’on peut désormais explorer et faire ses découvertes à la vitesse où on l’entend, et que les joueurs souhaitant faire du grinding histoire de se préparer au mieux aux rares combats obligatoires seront donc libres de se faire un personnage à leur goût dans les délais qui leur conviennent. Le revers de la médaille, c’est qu’on peut aussi facilement se retrouver à errer en se demandant par quel miracle faire avancer les choses, comme dans le cas de cette prisonnière qui n’apparait au village Simbani que si Uhura a daigné vous défier à l’épreuve du lancer de sagaies, ce qui dans mon expérience aura nécessité pas loin d’une dizaine de séances d’entraînement ! Cette dimension arbitraire est d’autant plus énervante que plusieurs événements ne se déroulent qu’en étant au bon endroit au bon moment, ce qui demande de passer beaucoup de temps à expérimenter un peu tout et n’importe quoi en attendant que quelque chose se produise – pas exactement le meilleur moyen de rythmer l’aventure.
Voici votre future femme. C’est purement politique, et elle ne le restera pas longtemps, mais ce sera votre seul espoir de médiation avec sa tribu.
Les énigmes, pour leur part, reposent une nouvelle fois beaucoup sur le dialogue et la collecte d’informations ; elles sont rarement difficiles (le jeu avait été critiqué à sa sortie comme étant devenu trop simple comparé à ses prédécesseurs, en partie à cause de son interface qui circonscrivait les possibilités) et il faudra s’attendre à collecter des ingrédients pour des potions ou à rencontrer les bonnes personnes pour avancer.
Le combat final se remporter grâce au pouvoir de l’amitié
Le jeu est d’ailleurs plus bavard que jamais, ce qui permet de doter ses personnages et son univers d’une épaisseur bienvenue, même si la chose perdra beaucoup de charme en français, la faute à une traduction particulièrement médiocre qui fait penser aux pires errances de ce qu’on obtiendrait aujourd’hui via la traduction logicielle – les fautes d’accord et d’orthographe en plus. Les anglophones passeront sans doute un meilleur moment à ce titre – et mieux vaudra l’être, puisque la version française n’est plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes. Dans l’ensemble, en dépit de ces quelques tracas, on revit un peu une version « exotique » du premier épisode où l’on gagne en dépaysement et en confort de jeu ce que l’on perd en surprise ; un « jeu d’aventure en monde ouvert » qui se laisse découvrir à son rythme et qu’on suit avec curiosité.
Le gouffre technique creusé en à peine quelques mois est visible à chaque écran
En revanche, la dimension « jeu de rôle » est plus que jamais anecdotique. Les combats sont toujours aussi rares et aussi limités, les caractéristiques commencent à perdre de leur pertinence à présent qu’on dirige un héros surqualifié, et surtout les différences entre les classes deviennent de plus en plus théoriques : les situations où l’approche changera en fonction de la classe du héros doivent littéralement se compter sur les doigts d’une main et le voleur, particulièrement à l’honneur dans l’épisode précédent, n’aura ici pas grand chose à faire dans une aventure où on lui demande plus que jamais d’être un modèle de vertu – en deux mots : un paladin.
Une séquence onirique où vos réponses devront correspondre à votre classe
On pourra également arguer que l’univers africanisant du jeu échoue, comme le royaume oriental de Quest for Glory II, à s’échapper d’une suite de poncifs qui côtoient involontairement le racisme et l’imaginaire colonial avec ses personnages qui nous donnent du « bwana », et on sent que l’équipe en charge de l’écriture ne s’est pas exactement épuisée à aller fouiller le folklore de l’Afrique noire pour chercher à donner davantage de personnalité à sa vision de carte postale. On aurait également aimé que le tout soit un peu plus ambitieux, un peu plus grand, un peu plus complexe, un peu plus profond – et ne s’achève pas sur une séquence de fin torchée en deux minutes pour nous expédier manu militari dans Shadows of Darkness. On a affaire à un épisode sur le fil : plus accessible, plus ergonomique, plus accueillant, moins (injustement) punitif, mais les fans des deux premiers épisodes – ceux qui voyaient des possibilités infinies plutôt que des lourdeurs contraignantes dans l’interface – risquent paradoxalement d’être ceux qui resteront le plus sur leur faim. Un épisode de découverte, mais pas le plus marquant du lot : c’est à prendre ou à laisser.
Vidéo – L’introduction et les quinze premières minutes du jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Parfois considéré comme l'élément le plus faible de la série, la faute à des enjeux trop flous et à un univers africanisant qui peine à s'évader de l'enfilade de clichés exotiques, Quest for Glory III : Wages of War n'en est pas moins un épisode devenu bien plus accessible grâce à une interface et à une réalisation grandement dépoussiérées – ce qui change beaucoup de choses. Certes, on pourra regretter une progression souvent floue basée sur l'exploration et l'expérimentation davantage que sur un aspect jeu de rôle plus que jamais passé au second plan, mais on prend vraiment plaisir à découvrir un monde dépaysant peuplé de personnages intéressants ayant tous beaucoup de choses à dire. Le tout manque encore un peu de souffle épique, et sonne parfois comme une redite des aventures précédentes, mais reste suffisamment original pour sortir du lot et conserver un petit cachet unique. Pas complètement la suite qu'on espérait, mais une bonne occasion de se laisser surprendre.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Beaucoup d'occasions de tourner en rond faute de comprendre quelle action arbitraire est censée faire progresser l'intrigue – Un aspect jeu de rôle plus que jamais anecdotique – Une version française très médiocre qui alourdit la lecture dans un jeu où il y a beaucoup de texte – Une fin trop vite expédiée
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory III sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Les graphismes sont vraiment très beaux, à l’exception des paysages de la savane, franchement décevants. Les musiques typiquement africaines et les bruitages sont pour beaucoup dans l’ambiance de l’aventure. La panoplie d’énigmes est tout à fait correcte mais les habitués viendront à bout du jeu, en une dizaine d’heures seulement. »
Thomas Alexandre, Tilt n°108, novembre 1992, 16/20