Rick Dangerous 2

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Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Titre alternatif : Rick Dangerous II (écran-titre)
Testé sur : AmigaAtari STAmstrad CPCCommodore 64PC (DOS)ZX Spectrum
Également testé : Rick Dangerous 2½

La série Rick Dangerous (jusqu’à 2000) :

  1. Rick Dangerous (1989)
  2. Rick Dangerous 2 (1990)

Version Amiga

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La marche du temps étant aussi inéluctable que la sortie du prochain épisode de Call of Duty, il arrivera fatalement un jour où une génération ayant grandi dans un monde vidéoludique entièrement dématérialisé ouvrira de grands yeux quand on lui évoquera le simple concept de boîte de jeu vidéo.

Nul besoin, d’ailleurs, de se projeter dans un avenir lointain : hors collectionneurs, il est de plus en plus fréquent d’acheter ses jeux directement en ligne et de les télécharger sans plus s’embarrasser de scories comme un emballage ou un manuel de jeu. Pourtant, il y aurait sans doute des livres entiers à consacrer aux illustrations qui ornaient les boîtes de jeu, aux rêves auxquels elles invitaient lorsqu’on posait les yeux sur elles, et à quel point elles étaient souvent déterminantes pour décider ou non de l’achat d’un logiciel – surtout à une époque où on n’avait guère que quelques captures d’écrans et au mieux un article de quelques lignes dans un magazine pour juger de la valeur d’un programme.

Combien de joueurs auront craqué pour The Secret of Monkey Island ou Defender of the Crown simplement en regardant leur image de couverture ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, parfois, un simple dessin disait pratiquement tout ce qu’il y avait à savoir sur un jeu. Par exemple, un joueur passant devant la boîte de Rick Dangerous 2 pouvait immédiatement se dire : « Ça alors, c’est exactement la même illustration que pour le premier épisode, avec la même composition et le même personnage dans la même position, en changeant juste les costumes et les décors ». Eh bien c’était on-ne-peut-plus approprié, car cette description, c’était également celle du jeu à l’intérieur de la boîte.

« Rick est de retour ! » annoncent déjà fièrement la boîte, la publicité et le scénario du jeu. Mais stupeur : alors qu’on s’attendait une fois de plus à le voir joueur les Indiana Jones sans le fouet et sans le nom mais avec tout le reste, notre héros troque cette fois son chapeau et sa veste en cuir contre une cape et un costume directement inspirés des pulp de science-fiction des années 50 à la Flash Gordon pour faire face à une invasion extraterrestre dirigée par un mystérieux « fat guy ».

Ni une ni deux, Rick échange son pistolet à poudre contre un pistolet laser, ses bâtons de dynamite contre des bombes à antimatière, et s’en va faire… eh bien, exactement la même chose qu’auparavant, avec les mêmes possibilités, mais en s’efforçant de changer un peu d’ambiance – et encore, même à ce niveau-là, entre les décors pseudo-futuristes évoquant la base « pas nazie mais presque » du premier opus et les forêts et autres cavernes glacées n’étant pas à des kilomètres de la jungle et des grottes de l’épisode précédent, on ne peut pas s’empêcher de se sentir immédiatement en terrain familier quelles que soient les tenues de Rick et de ses adversaires. En terrain si familier, en fait, que si on nous avait vendu le tout pour moitié moins cher sous forme d’un data disk plutôt que d’une suite, on n’aurait sans doute pas vu la différence.

Soyons justes : en-dehors de la vague refonte graphique, il y a bel et bien quelques nouveautés dans cet épisode : on sera par exemple heureux de pouvoir sélectionner son niveau de départ histoire de pouvoir profiter de (presque) tout le contenu du jeu d’entrée (je dis « presque » car le cinquième et dernier niveau n’est accessible qu’après avoir terminé le quatrième, et voir la fin du jeu vous demandera obligatoirement d’avoir bouclé toute l’aventure dans l’ordre depuis le début), ce qui permet au moins d’aller se changer les idées dans une autre zone lorsqu’on commence à s’arracher les cheveux de ne plus avancer dans celle qu’on avait choisie.

Car autant prévenir tout de suite : le jeu est encore sensiblement plus dur qu’un premier opus qui avait déjà placé la barre assez haut, et on se retrouve donc une nouvelle fois avec du die-and-retry de compétition qui aurait déjà largement eu de quoi occuper le joueur moyen avec des vies et des continues infinis. De nouveaux pièges on fait leur apparition, tout comme de nouveaux mécanismes (des interrupteurs muraux que vous allez beaucoup utiliser, notamment), des salles secrètes, et même quelques passages où vous serez invité à prendre les commandes d’une machine volante. Bref, ce n’est pas tout-à-fait Rick Dangerous avec un simple coup de peinture pour que le level designer ne soit pas le seul à bosser ; l’expérience parvient encore à apporter son lot de surprises… même si, on ne va pas se mentir, quelque chose a fini par s’éventer un peu dans le procédé.

À la grande question « Rick Dangerous 2 est-il un jeu amusant ? », on peut déjà immédiatement répondre « oui », quand bien même on se doute que le public visé est exactement le même que celui du premier épisode, à savoir des mordus du genre prenant plaisir à recommencer les mêmes séquences en boucle cent fois de suite jusqu’à les avoir maitrisées à la perfection.

C’est d’ailleurs précisément la limite du programme : c’est, d’un bout à l’autre, une expérience calibrée pour offrir une infime variation de ce qui avait fonctionné un an plus tôt, et les joueurs ayant eu leur compte de morts subites avec retour au début de l’écran (puis du jeu) auront bien du mal à trouver un motif pour rempiler. Mine de rien, la disparition de la panoplie de l’archéologue casse un peu la magie : courir dans des grottes indigènes avec un rocher aux trousses paraissait moins daté que d’évoluer dans une science-fiction de grand-papa morte et enterrée au moins depuis la sortie de La Guerre des Étoiles. L’univers marche un peu moins bien, le gameplay ne s’est renouvelé que par infimes touches, et l’expérience générale, si elle fonctionne toujours, flaire un peu trop la redite pour qu’on retrouve l’enthousiasme éprouvé en lançant le premier épisode – une lassitude qui explique sans doute qu’un troisième opus, pourtant envisagé, ait rapidement été abandonné en dépit des bonnes ventes du jeu. Avec le recul et en sachant exactement pourquoi on signe, il y a largement matière à s’éclater pendant des heures, mais on ne peut pas s’empêcher de penser que ce bon vieux Rick aurait sans doute mieux fait de s’aventurer dans les traces de son véritable modèle en prenant un peu plus de risques sans pour autant oublier qui il était vraiment : un aventurier à l’ancienne, avec un chapeau.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Rick est de retour, et il a troqué son chapeau et sa veste en cuir pour une cape... et c'est à peu près tout. Rick Dangerous 2 est moins l'héritier du premier épisode que son clone mal déguisé, un titre à la recherche désespérée d'une idée neuve et optant, en dernier recours, pour un timide changement de sprite. La bonne nouvelle, c'est que c'est toujours l'un des die-and-retry les plus exigeants et les plus efficaces qui soient, et les amateurs fanatiques de l'opus précédent, du genre à n'avoir jamais tout-à-fait eu leur dose et à y revenir régulièrement pour le terminer en boucle, seront à coup sûr heureux de rempiler sur-le-champ. Les autres risquent d'avoir un peu de mal à congédier ce sentiment persistant de déjà-vu au fil d'une aventure qui ne surprend jamais, et qui parvient l'exploit de s'avérer encore un peu plus frustrante et encore un peu plus injuste que son prédécesseur. Bon ? Indéniablement. Mais clairement à destination de joueurs sachant exactement ce qu'ils viennent chercher – ni plus, ni moins. CE QUI A MAL VIEILLI : – Une difficulté toujours aussi immonde... – ...et naturellement, toujours pas de mot de passe... – ...avec une fin qui n'est accessible qu'en enchainant les cinq niveaux dans l'ordre – Très peu de nouveautés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Rick Dangerous sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les nombreux fans de Rick Dangerous seront ravis de retrouver leur héros, même si ce programme n’est guère différent du précédent. Toutefois, les pièges sont encore plus vicieux. Les concepteurs de Rick Dangerous 2 n’ont pas commis la même erreur que dans le programme précédent, et vous permettent de commencer par le niveau de votre choix. Un jeu de plates-formes aussi riche que passionnant. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20

Rick Dangerous 2½

Les années 90 sont souvent remplies de loufoqueries assez uniques en leur genre, et ce Rick Dangerous 2½ en est un assez bon exemple. De quoi s’agit-il, au juste ? D’une extension ? D’une suite ? Eh bien d’un peu de tout cela, mais surtout d’une version démo publiée en complément du magazine The One au Royaume Uni en 1991. Au lieu de proposer un des cinq épisodes présents dans la version commerciale, cette démo en ajoute un inédit (reprenant les graphismes du cinquième, il y a quand même des limites) et proposant de boucler définitivement les aventures de Rick via une transition vers un troisième épisode qui ne verra finalement jamais le jour. Une initiative assez culottée qui aura au moins eu le mérite d’annoncer la couleur aux éventuels acheteurs : c’est encore plus dur que le jeu original ! Le simple fait de franchir le premier écran peut déjà demander largement plus que les six vies offertes par le jeu, et il y avait à coup sûr de quoi tenir en haleine les joueurs – peut-être pas la méthode la plus efficace pour vendre un logiciel, mais les britanniques auront sans doute apprécié l’effort. Tant que l’on se souvient que l’on a affaire à du matériel promotionnel et pas à une « véritable » extension, on n’a aucune raison de se plaindre de récupérer gratuitement de quoi s’esquinter les nerfs pendant quelques heures de plus (ou pendant cinq minutes si on est très, très bon).

NOTE FINALE : 14/20

Une version démo qui est un niveau inédit venant se situer APRÈS Rick Dangerous 2 ? Ils sont fous ces anglais ! La difficulté est atroce, mais si jamais vous souhaitez du contenu additionnel, qui plus est gratuit, vous devriez trouver votre bonheur – dommage qu’il n’y ait strictement rien de neuf en-dehors du level design en lui-même.

Version Atari ST

Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Je ne pense pas insulter la réalisation graphique de la version Amiga de Rick Dangerous 2 en affirmant qu’il était évident dès le départ qu’elle respectait les limitations de l’Atari ST plus que celles de la machine de Commodore. Comme c’était encore très largement la norme en 1990, les deux versions ont été développées en parallèle pour une sortie coordonnée, et on ne sera donc pas surpris de trouver ici une version qui tienne davantage du clone que du portage. Contenu, graphismes, jouabilité : tout est rigoureusement identique au bit près, à l’exception du rendu du thème musical, légèrement inférieur (mais sincèrement, la différence ne devrait pas vous bouleverser). Bref, c’est très exactement ce qu’on s’attendait à trouver et on ne s’en plaindra pas.

NOTE FINALE : 16/20

Inutile de chercher les différences – rendu sonore excepté, il n’y en a pas. Rick Dangerous 2 sur Atari ST fait tranquillement jeu égal avec la version Amiga, qui était de toute façon pensée dès le départ pour que ce soit le cas, les possesseurs de la machine d’Atari n’auront donc aucun contentieux à nourrir vis-à-vis de ce portage

Version Amstrad CPC

Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

De par sa réalisation technique relativement simple (de tout petits sprites, peu d’animations), Rick Dangerous 2 avait toutes les caractéristiques du candidat idéal pour être porté sur les ordinateurs 8 bits – et les portages du premier opus avaient déjà confirmé ce pressentiment. La bonne nouvelle, c’est que non seulement cette version CPC ne vient pas le démentir, mais qu’en plus il n’est plus question ici d’observer les mêmes coupes que celles auxquelles on avait pu assister dans les versions 8 bits du premier épisode : c’est exactement le même jeu. Alors bien sûr, la résolution est un poil plus faible et les graphismes sont légèrement moins fins et moins colorés que sur Amiga ou Atari ST, mais la jouabilité comme le level design n’ont pas bougé d’un pouce, et très honnêtement l’expérience de jeu est pratiquement identique. Bref, les possesseurs de la machine d’Amstrad, souvent sevrés de portages décents, avaient de quoi se frotter les mains à la sortie du jeu, et ils seront sans doute toujours aussi heureux de relancer un titre qui n’a pas pris une ride.

NOTE FINALE : 15,5/20

Très bonne surprise avec ce Rick Dangerous 2 sur Amstrad CPC, qui délivre une expérience n’ayant que très peu de chose à envier aux versions 16 bits : c’est toujours aussi jouable, le contenu n’a pas bougé, et la réalisation reste largement à la hauteur. Bref, clairement un jeu à posséder sur la machine pour les amateurs de plateforme bien exigeante.

Version Commodore 64

Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Autre système vis-à-vis duquel on peut se montrer optimiste, le Commodore 64 n’allait bien évidemment pas faire l’impasse sur son portage de Rick Dangerous 2. Pas de petites facéties ici, comme des sprites à une résolution différente des décors : tout est à la même résolution, laquelle d’ailleurs la même que sur CPC ou ZX Spectrum. Alors une nouvelle fois, c’est un peu moins fin que sur les ordinateurs 16 bits, mais à ce stade c’est plus une question de goût qu’autre chose : la musique est toujours aussi efficace, la jouabilité est irréprochable, les graphismes sont lisibles, et pas un seul écran ne manque à l’appel. Une nouvelle fois, c’est clairement le type de jeu de plateforme que les possesseurs de la machine n’auront aucune raison de bouder, et même les joueurs ayant vu tourner le jeu sur Amiga ou sur Atari ST ne se sentiront lésés en rien. Exactement ce qu’on voulait voir.

NOTE FINALE : 15,5/20

Portage très satisfaisant pour Rick Dangerous 2 sur Commodore 64, qui ne réinvente ni ne modifie rien pour offrir une expérience de jeu largement à la hauteur de celle des versions 16 bits. C’est toujours aussi dur, mais c’est toujours aussi bon.

Version PC (DOS)

Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 384ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, VGA (16 couleurs)
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La version DOS du premier Rick Dangerous n’avait pas exactement laissé un grand souvenir, la faute à une rare paresse dans l’adaptation qui aura accouché d’un jeu à la fois moche et difficilement jouable. Pour ce deuxième opus, Core Design aura visiblement décidé de corriger un peu le tir, sans génie mais en s’efforçant au moins de tenir un minimum compte des capacités de la machine. Visuellement, tout d’abord, le VGA permet au jeu d’afficher exactement les mêmes graphismes que sur Amiga et Atari ST (le résultat reste d’ailleurs très correct en EGA et même en CGA), et le jeu a enfin été programmé pour tourner à la même vitesse quel que soit le processeur. Sur le plan sonore, le jeu reconnait au moins l’AdLib, laquelle offre un rendu pas franchement renversant (ça sonnait mieux sur Commodore 64, et peut-être même sur CPC), mais c’est déjà nettement mieux qu’avec juste le haut-parleur interne. La vraie bonne nouvelle, cependant, est qu’il est enfin possible de jouer au joystick et de configurer les touches du clavier, le pavé numérique étant de toute façon utilisable par défaut. Bref, même si e n’est pas exactement la crème de la crème de ce qu’on pouvait espérer trouver sur un PC fin 1990, c’est au moins une expérience de jeu correcte.

NOTE FINALE : 16/20

Rick Dangerous 2 sur PC se hisse enfin à la hauteur des autres versions 16 bits grâce à des graphismes préservés, à une réalisation sonore correcte et une jouabilité configurable. Une bonne façon d’oublier le calamiteux portage du premier opus.

Version ZX Spectrum

Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : MicroProse Ltd.
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston et Sinclair
Version testée : Version disquette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dernière apparition pour notre ami Rick, et Core Design n’aura décidément pas salopé le boulot : c’est une nouvelle fois un portage très satisfaisant. Première bonne nouvelle : graphiquement, le jeu ne se résout pas à abdiquer pour la réalisation monochrome, et les couleurs sont globalement très bien choisies sans pour autant pénaliser la lisibilité ; dans le domaine, difficile de faire beaucoup mieux sur la machine de Sinclair. Sachant que ni le contenu ni la jouabilité n’ont changé et que la réalisation sonore est très correcte, on hérite donc d’un portage comme le ZX Spectrum aurait certainement aimé en voir plus, et clairement un des meilleurs titres du genre sur l’ordinateur. net, propre et sans bavure.

NOTE FINALE : 15,5/20

Portage très propre pour Rick Dangerous 2 sur ZX Spectrum, qui fournit une expérience qui n’a pas grand chose à envier aux versions 16 bits. C’est beau, c’est jouable et ça tourne vite : que demander de plus ?

Shinobi II : The Silent Fury

Cette image provient du site https://segaretro.org

Développeur : SEGA Consumer Research and Development Dept. #2
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : The GG忍 II (The GG Shinobi II – Japon)
Titre alternatif : The GG忍 II : The Silent Fury – The GG Shinobi Part2 (écran-titre)
Testé sur : Game Gear

La saga Shinobi (jusqu’à 2000) :

  1. Shinobi (Arcade) (1987)
  2. The Revenge of Shinobi (1989)
  3. Shadow Dancer (1989)
  4. Shadow Dancer : The Secret of Shinobi (1990)
  5. The Cyber Shinobi (1990)
  6. Shinobi (Game Gear) (1991)
  7. Shinobi II : The Silent Fury (1992)
  8. Shinobi III : Return of the Ninja Master (1993)
  9. Shinobi X (1995)

Version Game Gear

Date de sortie : 11 décembre 1992 (Amérique du Nord, Japon) – Février 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version internationale patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Parfois, avoir une bonne idée, c’est très simple, et pour ainsi dire à la portée du premier venu. C’est sa concrétisation qui est plus dure.

Pour prendre un exemple qui aura l’avantage de rejoindre le sujet qui nous occupe ici, je ne pense pas qu’il ait fallu réunir les plus grands esprits scientifiques de la période pendant des semaines pour juger que lancer une licence aussi porteuse que Shinobi sur Game Gear serait un bon moyen de booster les ventes de la console portable.

Après tout, pour les rares sceptiques à nourrir encore quelques doutes sur la question, le simple fait que la licence en question ait largement contribué à propulser dans une autre sphère une Mega Drive qui patinait alors dans la semoule depuis plus d’un an était déjà un élément de réponse pertinent. Mais la véritable inconnue – à savoir : comment adapter les aventures du ninja au petit écran et aux contraintes techniques de la console sans provoquer une sortie de route qui fasse plus de mal que de bien – représentait déjà un problème plus complexe à résoudre, et les équipes de SEGA l’avaient merveilleusement bien surmonté. Au moment d’offrir une suite à un épisode qui avait montré la viabilité de la chose, les questions étaient donc nombreuses : comment supplanter un système de jeu qui avait fait ses preuves ? Quelles nouveautés offrir ? La Game Gear avait-elle déjà atteint un plafond ? Ce à quoi les développeurs auront finalement apporté la réponse la plus rationnelle et la plus pragmatique qui soit, mais également une qui soit bien plus fine qu’elle n’en a l’air : on prend les mêmes et on recommence. Littéralement.

Passons rapidement sur le scénario du jeu qui n’a, reconnaissons-le, aucune importance. L’idée est surtout que notre ninja préféré a une nouvelle fois besoin de partir à la rescousse de ses collègues qui, comme les premiers Power Rangers venus, sont identifiables par leur couleur : Force Rose peut évoluer au plafond et lancer des bombes, Force Jaune peut marcher sur l’eau et lancer un shuriken géant, Force Bleue sait faire usage d’un grappin ou se changer en tornade…

Si vous avez comme une sensation de déjà-vu, c’est sans doute parce que les ninjas comme leurs capacités n’ont tout simplement pas changé d’un pouce depuis le premier opus – dont je vous invite au passage à aller lire le test au cas où vous ne sauriez pas de quoi il est question. Shocking ! Aucune nouveauté de gameplay ? Pas la moindre petite innovation à se mettre sous la dent ? On va une nouvelle fois rempiler pour quatre niveaux pour aller débloquer les différents ninjas avant de mettre toutes leurs capacités à profit dans un cinquième et ultime stage avec sa dose de labyrinthes? La réponse à toutes ces questions étant « en effet », on pourrait en conclure que ce nouvel épisode n’est finalement pas grand chose de plus qu’une extension du premier, ce en quoi on n’aurait pas complètement tort… mais ce « pas complètement » a son importance, comme on va à présent le voir.

Dans l’absolu, comme cela a été dit, la structure du jeu est toujours la même : on commence l’aventure aux commandes de notre ninja rouge, qui n’a ni aptitude particulière ni attaque à distance, et le premier objectif sera à nouveau d’aller dénicher nos camarades… mais pas seulement. En effet, le titre introduit ici une petit nuance nettement moins anecdotique qu’on pourrait le croire : en plus de vos collègues de promotion, chaque niveau vous demandera également de dénicher un cristal nécessaire à l’accès au niveau final.

Et la subtilité, c’est que ce cristal, lui, est dissimulé à un endroit nettement moins accessible que le boss de fin de niveau, et qu’il nécessitera obligatoirement, pour être découvert, l’aide d’un ou plusieurs de vos alliés et de leurs très pratiques pouvoirs. Ce qui signifie donc que chaque niveau du jeu devra être visité au minimum deux fois, une première pour constituer votre équipe, et la deuxième pour la mettre pleinement à contribution… et ça change tout. Car en introduisant une composante « exploration », le jeu s’avère à la fois moins linéaire et bien plus intéressant à découvrir, un sentiment d’autant renforcé que l’équilibrage, lui aussi, a été largement perfectionné. Du coup, développer une sorte « d’ordre optimal » pour parcourir les quatre premiers niveaux le plus rapidement et le plus efficacement possible, à la Mega Man, va rapidement devenir un objectif en soit.

À ce stade, les joueurs ayant accumulé un peu de bouteille risque de lever la main en même temps qu’ils émettront une timide objection. Être obligé de faire chaque niveau deux fois, cela peut aussi et surtout ressembler à un moyen un tantinet rébarbatif d’allonger à peu de frais la durée de vie du jeu en obligeant le joueur à refaire des sections entières en boucle au cours d’une seule et même partie, invitant à la lassitude à vitesse grand V.

Fort heureusement, le game design a ici pris le temps de se poser les bonnes questions, ce qui signifie que la cartouche a la bonne idée de ne pas transformer une force en corvée. Par exemple, votre ninja « de base » a accès à un ninjitsu de téléportation qui lui permet de retourner directement à une balise préalablement dénichée, généralement juste avant le boss… ce qui veut dire que vous pourrez donc très facilement quitter les lieux en un claquement de doigts une fois votre exploration terminée – sans avoir à ré-affronter le boss, qui plus est. Dans le même ordre d’idées, le trajet « principal » menant au boss est généralement assez court (dans les deux ou trois minutes), tandis que trouver le cristal demandera d’aller fouiller des zones plus étendues et nettement plus variées. Et histoire de ne pas trop frustrer le joueur qui peinerait à dénicher ce foutu cristal (qui est rarement très difficile à trouver, rassurez-vous), le jeu a également eu la bonne idée d’inclure dans chaque niveau un bonus permettant d’augmenter la taille de la jauge de vie de deux unités, soit largement de quoi justifier de prendre le temps de mettre son nez partout ! Bref, ça fonctionne.

En fait, ça fonctionne même si bien que, absence de nouveautés marquantes ou pas, le titre est tout simplement meilleur que le premier opus – sans changer en rien ses mécanismes, comme quoi… La réalisation est inattaquable et tire parfaitement parti des capacités de la console, la jouabilité est parfaite, l’action est parfaitement lisible, la difficulté est présente sans être insurmontable ; en résumé, on passe un excellent moment d’un bout à l’autre de l’aventure.

Seul petit regret, le recours un peu trop systématique à l’éternel principe du labyrinthe, y compris dans un dernier niveau où vous devrez obligatoirement repasser plusieurs fois par les mêmes séquences – là, on commence à se dire qu’il aurait mieux valu se résoudre à ne pas trop tirer sur cette corde. À titre plus anecdotique, il est un peu dommage que le seul moyen de consulter le mot de passe vous permettant de reprendre l’aventure là où vous en étiez (au hasard, dans la forteresse finale) soit de perdre une vie. De menus défauts qui empêchent le titre de réellement atteindre l’excellence, mais qui ne l’empêchent pas de s’en approcher sacrément près ! Pour les possesseurs de Game Gear comme pour les fans de la série, la question ne se pose même pas : jouez à ce Shinobi II. Un conseil qu’on pourra d’ailleurs étendre à tous les amateurs de jeux de plateforme. Foncez !

Vidéo – Le niveau du château :

NOTE FINALE : 17,5/20 Le moins que l'on puisse dire de ce Shinobi II : The Silent Fury sur Game Gear, c'est que ce n'est pas l'épisode de la prise de risques ! Mêmes ninjas, mêmes pouvoirs, même jouabilité ; à bien des niveaux, on a plus l'impression d'avoir acquis un pack de niveaux additionnel pour le premier opus qu'une suite à part entière. Néanmoins, une fois surmontée la déception initiale, on va de bonne surprise en bonne surprise : réalisation inattaquable, jouabilité parfaite, level design intelligent, game design bien pensé, équilibrage moins frustrant, avec en prime une composante « exploration » bienvenue – non seulement ça fonctionne encore mieux qu'auparavant, mais on tient là sans discussion possible l'un des tout meilleurs titres du genre sur la portable de SEGA. Indispensable.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un mécanisme d'exploration qui force à refaire plusieurs fois les mêmes niveaux – Une difficulté qui grimpe en flèche dans le niveau final – Des labyrinthes qui reviennent un peu trop souvent au fil du jeu

Bonus – Ce à quoi ressemble Shinobi II sur l’écran d’une Game Gear :

Märchen Maze

Développeur : N.H. System
Éditeur : Namco Limited
Titre alternatif : メルヘンメイズ (graphie japonaise)
Testé sur : ArcadePC EngineSharp X68000
Disponible sur : Wii

Version Arcade

Date de sortie : Juillet 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version japonaise
Hardware : Processeurs : Motorola MC6809E 1,536MHz (x3) ; Hitachi HD63701V0 6,144MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; YM2151 OPM 3,579545MHz ; Namco CUS30 12kHz ; R-2R DAC 8 bits (x2) ; 2 canaux
Vidéo : 288 x 224 (H) 60,606061Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

S’il fallait dresser une liste exhaustive des œuvres influencées, de près ou de loin, par Alice au Pays des Merveilles, on obtiendrait probablement un volume épais comme le bottin. Le récit absurde – mais ô combien fascinant – de Charles Lutwidge Dodgson n’est pas juste une éclatante démonstration de la modernité de la littérature victorienne ; son héritage s’étend même si loin qu’on lui attribue parfois jusqu’à la paternité d’un sous-genre comme le cyberpunk (lequel fait d’ailleurs très souvent référence à l’œuvre en retour).

Dans le domaine vidéoludique, Alice est également un personnage très adapté : qui mieux que la jeune fille pourrait représenter un joueur expédié dans un autre monde, ce qui est fondamentalement le précepte de base de n’importe quel jeu vidéo ? Rien que dans les années 80, plus d’une dizaine de titres se seront basés sur le personnage ou sur son univers, et même si le genre du jeu d’aventure est de loin le plus représenté, on peut également dénicher quelques incongruités. Märchen Maze est d’ailleurs un assez bon exemple de cette dernière catégorie : qui aurait imaginé Alice dans le rôle de l’héroïne d’un run-and-gun en 3D isométrique sur borne d’arcade ?

Inutile de s’attarder sur le scénario : celui-ci étant intégralement en japonais (une autre démonstration de l’impact des deux romans au niveau international), il faudra se contenter de quelques illustrations au lancement pour voir que notre Alice, comme dans le deuxième tome de ses aventures, passe de l’autre côté du miroir – en suivant le lapin blanc du premier tome.

Elle devra en tous cas traverser pas moins de neuf mondes différents pour espérer revenir dans le monde « réel », et n’aura que deux moyens d’interaction avec son environnement et les créatures qui le peuplent : un saut pour surmonter les nombreuses parties plateforme de l’aventure, et un tir (qui peut être chargé en laissant le bouton appuyé) afin de disposer de l’opposition qui se mettra en travers de sa route. On se retrouve donc face à un mélange run-and-gun plateforme rendu encore un peu plus inhabituel par la vue isométrique adoptée, mais la véritable originalité du jeu est plutôt à chercher dans son game design en lui-même : Alice ne peut tout simplement pas mourir du contact avec les adversaires ni de celui avec leurs tirs – ou du moins, pas directement. Elle n’a d’ailleurs pas de jauge de vie : la seule chose qui puisse la vaincre, c’est de tomber dans le vide – un mécanisme qui prend tout son sens lorsqu’on réalise que tous les niveaux sont cernés de précipices et que le seul effet des attaques adverses est précisément de repousser le personnage… vers les précipices en question, vous l’aurez deviné.

Cette approche a au moins le mérite de rebattre les cartes en invitant à repenser sa façon de jouer à un jeu de tir : par exemple, à l’opposé des expériences traditionnelles où l’idée est généralement de se placer le plus loin possible des adversaires afin de bénéficier d’un délai maximal pour l’anticipation, il peut être pertinent ici d’aller se plonger dans la masse pour se maintenir à distance des bords, quitte à aller se coller au contact des boss et du menu fretin.

Le mécanisme de saut est d’autant plus vital qui permet d’éviter la quasi-totalité des projectiles, même si les choses se gâtent lorsqu’il faut commencer à composer avec des phases de plateforme au milieu des adversaires. On pourra d’ailleurs noter que si la vue adoptée permet au titre de bénéficier d’une réalisation magnifique pour un titre de 1988, elle a aussi l’inconvénient notable de rendre la perception de la hauteur de vos sauts difficilement lisible – ce qui, dans un jeu où l’on saute beaucoup, va rapidement représenter un gros problème. Quoi qu’il arrive, la mort du personnage signifie son retour au dernier point de passage, parfois situé plusieurs écrans en arrière, et une fois les trois vies de notre héroïne perdues, quel que soit le nombre de crédit inséré, c’est retour immédiat au début du niveau. Sachant qu’il faut en plus composer avec un temps limité là où le jeu demanderait précisément à avancer le plus lentement possible, on se retrouve avec tous les ingrédients qui pourront frustrer à la fois l’amateur d’action déçu d’avoir à composer avec un aspect plateforme et l’amateur de plateforme énervé par l’angle de vu choisi. Et sachant qu’il faut en plus composer avec une difficulté « arcade »…

Märchen Maze est un jeu très difficile où on meurt souvent pour de mauvaises raisons, lesquelles sont pratiquement toujours en rapport avec la simple mauvaise idée de présenter un jeu de plateforme en 3D isométrique. Autant dire que c’est précisément tout ce qui fait l’originalité du titre – sa vue et ses mécanismes – qui risquent de représenter son plus gros défaut, surtout auprès des joueurs n’étant pas spécialement à la recherche d’un défi très exigeant.

Si les deux premiers niveaux ne sont pas trop méchants, le jeu franchit un cap dès le troisième, et mieux vaudra avoir les nerfs solides pour avoir une chance d’observer la suite du programme, même avec des crédits illimités. L’autre petit problème est que l’action, comme la structure des niveaux, ne se renouvèle pas beaucoup : tous les projectiles adverses fonctionnent de la même façon, les quelques rares power-up (bouclier, tir chargé en permanence, ballon vous permettant de survivre à une chute autrement fatale) ne changent pas grand chose à votre façon d’aborder une situation, et globalement on fait toujours à peu près la même chose sans avoir à composer avec quoi que ce soit d’autre que quelques nouveaux sprites pour les ennemis (et certains d’entre eux nécessitant un tir chargé à un niveau donné pour pouvoir être vaincus). C’est là la faiblesse typique d’une borne d’arcade pensée pour des parties de deux minutes, et qui ne propose du contenu additionnel que pour vous encourager à mettre davantage de monnaie sans jamais se soucier de présenter une expérience qui vaille la peine d’être entreprise sur une demi-heure.

On a donc affaire à un concept rafraichissant et bien présenté qui s’essouffle un peu vite, et dont l’originalité risque de représenter un handicap autant qu’une force – une manière polie de dire que la majorité des joueurs n’y trouvera probablement pas son compte, ou alors pas longtemps, précisément à cause de l’aspect « mélange des genres ».

Ceux qui parviendront à surmonter les quelques faiblesses de l’expérience (plutôt des hardcore gamers motivés par le score ou des joueurs particulièrement patients) devraient en revanche passer un assez bon moment face à un jeu technique et très bien réalisé dont la difficulté se transformera alors en qualité plutôt qu’en défaut. Un mode deux joueurs en simultané aurait sans doute fait beaucoup de bien en termes de convivialité, tout comme un peu plus de variété dans les environnements et les pièges rencontrés (on a beau changer de décor de fond et de couleur du sol, on est toujours sur la répétition du même motif de dalles), mais il y a néanmoins un petit goût de reviens-y qui risque de permettre au titre de se faire quelques adeptes. Si vous commencez à vous sentir un peu blasé de l’aspect « balisé » de la plupart des genres vidéoludiques, laissez donc une chance à cette borne d’arcade – ça aura au moins le mérite de vous faire découvrir autre chose.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14/20 Au rang des jeux plus originaux que ce qu'on avait l'habitude de trouver dans une salle d'arcade en 1988, Märchen Maze représente un mélange inhabituel entre run-and-gun et plateforme très bien mis en valeur par une réalisation superbe. L'action reposant exclusivement sur le fait de ne pas tomber dans le vide invite à changer l'approche habituelle du genre, particulièrement pendant les boss, mais si la partie run-and-gun est satisfaisante sous cette forme, la partie plateforme, elle, tend à souffrir de l'imprécision engendrée par la vue isométrique. En y ajoutant une difficulté « arcade » beaucoup trop frustrante, comme bien souvent, on obtient un logiciel avec un potentiel indéniable mais qui ne plaira clairement pas à tout le monde. Les joueurs aux nerfs d'acier désirant essayer quelque chose d'un peu différent devraient être aux anges, mais ceux qui chercheraient surtout un jeu de tir en 3D isométrique seront sans doute plus à leur aise avec un Viewpoint ou un Escape from the planet of the Robot Monsters. À essayer.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une composante « plateforme » qui ne fera pas que des heureux... – ...en particulier à cause de la difficulté infernale – Très peu de renouvellement dans l'action

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Märchen Maze sur une borne d’arcade :

Version PC Engine

Date de sortie : 11 décembre 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction française par pinktagada
Support : HuCard
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en français
Spécificités techniques : HuCard de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment de porter Märchen Maze sur PC Engine – ce qui aura visiblement demandé une réflexion de deux ans –, l’équipe de N.H. System aura décidé que quelques adaptations étaient à l’ordre du jour. Bien que ni le scénario, ni le principe du jeu n’aient changé, on assiste ainsi à plusieurs modifications importantes, la plus flagrante de toutes étant le changement d’angle de vue, la vue isométrique laissant la place à une vue de dessus achevant de rapprocher cette version d’un titre à la Valkyrie no Densetsu, qui avait d’ailleurs lui aussi connu une adaptation sur la console six mois plus tôt.

Ce changement a priori cosmétique a néanmoins le mérite de simplifier un peu les phases de plateforme, et la difficulté a dans l’ensemble été revue à la baisse, votre héroïne ne repartant plus d’un point de passage mais de l’endroit où elle a trouvé la mort, par exemple. Surtout, les niveaux ont été entièrement repensés : un peu plus ouverts, souvent plus grands, leur ordre a changé mais leur nombre est le même – et les boss sont également repris directement de la borne d’arcade, bien qu’ils aient été redessinés pour correspondre au changement d’angle de vue. Le titre est très loin d’être devenu facile pour autant, mais les mordus de run-and-gun devraient à présent se sentir nettement moins frustrés par les phases de saut, et l’expérience est dans l’ensemble plus fluide et un peu moins frustrante. On trouve également de nouveaux adversaires, toujours en rapport avec Alice au Pays des Merveilles, comme un chat du Cheschire au niveau cinq. Bref, sans trahir l’esprit du jeu original, cette conversion en revoit la forme, et aboutit à un périple un peu plus adapté à une console de salon. Un autre bon moyen de découvrir le jeu, donc, même si sous une forme un peu plus classique.

NOTE FINALE : 14,5/20

Réadaptation plutôt surprenante pour Märchen Maze sur PC Engine, qui choisit de changer d’angle de vue et de revisiter ses niveaux, son équilibrage et même une petite partie de son game design. Le résultat a le mérite d’être un (tout petit) peu moins frustrant que la borne d’origine, surtout dans son aspect plateforme, et la réalisation reste largement assez agréable à l’œil pour qu’on ne ressente pas le changement de hardware comme une perte. Une alternative un peu plus abordable, mais pas moins amusante.

Version Sharp X68000

Développeur : SPS
Éditeur : SPS
Date de sortie : 15 mars 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Sharp X68000
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura quand même fallu presque trois ans pour que Märchen Maze arrive sur Sharp X68000 – un délai d’autant plus surprenant que le jeu avait eu le temps d’être totalement réadapté sur PC Engine trois mois plus tôt. Aucune retouche ici, cependant : comme très souvent avec la machine de Sharp, on a affaire à un pur portage de l’arcade sans la moindre retouche, et pratiquement pixel perfect. Je dis « pratiquement » car la résolution est un peu plus basse (240×224), ce qui modifie légèrement le format de l’image, mais pour le reste, c’est pour ainsi dire la borne. On peut d’ailleurs regretter que le titre ne s’embarrasse même pas à offrir un écran des options, au hasard pour tempérer un peu la difficulté – mais les développeurs semblaient penser que les possesseurs de X68000 aimaient souffrir et que c’est pourquoi ils avaient payé leur machine si cher. Dans tous les cas, c’est plus ou moins ce qu’on s’attendait à trouver, on ne sera donc pas (trop) déçu.

NOTE FINALE : 14/20

Comme souvent avec le Sharp X68000, Märchen Maze bénéficie ici d’un portage pratiquement à l’identique de la borne, où seule la résolution très légèrement inférieure introduit une nuance avec la version arcade. On aurait bien aimé profité de quelques options de configuration, mais pour le reste, c’est littéralement l’arcade à domicile.

Ninja Gaiden (Game Gear)

Cette image provient du site https://segaretro.org

Développeur : Japan System House Co., Ltd.
Éditeurs : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Titre alternatif : 忍者外伝 (graphie japonaise)
Testé sur : Game Gear

La série Ninja Gaiden (jusqu’à 2000) :

  1. Shadow Warriors (NES) (1988)
  2. Shadow Warriors (Arcade) (1989)
  3. Shadow Warriors II : Ninja Gaiden II (1990)
  4. Ninja Gaiden III : The Ancient Ship of Doom (1991)
  5. Shadow Warriors (Game Boy) (1991)
  6. Ninja Gaiden (Game Gear) (1991)
  7. Ninja Gaiden (Master System) (1992)

Version Game Gear

Date de sortie : 1er Novembre 1991 (Japon) – Décembre 1991 (Amérique du Nord, Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La mémoire est un outil sélectif qui tend à déformer, voire à occulter, la réalité.

Si vous vous demandez pourquoi je vous raconte cela, c’est parce que la série des Ninja Gaiden est, à mon sens, presque un cas d’école à ce sujet : elle est aujourd’hui si fermement associé à la NES qu’on en vient régulièrement à oublier – ou à ignorer – qu’elle est également un beat-them-all sur borne d’arcade, ou même qu’elle aura été portée sur des dizaines de systèmes, y compris sur ceux où on ne l’attendait pas forcément, comme sur Amiga, sur PC… ou sur les consoles SEGA.

Petit détail souvent mis de côté, en effet : non seulement le célèbre ninja aura largement fait faux bond à Nintendo, mais il aura même eu le culot de tenter sa chance chez le principal rival de l’époque… avec un succès mesuré, il est vrai. Le fait que beaucoup de gens ne soient même pas au courant que des itérations Master System et Game Gear de la série existent en est d’ailleurs le premier indice – le second étant qu’une version Mega Drive assez avancée aura carrément été annulée. Mais pour l’Histoire, on retiendra donc que l’année même où la licence clôturait sa trilogie sur NES, moins de deux semaines après une escapade assez réussie sur Game Boy, elle sera également partie tenter sa chance sur Game Gear via un titre s’appelant tout bêtement Ninja Gaiden. Avec une inscription doublement mensongère sur l’écran-titre, pour l’occasion, qui affiche fièrement un « reprogrammed game ©1991 SEGA » quand bien même la cartouche n’est pas une version reprogrammée mais bien un jeu inédit… et qu’elle n’a pas été programmée par SEGA mais par Japan System House, un studio habitué aux développements d’exclusivités pour les machines de la firme, parmi lesquelles on pourra citer Pepenga Pengo sur Mega Drive ou encore les adaptations de Streets of Rage ou de Ristar sur Game Gear.

Cette version s’ouvre d’ailleurs sur un petit faux pas : bien que l’aspect narratif n’ait pas été largement occulté comme cela avait été le cas pour la version Game Boy, on n’aura même pas le droit ici à une cinématique d’introduction pour placer les enjeux de l’histoire… laquelle est de toute façon globalement décevante, tournant autour du fameux sabre de Ryu Hayabusa sans jamais parvenir à faire monter la sauce.

Un bon moyen de réaliser qu’en dépit de ses très nombreuses maladresses, la trame de la trilogie originale avait au moins le mérite d’introduire sa dose régulière de retournements et de se laisser suivre, là où le récit hyper-basique de la version Game Gear (un puissant armateur veut vous voler votre sabre pour devenir maître du monde) manque cruellement de chair. Qu’importe : l’histoire représentant plus un bonus qu’un élément crucial, la grande question est plutôt de savoir si le cœur du jeu, lui, est à la hauteur. Et comme un bref coup d’œil vers le pavé de note final vous l’aura déjà indiqué (ne niez pas, on le fait tous), la réponse est : non. Il faut dire que la saga – ou du moins, ses épisodes les plus réputés – a toujours reposé sur un savant mélange entre une jouabilité irréprochable, une réalisation inattaquable, un level design aux petits oignons, une variété bienvenue et une difficulté monstrueuse. Soit autant d’éléments qu’on ne retrouve pas ici – ou du moins pas avec autant de succès.

Pourtant, dans l’absolu, le système de jeu est à peu près le même que celui de la saga « canonique » : notre ninja peut sauter, attaquer, collecter des power-up, utiliser des armes secondaires grâce à une réserve de pouvoir, et comme dans Ninja Gaiden II il peut directement escalader les parois sans avoir à tenter des sauts à la Batman.

On remarquera néanmoins que, pour une raison quelconque, l’emploi des armes secondaires se fait ici avec la flèche du bas cumulé au bouton d’attaque plutôt qu’avec la flèche du haut – une nuance moins symbolique qu’elle n’en a l’air, puisqu’elle signifie qu’il sera désormais impossible de s’accroupir en attaquant sans dilapider votre réserve d’énergie pour utiliser vos fameux pouvoirs… un choix aussi stupide qu’injustifié qui trahit un cruel manque de recul dans le game design, et qui tend à révéler ce qui manque le plus à un jeu qui ne parvient jamais à s’élever au-dessus de la catégorie « sympathique » : les finitions. Il y a comme un goût un peu amer d’inachevé, dans ce Ninja Gaiden sur Game Gear, sur tous les plans, et le fait que les cinq niveaux du jeu puissent facilement être évacués en une petite vingtaine de minutes dès la première partie n’en est que le premier symbole.

Autant commencer par là, d’ailleurs : dans une saga réputée pour son exceptionnelle difficulté, proposer un logiciel à ce point dépourvu de challenge est une sévère faute de goût. Certes, tout le monde ne lance pas un jeu de plateforme pour s’arracher les cheveux pendant toute la durée de l’expérience, et l’épisode sur Game Boy avait démontré qu’on pouvait tout-à-fait tempérer un peu le défi sans rendre pour autant le jeu insipide.

Malheureusement, ici, non seulement l’essentiel du parcours est une promenade de santé – il y a peu d’ennemis et d’obstacles, des bonus de soins dans tous les sens, et même les boss sont ridiculement simples – mais les rares difficultés sont souvent ardues pour de mauvaises raisons, comme ces « plongeurs-sauteurs » du niveau deux qui vous laissent un dixième de seconde pour éviter leurs attaques. La taille des sprites fait qu’on a souvent très peu de temps pour réagir, et certains niveaux, comme le troisième qui se limite à sauter d’une façade à une autre en évitant des pots de fleur (!), font davantage penser à un stage bonus tiré de la licence concurrente de Shinobi qu’à un de ces passages finement ciselés qui nécessitaient de connaître le placement du moindre adversaire à la perfection pour espérer survivre. Les niveaux sont trop courts pour laisser le temps de surprendre, la fenêtre de jeu est trop petite pour laisser au level design assez d’espace pour être autre chose qu’un grand couloir, la réalisation est correcte mais laisse un sentiment de vide, et les quelques bonnes idées du jeu – comme les plateformes rotatives du dernier niveau – sont assez vite noyées dans un manque d’imagination général, les armes secondaires fades et globalement inutiles en étant sans doute la meilleure illustration. Bref, si la cartouche n’est pas honteuse et peut se montrer amusante par courtes sessions (au hasard : le temps de finir le jeu), on a affaire à un petit programme vite bouclé avec trop peu de séquences marquantes pour donner envie d’y retourner régulièrement. Autant dire un titre qui se serait sans doute rendu service en ne s’appelant pas Ninja Gaiden.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14/20 En débarquant sur Game Gear, Ryu Hayabusa n'aura hélas pas pensé à prendre avec lui le savoir-faire ni l'ambition que lui avait transmis Tecmo. Laissé aux bons soins de Japan System House, Ninja Gaiden nous démontre ce qu'aurait été été la licence dépourvue de sa légendaire difficulté, de sa réalisation inattaquable, de ses scénarios alambiqués et de son level design irréprochable : un simple jeu d'action/plateforme comme on en a vu des centaines, jouable et efficace à son petit niveau mais trop vite bouclé, dépourvu de passages vraiment marquants et fondamentalement oubliable. Rien d'intrinsèquement honteux, mais certainement pas non plus de quoi faire entrer la licence de Tecmo sur les machines de SEGA par la grande porte, surtout quand celle-ci est déjà barrée par un certain Shinobi qui fait bien mieux sur la même machine. Une curiosité, mais pas grand chose de plus.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Le mécanisme des armes secondaires changé, et pas pour le mieux – Un aspect narratif très éloigné de celui des épisodes NES – Un jeu trop court, et globalement bien trop facile... – ...avec un boss final qui ne tient que par la limite de temps

Bonus – Ce à quoi ressemble Ninja Gaiden sur l’écran d’une Game Gear :

Night Shift : Industrial Might & Logic

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Attention to Detail Limited
Éditeurs : Lucafilm Games LLC (Amérique du Nord) – U.S. Gold Ltd. (Europe)
Titres alternatifs : Night Shift (titre usuel), Mr. Fixit (titre de travail)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STCommodore 64Amstrad CPCZX Spectrum

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Game Blaster (CMS), Sound Blaster, Tandy/PCjr
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
*640ko requis pour les modes MCGA et Tandy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dès l’instant où l’on mentionne le nom de Lucasfilm Games, la première chose qui vienne à l’esprit est le développeur de l’âge d’or du point-and-click – âge d’or dont il peut d’ailleurs assez largement revendiquer la paternité – et des premiers vrais jeux marquants à être estampillés STAR WARS ou Indiana Jones, avec de véritables chef d’œuvre dont certains peuvent encore être considérés comme indépassables.

Retenez bien les objectifs de production – et oui, la couleur compte

On peut aussi se rappeler de quelques écarts surprenants mais souvent réjouissants, dans le domaine du jeu de sport (Ballblazer), de l’action avant-gardiste (Rescue on Fractalus!) ou même du run-and-gun sur console (Metal Warriors, Zombies). Ce à quoi on pense moins, cependant, est tout simplement Lucasfilm Games, l’éditeur. Ce qui n’est pas fondamentalement surprenant, le studio éditant quasi-exclusivement ses propres jeux… même si au moins deux exceptions peuvent être faites à l’échelle du XXe siècle. La première se nomme Pipe Mania!!, et vu le succès rencontré par le très sympathique jeu de réflexion, on peut comprendre que la compagnie de George Lucas ait eu envie de renouveler l’expérience. La deuxième (et à ma connaissance dernière) aura correspondu à un titre assez surprenant d’une équipe pas très connue nommée Attention to Detail : Night Shift. Un logiciel qui aspirait sans doute à la même renommée que Pipe Mania!!, mais qui aura fait un bide en dépit de critiques élogieuses – qui sait, peut-être même est-il la raison pour laquelle Lucasfilm Games aura décidé d’en rester à la distribution de ses propres licences.

Night Shift, où ce jeu qui aurait pu

Le point de départ annonce en tous cas une originalité certaine : vous n’incarnerez pas ici un chevalier à la recherche de sa princesse ni même un pilote de la Rébellion, mais bien… un ouvrier. Ah, déjà, ça change.

Votre score dépendra de votre production, et les éléments défaillants vous feront perdre des points

Celui-ci, qui peut être un homme comme une femme – tous deux membre de la famille Fixit, à en juger par leur nom – va devoir s’en aller pointer à l’usine sous les ordres d’un contremaître obsédé par sa productivité pour faire marcher et entretenir une gigantesque chaîne de production de six écrans de haut poétiquement baptisée BEAST (pour Bingham’s Environmentally Active Solution for Toys), au bénéfice d’une compagnie baptisée Inustrial Might & Logic (référence évidente à la société d’effets spéciaux de George Lucas, et ce ne sera pas la seule). L’objectif est on-ne-peut-plus pragmatique : produire un nombre donné de jouets dans le temps imparti, faute de quoi ce sera le licenciement sec sans préavis ni indemnité (traduit en clair : une seule vie). Une tâche a priori facile sur le papier, sauf que maîtriser le fonctionnement de la monstrueuse machine ne sera qu’un début : il faudra également composer avec ses réglages, ses incidents, avec de la vermine venant l’endommager (un lemming nommé Cliff, autre jeu de mot uniquement accessible aux anglophones – et non, ce n’est même pas une référence au célèbre titre de DMA Design, lequel n’était pas encore sorti !) et même des avocats pour venir vous pourrir la vie ! Bref, comme on va le voir, l’usine, c’est un champ de bataille.

L’avocat ne fera que vous ralentir, mais débarrassez-vous des lemmings avant qu’ils n’endommagent la machine

L’action prend la forme d’une sorte de jeu de réflexion/plateforme où l’objectif va être de faire bondir votre M. ou Mme Fixit d’un élément de la gigantesque machine à l’autre pour y apporter les réparations nécessaires via des outils qui apparaissent aléatoirement sous forme de bonus et qui, respect de l’environnement oblige (c’est littéralement l’excuse donnée dans le manuel), ne seront chacun utilisables qu’une seule fois.

Chaque nouvelle usine s’ouvre sur un mot de passe

L’idée sera donc d’entretenir et de surveiller le bon fonctionnement de la longue chaîne de production afin qu’elle puisse produire et acheminer dans les délais les jouets qui vous ont été commandés, lesquels devront passer par de nombreux ateliers dédiés : fonte des matériaux, peinture, assemblage, etc., quitte à agir sur les nombreux leviers et rouages influant sur les tapis roulants ou à chasser les lemmings qui pourrait la dégrader. Le jeu est jouable au clavier ou au joystick, et il est possible de redéfinir les touches via un menu des options accessible via la touche F2 à l’écran-titre. Il n’y a, comme on l’a vu, ni vies supplémentaires ni continue, mais un système de mot de passe à base de fruits vous permettra de reprendre exactement au niveau où vous avez échoué. Voilà pour le principe.

Pour accomplir quoi-que-ce-soit, il faudra comprendre le fonctionnement de toute la machine

Dans un monde idéal, Night Shift aurait été un grand jeu. Cela aurait probablement été un jeu de réflexion avec une courbe d’apprentissage intelligemment progressive où les différents niveaux auraient commencé par vous présenter les divers éléments de la machine un-à-un pour vous laisser l’occasion de comprendre leur fonctionnement et de vous familiariser avec eux, avant de présenter des machines de plus en plus complexes et tentaculaires pour mettre en action vos réflexes autant que votre matière grise.

Même l’entrée du nom est inutilement complexe. Dude, tous les ordinateurs ont un CLAVIER !

Malheureusement, nous ne vivons pas dans ce monde idéal. Nous vivons dans un monde où Night Shift aura préféré être un jeu de plateforme ultra-punitif ayant la mauvaise idée de vous confronter systématiquement à la même machine tentaculaire d’un bout à l’autre, en attendant de vous que vous en compreniez l’intégralité du fonctionnement pour avoir une chance d’intervenir, faute de quoi vous tournerez fatalement en rond le temps d’assimiler les éléments sur lesquels vous avez le droit d’agir, leur rôle et ses conséquences, avant de vous faire virer faute d’y être parvenu dans les temps et de recommencer. C’est déjà une très mauvaise idée : là où le joueur aurait facilement pu être mis à l’aise en une poignée de niveaux, le voilà largué directement au milieu de l’action, un peu comme si la première mission d’un jeu de stratégie en temps réel le plaçait aux commandes de toutes les unités et de tous les bâtiments contre toutes les armées adverses à la fois !

Les jouets à produire sont tous des personnages de Lucasfilm. Ici, Zak McKracken.

L’ennui, c’est surtout qu’une accumulation de mauvaises idées va rapidement transformer la courbe d’apprentissage en une pente verticale aussi raide qu’un mur, et qu’il va littéralement falloir une bonne heure de jeu avant de commencer à assimiler les éléments permettant de vaincre ne fut-ce que le premier niveau. Par exemple, la plupart des fonctions de la machine sont bel et bien inaccessibles lors des premiers niveaux, mais plutôt que de vous présenter un mécanisme simplifié, le jeu préfère vous présenter l’intégralité de la bête, avec certains éléments dissimulés derrière des panneaux de verre rouge.

Parfois, toute la chaine se dérègle sans aucune raison et des éléments qui s’assemblaient correctement arrivent inversés. C’est prodigieusement énervant.

Non seulement c’est une mauvaise idée au niveau du level design, car cela signifie que tous les niveaux reprennent absolument le même plan et la même disposition là où on aurait pu composer avec des niveaux de plus en plus complexes et de plus en plus étendus, mais cela pénalise encore la compréhension du joueur, qui aura beaucoup de mal à distinguer les plateformes et les leviers actionnables au milieu du foutoir d’engrenages et d’éléments de décors qui rend le cadre simplement illisible lors des premières parties. Et les fonctions comme les éléments réparables des divers mécanismes étant totalement obscurs faute d’indice visuels (ça aurait été difficile d’afficher les éléments défaillants d’une autre couleur, par exemple, plutôt que de laisser deviner au joueur quel boulon il doit resserrer ?), le seul recours hors de l’expérimentation au pif reste le manuel… lequel, dans un de ces traits de génie qui définissent la race humaine, aura été volontairement imprimé avec la moitié des voyelles manquantes pour lui donner un côté « authentico-comique », le rendant ainsi aux trois-quarts illisible ! Du génie, je vous dis !

Le ballon vous permettra de remonter plusieurs écrans en vitesse

Conséquence : il faudra beaucoup de temps pour comprendre le fonctionnement de la bête – comptez facilement une heure pour les bases, et prévoyez le double ou le triple pour comprendre pourquoi la machine vous envoie des pièces de couleur différente ou qui s’assemblent dans le mauvais sens alors que celles-ci sont produites par des ateliers sur lesquels vous n’avez même pas la main !

Une chaîne de production qui fonctionne est un véritable miracle

Et le pire, c’est que ces heures de souffrance à apprendre dans la douleur n’aboutissent au final qu’à… un jeu de plateforme médiocre comme il en sortait des convois entiers à l’époque, et qui perd la quasi-totalité de son intérêt dès l’instant où vous savez quoi faire, puisqu’il s’agira alors d’aligner les allers-et-retour sur six écrans pour aller mettre des coups de pieds à des lemmings et résoudre en catastrophe les incidents totalement imprévisibles d’une chaîne de montage qui se dérègle toute seule, même quand tous ses éléments fonctionnent de manière optimale ! Pour ne rien arranger, le jeu tourne trop vite sur un PC AT, avec une limite de temps qui s’écoule à toute vitesse, mieux vaut donc y jouer de manière moins fluide, à 1000 tours sur DOSBox, pour avoir une petite chance d’accomplir quoi-que-ce-soit. C’est d’autant plus frustrant que le jeu respire d’un bout à l’autre le titre sympathique avec absolument tous les éléments pour offrir un jeu de réflexion marquant et bien réalisé si le game designer avait eu pour deux sous de jugeote. Au lieu de quoi, il faudra se contenter d’un logiciel monstrueusement difficile d’accès et pour lequel le jeu n’en vaut clairement pas la chandelle. Trois mois plus tard sortirait Lemmings qui, lui, avait tout compris et obtiendrait un succès planétaire mérité. À quoi ça se joue, une bonne idée bien mise en pratique, hein ?

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 10,5/20 « Frustration » restera sans doute comme le terme résumant le mieux ce Night Shift imaginé par une équipe d'Attention to Detail qui ne mérite clairement pas son nom. « Frustration » du logiciel qui avait absolument tous les éléments pour devenir un titre éminemment sympathique s'il avait choisi d'être ce qu'il aurait dû être, à savoir un jeu de réflexion vivant, original et bourré d'idées, plutôt que d'être ce qu'il est au final, à savoir un jeu de plateforme imprécis et répétitif avec une courbe de progression s'apparentant à un mur et qui demande de très nombreuses parties pour accéder enfin à un potentiel largement éventé entretemps. Sempiternellement confronté à une machine sur laquelle il ne pourra intervenir efficacement qu'après en avoir deviné lui-même les innombrables fonctions dissimulées dans une opacité impénétrable, le joueur réalise rapidement qu'il est de toute façon condamné à y refaire toujours à peu près la même chose sans que cela ne se renouvèle jamais. Un gros gâchis qui aurait vraiment bénéficié d'un level design bien plus intelligent laissant place à la découverte de mécanismes de plus en plus complexes au lieu de nous abandonner devant toutes les possibilités dès le premier niveau. Dommage. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un déroulement opaque où rien ne vous est jamais expliqué... – ...et où beaucoup d'incidents s'avèrent totalement inexplicables, même avec de l'expérience – Une difficulté infecte d'un bout à l'autre, particulièrement sur les configurations rapides – Aucune option de difficulté ni aucun moyen de régler la vitesse du jeu – Le manuel rendu volontairement aux trois-quarts illisible, quelle idée de génie...

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Night Shift sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Dès le premier tableau, et même en observant le mode Démo, il est quasi impossible de comprendre immédiatement ce qui cloche dans la chaîne de construction. La notice ne vous aide pas dans le détail et les décors sont si complexes que seuls les plus tenaces verront un jour le bout du tunnel. Originale, techniquement bien réalisée (animations drôles et réalistes, bruitages AdLib de qualité), cette partie est vraiment trop complexe pour atteindre la jouabilité d’un Pipemania par exemple. Si la difficulté de son jeu avait été mieux dosée, ce titre aurait durement atteint le rang des hits ! »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°86, janvier 1991, 14/20

Version Amiga

Développeur : Attention to Detail Limited
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En dépit de ses nombreux défauts, Night Shift dégageait un potentiel si évident qu’il aura globalement reçu un très bon accueil critique, ce qui lui aura valu d’être porté sur de nombreux systèmes. Difficile d’imaginer se passer d’une version Amiga, particulièrement sur le marché européen, et se retrouve donc plus ou moins avec ce à quoi on était en droit de s’attendre, à savoir un portage fidèle à 99% à la version DOS avec de minuscules adaptations dues au hardware. Graphiquement, le jeu est quasi-identique à la version PC, à quelques infimes nuance dans la palette choisie (les rouges sont ici plus proches du magenta), et la réalisation sonore est comme souvent bien meilleure que ce qu’offre l’AdLib. La meilleure nouvelle reste cependant que le jeu, tout en étant parfaitement fluide, ne tourne pas plus vite que sur un PC XT, même sur Amiga 1200 – on ne rencontrera donc pas ici les mêmes problèmes que sur les PC puissants. La jouabilité n’a pas changé (même si, pour une raison mystérieuse, le joystick ne semble fonctionner qu’en étant connecté au port deux) et il est toujours possible de redéfinir les touches. Bref, même si aucun des errements du gameplay n’a été corrigé, on tient malgré tout l’une des meilleures versions pour découvrir le titre aujourd’hui.

Il n’y a pas une couleur de plus que sur PC, mais les teintes sont parfois subtilement différentes

NOTE FINALE : 11/20

Night Shift sur Amiga a beau rester la même chose que ce qu’il était sur PC – à savoir un jeu de plateforme frustrant qui aurait pu être tellement plus – cette version offre globalement de meilleures sensations et une réalisation sonore plus satisfaisante, ce qui en fait indéniablement une des meilleures.

Version Atari ST

Développeur : Attention to Detail Limited
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : Mars 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En dépit d’une sortie un peu plus tardive, on peut subodorer que cette version ST de Night Shift ait été développée en même temps que la version Amiga ; dans tous les cas, le fait est que les deux machines héritent, comme très souvent à l’époque, de deux versions très semblables. Graphiquement, elles sont d’ailleurs jumelles, et la jouabilité comme la fluidité générale sont globalement identiques (l’Atari ST n’a jamais eu de problème avec les défilements verticaux comme celui employé par le jeu). Pas de problème particulier ici pour faire usage du joystick, et la qualité musicale est comme toujours (du moins, lorsque la machine n’emploie pas des samples numériques) inférieure à celle entendue sur Amiga, et peut-être même à celle entendue sur PC (question de goûts). Pour le reste, le jeu n’a pas changé d’un pixel, vous savez donc exactement à quoi vous attendre.

Le jeu des zéro différence avec la version Amiga bat son plein !

NOTE FINALE : 10,5/20

Night Shift sur Atari ST livre la prestation homologuée d’un portage de 1991, comprendre : « la copie carbone de la version Amiga mais avec une réalisation sonore légèrement inférieure ». Pas de quoi pousser les vieux fans à laisser leur machine de côté pour se lancer sur celle de Commodore, cependant.

Version Commodore 64

Développeur : Attention to Detail Limited
Éditeur : Lucasfilm Games LLC
Date de sortie : Février 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment d’aborder les versions 8 bits de Night Shift, on s’attend déjà à des adaptations un peu plus conséquentes en termes de jouabilité et de réalisation. La version Commodore 64 constitue un très bon éclaireur, la machine étant capable du meilleur comme du pire. Dans les grandes lignes, le déroulement du jeu reste parfaitement identique à celui des versions 16 bits, même si la disposition de la machine a un peu changé et que les mots de passe sont désormais différents. Plus question de jouer exclusivement au joystick ici, cependant : il faudra obligatoirement passer par la barre d’espace pour accéder aux outils. Si la jouabilité est bonne et les commandes réactives, la lisibilité générale est un peu moins bonne, pas seulement à cause de la résolution moins fine et du manque de couleurs, mais aussi et surtout parce que les parties inaccessibles de la machine ne sont plus dissimulées derrière un panneau de verre, cette fois, ce qui signifie qu’il est encore plus difficile de deviner où intervenir dans les premiers niveaux. Rien de trop grave pour les vétérans, mais les néophytes, eux, risquent de connaître une période d’adaptation encore plus délicate que sur les ordinateurs 16 bits. Autant dire que vu la courbe d’apprentissage déjà raide de la version originale, on ne saurait recommander aux nouveaux venus de démarrer avec ce portage.

Ça fonctionne quand on sait quoi faire – et c’est là qu’est le problème

NOTE FINALE : 09,5/20

Loin d’être un mauvais portage, cette version C64 de Night Shift doit néanmoins composer avec des tares rendues encore un peu plus pénalisantes par les quelques adaptations malvenues sans doutes dues aux contraintes techniques. Le jeu risque d’être encore plus difficile d’accès dans cette version, ce qui n’était vraiment pas nécessaire.

Les avis de l’époque :

« La mauvaise documentation fait vraiment du mal à ce qui aurait pu être un grand jeu. En l’état, mieux vaut avoir la patience d’un saint généreusement doté en la matière et la détermination d’un gladiateur pour finir ce truc. Une fois qu’on a compris où le jeu veut en venir, les choses deviennent vraiment intéressantes et très amusantes à jouer. Mais cette phase d’initiation risque de s’avérer insurmontable pour beaucoup de joueurs. »

Commodore Format n°38, novembre 1993, 72% (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Amstrad CPC

Développeur : U.S. Gold Ltd.
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment de porter Night Shift sur CPC, Lucasfilm Games et Attention to Detail auront visiblement décidé de repasser le bébé à U.S. Gold. À lire cette information, tous les fans de la machine d’Amstrad tremblent à la simple idée de deux mots : « Speccy port ». Eeeeet c’est bien évidemment ce à quoi on aura le droit : une simple adaptation de la version ZX Spectrum du jeu, avec une palette de couleurs différentes pour faire mine d’avoir développé une version à part entière. Quand on sait de quoi la gamme d’ordinateurs d’Amstrad était réellement capable, surtout en 1991, il y a de quoi grincer des dents, mais il faudra s’en contenter. On se retrouve sans surprise avec une sorte de « version Commodore 64 du pauvre », avec les mêmes problèmes, comme le fait que toutes les pièces de la machine soient accessibles d’entrée (mais le manque de détail a au moins le mérite de clarifier un peu les choses). Pour le reste, on ne s’étendra pas sur la réalisation plutôt spartiate, mais la jouabilité fonctionne toujours relativement bien.

C’était vraiment si fatigant de porter, au hasard, les graphismes de la version C64 ?

NOTE FINALE : 09/20

Frappé de la malédiction du « Speccy Port », Night Shift sur CPC devra donc s’y contenter de graphismes en quatre couleurs (en comptant le noir) et de la plupart des petits tracas déjà observés sur Commodore 64. L’essentiel est toujours là mais cela reste une version à éviter pour les joueurs souhaitant découvrir le jeu.

Version ZX Spectrum

Développeur : U.S. Gold Ltd.
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Système de protection par roue codée
Système de sauvegarde par mot de passe
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le test de la version CPC de Night Shift étant déjà passé par là, on va dire que la surprise ne joue plus au moment d’aborder la version ZX Spectrum. On hérite d’ailleurs assez logiquement d’une version identique à 95%, les nuances étant à aller chercher du côté de la palette de couleurs employée (assez mal, d’ailleurs, puisque le jeu donne presque l’impression d’être monochrome alors qu’il y a cette fois six couleurs à l’écran, soit plus que ce qu’affichait le CPC). Rien à redire du côté de la jouabilité, le gros problème si situant plutôt, comme dans toutes les autres versions, au niveau de la prise en main et de la courbe d’apprentissage. Même une fois la machine « domptée », la présentation a, comme dans les autres versions 8 bits, l’avantage d’être plutôt plus dépouillée et un peu plus facile à comprendre.

Il y a plus de couleurs que sur CPC, mais elles sont moins bien utilisées

NOTE FINALE : 09/20

Portage sans surprise pour Night Shift sur ZX Spectrum, avec les forces et les faiblesses déjà observées sur CPC et Commodore 64. Si le jeu est assurément plutôt dans le haut du panier de la machine une fois qu’on en a saisi les tenants et les aboutissants, il faudra une nouvelle fois accepter de sacrifier facilement une heure de sa vie au minimum avant d’en maîtriser les nuances, ce qui ne sera assurément pas du goût de tout le monde.

Iga Ninden : Gaō

Développeur : Cream
Éditeur : Nihon Bussan Co., Ltd.
Testé sur : PC Engine CD

Version PC Engine CD

Date de sortie : 10 décembre 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificité techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On ne se lamentera jamais assez de la part monstrueuse de la ludothèque de la PC Engine n’ayant jamais quitté le Japon. La machine qui aurait mérité de s’inviter dans le duel qui opposait la Mega Drive et la Super Nintendo telle un Ellie Wallach aux aguets entre Clint Eastwood et Lee Van Cleef au milieu du cimetière de Sad Hill sera au final restée un OVNI largement stationné en Asie, entendant à peine les pleurs des occidentaux qui se lamentaient de sa distribution chaotique à l’ouest d’Eden.

Qui peut dire avec précision combien d’épopée passionnantes doivent encore se priver d’une traduction plus de trente ans après leur sortie, empêchant l’angliciste de base d’en comprendre la moindre syllabe ? Qui sait quels trésors narratifs se dissimulent secrètement dans un titre comme Iga Ninden : Gaō ? Car à première vue, il y a tous les ingrédients pour aller rivaliser avec des titres comme Shinobi ou Hagane : des ninjas, un Japon féodal alternatif dans lequel on trouve une technologie avancée au milieu des samouraïs, des vaisseaux géants à la Albator, un grand méchant qui est bien entendu allemand parce que cela rajoute encore une touche de mystère (« mais qu’est-ce qu’il fout là ? »), et puis une princesse enlevée à aller sauver, la totale. Avec le support CD-ROM en soutien, on sent déjà les grandes cinématiques pleines de retournement et les dialogues absolument interminables qu’il est naturellement impossible de passer, et c’est là que, plus que jamais, on pense « ah, si seulement je comprenais ce qu’ils sont en train de dire »…

Pour ce qui est de l’enjeu, en tous cas, voici les grandes lignes : imaginez une guerre entre deux clans rivaux de ninjas, les Iga d’un côté et les Kōga de l’autre. Au lieu de régler leur conflit à la belote comme le feraient des gens civilisés, les membres du clan Kōga (les méchants) décident d’accepter l’aide du mystérieux allemand mentionné plus haut, lequel porte le nom super cool quoique pas excessivement réaliste de Doppelgen Hauser.

Celui-ci connaissant ses classiques, il enlève donc la princesse Mayura, qui est si investie dans son rôle de potiche dont la seule fonction est de se faire kidnapper qu’elle aura visiblement décidé de rendre les choses plus agréables en apparaissant à poil environ 90% du temps. Ah, oui, une occasion de rappeler que Cream, le studio de développement du jeu, était alors principalement connu (et encore, auprès des connaisseurs) pour ses jeux de mahjong et de casino invitant à déshabiller des jeunes chanteuses ou présentatrices japonaises célèbres. On ne sera donc qu’à moitié surpris d’évoluer dans un univers où les personnages féminins tendent à être un tantinet sexualisés et où l’uniforme des femmes ninjas inclut visiblement un tanga et des porte-jarretelles. Je ne sais pas pour le souffle épique, mais cela fait au moins quelque chose à regarder pendant les longues phases de dialogues qu’on devine remplies de retournements bouleversants. Qu’importe : à nous pauvres béotiens qui n’avons pas la chance de savoir lire le japonais, il reste au moins l’essentiel : le jeu en lui-même.

Le gameplay prend la forme d’un jeu d’action/plateforme se rapprochant assez, dans son déroulement, d’un Castlevania : on avance vers la droite (ou parfois vers la gauche) en repoussant des ennemis qui tendent à revenir constamment tout en s’efforçant de surmonter les quelques rares séquences de plateforme et en utilisant l’arsenal à notre disposition, à savoir un sabre au corps-à-corps et des kunaïs à distance, en laissant le bouton d’attaque appuyé suffisamment longtemps pour remplir une jauge dédiée.

Comme Joe Musashi, notre ninja bénéficie d’une sélection de pouvoirs ninjitsu (qu’il devra, pour sa part, collecter) à lancer au moment opportun via le bouton Run, et surtout d’un inventaire dans lequel viendront s’amasser les armes et les armures que lui confieront ses interlocuteurs au fil des rencontres. Un aspect hélas totalement gadget, chaque nouvelle acquisition étant meilleure que la précédente et équipée automatiquement, ce qui signifie qu’il ne servira jamais à rien de venir visiter cet écran pour y apporter la moindre modification – une opportunité ratée, dommage. Pour le reste, l’essentiel de l’action demandera donc d’avancer en se frayant un chemin à l’arme blanche dans une variation à peine creusée du mécanisme étrenné dans l’antique Kung-Fu Master. Naturellement, des boss seront de la partie afin de pimenter un peu les choses.

On ne va pas se mentir : face à une jouabilité aussi basique, les clefs pour décider si on est ou non face à un bon jeu seront l’habillage et le game design. Pour ce qui est du premier point, sans être exactement éblouissante, la réalisation parvient à introduire suffisamment de variété pour donner envie de voir la suite du programme sans trop avoir le sentiment d’enchaîner toujours les mêmes environnements… même si on pourra regretter que les derniers niveaux tendent à s’éterniser en reproduisant ad nauseam des sections entières qui se ressemblent beaucoup, ce qui fait penser à un moyen pas trop fatigant d’allonger un peu la durée de vie du jeu.

Laquelle repose sur une difficulté souvent frustrante, le titre aimant toujours beaucoup nous faire composer avec trois ou quatre menaces à la fois – venant de préférence des deux côtés exactement au même moment pour nous prendre en sandwich – mais en ayant malgré tout la générosité de distribuer les bonus de soin (voire carrément les vies) sans trop de restriction. Les masques de collision demanderont un temps d’adaptation pour être domptés (il est toujours énervant de voir un personnage équipé d’un sabre d’1m40 être incapable de porter une attaque à plus de cinq pixels de distance), tout comme les sauts extrêmement raides, mais dans l’ensemble le tout reste suffisamment précis pour qu’on soit heureux de persévérer jusqu’à la prochaine cinématique et au prochain dialogue auquel on ne comprend rien.

On se retrouve donc au final face à un jeu qui ne côtoie jamais le génie et qui aurait probablement eu bien du mal à exister face à des clients comme Shinobi III, paru moins de six mois plus tôt, s’il avait fait le choix d’être distribué en occident. L’expérience est solide et globalement bien maîtrisé en dépit que quelques maladresses qui nous rappellent que Cream n’était pas ici dans son domaine de prédilection (la majorité des boss, par exemple, est d’une facilité délirante), et aurait probablement fait un peu plus de bruit en sortant deux ans plus tôt.

En fait, ce qui manque, c’est surtout la petite idée qui change tout, la trouvaille qui transcende le gameplay et donne envie de revenir, car en l’état, même si le mélange Japon féodal/technologie était encore assez original (Hagane, pour ne citer que la comparaison la plus évidente, ne verrait le jour qu’un an plus tard), il avait déjà été exploré dans d’autres genres, à la Robo Aleste. Considéré la concurrence (Hagane, encore une fois, aura eu le mérite de placer tous les curseurs un peu plus loin), on risque donc de ranger le jeu sur une étagère après l’avoir vaincu et de ne pas être trop tenté d’y revenir, faute d’y trouver un seul élément qu’on n’ait pas déjà vu un million de fois ailleurs. Reste un titre sympathique le temps d’une première partie, qui devrait bien matière à vous tenir en haleine pendant une heure ou deux. C’est déjà ça.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14,5/20 Quitte à s'emparer du thème alors assez en vogue des ninjas, Iga Ninden : Gaō aura choisi de ne s'aventurer ni du côté de Shinobi ni de celui de Shadow Warriors, mais plutôt quelque part entre Kung-Fu Master et Castlevania. Le résultat, porté par un scénario inaccessible aux joueurs ne parlant pas japonais et par une réalisation solide à défaut d'être renversante, fournit une expérience satisfaisante mais intrinsèquement répétitive à laquelle il manque clairement ce petit truc en plus pour s'extraire de la masse des jeux d'action/plateforme. En y ajoutant une jouabilité pas aussi précise qu'elle pourrait l'être et un déroulement qui tend à étirer des sections entières jusqu'à l'ennui, on obtient un titre avec suffisamment de qualités pour attirer l'attention des amateurs du genre, mais qui risque de ne pas convaincre les joueurs espérant quelque chose de plus varié ou de plus surprenant. Sympathique, parfois frustrant, et sans doute trop classique pour son propre bien. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un héros avec une portée de dix centimètres et une distance de saut de quinze, ça ne fait pas très « ninja »... – ...et ça tend souvent à rendre la difficulté frustrante pour de mauvaises raisons... – ...surtout quand les masques de collision ne sont pas irréprochables – Des niveaux qui tirent en longueur sur la fin – Des boss souvent bien trop simples

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Iga Ninden : Gaō sur un écran cathodique :

Gargoyle’s Quest

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : レッドアリーマー Makaimura Gaiden (Japon)
Titre alternatif : Gargoyle’s Quest : Ghosts’n Goblins (écran-titre – Amérique du Nord, Europe)
Testé sur : Game Boy
Disponible sur : 3DS, Switch

La série Ghosts’n Goblins (jusqu’à 2000) :

  1. Ghosts’n Goblins (1985)
  2. Ghouls’n Ghosts (1988)
  3. Gargoyle’s Quest (1990)
  4. Super Ghouls’n Ghosts (1991)
  5. Gargoyle’s Quest II (1992)
  6. Demon’s Crest (1994)
  7. Arthur to Astaroth no Nazo Makaimura : Incredible Toons (1996)
  8. Makaimura for Wonderswan (1999)

Version Game Boy

Date de sortie : 17 mars 1990 (Japon) – 28 mai 1990 (Amérique du Nord) – 17 novembre 1990 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il est possible qu’on en soit venu à l’oublier quelque part entre le trente-cinquième épisode de Mega Man et le quarantième opus de Street Fighter, mais il aura existé une époque où Capcom savait encore prendre des risques. Des risques mesurés, certes – après tout, la longévité et le succès de la compagnie tendent de toute façon à lui donner raison –, mais des risques suffisants pour l’inviter à s’interroger sur la pertinence d’empiler les éléments d’une série à succès jusqu’à ce que le public frôle l’overdose.

Considéré son triomphe immédiat dans les salles d’arcade, par exemple, Ghosts’n Goblins aurait facilement pu se lancer dans un épisode annuel, avec un beau numéro derrière, jusqu’à ce que les joueurs estiment qu’ils avaient assez sauvé la belle Guenièvre, surtout vu le travail que cela exigeait – ce ne fut pas le cas. En fait, au moment de développer un épisode adapté à l’encore jeune Game Boy, Capcom aurait tout-à-fait pu sortir Arthur de ses cartons et développer un portage pas trop tuant d’un des deux premiers opus de la saga sans que personne ne trouve rien à y redire – c’est d’ailleurs ce qui finirait par se produire pour la Game Boy Color dix ans plus tard. Mais, surprise, le choix opéré fut de créer un spin-off proposant au joueur d’incarner non pas le héros en armure… mais un de ses ennemis les plus caractéristiques : le redoutable Red Arremer. Autant dire un pitch inattendu pour un Gargoyle’s Quest que personne n’attendait.

Autre surprise : le déroulé du scénario à l’écran-titre nous apprend que non seulement la gargouille va devoir s’appliquer à sauver son monde – celui des goules et des démons – contre de mystérieux envahisseurs venus d’un autre monde, mais aussi que la saga semblait opérer un virage vers un aspect « aventure » très à la mode à l’époque – et ce ne sont pas Link, Simon Belmont ni même le guerrier de Golden Axe qui viendront affirmer le contraire.

L’épopée de notre héros (baptisé « Firebrand », pour l’occasion) va donc se diviser en deux axes : un aspect dialogue/exploration tout droit hérité des J-RPG de l’époque, où l’on pourra visiter des villages, parler avec des PNJs, recevoir des indications quant à la prochaine quête à mener et parcourir une carte du monde en vue de dessus fournie avec ses donjons, ses passages obligés et même ses combats aléatoires. Le jeu basculera alors dans la partie « action/plateforme » – la plus intéressante, on ne va pas se mentir – où notre gargouille devra utiliser ses pouvoirs pour vaincre les adversaires, éviter les pièges et venir à bout des boss. Bref, un programme relativement ambitieux pour la petite portable, au point d’embarquer un système de mot de passe pour pouvoir mener l’aventure en plusieurs fois, ce qui était encore loin d’être une évidence sur une machine qu’on considérait alors condamnée à héberger des programmes pouvant être bouclés en moins de vingt minutes.

La bonne nouvelle, c’est que Firebrand n’est pas juste un clone d’Arthur qu’on aurait peint en rouge pour donner l’illusion de la différence. Notre gargouille a des ailes et des griffes, ce qui signifie qu’elle pourra à la fois s’accrocher aux murs et planer à l’horizontale pendant un temps déterminé matérialisé par la jauge de vol en bas à droite de l’interface.

Tant qu’à faire, elle peut également cracher des boules de feu – lesquelles prendront plusieurs formes, au fil de l’aventure, et gagneront progressivement en puissance, tout comme sa santé et sa capacité de vol. Il y a donc bel et bien un petit aspect « jeu de rôles », même si celui-ci est très encadré – ne vous attendez pas à découvrir un Metroidvania avant l’heure, il n’y a pas de pouvoirs secrets ou de raccourcis à dénicher en mettant son nez partout. En fait, en dépit de son aspect « monde ouvert », l’aventure est extrêmement linéaire et correspond à une suite de grands couloirs où les seuls bonus à dénicher (et éventuellement à « farmer ») seront des fioles que vous pourrez ensuite échanger dans les villages contre des « talismans du cyclone » qui correspondent tout bêtement à des vies supplémentaires. Vies que vous feriez bien d’accumuler, par ailleurs, car le titre masque assez bien sa relative brièveté (le jeu peut être bouclé en un peu plus d’une heure) grâce à une difficulté assez corsée.

On sent d’ailleurs – et on aborde là le seul réel « grief » que l’on pourrait nourrir contre une cartouche bien réalisée, jouable et agréable à découvrir – que le fameux aspect « aventure » du jeu, loin d’offrir une réelle épaisseur (on ne peut pas dire que le scénario soit bouleversant ni qu’il s’éloigne d’un millimètre des classiques du genre), soit plutôt un bon prétexte pour étirer artificiellement la durée de vie.

On pourra par exemple pester contre les rencontres aléatoires consistant toujours en la répétition des trois ou quatre même situations, qui n’apportent rien, ne se renouvèlent jamais et cassent inutilement le rythme au point de pénaliser une exploration où il n’y a de toute façon rien à trouver ni à découvrir, mais on regrettera également le syndrome de l’aller-et-retour. Exemple classique : un démon du premier village du jeu vous envoie chercher son bâton magique, qui est bien évidemment situé de l’autre côté d’un pont qui représente une zone de combat. Vous franchissez donc le pont une première fois (ce qui revient à vaincre un niveau en vue horizontale) avant de poursuivre jusqu’à la tour contenant le fameux bâton. Une fois l’objet acquis, il faut bien entendu le ramener… en repassant par le pont – ce qui signifie refaire le niveau une deuxième fois, mais en sens inverse. Et deux minutes plus tard, le démon vous ayant confié un objet indispensable à la poursuite de votre aventure, vous devrez bien évidemment repartir… en franchissant le pont une troisième fois ! Ah, ça c’est sûr que le jeu est plus long à finir comme ça, mais est-il plus intéressant pour autant ? Pas certain…

Du coup, on ne peut s’empêcher de se dire que ce Gargoyle’s Quest aurait finalement été plutôt plus efficace en l’amputant de toute sa partie aventure pour se concentrer sur la véritable partie ludique : les scènes d’action (et c’est un fan de jeu de rôles qui le dit !).

Le scénario n’étant, comme on l’a vu, jamais réellement un moteur (devinez quoi : il y a un grand pouvoir qui peut vaincre les méchants, et vous êtes justement l’unique élu au monde qui peut s’en servir, c’est quand même du bol), on est souvent plus agacé par des phases de déambulation qui apparaissent davantage comme une punition que comme une profondeur supplémentaire. Les phases d’action/plateforme étant, pour leur part, excellentes – même si on pourra regretter que Firebrand ne développe pas des pouvoirs étendant sa palette d’actions au fil de l’aventure –, on se retrouve face à un jeu sympathique avec de vrais bons moments mais qui se serait sans doute mieux porté de n’être qu’une suite de niveaux, à l’ancienne, plutôt que de délayer son action via une composante « rôliste » trop creuse pour réellement apporter une plus-value. Des débuts dont on devine immédiatement le potentiel mais qui nous laisseront encore un peu sur notre faim.

Quelques mots, en conclusion, sur la version française de Terminus Traduction : comme souvent, on sent un travail qui n’a pas été testé en profondeur, avec de nombreuses coquilles, quelques bugs, un ou deux contresens et même des erreurs de conjugaison de niveau CE2 (le verbe « vaincre » conjugué au passé simple ne donne pas « vaincut » !) – bref, une certain amateurisme hélas assez fréquent dans les traductions de fans françaises du début du millénaire. Ces considérations mises à part, le travail est fait suffisamment sérieusement pour ne pas nous faire sortir du jeu, et les joueurs fâchés avec la langue de Shakespeare trouveront ici un bon moyen de suivre la maigre intrigue de la cartouche.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Surprenant spin-off mettant en scène un des ennemis les plus marquants de sa saga Ghosts'n Goblins, Gargoyle Quest s'avère un jeu d'action/plateforme soigné profitant de tout le savoir-faire de Capcom pour proposer une réalisation solide et une jouabilité irréprochable, savamment emballées dans un petit aspect faussement « jeu de rôles » assez rafraichissant. Néanmoins, l'aspect en question, s'il a le mérite d'apporter un peu d'épaisseur, ressemble aussi un peu trop souvent à une façon de diluer une demi-heure de contenu dans une heure et quart d'allées-et-venues avec des combats aléatoires pas passionnants, des passages qui reviennent en double ou en triple et des dialogues qui n'installent pas grand chose et racontent une histoire qui ne bouleversera personne. Le titre souffre donc parfois davantage qu'il ne profite de son ambition, mais cela n'empêche pas le joueur de passer un bon moment dans une aventure trop vite bouclée. Un bon galop d'essai du titre bien plus abouti que sera Demon Crest, et un ajout de choix à la ludothèque de la Game Boy. CE QUI A MAL VIEILLI : – Les rencontres aléatoires, ou comment casser le rythme avec des séquences qui n'apportent rien – Des allers-et-retours dispensables – Une durée de vie finalement assez courte – Un monde et des niveaux très linéaires, où l'exploration n'est pas vraiment récompensée

Bonus – Ce à quoi ressemble Gargoyle’s Quest sur l’écran d’une Game Boy :

Les avis de l’époque :

« À son habitude, Capcom signe un jeu d’une grande richesse, mais cette fois le géant de l’arcade nous offre un jeu d’aventure/action. Bien sûr, l’arcade domine dans ce programme, mais l’aspect jeu de rôle ne manque pas d’intérêt non plus, d’autant plus qu’il est possible de ramasser et d’examiner de nombreux objets au cours du jeu. »

Alain Hughues-Lacour, Tilt n°89, avril 1991, 16/20

The Cyber Shinobi

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre alternatif : The Cyber Shinobi : Shinobi Part 2 (écran-titre)
Testé sur : Master System

La saga Shinobi (jusqu’à 2000) :

  1. Shinobi (Arcade) (1987)
  2. The Revenge of Shinobi (1989)
  3. Shadow Dancer (1989)
  4. Shadow Dancer : The Secret of Shinobi (Mega Drive) (1990)
  5. The Cyber Shinobi (1991)
  6. Shinobi (Game Gear) (1991)
  7. Shinobi II : The Silent Fury (1992)
  8. Shinobi III : Return of the Ninja Master (1993)
  9. Shinobi X (1995)

Version Master System

Date de sortie : Avril 1991 (Europe) – Mars 1992 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

De nos jours, le développement d’une grande licence à succès (ce qui est déjà pratiquement un pléonasme) est devenu un processus qui laisse assez peu de place au hasard : cahier des charges soigneusement établi, équipes méticuleusement sélectionnées, artistes et programmeurs de pointe dans tous les domaines… Une méthodologie rationnelle, et pour ainsi dire parfaitement cohérente, pour des séries dont on attend un énorme retour sur investissement, et qui à ce titre ne peuvent pas se permettre de décevoir les joueurs.

Mais à en juger par les déboires de SEGA avec sa série phare des Alex Kidd – laquelle aura hébergé, disons-le poliment, quelques épisodes très en-deça des attentes suscitées par le premier opus – cela n’aura pas toujours été une évidence ni une science exacte, et les sorties de route répétées de la mascotte Sonic the Hedgehog au cours des vingt-cinq dernières années tendent à prouver que cela n’en est d’ailleurs toujours pas devenue une. Il arrive donc que même dans des valeurs « refuges », pour reprendre des termes économiques, la firme japonaise se rate et prenne le risque de faire naître la méfiance des joueurs face à une licence dont ils devraient pourtant acheter chaque épisode les yeux fermés. Dans le cas de la série des Shinobi, relativement préservée des erreurs de casting, le vilain petit canard a un nom : The Cyber-Shinobi, paru sur une Master System sur le déclin, et généralement rapidement congédié comme une sortie de route lors des rétrospectives de la saga. Dédain mérité ou légère pointe de snobisme vis-à-vis d’un jeu injustement décrié ?

Une chose est sure, en tous cas : ce n’est pas le scénario qui va faire entrer cet épisode dans la légende. Dans un futur indéterminé (qui n’est d’ailleurs jamais exploité, le jeu pourrait aussi bien se situer dans les années 50 qu’on ne verrait pas la différence), une suite de vols de plutonium dans des centrales nucléaires est revendiquée par un groupe appelé « Cyber Zeed » et laisse craindre une frappe (nucléaire, elle aussi), de grande ampleur. Face à l’impuissance des grandes nations surgit un héros : Joe Musashi, héritier de Joe Musashi, qui pourrait donc aussi bien s’appeler « Junior », mais passons. Il est jeune, il est frais, il n’a a priori strictement rien qui justifie l’appellation de « Cyber Shinobi », mais c’est lui qui va parcourir les six niveaux du jeu pour aller sauver le monde pépouze. Pas d’otages à sauver cette fois, pas de ninjas à aller récupérer comme dans le premier opus sur Game Gear, le programme est on-ne-peut-plus simple : avancer vers la droite, venir à bout des pièges et de l’opposition, vaincre le boss et recommencer. Ce qu’on appelle la base.

Quitte à se mettre en route, notre ninja a bien pensé à emporter avec lui ce qui faisait la force de son prédécesseur. Comme l’indiquent les quatre jauges situées dans la très envahissante interface en haut de l’écran, il maîtrise par exemple toujours le ninjitsu, mais devra dorénavant le collecter sous forme de bonus avant de pouvoir en faire usage – chacun de ses talents demandera deux unités pour être employé, et plus la jauge sera importante, plus le ninjitsu employé sera puissant.

Il en ira de même pour ses shurikens, désormais employables avec la flèche du haut en plus du bouton d’attaque, à la Castlevania, qui devront être collectés et dont l’accumulation aboutira à une montée en puissance (pistolet, puis carrément lance-grenade), introduisant une très légère dimension stratégique. La jauge de puissance, comme son nom l’indique, aidera à venir à bout des adversaires en moins de coups, et la jauge de vie comme le chronomètre se passent de commentaires. En résumé, et même si le système de bonus a été légèrement repensé, on est clairement sur les bases du reste de la saga, d’où l’émergence d’une question évidente : mais alors qu’est-ce qui peut bien clocher, pour que cet épisode fasse l’unanimité contre lui ?

On a déjà évoqué cette interface qui occupe à elle seule un bon tiers de l’écran, ce qui laisse déjà assez peu de place à l’action pour exprimer son plein potentiel. La réalisation est d’ailleurs globalement assez décevante pour un titre de 1991 : les sprites sont grands, mais l’animation est poussive, les décors recyclent trop souvent les mêmes éléments, et vous atteindrez d’autant plus rapidement une overdose de caisses en bois et de poutrelles métalliques que les deux premiers niveaux du jeu et leurs environnements industriels figurent également parmi les plus longs.

Du côté sonore, les thèmes musicaux sont honnêtes mais ont le défaut de tourner en boucle beaucoup trop vite, ce qui fait qu’on est rapidement tenté de baisser le volume pour s’éviter une migraine. Des broutilles qui ne feraient que pénaliser marginalement l’expérience de jeu si celle-ci ne constituait pas le principal problème de la cartouche. Pour dire les choses simplement, on peut se demander si ce Joe Musashi est réellement le descendant de l’autre, car on a plutôt l’impression de contrôler un papy-la-tremblotte ayant ré-enfilé le costume une fois de trop, comme une version parodique du Dark Knight de Frank Miller. Concrètement, votre héros se traine au milieu d’une action qui atteint péniblement les huit images par seconde, ses frappes ont une portée de deux pixels qui font que le moindre affrontement est souvent un corps-à-corps illisible où on ne comprend pas toujours pourquoi on prend du dégât ou pas, et surtout les masques de collision sont si grossiers qu’on peut aussi bien toucher un ennemi à deux mètres de distance que passer à travers une plateforme sur laquelle on aurait dû atterrir sans aucun souci. Bref : c’est lent, c’est saccadé, c’est poussif et c’est imprécis, soit pas exactement les adjectifs qui sont censés être employés pour décrire la saga.

En y ajoutant un level design boiteux avec des pièges totalement impossibles à anticiper (et donc à éviter) si on n’est pas déjà tombé dedans au moins une fois, deux premiers niveaux interminables suivis de quatre niveaux trop courts (le cinquième niveau n’est par exemple rien d’autre qu’un boss précédé d’une phase d’accumulation de bonus), des boss bien trop simples reposant uniquement sur le timing et n’ayant le plus souvent qu’un seul pattern à leur disposition (le dernier boss étant la seule exception avec le chiffre ébouriffant de trois attaques différentes), on se retrouve avec un petit logiciel prévisible et sans éclat qui n’est pas à proprement parler un mauvais jeu (la console aura connu bien pire en la matière) mais qui ne peut certainement pas revendiquer l’appellation de « bon » non plus.

En fait, si la cartouche ne s’était pas intitulé « Shinobi », on aurait simplement composé avec un titre à peine passable et sans la moindre idée qui aurait fait l’objet d’un entrefilet de quatre lignes dans la presse spécialisée avant de sombrer dans l’oubli. Un épisode tout simplement trop médiocre et trop générique pour faire son trou, soit pas exactement ce qu’on était en droit d’attendre d’une saga aussi marquante, mais un titre qui peut se laisser jouer à petites doses à condition de ne pas nourrir d’ambitions plus élevées que de jouer à un Shinobi du pauvre. Ceux qui espéraient réellement contrôler un « cyber ninja » doté de pleins de super pouvoirs, pour leur part, feraient sans doute mieux d’aller voir du côté d’Hagane – mais dans l’ensemble, sauf à ressentir une nostalgie particulière vis-à-vis de la Master System, personne ne devrait nourrir de regrets d’avoir fait l’impasse sur cette aventure dispensable.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20 Dans la famille Shinobi, je demande la brebis galeuse ! Sans être à proprement parler une catastrophe, The Cyber Shinobi est simplement un titre très en-deça des standards de la célèbre saga et qui ne parvient tout simplement jamais à retrouver ni la précision redoutable, ni l'efficacité du level design, ni l'accessibilité qui faisaient jusqu'alors la force de la série. Visiblement alourdi par toute sa ferraille, notre « cyber ninja » qui n'en est d'ailleurs même pas un se traine au milieu d'une action poussive et sans imagination où les masques de collision sont taillés au burin et où la mémoire est bien plus importante que l'habileté. Au terme de niveaux linéaires et répétitifs, le constat s'impose : la plus grave erreur de ce petit jeu médiocre et très générique, c'est d'avoir eu la mauvaise idée de l'appeler « Shinobi ». Un logiciel oubliable comme la période en aura vu passer des milliers.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une jouabilité lourde et imprécise – Des pièges mortels totalement impossibles à anticiper – Des niveaux qui tirent en longueur – Des thèmes musicaux qui tournent vite en boucle – Des boss qui n'opposent pas une grande résistance... – ...tout comme le reste du jeu, dont vous devriez vite venir à bout

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Cyber Shinobi sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Shinobi est toujours un héros très populaire, mais hélas ce nouveau programme est loin d’être le meilleur de la série. The Cyber Shinobi est nettement inférieur à l’original sur Master System, que ce soit au niveau de la réalisation ou de l’intérêt de jeu. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°88, mars 1991, 13/20

Shadow Warriors (Game Boy)

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Natsume Co., Ltd.
Éditeurs : Tecmo, Inc. (Amérique du Nord, Europe) – Tecmo, Ltd. (Japon)
Titre original : 忍者龍剣伝GB 摩天楼決戦 (Ninja Ryūkenden GB : Matenrō Kessen – Japon)
Titre alternatif : Ninja Gaiden Shadow (Amérique du Nord)
Testé sur : Game Boy

La série Ninja Gaiden (jusqu’à 2000) :

  1. Shadow Warriors (NES) (1988)
  2. Shadow Warriors (Arcade) (1989)
  3. Shadow Warriors II : Ninja Gaiden II (1990)
  4. Ninja Gaiden III : The Ancient Ship of Doom (1991)
  5. Shadow Warriors (Game Boy) (1991)
  6. Ninja Gaiden (Game Gear) (1991)
  7. Ninja Gaiden (Master System) (1992)

Version Game Boy

Date de sortie : 19 Octobre 1991 (Amérique du Nord) – 13 décembre 1991 (Japon) – 6 février 1992 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, patch français par Terminus traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Avec le temps, la saga Ninja Gaiden en est venue à être si intimement liée à la NES qu’on en viendrait presque à oublier ses très, très nombreuses infidélités à la console de Nintendo à chacun de ses épisodes – explorant même des plateformes un peu surprenantes pour un jeu d’action/plateforme japonais, comme la Lynx, l’Amiga ou même le PC.

Alors que The Ancient Ship of Doom venait de clore en beauté la trilogie, annonçant tristement la mise en sommeil de la licence pour toute la fin du XXe siècle, Ryu Hayabusa avait encore quelques infidélités à commettre – notamment chez le grand rival SEGA, rien que ça – avant de se décider à prendre un long congé de douze ans. N’en déplaise aux romantiques, les grands gagnants de ces nombreux écarts restaient les joueurs, qui n’avaient aucune raison de voir d’un mauvais œil l’arrivée d’un certain Shadow Warriors sur Game Boy… même si les plus méfiants haussaient malgré tout un sourcil circonspect en constatant que le développement n’avait cette fois pas été confié à Tecmo, mais à Natsume. Ce changement de studio allait-il annoncer quelque nouvelle trahison ?

Une chose est sure : plutôt que d’endosser bille en tête le lourd fardeau de l’héritage de la prestigieuse saga, l’équipe japonaise aura préféré prendre un chemin de traverse en optant pour la voie de la préquelle. L’histoire, expédiée en une poignée d’écrans, vous racontera donc comment, trois ans avant d’affronter Jaquio, notre fameux ninja avait déjà trouvé le temps de sauver New York de la menace d’un tyran maléfique.

Pour cette fois, il était seul : pas d’agent de la CIA ni de personnages troubles aux motivations obscures pour le trimballer d’une destination exotique à l’autre via des indices fumeux ; en fait, l’histoire est même si clairement définie cette fois qu’il n’y aura plus la moindre cinématique passé l’écran-titre. Que les joueurs passionnés par les rebondissements à la Dallas de la série canonique se fassent une raison : cette fois, ils ne joueront pas pour découvrir la prochaine révélation à la fin du niveau, ce qui est quand même un peu dommage. Mais bon, Shadow Warriors n’est pas une telenovela, c’est un jeu, et la question est surtout de savoir si, à ce niveau, il sera capable de prétendre au stratosphérique niveau de ses prédécesseurs sur un hardware qui présentent encore d’autres difficultés que celui de la NES, en particulier au niveau de la taille de la fenêtre de jeu.

Et à ce niveau-là, il faut au moins reconnaître à Natsume une certaine cohérence : quitte à ce que cette aventure de Ryu Hayabusa soit chronologiquement la première, autant en faire également la plus accessible. Notre ninja est déjà là, fidèle au poste, avec son sabre et ses sauts, mais si son comportement (et son maniement) sont irréprochables, on sent bien qu’il n’a pas encore développé toute la panoplie de ses aptitudes martiales.

Traduit en clair : il n’y a plus désormais qu’un seul power-up en-dehors des bonus de soin (sa célèbre attaque enflammée qui part en diagonale ascendante) ; oubliez donc les clones de Shadow Warriors II, l’invincibilité, les pouvoirs secondaires et tout le système de symboles à collecter inspiré de Castlevania pour pouvoir faire usage de vos pouvoirs. Dans le même ordre d’idées, il n’est pas encore question pour notre acrobate de savoir s’accrocher aux murs (même s’il sait, curieusement, se suspendre aux poutrelles, ce qu’il ne refera plus jusqu’au troisième épisode), et il peut même faire usage d’un grappin pour atteindre certaines d’entre elles. Des possibilités revues à la baisse pour un jeu sensiblement plus court que ses prédécesseurs (comptez 25 minutes pour arriver à la scène de fin) et également plus facile. Alors quoi, a-t-on affaire à un ersatz tragiquement dilué, comme un grand cru qu’un barbare aurait osé couper à l’eau (de mer, pour pousser l’horreur encore un peu plus loin) ?

La réponse, fort heureusement, est « non ». Un gameplay moins dense en termes de possibilités ne signifie pas nécessairement un gameplay moins efficace, et celui de cet épisode Game Boy repose une nouvelle fois sur une précision absolue reposant grandement sur le timing. Les masochistes ne jurant que par le die-and-retry hyper-exigeant pesteront sans doute de venir à bout de cette aventure nettement plus vite, le niveau de difficulté ayant été revu sérieusement à la baisse, mais cela ne signifie pas pour autant que le titre de Natsume soit une promenade de santé et que le joueur moyen n’ait pas à souffrir un peu pour espérer venir à bout des ultimes niveaux.

Le jeu est plus accessible, mais il n’est pas moins amusant, et la réalisation étant une nouvelle fois à la hauteur tout en n’ayant jamais l’idée de laisser la poudre-aux-yeux nuire à la lisibilité, on se retrouve assez vite face à ce qu’on pouvait espérer de mieux sur une Game Boy en 1991 – à tel point qu’on pourra regretter qu’un deuxième opus un peu plus long, un peu plus riche et un peu plus exigeant n’ait pas vu le jour dans la foulée. C’est un parfait prologue à la trilogie originale, une version découverte pour se chauffer un peu avant de passer aux choses sérieuses – ou de décider qu’en fait, non, rien à faire, on n’a clairement pas la résistance nerveuse pour ce type de programme et qu’il ne vaut mieux pas insister. Bref, c’est bon, c’est suffisamment difficile sans être insupportablement frustrant, et c’est l’assurance d’un très bon (mais un peu court) moment à passer sur sa Game Boy : le cahier des charges me semble parfaitement rempli, ma foi.

Quelques mots, en conclusion, sur la traduction réalisée par l’équipe de Terminus. Disons simplement qu’elle a le mérite d’exister : les quelques phrases de l’introduction sont traduites sans génie, mais pour être honnête l’intrigue originale ne méritait déjà pas le prix Nobel de littérature et on ne va pas cracher sur l’occasion de pourvoir découvrir en français des jeux dont le scénario, pour simple qu’il soit, était jusqu’alors condamné à rester tragiquement inaccessible aux non-anglophones. Oh, et si jamais vous vous demandez pourquoi l’écran-titre affiche « Ninja Gaiden Shadow », c’est tout simplement parce que cette traduction, comme très souvent avec la scène française et pour des raisons qui m’échappent, a été réalisée à partir de la version américaine du jeu plutôt qu’en s’appuyant sur la version européenne.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 On pouvait nourrir quelques appréhensions en voyant Tecmo confier son célèbre ninja à Natsume pour un épisode sur Game Boy où les chausse-trappes s'annonçaient nombreuses. Fort heureusement, la plupart de ces inquiétudes étaient infondées : Shadow Warriors ne se hisse peut-être pas au niveau stratosphérique de la trilogie originale sur NES, mais il ne fait pas de la figuration pour autant. Certes, les fans invétérés pourront pester contre la disparition des cinématiques, du scénario à rebondissement, d'une partie des pouvoirs et même d'une portion de la difficulté. Mais au final, cette expérience « recentrée » fait surtout de cette épopée une des plus accessibles de la saga, et par extension une très bonne porte d'entrée pour aborder les aventures de Ryu Hayabusa. Il n'y a peut-être rien de fondamentalement original ni de surprenant dans cette préquelle, mais parfois, ça n'a tout simplement pas grande importance. Un très bon jeu d'action/plateforme à découvrir sur la portable de Nintendo.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Pas de jauge de vie pendant les combats de boss – Hé, où sont passées mes cinématiques ? – Un peu court

Bonus – Ce à quoi ressemble Shadow Warriors sur l’écran d’une Game Boy :

Magician (Loriciel)

Développeur : Loriciel SA
Éditeur : Loriciel SA
Titre alternatif : The Magician (écran-titre)
Testé sur : AmigaAtari ST

Version Amiga

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : –
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il est souvent difficile de disposer de données objectives pour juger du succès d’un jeu vidéo au XXe siècle. Les chiffres de vente ne sont pas des données publiques, et les éditeurs ne les communiquent généralement qu’en cas de succès commercial – personne n’aime étaler ses échecs, surtout quand il y a des actionnaires qui attendent leurs dividendes.

On n’aurait pas craché sur un peu de renouvellement dans les décors. Ou les pièges. Ou les ennemis.

En revanche, on peut dire qu’avec vingt ou trente ans de recul, il y a souvent des indices. Par exemple, à l’ère de l’hyper-connectivité et des échanges sur internet, si vous ne parvenez même pas à mettre la main sur le scan de la boîte d’un jeu, c’est plutôt mauvais signe. Quand vous devez faire appel à des collectionneurs sur des forums pour nourrir l’espoir de mettre un jour la main sur une copie du manuel (l’article sera bien évidemment mis à jour en cas de nouvelles données), ça n’est pas très positif non plus. Quand il est tout simplement impossible de trouver une vidéo présentant le déroulement du jeu du début à la fin et que les rares captures d’écran montrent toutes la même zone, il est temps d’additionner les éléments disponibles et de comprendre qu’on fait vraisemblablement face à un bon gros bide des familles, du genre à avoir péniblement vendu quelques milliers d’exemplaires. D’un bout à l’autre, Magician appartient clairement à cette famille-là.

Quand on n’affronte pas des grenouilles, on affronte des lapins : on avait de l’inspiration à revendre, chez Loriciel !

Comme le nom du jeu vous l’aura fait comprendre –  je ne pense pas qu’une solide maîtrise de l’anglais soit nécessaire –, l’idée sera de contrôler un magicien. Quel est son objectif ? Très bonne question, à laquelle il est hélas impossible de répondre sans le manuel : comme vous l’aurez vu, l’écran-titre ne s’embarrasse pas vraiment à donner des informations sur le contexte ni sur les enjeux ; en fait, les seuls mots de texte qui apparaissent à l’écran sont les noms des développeurs du jeu, qui étaient apparemment si fiers de leur création qu’ils sont aller coller leur patronyme jusque sur l’interface.

Comment voulez-vous gérer autant de trucs à la fois avec un personnage aussi lent ?

D’après les rares informations trouvées en ligne, il semblerait que votre magicien, miniaturisé dans une bibliothèque suite à l’ouverture d’un coffre piégé, doive collecter les pages qui composent une formule magique (vous pouvez afficher celles en votre possession en appuyant sur la barre d’espace), faute de quoi il sera tout simplement impossible de terminer le premier niveau qui, à en juger par sa longueur et sa difficulté, a de fortes chances d’être le seul. Car non, je n’ai pas pu terminer le jeu : en l’absence du moindre trainer ou cheat code pour accéder à l’invincibilité (autre indice du manque de notoriété du logiciel), tous mes efforts pour batailler et venir à bout de l’aventure n’auront rencontré que l’échec, mais comme on va le voir, la difficulté monstrueuse du programme ne constitue qu’une partie du problème.

Il y a sur cet écran deux pièges, trois monstres et un générateur de monstres, sans oublier les mains lanceuses de couteau qui peuvent apparaître à n’importe quel moment. Et c’est comme ça tout le temps.

Commençons donc par nous intéresser à la jouabilité… ou plutôt, à ce que l’on en sait. L’idée est donc d’avancer vers la droite en évitant les (très nombreux) pièges, tout en s’efforçant apparemment de collecter les livres qui flottent parfois en l’air et en faisant feu sur les adversaires à l’aide de notre baguette magique et du bouton du joystick. Jusqu’ici, c’est assez simple. Histoire de compliquer un peu les choses, le titre intègre une première mauvaise idée qui n’a même pas le mérite d’être originale puisqu’un certain Fred l’avait déjà étrenné quelques mois plus tôt : un système de plans.

Apparemment, ramasser ce livre m’a blessé. Ne me demandez pas pourquoi.

Concrètement, votre héros peut se déplacer dans l’axe de la profondeur, sur l’un des trois plans du jeu, afin de disposer d’une marge de manœuvre plus élevée que s’il était coincé en pure 2D. La bonne nouvelle, c’est que Magician ne reproduit pas une des bourdes du titre d’Incal Product : tous les ennemis disposant d’une ombre, il est possible de juger de leur position en toute circonstance. La mauvaise, c’est qu’un adversaire peut tout-à-fait se situer à un niveau de profondeur différent de celui de votre héros tout en étant sur le même plan, ce qui signifie qu’il faut souvent un placement au pixel près pour espérer atteindre une cible. Les choses se compliquent avec les jauges à droite de l’écran : la plus à gauche représente a priori la vie de votre avatar ; je dis « a priori » car dans les faits, vider cette jauge ne « tue » pas votre personnage mais le renvoie simplement en arrière. La deuxième correspond à une réserve de pouvoir magique pour des sorts que vous pourrez dénicher en cour de jeu et activer avec le bouton plus une diagonale vers le bas ; mécanisme qui aurait pu être intéressant si seulement vous pouviez connaître les effets desdits sorts avant d’en faire usage. Quant à la troisième, là, je sèche.

Si vous trouvez que toutes les images se ressemblent, c’est normal…

Là où les choses deviennent encore plus compliquées, c’est à cause de l’image de votre héros, en haut à droite. En effet, elle tendra à se remplir de vert au fil de la partie – et si cela arrive, cette fois ce sera le game over clair et définitif avec retour à l’écran-titre.

Vous pouvez aller vous dissimuler dans des niches, mais ça ne sert strictement à rien

Elle serait donc la vraie jauge de vie ? Cela, on pourrait l’établir… si seulement il y avait un moyen de comprendre ce qui remplit cette fameuse jauge. Car si la voir grimper lorsqu’on entre en contact avec un adversaire (c’est à dire trois fois par seconde) fait sens, pourquoi alors le fait de collecter les indispensables livres la fait-elle également croitre ? Autant d’éléments qui, je l’espère, trouveront une explication rationnelle dès l’instant où je serais parvenu à mettre la main sur le manuel du jeu… mais si je me suis senti autorisé à donner mon opinion (qui pourra être éditée au besoin, c’est l’avantage d’un site en ligne par rapport à un magazine papier…) sans avoir tous les éléments pour maîtriser le jeu et ses subtilités, c’est tout simplement parce que la compréhension de ces quelques subtilités a peu de chance de changer quoi que ce soit au constat implacable qui se dessine au bout de quelques minutes de jeu : on ne s’amuse tout simplement jamais.

Pouvoir lancer des sortilèges, c’est bien. N’avoir aucune idée de ce qu’ils font avant de les lancer, déjà moins.

Le vrai problème, en effet, n’est pas ces mécanismes opaques et frustrants qui trouveront peut-être leur explication un jour via l’exhumation du manuel du jeu. Non, là où Magician laisse peu d’espoir de se révéler un meilleur logiciel une fois ses règles (et son objectif) connus, c’est que quel que soit l’angle sous lequel on prenne le game design, il est extrêmement difficile d’y voir autre chose qu’un interminable couloir dans un unique décor où on passe son temps à se faire bombarder de cochonneries inévitables, de monstres au comportement aléatoire et de pièges impossibles à anticiper aux commandes de notre magicien qui se traîne et met un quart d’heure à faire quoi que ce soit sans jamais nourrir l’espoir de franchir plus d’une poignée d’écrans.

Je commence à ne plus trop savoir quoi dire à propos de ces images

Passer la moitié de la partie (c’est à dire une minute) à ne même pas comprendre ce qui nous tue ni pourquoi est certes déjà un gros handicap, mais on sent bien que les questions de l’équilibrage, du rythme, de la variété ou simplement du level design n’ont jamais été abordées par personne au sein de l’équipe de développement. On peut bien insérer des sortilèges, des potions, des interrupteurs et des passages secrets, encore faudrait-il que le tout présente une quelconque forme d’intérêt sur la durée et donne l’envie au joueur d’aller plus loin. Ici, non seulement on a vu absolument tout ce que le jeu a à offrir, que ce soit visuellement ou en termes de gameplay, dès le premier écran, mais le reste n’est qu’une longue souffrance où on n’a jamais le sentiment d’être autre chose qu’une cible tant absolument tout ce qui est présent à l’image ne semble exister que pour nous pourrir la vie par tous les moyens. Vous en connaissez beaucoup, vous, des jeux où le héros commence la partie au milieu de trois monstres avec 10% de sa jauge de vie et avec une fenêtre d’action de l’ordre de la demi-seconde pour se sortir de là ??! L’ennui, c’est que tout le reste ne s’éloigne jamais de cette ligne pour le moins frustrante ; c’est comme si le jeu n’était pensé que pour que vous ne puissiez jamais survivre assez longtemps pour réaliser que, de toute façon, il n’y a rien à voir, rien à découvrir, ni rien d’intéressant à faire.

Ça n’arrête jamais

Magician, c’est le couloir de l’ennui à destination des masochistes qui ont envie de continuer à éviter des grenouilles et des lapins en avançant vers la droite pendant une heure. Pour tout dire, j’ai même déniché une vidéo en ligne où un joueur faisait usage d’un logiciel de triche externe pour avoir l’invulnérabilité, et même de cette façon, au bout de plus d’une heure et quart d’efforts, il ne parvenait même pas à vaincre le premier niveau ! En fait, tout est là ; Magician, c’est un programme qui a juste oublié d’être un jeu, une sorte de troll plus ou moins volontaire où la réalisation sympathique et les possibilités visiblement ambitieuses ne dissimulent pas l’essentiel : le cœur du jeu est totalement pourri, faute de soins et d’attention. Dès lors, même avec toute la mansuétude du monde, difficile de trouver beaucoup d’excuses au logiciel : c’est trop dur, c’est trop opaque, c’est trop répétitif et il n’y a simplement rien pour nous donner envie de continuer après les cinq premières minutes. Pas étonnant qu’il n’ait marqué personne, en fait.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 07/20 Jeu oublié, effacé des mémoires, Magician mérite indéniablement son sort. Dans une sorte de tragique concrétisation d'à peu près tout ce qu'on pouvait reprocher à la production française la moins inspirée de l'époque, c'est juste le triomphe absolu de la forme face à n'importe quelle notion de jouabilité, d'équilibrage, de level design ou tout simplement de fun. Grand couloir aux obstacles insurmontables dont on peut douter qu'un seul être humain ait un jour posé les yeux sur le deuxième niveau (en existe-t-il seulement un ?), le titre de Charles Cabillic et son équipe aligne les mauvaises idées, les concepts opaques et leur exécution bancale pour aboutir à un ersatz de jeu de plateforme dont il est évident qu'il n'a jamais été testé avant d'être mis en vente, où il aura manifestement connu l'inévitable bide auquel il était promis. Que des joueurs aient payé au prix fort une expérience de jeu qui s'est vraisemblablement réduite aux mêmes deux minutes répétées en boucle est un assez bon indice des politiques éditoriales de l'époque, mais en tant que logiciel, le constat est accablant : il n'y a strictement rien à sauver. Certaines choses gagnent à demeurer dans les limbes.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Beaucoup de mécanismes qui demeureront à jamais incompréhensibles, à présent qu'il est à peu près impossible de mettre la main sur un exemplaire du manuel – Une équilibrage ni fait ni à faire... – ...qui aboutit à une difficulté infâme – Un système de plans qui n'aboutit à rien d'autre qu'à une action plus confuse – Un unique décor qui se répète à l'infini, jusqu'à la nausée – Un level design qui se limite à un gigantesque couloir dans lequel se baladent des dizaines de cochonneries inévitables

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Magician sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Beaucoup de tableaux, des pièges difficiles à passer, de nombreuses surprises apparaissant tout au long du jeu, et une scène finale particulièrement casse-tête font que Magicien (sic) est un soft à conseiller. »

Seb, Joystick n°10, novembre 1990, 83%

« Les graphismes sont fins et l’animation fluide, bien qu’un peu lente pour le magicien. Les bruitages, en revanche, sont un peu succincts. Certains pièges demandent un peu d’astuce. Malheureusement, il est parfois difficile de discerner le niveau de profondeur des attaques (les couteaux, par exemple). De plus, le jeu est un peu trop linéaire et l’action assez peu variée. »

Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 12/20

Version Atari ST

Développeur : Loriciel SA
Éditeur : Loriciel SA
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : –
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment d’aborder la version ST de Magician, les choses – comme souvent – vont aller vite : c’est très exactement le même jeu que sur Amiga. Peut-être l’action est-elle un chouïa plus lente, et encore ; pour le reste, les graphismes sont pour ainsi dire les mêmes au pixel près, la musique de l’écran-titre est la même, et le rendu des bruitages est à peu près identique. La mauvaise nouvelle, c’est que le game design et la jouabilité n’ont donc pas changé, eux non plus, et on ne peut pas dire que le titre de Charles Cabillic et ses deux amis fasse franchement partie des titres qu’un possesseur d’Atari ST doivent absolument posséder au sein de sa ludothèque. Peut-être pour les chercheurs désireux d’être les premiers à comprendre en quoi consiste vraiment ce jeu ?

Et sinon : oui, c’est toujours aussi chiant

NOTE FINALE : 07/20

Au moins, la version Atari ST de Magician n’a pas à souffrir d’autres tares que l’édition originale sur Amiga : c’est littéralement le même jeu, au pixel près. On aurait bien aimé qu’une prise de conscience tardive pousse l’équipe française à revoir un peu son équilibrage, mais ça n’était visiblement pas le projet.