Cruis’n USA

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com/

Développeur : Midway Manufacturing Company
Éditeur : Midway Manufacturing Company
Testé sur : ArcadeNintendo 64
Disponible sur : Wii

La série Cruis’n (jusqu’à 2000) :

  1. Cruis’n USA (1994)
  2. Cruis’n World (1996)
  3. Cruis’n Exotica (2000)

Version Arcade

Date de sortie : 9 novembre 1994
Nombre de joueurs : 1 (ou 1 à 2, avec deux bornes reliées entre elles)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Borne
Contrôleurs : Un volant, une pédale, un levier de vitesse et trois boutons
Version testée : Version 4.5 internationale
Hardware : Midway V Unit
Processeurs : Texas Instruments TMS320C31 50MHz, Analog Devices ADSP-2105 10MHz
Son : Haut-parleur – DMA-driven DAC – 1 canal
Vidéo : 512 x 400 (H) 57,349016Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On aura sans doute l’occasion d’y revenir, mais il n’est nul besoin de mobiliser une équipe de grands détectives pour deviner que le développement de la Nintendo 64 ne se sera pas tout à fait passé comme prévu. Sortie très tardivement – plus de deux ans après ses concurrentes directes – la console 64 bits était originellement prévue pour être un monstre technique apte à rendre à Sony et à sa PlayStation la monnaie de leur pièce. Avec, pour marquer le coup, rien de moins qu’une collaboration avec Silicon Graphics, dont les machines venaient de servir à réaliser les effets spéciaux de Terminator 2 et de Jurassic Park !

Choisissez votre poison – honnêtement, ça ne changera pas grand chose en termes de sensation

Et histoire de marquer encore un peu plus les esprits, c’est sur un terrain hautement inhabituel pour elle que la firme japonaise aura commencé à assurer la promotion de son futur système, alors baptisé Ultra 64 : les salles d’arcade. Killer Instinct avait ainsi ouvert le bal, en 1994, de façon d’ailleurs assez impressionnante, en annonçant au monde de quoi la puissante machine allait (théoriquement) être capable. Un mois plus tard débarquait Cruis’n USA, qui annonçait à son tour de grandes prouesses… au petit détail près que les rares curieux ayant accès au contenu des deux bornes pouvaient déjà observer une étrange anomalie. Les deux jeux, tous les deux chargés de présenter le hardware de l’Ultra 64, auraient donc logiquement dû tourner sur des configurations semblables, non ? Sauf que, surprise : le matériel qui faisait tourner Cruis’n USA n’avait pour ainsi dire rien en commun avec celui de Killer Instinct. En fait, c’était même carrément un système maison de chez Midway qui animait la borne ! Les premiers indices trahissant une console qui s’avèrerait au final nettement moins puissante que ce que Nintendo avait laissé entendre…

Vous voulez de la course qui défoule ? On a ça !

Mais revenons en novembre 1994 : dans les salles d’arcade, le domaine des jeux de course pouvait largement être divisé en deux écoles : ceux qui ne juraient que par Ridge Racer et ceux qui ne jouaient qu’à Daytona USA – avec un avantage pour le titre de SEGA, souvent présenté depuis comme le plus grand succès en arcade de tous les temps.

Le menu vous offrira déjà un choix très généreux

Les joueurs voulaient visiblement s’asseoir dans un cockpit et écraser l’accélérateur pour se prendre de la 3D plein les yeux et du grondement de moteur plein les oreilles, alors Midway sera venu ajouter son grain de sel avec son propre jeu de voiture. Et histoire de ne pas s’aventurer exactement sur les terres de ses concurrents, qui avaient opté respectivement pour la course urbaine et pour le NASCAR, Cruis’n USA offrira, comme son nom l’indique, une longue traversée des États-Unis d’ouest en est au fil de pas moins de quatorze étapes – ce qui traduit au passage une ambition réelle en termes de contenu face à des références qui, elles, n’intégraient que trois courses chacune. Un hommage déguisé à Rad Mobile, qui proposait exactement la même chose (mais avec vingt étapes, lui), trois ans plus tôt ? Un choix qui s’avèrera payant, en tous cas, le titre rencontrant lui aussi un succès indéniable en salles, grâce à une philosophie correspondant parfaitement à celle de son cadre : de l’arcade, encore de l’arcade et toujours de l’arcade.

Vous pouvez facilement changer de vue, et la plus rapprochée est bien évidemment la plus immersive

Le jeu s’ouvre donc sans chichi directement sur le choix de la course : vous pouvez soit lancer la grande traversée qui vous fera enchaîner tous les circuits – gratuitement si vous finissez en tête, en remettant une pièce dans le cas contraire – soit sélectionner directement une course parmi les dix présentes sur cet écran (et pour ceux qui seraient chagrinés qu’on ne puisse pas choisir l’intégralité des quatorze courses, les quatre circuits « manquants » sont en fait accessibles via des manipulations cachées).

Suivez votre périple sur la carte

La suite vous demandera de choisir votre boîte de vitesse (les joueurs ne cherchant pas la complexité seront heureux d’apprendre qu’il est pour une fois envisageable de gagner une course avec une boîte automatique) puis votre véhicule parmi quatre (plus trois autres véhicules cachés, dont… un bus scolaire !). Le reste ne surprendra personne : neuf concurrents, des courses qui dureront moins de deux minutes et qui vous lâcheront au milieu de la circulation américaine, et l’ambition de finir premier en signant le meilleur temps. La base.

Le fait de composer avec la circulation fait la moitié du sel de la conduite

La relative surprise, c’est que là où ses concurrents s’efforçaient de camoufler leur jouabilité simplifiée derrière un réalisme de façade, Cruis’n USA ne fait jamais semblant de se prendre au sérieux et ne cherche jamais à s’affirmer comme une pseudo-simulation : le déroulement du jeu, qui nécessite rarement de lever le pied de l’accélérateur et ne demande pas de retenir les tracés, fera à ce titre souvent penser à celui d’une autre vieille référence de l’arcade : OutRun.

Tous les attrape-touristes sont de la partie

Il n’y a pas vraiment de sortie de route – appelons plutôt cela du hors-piste – car le programme vous remettra toujours automatiquement dans le bon sens après des collisions à la physique d’ailleurs volontairement grotesque : attendez-vous à voir les véhicules s’envoler dans les airs dans un vacarme de boules de billard avant de reprendre la route comme si de rien n’était – car non, les dégâts ne sont pas gérés, pas plus que la conduite à contresens où tout ce qui pourrait nécessiter un angoissant recours à la matière grise. Ici, on prend ses marques en dix secondes et on s’amuse instantanément, l’objectif étant clairement de se défouler sans se poser de questions plutôt que de chercher à performer en définissant des trajectoires idéales pour gratter un centième de seconde, quitte à piloter aux réflexes entre les camions, les voitures de police, et même les daim ou les vaches. Ce qui marche d’ailleurs très bien, et la possibilité de commencer son périple par virtuellement n’importe quelle course traduit d’ailleurs assez fidèlement la philosophie d’un titre qui vous offre d’emblée pratiquement tout son contenu sans chercher à se montrer punitif d’aucune manière.

Le moteur physique du jeu ne fait même pas semblant d’être réaliste

Les joueurs les plus compétitifs remarqueront d’ailleurs que vos concurrents ont une fâcheuse tendance à adapter leur conduite en fonction de votre position. Ainsi, lorsque vous êtes mal placé, ils font sportivement preuve d’une maladresse étonnante, multipliant les carambolages pour vous laisser l’opportunité de doubler tout le monde en louvoyant au milieu du chaos.

Une certaine vision de la présidence des États-Unis…

En revanche, dès que vous êtes en tête, leurs voitures vont toujours un tout petit peu plus vite que la vôtre, et vous serez surpris par le nombre de fois où vous ferez la course en tête uniquement pour voir un véhicule surgir en face de vous au dernier virage et vous envoyer dans le décor, offrant au peloton le temps de vous repasser devant et de vous faire terminer en milieu de classement ! Un équilibrage qui peut donc se révéler un tantinet énervant, mais également stratégique : un joueur malin cherchera plutôt à rester en embuscade vers le bas du podium pendant la majorité de la course avant de tenter une échappée sur la toute fin.

Que demander de plus ?

Ou bien il pourra aussi choisir de s’en foutre et de simplement chercher à aller vite tant que la perspective de remettre une pièce dans la borne ne l’effraie pas ; après tout, Cruis’n USA aura clairement fait le choix du fun décomplexé, de celui dont la longévité repose précisément sur l’extrême simplicité de l’approche : on va vite, on manœuvre entre les véhicules et c’est bien là tout ce qu’on est venu chercher. Peut-être pas de quoi passer des dizaines d’heures à enchaîner les courses, mais pour ce qui est de se changer les idées dix minutes en s’asseyant dans un cockpit avec un petit sourire béat en s’amusant comme un gosse, ça fonctionne toujours très bien. La 3D a plutôt bien vieilli, la sensation de vitesse est très bien rendue, la musique est excellente et a même son bouton dédié pour changer de station de radio (encore une fois, difficile de ne pas penser à OutRun…) ; bref, Cruis’n USA peut sans doute figurer sans honte dans la pile des jeux à lancer de toute urgence au terme d’une journée un peu trop chargée. Parfois, c’est largement suffisant.

Vidéo – La première course du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Au rang de la course d'arcade décomplexée, plus proche de l'hommage potache à OutRun ou surtout à Rad Mobile que de la simulation de pointe, Cruis'n USA est à n'en pas douter un très bon cru pour tous ceux qui aiment ne jamais lever le pied de l'accélérateur et ne pas se poser trop de questions. La technicité ? Quel intérêt ! Dès lors, on saura apprécier la diversité offerte par les quelques quatorze courses du jeu, qui constituent indéniablement un contenu bien plus conséquent que celui des deux concurrents directs qu'étaient Ridge Racer et Daytona USA. Comme souvent, le problème demeure qu'on fera assez vite le tour d'une jouabilité qui n'a pas été pensée pour se renouveler sur la durée, mais pour se détendre et passer un bon moment sans avoir à optimiser ses trajectoires et ses changements de rapport, pas de problème : c'est toujours (presque) aussi efficace. Du fun sans fioritures.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une maniabilité purement arcade sans une once de subtilité – Des courses qui ont une fâcheuse tendance à se jouer dans le dernier virage... – ...et qu'on aurait bien aimées un peu plus longues, tant qu'à faire

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Cruis’n USA sur une borne d’arcade :

Version Nintendo 64

Développeur : Williams Entertainment, Inc.
Éditeur : Nintendo Co., Ltd.
Date de sortie : 31 octobre 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 65Mb
Système de sauvegarde par carte mémoire (9 blocs)
Controller Pak supporté
C’est plus que correct, non ?

Sur le papier, Cruis’n USA était un candidat naturel pour figurer au sein du line-up de la Nintendo 64 – la borne d’arcade n’était-elle pas censée, après tout, héberger le hardware de la console ? Comme on l’a vu, dans les faits, les choses auront été sensiblement plus compliquées, et le portage que tout le monde attendait aura finalement débarqué en même temps que la machine, soit deux ans après la version arcade, sur une Nintendo 64 n’ayant finalement rien en commun avec les bornes chargées d’annoncer ses capacités, et alors que la suite, Cruis’n World, était déjà disponible. Surtout, il s’était passé beaucoup de choses en deux ans, et les joueurs qui avaient été si heureux de se vider les poches pour jouer au jeu dans les salles d’arcade semblaient nettement moins impressionnés en le regardant tourner sur une console à laquelle le choix du support cartouche aura fait beaucoup de mal, et où cet effet permanent de flou dégradait l’image plus qu’il ne l’affinait. Conséquence : le jeu aura été assez tièdement accueilli à sa sorti, où on attendait, techniquement parlant, un logiciel capable d’humilier ses concurrents directs… ce qui n’était pas vraiment le cas, surtout quand ceux-ci s’appelaient désormais WipEout XL ou SEGA Rally Championship.

Tout le contenu est toujours là

Pourtant, avec le recul, on aurait tort d’accabler ce portage qui s’en sort malgré tout très bien. Certes, la résolution est plus basse et la distance d’affichage un peu inférieure – mais on sera néanmoins heureux de constater que l’infernal effet de brouillard utilisé sur à peu près tous les titres de la console pour dissimuler le clipping n’a pas cours ici. On perd quelques informations utiles – au hasard, la carte affichant la position des véhicules – mais la sensation de vitesse est pour ainsi dire intacte, et la jouabilité est excellente grâce au très bon stick analogique de la manette. La difficulté a ici été clairement revue à la baisse, pour un titre qui n’était déjà vraiment pas très exigeant à la base, mais vous aurez toujours la possibilité d’y jouer à deux pour pimenter un peu les choses – dommage que quelques ralentissements apparaissent dans ce mode. On devra également composer avec l’habituelle censure de chez Nintendo : il n’est plus possible de rouler sur des animaux, les femmes sont sensiblement plus habillées, etc. Autant dire que les faiblesses de la borne sont toujours présentes : ce n’est clairement pas un jeu sur lequel vous passerez des centaines d’heures, faute de défi et de technicité suffisants, mais il restera en revanche toujours un bon candidat pour se changer les idées régulièrement. Peut-être pas la meilleure cartouche pour vendre une console qui avait fait trop de promesses, mais pour se vider la tête, c’est toujours aussi efficace.

NOTE FINALE : 14,5/20

Cruis’n USA n’était peut-être plus tout à fait le titre que les joueurs attendaient en 1996 sur leur Nintendo 64 flambant neuve, mais en tant que pur portage d’un jeu d’arcade sympathique, il fait assurément le travail avec sérieux. C’est un peu moins beau, et parfois un peu moins fluide que sur la borne, mais cela reste un très bon moyen de se changer les idées en passant un bon moment.

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