Battle Arena Toshinden

Développeur : Tamsoft Corporation
Éditeur : TAKARA Co., Ltd.
Titre original : 闘神伝 (Toh Shin Den, Japon)
Testé sur : PlayStationGame BoyPC (DOS/Windows 9x)
Également testé : Battle Arena Toshinden Remix

La série Battle Arena Toshinden (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Arena Toshinden (1995)
  2. Battle Arena Toshinden 2 (1995)
  3. Battle Arena Toshinden Remix (1995)
  4. Battle Toshinden URA : Ultimate Revenge Attack (1996)
  5. Battle Arena Toshinden 2 Plus (1996)
  6. Battle Arena NiToshinden (1996)
  7. Battle Arena Toshinden 3 (1996)
  8. Toshinden 4 (1999)

Version PlayStation

Date de sortie : 1er janvier 1995 (Japon) – Août 1995 (États-Unis) – Septembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La PlayStation est désormais entrée avec une telle évidence – et une telle rapidité – dans l’histoire du jeu vidéo qu’on tend à oublier – ou à ignorer – que son succès planétaire n’a pas été aussi immédiat ni aussi incontestable qu’on le pense. Certes, à l’échelle occidentale, les bourdes répétées de SEGA et l’absence de Nintendo, empêtré dans le développement de son « Ultra 64 », auront assez rapidement ouvert une voie royale à la machine que personne n’avait vu venir.

Mais à l’échelle du Japon – qui ne fait décidément rien comme tout le monde – les choses étaient différentes : la Saturn, suivant une trajectoire exactement inverse à celle de sa grande sœur la Mega Drive, y aura connu un excellent lancement. En dépit d’un line-up assez famélique, SEGA avait en effet su avancer une killer app avec Virtua Fighter, grand succès de l’arcade devenu le fer de lance de sa nouvelle console – au point de supplanter la machine de Sony, qui ne pouvait évidemment pas compter sur ses propres licences venues de l’arcade comme son concurrent (mais qui pouvait compter sur celles de Namco, grand rival de SEGA). Mais coup de théâtre : à une époque où la 3D devenait la nouvelle fureur et où les joueurs ne semblaient plus concevoir le monde qu’à travers le nombre de ses polygones, la PlayStation accueillait, deux mois après sa rivale, un titre qui ressemblait énormément à Virtua Fighter… mais en mieux. Et voilà comment un certain Battle Arena Toshinden vint affronter directement la console rivale sur son terrain, de la même façon que Ridge Racer était parti lutter contre Daytona USA.

Le jeu de Tamsoft est, comme vous l’aurez compris, un jeu de combat en 3D. Le concept était (encore) suffisamment novateur en 1995 pour se suffire à lui-même ; comprenez par là que passé les trente secondes de texte vous évoquant un tournoi ancien opposant huit concurrents, vous n’aurez tout simplement plus accès à aucune bribe de scénario ou de background concernant vos personnages. Ils sont là pour se battre, pas pour s’échanger des punchlines en ouverture et à la conclusion des combats comme dans Street Fighter II !

Huit combattants, donc, dont deux femmes – tous assez bien typés, bien que ne débordant pas de charisme, ils correspondent assez bien aux archétypes qu’on leur demande de représenter ; dois-je par exemple préciser que les femmes sont bien évidemment hypersexualisées, avec Sonia équipée de toute la panoplie de la dominatrice jusqu’au fouet ? La vraie nouveauté, comparée à Virtua Fighter (qui était un jeu d’arts martiaux), c’est surtout que les personnages sont ici tous armés : dagues, griffes, épées, fouet, tout est bon, mais on est donc ici plus proche d’un Samurai Shodown en 3D que d’une réponse directe à l’univers de la licence phare de SEGA. Niveau contenu, autant dire qu’on a vraiment l’essentiel : un mode principal qui vous demandera d’affronter tout le roster avant le boss final, un mode vous opposant à l’I.A. pour faire à peu près la même chose, et un mode deux joueurs. Bref, on est là pour taper, et le reste attendra la suite de la série.

Dès le lancement d’un combat, la comparaison avec Virtua Fighter est aussi évidente qu’elle est volontaire. Le vrai personnage principal du jeu, c’est bien évidemment la 3D, et on se doute bien qu’au moment de la sortie du jeu, celle-ci en envoyait plein les mirettes. À tel point, en fait, qu’elle semblait même donner une leçon au jeu de SEGA, notamment grâce à l’ajout d’une petite gourmandise qui faisait alors toute la différence : les textures.

Face aux polygones unis de la concurrence, Battle Arena Toshinden donnait le sentiment d’appartenir à la génération suivante, et c’était encore plus vrai en constatant que les décors au-delà de l’arène étaient eux aussi en 3D, là où le concurrent n’affichait que de simples bitmaps en guise de fond. Évidemment, aujourd’hui, on sera nettement moins impressionné par ces textures constellées de gros pixels, et on pourra trouver au moins autant de charme à la 3D plus épurée de Virtua Fighter, mais à l’époque, le coup porté à SEGA avait été violent. Surtout que, du côté du gameplay, le jeu de Tamsoft faisait à la fois le choix d’une jouabilité plus « accessible » – comprenez par là que le titre peut se jouer comme (l’encore) référence du genre, Street Fighter II, avec des attaques à distance, des coups spéciaux et une garde en reculant que ne propose pas le jeu de SEGA – mais qu’il se permet même d’introduire l’apport le plus évident, et pourtant délaissé par son rival : l’apport de la troisième dimension, justement.

En effet, là où Virtua Fighter ne permettait pas au joueur de se déplacer directement dans l’axe de la profondeur – le gameplay restait, à quelques roulades près, très majoritairement pensé en 2D – Battle Arena Toshinden, lui, permet à tout moment de pivoter autour de son adversaire à l’aide des boutons de tranche, ce qui est non seulement un excellent moyen pour éviter une attaque adverse, mais peut également offrir des retournements réjouissants, d’abord parce que les sorties de ring sont toujours possibles mais aussi parce que les attaques portées dans le dos font ici des dégâts monstrueux.

Conséquence : en dépit d’une relative simplicité assumée, le titre de Tamsoft ajoute – littéralement – une dimension à sa jouabilité, et se permet donc de ne pas avoir à rougir de la comparaison avec son inspirateur direct. Aujourd’hui, on pourra arguer que les combats de Virtua Fighter, plus lents et reposant davantage sur l’observation, sont plutôt plus tactiques, mais à l’époque, une nouvelle fois, le coup était dur à encaisser. À tel point que SEGA se hâtera de proposer un Virtua Fighter 2 pour sa Saturn, mais aussi de faire venir un certain Battle Arena Toshinden Remix… qui ne fera qu’entériner l’infériorité de son hardware face à celui de la PlayStation, mais ceci est une autre histoire.

Pour le joueur moderne, que reste-t-il de Battle Arena Toshinden ? Un titre dont la réalisation n’impressionnera plus personne, naturellement, et dont le contenu risque de ne pas faire long feu, d’autant que le jeu n’est pas particulièrement difficile.

Néanmoins, le fait de ne pas crouler sous les personnages ni sous les attaques spéciales lui confère aussi une certaine valeur en temps que titre de découverte – un très bon moyen pour les joueurs ressortant tout juste de leur partie de Street Fighter II de s’initier facilement au gameplay 3D sans se sentir violemment dépaysés. On a évidemment fait beaucoup mieux depuis dans à peu près tous les domaines – et la saga elle-même n’aura pas fait long feu, rapidement éclipsée par des Tekken ou des Dead or Alive – mais pour ceux qui voudraient retrouver ce charme typique des premiers jeux de combat en 3D, le logiciel de Tamsoft a plutôt mieux vieilli que ce qu’on pourrait craindre. Clairement pas le type de jeu auquel on consacrera des mois, mais pour une partie sur le pouce afin de se souvenir de ce qu’était la PlayStation à ses débuts – et de ce à quoi ressemblait ce jeu que tout le monde voulait avoir en 1995 – c’est une madeleine de Proust qui en vaut bien une autre.

Vidéo – Combat : Ellis vs. Fo :

NOTE FINALE : 14/20

Initialement présenté comme un titre pensé pour supplanter Virtua Fighter et prendre la Saturn à son propre jeu, Battle Arena Toshinden restera avant tout comme un des premiers jeux de combat à avoir réellement mis à contribution la 3D avec l'inclusion du pas de côté, et comme un annonciateur des prouesses techniques à venir avec ses textures et ses décors. S'il laisse aujourd'hui l'impression, à l'instar de son inspirateur, d'un programme un peu primitif avec assez peu de contenu, sa relative simplicité a au moins le mérite de le rendre accessible aux joueurs ayant envie de pouvoir tenter leur chance sans prendre le temps de maîtriser cent cinquante attaques spéciales à la perfection. Rapidement supplanté par ses successeurs – et par la saga Tekken – le titre de Tamsoft n'en demeure pas moins une porte d'entrée valable dans l'univers des jeux de combat en 3D. Un fragment de l'histoire de la PlayStation.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Absence totale de scénarisation ou de mise en contexte une fois en jeu
– Un roster et un moveset assez limités
– Une 3D qui fait son âge
– Une caméra capricieuse qui vous empêche parfois de voir ce qui se passe

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Arena Toshinden sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« C’est tout simplement le meilleur jeu de combat qu’ait jamais accueilli la salle de jeu de CVG. De toute évidence, les graphismes jouent un rôle majeur, mais la jouabilité est également exceptionnelle. Cela est majoritairement dû à la 3D qui, contrairement à ce qu’on avait pu voir dans Virtua Fighter, ajoute réellement une dimension au gameplay. »

Computer and Video Games (CVG), mars 1995, 96% (traduit de l’anglais par mes soins)

« Battle Arena Toshinden est beau (bien que les animations des combattants ne soient pas à la hauteur des autres jeux du genre) et s’avère divertissant – néanmoins, le Tekken de Namco (sortie officielle en novembre) est plus nerveux, plus fluide, a plus de mouvements et bien plus de personnages à apprendre à maîtriser. Notre conseil serait de laisser ce jeu dans les bacs et d’attendre le titre de Namco – il a une génération d’avance sur celui-ci. »

MAXIMUM Magazine, octobre 1995, 60% (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Game Boy

Développeur : Betop
Éditeur : Laguna Video Games GmbH
Date de sortie : 22 mars 1996 (Japon) – Mai 1996 (Europe) – Novembre 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Compatible avec le Super Game Boy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Proposer ce qui était considéré comme la crème des jeux de combat en 3D sur une console dotée d’un processeur de 4,2MHz et de quatre nuances de gris en guise de graphismes ? Le pari avait de quoi paraître osé – mais la Game Boy avait déjà pu prouver, avec des titres comme Samurai Shodown, qu’elle pouvait tout-à-fait offrir quelque chose d’amusant en la matière pourvu que le travail soit fait intelligemment.

Justement, on comprend d’entrée de jeu avec ce Battle Arena Toshinden que l’idée n’aura bien évidemment pas été de chercher à reproduire à l’identique l’opus PlayStation (et encore heureux !) : si on retrouve bel et bien tout le casting original avec ses huit personnages jouables, le tout est désormais présenté dans une 2D tout ce qu’il y a de plus traditionnel, avec des graphismes de type « Super Deformed » (des grosses têtes sur un petit corps). Le résultat, qui pourrait passer pour un peu cheap sur une console de salon 16 bits, est en revanche parfaitement adapté au petit écran de la console, en offrant des personnages reconnaissables tout en ne faisant que quelques pixels de haut. Tant qu’à faire, le titre intègre également quelques nouveautés importées depuis Battle Arena Toshinden 2, à commencer par une scénarisation du mode principal ou encore la forme empruntée par le boss final.

La jouabilité est désormais réduite à deux boutons : un pour les poings (ou l’arme tenue en mains) et un pour les pieds, et il n’est évidemment plus question de faire un pas de côté pour se déplacer dans la profondeur. En revanche, la sortie de ring est gérée assez intelligemment, avec un certain nombre de coups à encaisser en bord d’arène avant de chuter (lequel est d’ailleurs réglable dans un écran des options assez complet qui vous permettra également de décider du nombre de rounds, de la durée des manches ou encore de la taille de la jauge de vie).

Comme on peut s’en douter, le résultat est assez direct et les coups spéciaux sortent vite, et même si l’action pourrait être plus fluide et plus lisible, le fait est qu’on peut rapidement s’amuser, particulièrement à deux. En fait, à l’instar de son modèle, cette version portable bénéficie plutôt de ne pas chercher à être inutilement complexe : le jeu demeure tactique et accessible, ce qui était certainement ce qu’il pouvait faire de mieux. Bien sûr, le contenu demeure relativement limité et il n’y aura sans doute pas matière à y engloutir des mois, même avec les trois niveaux de difficulté, mais l’expérience est loin d’être grotesque comparée à la version de salon. À tout prendre, si vous souhaitez découvrir un jeu de combat sur Game Boy, vous ne serez sans doute pas malheureux avec celui-ci.

NOTE FINALE : 13,5/20

Transposé intelligemment sur Game Boy, Battle Arena Toshinden y perd peut-être les subtilités apportées originellement par la 3D, mais parvient à conserver l’accessibilité et l’efficacité du système de jeu sans sacrifier le mode deux joueurs. Pour une partie sur le pouce qui ne nécessite pas trente heures d’entrainement avant d’accomplir quoi que ce soit, c’est certainement un candidat parfaitement valable.

Version PC (DOS/Windows 9x)

Développeur : Digital Dialect
Éditeur : Funsoft GmbH
Date de sortie : Juin 1996
Nombre de joueurs : 1 à 2 (multijoueur possible via IPX, modem, NetBIOS et câble null-modem)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick
Version testée : Version CD-ROM 2.5 émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 DX2 – OS : PC/MS-DOS 4.0, Windows 9x – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300 ko/s)
Modes graphiques supportés : SuperVGA, Vesa, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib Gold, Ensoniq Soundscape, ESS Audiodrive, General MIDI, Gravis UltraSound/ACE/Max, I/O Magic Tempo, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, puce ARIA, Reveal FX/32, Roland RAP-10/Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16/AWE32, Sound Galaxy NX Pro 16, Thunderboard, Toptek Golden 16, WaveJammer (PCMCIA)
Cartes accélératrices 3D supportées : 3D Blaster VLB (CGL), Diamond Edge (NV1/STG2000)
Avec des patchs : Matrox Mystique (MSI), 3D Blaster PCI, 3Dfx Voodoo (Glide).

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

S’il existait une machine sur terre qui n’avait aucun complexe à nourrir face aux capacités 3D de la PlayStation, c’était bien le PC. Sur le papier, la machine qui n’avait plus grand chose à voir avec IBM offrait d’ailleurs largement de quoi rendre la monnaie de sa pièce à la version originale : possibilité de monter la résolution jusqu’en 640×400, diverses options graphiques dont la gestion des ombrages Gouraud, reconnaissance des joysticks et des pads à quatre boutons – et surtout, reconnaissance des premières cartes accélératrices 3D, soit largement de quoi enterrer la version originale. Avec, en bonus, la possibilité d’incarner Earthworm Jim avec un code ! Au rang des curiosités, on remarquera également que cette version conserve les voix japonaises sans procéder à aucune des adaptations observées sur la version PlayStation occidentale.

Dans une configuration idéale, le jeu a donc tout ce qu’il faut… sauf que dans les faits, les choses risquent d’être un peu plus compliquées. La reconnaissance des cartes accélératrices 3D sous DOSBox est une gageure (c’est possible, mais mieux vaut s’y connaître). Reste donc le mode software, qui devrait tourner comme un charme… au détail près que le jeu n’est pas ralenti. Au lieu de profiter d’une action fluide à 144 images par seconde, vous aurez donc le droit à une action qui va dix fois trop vite si vous ne bridez pas la vitesse de votre processeur ! Et même en le bridant, le jeu peut rencontrer de grosses difficultés pour tourner à une vitesse décente, attendez-vous donc à bidouiller tous azimuts. Sachant que la reconnaissance du joystick fonctionne avec une bonne vieille calibration manuelle (qui donne des résultats absolument catastrophiques), et que DOS ne reconnait pas assez de boutons pour pouvoir utiliser les pas latéraux, on a au final de très grande chance de se retrouver avec une expérience nettement moins idyllique que ce qu’on espérait, et qui ne sera pleinement jouable qu’au clavier. Et de toute façon, même avec la configuration idéale, on remarquera que les décors en 3D ont été remplacés par de simples bitmaps… C’est dommage, car tous les éléments étaient objectivement réunis pour tenir la version définitive, mais on aboutit au final à une version pratiquement injouable qui ne justifie tout simplement pas les efforts colossaux qu’elle demande pour ouvrir une expérience correcte. Si vous voulez vraiment Battle Arena Toshinden en haute résolution, lancez-le sous DuckStation avec la résolution et le filtrage au maximum, vous arriverez à mieux avec infiniment moins d’efforts.

NOTE FINALE : 10/20

Plombé par une gestion technique assez chaotique, la version DOS de Battle Arena Toshinden a bien quelques arguments à présenter, sauf que la plus grande partie d’entre eux sont pratiquement inaccessibles sur une configuration moderne. Sachant qu’une jouabilité à six boutons n’était pas pensée pour DOS, elle non plus, on réservera cette version aux joueurs les plus mordus et les plus passionnés du PC – du genre à avoir conservé une configuration d’époque.

Développeur : NexTech Corporation
Éditeurs : SEGA Enterprises Ltd. (Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord) – SEGA of Europe Ltd. (Europe) –  Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Titre original : 闘神伝S (Toh Shin Den S, Japon)
Testé sur : Saturn

Date de sortie : 24 novembre 1995 (Japon) – 27 mars 1996 (États-Unis) – 29 mars 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, Virtua Stick
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Une large partie du succès de Battle Arena Toshinden pouvait être attribuée, comme on l’a vu, au fait qu’il s’agisse de la parfaite réponse à Virtua Fighter : vu de loin, c’était à peu près la même chose, mais en nettement plus beau. Mine de rien, cela avait de quoi contrarier SEGA, pour qui le portage sur Saturn de son prestigieux succès de l’arcade avait fait figure de killer app depuis le jour de la sortie de la console, et qui, en attendant de répondre avec Virtua Fighter 2, se devait a minima de laver l’affront en démontrant que sa machine n’avait aucune raison de rougir face à la PlayStation sur le plan technique. Dès lors, quelle meilleure réponse que de proposer à son tour une version du jeu, de la même manière que la Mega Drive avait été dotée de sa version de Street Fighter II’ pour aller chercher la Super Nintendo sur son terrain ? Et histoire de faire bonne mesure et de se faire pardonner de son retard (le jeu étant arrivé sur Saturn le jour même de la sortie de Battle Arena Toshinden 2 dans les salles d’arcade), il sera arrivé avec un peu de contenu additionnel. Au menu : une tout nouvelle introduction en images de synthèse (visible ci-dessus) histoire de bien en mettre plein les yeux, un nouveau mode de jeu et un boss secret additionnel. Juste ce qu’il faut pour justifier l’investissement et montrer à Sony qui commande, en substance.

En termes de contenu, on peut donc à présent profiter d’un mode « Histoire ». En quoi consiste-t-il ? Eh bien en sensiblement la même chose que le mode un joueur original, mais avec deux nuances. La première, comme on peut s’en douter, est précisément la narration : chaque personnage dispose à présent d’un background et d’un motif pour disputer le tournoi, et des échanges – doublés – ont lieu entre les rencontres, histoire de développer un peu les enjeux. Je pense ne surprendre personne en annonçant que le tout n’est pas exactement digne de Ronsard, surtout avec des doubleurs qui ne jouent pas toujours avec une justesse irréprochable, mais cela a au moins le mérite de doter chaque combattant d’un chouïa d’épaisseur et d’un peu de personnalité, tout en profitant des excellentes illustrations mettant en avant le character design. Non, la quête d’Ellis pour retrouver son père ne va pas vous tirer des larmes, mais on sera quand même assez satisfait de composer avec des personnages un peu mieux campés que les simples archétypes auxquels ils se limitaient sur la console de Sony. Deuxième nuance – plus surprenante, celle-là : Ce mode se limite à quatre combats avant d’arriver au boss final, ce qui fait qu’il est beaucoup plus rapide ici d’arriver face à Gaia. Parvenez à le vaincre sans faire usage d’un continue, et vous aurez accès au boss secret Sho ; venez-en à bout, toujours sans continue, et vous pourrez cette fois découvrir Cupido, le deuxième boss secret exclusif à cette version. Voilà pour les nouveautés. Certes, ça ne fait pas non plus un monde de différence – et un ou deux personnages jouables additionnels n’auraient clairement pas fait de mal – mais cela reste clairement au-dessus de ce que proposait la PlayStation, ce qui était le premier objectif.

Le deuxième, justement, celui qui s’affichait de façon à peine voilée, c’était aussi et surtout de prouver les capacités techniques de la Saturn face à sa déjà grande rivale – domaine dans lequel elle avait encore des choses à prouver. Et pour le coup, tout malentendu aura effectivement été dissipé, mais certainement pas de la façon qu’attendait SEGA : « Remix » ou pas, ce portage est clairement inférieur sur le plan technique au logiciel commercialisé sur PlayStation, et les onze mois séparant les deux versions n’y auront rien fait : la résolution est plus basse, l’action est plus lente, les personnages affichent moins de polygones, les arènes sont rendues en bitmap plutôt qu’en 3D, et les effets de transparences (notamment celui de la tenue d’Ellis) ont été remplacés par le fameux effet « un pixel sur deux » qu’emploient 95% des titres de la Saturn dans ce domaine.

Soyons honnête : avec le regard actuel, on n’a pas de raison objective de passer à la partie à s’arracher les yeux tant les différences restent assez mineures pour de la 3D de trente ans d’âge, mais il n’empêche qu’en termes d’image, le jeu aura fini par graver dans le marbre la certitude que la console de SEGA n’était tout simplement pas aussi bien armée que celle de Sony pour afficher de la 3D – pas exactement sa mission initiale. Reste aujourd’hui une adaptation qui a ses points forts comparé à celle sur PlayStation, mais le contenu ajouté ne compense qu’à peine les pertes dans le domaine de la réalisation ; à vous de voir ce qui vous intéressera le plus entre le cadeau et son emballage.

NOTE FINALE : 14/20

En tant que démonstration technique des capacités de la Saturn, Battle Arena Toshinden Remix est un échec : sans être honteux, le jeu est clairement à la traîne de ce que pouvait afficher la version PlayStation – et de ce que n’allaient pas tarder à afficher des jeux mieux programmés sur Saturn, comme Virtua Fighter 2 ou Fighting Vipers. La déperdition, sensible, n’est heureusement pas trop bouleversante avec trente ans de recul, et les joueurs désireux de profiter d’un peu de background pour des personnages qui avaient jusque là l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette auront au moins l’occasion de profiter d’un mode histoire et d’un boss supplémentaire.

Ai : Chō Aniki

Cette image provient du site https://www.jeuxvideo.com/

Développeur : Bits Laboratory
Éditeur : Masaya
Titre original : 愛・超兄貴 (graphie originale, Japon)
Testé sur : PC Engine CD
Disponible sur : Wii, Wii U

La série Chō Aniki (jusqu’à 2000) :

  1. Chō Aniki (1992)
  2. Ai : Chō Aniki (1995)
  3. Chō Aniki : Bakuretsu Rantōden (1995)
  4. Chō Aniki : Kyūkyoku Muteki Ginga Saikyō Otoko (1995)
  5. Chō Aniki : Otoko no Tamafuda (2000)

Version PC Engine CD

Date de sortie : 24 février 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Super System Card requise

Vidéo – L’introduction du jeu :

Il y a deux façons de composer avec les plaisirs coupables. La première est de rapidement les cacher sous le tapis après avoir cédé à la tentation, histoire de se rappeler que le propre des folies passagères, c’est qu’elles le restent.

Et puis la deuxième, c’est de les assumer jusqu’au bout. Quitte à embrasser un nouveau mode de vie.

Maîtriser les bonnes attaques vous permettra de faire le ménage très vite

On aurait pu penser que le très déstabilisant Chō Aniki allait rester un titre unique, à tous les sens du terme, tant il correspondait à un approche esthétique extrêmement ciblée – une sorte de Parodius fondé sur une curieuse obsession homo-érotique autour des bodybuildeurs. Mais Masaya n’en avait visiblement pas fini avec les tribulations des divinités Idaten et Benten au pays des messieurs très musclés en string… ou plutôt si. En fait, quitte à remettre le couvert trois ans après le premier opus, on aura cette fois fait kidnapper le dieu et relégué la déesse à un simple rôle de distributeur de power-up pour donner directement les commandes aux frères Samson et Adon, qui deviennent cette fois les héros à part entière d’un titre qui sonne parfois comme une simple relecture du premier épisode et qui s’intitule cette fois Ai : Chō Aniki.

Retour dans un univers avec une personnalité certaine

Le shoot-them-up partage au moins une caractéristique avec le cinéma pornographique : ce n’est pas le scénario qui compte. Ici, mon incapacité à lire le japonais va de toute façon m’encourager à cibler l’essentiel : Bo-Tei Kill, le méchant du premier épisode vaincu, c’est cette fois sa sœur qui prend le relai, l’occasion de remettre le couvert pour (re)découvrir un univers complètement barré où les métisses mécanico-organiques à la Gynoug s’effacent derrière les obsessions de corps masculins musculeux, quitte à réinterpréter La naissance d’Aphrodite en version « Monsieur Muscle ».

Face aux ennemis massifs, apprenez à utiliser l’esquive

Vous l’aurez deviné : la véritable star du titre, c’est une nouvelle fois cette tension érotique assumée quoique vaguement camouflée derrière l’ambiguïté de l’angle humoristique, qui commencera par vous faire diriger un Mister Univers dont on se sait toujours pas pourquoi il vole, ni pourquoi il a un trou dans la tête, dans lequel son frère se plait visiblement à cultiver des fleurs, à en juger par la cinématique d’introduction. Oui, c’est très spécial, mais on ne va pas se mentir : si vous êtes venu vous renseigner sur ce jeu, c’est peut-être que quelque part, ça vous plait, non ? Ne répondez pas à cette question. On a tous un jardin secret.

Si votre mère vous voit jouer à Ai : Chō Aniki, vous risquez d’avoir une conversation avec elle

On pourrait croire avoir déjà dit l’essentiel en présentant Ai : Chō Aniki comme le prolongement direct de son prédécesseur. Mais le fait que la prise de risque de Masaya ne s’est pas limitée à donner une deuxième chance à un univers qui avait commercialement peu d’espoirs – sinon aucun – de quitter un jour le Japon. En fait, c’est bien du côté du gameplay que le titre (confié cette fois à Bits Laboratory) va cette fois se révéler le plus déstabilisant : vous avez déjà joué à un shoot-them-up en vous demandant comment tirer, vous ?

La réalisation est techniquement très solide, en dépit de la résolution limitée

Certes, vous avez bien un tir – à tête chercheuse, rien de moins – accessible en appuyant sur le bouton II. Mais celui-ci est à la fois lent et faible, ce qui le rend particulièrement inapproprié pour composer avec les dizaines d’ennemis que le programme ne manquera pas l’occasion de vous jeter au visage dès les premières secondes de jeu. Aucun power-up ne venant jamais gonfler votre puissance de feu, diversifier vos attaques va donc vous demander… de réaliser des combinaisons, comme dans les jeux de combat de la période. Par exemple, un tir couvrant à distance vous demandera d’enchaîner arrière-avant puis tir. Une approche vraiment inattendue et pas exactement naturelle qui risque de vous demander un sérieux temps d’adaptation, surtout le temps d’en découvrir les possibilités, et qui va s’additionner à un mécanisme d’esquive placé, lui, sur le bouton I.

Benten n’apparaîtra que pour vous lâcher des bonus avant de repartir

Intérêt de cette fonction ? Faire tournoyer votre personnage, qui évite les tirs adverses pendant tout le temps de la manœuvre, le rendant virtuellement invincible. D’où une question évidente que je vous entends poser d’ici : « Mais qu’est-ce qui m’empêche de passer tout le jeu à tournoyer plutôt que de chercher à détruire les ennemis ? ».

Oui, c’est bien un boss qui vous attaque avec des plongeurs

Et c’est là que la barre de temps figurée par des sabliers et située en haut de l’écran prend tout son sens : pour terminer un niveau, vous devrez vaincre un certain nombre d’adversaires, ans quoi le boss n’apparaîtra pas. Tardez trop, et vous perdrez un sablier – lesquels font également office de vies puisque vous en perdrez également un à chaque fois que votre jauge de santé de trois cœurs arrivera à son terme. Arrivez au bout de la jauge de temps, et ce sera le game over instantané, sans continue, ce qui est finalement assez logique car le jeu est très court (comptez 25 minutes pour en voir le terme). Progressez, et la déesse Benten fera régulièrement son apparition pour vous distribuer de la santé et du temps supplémentaire. Et si jamais vous avez besoin d’aide, il est possible de convoquer un ami afin de vous aider à faire le ménage encore un peu plus vite.

Vous ne verrez plus jamais un bonhomme de neige de la même façon

On ne va pas se mentir : que ce soit par son univers ou sa jouabilité, Ai : Chō Aniki est un jeu qui risque d’être clivant. Diriger un personnage au masque de collision énorme dans un jeu où il est difficile de tirer est au moins aussi déstabilisant que les obsessions homo-érotiques des développeurs, et en dépit d’une réalisation difficile à prendre en défaut – et d’un style qui peut se vanter de rester assez unique en son genre – on comprendra que tout le monde ne soit pas disposé à s’accrocher pour comprendre comment vaincre un jeu qui est de toute façon trop court et trop simple.

Le boss finale doit représenter, avec Benten, la seule femme de tout le jeu

« Pour oser, il ose ! », voilà ce qu’on pourrait retenir d’un titre qui est avant tout pensé d’un bout à l’autre comme une curiosité. Certains joueurs semblent être tombés amoureux de son système de jeu, ce n’est clairement pas mon cas – d’autant plus qu’on peut tout-à-fait vaincre le logiciel en n’en maîtrisant qu’une seule et unique attaque – mais si vous cherchez un programme qui ne ressemble à strictement rien d’autre qu’à la saga dont il est issu, vous ne serez clairement pas déçu. Les fans de shoot-them-up, pour leur part, auront intérêt à se montrer patients ou authentiquement décidés à revenir jusqu’à maîtriser les subtilités du gameplay, mais dans tous les cas, Ai : Chō Aniki reste un petit jeu popcorn dont on fait le tour beaucoup trop vite.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14/20 Quitte à flirter avec le bizarre, Ai : Chō Aniki n'aura certainement pas changé le cap emprunté par son illustre prédécesseur : si vous avez développé un fétichisme pour les bodybuildeurs en string et les ambiances décalées, vous serez toujours comme un poisson dans l'eau. L'aspect le plus déconcertant du jeu demeure néanmoins son gameplay reposant sur des combinaisons rappelant les jeux de combat de la période : on avait rarement croisé un shoot-them-up où le simple fait de tirer puisse représenter un tel travail ! Cette approche inattendue reste à la fois la grande force et le gros talon d'Achille d'un jeu déjà pas très long ; ceux qui espéraient juste se défouler avec le pouce calé sur le tir automatique risquent de ne pas apprécier le voyage, et les autres auront probablement vaincu le titre avant même d'avoir compris comment sortir la moitié des attaques. Néanmoins, on ne pourra pas reproche au titre de Bits Laboratory de ne pas avoir essayé quelque chose de différent, et si vous vous demandez si vous pouvez encore être surpris par ce qui tourne sur votre PC Engine CD, c'est peut-être ici que vous trouverez la réponse.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une jouabilité presque aussi déstabilisante que l'univers du jeu... – ...et qui risque de représenter la principale difficulté du titre – Seulement quatre niveaux

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ai : Chō Aniki sur un écran cathodique :

Earthworm Jim 2

Développeur : Shiny Entertainment, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Titre alternatif : アースワームジム2 (graphie japonaise)
Testé sur : Mega DriveSuper NintendoPC (DOS)PlayStationSaturn
Disponible sur : Browser, Game Boy Advance, Linux, Macintosh, Switch, Wii, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Macintosh, Windows)

La série Earthworm Jim (jusqu’à 2000) :

  1. Earthworm Jim (1994)
  2. Earthworm Jim : Special Edition (1995)
  3. Earthworm Jim 2 (1995)
  4. Earthworm Jim 3D (1999)
  5. Earthworm Jim : Menace 2 the Galaxy (1999)

Version Mega Drive

Date de sortie : 15 novembre 1995 (Amérique du Nord) – 22 décembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 24Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Si on avait annoncé aux joueurs, quelque part vers le milieu de l’année 1994, qu’ils allaient bientôt attendre fiévreusement le retour des aventures d’un ver de terre, ils auraient probablement pensé qu’on était en train de se payer leur fiole. Et pourtant, les faits sont là : cette année-là, Shiny Entertainment aura pris tout le monde par surprise avec Earthworm Jim, ses graphismes léchés, son animation qui n’avait rien à envier à celle d’Aladdin, son univers complètement déjanté, son humour transgressif, sa difficulté redoutable, et sa vache.

Oui, sa vache. Vu le succès instantané de ce qui s’annonçait déjà comme le début d’une des dernières licences marquantes de l’ère 16 bits, tout le monde s’attendait à une suite, tout le monde voulait une suite, et tout le monde espérait qu’elle parviendrait à reproduire la surprise du premier opus tout en parvenant à placer les curseurs encore un peu plus haut que l’altitude stratosphérique où ils étaient déjà placés. Bref, tout le monde attendait à la fois la suite logique et une forme de miracle. Un an pratiquement jour-pour-jour plus tard, le vœu était exaucé. Restait juste à savoir s’il pouvait réellement répondre aux espoirs colossaux qui avaient été placés en lui.

En tous cas, une chose est sure : l’équipe de développement n’aura visiblement pas souhaité gaspiller trop d’énergie dans le scénario. Pour tout dire, la fameuse princesse Machin-Chose a été enlevée par Psy-Crow, et comme vous aviez besoin d’un prétexte pour recommencer à traverser des environnements déjantés n’entretenant aucune forme de lien vaguement logique les uns envers les autres, vous allez être très heureux de ré-enfiler votre super-costume et sa capacité ô combien pratique à vous offrir des bras et des jambes et à refaire à peu près la même chose qu’avant, ça tombe bien, c’est ce que tout le monde espérait.

Pour l’occasion, presque tout le casting du premier épisode a été une nouvelle fois mobilisé pour refaire son apparition à un moment ou à un à un autre (oui, même la vache, qui est venue avec un paquet de copines), et vous pourrez retrouver toutes vos capacités, du fouet à votre pistolet qui disposera pour l’occasion de nombreux nouveaux types de tirs. Petit ajout à votre panoplie : un tas de morve qui pourra vous servir de parachute, ou à vous accrocher à des plaques de mucus pour jouer à Tarzan… soit deux pouvoirs qui était auparavant parfaitement assumés par votre corps de lombric, et qui n’apportent au fond pratiquement rien. Et se dessine alors la première crainte : serait-il possible que l’équipe de Shiny soit arrivée à court d’idées ?

À première vue, on est immédiatement rassuré : tandis qu’on se retrouve sur un fauteuil d’escalier à éviter des mémés qui tombent du ciel, ou à participer à un quizz télévisé sous la forme d’une salamandre avant d’enchainer avec un jeu de rythme ou une phase de shoot-them-up, on retrouve à la fois l’univers déjanté du titre, son côté gentiment irrévérencieux et son aspect pipi-caca assumé avec cette passion secrète pour la morve, sans oublier le retour de l’enfer administratif, de Pete le chien et d’à peu près tout ce qui avait fait la force du premier opus.

Sachant que la réalisation est une nouvelle fois absolument irréprochable – figurant sans peine dans le sommet du panier de ce qu’a pu produire la Mega Drive – avec une animation toujours aussi parfaite et pas l’ombre d’un clignotement ou d’un ralentissement, et que la jouabilité est restée largement aussi efficace, tous les voyants sont au vert. En fait, on ne voit tout simplement pas comment on pourrait passer un mauvais moment – sauf à regretter que la très frustrante difficulté du premier épisode ait aussi fait le voyage, mais la présence d’un système de mot de passe et d’un choix du mode de difficulté simplifiera les choses dans ce domaine. Bref, sur le papier, c’est le bonheur.

Pourtant, une fois la manette en mains, on ne peut jamais tout à fait congédier le sentiment que quelque chose s’est un peu cassé en un an. La surprise, pour commencer : à force de ré-invoquer absolument tout ce qui avait fait la force du premier opus, Earthworm Jim 2 ronronne parfois dangereusement, n’introduisant pratiquement rien de neuf en dépit de sa prétention à nous faire penser le contraire.

Par exemple, le niveau Inflated Head, qui nous demande de grimper avec la tête gonflée à l’hélium, fait un peu penser à une relecture de Buttville, niveau du premier opus qui nous demandait, lui, de nous laisser descendre. Les phases de course avec Psy-Crow ont disparu… pour être remplacées par des phases de trois rounds tout aussi répétitives nommées Puppy Love qui vous demanderont de sauver les chiots de Pete en les faisant rebondir jusqu’à lui à l’aide d’un pouf. Un concept amusant une ou deux fois… le problème étant que le jeu y consacre pas moins de trois niveaux entiers, de trois rounds chacun, soit neuf séances d’une activité certes originale mais pas follement ludique. Et c’est là que la machine commence d’ailleurs à se gripper : c’est comme si Earthworm Jim 2 était si fier de ses quelques rares nouvelles idées qu’il avait envie de nous les imposer jusqu’à nous en écœurer complètement.

Par exemple, au premier niveau, vous serez amené à transporter des porcs jusqu’à des mécanismes dédiés afin de débloquer des passages. De quoi vous faire cogiter deux secondes et vous occuper à peine plus longtemps : c’est frais, c’est inattendu, pourquoi pas. Imaginer maintenant un niveau où vous devrez cette fois transporter des vaches jusqu’à leur étable pour le même résultat. C’est marrant une fois, peut-être deux, nettement moins à la neuvième. Un peu comme Puppy Love.

Et parfois, ce n’est tout simplement jamais amusant, comme ce niveau éminemment pénible vous demandant de guider une bombe volante jusqu’au boss dans une phase de shoot-them-up où absolument tout est pensé pour vous compliquer la tâche et empêcher le maudit engin d’aller là où vous aimeriez qu’il aille, et où s’invite un sentiment qui revient un peu trop souvent dans un titre qu’on avait plus attendu pour s’amuser : pourquoi nous imposer ça ? C’est comme si, à force de recycler ses veaux, vaches, cochons et poulets, le titre en venait à oublier purement et simplement sa nature de run-and-gun mâtiné de plateforme et à expurger tous les passages efficaces pour les remplacer par des passages qui se veulent originaux (et bien souvent ne le sont pas) mais qui oublient parfois d’être ludiques.

Conséquence : Earthworm Jim 2 est un titre qui s’avère, à bien des niveaux, encore plus clivant que son prédécesseur – lequel était parvenu, pour l’essentiel, à faire l’unanimité sur à peu près tous les points à l’exception de sa difficulté. Ici, non seulement on a un peu trop souvent l’impression de jouer à un Earthworm Jim 1.1 représentant une suite de niveaux bonus de la première aventure plutôt qu’une nouveau jeu à proprement parler, mais on a surtout l’impression qu’on a hérité d’une de ces compilations de niveaux qui avaient été retirés du jeu pour une bonne raison.

En dépit de ses indéniables qualités, le titre échoue à la fois à surprendre et surtout à réellement nous offrir ce qui avait été efficace la première fois. C’est toujours beau, c’est toujours jouable, et c’est (parfois) toujours amusant, mais ça sent aussi la licence relancée un peu trop vite pour son propre bien, au point de nous laisser la sensation d’arriver essoufflée dès le début de la course. Il y a indéniablement des bons moments à passer, mais au final l’héritage du premier opus apparait davantage comme un boulet qui donne le sentiment permanent de refaire la même chose en légèrement moins bien plutôt que de monter les curseurs, pour reprendre l’image utilisée plus haut. Il était peut-être temps que les consoles 32 bits et la 3D arrivent, en fin de compte, car Earthworm Jim 2 a des aspects de tournée d’adieux : le talent est toujours bien là, mais on sent qu’il faut parfois accepter de raccrocher les gants avant qu’il ne soit trop tard.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Le retour du plus célèbre lombric de tout l'univers vidéoludique ne faisait guère de doute, et il aura bel et bien eu lieu à peine un an après le tabac du premier opus. La grande question était de savoir si Earthworm Jim 2 allait encore réussir à nous surprendre, et la réponse est : oui et non... L'improbable héros imaginé par Shiny Entertainment aura fait le choix de venir avec toutes ses idées, le problème étant qu'il n'aura pas nécessairement pris le temps de trier les bonnes des mauvaises. À force d'aligner les concepts « originaux » mais pas nécessairement ludiques et de recycler des vieilles idées en espérant qu'on n'y verrait que du feu, le titre perd de vue son statut initial de run-and-gun efficace pour évoquer par moments une sorte de jeu de livraison de bétail où on passe la moitié de son temps à transporter des porcs, des vaches ou des souris. La réalisation irréprochable et l'éternelle folie douce de l'ensemble délivrent à l'expérience un cachet indéniable, mais l'aventure étant restée aussi frustrante que la précédente, tout le monde ne trouvera pas nécessairement son compte ici. Imaginatif, assurément, mais pas toujours aussi amusant qu'on l'aurait souhaité.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Certains niveaux plus pénibles qu'autre chose (le shoot-them-up)... – ...d'autres qui tendent à le devenir sur la durée (les transports d'animaux)... – ...et d'autres qu'on se serait volontiers contenté de ne faire qu'une seule fois (les chiots) – Difficulté toujours aussi frustrante

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Earthworm Jim 2 sur un écran cathodique (PAL) :

Version Super Nintendo

Développeur : Shiny Entertainment, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Date de sortie : Novembre 1995 (Amérique du Nord) – Décembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 24Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme son prédécesseur, Earthworm Jim 2 aura été développé sur Mega Drive, l’équipe de développement entretenant une relation privilégiée avec la console au moins depuis Aladdin. Cette fois, pas de niveau exclusif monnayé par SEGA en dernière minute, la Super Nintendo pouvait donc espérer arriver avec ses propres arguments – ce qu’elle fait d’ailleurs en proposant une réalisation graphique plus colorée que celle de sa rivale.

Certains diront que les ambiances étaient plus tranchées sur la console de SEGA, mais toujours est-il que le résultat est globalement superbe et inclut même quelques gourmandises absentes de la version originale, comme un effet de lumière par transparence au niveau deux. Bref, c’est globalement plus beau, même si comme toujours sur Super Nintendo il faudra également composer avec une résolution inférieure qui réduit la taille de la fenêtre de jeu. Niveau sonore, les choses sont moins tranchées et demeureront avant tout une question de goût – la jouabilité, pour sa part, est toujours aussi réactive, et je n’aurais croisé ni ralentissement ni effacement de sprites. Le contenu étant pour sa part identique, on se retrouve donc avec une alternative très sérieuse à la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 15,5/20

Earthworm Jim 2 ne débarque pas en touriste sur Super Nintendo, et parvient même à placer la barre encore un peu plus haut sur le plan purement graphique – au prix d’une fenêtre de jeu réduite, la faute à la fameuse résolution en 8/7e de la console. Le reste étant toujours aussi bon (et aussi frustrant), je laisserai les fans quadragénaires se déchirer pour savoir si une version est vraiment supérieure à l’autre, mais une chose est sure : vous n’aurez aucune raison de bouder ce portage.

Version PC (DOS)

Développeurs : Rainbow Arts – Funsoft
Éditeur : Interplay Productions, Inc.
Date de sortie : Mai 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joystick, manette
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel 80486 – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA
Cartes sonores supportées : Ensoniq Soundscape, Gravis UltraSound/ACE, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I/RAP-10, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32, WaveJammer
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1996, il commençait à devenir difficile de faire l’impasse sur le PC. Cette version étant encore commercialisée à l’heure actuelle, autant prendre le temps de se pencher dessus. Commençons par les bonnes nouvelles : si ce portage repart des ambiances de la version Mega Drive, celles-ci bénéficient néanmoins ici d’une palette de couleurs étendue et de dégradés bien plus fins (la résolution en 320×224 est même plus élevée que celle du VGA standard).

Le jeu a le bon goût de reconnaître les pads à quatre boutons (soit précisément ce qu’utilise le gameplay), il n’y aura donc aucun tracas avec la jouabilité ici. Et, cerise sur le gâteau, le jeu tirant à l’origine parti du support CD-ROM, on bénéficie d’une musique numérique de toute bôôôté qui enterre sans débat tout ce qu’on avait pu entendre sur les consoles 16 bits. Alors du coup, Earthworm Jim 2 sur PC, version ultime ? Oh, il y aurait sans doute eu débat face aux itérations 32 bits, à un minuscule détail près : la disparition de Lorenzen’s Soil, le deuxième niveau du jeu. Une perte de contenu qui a de quoi faire grincer des dents, d’autant que pour compenser, les développeurs ont décidé… de rajouter un quatrième round à chaque niveau de Puppy Love ! Comme si ces séquences ne vampirisaient déjà pas assez de temps comme ça ! Bref, une version qui aura indéniablement ses défenseurs – et qui le mérite – mais pour le néophyte, le mieux est peut-être tout simplement de commencer par les versions 32 bits.

NOTE FINALE : 15,5/20

Earthworm Jim 2 sur PC a le bon goût d’être ce qu’on était venu chercher, à savoir une version aussi jouable mais mieux réalisée que les itérations sur consoles 16 bits – avec notamment une musique CD qui fait beaucoup de bien. Dommage, en revanche, qu’un niveau ait été sacrifié et que les séquences de sauvetage de chiots aient été prolongées – ça, on aurait pu s’en passer.

Version PlayStation

Développeur : Screaming Pink, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Date de sortie : 15 Novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Passage de relai pour la version 32 bits d’Earthworm Jim 2 : c’est Screaming Pink qui hérite du bébé, avec la mission de faire sentir au joueur qu’il a eu une bonne raison de changer de hardware. De fait, on sent immédiatement qu’il y a eu du travail, et si on pourra parfois juger l’esthétique un peu chargée, les décors affichent des détails qu’on n’aurait pas pu afficher sur une console 16 bits – et le tout tourne à soixante images par seconde. On remarquera en revanche quelques ratés – pas d’effets de transparence, par exemple.

Tant qu’à faire, la musique CD a fait le chemin depuis la version PC – et cette fois, pas un niveau ne manque. Du coup, là, cette fois, c’est bel et bien la version ultime, on est d’accord ? Eh bien… mouais, mais je ne suis pas sûr. La première raison, c’est que la jouabilité est devenue un peu moins précise avec Screaming Pink aux commandes, ce qui se ressent particulièrement lorsqu’on fait des sauts « de liane ». C’est parfois un peu agaçant, mais ça n’impacterait probablement pas les joueurs ne s’étant jamais essayés aux autres versions, si quelqu’un n’avait pas eu en plus la mauvaise idée de revoir la difficulté à la hausse. Il y a davantage d’ennemis, ils sont plus difficiles à toucher, ils vous laissent très peu de temps pour réagir – c’est bien simple, je ne serai même pas parvenu à vaincre le boss du deuxième niveau dans cette version ! Sachant que l’expérience originale était déjà largement assez frustrante en tant que telle, je ne suis pas persuadé que cette version fasse le consensus, même avec une réalisation plus soignée. Bref, à tout prendre, si vous avez les nerfs fragiles, jouez en mode « facile », et si ça ne suffit pas, allez plutôt voir du côté des versions 16 bits ou de l’itération PC.

NOTE FINALE : 16/20

Earthworm Jim 2 sur PlayStation parvient à placer la barre encore un peu plus haut sur le plan de la réalisation – ce n’est pas encore Rayman, mais en termes de pixel art, ça reste néanmoins clairement dans le haut du panier. Dommage, en revanche, que la jouabilité ait perdu en précision, et surtout que la difficulté ait encore été gonflée, ce dont elle n’avait clairement pas besoin.

Version Saturn

Développeur : Screaming Pink, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Date de sortie : 16 mai 1996 (États-Unis) – Octobre 1996 (Europe) – 11 novembre 1996 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour la version Saturn du jeu, on retrouve Screaming Pink aux commandes, ce qui signifie qu’on sait exactement à quoi s’attendre. Vous vous attendez à un clone parfait de l’itération PlayStation ? Vous avez raison ! Les deux versions sont (quasi) jumelles (on notera par exemple que la résolution native n’est pas tout-à-fait la même : 318×240 sur PlayStation contre 352×224 sur Saturn), ce qui signifie que ce qui pouvait habituellement apparaître comme des faiblesses spécifiques à la machine de SEGA (au hasard, l’absence de gestion des effets de transparence) sera cette fois commun aux deux machines. Encore une fois, si la réalisation est globalement à la hauteur, la jouabilité et la difficulté feront moins l’unanimité, et on peut vraiment regretter que cette édition 32 bits n’ait pas hérité, pour l’occasion, d’un ou deux niveaux inédits. Tant pis, on s’en contentera.

NOTE FINALE : 16/20

Comme sur PlayStation, Earthworm Jim 2 sur Saturn s’applique à soigner l’emballage, mais en oubliant au passage les finitions sur la jouabilité et sur le contenu. Si les amateurs du lombric de Shiny Entertainment devraient être aux anges, les autres apprécieront diversement l’escapade, et certains pourraient même rester un peu sur leur faim.

Gex

Développeur : Crystal Dynamics, Inc.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Titres alternatifs : ゲックス (graphie japonaise), Gecko X (titre de travail)
Testé sur : 3DOPlayStationSaturnPC (Windows 9x)
Disponible sur : PlayStation 3, PSP, PS Vita (version PlayStation), Windows
En vente sur : Gog.com (Windows)

La série Gex (jusqu’à 2000) :

  1. Gex (1995)
  2. Gex 3D : Return of the Gecko (1998)
  3. Gex : Enter the Gecko (1998)
  4. Gex : Deep Cover Gecko (1999)
  5. Gex 3 : Deep Pocket Gecko (1999)

Version 3DO

Date de sortie : Avril 1995 (Europe) – Juin 1995 (États-Unis) – 14 juillet 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Une large partie de la (courte) existence de la 3DO aura consisté à tenter de se mêler à une course qui se déroulait sans elle, et dont les deux participants se nommaient SEGA et Nintendo. Un échec, comme tout le monde le sait – d’autant plus cruel que la machine avait au moment de sa sortie de réels arguments qui auront tous plié sous le poids d’un modèle commercial inadapté, lequel se sera chargé de rappeler aux industriels occidentaux qu’il allait leur falloir (ré)apprendre à vendre des consoles de jeu.

Mais quoi qu’il en soit, la machine était prise entre deux pulsions contraires : hurler sa différence (pour sortir du lot), tout en cherchant à être exactement comme tout le monde (pour rassurer les acheteurs). Justement, pour vendre une machine et commencer à mettre un visage reconnaissable sur la marque (les anglo-saxons parlent de « brand awareness »), la grande tendance de l’époque tournait autour d’une seule et unique obsession (laquelle n’allait d’ailleurs pas tarder à retomber comme un soufflé, la faute à une rapide overdose) : les mascottes. Toute la planète connaissait Sonic le hérisson et Mario le plombier ? Alors il fallait également une figure de proue pour la 3DO, un personnage apte à évoquer immédiatement la console. Aux yeux des joueurs, cette position aura été assurée par un certain Gex… lequel aura connu un destin à la PC Genjin, puisqu’il aura finalement fait des infidélités à son système d’origine, au point de lui survivre et d’aller continuer sa route bien après la mort de la 3DO. Tout un symbole…

Gex, pour ceux qui auraient eu la flemme de regarder la couverture, est un lézard – un gecko, pour être plus précis, d’où son nom – du genre bavard et à débiter des one-liners censément hilarants récités par son doubleur Dana Gould. Pour une raison obscure qui n’est jamais développée, son ennemi juré se trouve être une sorte d’insecte cybernétique nommé Rez qui, d’une façon tout aussi obscure liée à une mouche piégée, entreprend un jour d’entrainer Gex dans l’écran de sa propre télévision.

Désormais prisonnier d’un univers cinématographique qui n’est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood (d’ailleurs paru la même année), le lézard va devoir parcourir cinq environnement volontairement clichés, allant du film d’horreur à l’univers oriental, pour y trouver de précieux sésames qui prendront la forme de télécommandes. Une aventure pas aussi linéaire qu’on pourrait le croire et qui l’emmènera bien évidemment régler son compte à Rez pour recouvrer sa liberté (et retourner passer ses journées à buller devant un écran, cela va de soi).

Le titre prend la forme d’un jeu de plateforme en 2D assez classique, dans des successions de niveaux où l’objectif, comme on l’a vu, sera le plus souvent de trouver une ou deux télécommandes (le compte exact vous sera donné en ouverture). Ces télécommandes, une fois utilisées sur la carte du monde, vous ouvriront soit l’accès à un autre stage, soit carrément celui à un autre univers – ce qui signifie qu’il se produira certaines situations où vous serez libre de visiter plusieurs niveaux dans l’ordre de votre choix, voire de faire carrément l’impasse sur certains d’entre eux. Les boss, eux (un par monde), feront systématiquement l’objet d’un niveau dédié.

L’idée sera donc de diriger votre lézard dans des environnements relativement ouverts, sans se révéler pour autant inutilement labyrinthiques (vous devrez rarement écumer un même niveau de long en large pour espérer trouver une télécommande vicieusement dissimulée à un endroit absurde ; à ce niveau-là, le level design se montre assez intelligent). Gex peut frapper les ennemis avec sa queue et attraper des bonus avec sa langue – tout comme il peut courir grâce aux boutons de tranche – mais sa capacité la plus originale reste sa capacité à se déplacer très naturellement sur les murs, ce qui peut souvent changer beaucoup de choses face à une séquence de plateforme qui s’annonçait ardue. À quoi bon sauter par-dessus un trou quand vous pouvez simplement vous balader sur le plafond au-dessus ? Une idée intéressante qui renouvèle quelque peu l’approche, mais pas suffisamment pour qu’on soit réellement dérouté… ni vraiment surpris.

On tient d’ailleurs là à ce qui compose autant la force et l’intelligence du jeu que sa limite la plus évidente : celle d’avoir préféré tempérer un peu son ambition pour verser dans un gameplay qui offre l’avantage d’être naturel, tout en laissant souvent l’impression d’être cruellement sous-exploité. Concrètement, le titre a beau s’atteler à offrir un minimum de renouvellement, avec quelques niveaux labyrinthiques bien conçus ou des séquences à défilement imposé brisant un peu la monotonie, il ne parvient jamais tout à fait à atteindre ce Nirvana vidéoludique où se côtoient les idées de génie et les séquences de bravoure, ce degré de fun ou de surprise qui puisse l’installer définitivement dans notre mémoire pour ne plus jamais l’en déloger. On passe indéniablement un bon moment, sur Gex, l’avantage d’une réalisation qui aura préféré verser dans le pinacle de la 2D plutôt que de basculer trop tôt dans une 3D qui allait faire beaucoup de mal au genre du jeu de plateforme avant qu’un certain plombier ne vienne expliquer à tout le monde comment s’y prendre.

Visuellement, ce n’est peut-être pas au niveau de Rayman (qui constitue de toute façon un des pinacles du domaine), mais cela reste largement au-dessus de ce que pouvait offrir n’importe quel système 16 bits de la période. Le support CD-ROM permet également de profiter d’un contenu généreux d’une vingtaine de stages avec une forte dose de zones bonus et de niveaux secrets – peut-être pas de quoi vous occuper « des semaines » comme le prétendaient certains tests de l’époque, mais facilement de quoi vous mobiliser quatre ou cinq heures au minimum. La difficulté proviendra d’ailleurs plus souvent des quelques petits errements de la jouabilité, comme une caméra qui peine à rester centrée sur votre lézard, que d’un défi qui connait certes ses pics mais qui se montre aussi largement tempéré par le nombre hallucinant de vies que vous pourrez gagner en collectant les lucioles qui peuplent les niveaux – et par un système de sauvegarde certes assez limité, puisqu’il vous demandera de collecter des cassettes dont vous trouverez rarement plus de deux exemplaires par monde, mais qui vous permettra au moins de ne pas repartir du début à chaque fois.

Au bout du compte, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine frustration, après avoir fini ce Gex. Non qu’on regrette le temps qu’on a pu lui consacrer, loin de là, mais il est difficile de mettre précisément le doigt sur ce petit quelque chose qui lui empêche de réellement côtoyer les sommets.

Un tout petit plus de variété au sein d’un même environnement ? Des boss un peu plus marquants ? Un level design un léger poil plus imaginatif ? Un Dana Gould un peu moins insupportable avec ses blagues pourries ? Une ou deux séquences sortant davantage des clous ? Des détails qui auraient permis au titre de ronronner un peu moins, assurément, et d’être autre chose que juste « sympathique » (ou « très sympathique », selon votre degré d’affinité). En l’état, je doute que n’importe quel amateur du genre puisse regretter de s’essayer au jeu. De la part de ceux qui commenceraient un peu à saturer – et c’était assurément le cas d’une large partie des joueurs de l’époque, à en juger par le sort de toutes les fameuses mascottes et des titres qui les hébergeaient – il est en revanche possible que ce lézard à grande bouche les laisse quelque peu de marbre. Le mieux est sans doute de lui laisser une chance ; il n’en a peut-être pas l’air, avec ses problèmes d’attitude, mais il le mérite.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Il devait être la mascotte de la première console 32 bits, c'est un lézard, et il a le nom d'un tampon à récurer : il ne peut s'agir que de Gex. Le reptile imaginé par Crystal Dynamics sera parvenu à exister lors d'une délicate période de transition avec un certain brio, offrant une réalisation solide et variée et un gameplay à la fois malin, accessible et nettement moins punitif que celui d'un titre à la Rayman, en laissant le joueur visiter un univers télévisuel qui n'est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood – mais en nettement plus réussi. Quelques petits errements dans la jouabilité, un léger manque de renouvellement dans les mécanismes de jeu et un chouïa de paresse dans le level design l'empêchent peut-être de pouvoir revendiquer une place au panthéon des maîtres incontestés du genre, mais il faut reconnaître qu'il n'en est vraiment pas loin. Une très bonne surprise, et assurément l'un des titres à posséder sur 3DO.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une vue qui n'est jamais centrée sur notre lézard...
– ...d'où une certaine dose de sauts de la foi
– Quelques niveaux qui s'étirent vraiment au-delà du raisonnable...
– ...et en plus, il faudra les refaire jusqu'à trouver la ou les télécommande(s) à l'intérieur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gex sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 8 mars 1996 (Japon) – Avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On le sait, la PlayStation est une console qui avait été conçue pour la 3D bien plus que pour la 2D. Ça ne l’empêchait pourtant pas de s’en sortir plus qu’honorablement dans le domaine – où on se doutait qu’elle devrait pouvoir faire au moins aussi bien que la 3DO. Aucune mauvaise surprise de ce côté-là : la réalisation est toujours aussi bonne, le jeu n’a pas perdu un pixel ni un quelconque effet, et le tout est sensiblement plus fluide que sur la version originale – les quelques rares ralentissements qui y figuraient ont d’ailleurs disparu. Le programme tourne à soixante images par seconde et Gex répond au doigt et à l’œil ; bref : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seule étrangeté (mais celle-ci, comme on va le voir, ne se limitera pas à cette itération sur la console de Sony) : le système de sauvegarde a ici été remplacé par un système de mot de passe (les développeurs auront parfois mis un peu de temps à adopter les cartes-mémoire). Pour le reste, le titre est peut-être encore un peu plus agréable à pratiquer que sur 3DO. Rien à redire.

NOTE FINALE : 17/20

Aucune mauvaise surprise pour Gex sur PlayStation, qui offre une version graphiquement identique à celle parue sur 3DO, mais tournant désormais à soixante images par seconde. Le confort n’en est que plus grand, et la console de Sony devrait composer un excellent choix pour découvrir le jeu.

Version Saturn

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 29 mars 1996 (Japon) – 5 avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quitte à développer un jeu à destination des systèmes 32 bits, il aurait été dommage de faire l’impasse sur la Saturn – surtout pour un jeu en 2D. Gex, une nouvelle fois porté par Beam Software, aura donc débarqué à peu près à la même date que sur PlayStation, dans une version d’ailleurs très semblable – comprendre que le système de mot de passe a une nouvelle fois été privilégié sur une sauvegarde employant la mémoire interne, choix étrange mais passons. La bonne nouvelle, c’est que le titre tourne aussi bien que sur la machine de Sony. La mauvaise, c’est qu’il remplace les quelques (rares) effets de transparence par un effet de mosaïque, comme c’était le cas dans 95% des portages réalisés sur la machine. Fort heureusement, cela reste un détail assez anecdotique, et je pense que la plupart des joueurs préfèreront abandonner ce type de fioritures pour profiter d’une fluidité et d’une réactivité accrue plutôt que de jouer sur 3DO. Pour le reste, je vous renvoie au test de la version originale, car pratiquement rien d’autre n’a changé.

NOTE FINALE : 17/20

Prenez la version PlayStation de Gex, remplacez ses effets de transparence par des effets de mosaïque, et ta-da ! Voilà votre version Saturn. L’essentiel – la fluidité et la réactivité – a heureusement été préservé, vous ne devriez donc pas vous sentir trop malheureux de ne pas être en train de jouer sur la console de Sony.

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Kinesoft Software
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 7 novembre 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleur : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, le PC était toujours une plateforme de développement un peu à part, mais Windows 95 était censé le rendre plus accessible à des portages depuis l’univers des consoles 32 bits – dont les joueurs n’étaient d’ailleurs que rarement fans, un PC bien équipé s’avérant généralement largement supérieur à ses équivalentes de salon… ce que des adaptations paresseuses peinaient un peu trop souvent à matérialiser. Pour ce qui est de Gex, pas de mauvaise surprise : c’est peu ou prou l’exact équivalent de l’itération PlayStation qui est présent ici, et les quelques lourdeurs introduites par Windows 95 n’ont heureusement pas fait le trajet jusque dans la version dématérialisée qui est aujourd’hui en vente, ce qui fait que vous ne devriez avoir aucun problème à jouer en plein écran avec votre manette Xbox branchée. Évidemment, pas de super-haute-résolution ni de friandise particulière, mais si vous n’avez pas les connaissances (ou la patience) pour faire usage d’un émulateur, ce portage devrait vous offrir exactement tout ce que vous pouviez espérer.

NOTE FINALE : 17/20

C’est Gex, c’est fluide et c’est jouable – ce qui n’était pas nécessairement une évidence sur Windows 95 à l’époque, mais en est désormais une aujourd’hui. Si vous souhaitez découvrir le jeu, vous pouvez commencer par là sans regret.

Vectorman

Développeur : BlueSky Software, Inc.
Éditeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Titre alternatif : ベクターマン (graphie japonaise)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Macintosh, Wii, Windows
En vente sur : Steam.com (Windows)

La série Vectorman (jusqu’à 2000) :

  1. Vectorman (1995)
  2. Vectorman 2 (1996)

Version Mega Drive

Date de sortie : 24 octobre 1995 (États-Unis) – 30 novembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cartouche, dématérialisé
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aura eu beau parler de « guerre » entre Nintendo et SEGA pour qualifier leur opposition commerciale au cours de l’âge d’or des systèmes 16 bits, le fait que celle-ci ait laissé de si bon souvenirs aux joueurs tend à nous indiquer qu’il ne s’agissait pas d’une guerre comme les autres. De fait, dans un conflit où les munitions sont des jeux vidéo et où la qualité de ceux-ci a un impact au moins aussi décisif que leur nombre, les populations civiles avaient pour une fois de très bonnes raisons de se frotter les mains en assistant avec gourmandise à l’opposition entre les deux géants.

Pas de front de la Somme ou de Stalingrad ici : les batailles étaient des succès vidéoludiques, et chacune d’entre elles en appelait une autre. Aladdin sur Mega Drive s’était écoulé à plusieurs millions d’exemplaires, balayant sans débat le pourtant très sympathique titre homonyme de chez Capcom ? Cela appelait une réponse, et la légende veut que celle de Nintendo se soit intitulée Donkey Kong Country, au grand régal des joueurs. SEGA allaient-ils rester sans réaction ? Si les joueurs voulaient de la 3D pré-calculée avec des effets graphiques jamais vu, on allait leur en offrir ! Faute d’avoir une équipe comme celle de Rare sous la main, c’est BlueSky Software qui s’y sera collé, et si le résultat sera arrivé un peu tard pour mobiliser l’attention des joueurs face à la déferlante 32 bits, cela n’aura pas empêché le titre d’être un succès critique et commercial du nom de Vectorman.

Au point de départ de l’aventure, un scénario à mi-chemin entre Wall-e (qui ne verrait pourtant le jour que treize ans plus tard) et l’anticipation involontairement visionnaire : en 2049, la terre n’est pas grand chose de plus qu’une décharge à ciel ouvert couverte de déchets toxiques, et l’humanité à fui dans les étoiles.

À la surface du globe œuvrent pourtant encore des « orbots » – qui sont exactement comme des robots en inversant deux lettres, mais dont le nom indique également qu’ils sont composés de sphères, ou « orbes » – mobilisés pour nettoyer l’endroit afin de permettre le retour des humains (Wall-e n’a vraiment rien inventé, en fait !). Arrive le drame : un jour, par accident, les orbots greffent sur l’unité centrale responsable des opérations une ogive nucléaire qui, au lieu de lui sauter joyeusement à la gueule, la transforme en Warhead, une intelligence maléfique bien décidé à transformer la terre en un lieu de mort pour les humains. Absent lors de la prise de pouvoir de Warhead, un orbot revient pour résoudre la situation, et son nom est Vectorman, parce que c’est cool. Et si vous n’avez toujours pas compris que cet orbot, ce sera vous, c’est que vous ne devez pas jouer aux jeux vidéo depuis très longtemps.

Vectorman vient donc sauver le monde, et il n’est pas décidé à faire dans la finesse. En fait, on a affaire à un run-and-gun pur et dur, du genre à n’employer que deux boutons : un pour tirer, et l’autre pour sauter. Des finasseries ? Pourquoi faire ?

On notera quand même que votre orbot peut faire un double-saut qui l’aidera à atteindre des endroits autrement inaccessibles dans des environnements qui peuvent se révéler assez étendus, qu’il sait tirer en diagonale (mais qu’il devra sauter pour faire feu en-dessous de lui), qu’il devra faire face à une limite de temps dans chacun des seize (!) niveaux du jeu, et qu’il pourra collecter des power-up qui prendront la forme de tirs plus puissants (limités dans le temps), de transformations temporaires lui permettant de creuser le sol ou de faire sauter des murs, et surtout de multiplicateurs qui doperont les effets des autres bonus. Bref, rien de trop complexe qui puisse venir entacher une action dont n’importe quel joueur devrait rapidement comprendre les tenants et les aboutissants : avancer, tirer, venir à bout des quelques boss qui se manifesteront, et passer à la suite. Autant dire un programme simple, mais efficace.

Évidemment, l’argument-massue de Vectorman, ce devait être sa réalisation en 3D pré-calculée avec notamment de saisissants effets de lumières (et de transparence) dont on n’avait pas encore franchement l’habitude en 1995. À ce niveau-là, le titre a indéniablement bien vieilli, surtout parce qu’il tourne à soixante images par seconde : l’univers traversé a de la personnalité, les décors sont très bien rendus, l’action est nerveuse à souhait, et on est indéniablement dans le haut du panier de ce que la Mega Drive a su produire, techniquement parlant, en la matière.

On remarquera néanmoins l’apparition d’une bande noire à gauche de l’écran lorsque le programme se sent visiblement obligé de raboter sa surface de jeu pour économiser quelques ressources. Si personne ne sera aujourd’hui à proprement parler soufflé par les graphismes ou la bande-son technoïde, le tout a l’avantage d’offrir une réelle variété (niveaux de glace, aquatiques, certains linéaires et d’autres plus ouverts) avec quelques vraies surprises, comme ce stage en vue de dessus vous plaçant sur des rails, une référence à Frogger où vous devrez composer avec un sol qui se déroule sous vos pieds (!!!) où encore cette séquence où vous vous battrez directement sur le dancefloor. Un vrai souci de dynamisme visant à surprendre le joueur et qui remplit assez bien son office, même si on pourra regretter que l’aspect « monde futuriste » vire un peu trop souvent aux environnements grisâtres et métalliques qui finissent par rendre l’univers un peu redondant en dépit de tous ses efforts.

Surtout, la difficulté du titre tend à le placer assez rapidement dans le camp du die-and-retry, et pas pour les bonnes raisons. Ce n’est pas tant que les ennemis soient redoutables ou exigent des trésors de dextérité (même si les boss pourront parfois demander pas mal d’efforts), c’est surtout que la grosseur du sprite de votre héros alliée à la rapidité de l’action font qu’il est très difficile d’anticiper quoi que ce soit dès l’instant où un ennemi apparait à l’écran.

Il y a même des adversaires qui sont rigoureusement impossibles à éviter dès l’instant où on ne connait pas leur position à l’avance, ce qui fait que ceux qui espéraient s’en sortir aux réflexes risquent d’en être pour leur frais : Vectorman est clairement un jeu qui devient plus ludique dès l’instant où on commence à connaître les niveaux par cœur. Ceci dit, pour ceux qui souhaiteraient un challenge un peu plus mesuré leur permettant de s’en sortir autrement que par la mémoire, il est possible de choisir sa difficulté, ce qui fait que tout le monde devrait y trouver son compte. Néanmoins, on sent bien que passé son univers et ses graphismes, le titre manque encore d’un petit quelque chose qui puisse l’envoyer réellement rivaliser avec des maîtres à la Probotector ou à la Gunstar Heroes – une trouvaille qui offre un véritable renouvellement passé le fait d’avancer en tirant. En l’état, cela reste une cartouche ludique, un défouloir auquel on peut revenir avec un certain plaisir, mais qui aurait vraiment bénéficié d’un mode deux joueurs et d’environnements un peu plus « chatoyants ». C’est vrai, quoi, on n’a pas toujours envie de passer une heure à se battre dans une décharge…

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Originellement pensé comme une réponse au Donkey Kong Country de la Super Nintendo, Vectorman est un titre qui aura néanmoins fait preuve de l'exquise politesse (ou de la prudence ?) de ne pas s'aventurer tout-à-fait sur les terres de son concurrent. Devenu un run-and-gun nerveux et bien réalisé quoique inutilement punitif (et surtout pour de mauvaises raisons), le titre de BlueSky Software rend assez bien hommage aux capacités d'une Mega Drive qui vivait alors le début de sa fin. En dépit d'un louable souci de variété et d'un contenu qui ne se moque pas de l'acquéreur (seize niveaux !), les problèmes d'équilibrage évoqués plus haut associé à un certain manque d'idées empêchent cette très sympathique cartouche de trouver le supplément d'âme qui lui fait défaut. Une curiosité avec de bons moments, mais pas encore le haut du panier du genre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Pas d'autofire, dans un jeu où il n'aurait clairement pas fait de mal – Des fenêtres d'action de l'ordre du dixième de seconde qui font qu'il est parfois impossible de ne pas se faire toucher sans connaître à l'avance le placement des ennemis – Des environnements variés, mais dont la thématique mécanique ne se renouvèle pas beaucoup

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Vectorman sur un écran cathodique :

Baku Baku Animal

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : ばくばくアニマル 世界飼育係選手権 (graphie japonaise)
Titres alternatifs : Baku Baku Animal : Sekai Shiikugakari Senshuken (écran-titre, arcade), Baku Baku (version occidentale), Baku Baku Animal : World Zookeeper Contest (écran-titre, version occidentale)
Testé sur : ArcadeSaturnGame GearPC (Windows 95)Master System

Version Arcade

Date de sortie : Avril 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick (quatre directions) et deux boutons
Version testée : Version japonaise
Hardware : SEGA Titan Video Game System (ST-V)
Processeurs :Hitachi SH-2 28,636362MHz (x2) ; Motorola MC68000 11,2896MHz ; SEGA SCUDSP 14,318181MHz ; Zilog Z80 8MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; Yamaha YMF292-F SCSP 22,5792MHz ; 2 canaux
Vidéo : 352 x 224 (H) 59,764802Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Par une cruelle ironie qui définit souvent les tournants de l’histoire, la cinquième génération de consoles aura largement usé, pour assurer sa première phase de promotion, des salles d’arcade qu’elle allait largement contribuer à vider par la suite. Alors que Nintendo entendait présenter, via des titres comme Cruis’n USA ou Killer Instinct, sa future Nintendo 64… qui emploierait au final un hardware totalement différent, Sony avait trouvé un allié de poids sous la forme de Namco, qui avaient été si impressionnés par les capacité de la PlayStation qu’ils avaient décidé de développer l’essentiel de leurs futurs hit d’arcade sur l’architecture de la console.

Le seul choix en solo se limite au mode de difficulté (et c’est extrêmement dur dès le mode moyen, naturellement)

Et du côté de chez SEGA, figure ô combien marquante de l’arcade quasiment depuis ses débuts, ce seront également les salles de jeux qui auront servi à préparer le terrain pour la Saturn, via le pompeusement nommé SEGA Titan Video Game System (souvent raccourci en ST-V). En quoi consistait donc cette machine révolutionnaire ? Eh bien, tout simplement, en le hardware de la future console à l’identique – à l’exception notable du lecteur CD-ROM, remplacé par des roms plus adaptées aux bornes d’arcade. Et pour vanter la technologie de ce système de pointe, quoi de mieux que des monstres de puissance comme, heu… Baku Baku Animal ? Sérieusement ?

Baku Baku Animal : du puzzle game comme on l’aime ?

Vous l’aurez compris, SEGA ne misait pas que sur la 3D décomplexée pour vendre sa future machine (rétrospectivement une erreur face à un marché occidental qui n’aura juré que par elle). Pour la promouvoir, il n’y aura pas eu que des titres impressionnants destinés à en envoyer plein les yeux, il y aura également eu les inévitables puzzle games – parce que bon, toucher tous les types de public, c’est au moins aussi important.

L’histoire se dévoilera via des dialogues intégralement en japonais, hélas

Baku Baku Animal, d’ailleurs jamais sorti du Japon sous forme de borne d’arcade, s’inscrit à ce titre directement dans les traces d’une des licences majeures du genre : l’increvable Puyo Puyo (dont vous pourrez découvrir les mécanismes via le test de Dr. Robotnik and his Mean Bean Machine). Le scénario, totalement sans intérêt, vous place dans la peau d’un(e) aspirant(e) au poste de gardien du zoo royal, chargé(e) de gérer la ménagerie d’une princesse capricieuse, sorte de Paris Hilton avant l’heure. Comme Puyo Puyo, le titre de SEGA repose, par essence, sur le duel : aucun mode de jeu ne vous laisse « seul » ; vous aurez toujours un adversaire face à vous, fut-il contrôlé par l’I.A. ou par un autre joueur. Le but, comme toujours, sera d’inonder l’écran adverse tout en vous assurant que la même mésaventure ne vous arrive pas, faute de quoi vous en serez quitte pour remettre une pièce dans la borne. L’unique mode de jeu solo vous demandera donc de venir à bout de neuf opposants avant d’hériter du titre tant convoité (un mode « débutant » vous laissant, pour sa part, vous faire les dents sur trois adversaires plus aisés).

Je t’ai eue !

Comme on peut l’imaginer, le système de jeu n’est pas, pour sa part, un simple calque de Puyo Puyo – la saga de Compile étant de toute façon appelée à avoir son propre représentant sur ST-V l’année suivante, SEGA n’allait pas s’amuser à cloner bêtement un titre à succès, quand bien même celui-ci tirait déjà largement son inspiration d’un certain Columns.

Le conseiller royal viendra vous donner vos statistiques après un niveau gagné

En fait, ici, vous pourrez bien empiler indéfiniment les quatre types de tuiles que comprend le jeu, et qui correspondent à des aliments, sans qu’il ne se produise jamais rien. La clé viendra en fait des animaux que vous pourrez placer à leur contact : qu’une tuile de lapin se retrouve à côté d’un ensemble de tuiles de carottes, et la bête affamée se réveillera aussitôt pour dévorer toute la pitance à sa portée – un peu ) la façon dont le Pac-Man de Pac-Panic se jetait sur les fantômes. La vraie nuance (de taille) étant qu’il est ici possible de réaliser des combos en profitant de la chute et du réajustement des tuiles consécutifs à la disparition de celles qui viennent de se faire dévorer, et qu’on a donc toutes les bases pour pouvoir balancer des masses de cochonneries au deuxième joueur, comme cela à toujours été la grande force du genre – enfin, au moins depuis Puyo Puyo, en tous cas.

Attendez-vous à en baver

Le principe est facilement assimilable, et il est à peu près aussi efficace que celui de son modèle. La seule différence notable à mes yeux restant que là où les « pierres » produites par les enchainements de Puyo Puyo imposaient de réaliser des combos à proximité pour s’en débarrasser, représentant de ce fait la nuisance qu’elles étaient censées incarner, Baku Baku Animal envoie pour sa part des tuiles « normales »… qui peuvent donc se transformer immédiatement en munitions à destination de l’envoyeur.

C’est le moment de donner le coup de grâce !

On peut donc dans certaines circonstances « aider » son ennemi en lui envoyant des tuiles, ce qui n’est pas trop censé être l’intérêt de la manœuvre, mais à cette nuance près, le système de jeu est difficilement attaquable et on ne met pas longtemps à s’amuser et à établir des stratégies spécifiques. La réalisation, qui abuse d’une 3D sans âme qui peinera aujourd’hui à impressionner quiconque, a au moins le mérite d’être très colorée, et bien évidemment il ne sera pas question ici d’assister au plus petit ralentissement. Signalons également que bien que le jeu soit intégralement en japonais, cela ne devrait pas pénaliser le joueur occidental outre mesure, les différents modes de jeu n’étant pas difficile à identifier, et la compréhension de « l’histoire » (notez les guillemets) étant tout sauf indispensable.

Certaines des vieilles techniques fonctionnent toujours, d’autres nécessiteront quelques adaptations

En fait et comme de plus en plus souvent à cette période, le principal défaut de Baku Baku Animal reste… son statut de borne d’arcade. Pensé pour des parties de cinq minutes destinées à faire cracher à un joueur sa monnaie durement arrachée à ses parents, le titre se limite à l’essentiel en termes de contenu : un mode solo, un mode deux joueurs et basta.

Tu vas y passer comme les autres, mon vieux

Et, tant qu’à faire, la difficulté est bien évidemment redoutable ici (la vitesse, en particulier, ne tarde pas à grimper), ce qui fait que même les joueurs rodés au genre pourront s’attendre à connaître des difficultés dès le deuxième stage. Autant dire qu’on touche là à l’un des jeux qu’on aura tout à gagner à découvrir dans une de ses versions domestiques – et plus particulièrement dans sa version Saturn, qui tourne sur le même hardware, mais en ayant le bon goût d’offrir plus d’options. L’ère de l’arcade toute-puissante était en train de tourner, en 1995 – obligeant les fabricants à imaginer des machines de plus en plus fantasques et de plus en plus coûteuses – mais ceci est une autre histoire. Pour les amateurs de puzzle games, Baku Baku Animal demeure un candidat très solide et plaisant à découvrir, mais pour les néophytes comme pour la grande majorité des joueurs occidentaux, le mieux restera sans doute de le découvrir sur Saturn. Ce qu’on appelle une opération de promotion bien menée.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 À mi chemin entre Puyo Puyo et Pac-Panic, Baku Baku Animal n'était sans doute pas le meilleur titre pour étaler la puissance du ST-V et à travers lui de la Saturn, mais il reste un puzzle game efficace auquel on ne pourra reprocher que l'absence de la moindre prise de risque. Certes, le casting du jeu manque du plus élémentaire charisme, le scénario ne passionnera sans doute pas davantage ceux qui parlent japonais que les autres, et on aurait apprécié une sélection de modes de jeu un peu plus ambitieuse que les éternelles enfilades de duels en solo et limité à deux joueurs en multi, mais à tout prendre, le concept est aussi efficace que ceux dont il s'inspire. Sans doute pas le logiciel le plus marquant en la matière, mais si vous commencez à souper de vos parties de Dr. Robotnik and his Mean Bean Machine et que vous cherchez une alternative solide, aucune raison de bouder celle-ci.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Mode solo vraiment difficile – Des modes de jeu qui se réduisent à l'essentiel – Un casting sans âme à la 3D faiblarde

Version Saturn
Baku Baku

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 10 novembre 1995 (Japon) – Mai 1996 (Europe) – 19 juin 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou cartouche de sauvegarde

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme cela a déjà été dit, le ST-C et la Saturn partageant pour ainsi dire le même hardware, on n’a a priori pas de grandes inquiétudes à nourrir au moment de lancer ce portage de Baku Baku (le nom pris par le jeu en occident, mais juste sur la boîte. Les mystères de la distribution…). La bonne nouvelle, c’est que le CD-Rom ayant fait le trajet hors du Japon (contrairement à la borne d’arcade), il sera désormais possible de profiter du sublime scénario du jeu en anglais.

C’est fou comme un seul écran peut faire une énorme différence !

Bon, soyons clair : je ne sais même pas si 5% des joueurs s’embarrasseront à profiter des échanges sans intérêt entre les personnages, mais bon, au moins, c’est désormais possible. Pour l’occasion, et histoire de mettre son support en valeur, le logiciel en aura profité pour développer un peu son introduction, la passer en plein-écran (et la traduire, bien sûr, en la sous-titrant pour l’occasion). Graphiquement et sans surprise, les deux versions sont presque identiques, même si on remarquera que le ratio de l’image a légèrement changé, comme le prouve l’apparition de deux bandes en haut et en bas de l’écran (mais après tout, le format natif de la borne n’était pas en 4/3). Très honnêtement, cela n’a aucune incidence sur le rendu, qui ne joue de toute façon qu’un rôle assez symbolique dans un puzzle game.

À deux bandes près, la réalisation est exactement identique à celle de la borne

La vraie question serait surtout de savoir si le contenu, lui, a changé, est la réponse est : oui ! Déjà, tout le contenu de la borne est là, en se voyant adjoindre un « ranking mode » qui demandera d’enchaîner le plus de niveaux possible sans perdre avant de se voir allouer un score en fonction de ses performances et du nombre de combos réalisés. Un peu gadget, mais pour les amateurs de scoring, un bon moyen de revenir à la charge une fois le mode « arcade » terminé. Le mode « arcade », justement, reprend sans surprise tout le contenu de la borne, mode versus inclus, mais avec une addition de taille : un menu des options.

Cette fois, le défi devrait convenir à tout le monde

Et celui-ci ne se moque vraiment pas du monde : cinq niveaux de difficulté (ce qui permettra au passage de constater que la difficulté de la borne correspond au mode « très difficile »…), choix du nombre de couleurs (avec la possibilité d’en ajouter une cinquième), du ratio animal/nourriture, du nombre de rounds… Bref, un vrai moyen de paramétrer son expérience et de contrer le niveau très exigeant de la borne en le remplaçant par une approche plus accessible – ou plus exigeante, pour les joueurs les plus rodés. Sachant que la maniabilité n’a bien évidemment pas souffert du passage au pad, on hérite donc d’une version qui peut se vanter d’être équivalente à la borne d’arcade en termes de réalisation (et même un peu au-dessus, grâce au support CD-ROM), et supérieure en termes de contenu et de confort de jeu ! Au moins, pour une fois, pas question de pinailler : si vous voulez découvrir le jeu, vous pouvez lancer directement votre console de jeu, et sans remords.

NOTE FINALE : 17/20

Adaptation très sérieuse pour Baku Baku sur Saturn, qui profite non seulement d’une réalisation au moins équivalente à celle de la borne mais surtout d’une expérience de jeu entièrement configurable et beaucoup plus accessible qui devrait convenir aux joueurs de tous les niveaux et non uniquement aux fanatiques hyper-rodés aux puzzle games. Conséquence : si jamais vous souhaitez découvrir le jeu dans des conditions optimales, autant commencer directement ici.

Version Game Gear
Baku Baku

Développeur : Minato Giken
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 26 janvier 1996 (Japon) – Juin 1996 (Europe) – 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, La Saturn n’était pas la seule console de SEGA à profiter d’un développement actif : la Game Gear était toujours techniquement en vie, en dépit d’une bataille perdue depuis très longtemps contre sa rivale la Game Boy. Baku Baku aura donc eu le droit à son portage, ce qui aura nécessité, on s’en doute, quelques adaptations. Pour commencer, difficile de faire tenir deux grilles à l’écran ; les développeurs auront donc opté pou un compromis intelligent en cantonnant la grille adverse à une vue en bas à droite. Même ainsi, la grille est plus petite dans cette version (6×8 contre 6×10), mais les dégâts ont été correctement circonscrits, et le mode deux joueurs est toujours là. En revanche, oubliez le mode « ranking », et les options se limitent dorénavant à un sound test : plus d’options de difficulté ! Par contre, un système de mot de passe a été ajouté, ce qui fait parfaitement sens sur une machine dont l’autonomie ne dépasse pas trois heures. Oh, et la réalisation est essentiellement fonctionnelle. Bref, une version qui fait l’essentiel mais qui sera à réserver à ceux qui voudront jouer spécifiquement sur leur Game Gear.

Difficile de trouver meilleur compromis pour afficher le jeu sans le changer en bouillie de pixels

NOTE FINALE : 15/20

Baku Baku offre sur Game Gear l’essentiel de ce qu’on était en droit d’attendre, même si la disparition des options de difficulté ne se justifiait pas vraiment. Une version qui faisait sens en 1995 lorsque la Game Gear était la seule façon de transporter le jeu dans sa poche, mais à l’heure actuelle on la réservera à ceux qui veulent spécifiquement jouer à la console portable de SEGA.

Version PC (Windows 95)
Baku Baku

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 2 août 1996 (Japon) – 5 septembre 1996 (États-Unis) – 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Minimum graphique requis : Résolution : 640×480, 256 couleurs
Ça fait rêver, hein ?

Dans la deuxième partie des années 90, SEGA aura réellement commencé à s’intéresser au marché du PC, avec des résultats contrastés. Avec Baku Baku, on touche plutôt au rang des conversions ratées : certes, on retrouve dans l’absolu la totalité du contenu de la version Saturn (moins l’introduction, curieusement, en dépit du support CD-ROM), ce qui est a priori l’essentiel. En revanche, cantonner le jeu à une fenêtre en 320×240 sans aucune possibilité de l’agrandir ou de jouer en plein-écran, ça fait quand même un peu cheap, surtout sur un système d’exploitation dont la résolution minimale est le 640×480 ! Pour ne rien arranger, il est impossible de configurer les touches en dehors d’un choix entre les lettres et les touches fléchées, et naturellement parvenir à faire fonctionner un joystick dépendra avant toute chose de votre capacité à configurer une machine virtuelle, le titre ne tournant bien évidemment pas sous Windows 10. Autant dire qu’à l’heure où il est de toute façon au moins aussi simple de faire tourner n’importe quelle autre version, on ne pourra que vous encourager à vous diriger directement vers la version Saturn.

NOTE FINALE : 15,5/20

On ne va pas se mentir : cantonné à une fenêtre de jeu en 320×240 intégrée directement à l’interface de Windows avec des options de configuration des touches réduites au strict minimum, Baku Baku perd beaucoup de son charme – et encore, à condition de parvenir à le faire fonctionner sur un système moderne. Si le titre demeure aussi intéressant sous cette forme, le plus simple est encore d’opter directement pour la version Saturn.

Version Master System
Baku Baku

Développeur : Minato Giken
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A.
Date de sortie : Octobre 1998 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

Un jeu sur Master System ? En 1998 ? Les connaisseurs auront déjà compris qu’il ne peut s’agir que d’une version brésilienne, la machine de SEGA ayant connu une seconde jeunesse au Brésil grâce à la distribution assurée par la compagnie Tec Toy. Par contre, on s’en doute, distribuer des jeux et les développer sont des activités très différentes, on ne sera donc pas surpris de découvrir sur Master System un portage de Baku Baku qui n’est rien d’autre qu’une transcription quasiment pixel perfect de la version Game Gear. La fenêtre de jeu n’a même pas été agrandie ! Et pour compléter le tableau, il n’y a même plus de mode deux joueurs non plus (évidemment, cela aurait demandé de redimensionner la fenêtre de jeu, trop de boulot…) ! Bref, autant dire que c’est vraiment la version sans intérêt à réserver à ceux qui veulent une version expurgée qui n’utilise que la moitié de leur écran. À oublier.

Le portage sur Master System pour les pires que nul

NOTE FINALE : 13/20

Baku Baku sur Master System n’est pas subitement devenu un mauvais jeu, mais on tient là un des portages les plus fainéants de toute l’histoire du genre, avec une transposition au pixel près de la version Game Gear amputé de son mode deux joueurs ! Autant dire que vous aurez tout à gagner à ignorer cette version dès l’instant où vous avez accès à n’importe quelle autre.

Astal

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA of America, Inc.
Titre original : 輝水晶伝説アスタル (Ki Suishou Densetsu Astal, Japon)
Titre alternatif : Centaurus (titre de travail)
Testé sur : Saturn

Version Saturn

Date de sortie : 28 avril 1995 (Japon) – 15 août 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le propre de l’histoire, c’est qu’elle tend à se répéter, surtout quand on n’en tire aucune leçon. Nul ne sait si les dirigeants de SEGA auront eu l’occasion de méditer sur cette affirmation, mais le fait est qu’après une Mega Drive qui avait connu des débuts catastrophique avant de parvenir un peu miraculeusement à remonter la pente, le lancement américain de la Saturn sera resté comme un des plus gros échecs de SEGA.

Annoncée en catastrophe le 11 mai 1995 aux États-Unis pour essayer de devancer la campagne de promotion de la PlayStation, vendue trop cher, boycottée par des revendeurs qui n’avaient même pas été prévenus de sa commercialisation, la console aura également dû composer avec un line-up limité de six jeux, avec seulement deux autres titres annoncés dans les quatre mois à suivre. Parmi ces deux titres se trouvait un jeu de plateforme en 2D – ce qui apparaissait presque comme une incongruité aux yeux d’un public occidental qui ne jurait déjà plus que par la 3D. Une aventure chargée de compléter la ludothèque famélique de la console autant que de mettre en lumière ses capacités comparée à la génération précédente : un logiciel ambitieux nommé Astal… et dont le succès aurait été suffisamment confidentiel, au final, pour qu’il ne soit même pas commercialisé en Europe.

Signe que le titre n’avait pas simplement été pensé comme un bouche-trou, celui si s’ouvre sur un scénario copieusement détaillé par pas moins de deux cinématiques. Celles-ci vous apprendront comment la déesse Antowas aura créé le monde de Quartalia à partir d’un simple joyau avant de le peupler de deux êtres : Leda, une jeune fille qui avait le pouvoir de créer la vie, et Astal, dont le rôle était de protéger Leda.

Épuisée par son acte de création, Antowas sombra dans le sommeil, laissant ainsi le champ libre au maléfique Jerado et sa création, un être vivant nommé Geist, qu’il envoya enlever Leda pour la retenir prisonnière au fond de l’océan. Parti pour la libérer, le très puissant Astal fracassa le fond des abîmes avec une telle force qu’il en endommagea Quartalia et alla même jusqu’à réveiller la déesse. Celle-ci, courroucée, le bannit sur la lune après avoir vaincu Jerado, avant de retourner à son sommeil. Le problème, c’est que Geist, lui, était toujours libre, et qu’il profita de l’absence d’Antowas pour enlever à nouveau Leda. Astal, voué à la protéger, entreprend donc de se libérer de sa prison pour aller sauver la jeune fille…

Comme on peut le voir, un certain effort a été entrepris pour mettre un peu de chair sur l’antique principe consistant à aller libérer la jeune fille en détresse. Astral nous dévoile un univers qui ne réinvente certes pas la poudre, mais qui a l’avantage de prendre le temps d’installer son histoire et de se révéler dans toute sa pleine gloire via ce qui reste aujourd’hui encore comme son indéniable point fort : sa réalisation.

Quartalia est un peu un déluge de couleurs profitant de la vaste palette de la Saturn dans le domaine – le seul où la console 32 bits pouvait réellement prétendre surpasser la PlayStation concurrente. Les sprites sont souvent massifs, en particulier pendant les combats de boss, on observe des effets de reflet ou même de transparence (pourtant si rares sur la machine) et le titre a la très bonne idée d’intégrer un système de zoom qui permet à la vue de reculer lorsque la situation le justifie, au hasard lors d’une séquence de plateforme nécessitant un peu d’anticipation – une très bonne approche, qui a en revanche l’inconvénient d’introduire une pixellisation constante qui contraste un peu avec la finesse des graphismes. Un argument de vente à part entière au moment de sa sortie, qui ne ferait hélas illusion que le temps que débarque un certain Rayman trois mois plus tard, et qui n’aura visiblement pas suffi à convaincre la presse ni les joueurs à fermer les yeux sur les errements de son gameplay.

En effet, une fois la manette en mains, on ne met pas longtemps à réaliser que tout n’est pas rose dans le monde créé par la déesse Antowas. Pourtant, sur le papier, on sent un potentiel indéniable : Astal peut marcher, courir, sauter, soulever des objets gigantesques ou même projeter ses ennemis eux-mêmes, voire lâcher un souffle massif qui se montrera indispensable à plusieurs stades de l’aventure.

Surtout, il reçoit dès le premier niveau du jeu l’aide d’un oiseau à qui échoira un rôle assez comparable à celui du faucon qu’on avait pu employer dans 8 Eyes : celui-ci pourra à la fois vous assister contre les différents adversaires, mais aussi aller vous chercher des bonus de soin ou mener certaines actions spéciales ; ses possibilités vous seront matérialisées par trois gemmes en bas de l’écran, et pourront être activées par les boutons X, Y et Z de la manette (ou sélectionnées via les boutons de tranche pour être employées avec A) et, pour faire bonne mesure, cet oiseau pourra même être contrôlé par un deuxième joueur (exactement comme le faucon d’8 Eyes, encore une fois). Bref, on sent un éventail massif de possibilités… dont le jeu ne tire, pour ainsi dire, presque jamais parti.

Le level design, c’est une science qui nécessite du temps, et on sent bien qu’à ce niveau-là Astal aura souffert des mêmes contraintes que d’autres titres oubliables à la Clockwork Knight. La quinzaine de niveaux (en comptant les boss) qu’offre le titre se limite quasi-exclusivement à avancer vers la droite, à accomplir quelques sauts et à vaincre une poignée d’adversaires avant de rejoindre la sortie et d’aller faire face à un boss disposant très rarement de plus de deux patterns.

Le tout est généralement bouclé assez vite, en faisant assez peu appel à l’habileté ou à la réflexion pour d’autres raisons que de compenser une jouabilité qui manque globalement de précision, surtout au niveau des masques de collision, et la difficulté est généralement assez faible – sauf pour un dernier boss absolument atroce qui exige à la fois un timing délirant, l’utilisation de votre oiseau, et un brin de chance. En fait, on a parfois l’impression de jouer à une sorte de version alpha du jeu où toute la partie technique aurait été achevée, mais où les niveaux se seraient limités à de grands couloirs pas passionnants en attendant que les plans définitifs arrivent. 90% des capacités de votre héros, oiseau inclus, ne servent pratiquement jamais à rien, et on peut très facilement espérer arriver jusqu’au terme du jeu dès la première partie sans faire autre chose qu’avancer, sauter, cogner et mémoriser un ou deux passages un peu plus délicats. En dépit de l’inclusion de quelques scènes un tout petit peu plus originales, comme celle où l’on avance sur le dos d’une improbable créature flottante, on n’a jamais le temps d’être surpris ni d’être confronté à quoi que ce soit qui justifie d’aller puiser dans un très impressionnant arsenal de capacités vouées à ne jamais nous être utiles hors de quelques situations très précises.

La conséquence en est qu’Astal laisse constamment cette impression désagréable de ne faire qu’égratigner la surface d’un univers qui semblait avoir des milliards de choses à offrir et qui ne propose, au final, qu’un jeu de plateforme plan-plan et prévisible qui n’aurait déjà pas emballé grand monde à la fin des années 80 sans sa réalisation à couper le souffle.

Ce n’est pas tant un mauvais jeu qu’un titre frustrant par les limites qu’il dévoile ; il n’est pas difficile de sentir qu’il y avait vraiment tous les éléments dans le code du jeu pour mettre en place une expérience grandiose, mais que personne ne s’est donné (ou n’a eu) le temps de les assembler en un tout cohérent qui puisse aller rivaliser avec des Symphony of the Night ou même avec des Revenge of Shinobi. En l’état, c’est juste la victoire de la forme sur le fond : une démonstration technique qui n’aura au final pas contribué à vendre la console par palettes, plaquée sur un level design avec sept ou huit ans de retard. Le type de jeu qu’on a réellement envie d’aimer tant il dégage une atmosphère particulière, mais qui ne nous donne au final vraiment pas grand chose pour nous permettre de le faire. Bref, une expérience qui laisse un goût un peu amer dans la bouche avant de l’oublier définitivement.

Vidéo – Le premier niveau du jeu  :

NOTE FINALE : 13,5/20 L'histoire retiendra d'Astal un double objectif : celui de venir combler un manque dans une ludothèque de la Saturn alors encore extrêmement embryonnaire, et celui de démontrer les capacités de la console 32 bits dans le domaine de la 2D. Si le titre développé par SEGA les aura tous deux parfaitement remplis, on pourra regretter qu'il n'accomplisse pas grand chose d'autre, offrant une expérience d'une rare platitude et trop vite bouclée qui se limite le plus souvent à avancer vers la droite et à rejoindre la fin deux minutes plus tard. Le plus frustrant avec le jeu, ceci dit, reste le potentiel extraordinaire et la personnalité indéniable qui transpirent de chacune de ses séquences de jeu, et qui laissent deviner une aventure cent plus fois plus technique, plus variée et plus grandiose sans que rien ne vienne hélas jamais confirmer cette impression. Dans le genre « plein les yeux », autant dire qu'un logiciel comme Rayman, lui, sera parvenu à laisser la même année un souvenir autrement plus marquant. Tant pis pour un petit bonhomme qu'on avait vraiment envie d'adorer, mais qui n'avait finalement pas grand chose à nous faire vivre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un level design qui se limite à avancer vers la droite – Un oiseau extrêmement sous-employé en solo... – ...et franchement gadget à deux – Un gameplay dont on n'a pas à employer un dixième des possibilités pour venir à bout du jeu – Une jouabilité qui manque de précision – Un combat final absolument infect

Les avis de l’époque :

« Que c’est joli, j’en ai l’œil droit de traviole tellement c’est beau ! Sega ne nous a pas fait l’affront de sortir un jeu de plates-formes bidon, histoire d’alimenter sa console 32 bits et son porte-monnaie. La jouabilité est au rendez-vous, malgré une prise en main bizarre. Les plus petits vont être émerveillés, et même les plus grands en auront pour leur argent. »

Marc, Consoles + n°55, juin 1995, 90%

« Une magnifique coquille vide qui ne vaut pas son prix en dépit de ses graphismes incroyables. »

Mean Machines, juillet 1995, 53% (traduit de l’anglais par mes soins)

« Le plus gros problème avec Astal, c’est la rigidité de sa jouabilité. L’action échoue à atteindre le plaisir immédiat que tous les grands jeux de plateforme ont atteints par le passé. À la place, il faut composer avec des contrôles poussifs qui provoquent une grande frustration au moment de réaliser des sauts précis ou d’affronter les ennemis les plus rapides. »

Game Players, août 1995, 65% (traduit de l’anglais par mes soins)

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Astal sur un écran cathodique :

Renny Blaster

Développeur : J-Force
Éditeur : NEC Avenue, Ltd.
Titre alternatif : レニーブラスター (graphie japonaise)
Testé sur : PC Engine CD

Version PC Engine CD

Date de sortie : 23 juin 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Tous les humoristes vous le diront : le timing, c’est important.

Avez-vous déjà entendu parler de J-Force ? Personne ne vous en voudra si ce n’est pas le cas : cette éphémère compagnie, fondée en 1990 par un ancien de la Wolf Team, n’aura développé qu’une poignée de jeu dont un seul aura eu le privilège de quitter le Japon, un certain Dragon Force. Ah, je vous sens déjà plus intéressé.

Le petit problème, c’est qu’un excès d’ambition n’est pas toujours une bonne chose, et que J-Force se sera engagée sur tellement de projets en simultané que son premier titre (Araiguma Rascal, dont je doute que vous ayez déjà entendu parler) n’aura été commercialisé que quatre ans après sa fondation, à une époque où la génération 32 bits s’apprêtait déjà à débarquer en fanfare. Pour ne rien arranger, au cours du développement de Dragon Force, justement, le fondateur du studio, Masahiro Akishino, aura disparu – littéralement, à tel point que personne n’a jamais su ce qu’il est devenu. Avant que la compagnie ne déclare faillite (et n’aille rejoindre un studio nommé Idea Factory), elle aura malgré tout eu le temps de publier cinq titres dont quatre au moins seront sortis un peu tard pour leur propre bien, et parmi lesquels le parfait symbole de cette ambition contrariée pourrait bien être Renny Blaster.

Le scénario, hélas totalement réservé aux joueurs comprenant le japonais (ce qui n’est pas mon cas), nous place face à une sorte d’organisation secrète composée de monstres et autres morts-vivants dirigée par un grand méchant qui hurle à chaque apparition son envie viscérale de ressembler à Dracula, et plus précisément à celui de chez Castlevania. Pour s’opposer à lui, deux personnages censément hauts-en-couleur : un détective privé spécialisé dans le paranormal qui ne s’appelle ni Gabriel Knight ni Simon Belmont mais bien Fujiro Yarai (ça se retient moins bien), et un homme au passé mystérieux et aux compétences surnaturelles (diantre, serait-il issu du camp des méchants ?) nommé Seishiro.

Leur histoire vous sera narrée via de très longues cinématiques… qui ne sont en fait pas des vidéos à proprement parler, mais simplement des illustrations fixes qui accompagnent des dialogues chargés de vous mettre en place les enjeux. C’est, par essence, très statique, et cela aura peu de chance de vous retenir si vous n’en comprenez pas une syllabe, mais cela aura le mérite d’installer un univers qui semble vouloir représenter à une sorte de pendant moderne de la saga de Konami évoquée plus haut (et qui ne s’était alors pas aventurée dans des épisodes se déroulant à une époque contemporaine) tout en vous présentant les éternels clichés que sont la femme fatale, le détective ténébreux, le méchant d’opérette avec une douleur secrète, et le gentil ambigu super badass. De quoi vous donner une aussi bonne raison qu’une autre de vous faire découvrir toute l’aventure.

En dépit de son esthétique hyper-référencée qui semblait indiquer que le titre prendrait la forme d’un clone assumé de Castlevania, Renny Blaster se révèle en fait être… un beat-them-all à l’ancienne. Et quand je dis « à l’ancienne », comprendre : en bonne vieille 2D, sans aucune gestion de la profondeur, sur un seul plan, à la Vigilante (ou à la Kung-Fu Master, pour encore mieux cerner l’âge canonique des mécanismes du gameplay).

Votre objectif, au terme des cinq niveaux du jeu (eux-mêmes divisés en de nombreux sous-niveaux), consistera globalement à avancer vers la droite en venant à bout des ennemis sur votre chemin avant de faire face à un boss, avec occasionnellement une petite séquence de plateforme rarement méchante histoire d’apporter un peu de variété. On notera néanmoins d’emblée quelques particularités propres au jeu : tout d’abord, là où les titres à la Kung-Fu Master avait tendance à vous ensevelir sous des tonnes d’ennemis, Renny Blaster vous opposera rarement à plus d’un adversaire à la fois, et jamais à plus de deux simultanément. Naturellement, pour équilibrer un peu les choses, vos opposants disposeront d’une jauge de vie (tout comme vous), ce qui fait que chaque rencontre prendra la forme d’une sorte de mini-duel où vous devrez vaincre votre ennemi pour progresser (même si tracer sa route est également une option). On est donc davantage sur une succession de mano a mano que dans la configuration du « un contre cent permanent » qui était la norme du genre.

L’autre originalité, c’est que vos deux personnages jouables ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Si Fujiro se bat globalement à la régulière, avec ses pieds et ses poings, Seishiro profite de sa nature surnaturelle pour enchainer les invocations, les projectiles et les pouvoirs à distance – et ce, même si son attaque de base ne va pas beaucoup plus loin que celle de son collègue.

Mais la vraie bonne nouvelle, c’est surtout que nos héros disposent d’un set de mouvements extrêmement complet, qui variera selon la direction maintenue en même temps que le bouton de coup et qui leur permettra même de courir, et surtout de quatre niveaux de charge sur leur frappe principale qui correspondront à des mouvements de plus en plus puissants et aux capacités d’autant plus variées que vous pourrez en trouver de nouvelles au fil des niveaux et accéder au « build » de vos deux personnages entre les niveaux pour choisir quels pouvoirs leur attribuer en même temps que lequel incarner (vous pourrez librement passer de l’un à l’autre entre les niveaux). Bref, sur le papier, il y a largement matière à renouveler un peu un concept qui commençait à furieusement dater en 1995 et qui exigeait une ambition qui semblait correspondre à celle affichée par le jeu. Notez malgré tout que le début du jeu (plus précisément, le premier stage et la première cinématique) changera selon le personnage que vous aurez choisi d’incarner, un léger facteur de rejouabilité qui pourra compter.

Dans les faits, Renny Blaster parvient à offrir une expérience relativement solide, avec une jouabilité précise et efficace, mais qui tend à souffrir de plusieurs tares. La première étant le level design, qui peine à faire oublier l’aspect « couloir » imposé par le genre : on a rarement quelque chose de beaucoup plus passionnant à faire que d’avancer vers la droite, à quelques séquences de saut près, et même si la réalisation est assez réussie, les décors, pour variés qu’il soit, ont tendance à être furieusement vides (oh, et quelques défilements parallaxes n’auraient pas fait de mal non plus). De manière plus préoccupante, l’équilibrage est globalement raté, la faute à un jeu trop facile (et pas de choix de la difficulté ici) avec quelques pics de difficulté sortis de nulle part (un seul combat de boss s’est révélé difficile dans mon expérience, mais il versait alors dans la catégorie « beaucoup trop dur »).

Un côté « promenade de santé » qui tend à appuyer le côté assez plan-plan, pour ne pas dire outrageusement prévisible, du déroulement du jeu, et qui culmine par un affrontement final absolument minable qui recycle un boss précédent que vous pourrez littéralement laminer en vingt secondes, après vous avoir fait terrasser un Dracula de Prisunic en une seule phase qui aurait déjà fait pitié face à son équivalent sur NES en 1986. Bref, on sent bien que l’ambition affichée par le titre, et qui sentait déjà un peu le toc, se sera arrêtée à son désir de ressembler à Castlevania sans jamais pouvoir espérer y parvenir – je serais d’ailleurs surpris que vous ayez déjà entendu parler de ce Renny Blaster, tant il sera sorti dans une indifférence totale et sans même quitter un Japon qui salivait alors déjà sur la PlayStation et la Saturn. Un assez bon résumé d’un jeu assez oubliable, qui n’avait tout simplement pas les arguments pour espérer viser plus haut.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20 Renny Blaster est un titre qui traduit fidèlement ce qu'il est vraiment : un jeu sorti trois ou quatre ans trop tard pour son propre bien. Derrière une mise en scène tape-à-l’œil et une esthétique qui hurle son désir de rendre hommage à Castlevania se cache finalement un beat-them-all en 2D à la Vigilante avec quelques petites trouvailles de gameplay, mais vraiment pas de quoi vous tenir en haleine bien au-delà des deux heures (dont une très large part de scènes cinématiques) que vous demandera le jeu pour en venir à bout. Il y avait sans doute matière à proposer une expérience solide et mieux équilibrée qui aurait pu propulser le jeu vers de plus hautes sphères, mais en l'état il restera surtout comme un petit jeu certes cohérent mais qui n'avait plus aucune chance d'impressionner qui-que-ce-soit en 1995. Une curiosité qui risque d'avoir du mal à vous marquer.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un level design vraiment plan-plan – Un équilibrage à revoir, avec un jeu trop facile... – ...et un seul combat vraiment infect – Un affrontement final en forme de pétard mouillé

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Renny Blaster sur un écran cathodique :

STAR WARS : Dark Forces

Développeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Testé sur : PC (DOS)MacintoshPlayStation
Disponible sur : Linux, PlayStation 3, PSP, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Windows), Steam.com (Windows)

La série Dark Forces (jusqu’à 2000) :

  1. STAR WARS : Dark Forces (1995)
  2. STAR WARS : Jedi Knight – Dark Forces II (1997)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée française émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 DX – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Ensoniq Soundscape, General MIDI, Gravis UltraSound/ACE, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16/AWE32

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1993, un peu à la surprise générale, la fameuse « révolution 3D » qu’on annonçait pratiquement depuis le début des années 90 sera survenue d’une manière très concrète qu’on pourrait presque résumer en un mot : Doom. Voilà que tout à coup, non seulement le PC était miraculeusement devenu ce qu’il n’avait jamais été (ni n’avait vraiment cherché à être) dans les années 80, à savoir une machine de jeu, mais qu’en plus tout le monde en voulait un pour s’essayer à ce jeu dont tout le monde parlait faute de pouvoir jouer à des titres équivalents sur d’autres systèmes.

Bien évidemment, les choses allaient rapidement changer face au succès du titre d’id Software, appelé à initier un genre à part entière – mais le fait est qu’il sera apparu à un moment charnière où la concurrence informatique était à l’agonie (Atari et Commodore étant déjà plus ou moins hors-jeu ou en phase de l’être, tandis que le Mac gagnait en popularité… mais n’aura jamais hébergé Doom) et ou les consoles capables de rivaliser dans le domaine étaient encore très marginales (la PlayStation et la Saturn ne débarqueraient en occident que deux ans plus tard, la 3DO et la Jaguar n’auront jamais rencontré le succès). Bref, tout à coup, la 3D commençait à devenir furieusement sexy, et tous les développeurs sentirent que le jeu d’action qui marchait, dorénavant, était celui qu’on qualifiait de « Doom-like ». Les Heretic, les Rise of the Triad, les Witchhaven ou même les Duke Nukem 3D commencèrent donc à débarquer à fond de train pour inonder un marché plutôt enthousiaste, à tel point que le succès du genre, devenu entretemps le FPS, ne se sera jamais vraiment démenti depuis.

Malgré tout, la production aura été si rapide et si abondante que lorsque LucasArts débarqua avec son propre Doom-like en 1995, la compagnie américaine donnait presque l’impression d’arriver en queue de comète, alors que le genre avait déjà connu ses premières évolutions majeures (au hasard, avec l’excellent System Shock) et salivait sur les prochaines (coucou, Quake).

Du coup, l’apparition d’un certain STAR WARS : Dark Forces suscita certes un certain enthousiasme – surtout à une époque ou la licence de George Lucas était en train de passer la seconde au niveau de la qualité de ses adaptations vidéoludiques – mais sans jamais totalement congédier l’idée que, peut-être, LucasArts avait surtout choisi la voie de la facilité en s’invitant à son tour dans un genre très à la mode en n’ayant pas nécessairement grand chose de plus à offrir que l’habillage de sa très sympathique licence. Bref, aussi surprenant que cela puisse paraître, loin de sauter au plafond, une partie des joueurs de l’époque accueillirent le titre avec curiosité mais sans y voir autre chose que « le Doom de LucasArts » (qui arrivait donc à la suite d’une longue liste de clones plus ou moins inspirés), ce qui, comme on va le réaliser, était sans doute rétrospectivement un tantinet réducteur.

Dark Forces vous place, une fois n’est pas coutume, sur une ligne temporelle s’étendant sur plusieurs mois. Le jeu s’ouvre en effet en vous plaçant dans la peau de Kyle Katarn, ancien officier impérial devenu mercenaire, et que vous dirigerez pour la première fois… en l’envoyant voler les plans de l’Étoile Noire en prélude de l’épisode IV, rien de moins.

Les fans de la saga lèveront peut-être déjà un sourcil, tant cela ne correspond pas au canon actuel de la saga, mais il faut se souvenir qu’on est alors vingt-et-un ans avant la sortie de Rogue One, à une époque où la licence ne compte encore que trois films, et que ce qui était établi comme « canon » était encore largement à la discrétion des différents auteurs qui travaillaient sur l’univers étendu. Toujours est-il que ce qui aurait pu être une quête au long-cours se révèlera ici une simple mission d’introduction avant qu’une longue cinématique ne vous dévoile le véritable enjeu du reste de l’aventure, situé après la destruction de l’Étoile Noire : la création d’une nouvelle génération de soldats appelés les « Dark Troopers », capables de raser une base rebelle en quelques minutes, par un général impérial nommé Rom Mohc. Face à une menace qui mérite visiblement d’être prise très au sérieux, Mon Mothma et l’Alliance Rebelle décident donc de vous envoyer mener l’enquête et saboter toute la chaine de production de ces nouveaux stormtroopers avant que l’Empire ne soit tenté de les produire en masse – une quête qui vous emmènera, avec votre instructrice Jan Ors, aux quatre coins de la galaxie au fil des quatorze missions du jeu.

Mine de rien, la simple présence de ce scénario présenté via des séquences cinématiques animées et doublées est déjà un aspect qu’il convient de souligner. À une époque où le genre du Doom-like se limitait globalement à tuer tout ce qui bouge sans trop se soucier de savoir pourquoi, l’idée d’introduire une réelle composante narrative n’était certes pas entièrement nouvelle (rebonjour, System Shock), mais le souci d’une mise en scène qui justifie enfin l’utilisation du support CD-ROM restait tout à fait rafraichissante. Une philosophie qui ne se limite d’ailleurs pas à l’habillage : Dark Forces est sans doute un des tout premiers titres du genre où les missions soient présentées via un briefing détaillant les objectifs à réaliser – car non, il ne s’agira pas de tuer tout le monde, même si vous risquez d’être amené à le faire par la force des choses.

Que l’on vous demande de voler des plans, de placer un traceur, de vous glisser à l’intérieur d’un convoi de contrebandiers ou de faire sauter une installation impériale, le jeu offre un parcours relativement cohérent qui vous demandera autre chose que de parcourir au hasard de grands couloirs en faisant feu sur tout ce qui se présente à vous sans trop vous soucier du pourquoi ou du comment. Les environnements ne sont pas ici de simples textures apposées pour faire joli, et la grande qualité du level design mérite d’ailleurs d’être soulignée : que vous soyez dans un Star Destroyer, dans un centre de recherche ou à l’intérieur d’un complexe pénitentiaire, le titre s’efforce non seulement de respecter l’esthétique de la saga mais aussi et surtout de présenter un cadre assez réaliste où la disposition des différentes salles est parfaitement logique, avec de nombreuses petites énigmes, quelques phases de plateforme et un recours à l’exploration qui vous demandera ici de faire usage de la carte et de souvent bien réfléchir à la route à suivre si vous ne voulez pas vous retrouver à tourner bêtement en rond faute de comprendre ce que l’on attend de vous.

À ce niveau, les possibilités du gameplay annoncent déjà toute l’ambition du jeu par rapport à ce qu’offraient alors la plupart des Doom-like : possibilité de sauter, de s’accroupir, présence d’un inventaire dans lequel on pourra notamment trouver des lunettes de vision nocturne ou des crampons empêchant de déraper sur la glace, sans compter un arsenal d’une dizaine d’armes tirées ou inspirées de la saga, poussant même le raffinement jusqu’à placer un mode de tir alternatif sur chacune d’entre elles.

Là encore, tout cela aura eu le tort d’arriver après un System Shock qui offrait déjà pratiquement toutes ces possibilités (avec un moteur graphique supérieur à celui de Dark Forces, qui plus est), mais cela n’empêche pas le game design de tirer très intelligemment parti de toutes ces possibilités pour offrir un titre où on ne se contente pas de foncer bêtement en vidant ses chargeurs. Une approche qui ne fera pas nécessairement que des heureux, en particulier à cause d’une caractéristique assez extrême : l’impossibilité de sauvegarder en jeu. Si le titre conserve en effet automatiquement votre progression d’une mission à l’autre, n’espérez pas ici tenter une petite sauvegarde rapide avant un saut délicat : vous devrez ici puiser dans un réservoir de trois vies (réinitialisé à chaque mission) pour accomplir vos objectifs, faute de quoi, il faudra reprendre le niveau depuis le début.

Cependant, un niveau s’étirant rarement sur plus de dix minutes lorsque l’on sait où aller, et le jeu offrant une possibilité de choisir la difficulté en prélude de chaque mission (en plus d’un mode « super bouclier » qui s’approche de l’invincibilité), il faut reconnaître que ce système n’est pas bêtement punitif comme on pourrait le craindre, et qu’un joueur expérimenté ne devrait que très rarement avoir besoin de recommencer un niveau en mode « normal ». Ce qui vient également à regretter que le jeu soit finalement assez court : les quatorze missions peuvent être vaincues en un week-end, et sachant qu’il n’y a aucune forme de multijoueur, le programme risque hélas de ne pas vous résister très longtemps.

Néanmoins, inutile de dire que les fans de la saga seront aux anges à l’idée de pouvoir croiser des personnages comme Mon Mothma, Bobba Fett ou Jabba le Hutt (sans oublier l’indispensable Dark Vador, cela va de soit) et découvrir des environnements très variés qui ont le bon goût de ne pas aller (trop) puiser dans la saga originale mais plutôt dans l’univers étendu : pas de Tatooine ou de Hoth ici, et ce n’est pas plus mal.

Les autres découvriront un jeu de tir très efficace, avec juste ce qu’il faut de variété et de réflexion pour avoir davantage à offrir que le commun des Doom-like ; un titre extrêmement solide et particulièrement bien conçu où on s’amuse d’un bout à l’autre, quitte à s’agacer lors des quelques situations où on n’est pas certain de comprendre où aller – et où on est souvent puni d’avoir fait le mauvais choix. On regrettera également que les thèmes musicaux iconiques de la saga ne soient ici rendus qu’en MIDI, mais cela permet au moins de bénéficier du très bon système iMUSE. Une très bonne occasion de découvrir les débuts de Kyle Katarn et de comprendre pourquoi la saga aura fait parler d’elle dans les années 90 : Dark Forces n’aura peut-être pas inventé grand chose, mais cela ne l’empêche pas de pouvoir crânement revendiquer sa place parmi les titres références des années 90, quelque part entre Doom et Duke Nukem 3D. Du LucasArts de la grande époque.

Quelques mots en conclusion, comme cela est la coutume, sur la version française du titre. Dans le rôle de Rom Mohc, on retrouve l’inusable Jean-Claude Donda, grand habitué des productions LucasArts, et qui avait déjà officié dans Sam & Max avant d’entamer avec Dark Forces une année chargée qui le verrait rempiler pour Full Throttle ou The Dig. Il donne ici la réplique à François Jérosme, qui double à la fois Kyle Katarn et Dark Vador, et Marie Vincent, qui assure toutes les voix féminines (c’est à dire Mon Mothma et Jan Ors).

En dépit de ce casting réduit, les timbres des voix ont été bien choisis et chaque acteur/actrice parvient à insuffler à son personnage la personnalité adéquate avec un professionnalisme qui fait plaisir. Malheureusement, l’équipe en charge de la traduction n’aura pas nécessairement eu le même professionnalisme ou les moyens de le mettre en pratique, car outre quelques (rares) ratés dans le texte, le jeu souffre surtout d’une tare qu’on retrouvera sur toutes les V.F. parlées des jeux LucasArts de la période : l’absence de synchronisation labiale. Les acteurs font ce qu’ils peuvent pour essayer de parler à peu près en même temps que les personnages qu’ils doublent (ce qui n’est bien entendu pas un gros problème pour Dark Vador), mais on sent bien qu’ils improvisent avec plus ou moins de succès pour y parvenir, et le résultat brise l’immersion. Les doublages des soldats pendant la partie, en saisissant sous-jeu, n’est pas très convaincant, lui non plus, mais rien qui puisse vous encourager à fuir cette localisation qui reste dans le haut du panier de ce qu’on pouvait entendre à l’époque. VOus n’aurez de toute façon pas à faire des pieds et des mains pour la dénicher : elle est en vente avec la V.O. sur pratiquement tous les sites de vente en ligne.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Parfois injustement noyé dans la masse des fameux « Doom-like » au moment de sa sortie, STAR WARS : Dark Forces est pourtant bien plus qu'une simple reprise du hit planétaire d'id Software habillé avec les éléments de la saga de Georges Lucas. Porté par un scénario riche en fan service vous invitant à voler les plans de l'Étoile Noire ou à affronter Bobba Fett tout en croisant plusieurs personnages iconiques de la saga, le titre de LucasArts introduit surtout de réels objectifs mis en valeur par un level design exceptionnel, sans jamais oublier d'être un jeu d'action porté par l'extraordinaire ambiance de la licence. Heureux de découvrir chaque nouvelle mission avec un plaisir égal, le joueur sera enclin à pardonner quelques lourdeurs dans le game design qui tend à imposer d'assez longues séquences de jeu faute de pouvoir sauvegarder au cours d'un niveau, ainsi que l'absence dommageable mais finalement assez logique d'un mode multijoueur. Dans tous les cas, les fans de la licence comme ceux du genre seraient mal inspirés de faire l'impasse sur ce qui restera – avec sa suite directe – l'un des meilleurs FPS de l'ère pré-Half-Life. À découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un game design qui oblige à réaliser les niveaux d'une traite faute de sauvegarde en jeu... – ...ce qui peut s'avérer d'autant plus dommageable que certains niveaux nécessite de dénicher des trajets assez retors, quitte à tourner longtemps en rond – Des cinématiques où les illustrations traditionnelles, la 3D pré-calculée et les digitalisations baveuses ne se marient pas toujours harmonieusement – Une V.F. de qualité professionnelle, mais où personne ne s'est embarrassé à vérifier la synchronisation labiale – Expérience strictement solo

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Forces sur un écran cathodique :

Version Macintosh

Développeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Date de sortie : Juin 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM testée sous Quadra 900 avec MacOS 9.0
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68040 – OS : System 7.1 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Configuration graphique : 256 couleurs

Comme souvent lorsque le Macintosh dispose d’un test détaillé, on se doute que les différences ne seront pas à aller chercher du côté du contenu. Non, la seule spécificité de cette itération Mac de Dark Forces, c’est surtout la présence de différents modes « haute résolution » qui permettent, dans le meilleur des cas, de découvrir le jeu en 640×480 et en plein-écran… ou presque, la fenêtre de jeu étant en fait en 640×400, d’où une grande bande noire de 80 pixels de haut au niveau de l’interface. Une résolution doublée qui nécessitait à l’époque une machine très puissante, et qui n’a que peu de chances de pousser aujourd’hui un joueur nostalgique à retourner ciel et terre pour mettre la main dessus. Si vous avez la chance de parvenir à la faire tourner dans de bonnes conditions, cependant, vous pourrez bénéficier d’une version sensiblement plus lisible du jeu, ce qui est toujours le bienvenu.

NOTE FINALE : 17,5/20

On sait à quel point le Macintosh aimait sa haute résolution, et cette itération de STAR WARS : Dark Forces aura donc l’avantage d’être jouable en 640×480, si vous avez la machine et le système d’exploitation pour parvenir à la faire tourner.

Version PlayStation

Développeur : Big Bang Software, Inc.
Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Date de sortie : Novembre 1996 (États-Unis) – 31 janvier 1997 (Japon) – 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe ou carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme à peu près tout ce qui était en 3D à cette période, Dark Forces était voué à finir tôt ou tard sur PlayStation, même s’il aura quand même dû attendre près de deux ans pour cela. Porté sans génie par Big Bang Software, le jeu aura eu le tort de paraître après un certain Tomb Raider qui avait poussé les attentes en termes de 3D à la hausse, et surtout de n’intégrer aucune des petites friandises, telles que les lumières colorées, qui avaient agréablement dépoussiéré le portage de Doom.

Pour ne rien arranger, outre une maniabilité au pad qui sent bon les premiers errements d’une époque où le genre était davantage pensé pour être joué au clavier et à la souris, non seulement le moteur de jeu offre des performances assez poussives n’avoisinant que rarement les 15 images par seconde alors que l’image n’est même pas en plein-écran (la version européenne m’a d’ailleurs parue encore plus lente que la version américaine), mais en plus les cinématiques ont été ré-encodées au format vidéo, ce qui donne le sentiment de revoir celles de la version PC à travers un filtre dégueulasse sur YouTube en 320p. On pourra également être déçu que la réalisation musicale ne profite pas plus du support CD que la version PC et continue d’offrir du rendu en MIDI, dans une qualité certes très correcte mais qui laisse un peu sur sa faim. Bref, quel que soit l’angle sous lequel on observe ce portage, c’est tout simplement la version PC dans une itération inférieure, sensiblement moins jouable et nettement moins fluide, ce qui ne valait certainement pas deux ans d’attente.

NOTE FINALE : 14/20

Star Wars : Dark Forces sur PlayStation est toujours un bon jeu, mais entre le moteur 3D poussif, les vidéos mal encodées, la jouabilité perfectible au pad et le fait que strictement aucune nouveauté ne figure à l’appel, on ne peut s’empêcher de comprendre pourquoi ce portage assez limité n’aura pas déplacé des foules trop occupées à jouer à Tomb Raider.

Tales of Phantasia

Développeur : Wolf Team
Éditeur : Namco Limited
Titres alternatifs : テイルズ オブ ファンタジア (graphie japonaise), 幻想传说 (Huanxiang Chuanshuo, Chine), Tale Phantasia (titre de travail)
Testé sur : Super FamicomPlayStation
Disponible sur : Game Boy Advance, PSP

La saga des Tales of (jusqu’à 2000) :

  1. Tales of Phantasia (1995)
  2. Tales of Destiny (1997)
  3. Tales of Eternia (2000)

Version Super Famicom

Date de sortie : 15 décembre 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Dejap, traduction française par Final Translation
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 48Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À la fin de l’année 1995, le monde vidéoludique avait beaucoup changé. L’immense majorité des joueurs avait suivi, de gré ou de force (mais globalement de gré, on ne va pas se mentir), le train de la modernité, et la planète tournait dorénavant en 32 bits. Pour l’essentiel des joueurs japonais, la question était alors de savoir s’il fallait posséder une Saturn ou une PlayStation – question qui avait presque instantanément trouvé sa réponse partout ailleurs dans le monde, où la console de Sony avait obtenu une victoire indiscutable en laissant très peu de prisonniers.

Mais du côté des fans de Nintendo, toujours pas d’Ultra 64 à se mettre sous la dent, et pendant que le reste de la planète se vautrait dans le luxe et surtout dans la 3D, on continuait tant bien que mal à s’accrocher à sa console 16 bits. Une fidélité pas forcément facile à assumer en occident, où les titres à la Metal Warriors passaient déjà dramatiquement inaperçus face à la déferlante 32 bits qui s’annonçait (et qui avait commencé fin 1994 au Japon). Du côté du pays du Soleil Levant, justement, la Super Famicom était peut-être moins en forme, mais elle était encore bien vivante, notamment grâce à un secteur de sa ludothèque qui se sera trop peu exporté à l’époque : les jeux de rôle. Et pour bien comprendre l’ambition qui habitait encore les développeurs au moment d’offrir ses derniers titres à une machine qu’ils maîtrisaient désormais sur le bout des doigts, difficile de ne pas évoquer ici deux jeux qui auront poussé la console jusque dans ses tout derniers retranchements : Star Ocean, et son prédécesseur spirituel, Tales of Phantasia.

Le ton est d’ailleurs donné dès l’introduction du titre de Wolf Team, qui s’ouvre sur rien de moins qu’une citation digitalisée, elle-même suivie… de toute une chanson, aux paroles digitalisées, elles aussi ! Alors certes, il faut aimer la J-pop (ce qui n’est pas mon cas, je le confesse), mais on comprend facilement que les joueurs en train de se faire narguer par les multiples friandises apportées par le support CD-ROM (support que Nintendo n’aura d’ailleurs au final jamais employé…) aient pu être heureux de prendre leur petite revanche grâce à une cartouche mastodontesque de 48 mégabytes qui annonçait, à sa façon, le choix assumé de la firme au plombier pour sa future console 64 bits.

Pour la Super Nintendo, cela restera en tous cas un record, seulement égalé par… Star Ocean, d’ailleurs programmé par une équipe largement issue de Wolf Team et baptisée Tri-Ace. Un bon moyen d’introduire de la meilleure des façons une histoire qui ne s’embarrasse pas à placer un univers ni même un contexte, mais qui s’ouvre sur un combat qui voit un mystérieux personnage fuir un affrontement dantesque juste pour mieux se voir emprisonné par un groupe d’aventuriers à l’aide d’un curieux pendentif. Après cette entrée en matière pour le moins dynamique, voilà qu’une dizaine d’années a déjà passé et qu’on prend les commandes de Cless Alvein (le prénom est modifiable) au moment où il s’apprête à partir à la chasse avec son ami Chester, quitte à repousser au soir les explications paternelles sur le collier qu’il porte depuis ses quinze ans… Le début d’une épopée dont va bien évidemment dépendre l’avenir de toute la planète, et qui va mettre en jeu un mécanisme-clef qui fera immédiatement penser à Chrono Trigger : le voyage temporel.

Après avoir choisi le patronyme de votre jeune héros, vous démarrez donc l’aventure qui prend à première vue une forme très classique : une vue de dessus où on peut parler aux PNJs et visiter les différents bâtiments, une carte du monde en Mode 7, un menu de gestion du groupe (qui peut contenir jusqu’à quatre personnages) avec un écran de statut, un inventaire, des options de configuration, et quelques fonctions plus inhabituelles sur lesquelles nous nous pencherons un peu plus tard.

De loin, on pourrait aussi bien se croire devant Final Fantasy VI que devant Secret of Mana tant on conserve a priori le moule de l’intégralité du genre – au détail près que la réalisation choisit, encore une fois, de placer la barre assez haut. Sans être nécessairement sublime sur le plan artistique, où il se cantonne finalement à des décors et à des personnages assez convenus, le titre se donne en tous cas beaucoup de mal pour en mettre plein les yeux, avec des effets de transparence, des reflets dans l’eau, des insectes et des animaux qui se promènent à l’écran… il y a même de la 3D ! Je vous laisse observer les captures d’écran : cela reste impressionnant pour une console 16 bits. La réalisation sonore est également très réussie, même si les thèmes musicaux sont à mon sens nettement moins iconiques que ceux des logiciels de référence de la machine – elle demeure efficace et dotée de suffisamment de personnalité pour vous rester dans la tête, mais manque un tantinet de souffle épique.

La grande originalité de Tales of Phantasia, cependant, n’est pas à chercher dans son aventure (prenante, mais désespérément classique, avec l’émergence de l’éternel grand méchant de service qui veut tout détruire sans qu’on sache jamais pourquoi) ni dans son déroulement, très linéaire dans son ensemble avant de nous lâcher un peu la bride dans sa deuxième moitié, mais bien dans son système de combat. En effet, là où le genre du J-RPG tendait alors à se diviser entre des combats au tour par tour à la Dragon Quest ou à la Final Fantasy et des affrontements en temps réel directement sur la carte de jeu à la Legend of Zelda ou à la Secret of Mana, le titre de Wolf Team choisit une approche encore un peu différente.

Votre groupe pourra en effet être confronté à des affrontements aléatoires lors de ses déplacements sur la carte du monde où dans les donjons, mais ceux-ci prendront la forme d’un affrontement en temps réel en vue de profil où vous ne contrôlerez directement que Cless pendant que ses compagnons s’appliqueront à respecter un positionnement et une stratégie assez basiques décidés au préalable dans l’onglet dédié du menu du jeu (et modifiables, fort heureusement, en cours de combat via un menu rapide accessible en appuyant sur X). Concrètement, votre héros fera pratiquement tout le boulot au corps à corps, grâce à un système de « talents » recoupant un large éventail de techniques qui ira en grandissant au fur et à mesure de la partie, pendant que les autres personnages attaqueront à distance ou vous soigneront via des sortilèges qu’ils lanceront d’eux-mêmes.

Un système original, assez culotté et qui comprend sa part de maladresses (bon courage pour toucher un ennemi volant lorsque celui-ci est immédiatement au corps-à-corps), mais qui fonctionne étonnamment bien en dépit des limites évidentes de l’intelligence artificielle. Ainsi, il arrive que vos alliés s’acharnent à employer de la magie sur des ennemis qui l’absorbent, ou qu’ils vident leurs réservent de TP (l’équivalent de la mana) sur des adversaires que vous pourriez facilement vaincre en un seul coup, mais l’ensemble est suffisamment bien équilibré pour qu’on n’ait pas à s’adonner à une microgestion épuisante tout en vous laissant le soin de configurer les sorts qu’ils ont ou non le droit d’employer en fonction de la situation. Quitte à vous aventurer dans un volcan, vous pourrez ainsi tout à fait interdire à vos magiciens d’y employer des sorts de feu, ce qui vous évitera quelques accidents bêtes. On regrettera en revanche qu’il soit impossible de changer d’arme pendant un combat, parce que rien n’est plus désagréable que d’être coincé pendant tout un affrontement face à des ennemis puissants alors qu’on tient une épée ou une hache qui les soigne plutôt que de les blesser…

Mine de rien, ce système est à la fois suffisamment dynamique, suffisamment précis et suffisamment varié pour tenir le choc pendant la vingtaine d’heures que durera la partie sans avoir à soupirer au bout de dix minutes d’enchaîner les (nombreuses) rencontres aléatoires – ce qui est plutôt une bonne chose dans un jeu où on passera, sans surprise, beaucoup de temps à se battre. On pourra d’ailleurs regretter une nouvelle fois que le scénario du jeu fasse le choix de s’abandonner à un classicisme à toute épreuve où le voyage dans le temps est d’ailleurs cruellement sous-exploité, et où les réelles révélations n’interviendront qu’au tout début et à la toute fin de l’histoire.

C’est en partie dû à l’aspect extrêmement générique des différents héros, qui collent aux archétypes du genre avec une telle dévotion qu’ils ne nous surprennent pour ainsi dire jamais – le personnage d’Arche et son côté « allumeuse » trahissant pour sa part une conception assez datée avec la jeune fille timide et « pure » d’un côté (Mint, la soigneuse) et la délurée au grand cœur de l’autre. Dans l’ensemble, les quelques moments émouvants sont traités trop vite ou trop maladroitement, et on ne retrouve pas la qualité d’écriture de Final Fantasy VI ou de Chrono Trigger, encore une fois. Néanmoins, cela n’empêche pas le tout d’être largement assez prenant pour qu’on ait envie de mener l’aventure à son terme, même s’il faut reconnaître que, dépouillé de sa superbe réalisation et de son système de combat, Tales of Phantasia peut parfois laisser l’impression d’un jeu de rôle auquel on aurait déjà joué cent fois. Fort heureusement, entre les PNJs à interroger, les techniques à apprendre, les esprits élémentaires à aller affronter avant de les rallier pour étendre l’arsenal de vos magiciens, les donjons bien conçus et les passages secrets en tout genre, on passe encore un très bon moment sur ce qui correspond à un des aspects de l’apogée du genre sur les consoles 16 bits. Pas nécessairement celui qui a le mieux vieilli, mais sans aucune difficulté un qui saura parfaitement combler ceux qui savent ce qu’ils viennent chercher – et sans doute une partie de ceux qui ne le savent pas, et qui voudrait découvrir l’initiateur de la série des Tales of.

Quelques mots, comme c’est la coutume, sur la version française – ou plutôt, sur l’une des versions françaises du jeu. Tales of Phantasia n’ayant jamais quitté le Japon (ou du moins, pas avant sa sortie sur Game Boy Advance en 2003), les fans s’étaient déjà attelés à le traduire, en s’appuyant largement sur la traduction américaine et sur les outils de l’équipe de DeJap.

La version de Final Translation dont je donne le lien ici est à ma connaissance l’une des dernières et des plus accomplies, corrigeant des centaines de coquilles, de contresens et d’approximations des premiers patchs. Si on pourra parfois être en désaccord avec le registre ou avec le vocabulaire employés, le travail réalisé reste assez largement apte à rivaliser avec une traduction professionnelle, la censure des blagues potaches très « japonaises » (comprendre : tournant autour de la sexualité) en moins. Dans tous les cas, aucune raison à mes yeux de fuir cette traduction, sauf à vouloir lorgner du côté des patchs américains dont certains vont carrément jusqu’à redoubler les voix du jeu. Un très bon moyen de découvrir un titre qui mérite sa place dans le panthéon de la Super Nintendo.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Parmi les titres les plus ambitieux et les plus impressionnants jamais parus sur Super Nintendo, Tales of Phantasia pourra se vanter d'avoir mélangé avec succès des éléments empruntés aux J-RPG au tour par tour et des mécanismes d'action-RPG dans une formule suffisamment bien pensée pour avoir engendré une série encore vivace de nos jours - et qui n'a toujours renié en rien ses fondamentaux. Derrière une réalisation exceptionnelle pour son support se cache une aventure solide et prenante, quoiqu'un tantinet classique, et dont le principal défaut reste d'être restée cruellement cantonnée au Japon jusqu'à la sortie de la version Game Boy Advance. Grâce aux fans, il est désormais possible de découvrir un jeu de rôle qui ne se hisse peut-être pas tout à fait à la hauteur des bijoux que restent Final Fantasy VI et Chrono Trigger, mais qui n'en est vraiment pas loin. Une belle claque toujours très agréable à jouer, et clairement un titre à (re)découvrir pour les amateurs du genre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une surabondance de combats aléatoires... – ...avec une IA pas irréprochable et quelques situations vraiment énervantes – Un scénario avec ses bons moments, mais qui ne surprend jamais – Quelques mécanismes (cuisine, talent, rang...) encore très embryonnaires par rapport à ce que proposera le reste de la saga

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Tales of Phantasia sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeurs : Namco Limited – Production I. G., Inc.
Éditeur : Namco Limited
Date de sortie : 23 décembre 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Phantasian Productions
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en anglais
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Fin 1998, trois ans presque jour pour jour après la sortie de Tales of Phantasia sur Super Nintendo, la saga initiée par Wolf Team avait eu le temps de se faire un nom – et de continuer sa route sur PlayStation grâce à Tales of Destiny en 1997, démarrant ainsi une série appelée à faire date.

Avec le recul, il était évident qu’avoir raté le train de la génération 32 bits avait sans doute été dommageable pour le premier opus, en dépit des miracles qu’il était parvenu à tirer d’une 16 bits poussée dans ses derniers retranchements. Namco décida donc de le ressortir sur l’incontournable console de Sony… mais, loin de se contenter d’un bête portage, la firme japonaise, probablement encouragée par une concurrence elle aussi au sommet de sa forme (la déflagration Final Fantasy VII se faisant encore ressentir presque deux ans après sa sortie), décida d’en profiter pour revoir sa copie à tous les niveaux… quitte à introduire de nouveaux mécanismes appelés à s’installer dans la durée.

Première refonte évidente, mais déjà bienvenue : la réalisation. Même en se sortant les tripes, la Super Nintendo ne pouvait espérer rivaliser avec la PlayStation dans pratiquement aucun domaine, et on notera instantanément que tout a été retravaillé : la 2D est bien plus colorée et plus riche en détails, la 3D plus fine, la musique profite du support CD-ROM, les voix digitalisées sont bien plus nombreuses et de meilleure qualité, on a gagné une cinématique animée en guise d’introduction… tant qu’à faire, on gagne également quelques nouveaux effets graphiques, comme des rides dans l’eau là où passent vos personnages, ou bien des effets lumineux dans les donjons.

Bref, les capacités de la console de Sony sont mises à contribution, ce qui aide indéniablement à placer la barre encore plus haut dans tous les domaines. À ce niveau-là, rien à dire : c’est simplement mieux fait. La bonne nouvelle, c’est que la jouabilité a également été revue, se débarrassant au passage de la quasi-totalité des petites maladresses présentes dans l’opus original : Les « talents » (désormais baptisés « artes ») étant désormais attribués à la croix directionnelle, il n’est plus question de courte ou de longue portée, et associer une direction du stick à votre attaque vous permet de choisir très facilement entre un assaut aérien et une frappe de taille ou d’estoc, ce qui fait que l’on peut dorénavant attaquer sans difficulté les ennemis volants qui posaient tant de problème jusqu’alors, surtout à faible distance. On peut également se déplacer plus vite lors des phases d’exploration d’une simple pression sur X : plus besoin d’acheter des bottes et de mobiliser un emplacement d’équipement pour cela, ce qui est à la fois nettement plus intelligent et bienvenu.

Tout cela est déjà agréable, mais cela revient à peine à égratigner la surface de tout ce qu’apporte cette nouvelle version du jeu. Les dialogues ont par exemple été développés, réécrits, repensés pour insister sur des éléments évacués trop vite auparavant ou simplement pour les rendre plus vivants.

On notera également l’inclusion des « skits », ces scènes de dialogue entre les différents personnages accessibles via le bouton Select sur la carte du monde, et qui permettent de doter nos héros d’une personnalité et d’une épaisseur qui font du bien. Le système de cuisine fait également sa première apparition dans la saga, et remplace le sac de vivres de la version originale en laissant à vos personnages la capacité de développer leurs capacités pour les arts de la table et de regagner des points de vie et de technique – voire même de guérir leurs afflictions – à la fin des combats. Pratiquement un jeu de rôle dans le jeu de rôle, et un mécanisme qui sera d’ailleurs appelé à une grande longévité. Il y a également de nouveaux « artes » – on notera d’ailleurs que Chester en utilise, cette fois. Bref, l’expérience de jeu a réellement profité des trois années écoulées pour dépoussiérer un système qui accusait déjà son âge, et le résultat est indéniablement positif.

Conséquence : la mission est parfaitement remplie, et cette itération PlayStation de Tales of Phantasia est supérieure à la version Super Nintendo dans absolument tous les domaines : plus belle, plus jouable, plus riche, plus nerveuse, elle représente désormais clairement l’alternative à privilégier pour espérer découvrir le très bon titre de la Wolf Team avec une expérience de jeu optimale. Les fans anglo-saxons ayant, comme souvent, fait un superbe travail de traduction, la plupart des joueurs dotés d’un niveau correct en anglais devraient pouvoir se lancer dans l’aventure sans difficulté notable. Et à tout prendre, ils auraient vraiment tort de s’en priver.

NOTE FINALE : 18/20

Quitte à revenir sur PlayStation, Tales of Phantasia aura clairement décidé de ne pas le faire en touriste : à tous les niveaux, ce portage fait tout simplement mieux que l’original, en incluant quantité de contenu et de bonnes idées tout en se débarrassant de la plupart des maladresses qui pénalisaient l’expérience originale. Si vous souhaitez découvrir la saga, n’hésitez pas à commencer par là.