Dynamite Headdy

Développeur : Treasure Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Testé sur : Mega DriveGame GearMaster System
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Mac OS, PlayStation 2, PlayStation 3, Switch, Wii, Windows
Présent au sein de la ludothèque intégrée de la Mega Drive Mini
Présent au sein des compilations :

  • Sega Ages 2500 : Vol.25 – Gunstar Heroes : Treasure Box (2006 – PlayStation 2, PlayStation 3)
  • SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS, Windows)

Version Mega Drive

Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Octobre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction anglaise par Jon Najar
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Moins d’un an : c’est le temps qu’il aura fallu à la jeune équipe de Treasure pour parvenir à accomplir deux faits suffisamment notables pour mériter d’attirer beaucoup d’attention. Quand le premier jeu développé par un studio se trouve être rien de moins que Gunstar Heroes, run-and-gun si frénétique et efficace qu’il peut revendiquer le titre de meilleur représentant du genre sur Mega Drive – et peut-être même à l’échelle de toute la génération 16 bits – il y a déjà de quoi avoir très envie de voir la suite des événements ; et quand celle-ci revient à transformer ce qui aurait dû être un simple jeu de promotion insipide apte à donner des cauchemars à des millions d’enfants en mettant en scène l’immonde Ronald McDonald en le très sympathique McDonald’s Treasure Land Adventure, on commence à approcher de la magie noire.

Il faut dire qu’avec d’anciens développeurs du Konami de la grande époque à la manœuvre, on se doutait qu’on n’avait pas exactement affaire à des pitres, mais une petite voix un peu paranoïaque tout en restant désespérément rationnelle murmurait que peut-être ces deux succès pouvaient aussi bien constituer deux accidents, deux exceptions avant des productions nettement plus convenues appelées à rentrer dans le rang en même temps que leurs concepteurs. Dès lors, les joueurs impatients attendirent fébrilement la confirmation, la dernière preuve qu’ils venaient d’assister à la naissance d’un studio appelé à faire date et dont il faudrait surveiller le moindre logiciel comme on le faisait avec les Bitmap Brothers ou la Sonic Team. Ils n’eurent pas à patienter trop longtemps : dès la mi-1994 surgissait Dynamite Headdy, autre représentant assumé d’un domaine où la concurrence était pourtant terrible : le jeu de plateforme. Et le jugement ne tarda pas à tomber, inéluctable : sans vouloir faire de mauvais jeu de mots (bon allez, si, un peu quand même), c’était de la bombe. Encore.

La première petite surprise conférée par le jeu, c’est son univers. Certes, celui-ci n’est pas exactement introduit par une version occidentale où tous les dialogues ont été supprimés (un patch – anglais – de traduction de la version japonaise existe, je vous renvoie au pavé technique), la difficulté augmentée et quelques modifications cosmétiques opérées, mais il est difficile de ne pas remarquer le fait que toute l’action, des environnements au déroulement des niveaux, est présenté comme un décor de théâtre mû par une machinerie visible à l’écran : panneaux amovibles, épais cordages, clous apparents, déchirures dans la toile – et que le tout est souvent remplacé à la volée en pleine action, parvenant à offrir un dynamisme inattendu à des éléments censés être statiques.

Un thème particulièrement pertinent dans le sens où il justifie une mise en scène permanente : un boss introduit par un projecteur, un décor de fond qui s’écroule, des indications pour les techniciens en coulisse, et même un personnage dont l’unique fonction est de vous désigner le point faible des boss ! Tout cela donne un aspect organique, une vie permanente aux tableaux qui défile sous nos yeux et introduit d’emblée une variété impressionnante sur laquelle on aura l’occasion de revenir : d’un bout à l’autre, Dynamite Headdy est un jeu en mouvement où tout semble concourir à ne jamais laisser vos sens au repos d’une façon plus subtile et encore un peu plus audacieuse que celle d’un certain hérisson bleu qui avait pourtant dynamité (calembour) beaucoup de codes en la matière.

La deuxième surprise, c’est le mode d’action de notre héros qui résout les problèmes avec sa tête – littéralement. Plus d’un an avant que Rayman n’ait l’idée de lancer ses poings, le bien nommé Headdy, lui, utilise carrément son crâne en guise de projectile.

Et non seulement cela est très efficace et lui permet d’ailleurs également de s’agripper à des prises qu’il peut employer pour se propulser à distance, mais c’est aussi la base d’un système de power-up très bien fichu puisque notre héros peut carrément changer de tête pour changer de pouvoir : une tête de marteau pour frapper dur, une tête miniature pour s’ouvrir des passages autrement inaccessibles, une tête de cochon pour aspirer tout ce qui se trouve à l’écran, ou même une tête l’expédiant dans un niveau bonus et une tête malus le ralentissant – près d’une vingtaine au total. Un petit côté Kid Chameleon très bien mis à profit, puisque les pouvoirs ne sont pour ainsi dire jamais distribués au hasard mais plutôt en fonction de ce qui met en valeur le level design, introduisant constamment de nouvelles idées au fil des neuf niveaux eux-mêmes divisés en plusieurs sous-niveaux – quitte à offrir un segment shoot-em-up pendant toute la durée du sixième monde, voire à carrément offrir un sous-niveau entier (et facultatif) à présenter en situation les principaux mécanismes du jeu ! Bref, Dynamite Headdy a des idées et de l’audace en réserve – et la dernière bonne nouvelle, c’est qu’il a aussi le talent de l’équipe de Treasure pour en tirer le meilleur.

On pourrait ainsi s’attarder longtemps sur la réalisation exceptionnelle du jeu, véritable vitrine technologique mettant en scène à peu près tout ce que la Mega Drive est capable d’afficher en la matière – et de rappeler qu’il n’était pas nécessaire d’avoir à disposition un Mode7 comme la Super Nintendo pour afficher des rotations ou des zooms – mais les captures d’écrans seront déjà suffisamment parlantes à ce niveau – et quel plaisir de profiter d’un tel déluge de couleurs sur une console qui s’était un peu trop acharnée à offrir des titres sombres, pour ne pas dire grisâtres, pendant ses premières années de commercialisation.

Mais la vraie star du jeu reste son extraordinaire game design : chaque sous-niveau du jeu semble introduire une nouvelle idée, une petite trouvaille dont il tire merveilleusement parti et qui fait qu’on n’a virtuellement jamais le temps de sentir pointer quoi que ce soit qui ressemble à de l’ennui. Sol qui se penche, phases où il faut jouer avec la gravité – un peu à la façon d’un segment du deuxième monde de Castle of Illusion, mais en beaucoup mieux exploité ici – tour rotative à la Nebulus, poursuite en défilement imposé, tout y passe, quitte parfois à cumuler plusieurs idées sur un même niveau. On se retrouve face à une variété qui parvient à supplanter celle d’un titre comme Rocket Knight Adventures, pourtant déjà pas avare en la matière, et en offrant surtout une merveilleuse efficacité dans le rythme qui permet au jeu d’être un peu tout ce que Tiny Toon Adventures : Buster Busts Loose! avait cherché à être sans réellement y parvenir – et non, ce n’est pas par accident que j’ai choisi deux titres de Konami en guise de comparaison.

On pourrait encore creuser longtemps tout ce qui vient nourrir la rejouabilité du titre, comme l’existence de « points secrets » à glaner en accomplissant certaines actions (par exemple en détruisant le robot qui vous pourchasse lors du premier niveau plutôt que de vous contenter de fuir) et qui permettent d’ouvrir l’accès au « vrai » boss final, lequel est pour le coup assez surprenant !

Mais la vérité est surtout que Dynamite Headdy est une véritable mine de trouvailles, un vaccin permanent contre la monotonie dont les deux seuls minimes défauts sont un certain flou dans les zones de collision lors des combats de boss (il n’est pas toujours facile de comprendre ce qui vous touche et ce qui ne vous touche pas) et surtout une difficulté qui bascule dans le sauvage vers la deuxième moitié du jeu et qui imposera de longues séquences de die-and-retry à un jeu déjà assez long, ce qui amène presque à regretter qu’un système de mot de passe ne soit pas disponible. On en prend constamment plein les mirettes et on a hâte de voir la prochaine idée grandiose du programme – même si on se doute qu’on va rapidement en baver – et on se retrouve face à un de ces monuments qui nous aident à comprendre pourquoi le jeu de plateforme aura longtemps été considéré comme le genre roi sur console : quand ça atteint ce niveau-là, ça ne prend tout simplement pas une ride, jamais, même avec trente ans de recul. Vous voulez redécouvrir ce qu’était le fun à l’ère 16 bits ? Essayez Dynamite Headdy. C’est un peu comme un baume de fraise Tagada sur vos rêves d’enfants meurtris.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20


Dynamite Headdy aurait pu n'être qu'une vitrine technologique pour la Mega Drive, ou bien uniquement la rencontre entre une idée de gameplay sympa et un univers original, ou bien simplement un jeu de plateforme d'une rare variété, et cela aurait déjà été très bien. Mais ce qui fait du titre de Treasure l'un des meilleurs représentants du genre au sein de sa génération, c'est surtout qu'il soit parvenu à être tout cela à la fois. S'il est un mot à bannir définitivement en décrivant la formidable cartouche délivrée par l'équipe japonaise, c'est bien « monotonie » : on a rarement vue autant de trouvailles présentées à un rythme aussi effréné et d'une façon aussi merveilleusement efficace – de quoi donner la leçon même à des références en la matière, Rocket Knight Adventures en tête. Certes, mieux vaudra avoir la tête froide et des nerfs d'acier vers la fin du jeu, car la difficulté y devient redoutable, mais c'est avec un plaisir certain qu'on sera heureux d'y revenir tant l'expérience est plaisante d'un bout à l'autre. Chapeau bas, messieurs.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des zones de collision pas toujours très claires, en particulier lors des combats de boss
– Une difficulté qui ne fait vraiment pas de cadeaux sur la fin du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dynamite Headdy sur un écran cathodique :

Version Game Gear

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 5 août 1994 (Japon) – Septembre 1994 (Amérique du Nord) – Novembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bien qu’on l’associe traditionnellement à la Mega Drive, Dynamite Headdy aura également connu une sortie simultanée sur Game Gear, avec l’équipe de Minako Giken – grande habituée des portages sur la console portable – à la baguette. Dans l’absolu, cette itération 8 bits s’efforce de respecter au maximum le déroulement de la version Mega Drive, mais comme on peut s’en douter, les capacités de la console alliés à la division par quatre de la taille de la cartouche auront fatalement entraîné de nombreux sacrifices.

Si la réalisation est colorée et relativement efficace, avec la plupart des thèmes musicaux repris fidèlement à quelques exceptions près (le thème de l’écran-titre reprend celui du premier niveau de la version Mega Drive, par exemple), le framerate est nettement plus bas, la fenêtre de jeu nettement plus petite, et à peu près toutes les trouvailles graphiques de la version Mega Drive – les zooms, les rotations, le sol du niveau trois qui pivote – ne sont plus à l’ordre du jour ici. Le contenu a lui aussi été lourdement sabré : il n’y a plus que six niveaux, ils contiennent moins de sous-niveaux, les boss ont été simplifiés, etc. ; le jeu peut donc être vaincu beaucoup plus vite même si la difficulté reste conséquente, notamment parce que la jauge de vie du héros est ici nettement moins conséquente. Le vrai problème, c’est que même avec toute la meilleure volonté du monde, Dynamite Headdy n’a tout simplement plus les armes pour surprendre sur Game Gear et l’expérience nerveuse, variée et rafraichissante a ici laissé la place a quelque chose de nettement plus convenu où le déroulement est devenu beaucoup plus téléphoné. Les niveaux n’ont pas le temps d’être mémorables, la difficulté est souvent frustrante parce qu’on n’a que très peu de temps pour comprendre les patterns des boss et mini-boss, et sans passer un mauvais moment on est plus proche d’un ersatz de l’expérience originale que de sa retranscription fidèle. Une cartouche à lancer par curiosité, mais si vous voulez vraiment découvrir le jeu, essayez plutôt la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 13,5/20

En dépit d’une réalisation honnête, Dynamite Headdy sur Game Gear aurait été bien inspiré d’être une adaptation pensée pour la console portable plutôt qu’un simple portage, surtout quand celui-ci perd au passage pratiquement tout ce qui faisait la force de la version Mega Drive pour devenir un jeu prévisible où la plupart des idées originales ont disparu. Une version expurgée qui conserve son petit charme, mais qu’on préfèrera réserver aux curieux.

Version Master System

Développeur : Minato Giken Co., Ltd.
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A. (Brésil)
Date de sortie : Octobre 1995 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1995, la Master System faisait encore une très belle carrière au Brésil, ce qui aura permis aux locaux de bénéficier de cartouches jamais commercialisées dans le reste du monde. Comme on peut s’en douter, les équipes de SEGA n’auront pas exactement été mobilisées pour un marché qui demeurait relativement marginal – ou en tous cas, très secondaire derrière celui des jeux Saturn ou même Game Gear –, et les équipes de Tec Toy se seront donc contentées de reprendre la version développée par Minato Giken et de l’adapter à la Master System. Ironiquement, en dépit du manque total d’innovations que cela implique, il faut bien reconnaître que l’accroissement de la fenêtre de jeu rend l’action nettement plus lisible, que les couleurs sont moins agressives et que le framerate est également meilleur, rendant de fait cette version sensiblement plus jouable que celle dont elle est tirée. Pour le reste, il faudra composer exactement avec les mêmes coupes que sur Game Gear, ce qui offre à la console un jeu de plateforme très correct mais ne jouant clairement pas dans la même cour que l’opus Mega Drive.

NOTE FINALE : 14/20

Comme très souvent avec les exclusivités brésiliennes sur Master System, Dynamite Headdy n’est rien de plus que le portage de la version Game Gear adapté à la résolution de la console – ce qui apporte, mine de rien, un indéniable surplus en termes de confort. De quoi offrir à la machine un jeu de plateforme très correct.

Disney’s Aladdin (Capcom)

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre alternatif : アラジン (Japon)
Testé sur : Super Nintendo
Disponible sur : Game Boy Advance

Les jeux Disney’s Aladdin (jusqu’à 2000) :

  1. Disney’s Aladdin (Virgin Games) (1993)
  2. Disney’s Aladdin (Capcom) (1993)
  3. Disney’s Aladdin (SIMS) (1994)
  4. Disney’s Aladdin in Nasira’s Revenge (2000)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 11 novembre 1993 (États-Unis, Europe) – 26 novembre 1993 (Japon) – 1er décembre 1993 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Cartouche de 10Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Combien d’artistes se sont prononcés un jour sur cette étrange angoisse, ce succès qu’on ne voit jamais comme tel et cet échec dont pourtant on ne parle jamais : celui de n’être que le deuxième meilleur ?

L’histoire vidéoludique a ses raisons que, parfois, la raison ignore, mais une chose est sure : qu’il s’agisse d’évoquer l’adaptation du Aladdin de Disney en jeu vidéo au moment de la sortie du long-métrage, en 1993, et les premières images, la première cartouche qui viennent à l’esprit sont immanquablement celles de la version Mega Drive du jeu, qui avait fait l’effet d’une bombe. Non pour des raisons ludiques, objectivement : on était face à un jeu d’action/plateforme comme chaque système de la période était voué à en héberger des centaines, mais bien pour son aspect « dessin animé » d’autant plus probant que les propres animateurs de Disney étaient carrément venu apporter leur contribution au projet, et qui était parvenu à attirer l’attention émerveillée d’adultes très sérieux qui, d’habitude, n’accordaient même pas une attention polie aux jeux vidéo. Le Aladdin de Virgin Games était partout : à la télé, dans les journaux, dans les pages de Kid Paddle, et rapidement dans toutes les ludothèques puisque le titre se sera écoulé à plus de quatre millions d’exemplaires. Bref, il n’y en avait que pour lui.

L’histoire aura si bien retenu ce premier coup d’éclat de David Perry qu’elle en sera venu à totalement occulter un autre parcours – celui d’un autre jeu, développé par une autre équipe, paru simultanément et adapté du même film : le Disney’s Aladdin développé sur Super Nintendo.

Un titre souvent évoqué et, comme tous les perdants, régulièrement réhabilité depuis, car s’il est un développeur des années 90 que personne ne s’attendait à voir jouer les seconds couteaux avec une licence Disney, c’était bien l’immense Capcom de l’âge d’or. Et pourtant, le responsable de Duck Tales, de Rescue Rangers ou de The Magical Quest se sera retrouvé relégué au placard, loin des projecteurs, comme un vulgaire outsider – ce qui aura bien évidemment invité de nombreux justiciers de la cause vidéoludique à s’épancher sur cette cruelle injustice en décrétant que la version Super Nintendo était en fait la meilleure, et que les masses ignorantes avaient comme trop souvent échoué à voir le talent là où il était. Bon, appelons ça du romantisme. La question n’en est pas moins pertinente : que vaut-elle, en fin de compte, cette cartouche qui a perdu la guerre ?

Le jeu reprend fort naturellement le déroulement du film, depuis les errements d’Aladdin et de son singe Abu dans les rues d’Agrabah jusqu’à son affrontement final avec Jaffar, avec la plupart des passages obligés comme l’indispensable scène de la Caverne aux Merveilles – et de la découverte de la lampe magique. Les amateurs de comparaison tous azimuts noteront déjà quelques subtiles différences avec le déroulement de la version Mega Drive, qui proposait par exemple un niveau dans les cachots du palais et un autre dans le désert, ce qui n’est pas le cas de celle-ci – qui tend à compenser avec des niveaux plus longs, ou avec une escapade absente du film… au sein d’une pyramide.

Quitte à s’éloigner un peu du matériaux de base, on aurait apprécié quelque chose de plus original ! L’action, pour sa part, verse davantage dans la plateforme pure que la concurrente de chez SEGA : Aladdin saute, s’accroche sur les poutres saillantes pour se propulser en avant ou rebondit sur les ennemis et les obstacles sans jamais faire usage du sabre qu’il avait toujours à la main dans la version Mega Drive, approche « kid’s friendly » oblige. Il peut également faire usage de pommes en guise de projectiles, et collecter des gemmes qui s’avèreront d’autant plus intéressantes qu’elle viendront gonfler la taille de sa jauge de vie toutes les cent unités. Il peut également faire usage d’une toile, une fois collectée, en guise de parachute, s’en servir comme d’une tyrolienne, et les joueurs les plus aventureux aimeront s’essayer à tenter de collecter les dix gemmes rouges de chaque niveaux, généralement placées à des endroits particulièrement difficiles d’accès, juste pour la frime. Bref : du classique.

Autant le dire d’emblée : en dépit d’une certaine variété dans les situations (stage bonus en tapis volant au-dessus des toits de la ville, scène de défilement imposé dans la caverne, mini-énigmes engageant des plateformes au sein de la pyramide…), Aladdin ne cherche jamais à surprendre, et c’est sans doute sa principale limite. Comme souvent avec Capcom, la réalisation est colorée et les décors très réussis, et il aura fallu tout le talent des animateurs de Disney pour que l’on parvienne à déceler des limites, en comparaison, aux pourtant très bonnes animations de cette version Super Nintendo.

Les thèmes musicaux reprennent bien évidemment assez largement ceux du film, et l’action ne demandera guère qu’à maîtriser la relative inertie du personnage et de sa capacité à accélérer comme dans le premier Super Mario venu pour trouver ses marques. Pas de problème : c’est beau, ça bouge bien, ça répond bien… et ça se boucle en une petite demi-heure, la faute à une difficulté elle aussi pensée pour un public d’enfants. Sans être à proprement parler une ballade de santé, le jeu évolue quelque part au niveau d’un Castle of Illusion en termes de défi – c’est à dire assez bas – et les quelques séquences de plateforme un peu plus exigeantes seront d’autant plus vite vaincues que le titre va jusqu’à proposer un mot de passe à la conclusion de chaque niveau. Autant dire que même avec peu d’entraînement, la cartouche va avoir bien du mal à vous résister plus d’un après-midi.

Rien de tout cela n’est rédhibitoire, bien au contraire – on a bien assez souvent pesté contre la difficulté hallucinante des jeux japonais pour ne pas aller se lamenter de trouver une aventure accessible qui se parcourt sans s’arracher les cheveux – mais cela ne répond pas encore à la question posée : que manque-t-il vraiment à cette version pour se hisser à la hauteur de celle de Virgin Games, qui présentait au passage quelques problèmes similaires (dont une durée de vie assez basse) ? La réponse tient peut-être justement à cet ingrédient qui faisait souvent la force des cartouches estampillées Disney à l’époque : le merveilleux.

Castle of Illusion ou Quackshot étaient des titres qui donnaient envie d’y jouer rien qu’en les regardant grâce notamment à la qualité de leur réalisation, cet aspect « dessin animé » magnifiquement rendu par les mimiques des personnages (on se souvient encore de Mickey moulinant des bras au bord d’une plateforme) et par la qualité des décors – aspect auquel l’Aladdin de David Perry venait justement de faire franchir un nouveau cap, tant dans le rendu que dans les attentes des joueurs. Non seulement Capcom aura en quelque sorte raté ce train avec cette cartouche, dont la réalisation n’était « que » très bonne là où celle de la version Mega Drive passait pour exceptionnelle, mais surtout on n’y trouve rien des excellentes idées qui venaient égayer le gameplay d’un titre comme Magical Quest. « Classique » est sans doute le terme qui reviendra le plus souvent pour décrire l’aventure : on pourrait remplacer Aladdin par Mickey, Dingo ou même Mario ou le premier lapin qui passe qu’on ne verrait pour ainsi dire aucune différence ; le jeu fait parfois un peu penser à une sorte de « template » qui pourrait fonctionner avec tout et sur lequel on a collé le sprite d’Aladdin et les décors du film parce que c’était le cahier des charges. Efficace ? Assurément. Rodé ? À la perfection. Déjà vu ? D’un bout à l’autre, et c’est là que le bât blesse.

En résulte donc un jeu efficace et amusant, mais qui se boucle trop vite et en offrant trop peu de choses pour avoir le temps d’être réellement marquant. C’est un jeu d’artisan : bien tourné, précis, le fruit d’un long savoir-faire, mais qui ne produit finalement qu’un objet d’agrément semblables à tout ceux qui avaient été façonnés auparavant. Le genre d’aventures auxquelles on retourne périodiquement, ne fut-ce que parce qu’on se surprend d’en avoir déjà oublié une si large partie, et qu’on termine avec un petit sourire aux lèvres en se disant qu’il est temps de retourner à des choses plus sérieuses. Un petit morceau d’enfance qui ne révolutionne rien, certes, mais qui a le mérite d’être toujours à la place où on espérait le trouver. Hé, avec le recul, c’est bien aussi.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Cruellement éclipsé par une version Mega Drive transfigurée par le talent de la future équipe de Shiny Entertainment (et celui des animateurs de chez Disney), Disney's Aladdin sur Super Nintendo est-il ludiquement inférieur à son alter ego qui a raflé tous les suffrages ? Avec Capcom à la barre, on se doute que le titre est tout sauf un pis-aller, et comme souvent la réalisation et la jouabilité font mieux qu'assurer l'essentiel. S'il fallait faire un vrai reproche à la cartouche – en-dehors d'une durée de vie un peu courte –, ce serait surtout un certain manque d'identité : des niveaux trop convenus, peu de passages marquants, un univers mal exploité (avait-on réellement besoin d'un niveau dans une pyramide ?)... En un mot ; une expérience solide qui remplit parfaitement son cahier des charges mais trop formatée pour surprendre et à laquelle il manque la petite touche de merveilleux à laquelle nous avaient si souvent habitués les licences Disney. Pas de quoi la bouder, loin de là, mais de quoi se souvenir que même les meilleurs développeurs ont parfois droit à un léger manque d'inspiration.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une aventure très vite bouclée à cause d'un défi nettement plus mesuré que ce à quoi nous avait habitué Capcom
– Une jouabilité efficace, mais sans idée
– Seulement quatre boss, dont un qui est un gag : cela fait peu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Disney’s Aladdin sur un écran cathodique :

Actraiser 2

Développeur : Quintet Co., Ltd.
Éditeurs : Enix Corporation (Europe, Japon) – Enix America Corporation (Amérique du Nord)
Titre original : アクトレイザー2 沈黙の聖戦 (Actraiser 2 – Chinmoku heno Seisen, Japon)
Titre alternatif : ActRaiser 2 (Amérique du Nord)
Testé sur : Super Nintendo

La série ActRaiser (jusqu’à 2000) :

  1. ActRaiser (1990)
  2. Actraiser 2 (1993)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 29 octobre 1993 (Japon) – Novembre 1993 (États-Unis) – Février 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Genius Soft
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il ne figure peut-être pas au rang des tout premiers noms que l’on cite au moment d’évoquer la Super Nintendo, mais il est curieusement voué à apparaître quasi-systématiquement parmi les seconds : tel est le destin d’ActRaiser, cartouche un peu à part dans une logithèque pléthorique, ce qui lui vaut une notoriété particulière. Tellement à part, en fait, par l’originalité de son improbable mélange entre action, plateforme, city builder et god game qu’on avait pu nourrir l’espoir, un moment, qu’il en vienne à engendrer des héritiers spirituels, voire un genre à part entière.

Les axes de progression, après tout, restaient nombreux : une gestion plus poussée, des interactions plus grandes entre les diverses composantes, toujours plus de contenu… Mais quels qu’aient été les espoirs des joueurs à ce sujet, les successeurs ne seront au final jamais venus – ou en tous cas, pas avant plusieurs générations de machines. Et le plus ironique est que l’un des responsables de cet état de fait pourrait bien être un certain… Actraiser 2. Car au moment d’offrir enfin une suite à l’un des jeux les plus originaux du catalogue de la console, les attentes étaient énormes, mais Quintet aura visiblement opté pour un choix assez radical qui sonne, aujourd’hui encore, comme un terrible désaveu : sacrifier tout ce qui avait fait l’identité du premier opus pour en faire un jeu apte à toucher un public plus large, comprendre : plus standard, plus convenu, davantage « dans les clous ». Et voilà comment le dieu reconstructeur d’empire sera devenu un larron comme les autres, au point de sceller définitivement le sort d’une licence qui avait cessé d’être pertinente à l’instant précis où elle renonçait à assumer sa spécificité. Une tragédie ? Pas nécessairement… mais sans doute l’histoire d’une tragique incompréhension réciproque.

Le « maître », comme aime à vous appeler votre angelot (qui a d’ailleurs eu le temps de bien grandir) est donc de retour, et nous confirme au passage qu’il est bien le dieu le plus minable qui existe, tous panthéons confondus : non seulement le dieu du mal Tanzra est revenu pépouze pendant que vous dormiez, mais il a eu le temps d’envoyer treize démons sur la terre qui était sous votre protection pour corrompre les hommes et ravager les terres, et vos glorieux fidèles auront encore une fois pu profiter de toute l’ampleur de votre inaction pendant que leur existence se changeait en enfer.

Réalisant que vous avez quand même quelques obligations vis-à-vis de vos ouailles, vous enfilez donc votre plus beau slip d’armure, vous empoignez votre épée et votre bouclier (c’est important), et vous vous envolez (c’est important également) jusqu’à la surface où votre subordonné divin vous attend une nouvelle fois au cœur de votre palais volant. C’est lui qui vous présentera la situation à chaque fois afin de vous guider, puisque vous serez libre de libérer les treize régions du jeu dans l’ordre qui vous plaira, avant d’aller affronter Tanzra lui-même. Un menu copieux – quatorze niveaux au total, ce n’est pas rien – que vous allez remplir de la façon la plus classique qui soit : avec vos petits bras musclés, avec votre épée à la portée ridicule, et avec vos ailes dans le dos. Exactement comme si vous n’étiez pas un dieu, quoi. Je serais vous, je trouverais ça vexant.

Les possibilités correspondent donc aux standards du genre : un bouton pour sauter, un autre pour attaquer. Quitte à avoir pris votre bouclier, celui-ci peut bloquer certains projectiles – à condition d’être immobile, votre statut divin ne vous offrant apparemment pas les capacités motrices nécessaires pour avancer avec un bouclier brandi devant vous –, quant à vos ailes, elles vous autoriseront une sorte de double-saut qui terminera en piqué-glissé sur une bonne dizaine de mètres, et qui vous vaudra de très nombreuses morts accidentelles au cours des non moins nombreuses séquences de plateforme du jeu – nous y reviendrons.

Enfin, vous souvenant que vous êtes quand même censé être doté de pouvoirs surhumains, une attaque spéciale se produira une fois chargée en laissant le bouton de frappe appuyé quelques secondes, et sera différente en fonction de votre position (debout, en l’air, accroupi, en plein plongeon). Ce sera là à peu près tout votre arsenal, et vu à quelle lenteur se déplace votre personnage (nous y reviendrons également), il doit déjà peser très lourd – au point de vous empêcher de courir, ce qui aurait pourtant été bien pratique. Bref, vous n’êtes peut-être pas beaucoup mieux préparé qu’un simple mortel, mais vous allez quand même montrer à ces démons de pacotille pourquoi on vous appelle « le maître ». Et ce titre, croyez-moi, d’ici à la fin de la partie, vous allez le mériter.

Première constatation : c’est beau. ActRaiser premier du nom ne se défendait pas trop mal, mais les artistes de Quintet ont visiblement eu le temps de faire des progrès en trois ans, au point de commencer à s’approcher du sommet absolu de ce que la Super Nintendo a pu afficher en termes de pixel art.

Les ambiances sont bien tranchées, les décors regorgent de détails, chaque région a une identité forte, et le tout enterre tout ce qu’on aura pu voir sur Mega Drive ou Amiga à la même époque au point de donner le sentiment, parfois, de s’essayer à une borne d’arcade. Le plus impressionnant n’est pas que le jeu affiche des sprites occupant la moitié de l’écran ou des ennemis en nombre, mais surtout que le tout ne souffre pas du plus infime ralentissement ou du moindre clignotement – et aucune puce en renfort ici pour suppléer le processeur de la console. Chapeau bas. La visite n’étant pas exactement courte – comptez pas loin de deux heures pour finir le jeu en ligne droite – on appréciera d’en savourer chaque écran, notamment grâce à une variété impressionnante dans les environnements et les ennemis rencontrés. On sait à quoi servent les 12Mb de la cartouche, et à ce niveau-là le jeu peut sans rougir assumer ses prétentions divines : pour tous les amateurs de 2D, c’est un régal.

Deuxième constatation : c’est dur, et pas qu’un peu. En dépit de sa réalisation sublime, Actraiser 2 tend à jouir d’une réputation pas toujours très flatteuse : celle de figurer parmi les titres les plus difficiles du genre, et celle-ci n’est clairement pas usurpée. Dès les premiers instants, le jeu vous envoie tout ce qu’il a au visage : des ennemis que vous n’avez pas le temps de voir venir, des pointes mortelles, des mini-boss, des boss, des phases à défilement imposé, des labyrinthes, un boss rush, un mini-boss rush, l’évier, le lavabo, la porte de la cuisine – tout y passe.

Même dans le mode de difficulté le plus bas, on en prend plein la poire (et dois-je préciser que le boss final n’est accessible qu’à la condition de jouer au moins en difficulté « normale » ?), et on comprend très vite que le système de mot de passe du jeu n’est peut-être pas là qu’en raison de la longueur d’une partie standard : pour vaincre un niveau, il faudra souvent y passer beaucoup de temps – et on sera d’ailleurs reconnaissant à ce titre que le jeu ait eu la bonne idée de vous laisser choisir l’ordre des niveaux histoire d’avoir une chance de voir autre chose après avoir passé deux ou trois heures en boucle sur la même séquence. On notera aussi un véritable souci de variété dans les phases rencontrées : séquences de saut entre des navires volants, séquence de rotation en mode 7 à la Super Castlevania IV, plate-formes vivantes qui cherchent à blesser leur occupant ; on est toujours surpris – mais plutôt en bien – par la palette de sadisme étalée par le programme. Autant se faire à l’idée : pour vraiment apprécier Actraiser 2, il faudra aimer souffrir.

Le truc, c’est que la difficulté en elle-même peut être sa propre récompense – après tout, des séries entières comme les Dark Souls ou les Ninja Gaiden lui doivent l’essentiel de leur réputation – mais à deux conditions : qu’elle ne soit jamais bêtement injuste, et que la jouabilité soit irréprochable. C’est hélas dans ce dernier domaine qu’Actraiser 2 se rate quelque peu, la faute à un héros qui se traîne comme s’il devait supporter le poids des contradictions de la classe politique française – ce qui est un peu gênant dans un monde où les adversaires vont tous plus vite que lui et ne se privent pas de lui laisser très peu de temps pour réagir.

De fait, le titre de Quintet fait partie de ces jeux où l’habileté et les réflexes ne suffisent pas : la mémoire sera indispensable, mais le vrai problème est aussi et surtout que l’emploi du fameux « double-saut avec les ailes dans le dos » demandera aussi une longue phase de maîtrise pour éviter de finir à quinze mètres de l’endroit que vous visiez au moment de réaliser un saut délicat. Sachant que les masques de collisions ne sont pas des modèles de précision (ce qui se constate assez souvent avec les projectiles que votre bouclier devrait bloquer – et qu’il ne bloque pas), la note commence à être lourde, et autant dire que la première heure de jeu risque de ne pas être un long moment d’émerveillement, surtout si vous avez les nerfs fragiles. Néanmoins, au terme de cette période d’acclimatation qui pourrait vous coûter quelques manettes, il s’avère que les choses finissent par se mettre assez bien en place et que la jouabilité commence alors à se montrer réellement pertinente – au point qu’on peut même se surprendre, après avoir passé de très, très longues minutes à vouer le jeu aux gémonies en en faisant profiter tout le voisinage à l’aide d’expressions fleuries, à découvrir qu’on passe finalement plutôt un bon moment en compagnie du programme. Simplement, il aura fallu lui laisser un peu de temps.

Cette courbe de progression frustrante restera d’ailleurs comme le plus gros défaut d’un jeu auquel on pardonne finalement assez vite d’avoir renoncé à son aspect city builder – si celui-ci avait été aussi exigeant que la partie action, ça aurait vraiment commencé à faire beaucoup. Les premiers instants sont loin d’être idylliques, et on peut aisément comprendre que de nombreux joueurs aient eu envie d’aller prendre l’air et de ranger le jeu dans un coin bien avant d’avoir dompté le maniement de son héros pachydermique et de ses sauts de puce à dix centimètres de distance.

C’est d’autant plus dommage que le jeu aurait déjà été largement assez difficile avec un personnage un peu plus réactif et un peu plus vif – même si celui-ci réagit au quart de tour, son aspect « embourbé » pénalise vraiment une expérience de jeu qui n’en avait pas besoin. Une fois ces contraintes domptées, le jeu révèle alors toutes ses qualités, et elles sont vraiment nombreuses – suffisamment pour mériter de lui consacrer le temps qu’il nécessite, car les morceaux de bravoure sont légion et l’univers du jeu fait parfois vraiment mouche grâce à ses graphismes superbes. Mieux vaudra l’aborder avec cet état d’esprit : celui d’un beau voyage qui va commencer par une longue et douloureuse gamelle, et que la douleur causée par celle-ci subsistera au moins pendant les premières heures. Mais si vous arrivez au stade où vous commencez vraiment à apprécier le trajet, alors Actraiser 2 est un jeu qui est appelé à vous rester en mémoire. Serez-vous prêt à tenir jusque là ?

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

À la question « Actraiser 2 est-il la suite que les joueurs attendaient ? », la réponse tend à être unanime : non. Dépourvu de ce qui faisait l'originalité – et pour ainsi dire l'identité – du premier opus, le titre de Quintet commence par décevoir en versant dans l'action/plateforme classique, et c'est à prendre ou à laisser. Est-ce pour autant un mauvais jeu ? Les premiers instants pourraient laisser augurer du pire, tant la difficulté redoutable associée à une jouabilité lourde et pas toujours assez précise semble annoncer un calvaire, mais en acceptant de se confronter à une courbe d'apprentissage aussi raide que frustrante, on peut néanmoins découvrir une expérience certes (trop) exigeante, mais transcendée par une réalisation absolument sublime et par une variété très appréciable. Peu accessible, la cartouche l'est assurément, mais les amateurs de défi pourraient néanmoins découvrir avec elle un programme bien plus séduisant qu'il n'en a l'air – à condition d'avoir des nerfs d'acier. Une suite maladroite, mais un jeu qui mérite clairement une seconde chance – et peut-être même une troisième.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté immonde...
– ...souvent due à une jouabilité trop raide...
– ...et à des masques de collision pas assez précis

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Actraiser 2 sur un écran cathodique :

Demon’s Crest

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : Demon’s Blazon : 魔界村紋章編 (Demon’s Blazon : Makai-Mura Monshou Hen – Japon)
Testé sur : Super Nintendo
Disponible sur : 3DS, Switch, Wii U

La série Ghosts’n Goblins (jusqu’à 2000) :

  1. Ghosts’n Goblins (1985)
  2. Ghouls’n Ghosts (1988)
  3. Gargoyle’s Quest (1990)
  4. Super Ghouls’n Ghosts (1991)
  5. Gargoyle’s Quest II (1992)
  6. Demon’s Crest (1994)
  7. Arthur to Astaroth no Nazo Makaimura : Incredible Toons (1996)
  8. Makaimura for Wonderswan (1999)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 21 octobre 1994 (Japon) – Novembre 1994 (Amérique du Nord) – Mars 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Les aventures de Firebrand la gargouille (qui est en fait un démon, mais je vous laisse trancher la question de savoir si ce ne serait pas le cas de toutes les gargouilles) auront toujours un peu sonné comme une anomalie. Spin-off d’une série qui se suffisait parfaitement à elle-même, portés par un antagoniste si mineur qu’il ne figurait même pas au rang des boss de Ghosts’n Goblins et Ghouls’n Ghosts, avec la volonté d’une composante « aventure » dans un univers dont le lore tenait sur une feuille de papier à cigarette, les deux épisodes de Gargoyle’s Quest avaient été deux surprises – deux bonnes surprises.

Néanmoins, à l’image de leur héros griffu qui tendait à planer difficilement plus qu’à s’envoler, les deux cartouches parues tardivement sur des systèmes en fin de vie éloignés de la lumière des projecteurs laissaient un sentiment d’incomplétude, comme une sorte de brouillon prometteur mais pas totalement assumé d’un titre plus cohérent et plus ambitieux qui finirait peut-être par voir le jour, si Capcom n’avait pas décidé entretemps de focaliser son attention sur des licences plus porteuses. Alors on attendit, et puis on oublia, et puis on passa à autre chose, car l’actualité était suffisamment dense pour ne pas s’accrocher à la résurgence d’une saga dérivée sympathique mais finalement assez mineure. Et c’est là, subrepticement, alors que tous les regards étaient déjà tournés vers la génération 32 bits qui s’apprêtait à débarquer, que Demon’s Crest choisit de faire son entrée – sur Super Nintendo, cette fois. Et alors, on comprit que la gargouille ne venait pas de passer deux ans à se tourner les pouces : elle avait bien travaillé, la bougresse.

Le titre a beau ne pas s’appeler Gargoyle’s Quest III, difficile de nier la filiation évidente qu’il entretient avec ses deux prédécesseurs – et pas juste parce qu’il reprend le même héros et le même univers. Le scénario, à peine esquissé, laisse ici une part de mystère : il est question du royaume des démons, et de comment six joyaux tombés du ciel causèrent un jour une guerre civile pour se les procurer.

L’identité de celui qui parvint à mettre les griffes sur les six avant d’être terrassé d’une attaque dans le dos, affaibli par un combat dantesque contre un dragon, n’est jamais clairement stipulée – tout juste remarquera-t-on qu’il ressemble beaucoup à notre gargouille, qui ne serait donc pas pour une fois un héros choisi pour sauver le monde en faisant exactement la même chose que les gentils. On a à peine le temps d’y réfléchir que déjà, l’aventure commence, et d’une façon authentiquement gonflée pour un titre de 1994 : via un combat de boss, rien de moins. Une subtile référence à Super Metroid, qui avait été un des tout premiers logiciels à choisir de s’ouvrir d’une façon similaire sept mois plus tôt ? On peut être tenté de le penser car, comme on va vite le découvrir, la référence va au-delà du simple clin d’œil : dans ses mécanismes, Demon’s Crest est indéniablement ce que l’on n’appelait pas encore un Metroidvania.

Pour mieux comprendre les évolutions opérées en deux ans, le plus simple est de commencer par regarder en quoi la recette des deux premiers épisodes a été altérée. Première victime, et sans doute la plus justifiée : la composante faussement J-RPG avec des PNJs qui vous délivraient des informations rarement passionnantes dans des villages où il n’y avait pas grand chose à voir ni à faire. Il n’y a plus qu’une seule ville, dans Demon’s Crest, et celle-ci est présentée en vue de profil, comme toutes les séquences d’action du jeu.

À l’exception d’un démon affalé près d’une fontaine, plus personne n’est là pour vous raconter sa vie : les portes dissimulent les services qui pourront être utiles à votre démon : vente de sortilèges, analyse de talismans, puis vente de potions aux effets divers (mais on ne va pas se mentir, c’est surtout le soin qui va vous intéresser), le tout contre pièces sonnantes et trébuchantes que vous pourrez trouver sur les monstres, dans des urnes ou en brisant divers objets grâce à une de vos nouvelles capacités consistant en un coup de boule en direction du décor. Quant à la carte du jeu, inutile de s’embarrasser à l’explorer à pied : Firebrand s’est enfin avisé qu’il avait des ailes dans le dos, et il pourra littéralement parcourir le monde en volant grâce au splendide Mode 7 de la console pour aller visiter les différents niveaux et commerces du jeu dans l’ordre de son choix (une dizaine au total), quitte à y revenir par la suite. Car comme on va le voir, l’exploration est enfin devenue une donnée pertinente, dans Demon’s Crest.

Il se trouve en effet que Firebrand est devenu une créature plus évolutive que jamais, à condition de trouver les power-up nécessaires, lesquels sont souvent gardés par des boss – une PLÉTHORE de boss, mais nous aurons l’occasion d’y revenir –, à moins qu’ils ne soient dissimulés dans des niveaux, et souvent accessibles via des capacités qu’il faudra commencer par dénicher.

Par exemple, les six pierres du jeu, chacune rattachées à un des quatre éléments plus le temps et le ciel, autorisent notre gargouille à changer de forme : avec l’air, il pourra voler sans limite plutôt que de se contenter de planer en ligne droite, avec l’eau, il pourra nager et se déplacer dans les profondeur marines, avec la terre il pourra foncer et détruire certains éléments sur sa route, etc. Il existe également de nombreux pouvoirs secondaires, des talismans pouvant apporter un bonus passif (mais uniquement un à la fois, il faudra donc arrêter un choix en fonction de la situation), et si notre héros sait utiliser la magie, il lui faudra trouver des parchemins pour stocker les sortilèges – et de l’argent pour les acheter, tout comme les potions qui nécessiteront pour leur part des fioles pour être conservées. Bref, il y a beaucoup de choses à trouver, et il faudra beaucoup de temps pour avoir les capacités nécessaires à les découvrir toutes.

L’une des nombreuses qualités de cette approche est que le jeu n’impose plus son rythme au joueur : celui-ci est libre d’aller explorer les niveaux dans l’ordre qui lui plait, de foncer tout droit ou au contraire de retourner chaque pierre, et les aventuriers rebutés par la difficulté du jeu – consistante, comme toujours avec Capcom – pourront choisir de s’adonner au farming histoire d’aborder le prochain niveau avec de confortables réserves de potions et de sorts – dans la limite des réceptacles qu’ils auront dénichés, comme on l’a vu, car on n’a rien sans rien. Histoire d’offrir une carotte à ceux qui ne verraient pas nécessairement l’intérêt de finir le jeu à 100%, le titre offre trois fins différentes en fonction des pouvoirs amassés, et la meilleure nécessitera bien évidemment d’avoir mis la main sur tout ce que peut contenir l’inventaire.

Mais on pourra être tenté d’y revenir, d’abord parce que l’aventure n’est pas extrêmement longue (le jeu peut être bouclé en 1H30 en sachant parfaitement quoi faire, mais comptez plutôt quatre à cinq heures pour votre première partie, en fonction de votre habileté), ensuite et surtout parce que la jouabilité est à la hauteur de la réalisation – superbe – de la cartouche. Dès le combat inaugural contre un dragon occupant la moitié de l’écran, on a l’occasion de se remémorer le talent des artistes de chez Capcom, et autant en profiter pour dire qu’on aura le temps d’apprécier les boss car il y en a littéralement tous les deux mètres : c’est pratiquement un boss rush, et certains d’entre eux étant particulièrement délicats à vaincre, mieux vaudra faire usage de toutes les aptitudes débloquées en chemin pour espérer survivre. En revanche, petit bémol, dans un titre où l’on doit souvent changer de forme une dizaine de fois par minute : avoir à repasser par le menu à chaque fois devient rapidement une corvée ; quelques raccourcis pour accélérer le processus n’auraient clairement pas fait de mal.

Reste qu’on est littéralement happé de la première à la dernière minute, et qu’on aurait signé des deux mains pour davantage de niveaux, davantage d’environnements, davantage de pouvoir – davantage de tout ! –, ce qui est toujours bon signe ; il y avait vraiment matière à en offrir encore deux fois plus (ce qui aurait malgré tout nécessité une cartouche assez massive, celle-ci pesant déjà la bagatelle de 16Mb).

En fait, avec le recul, on se dit qu’on n’est vraiment pas loin des prémices d’un Symphony of the Night, et qu’il aurait juste fallu un tout petit peu plus de mise en scène et surtout une ambition encore placée un cran au-dessus ; ce qui aurait été difficile, surtout pour une série dérivée encore relativement confidentielle – dont Demon’s Crest signera d’ailleurs la fin. C’est un peu frustrant tant le jeu respire le potentiel par tous les pores, ce que la simple émergence du genre du Metroidvania viendra confirmer – peut-être existe-t-il une réalité alternative où Capcom aura prolongé la série et où l’on parle de Metroidcrest ? Quoi qu’il en soit, pour tous les amateurs d’action/plateforme, la question ne se pose même pas : Demon’s Crest est un indispensable de la ludothèque, le type de cartouche qu’on aime relancer de temps à autre en regrettant que Firebrand ait fini par regagner des cartons d’où plus personne n’a daigné le sortir depuis. Car bon sang, pour un ennemi qu’on avait tant appris à détester neuf ans plus tôt, il était quand même bougrement sympathique.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20

Si Demon's Crest ne s'intitule pas « Gargoyle's Quest III », c'est sans doute parce qu'il a su faire arriver la formule originelle à maturation en la débarrassant de toutes les scories qui plombaient le rythme ou allongeaient artificiellement la durée de vie pour arriver à son aboutissement logique : un des premiers Metroidvania. Avec une composante exploration enfin intéressante, des pouvoirs qui dopent les possibilités du gameplay et toujours des possibilités de farming pour investir dans les potions et les sortilèges afin de se faciliter la tâche, le titre de Capcom laisse enfin le joueur dicter le rythme de l'aventure et le récompense réellement de mettre son nez partout. Grâce à une jouabilité inattaquable à une réalisation splendide, la cartouche vise juste à tous les niveaux, et en dépit d'une difficulté digne de la série dont elle est issue, on regrette presque que l'aventure ne soit pas encore un peu plus longue. Quelles que soient vos affinités avec le genre, Demon's Crest est définitivement une aventure à découvrir ; une addition de choix à la ludothèque de la machine.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des passages constants par le menu pour changer de forme ou de pouvoir, là où des raccourcis placés sur les boutons de tranche auraient été les bienvenus
– Difficulté « Capcom » : préparez-vous à souffrir
– Encore un peu court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Demon’s Crest sur un écran cathodique :

Shinobi X

Développeur : Tose Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – Vic Tokai, Inc. (Amérique du Nord)
Titre original : Shin Shinobi Den (Japon)
Titre alternatif : Shinobi Legions (Amérique du Nord)
Testé sur : Saturn

La saga Shinobi (jusqu’à 2000) :

  1. Shinobi (Arcade) (1987)
  2. The Revenge of Shinobi (1989)
  3. Shadow Dancer (1989)
  4. Shadow Dancer : The Secret of Shinobi (1990)
  5. The Cyber Shinobi (1990)
  6. Shinobi (Game Gear) (1991)
  7. Shinobi II : The Silent Fury (1992)
  8. Shinobi III : Return of the Ninja Master (1993)
  9. Shinobi X (1995)

Version Saturn

Date de sortie : 30 juin 1995 (Japon) – 21 septembre 1995 (Amérique du Nord) – 13 octobre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aurait pu penser, à l’heure du lancement de la Saturn, que le premier mouvement de SEGA – le plus évident, le plus rationnel, et pour ainsi dire le plus viable – aurait été de s’appuyer sur le succès de ses licences maisons.

De la même manière qu’on a du mal à imaginer la sortie d’une console de Nintendo sans un Mario au line-up et un Zelda ou un Metroid dans les cartons, la nouvelle pépite 32 bits de SEGA aurait eu du mal à être mieux mise en valeur que par un épisode de Sonic the Hedgehog – on sait comment cela se sera terminé au final, tant la cicatrice est restée vivace, comme le seront restées les absences de séries aussi iconiques que Streets of Rage ou Phantasy Star, tant la firme japonaise semblait davantage obnubilée par les portages de ses succès de l’arcade les plus récents. Néanmoins, on pourra au moins citer une licence majeure qui aura pu honorer la Saturn de sa présence : Shinobi, qui aura livré ce qui sera resté son ultime épisode sur une console SEGA (et son dernier opus au XXème siècle alors que la série venait d’enchaîner sept titres en quatre ans) : Shinobi X. Une sortie qui aura d’ailleurs fait assez peu de bruit à l’époque tant les joueurs occidentaux, ces ingrats, étaient déjà obnubilés par la déferlante de la 3D à laquelle les nouvelles aventures du ninja avaient choisi (courageusement ou curieusement ?) de ne pas appartenir, préférant en rester à la bonne vieille 2D de la génération précédente.

Parler des « nouvelles aventures du ninja » est d’ailleurs erroné, puisque Joe Musashi a cette fois tiré sa révérence pour laisser sa place à un nouveau venu nommé Sho. Au commencement était donc un maître du ninjitsu avec trois élèves : Sho, son frère Kazuma, et la propre fille du maître, Aya. Comme dans toutes les tragédies shakespeariennes, Kazuma aura fini par faire bande à part, dévoré par l’ambition et furieux que le maître ait refusé de lui transmettre la technique ultime de leur ordre.

Bien des années plus tard, longtemps après la mort de son maître, c’est à la tête d’une véritable armée qu’il fait son retour, bien décidé à arracher le dernier secret qui manque à sa puissance… ce qui est déjà passablement idiot, puisque comme on l’a vu son maître et mort et que rien n’indique qu’il ait transmis le secret de la technique à l’un des deux autres élèves – auquel cas, l’élève en question serait de toute façon assez puissant pour rivaliser avec Kazuma – mais c’est pas grave, l’important est qu’Aya se fait enlever et que c’est bien évidemment Sho, parti à sa rescousse, que le joueur va incarner au fil de neuf niveaux revisitant largement la plupart des passages marquants de la saga – l’environnement du premier, à titre d’exemple, évoquant furieusement celui du niveau inaugural de The Revenge of Shinobi.

Notre nouveau (et éphémère) ninja peut compter sur l’essentiel de la panoplie de son prédécesseur : double saut, réserve de kunai, rebonds sur les murs, accrochage aux branches, sans oublier l’inévitable katana. Il n’a plus cependant qu’un unique pouvoir de ninjitsu, lequel sera à dénicher au sein des niveaux et non plus fourni d’office avec chacune de ses vies, et fera toujours office de smart bomb.

On trouvera également plusieurs power-up dont des sphères permettant de gagner une vie toutes les dix unités collectées, un sabre doublant sa puissance et une invincibilité temporaire. Tous les piliers de la série sont donc a priori présents, mais Sho se révèle également capable de courir et d’enchaînements au katana auxquels Joe ne nous avait pas habitué, ce qui lui permet, entre autres gourmandises, de renvoyer les projectiles à leur lanceur à condition de respecter le bon timing, ce qui modifie mine de rien énormément l’approche de la jouabilité tant les kunai sont devenus nettement moins indispensables ; savoir parer et renvoyer les projectiles sera désormais la clef de beaucoup de combats où les ennemis vous laissent souvent assez peu de temps pour réagir.

Au moment d’aborder la question de l’exécution du jeu, autant en profiter pour mentionner l’éléphant dans la pièce : son esthétique. Quitte à embrasser la modernité, l’équipe de développement aura en effet fait un choix qui risque de ne pas plaire à tout le monde : celui de graphismes réalistes s’appuyant sur des acteurs digitalisés, à la Mortal Kombat. Dire que le résultat a plus mal vieilli que le pixel art auquel il succédait serait un euphémisme tant le résultat tient d’un collage cheap évoquant les vieux romans-photos et qui donne à son univers un aspect carton-pâte qui sonne faux de A à Z.

Si cela n’est pas trop gênant en jeu, où on sent malgré tout que le résultat aurait été bien meilleur avec des illustrateurs en lieu et place de photographes, difficile de ne pas être secoué d’un rire nerveux en assistant au déroulé d’un scénario objectivement pas fameux via des vidéos qui évoquent les pire nanars de ninjas philippins imputables à Godfrey Ho. On n’avait pas trop envie d’y penser, mais autant se rendre à l’évidence quand on voit un type en pyjama qui joue comme un pied se débattre dans des entrepôts et des couloirs désaffectés parce que ce sont les seuls décors que la production a les moyens de lui offrir : les ninjas sont ridicules, surtout quand ils n’ont pas de budget.

Sachant que Kazuma est de toute façon limité à être un gros méchant qui veut du pouvoir par pure mégalomanie et que l’unique rôle d’Aya et de se faire kidnapper à répétition (en trouvant malgré tout le temps de livrer à Sho le secret de la technique ultime qui ne l’empêche visiblement pas de se faire enlever toutes les cinq minutes), on ne va pas dire que ces séquences fauchées tournées maladroitement au premier degré aident à se sentir franchement impliqué dans les tracas de notre ninja. Un aspect « à côté de la plaque » qu’on retrouve hélas dans des thèmes musicaux pas très inspirés, heureusement remplacés dans la version européenne par des compositions de Richard Jacques inspirées de celles de Yuzo Koshiro – pour une fois, les perfectionnistes auront une raison de préférer cette version européenne à toutes les autres.

Si le cœur du jeu en lui-même fonctionne bien et se révèle globalement agréable à jouer, avec des combats efficaces et une jouabilité précise, on ne peut s’empêcher de sentir un certain manque de finition qui, sans faire basculer le titre dans le champ de la médiocrité, tend à faire pencher en sa défaveur la comparaison avec l’excellent Shinobi III à pratiquement tous les niveaux.

Loin de l’extraordinaire variété de son prédécesseur, qui enfilait les scènes d’anthologie comme des perles, Shinobi X se complait dans un level design sans inspiration avec beaucoup de grand couloirs rectilignes, et si apprendre à composer avec les différents obstacles et adversaires aide à garder les choses suffisamment intéressantes pour avoir envie d’arriver au bout de l’aventure, on regrette de ne retrouver absolument aucune des idées qui avaient fait mouche auparavant – les séquences à cheval ou en jet-ski, les énigmes à base de bombe, tout cela est passé à la trappe en même temps que le formidable sens du rythme qui avait tant impressionné deux ans plus tôt. Il en ressort souvent une impression mitigée, celle d’un jeu qui essaie d’être Shinobi mais qui a peur que la moindre tentative d’imprimer sa patte sur la licence soit vécue comme une trahison, et qui à force de chercher à se grimer en ninja finit par côtoyer le grotesque – comme si ce nom trop lourd à porter lui coupait définitivement les ailes.

En résulte un jeu imparfait mais sympathique avec ses bons moments entre deux hilarantes séquences de nanar, mais qui aurait peut-être mieux révélé son potentiel s’il avait eu à porter un nom moins chargé d’histoire et d’attentes des fans. Il restera comme ce qu’il est : une tournée d’adieux trop sage se contentant de reprises mécaniques de ses plus grands succès sans l’inclusion d’un seul titre original, aucun rappel, et merci pour tous les fans mais il est l’heure de profiter de la retraite. Un bon moment qui laisse pourtant comme un pincement amer – c’est sans doute ça qu’on appelle la nostalgie.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Pour sa dernière aventure au XXe siècle, la saga emblématique de SEGA signe avec Shinobi X un épisode qui place un peu trop d'efforts dans une réalisation en toc riche en vidéos nanardesques et en digitalisations à l'esthétique de roman-photo cheap et pas toujours assez du côté du game design. Même si l'efficacité de la jouabilité assure l'essentiel en offrant quelques possibilités intéressantes et en revisitant le système de jeu qui a fait la force de la série, on ne peut s'empêcher de sentir un manque d'inspiration générale, à l'image du scénario involontairement hilarant, où chaque composante du jeu fait un peu moins bien que celles de son fabuleux prédécesseur. Au final, on obtient un jeu d'action/plateforme efficace mais jamais surprenant qui porte sur ses épaules un nom un petit peu trop lourd pour lui.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un level design paresseux se limitant trop souvent à de longs couloirs
– Un système de jeu rééquilibré pas toujours pour le meilleur
– Aucune originalité, peu de séquences marquantes
– Une réalisation qui a moins bien vieilli que celle de la génération précédente

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shinobi X sur un écran cathodique :

Crime City (Taito Corporation)

Développeur : Taito Corporation
Éditeur : Taito Corporation
Testé sur : Arcade

La série Chase H.Q. (jusqu’à 2000) :

  1. Chase H.Q. (1988)
  2. Crime City (1989)
  3. S.C.I. : Special Criminal Investigation (1989)
  4. Chase H.Q. II (1992)
  5. Super Chase : Criminal Termination (1993)
  6. Super Chase H.Q. (1994)
  7. Ray Tracers (1997)
  8. Chase H.Q. : Secret Police (1999)

Version Arcade

Date de sortie : Septembre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version export
Hardware : Processeurs : Motorola MC68000 12MHz ; Zilog Z80 4MHz
Son : Haut-parleur ; YM2610 OPNB 8MHz ; 1 canal
Vidéo : 320 x 224 (H) 60Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Un cynique vous dira que développer un jeu vidéo, c’est commencer par décider à quel(s) logiciel(s) on va aller voler des idées.

Certes, comme dans toutes les exagérations, il y a un fond de vérité : un genre vidéoludique étant, par définition, la reproduction d’une série de mécanismes déjà utilisés ailleurs jusqu’à en venir à le définir, n’importe quel jeu s’inscrit dans une forme de tradition qui lui offre d’excellentes raisons de ne pas repartir systématiquement de zéro en prétendant réinventer la poudre. La ligne de démarcation avec le plagiat peut sembler ténue – et elle l’a souvent été – mais au fond, personne n’irait accuser quelqu’un faisant usage du langage et de la grammaire d’avoir volé le moyen d’expression des autres.

Il n’empêche que souvent, certains programmes hurlent littéralement leurs influence, et que Chase H.Q. faisait partie de ceux qui auraient eu du mal à renier leur filiation tant l’héritage – dans la représentation, dans la technique, dans les mécanisme – d’OutRun paraissait évident. Comme quoi, on peut reprendre une formule qui marche pour en faire, avec très peu de modifications, une formule qui continue de marcher, et cette constatation aura sans doute amené quelques petits malins à réfléchir du côté de chez Taito. Si l’on avait pu reproduire le succès d’une des bornes les plus marquantes de SEGA, pourquoi ne pas retenter l’expérience ? Aussitôt dit, aussitôt fait : prenez les deux super-flics de Chase H.Q., balancez-les dans un jeu d’action/plateforme lourdement inspiré de références parmi lesquelles figurent Shinobi et Rolling Thunder et vous obtiendrez Crime City, un spin-off… qui n’a absolument pas marqué les esprits, et qui n’aura d’ailleurs jamais quitté les salles d’arcade, même pas pour boucher un trou dans une compilation de bornes émulées. Comme quoi, ça ne fonctionne pas à tous les coups, en fait.

Crime City, c’est donc de l’action en vue de profil où l’on contrôle un (ou deux, car il faut au moins noter la présence du multijoueur) flic(s) dans les rues d’une cité mal famée mais qui l’avait sans doute un peu cherché en choisissant un nom pareil. L’objectif : vaincre les malfrats à l’aide de votre pistolet et des diverses armes automatiques que vos adversaires ne manqueront pas de lâcher en avançant vers la droite (et parfois vers la gauche) jusqu’au boss. Les munitions étant limitées, mieux vaudra faire preuve d’un minimum de retenue pour ne pas avoir à se débrouiller avec ses poings et avec une très pratique roulade, et pour le reste on a déjà pratiquement dévoilé en un paragraphe l’intégralité de ce que les six niveaux du jeu ont à offrir – de quoi sauver le maire et tuer une vingtaine de minutes dans la joie et la bonne humeur.

Une idée originale quelque part ? Pour être honnête, on sent bien quelques tentatives de proposer des choses un peu différentes : par exemple, ces (trop) rares passages où l’action bascule dans une vue à la troisième personne pour offrir une séquence d’action à la Cabal, ce combat contre un hélicoptère tandis que les personnages sont coincés dans des nacelles, ce court niveau où il faut sauter de véhicule en véhicule ou encore ceux où l’éclairage change quand on tire dans les néons. Mais dans l’ensemble, on ne peut s’empêcher de sentir une prise de risques beaucoup trop timide pour espérer imprimer son sceau sur le genre : tout ce qui est vaguement original est beaucoup trop court et pas du tout exploité à son plein potentiel. Les passages à la Cabal, par exemple, doivent péniblement réunir vingt-cinq secondes de jeu sur toute une partie ; à se demander s’ils ne correspondraient pas à un ajout de dernière minute, ce qui expliquerait au passage que la très pratique roulade n’y fonctionne même pas alors qu’elle compose normalement un mécanisme fondamental de ce type de gameplay

Très honnêtement, on aurait facilement pardonné à Crime City sa brièveté et son manque d’idées si on avait eu, ne fut-ce que ponctuellement, le sentiment de réellement jouer à un successeur des références susnommées et de diriger un Joe Musashi ou un agent secret au milieu de rues extrêmement génériques – ce qui constitue d’ailleurs le premier problème du jeu : son manque absolu d’identité. Les rues américaines, de Vigilante à RoboCop en passant par Shadow Warriors, pour n’en citer qu’une poignée, on commençait déjà à saturer un peu à force de les parcourir, en 1988.

Le fait d’incarner deux policiers hyper-clichés face à des loubards non moins clichés dans un scénario volontairement ultra-archétypal n’aide pas non plus à imprimer une identité sur un jeu qui en aurait eu cruellement besoin : difficile de ressortir de la masse quand on s’échine à reprendre littéralement tout ce qui a été utilisé jusqu’à l’overdose par ailleurs. Le second problème tient d’ailleurs, lui aussi, à une approche trop superficielle du game design : Shinobi, par exemple, devait une large partie de son succès à la précision clinique de sa jouabilité et à l’efficacité redoutable de son level design, chaque groupe d’ennemis devenant une sorte de mini casse-tête à résoudre en temps réel en hiérarchisant bien les cibles et en agissant au bon moment. Un soin qu’on ne retrouve pas dans le jeu de Taito, où l’on est rapidement enseveli sous des ennemis surgissant simultanément de tous les côtés, et une jauge de vie qui paraît purement cosmétique puisque toutes les armes à feu abattent de toute façon votre héros en un seul coup…

Il en résulte une action brouillonne que l’on sent pensée, d’un bout à l’autre, pour être parcourue à deux, et le moindre aspect « tactique » est ici complètement abandonné au profit exclusif des réflexes et de la mémoire.

Le résultat est loin d’être catastrophique ; la jouabilité est précise et la partie est efficace pour le peu de temps qu’elle dure, mais dès l’instant où on se dit que cinq minutes de jeu supplémentaire n’auraient de toute façon rien offert de plus et auraient inutilement délayé une action qui commençait déjà à tirer en longueur, on a finalement assez bien résumé le sentiment que laisse la borne. Crime City est une expérience à laquelle manque les finitions, les petites idées qui changent tout et les morceaux de bravoure : une sorte de bloc de marbre mal dégrossi dont on aurait pu tirer une magnifique sculpture, sauf que personne ne semblait avoir le temps ni l’envie pour ça, alors on a fait au mieux, avec le savoir-faire accumulé, mais sans passion ni génie. C’est largement suffisant pour se vider la tête en se débranchant le cerveau, mais il y a tellement mieux en la matière qu’on comprendra que tout le monde soit immédiatement passé à autre chose plutôt que de faire mine de trouver des qualités cachées à ce qui n’était sans doute guère plus qu’un biscuit apéritif en attendant la sortie de S.C.I.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20

Après le succès de Chase H.Q., clone assumé d'OutRun, Taito aura visiblement décidé d'employer la même philosophie en allant puiser à seaux entiers dans Shinobi et Rolling Thunder. Le résultat ? Crime City, un jeu qui n'invente rien à un quelconque niveau – ce qui ne l'empêche pas d'être amusant tant il ne restait de toute façon pas grand chose à inventer dans le domaine de l'action/plateforme en 2D. Le seul vrai défaut du titre, en-dehors de son manque absolu d'originalité, c'est surtout de ne jamais parvenir à se hisser à la hauteur de ses modèles faute d'un level design et d'un gameplay suffisamment travaillés pour donner le change. Seule bonne surprise : la possibilité de jouer à deux, ce qui offrira une bonne occasion de tuer un quart d'heure avec un ami une ou deux fois par an.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Aucune idée neuve ou vaguement marquante
– Une difficulté « arcade » à l'équilibrage douteux
– Très court
– Trop peu de variété dans l'action

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Crime City sur une borne d’arcade :

The Terminator (Gray Matter)

Développeurs : Gray Matter Inc. – Mindscape, Inc.
Éditeur : Mindscape, Inc.
Testé sur : Super Nintendo

La licence Terminator (jusqu’à 2000) :

  1. The Terminator (Bethesda Softworks) (1991)
  2. Terminator 2 : Judgment Day (Midway Manufacturing Company) (1991)
  3. Terminator 2 : Judgment Day (Dementia) (1991)
  4. T2 – Terminator 2 : Judgment Day (Game Boy) (1991)
  5. T2 – Terminator 2 : Judgment Day (Software Creations) (1992)
  6. The Terminator (Radical Entertainment) (1992)
  7. The Terminator (Probe Software) (1992)
  8. The Terminator 2029 (1992)
  9. The Terminator (Virgin Games) (1993)
  10. The Terminator (Gray Matter) (1993)
  11. T2 : Terminator 2 – Judgment Day (B.I.T.S.) (1993)
  12. RoboCop versus The Terminator (Virgin Games) (1993)
  13. The Terminator : Rampage (1993)
  14. Terminator 2 : Judgment Day – Chess Wars (1993)
  15. RoboCop versus The Terminator (Interplay Productions) (1994)
  16. The Terminator : Future Shock (1995)
  17. SkyNET (1996)

Version Super Nintendo

Date de sortie : Avril 1993 (Amérique du Nord) – Mai 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Imaginez un peu qu’un jour, on vous confie la mission – pour ne pas dire la charge – d’adapter en jeu vidéo une licence aussi marquante que pouvait l’être Terminator au début des années 90, lorsqu’elle était pour ainsi dire au pic de sa popularité (les choses ont un peu changé depuis).

Il y aurait probablement un mélange de pression écrasante et d’excitation face au défi à relever : comment retranscrire l’atmosphère du film ? Sur quels éléments s’appuyer pour concevoir le gameplay ? Quels seraient les scènes incontournables, les références pertinentes, le fan service qui ferait mouche ; quelles trahisons seraient appropriées pour étendre l’univers au-delà de ce qu’en montre le(s) long(s)-métrage(s) ? Qu’est-ce qui serait efficace, qu’est-ce qui serait marquant, et plus important que tout : qu’est-ce qui serait amusant ? Sans oublier cette petite lumière de la raison qu’il faudrait constamment faire taire et qui viendrait murmurer avec insistance : « Qu’est-ce qui est réalisable dans le délai imparti ? ». Dans un monde idéal et à bord d’une entreprise ambitieuse, la tâche pourrait être grandiose ; malheureusement, on peut aussi se réveiller dans le monde réel et embarqué à bord du studio canadien Gray Matter, avec un pitch meeting qui aura probablement ressemblé à quelque chose dans ce genre : « Faire quelque chose. Vite. »

Dès le début, et en dépit des neuf années le séparant du film dont il est tiré, The Terminator sur Super Nintendo n’est pas exactement un programme qui respire la prise de risques.

On retrouve pour ainsi dire tous les passages obligés que cochaient déjà pratiquement toutes les adaptations l’ayant précédé : la reprise de l’animation du titre tel qu’il apparaissait dans le long-métrage (mais sans le thème original, pour une raison quelconque), l’action qui s’ouvre dans le futur post-apocalyptique dévasté par Skynet, un passage dans les rues d’une ville de Los Angeles visiblement gangrénée par la délinquance, la fuite du commissariat après avoir retrouvé Sarah Connor, et l’inévitable confrontation finale avec le T-800 – avec, pour faire bonne mesure, deux séances de course-poursuite en voiture avec vue en simili-3D. Autant dire l’essentiel et pas grand chose de plus – on remarquera d’ailleurs que la fameuse séquence dans le bar du Tech Noir n’aura même pas droit de cité ici, les développeurs ayant visiblement estimé que les trois quarts d’heure nécessaires pour compléter l’aventure étaient déjà bien suffisants. La jouabilité, pour sa part, correspond au mélange de run-and-gun et de plateforme auquel on pouvait s’attendre, avec un bouton pour sauter, un autre pour tirer avec son fusil, un troisième pour lancer des grenades (à condition d’en avoir trouvé) et un dernier qui vous permettra de faire usage d’un lance-roquette lors de la seule occasion du jeu où vous en trouverez un. Bref : du classique.

Le truc, c’est qu’en lisant cet inventaire, on est finalement très proche de la description de l’adaptation qui allait voir le jour sur Mega-CD à peine deux mois plus tard ; rien que l’on puisse qualifier de surprenant, mais largement les éléments nécessaires à un jeu d’action efficace. Seulement, vous n’avez pas pu vous empêcher d’aller regarder la note du jeu avant de lire l’article (sans rancune, on le fait tous), alors vous vous posez sans doute la question : comment, partant du même programme tiré du même film, peut-on aboutir d’un côté à une adaptation de référence et de l’autre à un des titres les plus désespérément médiocres du genre ?

La réponse se résume facilement : le soin apporté aux différentes composantes. Le premier, le plus évident, c’est la réalisation : The Terminator version Super Nintendo est moche, osons le mot. Kyle Reese est à peu près aussi méconnaissable que dans la piteuse version NES réalisée par Radical Entertainment – à laquelle celle-ci fera d’ailleurs souvent penser, ce qui n’est pas bon signe –, les adversaires se ressemblent tous, les décors sont constitués de quelques blocs très semblables répétés ad nauseam, le tout est souvent à peine lisible à cause d’une image trop sombre, et comme si toute cette orgie visuelle pouvait mettre la console à genoux, la cartouche trouve en plus le moyen de ne jamais s’afficher en plein écran, des bandes noires venant constamment réduire la fenêtre de jeu ! Le level design est lui aussi une vaste blague, alignant deux interminables couloirs futuristes en guise de mise en bouche (les deux premiers niveaux se limitent littéralement à courir vers la droite pendant un quart d’heure. UN. QUART. D’HEURE.) avant d’opter pour un niveau de plateforme aussi frustrant qu’absurde, l’essentiel de la progression consistant à aligner les sauts de la foi au-dessus du vide pour espérer dénicher les plateformes qui vous permettront de continuer votre route.

On peut d’ailleurs également citer cette idée géniale de vous faire affronter des hélicoptères dont la fonction est vraisemblablement de vous forcer à perdre au moins un point de vie, le programme allant jusqu’à interdire à votre personnage de se déplacer et même de sauter (!) durant toute la durée du combat ! Le niveau du commissariat, pour sa part, se limite à ouvrir toutes les portes pour dénicher des munitions pour votre fusil (elles étaient illimitées dans les autres niveaux) puis Sarah Connor (spoiler : elle sera derrière la dernière porte), et le niveau final prend la forme d’une des courses-poursuites les plus lentes et les plus faciles de toute l’histoire du jeu vidéo, laquelle se terminera par Kyle Reese matraquant le robot à coup de barre de fer avant que Sarah Connor… ne les tuent tous les deux en même temps à l’aide d’une grenade ! Heu, c’était dans le film, ça ?

Les deux scènes de poursuite, pour leur part, se limitant à éviter des obstacles tout en s’efforçant de tirer sur le véhicule lancé derrière vous (je ne suis même pas persuadé que ce deuxième aspect soit autre que cosmétique), autant dire que l’épopée n’a rien d’inoubliable et qu’elle s’apparente plutôt à un lent et morne chemin de croix. Pourquoi, alors, ne pas avoir attribué au jeu une note encore plus basse ?

Eh bien disons simplement que la jouabilité, pour sa part, est relativement correcte, et qu’il ne manque pas tant de choses que ça pour transformer une expérience fade en un jeu d’action décent : remplacez la réalisation du jeu par des graphismes réussis et une musique d’ambiance efficace, introduisez un peu plus de variété dans l’action, rythmez mieux l’aventure, variez les patterns adverses, ajoutez quelques niveaux ,et vous vous retrouverez avec… la version mega-CD évoquée plus haut. Avec un tout petit peu plus de savoir-faire – ou de professionnalisme, ou peut-être juste de temps – ce qui restera comme un ersatz paresseux d’adaptation aurait sans doute pu constituer un titre très efficace, preuve que la différence entre les deux réside souvent dans les détails. The Terminator sur Super Nintendo, c’est la version Mega-CD sans le talent, et ça fait quand même une sacrée grosse différence. Dès lors, difficile de trouver quelqu’un à qui la conseiller, tant il n’y a absolument rien dans cette cartouche qu’on n’ait déjà vu des milliards de fois en mieux ailleurs sur à peu près toutes les machines de la même génération et des suivantes – et sans doute de la précédente – ; même les fans de la licence n’auront qu’à se baisser pour trouver de meilleures adaptations à la pelle. On ne conservera donc cette expérience malheureuse que pour servir de pense-bête aux développeurs débutants, afin qu’ils s’en servent pour bien se souvenir à quel point la différence entre un excellent jeu et un jeu profondément médiocre est souvent ténue. Ce qui est sans doute déjà mieux que ce que les développeurs de Gray Matter ambitionnaient d’en faire.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 09/20

On attend rarement des miracles des jeux adaptés d'un film – même quand le film en question allait déjà sur ses dix ans – mais en matière de manque absolu d'inspiration, The Terminator sur Super Nintendo mériterait de faire date. Rarement le terme « médiocre » aura trouvé une meilleure matérialisation : réalisation à peine digne d'une console 8 bits, niveaux interminables, sauts de la foi à répétition, action ultra-limitée qui ne se renouvèle jamais, ennemis tous semblables, boss insignifiants... Un vrai catalogue de tout ce qui aurait pu fonctionner si quelqu'un avait semblé s'en soucier à un quelconque niveau, et qui accouche au final d'une des expériences les plus extraordinairement fades du catalogue de la machine. En s'appuyant sur une jouabilité correcte, les joueurs les plus patients pourront éventuellement parvenir à s'accrocher une heure et à dénicher quelques séquences vaguement passables, mais au fond quel intérêt ? À réserver aux mordus qui veulent avoir essayé tous les jeux de la licence.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des niveaux qui s'étirent sans la moindre forme de variété dans les décors ou dans l'action
– Des ennemis tous semblables et qui se comportent exactement de la même manière
– Une surabondance de sauts de la foi dans le deuxième niveau
– Des séquences de poursuite mal pensées et totalement sans intérêt
– Une réalisation minable qui ne fait pas honneur à la machine

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Terminator sur un écran cathodique :

9 lives

Développeur : Frames
Éditeur : Atari Corporation
Testé sur : AmigaAtari ST

Version Amiga

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tandis que l’on redécouvre, au fil d’un temps libre devenu si rare, ces jeux vidéo qui ont (en partie) jalonné notre enfance, il arrive occasionnellement au milieu de ces brefs instants de bonheur qu’une réalisation amère se dessine : et si la nostalgie avait quelque peu enjolivé nos souvenirs ?

Ah, ça, tous les rétrogamers ont fatalement en mémoire des instants de bruyante communion entre amis autour d’une console ou d’un CPC à l’heure du goûter, voire de soirées familiales devant un logiciel que toute ou une partie de la famille cherchait à vaincre – des images d’autant plus émouvantes qu’elle sont nimbées de l’aura d’une période où nous étions plus jeunes, nos rêves moins cadenassés et nos espoirs illimités, et d’ailleurs d’une façon inexplicable même le ciel paraissait plus bleu à l’époque. Mais parfois, la réalité cruelle vient sonner à la porte en dissimulant dans son dos une grosse matraque, et tandis qu’on relance un de ces logiciels qui avait enchanté nos après-midi, on découvre avec un petit pincement désagréable qu’en fait, il n’était pas si bon que ça, ce fameux jeu. C’est finalement parfaitement cohérent : le jeu vidéo a beaucoup évolué en quarante ans, et il est normal que des logiciels n’ayant pas profité des trois ou quatre dernières décennies d’expérience dans le game design apparaissent aujourd’hui… disons, plus « maladroits ». C’est ainsi que parfois on redécouvre des Brat ou des 9 Lives pour lesquels (une partie de) la presse de l’époque ne tarissait pas d’éloges, et qu’on se surprend à penser : « on était réellement capable de jouer à des trucs comme ça, à l’époque ? »

Le cas de 9 Lives, déjà, est un peu particulier : dès le premier écran, on pourrait facilement deviner la date de sortie du jeu tant le programme respire la philosophie 8 bits transférée telle quelle sur les ordinateurs 16 bits. Les aventures de Bob Cat, matou matois parti miauler sa passion ardente à sa dulcinée pour la découvrir enlevée par un savant fou et se mettant en route pour libérer sa mie et ses congénères également retenus prisonniers dans la foulée trahissent une réalisation, un level design et une approche générale qui auraient été comme des poissons dans l’eau sur un Commodore 64 ou un ZX Spectrum – comprendre que l’influence des références japonaises sur console y est minimale.

On sent immédiatement un soin certain dans les diverses animations du personnage principal, que ce soit lorsqu’il s’ébroue en sortant de l’eau (car oui, c’est un chat qui nage) ou lorsqu’il fait un regard caméra et un petit signe de main avant de chuter jusqu’à sa perte tel le premier Will E. Coyote venu quand il tombe dans le vide. Ce genre de petits détails n’était pas encore très courant dans la production du tout début des années 90, où l’on avait pourtant déjà pu apercevoir des animations léchées avec des titres comme Prince of Persia – il faut se souvenir comme tout le monde s’esbaudissait de voir Mickey Mouse mouliner des bras pour garder son équilibre au bord d’une plateforme dans Castle of Illusion, la même année. Bref, il y a dans ce 9 Lives un (tout petit) côté dessin animé qui tendait à pousser certains magazines, principalement du côté de la presse anglo-saxonne, à lui pardonner des errements qui étaient pourtant déjà parfaitement visibles à l’époque.

Le premier, le plus flagrant, celui qui risque de vous sauter aux yeux en même temps qu’à la gorge, c’est sa maniabilité. Ou, pour être plus précis, son système de saut. 9 Lives n’est pas un titre à la Super Mario Bros. où l’on saute avec le bouton, lequel sert ici à attaquer à l’aide d’une pelote de ficelle (autre détail qu’on adorait à l’époque). En fait, chaque bond doit être minutieusement préparé en poussant le stick vers le bas, ce qui remplit une jauge d’impulsion figurée à droite de l’interface, avant d’enclencher le saut en lui-même en poussant le stick vers le haut.

Ça n’a peut-être l’air de rien dit comme ça, mais ce mécanisme, en plus d’être anti-naturel au possible (vous en connaissez beaucoup, des jeux de plateforme où l’action de sauter peut nécessiter jusqu’à trois secondes ?) implique à la fois une courbe de progression aussi fastidieuse qu’inutile tout en augmentant dramatiquement la difficulté de la moindre séquence basée sur le timing. Alors certes, au bout d’une heure ou deux de pratique, on finit par avoir suffisamment de bouteille pour être capable de jauger par avance de la portée et de la hauteur des sauts du félin, ce qui aurait pu faire basculer le programme dans la catégorie « sympathique si on lui laisse un peu de temps ». Malheureusement, il s’avère que cette maniabilité problématique n’est que la racine d’un problème plus large : l’équilibrage, en 1990, la plupart des studios européens ne savaient même pas ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Car autant vous prévenir tout de suite : neuf vies, c’est vraiment très peu pour espérer voir ne fut-ce que le quart d’un des quatre niveaux que le jeu vous demandera de parcourir. À peu près tout ce qui pourrait venir vous pourrir l’existence répond présent, et souvent de la façon la plus agaçante possible : des ennemis absolument partout ? Check.

Des ennemis dont vous ne pouvez jamais vous débarrasser définitivement, mais que vous pouvez simplement incapaciter pour une poignée de secondes, vous plongeant dans une urgence permanente pour la moindre action à entreprendre ? Check aussi. Des niveaux tentaculaires avec six chats à libérer, et des clefs à collecter pour ouvrir leurs cages et les passages y menant ? Allez, tant qu’à faire. Un défilement par à-coups jamais centré sur le héros, hérité de ce qu’on a pu découvrir de pire en la matière sur Atari ST et qui fait qu’on ne voit pratiquement jamais où on va atterrir, transformant tous les sauts du jeu en saut de la foi ? Évidemment qu’on a ça ! Et puis pour bien enrober tout ça, il faut la pire idée de toutes : des pointes mortelles partout, dans tous les sens, qui surgissent sans prévenir et qui viendront sys-té-ma-ti-que-ment punir de mort le moindre saut raté, dès les premiers écrans du premier niveau.

La conséquence immédiate est que 9 Lives figure parmi les titres les plus difficiles auxquels j’aie jamais joués – et sans me vanter, j’en ai quand même parcouru pas mal. Même avec des vies et la santé illimitées, on peut facilement passer dix bonnes minutes à retenter trente fois une séquence de saut avant de la franchir tant certaines ne laissent absolument aucune marge d’erreur, ni dans la précision ni dans le timing. Et si au moins on ne devait pas composer avec cette maniabilité à la gomme !

Mais le vrai problème de fond, c’est surtout que strictement rien n’invite à surmonter ces niveaux interminables pour découvrir la suite du programme : il n’y a aucune variété dans l’action, très peu de nuances dans les décors (les égouts du deuxième niveaux semblent composés de tuiles prises directement dans le premier), tous les ennemis se comportent exactement de la même manière, et au final il y a de très fortes chances qu’on ait reposé définitivement le joystick au terme de cinq minutes de souffrance en se demandant combien d’êtres humains auront poussé le masochisme jusqu’à s’imposer de vaincre ne fut-ce que le premier niveau du jeu. On en vient également à se souvenir pourquoi le piratage fonctionnait aussi fort, à l’époque : il y avait des logiciels qui ne méritaient tout simplement pas qu’on les découvre autrement qu’au cœur d’une pile de disquettes échangées le jour même avant d’aller rejoindre, après une courte période d’essai, la boîte à chaussures sur l’étiquette de laquelle une main infantile avait inscrit une mention parlante : « jeux chiants ». C’est ta place, 9 Lives.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 08/20

9 Lives est un cas d'école du logiciel auquel tout le monde trouvait énormément de charme et de qualités au moment de sa sortie, en 1990, et qu'on observait avec une perplexité mêlée d'effroi deux ans plus tard en se demandant comment on avait bien pu faire pour tolérer de jouer à une abomination pareille. Une réalisation correcte et un chat bien animé ne pèsent objectivement pas lourd face à une des jouabilités les plus mal pensées de toute l'histoire du jeu de plateforme ni face à la difficulté immonde qui en résulte : survivre dix minutes peut déjà demander des jours d'entraînement, alors boucler quatre niveaux interminables remplis de monstres infects que l'on ne peut qu'immobiliser temporairement et même pas détruire... Le vrai problème étant que même en versant dans le masochisme assumé, il n'y a simplement rien dans le titre, pas une once de variété ni la plus infâme molécule de surprise, qui puisse justifier qu'un joueur s'accroche pour voir la suite du programme. À essayer pour bien réaliser ce à quoi on était (parfois) prêt à jouer il y a trente-cinq ans.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un mécanisme de saut atroce, immonde, abject, pouah, caca
– Une difficulté insurmontable, injuste, sadique, épuisante, beurk
– Un level design pensé comme une souffrance qui pourrait composer à elle seule un des cercles de l'enfer
– Un défilement par à-coups et une vue qui ne suit jamais correctement l'action, avec des sauts de la foi à profusion

Bonus – Ce à quoi peut ressembler 9 lives sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« De bons graphismes ne remplaceront jamais le gameplay. On a beau glousser devant les animations au début, ça ne dure qu’un temps. Et une fois qu’on a écarté cela, malheureusement, il ne reste pas grand chose à sauver derrière. »

Adam Waring, Amiga Format n°18, janvier 1991, 64% (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Atari ST

Développeur : Frames
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

9 Lives fait partie de ces jeux qui auront été développés conjointement et par la même équipe sur Amiga et sur Atari ST. Au moins, cela coupe court au suspense : les deux versions sont rigoureusement identiques, du premier pixel à la dernière note de musique. Ce qui signifie également, hélas, que la jouabilité très particulière et l’équilibrage déficient n’ont subi aucune altération, eux non plus, et que le titre a toujours aussi peu de chance que captiver quiconque au-delà des masochistes amateurs de jeu insurmontables. Mais pour ceux qui voudraient lui donner sa chance et venir m’expliquer dans les commentaires que bon, d’accord, le jeu a des faiblesses mais il n’est pas SI mauvais que ça, eh bien ils pourront le faire sur cette version sans que cela fasse une différence notable.

NOTE FINALE : 08/20

Strictement identique à la version parue simultanément sur Amiga, cette itération Atari ST de 9 Lives en conserve donc les quelques qualités et les très nombreux défauts. Un bon moyen de ne pas faire de jaloux parmi les amateurs fanatiques de jeux de plateforme indéfendables.

Les avis de l’époque :

« Le challenge est difficile, tant par la complexité du labyrinthe que par la précision des sauts. le jeu est intéressant, et il ne manquait pas grand chose pour en faire un hit. »

Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 14/20

Switchblade II

Développeur : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Testé sur : AmigaAtari STLynx
Disponible sur : Antstream, BlackBerry

La série Switchblade (jusqu’à 2000) :

  1. Switchblade (1989)
  2. Switchblade II (1991)

Version Amiga

Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Un éditeur, au fond, c’est un peu comme un joueur accroc lâché au milieu d’un casino : tant qu’il gagne, il estime qu’il n’a aucune raison d’arrêter de jouer. Quand un jeu a du succès, on lui donne une suite, ça ne fait bien souvent même pas débat – on pourrait même aller jusqu’à présenter la décision comme étant la plus rationnelle, oubliant au passage qu’une suite exige exactement le même travail de réflexion et de conception que celle de l’opus qui l’a précédé, sous peine de mettre à côté précisément ce qui aura fait le succès du premier épisode.

Mais tout ça, c’est presque du charabia technique, pour une section marketing : ce qui marche une fois est voué à marcher deux fois, donc il suffit de remettre le couvert et de compter les billets. Par exemple, quelle argument rationnel opposer au développement d’une suite au très sympathique Switchblade ? Visiblement, pas l’absence de son créateur, Simon Phipps, qui était déjà très occupé avec ses propres projets, au hasard Wolfchild ou Thunderhawk – de son propre aveu, le premier épisode avait été développé sur son temps libre, denrée qui n’existait plus vraiment pour lui au début des années 90. Cela n’aura pas arrêté Gremlin Graphics Software, qui aura tout simplement mobilisé une autre équipe pour créer Switchblade II, avec une mission simple (sur le papier) : proposer la même chose en mieux.

De fait, on n’aura même pas droit ici à une introduction pour nous présenter le scénario comme dans le premier épisode : le héros est le même, l’objectif également (retrouver les fragments de la fameuse épée qui donne son nom au titre), et même le bosse final ne semble pas avoir changé. On pourrait même aller jusqu’à présenter le premier niveau du jeu comme une relecture assumée du précédent opus : on retrouve l’extérieur nocturne, l’entrée dans le complexe souterrain, les couloirs, les robots, les passages secrets, la vue qui se dévoile une fois une porte franchie et pas avant…

Mais cette fois, on sent bien que l’ambition a été revue à la hausse : le minuscule sprite original a désormais laissé la place à un héros bien plus imposant et finement dessiné, l’animation est plus nerveuse et plus détaillée, il y a désormais un défilement et plus d’action, et notre héros gagne une sorte de canon bionique à la Cobra qui lui permettra à la fois de tirer sur les ennemis à distance dans la limite de ses munitions, mais également de mettre à contribution l’une des (rares) nouveautés du titres : les boutiques. Accessibles à chaque niveau (à condition de les trouver), ces échoppes mettront à votre disposition bonus de soins, munitions, power-up, armes alternatives (comme le très pratique napalm, extrêmement efficace contre les boss) et même conseils quant à la direction à suivre en échange de la monnaie sonnante et trébuchante lâchée par les ennemis à leur mort. Un bon moyen d’introduire un peu de stratégie, un soupçon de gestion et un chouïa de variété dans un titre qui démarre bien mais qui dévoile hélas rapidement quelques faiblesses dommageable.

La première, c’est le rythme. Parcourir un niveau ouvert et labyrinthique, c’est une chose, le faire pendant vingt minutes en tournant en rond à essayer de détruire tous les murs pour découvrir le passage menant au boss, c’est étirer inutilement une expérience qui, pour le coup, n’est pas grand chose de plus qu’un clin d’œil excessivement longuet au premier Switchblade.

Ce n’est pas tant qu’on s’ennuie, mais au bout du trentième couloir, l’absence de variété dans l’opposition et les décors et le caractère profondément agaçant du piège pratiquement inévitable que constituent ces pointes qui sortent du sol commencent à se manifester de façon criante, tout comme la constatation que le fait que le premier niveau soit également le moins original et surtout le plus long du jeu, et de très loin, trahit déjà une approche assez lacunaire du level design. Ceci dit, même si on s’agace un peu de se dire qu’il faudra reparcourir tout ce cirque à chaque partie pour espérer voir la suite (bon courage pour dessiner des plans), la maniabilité est bonne, la réalisation graphique à la hauteur, et la promesse d’avoir enfin d’autres environnements à découvrir (la grosse faiblesse du premier épisode) est largement suffisante pour pousser à s’accrocher un peu et à atteindre le deuxième niveau. Où se manifeste alors le deuxième problème : vous vous souvenez de toute ce qui a fait la force du jeu jusqu’ici, son mélange d’exploration et d’action, la joie de découvrir une cache d’arme dissimulée derrière un mur et de concevoir une route optimale pour la deuxième partie – soit absolument tout ce qui fonctionnait déjà dans Switchblade premier du nom ? Eh bien, dès le deuxième niveau, le programme décide tout simplement de balancer tout cela à la poubelle.

Approche assez gonflée : sur les six niveaux du jeu, les cinq derniers font donc le choix de tirer un trait sur le game design hérité du premier épisode pour ne plus laisser la place qu’à deux modèles : le grand niveau ouvert où il faut trouver dans quelle direction aller pendant un quart d’heure, et le grand couloir où la direction est claire, et qui se résout généralement en moins de cinq minutes.

L’exploration ? À quoi bon, quand de toute façon il n’y a pratiquement rien à trouver, plus aucun passage secret, et que tous les bonus dont vous pourriez avoir besoin seront accessibles dans les boutiques (vous autorisant même à faire un peu de farming, au cas où passer un quart d’heure dans le même niveau ne vous suffirait pas) ? Incroyable mais vrai : après avoir fait miroiter un gameplay donné pendant sa première partie, le logiciel choisit de s’en débarrasser pour les cinq sixièmes restants, et verse dans le jeu d’action pataud avec tout ce qu’on n’a jamais aimé dans la production occidentale : l’équilibrage inexistant, les ennemis qui surgissent de n’importe où et les niveaux qui ne font que reproduire les mêmes section ad nauseam sans jamais offrir la moindre variété dans les situations, les pièges, les approches ou les ennemis. On voulait Switchblade II, et on se retrouve avec Death Trap. Remboursez !

C’est d’autant plus frustrant qu’en dépit de ses longueurs, le premier niveau fonctionne très bien, et qu’on sera finalement plutôt heureux de le reparcourir à la recherche de passages qui auraient pu nous échapper – exactement comme dans le premier Switchblade. Mais une fois ce cap franchi, l’idée est plutôt de progresser le plus vite possible pour se débarrasser de niveaux où il n’y a rien à voir ni à découvrir et aller affronter des boss ultra-limités à un pattern. Comme si, lui-même conscient d’avoir un peu trop étiré ses débuts, le jeu faisait le choix de précipiter tout le reste pour compenser !

Il n’en devient certes pas catastrophique pour l’occasion, loin de là, le petit problème étant que le joueur actuel n’est plus celui de 1991, et qu’il lui est très facile d’accéder à un monde qui dépasse de très loin la simple ludothèque de l’Amiga. Et des jeux d’action/plateforme capables de rivaliser avec Switchblade II, sur console – particulièrement sur la génération 16 bits – il y a en a des wagons entiers ! Dès lors, une fois évacuée toute nostalgie pour la machine et pour cette époque bénie où nous étions jeunes et remplis d’espoirs envers l’avenir, ne reste qu’un jeu sympathique comme on en a vu des centaines : amusant une demi-heure, peut-être un peu plus selon vois affinités, mais qui se délite et s’essouffle ensuite. Bien essayé, mais insuffisant.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20

Switchblade II apparait comme un énième représentant de tout ce qu'on pouvait reprocher à la production occidentale du début des années 90 : une jouabilité correcte et une réalisation agréable qui tentent de faire oublier un game design qui se délite jusqu'à l'ennui. Dans des niveaux qui tendent à s'étirer et à se débarrasser progressivement des quelques bonnes idées du jeu, l'équilibrage déficient ne participe hélas pas à faire oublier l'aspect fondamentalement fastidieux d'un logiciel qui aurait grandement gagné à rester sur les bases de son premier quart d'heure – et sur celles du premier épisode. En l'état, on s'amuse au début, avant que les passages secrets et l'exploration ne s'effacent définitivement au profit d'une action morne et sans surprise. Divertissant à faibles doses, mais vraiment pas au niveau pour prétendre à rivaliser avec l'essentiel de ce que pouvait offrir le genre sur console.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des niveaux qui s'étirent jusqu'à rendre l'exploration sans intérêt
– Un équilibrage au pif total
– Aucune variété dans l'action
– Une large dose de sauts de la foi et de pièges inévitables

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Switchblade II sur un écran cathodique :

Version Atari ST

Développeurs : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Date de sortie : Juin 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1991, le marché commençait à se montrer suffisamment exigeant pour que l’ère des versions Amiga et Atari ST se réduisant à de simples clones touche à sa fin. La machine d’Atari commençait à accuser son retard technologique – et le manque de soutien de la gamme STe – avec des portages qui avaient de plus en plus de mal à rivaliser avec ceux de la machine de Commodore. Ceci dit, Switchblade II fait plutôt partie des logiciels qui s’en seront bien sortis en la matière : le rendu sonore, par exemple, n’a pour une fois pas trop à rougir de la comparaison avec l’Amiga, même si la musique « crache » ici nettement plus que chez le rival de toujours. Graphiquement, le ST a toujours été moins « agile » que son concurrent en termes de changements de résolution, et le jeu est donc affiché en 320×200 là où la version Amiga l’était en 320×256. Conséquence : la vue est plus rapprochée, ce qui conduit à encore davantage de sauts de la foi, d’autant plus que la vue tend à être placée n’importe comment. Le défilement est également plus saccadé que sur Amiga, et le jeu est globalement moins fluide – rien qui le rende injouable, je vous rassure tout de suite, mais le titre est clairement encore un peu moins confortable à jouer, et il ne corrige hélas aucun des errements de la version originale. Reste donc un jeu très honnête mais qui, comme sur Amiga, retombe dramatiquement une fois le premier niveau vaincu.

NOTE FINALE : 12,5/20

D’accord, Switchblade II fait un peu moins bien sur Atari ST que sur Amiga, mais dans l’ensemble il s’en tire malgré tout assez bien. En dépit d’une réalisation sonore réussie, on regrettera surtout une vue plus rapprochée et un framerate plus poussif qui viennent dégrader légèrement une expérience de jeu qui s’en serait bien passée.

Version Lynx

Développeurs : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

De toutes les consoles sur lesquelles Switchblade II aurait pu tenter sa chance, il aura donc opté pour la Lynx – mouvement commercialement risqué, mais au moins la concurrence y était-elle nettement moindre que sur les autres systèmes. Pour l’occasion, sans renier en rien sa jouabilité, le jeu de Gremlin Graphics Software en aura profité pour revoir un des points qui laissaient à désirer dans son itération originale : le level design.

La bonne nouvelle, c’est que les niveaux, désormais divisés en « sections » sont nettement moins labyrinthiques qu’auparavant – ce qui ne les rend pas nécessairement moins courts, le premier niveau s’étirant par exemple sur pas moins de quatre sections, avec le boss au terme de la troisième (oui, ne me demandez pas pourquoi), mais qui a l’avantage de moins donner la sensation de tourner en rond sans trop savoir où on va. L’autre bon côté, c’est que ce level design a également été revu en fonction de ce que la console peut afficher, ce qui signifie qu’il n’y a plus ici de sauts de la foi en dépit de la résolution très limitée de la machine – et la réalisation s’en sort globalement très bien, même s’il faut aimer les sprites de quatre pixels de haut. Du côté des moins bonnes nouvelles, le gameplay est toujours aussi dénué de variété, et le jeu n’a pas renoncé à certaines de ses mauvaises habitudes, comme par exemple ces cochonneries de pointes à peu près impossibles à anticiper. On est moins frustré, le déroulement est plus cohérent, mais la dimension exploration/passages secrets est cette fois quasi-absente dès le début, ce qui fait qu’il faudra une nouvelle fois être très patient pour espérer voir la fin d’un jeu qui ronronne extrêmement vite. À l’échelle de la console, ce n’est toutefois clairement pas un mauvais ajout à la ludothèque, et à certains niveaux on pourra même considérer cette cartouche plutôt supérieure à la version Amiga. Pas si mal.

NOTE FINALE : 13,5/20

En débarquant sur Lynx, Switchblade II aura eu la bonne idée de revoir son level design et de corriger certaines de ses faiblesses en termes de rythme et de jouabilité. Si cela aide l’expérience à se montrer moins frustrante et mieux équilibrée, cela ne tempère en revanche pas sa répétitivité ni son manque absolu de renouvellement. Le jeu fonctionne peut-être un peu mieux, mais il manque toujours d’ambition et de folie. Très correct pour les amateurs du genre, mais les autres risquent d’avoir leur compte avant d’en voir le bout.

Gargoyle’s Quest II

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : レッドアリーマーⅡ (Japon)
Titres alternatifs : Gargoyle’s Quest II : The Demon Darkness (écran-titre, NES – Amérique du Nord, Europe), Makaimura Gaiden: The Demon Darkness (Game Boy – Japon), Gargoyle’s Quest II : Les ténèbres démoniaques (écran-titre, NES – traduction française par Génération IX)
Testé sur : NESGame Boy
Disponible sur : 3DS, Wii U

La série Ghosts’n Goblins (jusqu’à 2000) :

  1. Ghosts’n Goblins (1985)
  2. Ghouls’n Ghosts (1988)
  3. Gargoyle’s Quest (1990)
  4. Super Ghouls’n Ghosts (1991)
  5. Gargoyle’s Quest II (1992)
  6. Demon’s Crest (1994)
  7. Arthur to Astaroth no Nazo Makaimura : Incredible Toons (1996)
  8. Makaimura for Wonderswan (1999)

Version NES

Date de sortie : 17 juillet 1992 (Japon) – 17 Octobre 1992 (Amérique du Nord) – 17 juin 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Génération IX
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’apparition impromptue des aventures de la gargouille Firebrand sur Game Boy, en 1990, avait eu de quoi surprendre beaucoup de monde. Choisir, en guise de héros, un des adversaires les plus détestés des joueurs débutants de Ghosts’n Goblins était déjà un mouvement étonnant ; l’envoyer sauver le monde, même si on parle du monde des ténèbres, ne l’était pas moins, et l’ajout d’une composante « aventure » faisant lorgner la cartouche du côté du J-RPG là où le reste de la série s’était rarement embarrassé d’un scénario plus complexe que d’aller sauver la princesse faisait un peu office de cerise suspecte au sommet du gâteau de la perplexité – et pourtant, bizarrerie ultime, la formule avait fait mouche.

On aurait alors pu penser qu’on en avait fini avec les surprises, mais deux ans plus tard, la gargouille qui ne faisait décidément rien comme tout le monde choisit de revenir, non pas sur une Game Boy au sommet de sa forme, mais sur une NES vieillissante que les joueurs avaient déjà commencé à abandonner par milliers pour se diriger vers la Super Nintendo. Et quelle forme allait bien pouvoir prendre la suite de ses aventures ? Sans surprise (pour une fois !) : sensiblement la même. Le mot-clef étant ici « sensiblement », car comme on va le voir, Gargoyle’s Quest II ne mérite peut-être pas tout à fait son nom.

Pour ce qui est de la partie « Gargoyle’s Quest », au moins, pas de débat : le titre reprend fidèlement le concept et le gameplay du premier opus, avec son alternance entre phases d’exploration en vue de dessus où l’objectif sera le plus souvent de converser avec des PNJ et de voyager sur la carte du monde à la recherche d’indices pour connaître l’emplacement de la suite de votre épopée et entre des phases d’action/plateforme en vue de profil qui représentent bien évidemment le véritable cœur du jeu et la partie qui nécessitera toute l’habileté du joueur, ainsi que toute sa patience et toute sa capacité à canaliser ses envies de meurtres car la difficulté ne trahit pas la réputation de la série dans le domaine.

En fait, c’est cette fois le terme « fidèlement » qui a peut-être été un peu trop pris au pied de la lettre, car même si l’histoire est censée être originale, il va une nouvelle fois s’agir de sauver le royaume des Ténèbres d’une menace extérieure non identifiée, et le tout va bien évidemment reposer une fois de plus sur les pas-si-frêles épaules de la gargouille. D’ailleurs, l’histoire n’est pas la seule à être redondante : même le déroulement est très proche de celui du premier opus, d’ailleurs la durée de vie est quasiment la même, et même la jouabilité est identique : Firebrand a conservé exactement les mêmes capacités que sur Game Boy, jusqu’aux pouvoirs qu’il peut collecter en chemin ! Du coup, est-on en train de parler d’une suite ou d’un remake ? La question mérite d’être posée, mais soyons précis : bien qu’il soit extrêmement proche de son prédécesseur, Gargoyle’s Quest II reste un nouveau jeu… ou, a minima, une nouvelle aventure reposant sur les mêmes mécanismes.

On ne pourra ainsi pas reprocher à Capcom de ne pas s’être penché sur certaines des faiblesses du premier opus. Par exemple, les très désagréables rencontres aléatoires qui perdaient toute pertinence au bout de cinq minutes ont ici été purement et simplement supprimées ; désormais, le joueur est libre d’explorer librement sans avoir à enchaîner le même combat tous les trente mètres, ce qui est indéniablement un progrès.

Il est toujours possible de faire du farming pour récolter des fioles permettant d’acheter un pouvoir faisant office de vies supplémentaires, mais les monstres à combattre sont désormais à des emplacements fixes sur la carte et vous pourrez les affronter en boucle si cela vous chante. Conséquence impromptue de cette liberté d’action : il n’y a finalement pas grand chose à faire sur une carte du monde qui n’a que très peu de choses à révéler, et sachant que les conversations du jeu n’ont de toute façon pour objectif que de vous expliquer où aller ensuite sans rien révéler de franchement passionnant sur un univers doté de l’épaisseur d’un timbre poste, la constatation la plus évidente est que le jeu se porterait aussi bien si on l’amputait de ses séquences inutiles pour le laisser se concentrer sur les séquences d’action, bien plus intéressantes. C’est d’ailleurs le choix qui allait être opéré pour Demon’s Crest deux ans plus tard, preuve que les équipes de Capcom étaient vraisemblablement arrivées à la même conclusion que la plupart des joueurs.

Le déroulement a beau être plus fluide et moins contraignant que dans le premier opus, qui abusait des allers-et-retours, on ne peut s’empêcher de penser que ces fameuses séquences de dialogues ne servent qu’à délayer une durée de vie qui dépasse péniblement une heure en ligne droite – le truc étant qu’il n’y a de toute façon pratiquement rien à découvrir en s’éloignant de la trame principale, achevant de rendre l’exploration vide de sens.

Reste les nombreuses séquences d’action/plateforme, toujours aussi exigeantes et parfaitement réalisées, même si un peu plus de variété dans les environnements n’aurait pas fait de mal tant on retrouve un peu trop les même coloris marrons/jaunâtres d’une étape à l’autre. Le jeu est indéniablement efficace et agréable à jouer – à condition d’aimer mourir souvent – mais il aurait sans doute gagné à être plus long et plus original et à prendre (beaucoup) plus de risques. En clair, il aurait surtout gagné à être plus ambitieux pour donner un peu moins l’impression de jouer à un DLC avant l’heure de Gargoyle’s Quest plutôt qu’à une suite.

Tout le dilemme est donc là : en tant que jeu, Gargoyle’s Quest II est indéniablement une expérience perfectible mais très agréable qui fait plutôt mieux que son prédécesseur dans les rares domaines où il décide de modifier quelque chose.

En revanche, c’est bien en tant que deuxième opus qu’il montre ses limites, et les joueurs qui espéreraient davantage qu’une simple redite de la version Game Boy avec des niveaux originaux (mais redondants : pourquoi ne pas avoir eu le droit à un monde des neiges, à un niveau aquatique où à des univers que le premier épisode n’avait pas explorés ?) et un peu de couleur en plus risquent de faire la grimace tant ils auront parfois l’impression d’être en train de rejouer au même jeu. Bref, on est face à un logiciel qui ne répond pas tout-à-fait aux attentes que Gargoyle’s Quest avait fait naître, et qui fait rétrospectivement penser à une tentative de s’assurer de la popularité réelle de la jeune gargouille avant de prendre le risque de lui donner sa chance sur Super Nintendo. De quoi combler à la fois les mordus de la licence et les néophytes, mais clairement pas ceux qui n’auront jamais réellement ressenti le besoin de ressortir la cartouche du premier opus après l’avoir terminé.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Gargoyle's Quest II est un titre qui a du mal à s'affirmer en tant que suite du premier opus : à bien des niveaux, c'est plus une relecture assumée (et par ailleurs assez sage) de l'épisode paru deux ans plus tôt sur Game Boy, dont il corrige au passage quelques errances pour proposer une expérience un peu plus fluide – mais toujours aussi exigeante. À tout prendre, on aurait sans doute échangé ce défi redoutable contre une aventure plus longue et plus variée – et, tant qu'à faire, un peu plus originale. L'aspect aventure, débarrassé de ses principales scories, révèle surtout que le titre se porterait au moins aussi bien en se concentrant exclusivement sur son aspect action/plateforme, et si on passe indéniablement un bon moment en compagnie de Firebrand, on ne peut s'empêcher d'avoir un peu trop l'impression de lancer la version 1.1 de la version Game Boy. Sympathique, mais un peu d'ambition en plus n'aurait vraiment pas fait de mal.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Doit-on préciser que c'est dur ?
– Peu de variété dans les environnements
– Un peu trop court, encore une fois

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gargoyle’s Quest II sur un écran cathodique :

Version Game Boy
Makaimura Gaiden : The Demon Darkness

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Développer la suite de Gargoyle’s Quest, exclusivité Game Boy, sur une NES en fin de vie et alors que la Super Nintendo était déjà disponible à l’échelle mondiale était déjà une décision étrange, mais choisir de porter la cartouche sur Game Boy presque un an plus tard l’était au moins autant.

Comme un aveu, les équipes de Capcom ne se seront d’ailleurs même pas chargées du développement elles-mêmes, et le titre n’aura jamais quitté le Japon. C’est, à bien des niveaux, une transposition stricte de la version NES en noir et blanc et avec une fenêtre de jeu un peu moins grande : c’était ce qu’on pouvait espérer de mieux, mais sachant à quel point le jeu était déjà proche du premier opus dans sa version de salon, il y a de quoi se demander si un possesseur de Game Boy avait une vraie bonne raison de repasser à la caisse pour ce qui n’était finalement qu’un pack de niveaux additionnel pour Gargoyle’s Quest vendu au prix fort. Sachant que la partie aventure exigera ici de savoir lire le japonais, on réservera cette itération aux joueurs ayant juré de ne jamais toucher à une NES.

NOTE FINALE : 15,5/20

Transposée fidèlement depuis la version NES – sans la couleur ni la localisation, malheureusement – Makaimura Gaiden : The Demon Darkness sur Game Boy n’en devient que plus redondant vis-à-vis d’un premier épisode qu’il perfectionne, certes, mais auquel il ressemble surtout beaucoup trop. Autant rester sur la version NES.