MediEvil

Développeur : SCE Studio Cambridge
Éditeur : Sony Computer Entertainment Europe Ltd. (Europe) – Sony Computer Entertainment America Inc. (Amérique du Nord) – Sony Computer Entertainment Inc. (Japon)
Titres alternatifs : Dead Man Dan (titre de travail), MediEvil : Yomigaetta Garomea no Yūsha (Japon)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : Android, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation 5, PSP, PS Vita
En vente sur : PlayStation Store (PlayStation 4, PlayStation 5)
Les remakes :

  • MediEvil : Resurrection (2005 – PlayStation 4, PlayStation 5, PSP)
  • MediEvil (2019 – PlayStation 4)

La licence MediEvil (jusqu’à 2000) :

  1. MediEvil (1998)
  2. MediEvil 2 (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 9 octobre 1998 (Europe) – 21 octobre 1998 (Amérique du Nord) – 17 juin 1999 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand,anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : DualShock, joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On a suffisamment eu l’occasion d’évoquer dans ces pages – souvent avec une certaine amertume – les nombreuses lacunes qui tendaient à accompagner la production vidéoludique européenne du siècle dernier pour pouvoir remarquer que celles-ci auront eu tendance à se corriger avec le temps, la professionnalisation des studios amenant fatalement les divers acteurs du secteur à tirer des leçons face à la concurrence venue (entre autres) du Japon.

Comme on l’aura vu avec Psygnosis, par exemple, devenu un élément clef du lancement européen de la PlayStation avec des titres comme WipE’out” ou Destruction Derby après son rachat par Sony, l’ère des complexes face à une production nippone qui avait su se structurer plus vite était en train de se rapprocher de sa fin – les budgets et les effectifs n’étaient alors peut-être pas encore tout à fait les mêmes pour les plus grosses productions, mais en termes de talent pur, le match était clairement devenu beaucoup plus serré ; une tendance qui ne ferait d’ailleurs que se confirmer au cours de la décennie à suivre. C’était plutôt une bonne nouvelle du côté des joueurs, très heureux de pouvoir s’éclater sur des Pandemonium!, des Die Hard Trilogy ou des Mortal Kombat 3 sans avoir à attendre que la dernière production de chez Capcom ou de chez Konami daigne faire le trajet jusqu’au vieux continent (ce qu’elles faisaient pourtant de plus en plus rapidement et de plus en plus volontiers sous l’ère 32 bits), et cela aura permis à d’excellentes surprises de rappeler que les développeurs européens, souvent armés de très bons codeurs et d’artistes de plus en plus compétents, pouvaient à leur tour toucher les étoiles dès l’instant où ils commençaient à s’intéresser au game design. Très bon exemple avec un MediEvil qui aide à mesurer à sa façon le chemin parcouru dans ce domaine en quelques années.

À l’origine du projet se trouve un nom qui dira peut-être quelque chose aux nostalgiques de l’Amiga : Chris Sorrell, le créateur d’un certain James Pond – licence dont le deuxième épisode, en particulier, avait déjà donné l’indice que la production européenne n’était pas à des kilomètres de celle des ténors du genre quand elle s’en donnait la peine.

À une époque où le jeu de plateforme sortait à peine d’une lente et douloureuse mutation, engagé dans le sillon d’un Super Mario 64 qui avait montré avec brio la voie à suivre, le britannique et son équipe auront fait le choix de s’aventurer dans un de ces genres hybrides mélangeant aventure, action, plateforme et réflexion et qui pouvait donner des perles à la Banjo-Kazooie – tiens, une autre production européenne. Et pour incarner le joueur quoi de mieux… qu’un mort-vivant, en l’occurrence le chevalier Daniel Fortesque, se réveillant après un siècle de repos éternel bien mérité pour découvrir que le maléfique sorcier Zarok qu’il pensait avoir vaincu un siècle plus tôt est revenu à la tête d’une armée de zombis, bien décidé à prendre le royaume d’assaut. Une quête sur mesure pour le « grand héros de Gallowmere », lequel cache en réalité un secret honteux : loin de ce que les légendes ont fait de lui, il est en fait tombé au combat dès la première charge, ce qui lui a valu d’être refoulé du Hall des Héros – sorte de Valhalla local où terminent les vrais guerriers. L’occasion est donc trop belle de laver son honneur en allant botter le séant osseux de Zarok au cours d’une quête qui pourra prendre entre cinq et dix heures en fonction de votre habileté et de votre désir de complétion.

La crypte qui sert de premier niveau au jeu sera à ce titre un bon indicateur du reste du programme : on y trouve une épée qui viendra remplacer le bras squelettique de Dany en tant qu’arme principale – la première pierre d’un arsenal qui, à terme, pourra comprendre arc, arbalète, marteau, massue, lance et hache –, des couteaux de lancer (la deuxième pierre), une rune qui servira de clef, de nombreux livres qui feront office de didacticiel et de dispensaires d’indices, une fiole qui viendra doubler votre jauge de santé à la manière des réserves d’énergie de Metroid, des coffres au trésor qui offriront les moyens d’acheter des munitions supplémentaires pour vos armes à distance à des gargouilles disséminées dans les différents niveaux, et même un passage secret qui ne sera accessible qu’à la condition de revenir plus tard dans l’aventure – au hasard, lorsque vous aurez une masse ou un marteau pour abattre le mur qui le dissimule.

Un programme qui viendra par la suite s’enrichir avec la présence d’un calice dans chaque niveau, lequel devra à la fois être déniché et surtout rempli pour pourvoir être ramassé, le mécanisme étant de vaincre suffisamment d’ennemis pour que les âmes des défunts (enfin, des re-défunts) viennent s’amasser à l’intérieur. Chaque calice collecté de la sorte ouvrira l’accès au Hall des Héros le temps de parler à une des célébrités locales qui vous délivrera le plus souvent une arme additionnelle – sachant que chacune d’entre elles a ses avantages et ses inconvénients en fonction de l’adversaire, et que certaines d’entre elles peuvent ouvrir l’accès à des passages autrement inaccessibles.

On a là tous les éléments pour proposer ce qui aurait pu n’être qu’un bête beat-them-all dans des couloirs en 3D saupoudré de quelques mini-séquences de plateforme, et le menu aurait sans doute déjà été satisfaisant – d’autant que la réalisation fait très bien le travail, avec des ambiances bien retranscrites et des effets de couleur du plus bel effet, une distance d’affichage très correcte et une ambiance sonore au poil, sans oublier au passage une localisation française de qualité professionnelle avec juste quelques minuscules bévues (les carreaux d’arbalètes devenus des « éclairs », suite à mauvaise traduction de l’anglais « bolt ») qui ne viennent pas gâcher le plaisir du joueur.

La vraie bonne surprise, cependant, est surtout que le programme s’acharne à proposer une véritable variété, chaque niveau offrant ses propres objectifs, ses propres idées et son propre cheminement. Et ça marche ! Que l’on visite un village maudit bâtiment par bâtiment en s’efforçant de ne pas s’en prendre aux habitants du cru qui n’ont pas demandé à glisser vers le mal, que l’on parcoure un labyrinthe végétal en résolvant les énigmes de Justin des Bois (!) ou que l’on se plie aux désidératas d’une sorcière pour aller lui chercher de l’ambre au cœur d’une fourmilière, le jeu parvient à ne jamais être inutilement redondant passé les premières heures et chaque nouvelle étape du voyage est accueillie avec un enthousiasme rafraichissant : on a vraiment envie de mener l’aventure à son terme, ce qui est toujours un excellent signe, surtout à une époque où la durée de vie des jeux vidéo commençait à augmenter drastiquement comparé aux titres de la génération précédente.

Évidemment, l’épopée demandera aussi de composer avec les limites de la période, à commencer par la maniabilité en 3D : la caméra, comme dans la majorité des productions de l’époque, a une fâcheuse tendance à être incapable de rester derrière notre héros, et comme il n’est pas toujours possible de la déplacer manuellement à l’aide des boutons de tranche, on aura l’occasion de râler devant une lisibilité qui devient souvent problématique.

Sentiment encore renforcé par un manque de précision assez dommageable dans les combats au corps-à-corps, qui nécessiteront un certain temps d’adaptation pour réellement comprendre comment affronter un adversaire sans que celui-ci ne vous rende tous vos coups. En dépit d’un système d’aide à la visée pour les armes à distance (qui aurait sans doute gagné à être transformé en un système de verrouillage applicable sur tous les ennemis du jeu, au passage), on doit souvent composer avec des phases de plateforme où il est difficile de juger des distances, et mieux vaudra apprendre à alterner entre la marche et la course pour éviter les dérapages incontrôlés qui vous enverront dans le vide et constitueront une large partie de vos causes de mortalité.

On constate d’ailleurs de nombreux petits ratés dans l’équilibrage et dans le game design, dont certains qui risquent de provoquer la fureur des joueurs les moins patients. Par exemple, le fameux niveau du labyrinthe végétal se conclut par une énigme a priori assez basique : placer quatre pièces d’échiquier (en mouvement à votre arrivée) sur la place correspondant à leur couleur sur un plateau de jeu.

Problème : pour une raison quelconque, qui n’est bien évidemment annoncée nulle part, le pion ne peut être déplacé qu’une seule et unique fois avant de se figer à jamais. Et s’il s’immobilise ailleurs que sur la bonne couleur, comme cela a 99% de chance d’arriver lors de votre première tentative de joueur en train d’expérimenter pour comprendre ce qu’on attend de lui ? Eh bien l’énigme est foutue, et il faudra recommencer. Attention : pas recommencer l’énigme, recommencer TOUT LE NIVEAU. Depuis le début. Et bien évidemment, si vous avez le malheur de frapper le pion au mauvais moment ou sous un mauvais angle, vous en serez quitte pour un nouveau tour de manège de dix minutes ! Comment ont-ils pu laisser une énormité pareille dans le jeu sans jamais la corriger ?!

Dans le même ordre d’idées, on peut facilement perdre le fil et oublier de ramasser un objet indispensable (j’avais complètement oublié, dans le village endormi, que j’avais en ma possession une clef que le jeu n’utilise bien évidemment pas automatiquement et qui servait à ouvrir un placard auquel je n’avais prêté aucune attention), ce qui pourra provoquer quelques séances de « je suis censé aller où/ je suis censé faire quoi » – mais dans l’ensemble, le jeu s’efforce de ne pas vous égarer au milieu de dizaines de quêtes secondaires et ne vous envoie pas collecter des patounes histoire de délayer artificiellement sa durée de vie, et on l’en remerciera. À quelques petites maladresses près (ce combat final, bon sang…), le titre prend les bons risques, s’efforce d’accumuler les bonnes idées et délivre une expérience qui fait la bonne durée sans chercher à en faire trop ni à offrir du contenu pour la simple fonction de boucher laborieusement des trous. Tout n’est pas toujours parfaitement maîtrisé, mais on peut facilement comprendre pourquoi MediEvil avait été aussi bien accueilli à sa sortie : objectivement, il le mérite, et c’est avec un réel plaisir qu’on peut le (re)découvrir aujourd’hui. Si vous ne l’avez pas encore fait, n’hésitez plus !

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

MediEvil aurait pu faire le choix de n'être qu'un beat-them-all en 3D extrêmement paresseux handicapé par une caméra aux pâquerettes – comme à peu près tous ses contemporains – et, pour être honnête, on lui en aurait probablement à peine tenu rigueur à l'époque. Mais la grande force du titre imaginé par Chris Sorrell, c'est d'avoir préféré être beaucoup plus que cela, le mérite en revenant à un level design extrêmement bien fichu, à une louable variété dans les situations, à de nombreuses petites énigmes bien senties, à un contenu facultatif présent sans être envahissant et à une réalisation de haute volée pour la console. Le résultat ? De l'Aventure/Action avec un grand « A » qui s'en va lorgner du côté de Banjo-Kazooie davantage que de celui de Castlevania sauce Nintendo 64, et c'est tant mieux ! En dépit de petites lourdeurs et autres maladresses qui, accumulées, finissent par trahir l'âge du titre et de son gameplay, MediEvil reste une expérience qui se parcourt avec enthousiasme dès l'instant où l'on est prêt renouer avec les premières heures de la maniabilité en 3D. Une escapade comme on les aime.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une caméra qui nous rappelle tout ce qu'on pouvait détester dans les jeux en 3D de l'époque...
– ...avec des combats au corps-à-corps où il est très difficile d'apprécier les distances
– Quelques passages aussi frustrants que stupidement punitifs (l'énigme de l'échiquier...)
– Refaire des niveaux en entier parce qu'on a raté un objet indispensable : pas génial
– Un combat final interminable aux mécanismes vraiment pas inspirés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler MediEvil sur un écran cathodique :

Kaizō Chōjin Shubibinman Zero

Développeur : NCS Corporation
Éditeur : NCS Corporation
Graphie originale : 改造町人シュビビンマン零
Titres alternatifs : Cyber Citizen Shockman Zero (PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Xbox One, Xbox Series) – Shockman Zero (édition collector par Retro-Bit sur Super Nintendo – Amérique du Nord, Europe)
Testé sur : Super Famicom
Disponible sur : PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Xbox One, Xbox Series
En vente sur : Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4, PlayStation 5), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series)

La saga Kaizō Chōjin Shubibinman (jusqu’à 2000) :

  1. Kaizō Chōjin Shubibinman (1989)
  2. ShockMan (1991)
  3. Kaizō Chōjin Shubibinman 3 : Ikai no Princess (1992)
  4. Kaizō Chōjin Shubibinman Zero (1997)

Version Super Famicom

Date de sortie : 20 mars 1997 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Japonais, traduction anglaise par Swambo
Supports : Cartouche, dématérialisé
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en anglais
Spécificités techniques : Cartouche de 6Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a des routes si cahoteuses qu’on se demande pourquoi certains prennent la peine de les emprunter – surtout quand elles semblent ne mener nulle part.

Quelles que soient les raisons de la (relative) notoriété de la série des Kaizō Chōjin Shubibinman au Japon, une chose est sûre : il suffisait de s’y essayer une fois pour comprendre pourquoi la licence n’aura pratiquement jamais quitté l’archipel, à l’exception notable d’un deuxième épisode qui n’aura d’ailleurs pas franchement marqué les esprits en occident. Difficile de trouver quelque chose à sauver dans ce qui faisait penser à un ersatz sans imagination – et, plus grave, sans talent – de Mega Man, et en dépit des efforts du troisième opus pour pousser les curseurs de l’ambition et de la mise en scène un peu plus haut, la série n’aura simplement jamais franchi la barre de la médiocrité et semblait voué à disparaître dans l’oubli en se demandant encore comment quelqu’un pourrait en venir à la regretter.

Signe que la licence n’était pas exactement un succès majeur au Japon non plus, le quatrième opus, prévu sur Super Famicom en 1994, aura été purement et simplement annulé alors qu’il était terminé… avant de revoir miraculeusement le jour trois ans plus tard, en plein pic de l’ère 32 bits, via le service de téléchargement du Satellaview ! Et comme un indice que cet épisode oublié d’une saga inconnue a peut-être un petit quelque chose de plus, non seulement Kaizō Chōjin Shubibinman Zero – c’est son nom – aura connu une réédition sur cartouche via Columbus Circle vingt ans plus tard (!), mais celle-ci aura même bénéficié d’une édition occidentale en janvier 2025 sous le nom de Shockman Zero… six mois après avoir bénéficié d’une sortie inattendue reprenant la traduction de fan réalisée par Swambo sur la Switch et sur les consoles de Sony et Microsoft ! Un fameux destin pour un jeu dont personne ne voulait, non ?

Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas sentir immédiatement la filiation entre cet épisode « Zero » et ses prédécesseurs : bien que les deux cyborgs qui servent de héros soient censés être de nouveaux personnages, ils remplissent exactement le même rôle que les précédents dans le même univers et autour des mêmes figures récurrentes – à commencer par celle du savant qui fait de gros efforts pour qu’on ne l’appelle pas « Dr. Wright ».

Petite nuance, cependant : pour la première fois de la série, les deux personnages jouables n’ont pas exactement les mêmes aptitudes… ce qui ne se vérifiera hélas qu’en mode deux joueurs, le titre ne vous laissant plus sélectionner votre héros au lancement (une bévue corrigée, semble-t-il, dans la version vendue en ligne aujourd’hui) ! Raita, le garçon, a décidé de laisser tomber son épée pour se battre aux poings, mais il peut également tirer une boule d’énergie qui achève de le faire ressembler encore plus au célèbre robot auquel on l’a si souvent comparé. Il a également une attaque spéciale assez délicate à réaliser et lui permettant de sortir une sorte de shoryuken. Azuki, la jeune fille, a elle gardé son épée, mais elle peut elle aussi tirer à distance et son attaque spéciale (beaucoup plus simple à réaliser) lui permet de faire une puissante attaque aérienne.

La première grosse différence avec les précédents épisodes est d’ailleurs à aller chercher dans un aspect beat-them-all assumé – très basique, certes, les adversaires nécessitant rarement un enchaînement de plus de trois coups pour être vaincus – ayant le mérite d’imprimer un rythme nerveux et particulièrement efficace aux divers niveaux du jeu.

Nos cyborgs vont vite, leurs attaques sont précises, et si leurs ennemis sont vite balayés, beaucoup d’entre eux nécessitent un timing précis pour être approchés – ce qui, additionné à de nombreux pièges reposant eux aussi sur le timing, donne au gameplay un aspect fluide évoquant parfois un authentique jeu de rythme, voire la redoutable efficacité de titres à la Shinobi dont tout le génie était précisément à aller chercher dans le placement des adversaires et dans la véritable « danse » qu’il fallait parfois réaliser pour parvenir à les vaincre de façon optimale. Là où le game design des trois précédents opus puait la maladresse (quand ce n’était pas la fumisterie) à quinze années lumière, celui de Kaizō Chōjin Shubibinman Zero a quelque chose qui fait mouche et qui rend la balade authentiquement plaisante par séquences sans que le level design ne côtoie jamais le génie. « Simple mais efficace » est ici une expression qui colle à merveille : il faut cinq secondes pour maîtriser l’essentiel de la jouabilité, et le reste se laisse découvrir avec aisance.

« Avec trop d’aisance », pourrait-on d’ailleurs objecter, car il s’avère que la difficulté du jeu est vraiment très mesurée, invitant à regretter qu’il n’existe aucun moyen de la gonfler un peu. C’est particulièrement frustrant lors de certains boss, comme votre rival récurrent Kagemaru, qui proposent des patterns intéressants… mais qui sont si vite vaincus qu’on a rarement besoin de chercher à les maîtriser.

Le premier boss, littéralement vaincu en trois coups en fonçant dessus, est un assez bon exemple d’un problème qui témoigne des étroites limites de l’équilibrage du jeu : il y a beaucoup d’affrontements qui n’ont simplement pas le temps d’être intéressants, alors qu’il aurait suffi que les ennemis nécessitent quelques coups en plus pour qu’ils le deviennent ! Les huit niveaux du jeu, agréables à parcourir et réservant quelques passages un peu plus exigeants, sont hélas vite vaincus, mais le tout s’enchaîne si naturellement qu’on peut rapidement être tenté de relancer une partie pour le plaisir – ce qui est toujours bon signe. Il faut d’ailleurs signaler que l’humour du jeu se montre cette fois assez efficace – la traduction de Swambo y étant sans doute pour quelque chose – avec un professeur aux mimiques tordantes et une méchante sidekick bien clichée qui se révèle être générale à mi-temps (!) avant de se barrer parce qu’elle estime ne pas être payée assez cher. Bref, le jeu est ce que ses prédécesseurs avaient cherché à être sans jamais réellement y parvenir : divertissant.

Reste cet arrière-goût lancinant qui laisse sur sa faim : avec un équilibrage mieux pensé, un chouïa d’idées en plus et la réintégration de quelques idées visiblement coupées en court de route (à quoi bon nous faire chevaucher une moto volante dans une cinématique pour ne pas nous laisser la piloter ?), le titre n’aurait certes jamais représenté un indispensable de l’année 1997, mais il aurait réellement pu s’inscrire au rang des joyaux méconnus qui méritent une deuxième chance.

En l’état, il n’est vraiment pas loin de postuler, mais à condition de rechercher une expérience adaptée exclusivement aux néophytes ou aux joueurs aimant vaincre un jeu en moins d’une heure dès leur première partie. On sentait bien que les éléments étaient enfin en place pour proposer une série qui vaille la peine qu’on y revienne, mais hélas, trop tard, beaucoup trop tard, surtout quand les derniers concurrents dans le domaine (au hasard, la série des Mega Man X) évoluaient déjà dans de toutes autres sphères. Qu’importe : pour les joueur n’attendant rien de plus qu’un bon (mais court) moment de gameplay « à l’ancienne », Kaizō Chōjin Shubibinman Zero fait le travail, et le fait plutôt bien. Une rédemption certes un peu tardive, mais qui vaut malgré tout la peine d’être saluée.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Parfois, la patience est la clef ! Après trois épisode louvoyant entre la maladresse et la consternante médiocrité, Kaizō Chōjin Shubibinman Zero sera venu conclure une licence dont on n'espérait plus rien d'une façon qu'on n'attendait plus : avec un bon jeu. Certes, il y a quelque chose d'irrémédiablement frustrant dans cet épisode trop court et trop facile qui ne semble jamais parvenir à exploiter pleinement ses meilleures idées, à commencer par son improbable mélange beat-them-all/run-and-gun/plateforme, mais il y a aussi et surtout quelque chose qu'on n'avait pas assez croisé jusqu'ici dans la série : du fun, des mécanismes efficaces, et même un humour qui fonctionne. Clairement pas de quoi aller titiller des Mega Man X ou les vraies références du genre, mais pas de quoi congédier non plus une aventure agréable à parcourir à défaut d'être réellement marquante. Dommage que la saga ne soit pas partie de cet opus plutôt que de se terminer par lui, parce qu'on l'aurait sans doute suivie avec beaucoup plus de plaisir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Pas de choix du personnage en solo, alors que les deux cyborgs avaient pour une fois des capacités différentes
– Un niveau de difficulté très bas...
– ...et aucune option pour l'augmenter
– Un level design un peu trop linéaire

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Kaizō Chōjin Shubibinman Zero sur un écran cathodique :

Alien (Fox Video Games)

Développeur : Fox Video Games, Inc.
Éditeur : Fox Video Games, Inc.
Titre Alternatif : Alienigena (Brésil)
Testé sur : Atari 2600

La licence Alien (jusqu’à 2000) :

  1. Alien (Fox Video Games) (1982)
  2. Alien (Concept Software) (1984)
  3. Aliens : The Computer Game (Activision) (1986)
  4. Aliens : The Computer Game (Software Studios) (1987)
  5. Aliens : Alien 2 (1987)
  6. Aliens (1990)
  7. Alien³ (Probe Software) (1992)
  8. Alien³ (B.I.T.S.) (1993)
  9. Alien³ : The Gun (1993)
  10. Aliens : A Comic Book Adventure (1995)
  11. Alien Trilogy (1996)
  12. Alien : Resurrection (2000)

Version Atari 2600

Date de sortie : Novembre 1982 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue :
Support : Cartouche
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version NTSC
Spécificités techniques : Cartouche de 32kb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Vous êtes-vous déjà demandé comment Atari, société pionnière confortablement assise sur le toit du monde vidéoludique au début des années 80, était parvenue à s’effondrer en même temps que le jeu vidéo américain en quelques mois alors qu’elle jouissait d’une position de force sans précédent ?

Je vais vous faire la version courte : tout ça, en fait, c’est à cause du jeu vidéo indépendant.

Bon, après réflexion, la phrase mérite peut-être une explication un peu plus longue – le sujet est passionnant, même si ce n’est pas tout-à-fait ce dont il est question ici. Tout commence donc lorsque certains des plus brillants développeurs de chez Atari décident de claquer la porte, écœurés que la direction ait refusé de leur accorder un pourcentage sur des ventes se chiffrant parfois en millions d’exemplaires, pour aller fonder le premier studio indépendant : Activision. Atari, d’abord hilare qu’une poignée de techniciens s’en aille tenter leur chance avec les poches vides sur un marché que la compagnie domine de la tête et des épaules, commence à grincer des dents lorsqu’elle réalise qu’Activision a décidé de développer des cartouches… pour l’Atari 2600. Courroucée, elle saisit alors la justice, arguant de son droit à décider qui a le droit de vendre des jeux sur sa console… ce à quoi le juge répond en substance qu’il n’existe aucune loi lui permettant de le faire.

Un camouflet aux conséquences lourdes, puisqu’il ouvre littéralement les portes du marché à une concurrence qui n’en attendait pas tant. Une bonne chose pour les joueurs ? Eh bien, la suite prouvera que non : souvent fondées par des entrepreneurs désireux de s’en mettre plein les fouilles plutôt que par des passionnés rêvant de déverser leur savoir sur le monde, les nouvelles entreprises ne croulent pas exactement sous les idées de game design. Qu’importe : la propriété intellectuelle étant alors plus une vue de l’esprit qu’une réalité manifeste dans l’univers du jeu vidéo, le marché commence rapidement à ployer sous les (mauvais) clones de Pac-Man, de Space Invaders, de Pong ou de Defender, deversés par dizaines dans des versions absolument dégueulasses dont l’unique fonction est de piéger les joueurs mal informés (c’est à dire, virtuellement, tous) avec des jaquettes ronflantes pour les amener à croire qu’ils achètent la conversion officielle de l’arcade… avant de se retrouver avec l’équivalent des contrefaçons chinoises bas-de-gamme. Oh, et puis quelques jeux de cul bien crades à la Custer’s Revenge aussi, histoire de finir d’abîmer une image qui aura commencé à se dégrader à grande vitesse.

Conséquence : devenu à la fois une escroquerie géante et un far west pour investisseurs peu scrupuleux, le jeu vidéo américain s’effondre en 1983, ayant consciencieusement massacré la poule aux œufs d’or jusqu’à en écœurer tout le public de destination.

Et tout cela, donc, à cause de jeux comme Alien.

Revenez, vous avez lu le pavé de note, vous savez que c’est plus compliqué que cela et que je fais volontairement preuve d’une mauvaise foi qui confine à la provocation. Le fait est que, confronté à l’adaptation d’un film qui venait mine de rien de fêter ses trois ans, on imagine les développeurs de Fox Video Games face à un fameux casse-tête : comment retranscrire la tension, l’atmosphère et l’efficacité du fameux thriller de science-fiction sur l’Atari 2600 ? Facile : en faisant un clone de Pac-Man. L’idée, après tout, est loin d’être aussi idiote qu’elle en a l’air : le Nostromo figure un excellent labyrinthe, les fantômes peuvent facilement être remplacés par des xénomorphes (oui, autant en mettre plusieurs, cela reste quand même un jeu), et pour remplacer les pac-gommes, on n’a qu’à dire que le héros (il n’est jamais nommé dans le manuel, c’est juste le joueur) écrase des œufs d’aliens sans risquer de se prendre un facehugger dans la face. Et les super-pac-gommes ? Une arme futuriste appelée « Pulsar ». Eurêka.

La grande différence entre Alien et les centaines d’ersatz qui auront fini par dévaster l’industrie, c’est que la cartouche parvient à être, eh bien, pertinente – ne fut-ce que parce que la conversion officielle de Pac-Man sur Atari 2600 la même année s’était révélée particulièrement catastrophique. Ici, premier bon point : le jeu est bien réalisé : il y a des cycles de couleurs qui animent les sprites, l’action est fluide, ça ne clignote pas, les bruitages font le travail avec efficacité.

Il n’y a certes toujours qu’une seule arène qui se répète en boucle avec des ennemis de plus en plus rapides et un « Pulsar » à la durée de vie de plus en plus courte, mais le titre s’efforce d’introduire de bonnes idées, comme un niveau bonus demandant de se frayer un chemin entre des créatures en moins de huit secondes, à la Freeway cette fois, ou l’usage d’un lance-flammes permettant d’éloigner temporairement les xénomorphes avec le bouton du joystick. De quoi compenser un peu le fait que les stratégies soient moins ouvertes que dans Pac-Man : contrairement aux super-pac-gommes, il n’y a jamais plus d’un seul exemplaire du « Pulsar » présent à l’écran à la fois, ce qui fait que le joueur doit composer en fonction de l’endroit où apparaitra le suivant plutôt que d’optimiser sa route en fonction des quatre « oasis » que représentaient originellement les super-pac-gommes. Conséquence ? il faut improviser un peu plus, mais le gameplay ne se renouvèle pas davantage.

Objectivement, il faut néanmoins convenir que la cartouche s’en sort globalement très bien, et que quitte à proposer un autre clone de Pac-Man, le studio aura au moins eu le mérite d’en offrir une version rafraichissante avec ses propres idées – et une résultat bien supérieur à celui de la cartouche officielle, petit rappel au passage que le krach de 1983 n’aurait sans doute pas eu lieu si les joueurs avaient au moins pu s’appuyer sur la qualité des cartouches directement conçues par Atari.

Qu’importe : c’est, comme pratiquement tous les jeux de sa génération, un titre pensé pour des parties de quelques minutes et pas davantage – mais il le fait bien. Sans doute pas de quoi abandonner ses parties d’Alien Trilogy, mais de quoi se souvenir qu’en jeu vidéo, il existe toujours une ligne – parfois très fine, mais qui fait toute la différence – entre l’inspiration et le gros plagiat qui tache. N’empêche : un long-métrage horrifique de 1979 comme matrice secrète du concept de Pac-Man, j’avoue qu’il fallait y penser, à celle-là. Comme quoi, il est décidément plein de surprises, ce film.

Vidéo – Une partie lambda :


NOTE FINALE : 12/20

Comment adapter un monument du cinéma de science-fiction comme Alien sur une console comme l'Atari 2600 ? En faisant un clone de Pac-Man, pardi ! L'idée a beau être décevante sur le papier, transformant le chef d'oeuvre de Ridley Scott en un de ces avatars qui faillirent tuer le jeu vidéo américain en 1983, il faut reconnaître que le cartouche fait plutôt nettement mieux en la matière que le catastrophique portage de la mascotte de Namco sur le même système : c'est coloré, ça ne clignote pas et c'est suffisamment bien équilibré pour qu'on se surprenne à ne pas avoir envie de reposer le joystick avant d'avoir terminé sa partie de trois minutes. Alors non, l'atmosphère, la tension et l'adrénaline ne sont pas là, mais un jeu décent ? À tout prendre, ce n'est déjà pas si mal.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une ambiance sonore extrêmement discrète
– Un seul plan de labyrinthe
– Des stratégies réduites par le fait qu'il n'y ait qu'un seul pulsar accessible à la fois

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Alien sur un écran cathodique :

Strike Fighter

Développeur : Sega R&D 8
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titres alternatifs : ストライクファイター (graphie japonaise), After Burner III (FM Towns, Mega-CD)
Testé sur : ArcadeFM TownsMega-CD
Également testé : SEGA Strike Fighter

La saga After Burner (jusqu’à 2000) :

  1. After Burner I & II (1987)
  2. Strike Fighter (1991)
  3. SEGA Strike Fighter (2000)

Version Arcade

Date de sortie : Mai 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleurs : Un manche à balai et trois boutons
Version testée : Version export
Hardware : SEGA Y Board
Processeurs : Motorola MC68000 12,5MHz (x3) ; Zilog Z80 4,026987MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; YM2151 OPM 4,026987MHz ; SEGA PCM 4,026987MHz ; 2 canaux
Vidéo : 320 x 224 (H) 60Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’innovation n’est pas un phénomène linéaire qu’il suffit de mettre en route comme on démarre un moteur avant d’en récolter les fruits. C’est, par nature, le résultat d’un ensemble d’expérimentations dont une large partie aura été vouée à échouer. Ou, pour dire les choses de façon plus simple : il y a des fois ou ça ne marche pas, et puis il y a des fois où on n’a plus d’idées.

Loin de ces considérations scientifiques, le béotien (généralement appelé « responsable marketing ») a souvent une appréciation plus simple de ce qu’est l’innovation : quand le public en veut, il faut lui en donner vendre, et puisque c’est précisément à ça que servent les sections R&D, eh bien elles n’ont qu’à en produire, et de préférence avant lundi prochain, parce que ça urge.

Mais comme on peut s’en douter, un gouffre sépare souvent la théorie de la pratique et même une entreprise à la pointe de l’innovation comme pouvait l’être SEGA au début des années 90 était vouée à aboutir, de temps à autre, dans une impasse. Avec le recul, la volonté de continuer à offrir des bornes d’arcade basées sur le sprite scaling et reposant sur le fait de piloter un jet suite au succès des deux premiers épisodes d’After Burner en aura rapidement constitué une, et si les années auront vu apparaître à répétition des G-LOC : Air Battle, des Strike Fighter ou des Sky Target, aucune de ces bornes n’aura jamais pu prétendre approcher le succès des opus imaginés par Yu Suzuki. Pendant que la 3D débarquait dans les salles d’arcade via le succès de Virtua Racing ou de Virtua Fighter, l’innovation n’aura donc jamais produit d’After Burner III… au contraire du mercantilisme, qui aura décidé de donner ce nom à la version domestique d’une borne si mineure qu’elle n’aura finalement jamais quitté le Japon – et qui aurait sans doute largement pu mériter ce nom tant les points communs entre les deux licences sont nombreux, mais à laquelle il manquait peut-être juste un élément pour porter le glorieux nom de ses aînées : une idée…

Strike Fighter serait né d’une volonté simple : celui du reprendre le moteur et le système de jeu de G-LOC : Air Battle et de faire tendre sa philosophie (originellement celle de proposer une simulation allégée) vers celle, plus adaptée à l’arcade, d’After Burner.

Traduit en clair : apparemment, demander au joueur de remplir des objectifs aussi basiques que de détruire un certain nombre de cibles était déjà perçu comme trop compliqué, alors autant revenir à l’essentiel : voler tout droit, tirer sur tout ce qui se présente, et surtout : survivre. Un menu un peu léger sur le papier, mais sachant que le fun résulte souvent d’une alchimie très délicate – et que G-LOC : Air Battle avait échoué à renouer avec le succès de son prédécesseur – on peut comprendre que le premier réflexe ait été de chercher à renouer au maximum avec ce qui avait fonctionné tant c’est précisément ce que tendent à attendre les joueurs. En résumé, si Strike Fighter aspirait à être un tout petit peu plus qu’After Burner tournant avec le moteur de G-LOC : Air Battle, le fait est qu’il ne semble pas exactement être parvenu à viser plus haut que cela.

Le truc, c’est que les joueurs ne s’attendaient sans doute pas à une application aussi littérale du programme qui vient d’être exposé. Car en lançant Strike Fighter, la première conclusion qui s’impose, c’est quand même qu’on vient de lancer G-LOC : Air Battle : même hardware, même moteur, même vue, même jouabilité… le moins qu’on puisse dire, c’est que la différence ne saute pas exactement aux yeux – les détails au sol semblent même plus rares, puisqu’il ne sera pas question ici d’aller faire des passages en rase-mottes dans des défilés ni de participer à des missions de nuit comme le proposait pourtant son prédécesseur un an plus tôt !

Même les séquences de poursuite qui voient la vue passer à la troisième personne pour donner l’occasion au joueur d’éviter les tirs d’un avion placé dans ses six heures sont reprises à l’identique, à se demander si SEGA n’était pas en train d’écouler les stocks de ses vieilles bornes en leur donnant un nouveau nom pour enfumer tout le monde ! Seule minime, minuscule nouveauté : la présence d’une post-combustion qui permet de bénéficier d’un gain d’évasion en même temps que d’un boost d’adrénaline – c’est d’ailleurs tellement efficace que j’en viens à me demander s’il n’est pas possible de terminer les quinze vagues du jeu de cette façon, en se contentant de foncer tout droit en évitant les tirs adverses avec le pied dans le phare.

Reste donc l’idée de proposer une jouabilité plus « arcade » que celle d’une borne d’arcade, et pour le coup on hérite très exactement de ce qui avait déjà servi à décrire G-LOC : Air Battle : c’est littéralement After Burner en vue subjective, et rien d’autre. Ce qui signifie également que le gain en précision qui avait pu être observé dans le premier nommé n’a plus cours ici : comme dans After Burner, les jets adverses et leurs missiles arrivent à une telle vitesse que la méthode la plus efficace pour espérer survivre est de secouer le manche à balai en tous sens pour enchaîner les tonneaux cheveux au vent en se posant d’autant moins de questions que les tirs de mitrailleuse comme les missiles sont illimités.

Autant dire que 95% du temps, on ne comprend pas grand chose à ce qui se passe, et qu’à la rigueur ce n’est de toute façon même pas l’objectif : ça va vite, c’est marrant, on s’est bien amusé pendant une minute et maintenant on va jouer à autre chose. Ben comme After Burner, en fait. Mais sans l’effet de surprise, avec moins de détail au sol, avec des idées en moins (on n’a même plus de séquences de ravitaillement puisqu’on n’a rien à ravitailler !) et des sensations globalement moins présentes. Bref, ça aurait effectivement pu être After Burner III si c’était simplement parvenu à être autre chose qu’une version « light » d’After Burner II. Rien d’étonnant, donc, à ce que le marketing de SEGA ait par la suite fini par franchir le pas et par bousiller par la même occasion sa licence en vendant un jeu dont personne ne voulait basé sur une borne qui avait déjà fait un bide au Japon : à trop essorer les mêmes concepts avec les mêmes techniques, ont fini par aboutir à la quadrature du cercle : le même jeu. Autant dire qu’on aurait aussi bien pu s’en passer.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 12,5/20

Le vrai problème avec Strike Fighter, c'est qu'on passe les très rares moments où on ne se demande pas pourquoi quelqu'un s'est donné la peine de changer le nom de la borne de G-LOC : Air Battle à se demander pourquoi quelqu'un s'est donné la peine de changer le nom de la borne d'After Burner. Non seulement il n'y a pas l'ombre du début du commencement d'une idée neuve dans la borne de SEGA R&D 8, mais en plus la réalisation donne elle aussi le sentiment de ne pas avoir avancé d'un pouce, tandis que le système de jeu, lui, a plutôt fait un pas en arrière. Il en résulte qu'on passe une fois de plus dix minutes à faire des tonneaux dans tous les sens en tirant au hasard sans jamais avoir le sentiment d'avoir la moindre prise sur ce qui se passe à l'écran, et qu'en dépit de l'adrénaline offerte par la chose, on ne sait même plus dire si on s'est réellement amusé. De quoi se défouler avec le cerveau sagement rangé dans un coin de la pièce, mais le temps d'un crédit ou deux et pas davantage.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une réalisation qui n'offre rien de plus que G-LOC : Air Battle...
– ...tout en perdant en précision et en jouabilité à vouloir décalquer le gameplay d'After Burner
– Une durée de vie qui se chiffre en minutes

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Strike Fighter sur une borne d’arcade :

Version FM Towns
After Burner III

Développeur : CSK Research Institute Corp.
Éditeur : CSK Research Institute Corp.
Date de sortie : Juin 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais (narration), anglais (menus)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Au grand jeu des conversions de l’arcade, le FM Towns n’est a priori pas la machine la plus mal équipée, et en prenant en considération le fait que le portage d’After Burner sur la même machine, réalisé trois ans plus tôt par le même studio, avait été d’excellente qualité, on lance le jeu avec une certaine confiance. Malheureusement, le titre a beau être devenu After Burner III, on a plutôt l’impression de revoir les abominables conversions sur ordinateurs de G-LOC : Air Battle ; ce n’est pas que ça soit moche ou que ça bouge mal, mais où sont passé tous les détails au sol ? On n’a pour seul horizon qu’un pâté bleu en guise de ciel, avec un pâté vert/jaune/blanc en guise de sol, et quelques points anarchiquement disséminés pour donner une illusion de mouvement ! Et histoire d’en rajouter une couche, le programme se sent obligé d’afficher ce néant à une résolution mutilée de 256×192, comme si afficher trois sprites se battant en duel au-dessus d’un décor bichrome lui demandait trop de ressources ! Alors certes, cette fois, on n’a plus vraiment d’excuses pour ne pas comprendre ce qui se passe à l’écran, la vitesse est plutôt bien préservée et la musique CD sauve la réalisation. Mais sachant que le portage du premier opus faisait mieux dans absolument tous les domaines, renommer ce Strike Fighter en After Burner III n’était sans doute pas le meilleur service à lui rendre. À oublier.

NOTE FINALE : 08,5/20

Supprimer pratiquement tous les éléments visuels dans un jeu reposant quasi-exclusivement sur sa réalisation n’est jamais une bonne idée, et on ne saura probablement jamais pourquoi CSK Research Institute aura jugé qu’After Burner III se porterait mieux en n’offrant que deux pâtés informes en guise de décor. Toujours est-il qu’on se retrouve avec un petit jeu de tir pas impressionnant pour deux sous et dont on fait le tour en une poignée de secondes. Pas exactement ce qu’on était venu chercher…

Version Mega-CD
After Burner III

Développeur : CSK Research Institute Corp.
Éditeur : CSK Research Institute Corp. (Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord) – SEGA Enterprises Ltd. (Europe)
Date de sortie : 18 décembre 1992 (Japon) – Mai 1993 (Amérique du Nord) – Juin 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad (trois ou six boutons), XE-1 AP
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Avec la même équipe que pour la version FM Towns aux commandes, autant dire que c’est avec un enthousiasme plutôt mesuré qu’on lance After Burner III sur Mega-CD. Pourtant, les choses partent plutôt mieux que ce qu’on pouvait craindre : certes, les graphismes sont moins colorés que dans les autres versions, mais on a au moins le droit à une résolution en 320×224, comme sur la borne, et le jeu affiche cette fois des sprites au sol – pas beaucoup, mais suffisamment pour faire un minimum illusion. La réalisation sonore est à la hauteur, cette version intégrant carrément des thèmes remasterisés des deux premiers After Burner, le framerate est bon et la jouabilité réactive. Le contenu a également été revu à la hausse : le mode débutant intègre 11 niveaux, le mode normal 15 et le mode expert 20 – ce qui fait cinq de plus que sur la borne – plus deux modes chronométrés consistant à abattre un maximum de cibles en 90 secondes ; un peu gadget mais pourquoi pas. Les versions occidentales du jeu intègrent également la possibilité de choisir sa vue, soit via le menu des options, soit à la volée en cours de partie – à condition d’avoir un pad à six boutons. Bref, cela ressemble à une version un peu plus conforme aux attentes… à un petit détail près.

Ce détail, hélas, se trouve être la jouabilité : quelle que soit la vue choisie, éviter un missile adverse demande un temps de réaction si ridiculement court que l’acte est rendu virtuellement impossible à un être humain ordinaire. Seule solution : gigoter le manche en permanence au pif total dans l’espoir de passer entre les gouttes – ce qui pouvait éventuellement faire illusion deux minutes sur arcade, mais tend à annihiler toute forme de stratégie et de plaisir de jeu ici – d’autant que cette version est beaucoup plus difficile que la borne. Atteindre la troisième vague sans perdre un continue est déjà presque un exploit ! Autant dire que l’expérience de branlotage de manche démontre rapidement son manque total d’intérêt et qu’on abandonne rapidement le jeu pour aller s’essayer à autre chose – au hasard, à After Burner sur Mega Drive, qui était bien supérieur.

NOTE FINALE : 09/20

After Burner III sur Mega-CD a beau essayer de donner le change en augmentant son contenu et en s’efforçant de soigner (un peu) sa réalisation, le fiasco qu’est sa difficulté insurmontable rend l’expérience de jeu profondément inintéressante. Après avoir passé deux minutes à faire la toupie sans rien comprendre à ce qui se passe, on va vomir un coup et on range le CD-ROM bien proprement à sa place, dans l’incinérateur. Un beau ratage.

SEGA Strike Fighter

Développeur : WOW Entertainment
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Japon) – SEGA Enterprises, Inc. (USA) (Amérique du Nord) – SEGA Amusements Europe, Ltd. (Europe)
Titre alternatif : セガ ストライクファイター (graphie japonaise)
Testé sur : Arcade

À la fin du dernier millénaire, à un moment où les salles d’arcade étaient déjà inéluctablement sur le déclin et où SEGA jouait gros (et était sur le point de perdre) avec sa Dreamcast, on aurait pu s’attendre à voir débarquer sur la borne NAOMI (qui employait une architecture similaire à celle de la Dreamcast) un nom ronflant de type After Burner IV. Pour une raison ou pour une autre, c’est pourtant bel et bien la licence nettement moins célèbre des Strike Fighter qui aura eu le droit à un nouvel épisode, et histoire de rendre les choses plus confuses encore, au lieu d’avoir le droit à un grand « 2 » en bonne et due forme, le titre se sera contenté d’un grand « SEGA » pour le distinguer de la borne sortie presque dix ans plus tôt. Une forme d’aveu, tant ce nouvel opus est moins une suite qu’une relecture de l’épisode précédent, chargé de dévoiler toutes les prouesses technologiques de l’année 2000 dans une borne simple ou un modèle « deluxe » faisant usage de pas moins de trois écrans côte-à-côte. Le concept a beau être toujours exactement le même – détruire des cibles aériennes et au sol sans trop se poser de question –, la philosophie a évolué en même temps que la technique, et le jeu repose dorénavant beaucoup plus sur un gameplay précis que sur une adrénaline et une sensation de vitesse désormais quasi-inexistantes, sauf en rase-mottes. Un très bon moyen de découvrir tout ce qui avait changé en neuf ans – en bien comme en mal.

Version Arcade

Date de sortie : Novembre 2000 (Japon, Europe) – Février 2001 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleurs : Un manche à balai, deux pédales, une manette des gaz et trois boutons
Version testée : Version japonaise
Hardware : SEGA NAOMI Multiboard
Processeurs : Hitachi SH-4 (little) 200MHz ; ARM7 (little) 2,8224MHz ; Zilog Z80 16MHz ; Toshiba TMP90PH44 10MHz ; Motorola MC68000 10MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; Yamaha AICA 22,5792MHz ; 2 canaux
Vidéo : 640 x 480 (H) 61,702586Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Neuf ans, en temps vidéoludique, c’est extrêmement long – surtout au XXe siècle, où la technologie avançait à un train d’enfer. Très bonne démonstration avec SEGA Strike Fighter : reprenez exactement le concept d’une borne de 1991, et qu’obtenez-vous en 2000 ? Déjà, de la 3D nettement plus spectaculaire, en temps réel, avec ombrages, effets de lumière et toute la batterie de capacités de la Dreamcast.

Est-ce plus beau ? Infiniment. Est-ce que cela impacte la jouabilité ? Oui, mais en bien : plutôt que baser l’expérience sur la vitesse pure, WOW Entertainment aura fait le choix d’un modèle de vol un peu plus réaliste, que la borne prend d’ailleurs le temps de vous détailler via un mode entraînement dédié de plusieurs minutes ! Alors soyons clairs : on est toujours très loin d’une simulation, comme on peut s’en douter, mais on comprend enfin ce qui se passe, et l’action est d’autant plus basée sur les manœuvres et la précision que les munitions ne sont plus illimitées et que la durée des diverses missions est très limitée : entre une minute et une minute trente. Dans ce laps de temps, l’objectif est de détruire un certain nombre de cibles clairement désignées – ce qui fait qu’on s’approche encore un peu plus de G-LOC : Air Battle.

Le gros de l’action est divisée en deux « campagnes » variant les cibles et les environnements, et poussant même le raffinement jusqu’à vous offrir le choix entre deux missions différentes à la conclusion de chacune d’entre elles. On a même le droit à des petits briefings, avec une opératrice asiatique dotée d’un nom occidental, parce qu’exportation, et à un niveau bonus de ravitaillement en vol, mais la donnée importante est surtout que la borne réussit précisément l’amalgame que sa prédécesseuse avait raté : suffisamment de technicité pour qu’on se sente réellement investi en tant que pilote, et une action suffisamment nerveuse et suffisamment accessible pour qu’on soit à l’aise en une poignée de secondes.

On n’a jamais le temps de s’ennuyer, et le chrono représentant de toute façon l’adversaire principal, la vraie difficulté des missions avancées reposera surtout sur la capacité à éviter les dogfights interminables pour parvenir à aligner les cibles le plus rapidement possible. C’est relativement beau, ça va vite, c’est précis, on passe un bon moment, et il y a suffisamment de contenu pour se vider les poches avec enthousiasme. Évidemment, l’action finit fatalement par être redondante – 95% des missions consistent à garder les cibles dans le viseur suffisamment longtemps pour pouvoir tirer les missiles à tête chercheuse – mais en tant qu’expérience dans une salle d’arcade, c’est indéniablement des kilomètres au-dessus de la première version. En fait, on est très proche de ce qu’avait déjà commencé à offrir – et de ce qu’offre encore – une licence à la Ace Combat : de la simulaction où des chasseurs sont capables de transporter 45 missiles sous leurs ailes et s’affronte aux réflexes plutôt qu’aux instruments, mais ça fait parfaitement le café. De quoi donner envie de remettre une petite pièce de temps à autre, juste pour le fun.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20

L’arcade de 2000 avait visiblement plus de matière à offrir que celle de 1991 : SEGA Strike Fighter fait le choix de ne plus s’appuyer exclusivement sur la vitesse et sur la poudre aux yeux, et il l’assume avec brio. Grâce un aspect simulation très basique, mais qui donne enfin le sentiment de contrôler son avion, on aligne les cibles avec jubilation dans une 3D irréprochable jusqu’à ce que le menu finisse par manquer de variété – mais on aura eu tout loisir de passer un long et bon moment avant que la lassitude ne s’installe. De l’action comme on l’aime.

Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions

Développeur : Distinctive Software, Inc.
Éditeur : Konami, Inc.
Testé sur : PC (DOS)

La saga Teenage Mutant Hero Turtles chez Konami (jusqu’à 2000) :

  1. Teenage Mutant Hero Turtles (1989)
  2. Teenage Mutant Hero Turtles (Arcade) (1989)
  3. Teenage Mutant Hero Turtles : Fall of the Foot Clan (1990)
  4. Teenage Mutant Hero Turtles : Turtles in Time (1991)
  5. Teenage Mutant Hero Turtles II : Back From The Sewers (1991)
  6. Teenage Mutant Ninja Turtles III : The Manhattan Project (1991)
  7. Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions (1991)
  8. Teenage Mutant Hero Turtles : The Hyperstone Heist (1992)
  9. Teenage Mutant Hero Turtles : Tournament Fighters (Super Nintendo) (1993)
  10. Teenage Mutant Hero Turtles : Tournament Fighters (NES) (1993)
  11. Teenage Mutant Hero Turtles III : Radical Rescue (1993)
  12. Teenage Mutant Hero Turtles : Tournament Fighters (Mega Drive) (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1991 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy
Cartes sons supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy, Tandy SL/TL

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dans la vie, tout le monde ne part pas avec les mêmes armes. Même la grande famille vidéoludique comprend son lot de déshérités – et pas toujours là où on les attend.

Autant le dire d’emblée : Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions est une anomalie. Quelque chose ne tourne pas rond avec lui, et la première question qui aura approché l’esprit de la plupart des lecteurs – y compris ceux nourrissant ou ayant nourri un intérêt particulier vis-à-vis des Tortues Ninja – en voyant apparaître son nom est sans doute : « Pourquoi n’en avais-je encore jamais entendu parler ? ». Certes, le titre ressemblant fortement à celui de The Manhattan Project – ironiquement sorti le même mois – peut prêter à confusion, mais au-delà de ce détail, on est bel et bien en présence d’une boîte de jeu tout ce qu’il y a de plus officielle, avec une illustration figurant clairement les quatre personnages principaux de la licence et un énorme « Konami » en bas à droite. Alors qu’est-ce qui cloche ? Déjà, le fait que l’on soit en présence d’une exclusivité PC, ce qui ne correspondait pas exactement au terrain préférentiel de la compagnie japonaise.

Le monde étant finalement plus rationnel qu’on le pense, on réalise rapidement que Konami n’est pas le développeur mais bien l’éditeur du jeu – ce qui reste un peu déroutant, Konami commercialisant alors quasi-exclusivement des titres issus de ses propres studios, quitte à créer ses propres labels de type Palcom pour contourner les restrictions placées par Nintendo. Le développeur se trouve être un certain Distinctive Software – pas exactement le nom le plus célèbre ni le plus ronflant en la matière, mais qui serait bientôt connu sous celui d’EA Canada. Une chose est certaine, en tous cas : Konami, l’éditeur, croyait suffisamment au jeu pour le commercialiser, mais visiblement pas assez pour le vendre ailleurs qu’en Amérique du Nord, et vraisemblablement avec une promotion minimale ; le fait que je ne sois même pas parvenu à trouver un test d’époque concernant le jeu m’invite à penser qu’il n’a peut-être même pas été envoyé aux rédactions journalistiques de la période. Investissement minimal de la part de Konami (qui avait toutes les raisons de croire qu’un titre estampillé Tortues Ninja se vendrait de toute façon tout seul en période de Noël) ou volonté de ne pas faire trop de bruit autour d’un programme ne correspondant pas à ses standards ? On ne le saura jamais. Mais disons simplement que s’il s’agit de la deuxième option, celle-ci part vraisemblablement d’un constat très sévère.

On ne peut en tous cas pas enlever au titre de DSI un respect certain pour son matériau d’origine, le programme s’ouvrant sur une longue introduction prenant la peine de décrire l’origine de nos héros ; ce n’est certes pas le pic de ce qu’on a pu connaître en matière de pixel art (la participation des artistes de chez Konami aurait indéniablement fait beaucoup de bien à ce niveau), mais c’est cohérent, bien présenté, et il est difficile de ne pas craquer en entendant le haut-parleur interne cracher « pizza ! » lorsqu’une des tortues prononce son premier mot.

S’ensuit l’enjeu principal du programme : Shredder indique fort courtoisement à la télévision qu’il va prendre le contrôle de Manhattan sous 48 heures. Pour le contrer, les tortues n’ont a priori aucune piste… sauf celle des nombreux méfaits commis en ville, dont plusieurs pourraient être reliés directement au chef du clan foot. N’écoutant que leur courage, les quatre ninja prennent donc le parti d’aller faire le travail de la police en s’intéressant à cinq affaires : une attaque de banque, des êtres à tête de tricératops qui sèment le chaos en ville, un réseau de vendeurs d’armes, des incendies criminels, et même des contrebandiers d’ivoire (!). Un peu à la manière de The Punisher, il va donc falloir mener l’enquête pour trouver où est caché Shredder – au détail près que cette enquête prendra cette fois la forme d’un beat-them-all en 2D à l’ancienne avec très peu d’éléments d’aventure, ce qui a au moins le mérite de simplifier les choses.

Chaque affaire est divisée en plusieurs étapes qui demandent d’être résolues dans l’ordre, mais le joueur a la totale liberté de choisir sa prochaine destination et la ou les tortues qu’il dirigera (car oui, le jeu est jouable à deux) ; la seule limite est celle du temps, puisque le jeu devra être terminé en moins de 48 heures. Si cela semble un total assez généreux pour un titre dont l’action se déroule en temps réel, il faut garder à l’esprit que vos héros auront souvent besoin de se reposer entre les missions histoire de se refaire une petite santé – ce qui leur prendra au moins une heure à chaque fois.

Ils auront également tout loisir de s’entraîner, Splinter étant visiblement suffisamment au fait de la nature de l’adversité pour avoir un exemplaire de chaque ennemi à disposition dans ses égouts (!!), un bon moyen pour le joueur de mémoriser les patterns adverses… et pour les tortues de progresser, chaque combat terminé faisant progresser à la fois sa force, sa vitesse et sa jauge d’énergie. Avec le temps, non seulement chacune d’entre elles pourra donc devenir bien plus résistante, mais elle pourra même aller jusqu’à développer de nouveaux coups plus meurtriers ! Je sens déjà les cyniques grincer des dents : « un bon moyen de doper la durée de vie du jeu en obligeant le joueur à passer deux plombes à s’entraîner histoire d’avoir des statistiques correctes, c’est ça ? ». Eh bien non, car les tortues progressent également très vite en situation réelle, et le titre n’étant objectivement pas très difficile (DSI s’est peut-être rappelé que son public de destination restait les enfants…), on peut se lancer immédiatement dans le feu de l’action, quitte à passer rapidement d’une tortue à une autre via la touche F1 pour pouvoir profiter de leurs quatre jauges de santé et de leurs réserves de shurikens cumulées.

Il faudra d’abord prendre le temps de dompter une jouabilité faisant beaucoup penser à celle des jeux de combat à la Budokan, et nécessitant pas moins de deux boutons du joystick – un de ces avantages du PC sur l’Amiga et l’Atari ST –, facilement remplacés par la touche Entrée et la barre d’espace quand on joue au clavier.

Par défaut, une tortue peut sauter, se baisser, lancer des shurikens (très pratique contre les boss ou les ennemis équipés d’armes à feu) et collecter divers bonus, qu’il s’agisse des boîtes de pizza qui font office de soins, de shurikens additionnel ou d’objets servant à la résolution de petites énigmes très simples (de type trouver une corde pour franchir un précipice). En appuyant sur les deux boutons en même temps, elle passe en mode combat, un bouton servant à réaliser les combinaisons offensives et un autre les combinaisons défensives – qui, autant le dire, sont rarement sinon jamais utiles, les affrontements n’étant pas assez techniques pour nécessiter la mise en place de stratégies complexes. Traduit en clair : on pourra résoudre à peu près n’importe quel conflit en spammant les deux mêmes attaques quelle que soit la tortue sélectionnée, ce qui évitera au moins de composer avec une courbe de progression interminable qui n’en aurait objectivement pas valu la peine.

Une fois en jeu, le principe est simple et la vue comme la jouabilité évoquent ce qu’aurait pu donner un titre à la Batman : The Caped Crusader s’il avait été jouable et équilibré à peu près correctement. La réalisation, sans être transcendante, met un point d’honneur à varier les environnements et les ennemis rencontrés, et on se découvre un certain plaisir à découvrir tous les niveaux du jeu, qu’on soit en train de parcourir les rues de Manhattan, un pétrolier, une boîte de nuit ou un dojo.

En fait, en dépit de la répétitivité de l’approche, on se surprend même à penser que le système de jeu n’est pas mal pensé du tout et qu’avec un peu plus de soin à tous les niveaux – une réalisation tirant mieux parti des 256 couleurs du VGA, une musique qui se manifeste au-delà de l’écran-titre, des objectifs un peu plus variés que d’aller tuer des boss, un système de combat plus technique… – on n’aurait vraiment pas été loin de tenir un des meilleurs programmes tirés de la licence, c’est dire !

En l’état, le jeu souffre d’un peu toutes les anicroches correspondant à un jeu d’action sur PC en 1991 : la jouabilité est un peu raide, l’assemblage est parfois un peu bancal, et on se dit qu’en dépit de quelques qualités bien senties, la prise en main demeure inutilement complexe pour ce qui reste fondamentalement un beat-them-all à la Kung-Fu Master avec quelques timides séquences de plateforme et des « énigmes » qui ne servent qu’à justifier un aspect exploration très limité en demandant de transporter des objets d’un point A à un point B rarement situé à plus de deux écrans de là. Bref, le tout sent un certain manque de polish, pour ne pas dire d’ambition – comme si les développeurs savaient très bien que Konami n’allait pas exactement se mettre en quatre pour promouvoir leur jeu – qui empêche ce jeu d’être davantage qu’une curiosité sympathique avec des idées qui auraient mérité d’être creusées. Clairement pas un indispensable, mais si vous avez un goût irrationnel pour ces programmes maladroits qui n’étaient qu’à quelques sauts de puce d’être vraiment bons, ce Manhattan Missions mérite surement une deuxième chance.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20

Titre méconnu passé totalement sous les radars – sans doute à cause de son statut d'exclusivité PC non développée par Konami – Teenage Mutant Ninja Turtles : Manhattan Missions est un logiciel qui aurait sans doute mérité un meilleur sort. Sorte de rencontre improbable entre Batman : The Caped Crusader et The Punisher sur la même machine, le jeu imaginé par DSI en reprend une partie des bonnes idées pour en tirer – miracle ! – un amalgame mieux pensé, mieux équilibré et bien plus jouable. Certes, comme on pouvait s'y attendre en 1991, l'expérience a encore un côté brut de décoffrage, avec une réalisation parfois mal dégrossie, une jouabilité pas toujours assez précise et un manque global de finitions. Il n'empêche qu'on se surprend à passer un bien meilleur moment que ce qu'on pouvait craindre en compagnie des tortues ninja à visiter Manhattan sous toutes ses coutures. Une curiosité qui pourrait faire mouche auprès de certains joueurs.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté assez anecdotique
– Une jouabilité inutilement complexe pour les possibilités réelles qu'elle offre

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Manhattan Missions sur un écran cathodique :

Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero

Développeurs : Avalanche Software LLC – Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Testé sur : PlayStationNintendo 64

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 1er octobre 1997 (Amérique du Nord) – 1er décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’un des secrets de la fortune, c’est de savoir diversifier ses actifs.

Attendez, ne paniquez pas. Je sais que vous êtes déjà en train de vérifier par quel miracle vous avez atterri par mégarde sur la page d’Alternatives Économiques ; ce n’est pas le cas. Pour adopter un langage plus terre-à-terre, on pourrait dire qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Ah, zut, maintenant vous avez l’impression d’être en train de lire Bécassine. Prenons plutôt un exemple concret, voulez-vous ?

Dans le courant des années 90, Midway Games avait imaginé une série de jeux de combat nommée Mortal Kombat et jouissant d’un beau succès dans les salles d’arcade puis dans les salons grâce à son gore transgressif. Les épisodes auront alors naturellement commencé à s’enchaîner à un rythme régulier, et les chiffres de vente ne faisant que croître, Midway Games se dit que cela était bon et continua à empiler les suites. Approche alors la fin du siècle, et voilà que la belle unanimité qui semblait entourer la saga commence à se fissurer un peu quelque part autour de Mortal Kombat 3, et que le genre du jeu de combat en lui-même commence à devenir ultra-concurrentiel, pour ne pas devenir dangereusement saturé. Quitte à capitaliser sur sa licence sans lasser les joueurs, l’éditeur américain eut alors l’idée de se lancer dans une série de spin-off servant à la fois à développer le background des personnages récurrents de la série et d’explorer d’autres systèmes de jeu – après tout, Mario lui-même avait réussi à lancer une très belle licence de karting, alors pourquoi pas eux ?

Cette nouvelle sous-série devait s’intituler Mortal Kombat Mythologies, et le premier opus devait ouvrir la route en narrant les aventures de Sub-Zero, le ninja amateur de froid, avant les événements de Mortal Kombat premier du nom. Inutile de faire durer le suspense : tièdement accueilli à la fois par la presse et par les joueurs, qui ne lui auront visiblement pas réservé l’accueil escompté, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero sera resté un one shot sans lendemain dont l’insuccès aura tué dans l’œuf la série qu’il était censé initier. Le titre semble depuis lors n’être devenu que le carburant de youtubeurs grinçants cherchant des jeux imparfaits à martyriser, ce qui lui aura au moins évité de sombrer totalement dans l’oubli. La grande question est : Midway se serait-t-il planté à ce point-là ?

Certes, Mortal Kombat a beau être l’un des rares jeux de combat à avoir présenté un semblant de lore et de scénarisation au-delà de l’éternel « tournoi d’arts martiaux pour venger son père », on va dire que mettre l’accent sur l’histoire de personnages dont la caractérisation tenait en une ligne était déjà un pari risqué sur le papier. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero s’ouvre sur une intrigue assez bateau où le héros, le guerrier éponyme de l’école Lin Kuei – et n’allez surtout pas lui dire que c’est la même chose qu’un ninja ! – est envoyé dans un temple shaolin pour récupérer une mystérieuse carte des éléments pour un non moins mystérieux sorcier nommé Quan Chi.

Sa mission (qui fait l’objet du premier niveau du jeu) terminée, Sub-Zero est cette fois envoyé chercher un mystérieux (oui je sais, le mot revient beaucoup) médaillon pour Quan Chi, sans se douter que cette aventure finira par l’envoyer dans le netherrealm pour empêcher la résurrection du dieu Shinnok, et il est bien le seul à n’avoir rien vu venir tant le scénario est cousu de fil blanc et tant Quan Chi se balade littéralement avec un panneau « traitre » autour du cou. Tout cela narré via des vidéos en live action, comme on dit maintenant, qui nous aideront surtout à nous rappeler que chercher à raconter une histoire quand on n’a ni les acteurs, ni les décors, ni les costumes, ni les moyens, ni le talent pour le faire est toujours une mauvaise idée. Les « acteurs », qui se trouvent en l’occurrence être les modèles choisis pour effectuer les digitalisations des personnages, atteignent un tel niveau de nullité dans le jeu que dire qu’ils jouent comme des pieds reviendrait à leur rendre un grand hommage. John Turk, qui tente d’incarner Sub-Zero et qui était un bodybuildeur bien avant d’être un comédien, semble ainsi faire un effort particulier pour ne jamais sortir de sa pose de Big Jim, les bras à moitié pliés le long du corps, et son incapacité à exprimer une quelconque expression au-delà de « Mon dieu mais qu’est-ce que je fous là » sera la source de nombreux fous-rires. Mention spéciale à Richard Divizio dans le rôle de Quan Chi, qui parvient presque à sauver son personnage du marasme, pourtant pas aidé par une mise en scène indigente, un éclairage dégueulasse et des dialogues ineptes. Au moins l’encodage des vidéos est-il de très bonne qualité – on se raccroche à ce qu’on peut.

Bon, bref, on se doute que ce n’est pas l’histoire qui va nous maintenir rivé au siège, alors qu’en est-il du jeu ?

Dans ce domaine, le titre montre une certaine ambition, puisqu’il prend la forme d’un jeu d’action/plateforme en vue de profil en 2.5D à la Pandemonium!, mais en conservant tout le système de combat de la série principale (poing/pied bas/haut, blocage, course) tout en y ajoutant un bouton d’action, un autre pour… se retourner (on aura l’occasion d’y revenir) et même un inventaire où viendront s’amasser bonus de soins, tablettes contenant de précieux indices et clefs dont la recherche constituera généralement l’objectif principal de chacun des huit niveaux du jeu. Et au cas où tout cela ne suffirait pas encore, le game design inclut également un aspect RPG, votre personnage gagnant de l’expérience au fil des combats (car il va y en avoir un paquet, comme on peut s’en douter), laquelle lui permettra de débloquer de nouvelles attaques spéciales correspondant dans les grandes lignes à la panoplie de coups développée par le personnage dans le premier épisode de la série. Un sacré menu, hein ? De quoi occuper au minimum une heure et demie, le temps de terminer le jeu en ligne droite, mais vu la difficulté du titre, attendez-vous vraisemblablement à y passer un peu plus de temps que cela en dépit d’une sauvegarde automatique au début de chaque niveau.

Sur le papier, tout cela pourrait fonctionner à merveille – on n’est finalement pas à des kilomètres d’un Castlevania : Symphony of the Night qui mélangeait lui aussi de nombreux mécanismes, mais qui avait la bonne idée de les présenter dans un environnement ouvert à la Metroid plutôt que dans des niveaux linéaires comme c’est le cas ici. Une fois la manette en mains, les choses ne tardent pas à se compliquer, la faute à une accumulation de petites maladresses qui font que le joueur ne passe généralement pas le bon moment qu’il était en droit d’espérer.

En premier lieu, il y a la maniabilité : proposer un jeu de plateforme avec la jouabilité d’un jeu de combat est une assez mauvaise idée, et on a très vite l’occasion de s’en rendre compte. On a déjà des flashbacks de l’ère Amiga/Atari ST où sauter nécessitait de pousser le joystick vers le haut, ce qui n’a jamais été bon signe, et le fait que le programme ne semble jamais parvenir à décider si votre personnage se retourne automatiquement pour faire face à un ennemi ou si vous devez le lui indiquer vous-même a exactement le résultat qu’on pouvait craindre : celui de passer 80% du temps à tourner involontairement le dos à nos ennemis et de s’exploser à un magnifique coup entre les omoplates, lequel pourrait en plus dramatiquement écourter la partie au cas où Sub-Zero aurait eu le malheur de se trouver au bord d’un précipice, ce qui arrivera souvent. Car autant le dire : faute d’idées, le level design aime les pièges mortels et les précipice sans fond. Mieux que ça : il les adore.

Son plus grand défaut reste cependant son incapacité totale à prendre le joueur par la main pour lui expliquer quelque chose avant de le lâcher dans la nature. Quelques petits exemples : dès le tout premier niveau, vous allez suivre le seul chemin qui s’offre à vous en avançant vers la droite… avant de vous faire réduire en pulpe de ninja au bout de vingt mètres par un bloc descendant depuis le plafond, et que vous aurez eu 95% de chance de ne pas voir en regardant bêtement devant vous plutôt que vers le haut. Et hop, une vie en moins.

Le pire, c’est que même en connaissant la position de ces pièges, le timing est si serré que les éviter est très délicat, et la solution ne vous est donnée que via une tablette fort stupidement placée au milieu du niveau : il faut en fait se baisser devant le bloc et faire une balayette pour l’activer avant de passer… Ah, ça commence fort ! Dès le deuxième niveau, absolument tous les sauts se font au-dessus du vide (donc, un seul échec = couic), et le troisième y ajoute même le sadisme de préciser que certains précipices dissimulent en fait des bonus… mais vu que le seul moyen de le savoir est de plonger dedans au prix d’une vie, autant dire qu’on n’a pas trop envie de tenter volontairement l’expérience. Dans le même ordre d’idées, il arrive fréquemment qu’on ne sache pas quoi faire ou où aller faute d’avoir eu le réflexe de consulter son inventaire pour regarder la description d’une clef – et encore, à condition d’avoir trouvé la clef en question, sans quoi on pourra goûter aux joies du backtracking, et évidemment c’est toujours plus amusant quand c’est dans un niveau labyrinthique comme le temple de l’eau !

Pour ne rien arranger, même les combats en eux-mêmes sont souvent opaques. Passons rapidement sur le menu fretin qui a pour principal défaut de se limiter aux trois ou quatre même sprites pendant l’ensemble de la partie pour se pencher sur les combats de boss, lesquels reposent souvent sur l’exploitation d’un point faible à découvrir à tout prix en se faisant étaler pendant cinq minutes pour le reproduire ensuite ad nauseam. Mais le vrai problème est qu’on n’a jamais aucun indice, et que cela vire parfois au n’importe quoi : très bon exemple avec le deuxième boss, qui reste dans les airs et vous attaque avec le vent.

Il est déjà pénible à toucher, mais imaginez maintenant que vous venez de remporter le combat… qui se termine alors par le boss revenant des morts pour invoquer une tornade, laquelle vous aspire aussitôt avant de vous déchiqueter ! Une cinématique ? Ah non, vous êtes bel et bien mort et vous devez recommencer le combat depuis le début… il est déjà particulièrement stupide de se faire punir après avoir REMPORTÉ une bataille, surtout aussi tôt dans le jeu, mais la solution va vous laisser pantois : sitôt le combat gagné, il faut courir à l’extrémité gauche de la zone de combat (et pas à droite, ne me demandez pas pourquoi) et vous accroupir… pour découvrir que votre personnage s’agrippera alors automatiquement au décor pour ne pas être aspiré sans qu’aucune animation ne le laisse deviner ! ET COMMENT J’ÉTAIS CENSÉ DEVINER CA, EINSTEIN ?! L’ennui, c’est qu’une large partie du jeu est de cet acabit, et qu’il faut souvent découvrir empiriquement ce que le jeu attend de vous, d’où de nombreux passages bloquants pour de très mauvaises raisons. L’abondance de commandes ne rend d’ailleurs pas exactement service, elle non plus (j’ai mis un quart d’heure à trouver comment actionner un ascenseur, voyons si vous parviendrez à faire mieux). Oh, et pour affronter le boss final, vous DEVEZ obligatoirement être au niveau maximal. Et si vous n’y êtes pas? Eh bien, pas de retour en arrière pour grinder, c’est le game over. Sérieusement.

Le pire, c’est que quand le jeu se décide à arrêter de nous tuer gratuitement pour des raisons stupides, eh bien il remplit au fond plutôt bien son office. La jouabilité est un peu raide et pas toujours assez précise, mais il suffit de ne pas chercher à aller trop vite ; la réalisation a son charme même si le manque de variété se fait rapidement sentir au sein d’un même niveau, et le défi peut être tempéré grâce à un menu des options qui vous laisse vous distribuer un généreux nombre de vies et de continues, voire baisser la difficulté (mais comme vous n’aurez de toute façon accès qu’à la moitié du jeu en-dessous du mode normal…).

Midway oblige, on peut de toute façon entrer des mots de passe pour aller directement au niveau qui nous intéresse, voire s’attribuer des objets ou se rendre invincible, on ne sera donc pas obligé de suer sang et eau pour avoir le droit de venir à bout d’un jeu finalement assez court comparé à la moyenne de l’époque. Est-ce pour autant un bon jeu ? Je pense qu’on a assez d’éléments pour établir que non. Un mauvais alors ? Hmm, disons plutôt un jeu maladroit, qui aurait certainement pu être vraiment sympathique avec un tout petit peu plus de soin. Avec de la patience, on a quand même envie de progresser pour voir la suite, ce qui est plutôt bon signe, mais on se retrouve un peu trop souvent face à un goulet d’étranglement faute de savoir comment surmonter une situation donnée. En fait, la meilleure chose à faire aurait sans doute été de se débarrasser de l’encombrante licence Mortal Kombat et de faire un programme plus traditionnel sans les mécanismes de jeu de combat qui n’apportent pas grand chose, ce qui aurait permis au passage de ne pas s’attirer la colère de fans qui n’étaient de toute façon pas venus chercher un jeu de plateforme. Reste un petit logiciel correct qui peut faire illusion mais qui attirera surtout les amateurs de curiosités et de vidéos nanardesques. Oh, allez, aux âges que l’on commence à atteindre, de temps en temps, ça change.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13/20

Autant le préciser d'entrée aux nombreux lecteurs attirés par la réputation détestable dont jouit le jeu : non, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero n'est pas le désastre que l'histoire (et les youtubeurs) en ont fait : c'est plus simplement un titre accumulant trop de défauts et pas assez de bonne idées pour mériter de démarrer une série de spin-off de Mortal Kombat à part entière. Ce qui aurait pu se révéler comme une sorte de Pandemonium! dans lequel on aurait jeté des composantes de vs. fighting, de beat-them-all, d'exploration et de RPG laisse plutôt la sensation d'un die-and-retry qui ne sait pas trop ce qu'il veut être, au service d'une histoire qu'il est bien difficile de prendre au premier degré, desservi par une jouabilité qui a littéralement le cul entre quatre chaises. Cela entraîne de nombreux passages frustrants pour de mauvaises raisons dans un logiciel qui, en dépit de tout ce qu'il cherche à réunir, manque paradoxalement de variété, mais on est à des années-lumière de ce que le genre a pu produire de pire en la matière ; disons plutôt face à ce qu'aurait pu donner un Castlevania : Symphony of the Night s'il avait été mal pensé. Une curiosité qui n'a rien d'inoubliable, mais qui ne mérite clairement pas tant de haine.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un scénario sans intérêt servi par une mise en scène grotesque et un jeu d'acteur ridicule
– Des séquences de combat avec un bouton dédié à l'action de se retourner ? Sérieusement ? On en est encore là ?
– Des ennemis qui tendent à réapparaître de nulle part, avec une caméra qui ne suit pas toujours l'action
– De nombreux combats reposant sur des mécanismes opaques sous peine de mort...
– ...une difficulté globalement hyper-punitive, même dans le mode le plus aisé...
– ...et tant qu'à faire, la moitié du jeu n'est de toute façon accessible qu'à partir du mode normal...
– ...et il faut même grinder pour avoir le droit d'atteindre le boss final !

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Cela ressemble à une excellente idée : prendre un personnage populaire de Mortal Kombat et développer son background à travers un jeu d’action/aventure. Malheureusement, cela a été conçu aussi mal que possible. Déjà, c’est ridicule à regarder : les personnages sont digitalisés comme dans les autres jeux MK, mais leurs animations sont horribles. La jouabilité est atroce – vous avez un bouton pour vous retourner, mais vous vous retournez souvent automatiquement pendant les combats, vous laissant alors sans défense. Les niveaux sont mal pensés, avec des pièges mortels qui s’abattent sans aucun avertissement, des plateformes mobiles qui reposent intégralement sur la chance pour parvenir à atterrir dessus, et des segments où vous devez faire des sauts de la foi depuis le bord d’une corniche en priant pour que tout se passe bien. […] Globalement, MK Mythologies est un des jeux les plus mal conçus et les plus agaçants des vingt dernière années. Énorme bouse. »

Ed Lomas, Computer and Video Games n°193, décembre 1997, 1/5 (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Nintendo 64

Développeurs : Avalanche Software LLC – Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Date de sortie : 8 Décembre 1997 (Amérique du Nord) – Janvier 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 132Mb
Controller Pak et Rumble Pak supportés

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En dépit de son abondant recours à la vidéo, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero aura fait le choix d’aller tenter sa chance sur Nintendo 64 où la concurrence, il est vrai, s’avèrerait sans doute un peu moins nombreuse que sur la machine de Sony. Sans surprise, il l’aura fait sans le plus timide effort de tenter de tirer parti des capacités de la machine, ce qui fait que cette version sent le portage charcuté à plein nez.

Le ton est d’ailleurs donné d’entrée : il n’y a plus d’introduction, pas même un pavé de texte, toutes les transitions ont été rabotées, et la narration en elle-même se limite à des captures vidéos directement tirées de la version PlayStation avec le verbatim des dialogues en-dessous. Certes, cela permet au moins d’échapper à l’abominable jeu d’acteur de ces séquences, mais en termes d’ambition narrative, on se croirait sur console 16 bits. Pour ce qui est du jeu en lui-même, le gameplay et la difficulté n’ont pas changé, mais on en peut pas dire qu’on sente un gain quelconque dans la réalisation. Certes, le dithering de la PlayStation a disparu, mais le tout parait encore plus pixelisé, d’autant que la résolution (désormais en 320×228) a trouvé le moyen de diminuer dans la manœuvre. Les fameuses capacités 3D de la console ? Désolé, on n’avait pas le temps, adressez-vous à Mario pour les plaintes ! Reste donc un jeu qui conserve tous les défauts de la version originale en ajoutant en plus une mise en scène mutilée. Rien de surprenant à ce que les joueurs de l’époque ne se soient pas sentis transportés par l’enthousiasme.

NOTE FINALE : 12,5/20

Transposé le plus paresseusement du monde sur Nintendo 64, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero y tire un trait sur ses vidéos et sur le peu d’ambition de sa mise en scène tout en ne faisant même pas semblant de tirer parti des capacités graphiques de la console. C’est littéralement la version PlayStation coupée et (mal) transposée telle quelle, donc si vous souhaitez réellement découvrir le jeu, autant aller voir du côté de la machine de Sony.

Les avis de l’époque :

« Grosse daube ? Sympa ? A vrai dire, mon cœur balance entre les deux. Je ne suis pas complètement satisfait, mais je ne peux pas dire que je sois complètement déçu. Certes, le jeu est indigne de la N64. Pourtant, ce titre apporte un nouveau souffle à la série des MK. Les programmeurs ont fait un effort pour nous changer des jeux de combat. En fin de compte, je désapprouve ce titre, qui n’a rien à faire sur ce support. Pourtant, certains fans vont sans doute y trouver leur bonheur. »

Stéphane Belaiche, Game Play 64 n°5, mars-avril 1998, 70/100

No One Can Stop… Mr. Domino

Développeur : Artdink Corporation
Éditeur : Artdink Corporation (Japon) – JVC Music Europe, Ltd. (Europe) – Acclaim Entertainment, Inc. (Amérique du Nord)
Titre original : ドミノ君をとめないで。: No One Can Stop Mr. Domino!!!!!! (Domino-kun o Tomenaide: No One Can Stop Mr. Domino!!!!!! – Japon)
Titre alternatif : No One Can Stop Mr. Domino (Amérique du Nord)
Testé sur : PlayStation

Version PlayStation

Date de sortie : 8 janvier 1998 (Japon) – 15 Septembre 1998 (Europe) – 30 novembre 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On pourra sans doute arguer que je suis en quelque sorte juge et partie dans l’affaire, mais j’ose l’affirmer : les vieux nostalgiques qui soupirent en se lamentant que le jeu vidéo a perdu de sa magie au fil de son évolution n’ont pas complètement tort. Certes, on se doute que ce discours cache à la fois une large part de subjectivité et le souvenir d’une époque plus simple où les pères d’aujourd’hui étaient encore des enfants chargés de rêves et d’optimisme dont les après-midi d’alors étaient toujours plus longs et plus ensoleillés que ceux de maintenant, mais il se trouve qu’il existe également dans leur affirmation désabusée un fond de vérité qui est, en fin de compte, tout à fait cohérent.

Plus l’industrie du jeu vidéo se professionnalise, plus elle devient un marché comme un autre et plus elle se structure pour reproduire des modèles éprouvés et pour éliminer ceux qui n’ont pas fonctionné – c’est très commun, inutile de sortir d’une école de commerce pour comprendre cela. Les jeux vidéo impliquant des équipes de plus en plus étendues nécessitant des moyens sans cesse croissant, la moindre prise de risque devient de plus en plus coûteuse, et à force de rationaliser les processus de développement, on se retrouve fatalement avec des logiciels correspondant à des schémas établis où les surprises deviennent rarissimes. Bref, en vieillissant, le joueur aura certes vu des jeux plus longs, plus beaux et souvent – on ne va pas se mentir – bien plus intéressants, mais la petite étincelle de l’imprévu qui avait toutes les caractéristiques de la magie aura eu tendance à disparaître avec le temps pour ne plus jamais se manifester.

C’est la raison pour laquelle il existe toujours une place particulière dans le cœur d’une certaine catégorie de joueurs pour des titre comme No One Can Stop… Mr. Domino.

Reconnaissons-le : quand on aborde un test en se demandant comment on va décrire le gameplay du jeu qu’on aborde, au fond, c’est plutôt bon signe – surtout si l’on appartient à la catégorie des blasés nostalgiques décrite dans le paragraphe précédent. Certes, les dominos évoquent rarement les pics d’excitation et plus souvent les longues après-midi coincé chez mémé à jouer aux petits chevaux ou au nain jaune plutôt que d’avoir le droit de brancher la Mega Drive, alors en contrôler un dans une version anthropomorphe – ou sa compagne, ou d’autres variations à débloquer en cours de jeu –…

Ceci dit, le titre annonce déjà une couleur assez originale en 1998 : si personne n’arrête M. Domino, c’est d’abord parce que le titre d’Artdink est une forme de runner (genre encore très rare à l’époque) ; il va effectivement s’agir de diriger notre héros en train de courir d’un bout à l’autre des six niveaux du jeu, et le programme a beau avoir la générosité de nous laisser choisir entre deux vitesses, on se doute par avance qu’il va s’agir d’être réactif et d’éviter des obstacles… mais pas seulement. D’ailleurs, pour bien marquer sa différence, les six parcours du jeu s’avèrent être des boucles, et le principal ennemi va prendre la forme d’une limite de temps qui, de façon assez maladroite, n’est jamais clairement matérialisée à l’écran. Mais s’il n’y a pas de ligne d’arrivée à franchir, alors quel est l’objectif ? Eh bien accrochez-vous, car c’est là que ce No One Can Stop… Mr. Domino commence à devenir réellement intéressant.

Comme vous allez rapidement le réaliser, tous les boutons de la manette n’ont qu’une seule fonction dans le jeu : laisser derrière vous… une ligne de dominos, dont le compte (limité) est d’ailleurs indiqué en bas à droite de l’écran. Pour quel motif ? L’idée est d’apprendre à repérer des sortes d’interrupteurs placés sur votre trajet, sur lesquels il faudra s’efforcer de faire tomber ces fameux dominos – d’où le sens de la « boucle », votre deuxième tour de manège vous autorisant à pousser les dominos installés lors du premier.

Ces interrupteurs déclencheront un événement dans le décor, qu’il s’agisse d’un dé en train de tomber, du grand-père en train de se réveiller ou d’un tank venu ouvrir le feu en pleine rue (!), en fonction du cadre, et cet événement viendra à son tour faire chuter un élément sur une autre case, figurée par un cadre lumineux… laquelle, si vous vous êtes bien débrouillé, pourra lancer une autre réaction en chaîne vers un autre interrupteur, et ainsi de suite. Parvenez à enclencher tous ces « événements » dans les temps, et vous passerez au prochain niveau ; parvenez à produire une réaction en chaîne qui en enclenchera plusieurs – voire tous – à la suite, et vous gagnerez davantage de points – car oui, par essence, No One Can Stop… Mr. Domino est avant tout un jeu de scoring. Vous obtiendrez ainsi un programme déstabilisant, et souvent très exigeant… mais également bien plus addictif qu’il n’en a l’air.

Pour tout dire, le titre d’Artdink est sans doute de ceux avec qui vous nouerez une relation compliquée lors des premiers instants, commençant par ne pas trop comprendre ce qu’on attend de vous avant de fulminer sur les nombreuses occasions de se rater – même en vitesse « lente », M. Domino va vite, et le jeu pardonne assez peu l’erreur, surtout dans les niveaux les plus avancés.

Cependant, plus le temps passe et plus on prend ses marques – et plus on réalise, en fin de compte, qu’on s’amuse davantage avec la pratique, en apprenant à reconnaître du premier coup d’œil les zones d’intérêt et à faire de plus en plus naturellement des runs « parfaits », avec cette étrange et inexplicable satisfaction d’inscrire son nom au sommet du tableau des scores (d’autant que, carte mémoire oblige, ceux-ci sont pour une fois sauvegardés). La réalisation mettant en scène des décors surprenants donne envie de découvrir la suite du programme – et on pourra d’ailleurs regretter que celui-ci n’ait pas encore cinq ou six environnement supplémentaires à offrir. C’est joli, c’est jouable, c’est efficace, mais la meilleure partie est surtout que le plaisir va croissant sur la durée et qu’on s’amuse finalement beaucoup plus au bout de deux heures qu’au bout de cinq minutes. On aurait volontiers signé pour un peu de rab, ce qui est toujours bon signe – même si venir à bout du dernier niveau risque déjà de vous demander de parvenir à réaliser une prestation parfaite, avec le doigt bloqué sur la flèche du haut pour accélérer votre domino pendant toute la manœuvre.

Au final, on hérite d’un jeu qui a l’avantage de ne pas ressembler à grand chose d’autre, qui se révèle véritablement attachant au terme d’une courbe d’apprentissage pas trop violente, et qui saura contenter tous les curieux – même si on se doute que son véritable public de destination reste les perfectionnistes capables de refaire le même niveau en boucle pour la centième fois histoire d’essayer de grappiller encore dix points.

L’opportunité de débloquer d’autres personnages (un particulièrement rapide, un particulièrement lent, entre autres) ne suffit hélas pas à écarter l’inévitable lassitude qui se dégagera des parcours une fois que vous aurez appris à les maîtriser, mais certains d’entre eux ont la bonne idée de proposer des routes alternatives, et il y a assurément plusieurs heures très satisfaisantes à consacrer à notre surprenant M. Domino. Vous cherchez quelque chose d’inhabituel pour vous sortir un peu des sentiers battus sans avoir à se plonger dans un manuel de 200 pages pour assimiler un concept opaque ? Vous venez peut-être de trouver votre bonheur. Parfois, une bonne idée bien réalisée, aussi bizarre soit-elle sur le papier, est la meilleure chose sur laquelle on puisse compter pour réenchanter un peu un univers qu’on commence à trop bien connaître. No One Can Stop… Mr. Domino, c’est comme un petit coup de jeune sur CD-ROM, une étincelle pour raviver un temps cette flamme qui commençait un peu à vaciller. Ça ne se refuse pas.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Véritable petit OVNI dans le domaine du runner – par ailleurs déjà assez avant-gardiste en 1998 –, No One Can Stop... Mr. Domino commence par être un titre déstabilisant, avec ses objectifs peu clairs et ses mécanismes inhabituels, avant de devenir un logiciel frustrant par sa difficulté, pour finalement s'accomplir dans ce qu'il est réellement : un jeu de scoring étrangement addictif auquel on revient beaucoup plus volontiers qu'on ne l'aurait imaginé de prime abord. Mémoire, observation et timing seront la clé pour profiter d'univers dépaysants et bourrés de détails à la Micro Machines, et on aurait volontiers signé pour quelques niveaux supplémentaires – et pour un défi un peu moins ridiculement ardu dans les derniers d'entre eux. Certes, il faudra accepter de lui consacrer un peu de temps et de risquer un orteil hors de sa zone de confort, mais le titre d'Artdink vaut clairement le détour pour se donner la peine de le découvrir. Une bonne surprise.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un gameplay un peu déstabilisant qui nécessitera plusieurs parties pour être assimilé
– Une difficulté qui repose sur la mémoire davantage que sur l'anticipation...
– ...et qui laisse très peu de place à l'erreur
– Aucune matérialisation concrète du temps restant pour finir le niveau

Bonus – Ce à quoi peut ressembler No One Can Stop Mr. Domino sur un écran cathodique :

The Firemen 2

Développeur : Media Entertainment Inc.
Éditeur : Human Entertainment, Inc.
Titre alternatif : ザ・ファイヤーメン2 ピート&ダニー (The Firemen 2 : Pete & Danny – graphie japonaise)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : PlayStation 3, PSP, PS Vita

La saga The Firemen (jusqu’à 2000) :

  1. The Firemen (1994)
  2. The Firemen 2 (1995)

Version PlayStation

Date de sortie : 22 décembre 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec le recul, il n’est pas exagéré de considérer que l’arrivée de la génération 32 bits ait constitué un séisme à l’échelle vidéoludique. Si l’on tendrait désormais à évoquer principalement l’irruption surprise de Sony au milieu des deux titans d’alors qu’étaient Nintendo et SEGA – éclipsant totalement, au passage, les ratés d’une concurrence occidentale qui aura notamment vu disparaître le géant Atari – ainsi que l’ouverture à un public toujours plus large, à l’échelle des joueurs de l’époque, la vraie révolution tenait tout entière en un chiffre et une lettre : 3D.

C’est bien simple : tout ce qui n’aura pas immédiatement adopté la troisième dimension aura été balayé comme un vestige du passé sans intérêt, et la 2D sera devenue, pratiquement du jour au lendemain, une vieillerie poussiéreuse qu’on tolérait par nostalgie parce que les ancêtres (comprendre : ceux qui avaient plus de quinze ans) nous rabâchaient leurs point-and-click et leurs démos sur Amiga comme mémé nous cassait les oreilles à nous imposer Pascal Sevran et La chance aux chansons tous les mercredis après-midi. Alors que quelques mois plus tôt, les joueurs ne semblaient pas tarir d’éloges pour les animations d’un Earthworm Jim, voilà que des titres magnifiques à la Astal ne soulevaient plus qu’une indifférence polie – au point, d’ailleurs, de ne même plus daigner faire le trajet jusqu’en Europe. Il convient néanmoins de préciser que cette soudaine obsession pour la 3D sera restée sur mode purement occidentale : au Japon, on croyait encore en la 2D… même si l’évolution du marché international aura rapidement poussé les développeurs locaux à changer d’idée s’ils avaient l’espoir de toucher un public plus vaste que celui de l’Archipel. C’est ainsi qu’on aura continué à voir arriver sur le territoire nippon des jeux à la The Firemen 2 qui osaient encore briser le tabou de la 2D pour offrir une aventure qui – hérésie absolue – avait même le front de ressembler aux titres de la génération précédente. Une approche qui aura probablement condamné cette suite au sympathique titre de 1994 à rester consignée chez elle, là où le premier opus, lui, avait carrément bénéficié d’une localisation en français. Cruel…

Il faut dire que la première chose qui surprenne, en découvrant The Firemen 2, est précisément… l’absence de surprise. Marchant droit dans les pas de son prédécesseur, le jeu affiche clairement une réalisation que n’aurait pas renié la Super Nintendo – avec une résolution plus élevée et quelques couleurs en plus, certes, mais rien de franchement spectaculaire, sauf peut-être du côté du son qui offre, lui, des thèmes musicaux qualités CD et surtout des dialogues intégralement doublés en japonais (la compréhension de la langue n’est absolument pas nécessaire pour pouvoir jouer).

De quoi installer le décor de cette nouvelle intervention de nos sapeurs sans reproche dont l’équipe n’a d’ailleurs pas changé d’une mèche de cheveu, et qui vont partir une nouvelle fois à l’assaut d’une tour en flammes qui correspond apparemment à un parc d’attractions stupidement construit dans un building. Originalité ? Zéro, mais le prétexte en vaudra un autre pour varier les environnements et aller éteindre les flammes tantôt à côté de maquettes géantes de vaisseaux spatiaux et tantôt au milieu des animatroniques de dinosaures, le titre n’hésitant pas à vous offrir un combat de boss contre un T-Rex aux yeux laser ! Le scénario prendre également un tour plus personnel, puisque c’est rien de moins qu’une partie de sa famille que Pete Gray, le pompier grisonnant incarné par le premier joueur, devra aller secourir. Et autant vous prévenir que ce scénario, qu’il vous plaise ou pas, il faudra apprendre à le supporter.

S’il fallait chercher une réelle nouveauté à cette aventure comparé à celle du premier épisode, en-dehors de l’apparition d’un mode deux joueurs qui permet ENFIN à Danny, la tête à la fois blonde et brûlée qui vous accompagne en permanence, d’être confiée à un joueur humain, ce serait cette obsession de placer des enjeux dramatiques toutes les cinq minutes… ce qui prendra systématiquement la forme de deux minutes de blabla impossibles à passer à chaque fois que vos sauveteurs auront le malheur de dégoter un rescapé – soit deux à trois fois par niveau, sachant que l’on parle de niveaux qui nécessitent rarement plus de cinq minutes pour être terminés.

Vous sentez poindre le problème, et vous avez raison : à vouloir absolument nous imposer ses dramatiques échanges larmoyants tous les cent mètres, le jeu finit par plomber bêtement son rythme en intercalant mécaniquement deux minutes d’échanges sans intérêt pour trois minutes d’action. Ce qui est d’autant plus dommage qu’avec des niveaux deux ou trois fois plus longs, ces séquences de sauvetage auraient pu apparaître pour des respirations bienvenues au milieu d’une tension étouffante, mais en l’état, on a surtout l’impression qu’à chaque fois que le programme commence à trottiner pour prendre son élan, il s’arrête brusquement au pire moment pour entreprendre de nous raconter sa vie. Frustrant.

Dans l’ensemble, on sent de toute façon que cette suite ne fait que reprendre la formule et la jouabilité de The Firemen sans sembler avoir le début du commencement d’une idée à y ajouter. C’est littéralement la même formule avec la même jouabilité, les mêmes personnages, les mêmes ennemis et la même réalisation, et si cela n’est pas en soi un drame – le premier opus étant, après tout, agréable à parcourir – l’épopée peine d’autant plus à être mémorable que non seulement les surprises sont rares, mais qu’en plus la difficulté a baissé d’un cran.

Hors des combats de boss, qui peuvent exiger un peu de concentration, le jeu est globalement une vraie promenade de santé, et sachant que le titre sauvegarde automatiquement votre aventure au début de chaque niveau, il sera vraiment très rare de devoir tenter sa chance plus de deux ou trois fois avant de poursuivre un périple qui, accomplit d’une traite, nécessitera à peine une heure pour en venir à bout. Sachant que la rejouabilité n’est pas exactement énorme, surtout en solo, on tient là typiquement le genre de programme qui ne survivait pas à un week-end de location – raison de plus pour ne pas tenter sa chance sur le marché américain.

Cela commence à faire beaucoup de reproches, mais le point le plus agaçant de cette nouvelle aventure est surtout de constater à quel point elle aurait pu fonctionner à la perfection avec deux ou trois fois plus de contenu, quelques idées en sus, un équilibrage plus cohérent et un rythme mieux maitrisé – avec un peu d’ambition, en un mot. En l’état, on a affaire à un The Firemen 1.05 si assumé qu’on en viendrait même à se demander pourquoi le jeu est sorti sur PlayStation plutôt que sur une Super Nintendo qui aurait facilement pu l’assumer en remplaçant les dialogues parlés par des dialogues écrits.

Rien de surprenant, donc, à ce que le jeu n’ait pas tenté sa chance en occident, où il aurait été très mal reçu sur le moment ; avec le recul, on est malgré tout heureux de pouvoir passer une heure de plus avec Pete et Danny dans une aventure certes trop courte, trop sage et trop bavarde mais qui permet au moins de tuer un peu de temps avec ses enfants sans avoir à s’entraîner pendant des mois pour espérer avancer dans le jeu. On attendait un blockbuster trépidant, on a plus affaire à une balade champêtre, mais cela a également son charme – en revanche, on risque rapidement de passer à autre chose, mais The Firemen 2 reste le genre de titre qu’on peut ressortir une fois par an avec d’autant plus de bonne volonté qu’on aura probablement tout oublié de la dernière partie dans le laps de temps. Les joueurs ayant absolument envie de profiter des bouleversants rebondissements de l’intrigue, pour leur part, préfèreront sans doute découvrir le titre sur Vita, où il aura bénéficié d’une traduction en anglais.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Un an après leur surprenante première aventure sur Super Nintendo, les deux pompiers Pete et Danny signaient leur grand retour sur la génération suivante... en laissant la plupart de leurs idées dans le camion. Plongeant une nouvelle fois le joueur dans une tour infernale, The Firemen 2 semble louvoyer entre la suite et la redite, et s'il a eu la bonne idée d'ajouter le mode deux joueurs qui apparaissait comme un trou béant dans le game design du premier opus et d'offrir une difficulté un peu moins punitive, il souffre également d'une durée de vie faiblarde et d'un rythme haché par une volonté constante de s'écouter parler pour dérouler de force un scénario cliché. En résulte une expérience agréable avec un ami mais qui tendra à laisser la plupart des joueurs sur leur faim faute d'être un peu plus longue, un peu plus variée et un peu plus exigeante. Peut-être pas le jeu qu'on attendait sur la nouvelle génération.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– De nombreuses phases narratives (intégralement en japonais parlé) impossibles à passer...
– ...qui viennent constamment plomber le rythme de niveaux déjà assez courts
– Hors mode deux joueurs, pas l'ombre d'une nouveauté depuis le premier opus
– Trop court et trop facile, surtout avec les sauvegardes

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Firemen 2 sur un écran cathodique :

Moon Blaster

Développeur : Loriciel S.A.
Éditeur : Loriciel S.A.
Testé sur : Atari STAmigaAmstrad CPCPC (DOS)
Présent dans les compilations :

  • Le temps des héros (1991 – Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, PC (DOS))
  • CPC Best (1992 – Amstrad CPC)
  • Top 3 (1992 – Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, PC (DOS))
  • Top Action (1992 – Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, PC (DOS))

Version Atari ST

Date de sortie : Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Écran couleur requis

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

C’est toujours un plaisir coupable que de retourner fouiller dans l’immense carton des jeux passablement oubliés du siècle dernier, à la recherche de trésors oubliés, de ratés sympathiques, ou tout simplement de l’air d’un temps qui avait sa magie propre. Après nous être penchés sur le cas de ShockWave et des anglais de Light Source Productions il y a peu, pourquoi ne pas revenir à la production française ? Si l’on devait d’ailleurs dégager une tendance avec celle-ci pour la période traitée, on pourrait dire que la fameuse « french touch » semblait ne connaître que deux modes de fonctionnement : avoir l’ambition bloquée sur « infinie » ou sur « strict minimum ».

Dans le premier cas, cela donnait des Captain Blood ou des Another World, dans le second, on obtenait très souvent des jeux très inspirés de l’arcade à la Fire and Forget, comprendre : des jeux très courts reposant sur des mécanismes très simples et comptant sur une réalisation qui se voulait impressionnante pour justifier un prix d’achat qui, le plus souvent, ne valait pas la dépense. Quand s’y mêlait miraculeusement une idée vaguement originale ou un gameplay bien rodé, on obtenait des Skweek ou des Jumping Jack Son. Et quand on avait rien de tout ça, on obtenait des titres à la Moon Blaster, ou ce que je définirais comme « ces jeux où le baratin comptait plus que le codage pour essayer de les vendre ». Par exemple, le titre qui nous intéresse aujourd’hui mettait fièrement en avant un peu partout – y compris dans son écran-titre – une technique prétendument révolutionnaire nommée full vision. Et en quoi consiste-t-elle ? Pour être honnête, je cherche encore, et je dirais surtout que les codeurs français, sur ce coup-là, n’avaient rien d’autre qu’une guerre de retard – nous y reviendrons.

Mais inutile de sauter les étapes ; commençons par le commencement. Moon Blaster, c’est d’abord… Battlezone. Inutile de lier la filiation évidente, surtout quand celle-ci tient davantage du clonage : le titre de Loriciel peut bien nous amener un scénario à la Dune pour nous inventer une compétition permettant de gagner le contrôle d’un système riche en ressources pendant un an, tout le programme est clairement étalé dès le menu principal : trois lunes – une lune désertique, une lune forestière et une lune glaciaire) qui serviront à la fois de terrains de jeu et de mode de difficulté, et un mode de jeu permettant d’enchaîner les trois à la fois.

Non, il n’y a pas d’options de configuration au-delà du choix du contrôleur, pas de mode deux joueurs ni aucun mode de jeu alternatif – comme on l’a vu, la production française de l’époque tendait à aller à l’essentiel, et elle n’était pas la seule. La mission sera donc strictement la même à chaque fois : repousser quatre vagues d’adversaires de formes et de couleurs différentes, puis faire face à un boss avant de rejoindre la sortie. Vous ne disposez que d’une vie, mais il y a malgré tout un petit tour de passe-passe que nous aborderons plus bas qui pourra faire office de continue. Voilà pour le projet – et oui, c’est littéralement Battlezone (qui fêtait déjà ses dix ans !) en plus court.

Une fois en jeu, décrire l’action en elle-même sera rapide : c’est Battlezone avec des bonus. De temps en temps, une alarme vous signalera l’apparition et l’emplacement d’un power-up qui pourra augmenter votre puissance de feu, remplir votre jauge de bouclier (qui fait office de jauge de vie), voire détruire tous les ennemis présents sur votre radar. C’est pour ainsi dire la seule minime nouveauté à espérer en termes de jouabilité – l’autre reposant sur ce qu’il advient de vous au moment où votre bouclier tombe à zéro : vous disposez alors de quelques secondes pour vous éjecter, ce qui vous propulse dans une séquence spatiale où vous devrez guider votre module à travers les astéroïdes jusqu’au vaisseau mère.

Parvenez-y sans casse et vous pourrez reprendre l’action au début de la dernière vague ; mangez-vous un astéroïde et la partie est terminée pour de bon. Cela fait quand même assez peu, mais heureusement, Moon Blaster entend bien mettre tout le monde d’accord avec son full vision qui affiche des décors en bitmap qui SE PENCHENT QUAND ON TOURNE ! Non, en effet, ça n’avait déjà rien de neuf à l’époque, ShockWave – tiens, le revoilà –, sorti le même mois, proposait la même chose en dix fois plus fluide et en plus impressionnant, et le pire, c’est qu’en plus le moteur du jeu semble être à l’agonie dès qu’il y a plus d’un ennemi à l’écran puisque le framerate s’effondre alors jusqu’à carrément vous empêcher de tirer ! Une sacrée révolution (rappelons au passage que 1990 est également l’année qui aura vu la sortie de Wing Commander, un bon moyen de comprendre que les français de Loriciel n’avaient finalement vraiment pas grand chose à brandir face à la concurrence sur ce coup-là)…

Vous allez me dire : « Bon, c’est Battlezone avec très peu de choses en plus, mais même si c’est très peu très tard, ça devrait a minima être au moins aussi bon que la borne d’Atari, non ? ». Eh bien, justement : non. Car quitte à être un clone d’une borne d’arcade de 1980, Moon Blaster aura décidé d’être un clone raté en trouvant le moyen… d’enlever des choses au titre original. Par exemple, vous vous souvenez des reliefs qui vous permettaient d’ajouter une petite touche stratégique en allant se mettre à l’abri derrière une colline pour éviter un tir adverse ? Vous pouvez les oublier : le terrain de jeu est intégralement plat.

Notez que vous n’auriez de toute façon eu que peu de raison d’aller vous mettre à couvert, puisque les ennemis sont incapable de faire feu : leur seule attaque est de vous foncer dessus. Oui oui, tous les ennemis des douze vagues, boss compris, n’ont littéralement rien d’autre à proposer : ils se comportent tous de la même manière ! Et histoire de parfaire le tableau, si l’en d’entre eux parvient à vous percuter, votre tank sera immobilisé une seconde… ce qui laissera généralement le temps à tous les autres de venir vous rentrer dedans à leur tour jusqu’à votre destruction, signifiant ainsi la fin de votre partie à la première erreur ! Oh, et faut-il préciser que l’arène de jeu est ici limitée en taille, et que vous pouvez perdre la partie pour avoir passé trop de temps hors d’une zone qui n’est jamais figurée visuellement sur le radar ni sur la carte ? Du game design de haut niveau, hein ?

Autant dire qu’il ne se dégage rien d’autre des parties de Moon Blaster qu’un terrible et irrémédiable ennui. Avec des ennemis tous pareils qui se promènent sur des color swaps d’environnement vides où il n’y a aucune début de commencement de stratégie à espérer développer, on doit avoir affaire au FPS le plus mou, le plus répétitif et le plus limité jamais conçu – ça ne vaut même pas l’ébauche du début de commencement d’une amorce de projet amateur en train de se faire la main sur son premier jeu pour apprendre à coder sous Unity.

Que le titre ait été commercialisé tel quel tend à révéler l’effroyable manque de recul de l’édition française de l’époque – et encore, je préfère laisser le bénéfice du toute pour ne pas parler de fumisterie manifeste, n’importe quel développeur ayant fait l’effort de s’essayer cinq minutes à son jeu pouvant parfaitement cerner à quel point celui-ci n’avait rien à offrir. En fait, et pour reprendre l’exemple de ShockWave, on sent que Moon Blaster n’est lui aussi qu’une vague prouesse technique de codeur rapidement grimée en jeu – sauf qu’en plus, la prouesse n’était même pas spécialement marquante, même à l’époque ! Bref, inutile d’échafauder de complexes théories sur la volatilité du marché pour expliquer pourquoi le titre aura sombré dans l’oubli dès sa sortie, et aura surtout servi à boucher les trous dans les compilations qui sévissaient à l’époque afin de parvenir enfin à écouler les stocks de ce machin dont personne ne voulait. Honnêtement, il pouvait difficilement prétendre à mieux.

Vidéo – La lune désertique :

NOTE FINALE : 08,5/20

Loriciel pouvait bien nous faire avaler un full vision « révolutionnaire » – qui n'inventait d'ailleurs absolument rien –, la vérité est que Moon Blaster n'est rien d'autre qu'un pur clone de Battlezone avec très peu d'idées neuves (et même quelques idées en moins !) et une réalisation comme une jouabilité ayant plutôt moins bien vieilli que celle de leur illustre modèle. Transporté sur des color swaps d'environnement à affronter des color swaps de modèles 3D qui se comportent tous de la même manière, le bilan est accablant : c'est littéralement le type de jeu dont on a fait le tour dès la première partie, et qui n'a même pas pour lui ce goût de « reviens-y » que possédait la borne originale. N'ayant rien à offrir, même dans son propre domaine – où des titres comme Stellar 7 ou Nova 9 n'allaient pas tarder à proposer la même chose en mieux – on comprend facilement que le jeu ait immédiatement glissé dans l'oubli : parfois, un gameplay a si peu de matière qu'il finit par en devenir translucide.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un contenu famélique...
– ...à la hauteur d'un game design fin comme une feuille de papier...
– ...entièrement au service d'une 3D « révolutionnaire » déjà dépassée à sa sortie...
– ...et qui n'offre même pas la précision d'une borne qui allait déjà sur ses dix ans
– Une difficulté qui devient ignoble dans le dernier tiers du jeu...
– ...en grande partie à cause d'un framerate inconstant qui vous empêche de tirer lorsqu'il y a trop de monde à l'écran

Ce à quoi peut ressembler Moon Blaster sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« L’intérêt majeur de Moonblaster (sic) réside dans sa superbe réalisation. les décors bit map (sic) utilisent un nouveau procédé – le full vision – qui leur permet de grossir et de s’incliner avec beaucoup de réalisme. Quant aux vaisseaux, leur animation en 3D surfaces pleines est vraiment très rapide. Malheureusement, passé le plaisir de la découverte on s’ennuie vite dans ce remake de Battle Zone (sic). Dommage. »

Olivier Scamps, Tilt n°84, décembre 1990, 13/20

Version Amiga

Développeurs : Loriciel S.A.
Éditeur : Loriciel S.A.
Date de sortie : Septembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Après avoir été développé conjointement sur Atari ST et sur PC, Moon Blaster aura rapidement eu le droit aux indispensables conversions sur Amiga et sur CPC. Du côté de la machine d’Amiga, c’est Nicolas Massonnat qui passe au code, mais à ce détail près et comme on pouvait s’en douter, le jeu est pratiquement identique à la version Atari ST. Du côté des graphismes comme du son, du contenu ou de la jouabilité, rien de neuf à espérer, même si on pourra au moins espérer ici bénéficier d’un framerate un peu plus stable en jouant sur des modèles un peu plus puissants. Cela a au moins le mérite de rendre l’expérience un chouïa moins frustrante dans les niveaux les plus difficiles, mais cela n’empêche hélas pas le titre de Moon Blaster de rester un clone mal inspiré de Battlezone qui ne mérite objectivement pas qu’on se souvienne de lui.

NOTE FINALE : 08,5/20 (Amiga 1000/500) – 09/20 (Amiga 1200 ou supérieur)

Pas de miracle pour Moon Blaster sur Amiga, qui déroule exactement la même interminable liste de défauts que sur Atari ST. Au moins sera-t-il possible ici de bénéficier d’une expérience plus fluide sur un Amiga plus puissant, mais cela ne transcende hélas en rien une expérience maladroite et mal équilibrée.

Version Amstrad CPC

Développeurs : Loriciel S.A.
Éditeur : Loriciel S.A.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

On sait à quel point le marché français était attaché à l’Amstrad CPC, on ne sera donc pas surpris outre mesure de voir Moon Blaster débarquer sur la machine de la firme au crocodile, cette fois avec Tony Huguenotte à la programmation. Techniquement, le jeu fait ce qu’il peut, mais il est évident que ce qui n’était déjà impressionnant ni sur Atari ST ni sur Amiga ne l’est pas davantage sur CPC, et la résolution plus basse n’empêche hélas pas le framerate de difficilement dépasser les six images par seconde. Comme si cela ne suffisait pas, toute la partie dans l’espace a purement et simplement été supprimée : il n’y a désormais plus de possibilité de s’éjecter, ce que le titre a au moins l’intelligence de compenser en laissant votre tank encaisser quelques coups de plus. ne vous y trompez pas : ça n’emballait déjà pas grand monde à l’époque, et ça ne s’est pas arrangé depuis.

NOTE FINALE : 08/20

Que Moon Blaster soit devenu moins beau, moins fluide et moins jouable sur Amstrad CPC, pour être honnête, on s’y attendait un peu. Ce qui est vraiment dommage, en revanche, c’est qu’il trouve également le moyen de rogner sur un contenu déjà anémique en supprimant les séquences spatiales. Reste un ersatz de Battlezone qui ne devrait contenter personne plus d’une poignée de minutes.

Version PC (DOS)

Développeurs : Loriciel S.A.
Éditeur : Loriciel S.A.
Date de sortie : Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Intel 8088/8086
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, VGA
Carte son supportée : AdLib

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on l’a vu, Moon Blaster aura été développé parallèlement sur Atari ST et sur PC par la même équipe. On pouvait nourrir l’espoir que cette version profite de la puissance sans cesse croissante des processeurs pour régler les problèmes de framerate rencontrés dans les autres versions – c’est le cas – mais, comme souvent avec le développement français du début des années 90 sur PC, cette version souffle un peu le chaud et le froid. Par exemple, le jeu reconnait le VGA, mais non seulement les décors n’affichent pas une couleur de plus que sur Atari ST mais l’interface, elle, est clairement reprise des teintes de l’EGA. Pareil pour la gestion de l’AdLib : on a le droit au thème musical de Michel Winogradoff avec un rendu identique à celui des autres versions 16 bits, mais une fois en jeu, c’est le haut-parleur interne qui assure toute l’ambiance sonore. Quant à ce qui est de l’action, bien évidemment, c’est fluide, mais si la vitesse semble bel et bien capée, l’action va néanmoins nettement plus vite que sur un Atari ST ou même sur un Amiga 1200. C’est toujours jouable, c’est même très nerveux, mais ceux qui préfèreraient un rythme un peu plus proche de celui de la version ST devront à nouveau tâtonner avec les réglages de DOSBox – comme on peut s’en douter, sur un PC XT « de base », le jeu est vraiment lent. Bref, ce n’est pas encore la panacée.

NOTE FINALE : 08,5/20

En se donnant un peu de mal, il est possible d’obtenir avec Moon Blaster sur PC une expérience plus fluide et plus nerveuse que sur les autres machines 16 bits, mais cela ne suffit hélas pas à transformer le titre de Loriciel en bon jeu – et peut même le rendre trop rapide pour son propre bien. À tout prendre, si vous souhaitez réellement découvrir le jeu, vous serez sans doute plus à votre aise sur un Amiga 1200.

ShockWave (Light Source Productions)

Développeur : Light Source Productions
Éditeur : Digital Magic Software Ltd.
Testé sur : Amiga

Version Amiga

Date de sortie : Septembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a toujours quelque chose de fascinant à commencer à s’éloigner des grandes autoroutes du retrogaming pour se glisser dans les chemins de campagne – plus accidentés et moins confortables, certes mais aussi plus pittoresques. Sorti des grands noms et des grands titres qui ont façonné le jeu vidéo – et il y a déjà matière à s’occuper pour un sacré bout de temps – on redécouvre parfois, en explorant avec curiosité les innombrables logiciels méconnus programmés par des obscurs et souvent disparus dans les méandres de l’oubli bien avant de s’être vus accorder une réelle chance, une sensation que les chemins balisés de la connaissance en sont venus à nous faire oublier : la surprise.

Et puis il y a sans doute des millions d’histoires en sommeil, derrière ces noms qui ne disent plus rien à personne : qui saura nous parler de Light Source Productions, des trois jeux que ce studio quasi-inconnu aura eu le temps de programmer lors de ses deux années d’existence ? Qui se souvient de Sci-Fi et de Narcissus, petits programmes oubliés chacun développés par une seule personne ? Qui se dévouera pour nous parler ShockWave, de loin leur titre le plus ambitieux – mais aussi et surtout leur dernier, avant que les membres de l’équipe ne s’en aille convoler de leur côté, la plupart du temps pour mener une belle et longue carrière qui se poursuit encore aujourd’hui ? Allez, pour la peine, je m’y colle. ShockWave, c’est ce jeu qui aurait pu être une sorte d’OVNI éminemment sympathique à la Carrier Command ou à la Herzog Zwei, et qui au final n’aura pas été grand chose tant la sentence de toute la presse spécialisée de l’époque semblait sempiternellement être la même : « Pas mal, mais… ». « Mais » quoi, au juste ?

Le scénario, comme souvent, n’a aucune importance : au XXIIe siècle, la Terre est menacée par l’attaque de coloniaux pas très contents qui ont décidé de concentrer toutes leurs attaques sur une seule ville – qui est également, coup de bol, celle autour de laquelle l’humanité a placé toutes ses défenses… c’est à dire principalement vous et votre petit vaisseau. Pas moins de dix vagues ennemies s’apprêtent à frapper depuis des stations orbitales, et c’est donc à vous que va échoir la responsabilité de protéger tout le monde. Jusqu’ici, rien de franchement neuf.

Ceci dit, la (seule) vraie originalité du jeu provient du fait qu’on ne va pour une fois pas se contenter de vous demander d’aller détruire toute l’armée adverse à vous tout seul. Non, la population du futur étant visiblement trop occupée à jouer aux jeux vidéo pour s’intéresser à son avenir, c’est également à vous que va revenir de gérer… tout l’aspect économique de la défense. En effet, votre survie va dépendre de la protection des quatre secteurs qui entourent la ville : au nord-ouest, l’océan abrite les réserves de pétrole qui viendront fournir le carburant à votre astronef ; au nord-est, vos précieuses mines vous fourniront le nerf de la guerre – l’argent qui vous permettra d’acheter tout le reste ; au sud-est, les usines se chargeront de développer votre armement, et le sud-ouest abritera les camps militaires qui pourront produire les troupes qui vous aideront à retarder l’invasion adverse. Il va donc falloir profiter des moments d’accalmie entre les assauts pour décider quoi construire et dans quel ordre afin de ne jamais vous retrouver démuni face à l’opposition toujours plus puissante qui ne manquera pas de vous refaire le coup des forces de Vega comme si vous étiez le premier Goldorak venu. Tiens, en y réfléchissant, ça aurait été une superbe idée de licence intelligemment utilisée… tant pis.

L’action en elle-même va se diviser en deux phases. Tout d’abord, le centre de commande vous placera face à la carte de la région entourant votre ville, avec les quatre secteurs et leurs ressources. Un bouton « Wait » vous permettra de faire avancer le temps (car oui, cette partie se déroule en tour-par-tour), vous permettant d’accumuler de l’argent que vous serez ensuite libre d’investir dans les installations précitées : plus vous avez de mines, plus vous gagnez d’argent ; plus vous avez de plateformes pétrolières, plus vite vos réserves de carburant se reconstituent, etc. L’ennemi ne va bien évidemment pas tarder à s’inviter dans l’équation, massant ses forces dans les différents secteurs, et sachant que lorsqu’une zone est occupée à plus de 50%, vos précieux bâtiments vont commencer à se faire détruire, il faudra rapidement se décider à aller agir sur le terrain.

Un bref détour par l’armurerie vous permettra de constater que l’armement et les défenses de votre vaisseau s’améliorent en fonction du temps et du nombre d’usines à votre disposition (vous n’en avez aucune au début de la partie), puis vous grimpez dans votre vaisseau, et vous vous retrouvez alors… dans une scène d’action en simili-3D à la Space Harrier ou à la After Burner. À ce stade, on sent immédiatement que les programmeurs du jeu avaient envie de démontrer qu’ils n’étaient pas des manches, et c’est plutôt réussi : c’est coloré, la palette du ciel et des décors s’adapte en fonction de l’heure de la journée, ça va vite, c’est fluide, la vue se penche lorsque le vaisseau pivote et il n’y a pas l’ombre d’un clignotement à l’écran. De quoi donner une bonne leçon aux conversions sur Amiga des deux titres susnommés ! La musique n’est pas en reste, le très efficace thème de l’écran-titre jouissant aujourd’hui encore d’une grande popularité au sein de la scène Amiga. Quant à la jouabilité, elle se limite à déplacer un curseur à la souris, qui décidera à la fois de votre visée et du déplacement de votre vaisseau ; le choix des armes comme l’activation de divers pouvoirs secondaires (camouflage et vision nocturne) étant à aller chercher sur le clavier. L’objectif est simple : détruire un certain nombre d’appareils ennemis, figuré en bas de l’écran, avant d’arriver à court de carburant – et sans se faire détruire, naturellement. Il arrivera également que des missions spéciales vous fassent piloter un appareil chargé explosif jusqu’au bout d’une tranchée à la Star Wars en temps limité – là encore, la réalisation fait particulièrement mouche pour un titre de 1990.

Mais alors, qu’est-ce qui a bien pu manquer à ce ShockWave pour faire sensation ? En résumé, deux choses : de la matière, et de l’équilibrage. La partie gestion est simplissime, ce qui signifie aussi qu’elle finit par casser un peu le rythme tant on passe l’essentiel de son temps à cliquer pour passer au tour suivant. Pour donner une idée, vous commencez la partie avec une unique mine qui vous fournit 10.000 crédits par tour. Le premier réflexe serait donc d’en construire une deuxième afin d’augmenter vos revenus, sauf qu’une simple mine coûte… 240.000 crédits. Oui, ça fait déjà 24 tours de jeux. Une usine ? 180.000. Des forces additionnelles ? 260.000 ! Autant dire qu’il faut énormément de temps avant de pouvoir faire quoi que ce soit, et qu’à chaque tour où vous attendez d’accumuler assez d’argent, les forces ennemies avancent…

Ce rythme (très) mal maîtrisé entraîne un deuxième problème : avec une séquence d’action tous les quinze ou vingt tours en début de partie, et sans doute tous les cinq ou six ensuite, les parties ne tardent pas à être longues. Non seulement passer une heure à enchaîner les deux mêmes séquences finit fatalement par se montrer répétitif, mais en plus, il est totalement impossible de sauvegarder, ce qui signifie que tout devra obligatoirement être fait d’une traite… ce qui nous amène au dernier problème : l’équilibrage. Comme on l’a vu, les phases d’action vont à l’essentiel : aucun moyen de gérer sa vitesse, tout se fait avec la souris. Ce qui signifie également que chaque fois que vous promenez le curseur dans la moitié inférieure de l’écran – au hasard, pour viser les troupes au sol – votre vaisseau plonge… vous exposant ainsi à percuter un arbre, un rocher ou un bâtiment comme il en défile des dizaines à la seconde. Problème : une collision vient endommager votre bouclier, lequel n’a que six points de vie. Si votre vaisseau est détruit, vous avez perdu : game over direct, aucun continue ! Et le pire ? Votre bouclier n’est pas rechargé automatiquement entre les missions et vos ingénieurs mettent un temps infini, même avec quatre ou cinq usines, pour vous proposer de le recharger ! Autant dire que pour survivre plus de dix minutes, il vous faudra déjà pas mal d’entraînement…

Le problème, c’est que le gameplay à la Space Harrier est précisément l’un de ceux qui survit le moins bien à la répétition en boucle et sur la durée des mêmes séquences. C’est amusant cinq minutes – et c’était sans doute techniquement impressionnant à l’époque – mais on ne peut pas dire que ça se renouvelle beaucoup, et quand en plus la marge d’erreur est aussi ténue, le déroulement aussi punitif et l’action aussi peu variée, on ne peut s’empêcher de penser que les développeurs ont naïvement tenté d’étirer sur une heure de jeu un concept qui, en l’état, à de quoi tenir dix minutes.

Le plus frustrant est de se dire qu’avec un peu plus de profondeur – des séquences d’action un peu plus techniques, une phase de gestion plus aboutie –, il y aurait eu matière à aboutir en peu de temps à un concept vraiment prenant sur la durée et qui aurait eu le mérite d’être demeuré relativement original même avec trente-cinq ans de recul. Las ! Comme trop souvent sur Amiga, on a davantage affaire à une démo technique trop rapidement repeinte en jeu, et ce qui aurait pu être un logiciel marquant n’est finalement qu’un C.V. pour codeurs et artistes en quête d’un C.D.I. dans un plus gros studio. Reste un logiciel qui a son charme et auquel on peut se surprendre à consacrer plus de temps que ce qu’on avait prévu… mais cela ira quand même rarement au-delà d’une heure de votre vie – et encore, à condition d’être patient. Telle était trop souvent la condition de l’amateur de jeux d’action, en 1990…

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20

ShockWave est un cas d'école d'un bon concept porté par une bonne réalisation et plombé à la fois par un équilibrage déficient et par un manque total de profondeur. Sur le papier, le mélange entre gestion, stratégie et action a tout pour bien fonctionner : les mécanismes sont simples, les objectifs sont clairs, les séquence s'enchainent sans (trop de) de temps morts. Seulement voilà : quand la partie gestion se limite pour l'essentiel à passer 95% de son temps à cliquer sur « Wait » et que la partie action est essentiellement un clone de Space Harrier à la jouabilité imparfaite, on sent rapidement qu'on a fait le tour de la question – surtout quand la difficulté empêche d'étirer plus de quelques minutes des parties qui exigeraient des heures, et où il est impossible de sauvegarder. C'est d'autant plus dommage qu'il ne manquait vraiment pas grand chose au titre de Light Source Productions pour se montrer addictif et s'en aller rejoindre des Carrier Command au panthéon des jeux visionnaires, mais il ne reste au final qu'un petit logiciel oubliable. Frustrant.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De très longues parties où il est impossible de sauvegarder
– Des séquences d'action bien réalisées mais beaucoup trop limitées...
– ...tout comme les séquences de gestion où l'on a finalement très peu de décisions à prendre

Bonus – Ce à quoi peut ressembler ShockWave sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les softs basés sur un mélange entre réflexion et shoot-them-up sont rarement une réussite, mais pour une fois la recette fonctionne. On passe d’une phase à l’autre avec beaucoup de naturel et cette alternance relance sans cesse l’intérêt de jeu. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 14/20