J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc. (Amérique du Nord) – Electronic Arts, Inc. (Europe)
Titres alternatifs : J.R.R. Tolkien’s Lord of the Rings : Volume One (Super Nintendo), El Señor de los Anillos, Volumen Uno (Espagne), 指輪物語 第一巻 旅の仲間 (Yubiwa Monogatari Daiikkan : Tabi no Nakama – Japon)
Testé sur : PC (DOS)AmigaPC-98FM Towns
Présent dans les compilations :

  • J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings & The Two Towers : Collector’s Edition (1993 – PC (DOS))
  • Anthologie de 10 ans d’Interplay (1993 – PC (DOS))
  • World of Sword & Steel (1997 – PC (DOS))

La saga Lord of the Rings par Interplay (jusqu’à 2000) :

  1. J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I (1991)
  2. J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. II : The Two Towers (1992)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Février 1991 (version disquette) – Octobre 1993 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Versions testées : Versions CD-ROM et disquette émulées sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Covox Sound Master, Game Blaster, haut-parleur interne, Innovation Sound Standard, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour le mode VGA

Vidéo – L’introduction du jeu (version disquette) :

Depuis les premières heures de son succès public, dans les années 60, Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien aura initié deux fantasmes qui auront vécu pendant de nombreuses années. Le premier était de le voir un jour adapté en film – demande récurrente seulement à moitié comblée en 1978, lorsque le dessin animé réalisé par Ralph Bakshi trouvera une fin en queue de poisson au milieu du deuxième livre de la saga, faute de producteurs acceptant de lui donner une suite. Il aura fallu attendre 2003 et le dernier film de la trilogie de Peter Jackson – soit près de cinquante ans – pour que la trilogie de Tolkien, réputée trop longue et inadaptable, trouve enfin son dénouement sur le grand écran – avec le succès que l’on sait.

Le deuxième fantasme, lui, a dû voir le jour  en même temps que la micro-informatique elle-même : adapter Le Seigneur des Anneaux en jeu vidéo – en jeu de rôles, bien entendu, la saga de Tolkien étant la racine et la principale source d’inspiration du genre, immortalisé par Donjons & Dragons. L’ambition de porter un jour l’univers de la Terre du Milieu sur un support vidéoludique est presque aussi vieille que les premiers programmes développés par les universitaires dans les années 70. L’un des pionniers du jeux de rôles informatique, l’antique Moria paru en 1975, ne tirait-il pas déjà son nom d’un des passages les plus marquants de la saga ?

J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I entendait, comme son nom l’indique, donner enfin une réalité à ce vieux rêve en s’affirmant comme la première pierre d’une trilogie ambitieuse chargée de porter, pour la toute première fois, toute l’épopée de Tolkien dans une série de jeux de rôles. Ambition, hélas, une nouvelle fois avortée : le troisième volume ne verra jamais le jour. Et le joueur attend encore, au XXIe siècle, cet improbable et colossal jeu de rôles qui lui permettra enfin d’aller jeter l’Anneau Unique au cœur des flammes de la Montagne du Destin – chose que même l’insubmersible MMORPG portant le nom de la saga ne permet pas encore.

Mais revenons plutôt au jeu qui nous intéresse. Publié par Interplay – alors au sommet de sa forme – en 1990, J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I s’affirme dès le début comme un jeu de rôles classique tirant sans vergogne une partie de son inspiration de la saga qu’est Ultima – comme pratiquement tous les jeux de rôles de l’époque, pour être honnête – mais également d’autres titres publiés par Interplay, comme le célèbre Wasteland, mais nous y reviendrons.

Le jeu va vous placer aux commandes de Frodon Sacquet (ou Bessac dans la nouvelle traduction, je vous laisse faire les équivalences à partir d’ici) depuis son départ de Cul-de-Sac, au premier tiers de la Communauté de l’Anneau, jusqu’à… Dol Guldur, ce qui pourra surprendre les connaisseurs de l’œuvre de Tolkien, le fameux donjon de la Forêt Noire n’étant jamais visité par la communauté dans toute la trilogie, et seulement brièvement évoqué dans Bilbo le Hobbit. Mais on se doute qu’avec un matériau aussi dense que la Terre du Milieu, les développeurs du jeu n’aient pas pu résister à l’envie d’offrir aux joueurs la possibilités de sortir un peu des sentiers battus – d’autant que tout le contenu du livre, de la Comté à la Moria en passant par Tom Bombadil ou les Galgals, est bien présent dans le titre – un petit exploit lorsque l’on considère que celui-ci tient sur trois disquettes 3,5 pouces. Un exploit qui aura néanmoins nécessité quelques petits tours de passe-passe – mais là encore, nous y reviendrons.

Vous démarrez donc l’aventure à la Comté, le jour de votre départ de Cul-de-Sac, entouré par Merry et Pippin – que vous pourrez recruter immédiatement en leur parlant. Si le jeu est en plein écran, l’interface n’apparaitra que lorsque vous cliquerez sur le bouton droit de la souris – ou du moins presque toute l’interface, puisque le menu vous permettant de charger ou de sauvegarder une partie, lui, n’est curieusement accessible qu’en pressant la touche O, une incongruité qui sera corrigée dans la version CD. Cette interface a d’ailleurs l’inconvénient d’alourdir considérablement le maniement du jeu, puisque contrairement a Ultima VI, par exemple, dont Lord of the Rings est graphiquement très proche et où chaque icône était accessible en permanence, il faudra impérativement passer par ce menu pour faire quoi que ce soit, y compris pour activer les raccourcis clavier. Si vous souhaitez parler à quelqu’un par exemple, vous devrez commencer par vous approcher de lui, ouvrir le menu, cliquer sur l’icône pour parler et enfin choisir le nom du personnage dans la liste – avant de l’interroger par le biais de mots-clefs, nouveau point commun avec Ultima. C’est pour le moins un peu lourd, même si l’avantage est que vous n’aurez pas nécessairement besoin de passer deux heures dans le manuel pour comprendre comment jouer.

Dans le même ordre d’idée, chacun de vos personnages dispose d’une liste de compétences qui lui sont propres, et qui feront un peu penser à celles que l’on pouvait rencontrer dans Wasteland – ou, plus tard, dans Fallout. La grande force de ces compétences est qu’elles sont toutes utiles : vos capacités à sauter, à escalader, à vous faufiler discrètement, à crocheter des serrures ou à observer les alentours trouveront leur usage à de très nombreuses reprises, ce qu’on appréciera mieux que de les voir cantonnées à un rôle purement esthétique.

En revanche, savoir à quel moment les employer demandera un peu de pratique, l’idée d’utiliser l’aptitude de charisme de Sam pour faire venir un chien égaré ne venant pas forcément naturellement, par exemple. Certaines de ces aptitudes demanderont également un positionnement assez précis, et on ne pourra que regretter à ce titre que le jeu ne nous montre jamais les objets au sol – grave erreur – et qu’il faille passer par un menu à part pour savoir ce qui se trouve à nos pieds – un coup à laisser passer de nombreux objets utiles. De la même manière, utiliser la compétence « perception » pour fouiller les alentours devra vite devenir une seconde nature, faute de quoi vous n’irez sans doute pas très loin dans le jeu. Le seul inconvénient étant que, vu la lourdeur de l’interface, éplucher méthodiquement chaque écran du jeu peut rapidement se révéler incroyablement rébarbatif. Pour ne rien arranger, chaque personnage ayant ses aptitudes propres, vous devrez commencer par le sélectionner avant d’avoir accès à ses capacités, ce qui alourdit encore le procédé.

Même s’il est possible de parcourir une très large portion du jeu sans avoir à combattre, les confrontations peuvent arriver très vite dans le jeu, et vous aurez alors l’occasion de mesurer à quel point la survie de votre personnage principal est capitale – sa mort signant le game over instantané et le retour à l’invite DOS sans même vous proposer de charger votre partie, ce qui n’est pas très malin. Les combats se font au tour par tour, chaque personnage agissant en fonction de son agilité. On regrettera d’ailleurs plusieurs choses. La première est que rien ne permette de connaitre avec précision la portée de votre personnage, ni le terrain qu’il pourra parcourir en un seul tour. La seule méthode pour faire face à un adversaire reste donc de s’approcher pixel par pixel en tentant d’attaquer à chaque pas jusqu’à ce que le programme accepte enfin de nous en proposer l’option : encore une fois, c’est assez lourd. La seconde – et la plus grave pour un jeu de rôles – est que la puissance de votre équipe dépend avant tout de son nombre et de votre équipement, puisque vos personnage ne gagnent pas d’expérience et ne progressent pas ! On trouve là, sans doute, une volonté de coller au matériau d’origine et d’empêcher vos modestes hobbits de devenir des machines à tuer, mais peut-on encore réellement parler de jeu de rôles à partir du moment où vous ne créez pas votre personnage, où vous ne décidez pas de ses aptitudes et où il ne progressera jamais de toute la partie ?

C’est d’autant plus regrettable que, malgré cette fidélité assumée au roman, le titre n’hésite pas à prendre quelques libertés en mettant à votre disposition un système rudimentaire de magie, qui ne pourra bien évidemment être utilisé que par des magiciens, ce qui oblige le jeu à en inventer, « envoyés par le Conseil Blanc » pour vous prêter main forte (pour rappel, seul trois magiciens jouent un rôle dans le livre, l’un étant un ennemi, l’un faisant une apparition de deux lignes et le dernier disparaissant aux deux tiers du roman). Vos hobbits et autres mortels, eux, auront à leur disposition un système de « mots de pouvoirs » qu’ils apprendront au fur et à mesure de leurs rencontres, et qui pourront les tirer de plusieurs mauvais pas – par exemple, en appelant Tom Bombadil à la rescousse une fois séquestrés dans les Galgals.

Pour tous ceux qui lèveraient un sourcil circonspect en lisant toutes ces références au(x) livre(s) dont le jeu est tiré, la question mérite d’ailleurs d’être posée : peut-on jouer à J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I sans avoir lu la trilogie originale, ou au moins vu son adaptation au cinéma ? Eh bien, pour être honnête… probablement pas. En dépit de son introduction qui s’efforce d’être didactique, et de nombreuses précisions sur l’univers et les personnages dans le manuel du jeu, le titre suit si ouvertement le fil du livre que le néophyte risque d’être rapidement perdu, n’ayant aucun moyen de deviner, par exemple, qu’il aura de bien meilleures chances d’échapper aux Nazguls en s’enfuyant par la Vieille Forêt plutôt que par la grand route. Les dialogues du jeu étant assez chiches, les informations délivrées par le programme se révèlent assez maigres – même s’il est possible de se familiariser avec l’univers du jeu en effectuant les très nombreuses quêtes secondaires qu’il propose, mais encore une fois, dans un jeu de rôles sans expérience… Bref, le jeu demande de fournir un investissement que les fans de la première heures seront bien plus à même de délivrer de bonne grâce… à condition de bien se souvenir qu’il s’agit d’un titre de 1990.

La réalisation de J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I, à ce titre, est d’une qualité plus qu’honorable si on la compare à la production de l’époque. Graphismes en 256 couleurs, portraits inspirés du style du long métrage de Ralph Bakshi, gestion de la Sound Blaster et de la Roland MT-32, le jeu se place plutôt dans le haut du panier. La vue en fausse 3D isométrique fera immédiatement penser à Ultima VI, même si on appréciera que la fenêtre de jeu occupe tout l’écran – en revanche, le fait que le titre ne soit pas construit par « cases », comme les Ultima, rend sa cartographie très problématique, particulièrement dans des zones infâmes comme la Vieille Forêt où on peut facilement tourner en rond pendant vingt minutes même en sachant pertinemment où on est censé aller. En revanche, il faut bien reconnaître que les environnements ne sont pas très variés, et que la différence entre une rue de Fondcombe et une rue de la Comté ne saute pas nécessairement aux yeux.

Les animations assurent le service minimum – on sera heureux de voir nos personnages manier leurs armes pendant les combats – et les musiques, si elle sont de très bonne qualité, sont trop rares et pas assez variées (peut-être trois thèmes en tout et pour tout). À noter également que, afin d’économiser de la place sur les trois disquettes du jeu, une partie des dialogues et des descriptions du titre sont en fait consignées dans un livret à part, le jeu vous renvoyant à un numéro de chapitre afin que vous alliez chercher les informations correspondantes (une méthode courante dans les jeux de rôles de l’époque, on s’en souviendra par exemple dans Wasteland ou dans Pool of Radiance). Dommage, vu les très nombreux recours aux textes, que le jeu n’ait jamais bénéficié d’une version française – mais les très nombreux passages consignés dans le manuel, en revanche, ont eux été traduits.

La version CD-ROM du jeu :

La version PC de J.R.R. Tolkien’s Lord of the Rings, Vol. I aura également connu son itération CD-ROM et, bonne nouvelle, Interplay ne s’est pas contenté de recopier la version disquette sur une galette pour ensuite la vendre comme une version à part entière – ce qui n’avait rien de rare à l’époque. Dès le lancement de l’aventure, on remarquera que le titre propose désormais un tutoriel vous présentant l’interface du jeu – et introduit de vive voix par Gandalf en personne, excusez du peu ! Évidemment, mieux vaut parler la langue de Shakespeare, puisque la séquence ne propose aucun sous-titrage, mais on appréciera l’effort.

L’emploi du CD-ROM se confirme une fois une nouvelle partie lancée, puisque l’introduction dessinée de la version disquette a cette fois directement laissé la place à divers extraits du long-métrage animé de Ralph Bakshi ( et que vous ne pourrez hélas pas admirer sur ce site, les droits desdits extraits étant détenus par Warner Bros. qui n’aime pas les voir sur YouTube) – avec une qualité de compression très honorable pour 1990. Une nouvelle fois, en revanche, oubliez les sous-titres.

Et une fois en jeu, bien sûr, gain le plus évident : la musique qualité CD qui enterre sans difficulté ce que proposait la Roland MT-32 dans la version originale. Autant dire que, même si la musique tend à être toujours aussi répétitive après plusieurs heures, le gain qualitatif est extrêmement appréciable. Mais ce n’est pas tout ! L’interface du jeu a été sensiblement retravaillée : le menu de sauvegarde apparait désormais intégré dans l’interface principale affichée avec le bouton droit plutôt que d’avoir à aller le chercher avec la touche O. Et bien sûr, espace offert par le support oblige, plus question d’aller chercher des descriptions dans un livret à part : elles sont désormais affichées en jeu sous la forme des pages d’un grand livre. Et pour ne rien gâcher, le jeu intègre dorénavant une carte automatique qui va singulièrement vous simplifier la tâche. Bref, voilà ce qu’on appelle un CD intelligemment rempli.

Vidéo – Quinze minutes de jeu (version CD-ROM) :

NOTE FINALE : 13/20 (version disquette) - 13,5/20 (version CD-ROM) J.R.R. Tolkien's The Lord of the Rings, Vol. I est un jeu fait par des fans, pour des fans, à une époque où réaliser un des plus vieux rêves de l'histoire du jeu de rôle, qu'il soit sur papier ou informatique, semblait enfin envisageable. En dépit des nombreuses limitations techniques de l'époque, le titre délivre une expérience étonnamment riche collant jusqu'à l'excès au fil du roman original pour permettre aux lecteurs de la première heure de visiter enfin la Comté, Bree, Fondcombe – et certains endroits à peine évoqués comme Dol Guldur dans lesquels de nombreux joueurs avaient toujours rêvé de mettre les pieds. Si tous les fanatiques connaissant l’œuvre de Tolkien sur le bout des ongles pardonneront, à ce titre, plus facilement au jeu une certaine lourdeur et une dimension « jeu de rôle » finalement cantonnée à l'univers et à l'emploi des compétences, les joueurs ne connaissant Le Seigneur des Anneaux que dans ses grandes lignes feront sans doute mieux de passer leur chemin, perdus qu'ils seront au cœur d'un titre qui n'a clairement pas été pensé pour eux. CE QUI A MAL VIEILLI : – L'interface nécessitera un temps d'adaptation, particulièrement pour faire bon usage des très nombreuses compétences de vos personnages – Certains passages, comme la traversée de la Grande Forêt, sont absolument infects et d'un intérêt ludique à peu près nul – Un jeu de rôles sans points d'expérience ? Encore ? – Ceux qui n'ont jamais lu le livre vont probablement passer la moitié du temps à se demander ce qu'ils doivent faire – C'est un peu frustrant que le jeu nous abandonne au tiers du récit, surtout lorsque l'on sait que le troisième volume n'aura jamais vu le jour

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Lord of the Rings sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Une quête complexe mais accessible à tous, c’est le troisième atout de ce premier volume de Lord of the Ring (sic). D’un côté, j’ai vraiment apprécié la complexité du scénario, le fait qu’il traduise aussi bien l’atmosphère du roman. On y retrouve toute sa richesse, tant au niveau des personnages que de la magie, de l’interaction entre les multiples quêtes qui se mêlent ici. (…) Impossible de passer outre ce logiciel, si l’on est un amateur de Tolkien et d’aventure animée. »


Olivier Hautefeuille, Tilt n°88, Mars 1991, 17/20

Version Amiga

Développeur : Sillicon & Synapse, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Octobre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sortie quelques mois après la version originale, la version Amiga doit composer, comme on peut s’en douter, avec davantage de limitations techniques que sur PC – la plus évidente étant le palette de couleurs inférieure à ce que pouvait offrir le VGA. Si le titre est indéniablement moins coloré sur Amiga, on ne peut pas dire qu’on perde énormément au change, surtout au niveau des écrans fixes qui sont parfaitement restitués en dépit des 32 couleurs. Les limitations sont en revanche un peu plus visibles une fois en jeu, où les verts de la Comté paraissent fades comparés à ce que pouvait offrir la version PC. Du côté de la musique, le programme tire parfaitement avantage de la puce Paula, et on ne peut pas dire que celle-ci ait à rougir de la comparaison avec ce qu’offre la Roland MT-32. Les bruitages, en revanche, sont un peu en retrait. Bien évidemment, matériel oblige, le titre est également sensiblement plus lent que ce qu’on pouvait espérer obtenir en le faisant tourner sur un 386 SX, même en profitant d’un disque dur. Jouer sur disquettes vous exposera à de fréquents temps de chargement.

En terme de contenu, J.R.R. Tolkien’s Lord of the Rings, Vol. I est extrêmement proche de ce qu’offrait la version PC, à deux ou trois petites finitions près. Ainsi, le menu des options a désormais été intégré à l’interface, comme dans la version CD – on regrettera, hélas, que ni la carte automatique ni les textes directement intégrés au jeu n’aient fait le voyage jusqu’à cette version Amiga. Petit ajout pas très utile : une icône au sommet de l’écran vous indique dorénavant s’il fait jour ou nuit, au cas où le changement de palette de nous aurait pas déjà fait passer l’information. Pour le reste, on est en terrain connu.

NOTE FINALE : 13/20

Malgré quelques petites retouches, la version Amiga de J.R.R. Tolkien’s Lord of the Rings, Vol. I reste globalement moins bonne que ce que pouvait offrir le jeu sur PC, la faute à un matériel inférieur qui rend le jeu un peu moins beau et un peu plus lent. On ne peut que regretter qu’Interplay n’ait toujours pas été décidé à sacrifier une ou deux disquettes de plus pour offrir la carte automatique, qui aurait fait un bien fou. Le jeu reste autrement identique à l’original, qualités et défauts compris.

Version PC-98
Yubiwa Monogatari Daiikkan : Tabi no Nakama

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : StarCraft, Inc.
Date de sortie : 30 Octobre 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquettes 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Cartes sonores supportées : Roland MT-32/LAPC-I

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme beaucoup de jeux de rôle occidentaux, The Lord of the Rings aura également tenté sa chance sur les ordinateurs japonais – après tout, le genre était extrêmement populaire au Japon, et les systèmes nippons tendaient à être assez proches du PC en termes de hardware et de système d’exploitation. Néanmoins, sur PC-98, en 1991, la résolution « standard » restait le 640×400 en seize couleurs : le jeu aura donc été entièrement réadapté pour l’occasion.

En jeu, cela peut offrir quelques choix étranges, avec des personnages pixelisés en basse résolution pendant que le décor, lui, est en haute résolution, mais la lisibilité est parfaite et le résultat n’a clairement pas à rougir de ce que pouvait offrir une palette de 256 couleurs. C’est encore plus notable pendant la cinématique d’introduction, puisqu’au lieu d’appliquer un filtre dégueulasse aux illustrations de base, comme c’était souvent le cas (notamment sur Macintosh), tout à été redessiné en plus fin ! Le résultat est enthousiasmant, suffisamment pour qu’on ne puisse que regretter que ce portage, paru à peu près en même temps que celui sur Amiga, n’intègre par conséquent pas les nouveautés de la version CD-ROM dont la très pratique carte automatique. Oh, et que tant qu’à faire, il ne soit pas resté en anglais, car naturellement tous les textes du jeu sont dorénavant en japonais. Autant dire que si vous ne parlez pas la langue, le programme sera largement inaccessible, mais si jamais les curieux souhaitent découvrir le logiciel en haute résolution, ils pourront le faire.

NOTE FINALE : 13/20

Portage un peu surprenant que ce Yubiwa Monogatari Daiikkan : Tabi no Nakama sur PC-98 – pas tellement du côté du contenu, qui n’a pas changé depuis la version disquette sur PC, mais bien du côté de la réalisation en haute résolution et en seize couleurs. Dommage qu’il faille savoir lire le japonais pour en profiter.

Version FM Towns
Yubiwa Monogatari Daiikkan : Tabi no Nakama

Développeur : Interplay Production, Inc.
Éditeur : StarCraft, Inc.
Date de sortie : Mars 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo –  L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Après le PC-98, le FM Towns. Et cette fois, inutile de chercher une facétie : comme on pouvait s’y attendre, on se retrouve face à la retranscription de la version DOS traduite en japonais. Le CD-ROM n’est d’ailleurs absolument pas mis à contribution : la version « améliorée » sur PC n’étant appelée à sortir qu’un an et demi plus tard, c’est bel et bien le contenu de la version disquette qui est présent ici, via une réalisation exactement identique au VGA. Bref, pour le coup, à moins de chercher spécifiquement une version traduite en japonais, autant lancer directement la version DOS.

NOTE FINALE : 13/20

Inutile de tourner autour du pot : Yubiwa Monogatari Daiikkan : Tabi no Nakama sur FM Towns n’est rien de plus que la version DOS de J.R.R. Tolkien’s The Lord of the Rings, Vol. I traduite en japonais sans profiter d’aucun des apports de la version CD-Rom améliorée, développée un an plus tard.

Harvest Moon

Développeur : Amccus
Éditeur : Pack-in-Video Co., Ltd. (Japon) – Natsume, Inc. (Amérique du Nord) – Nintendo of Europe GmbH (Europe)
Titre original : 牧場物語 (Bokujō Monogatari, Japon)
Testé sur : Super Nintendo
Disponible sur : Switch, Wii, Wii U

La saga Harvest Moon (jusqu’à 2000) :

  1. Harvest Moon (1996)
  2. Harvest Moon GB (1998)
  3. Harvest Moon 64 (1999)
  4. Harvest Moon 2 GBC (1999)
  5. Harvest Moon : Back to Nature (1999)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 9 août 1996 (Japon) – Juin 1997 (États-Unis) – Novembre 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Team Mambo
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Ah… Qui n’a jamais rêvé de devenir ouvrier agricole ?


Comment ? Vous ? Bon, d’accord, pour être honnête, difficile de vous en vouloir. Au moment de choisir un héros à incarner dans un univers de substitution, on penche plus volontiers vers le chevalier en armure, le héros avec une marque de naissance ou même le tueur à gage avec un fusil dans chaque main que vers l’agriculteur ou vers l’ouvrier travaillant à la chaîne. C’est bien naturel : l’un des avantages du domaine vidéoludique, c’est plutôt de nous faire oublier notre quotidien que de nous proposer d’y replonger derechef. On peut donc aisément concevoir que des jeux tels que Guichetier à la Poste Simulator n’aient (encore) jamais vu le jour : l’idée pour le joueur reste d’être transporté vers ce qui lui est inaccessible. Dès lors, on comprendra la surprise en voyant sortir en 1996 au Japon (1998 en Europe), sur une Super Nintendo alors en fin de vie (voir même carrément morte et enterrée en ce qui concerne la sortie européenne), un bien étrange concept de simulateur de vie… contemporaine.

Si Harvest Moon vous transporte en effet a priori dans un monde imaginaire, ce ne sera pas pour y combattre le mal, l’épée ou le bazooka à la main, mais bien pour y gérer… une ferme. Le postulat de départ est d’ailleurs assez simple : vous incarnez un jeune fermier, qu’il vous appartiendra de nommer au lancement du jeu (n’espérez pas vous appeler Jean-Aristide, cependant, puisque votre identité devra se limiter à quatre lettres, ce qui est quand même assez peu). Vous débarquez un matin dans un ranch fonctionnel, quoiqu’un peu délabré, dont vos parents ont décidé de vous laisser la gestion pendant deux ans et demi histoire de vous mettre le pied à l’étrier. Quel qu’ait été votre avis sur la question, toujours est-il que vous allez maintenant devoir vivre au quotidien dans ce ranch pendant toute la période donnée histoire d’accéder à l’autonomie, au bonheur, à la richesse – ou à strictement rien si c’est là ce que vous souhaitez puisque vous n’avez de toute façon pas de monde à sauver ni d’impératif majeur à remplir. En soi, le principe de base du jeu peut donc facilement décontenancer, puisqu’on vous largue dans votre ferme sans réelle instruction en vous souhaitant bonne chance. À vous de décider comment vous aller organiser votre quotidien.

Histoire de ne pas totalement vous abandonner en rase-campagne, le jeu vous propose tout de même une section « comment jouer », malheureusement totalement non-interactive et dénuée de textes, et une petite visite de la ville jouxtant votre ranch lors de la première journée, histoire de faire un peu connaissance avec la populace locale, avec les commerces qui vous aideront à démarrer votre activité, et également avec les jeunes filles du coin puisque trouver une femme et fonder une famille fait également partie des possibilités du jeu. En effet, loin de vous cantonner à votre ferme, Harvest Moon vous permet, à sa façon, de gérer également votre vie sociale, et même d’aller vous promener dans la montagne environnante pour y pêcher ou faire de la cueillette. Mais pour bien comprendre les possibilités offertes par le jeu, commençons par le commencement : à quoi peut bien ressembler la vie quotidienne d’un fermier ?

À peine sorti de votre lit, vous quittez le bâtiment principal pour aller vous intéresser à votre terrain. D’entrée de jeu, vous constaterez rapidement que les terres entourant votre ferme vont nécessiter un peu de nettoyage, les rochers et autres souches d’arbre risquant de vous compliquer la vie au moment de démarrer vos cultures. Vous faites donc un saut par votre cabanon où vous pourrez prendre deux outils entre lesquels vous pourrez choisir avec X et qui seront ensuite utilisables avec la touche Y. Attrapez donc un marteau et une hache pour casser quelques rochers et autres souches. Tout le bois que vous obtiendrez dans la manœuvre sera stocké dans une réserve à part, et pourra ensuite être utilisé pour construire un enclos voire, lorsque vous en aurez les moyens, une ou plusieurs annexes pour votre maison. La pierre, elle, ne vous sert à rien, n’hésitez donc pas à vous débarrasser des rochers qui vous encombrent en les brisant ou en les lançant à l’eau.

De la même façon, désherber se fait en saisissant les touffes d’herbe à l’aide du bouton A et en jetant ce qui vous gêne. Une fois un petit bout de terrain « nettoyé », vous pourrez alors prendre votre houe histoire de travailler la terre, et partir en ville pour acquérir des graines afin de démarrer votre exploitation. Une fois vos premières semailles effectuées, il ne faudra bien évidemment pas oublier de les arroser tous les jours jusqu’à ce que vos légumes aient grandi et que vous puissiez les revendre, de manière très simple, en les entreposant dans un bâtiment à l’entrée de votre ferme où un vendeur itinérant viendra automatiquement les récupérer tous les soirs. Après quoi, il sera temps de vous coucher et éventuellement de sauvegarder votre partie avant de rempiler pour la journée du lendemain.

Étrangement, le côté répétitif du jeu qui va vous demander une micro-gestion quotidienne dans des journées qui ne dépassent pas cinq minutes constitue autant une faiblesse évidente que sa principale force. Car, si lors de vos premières parties, vous allez accumuler les tâtonnements histoire de bien comprendre les tenants et les aboutissants de la vie de fermier, le fait que le jeu ne vous délivre que les indications vitales est finalement l’un des principaux ressorts ludiques, puisque l’essentiel du jeu va être passé à multiplier les expériences pour bien comprendre comment optimiser votre temps et comment diversifier votre activité.

Le jeu étant découpé en saisons de trente jours, vous vous doutez bien que cultiver des navets n’aura pas grand sens au milieu de l’hiver, et que vous allez devoir considérer la possibilité de réinvestir vos gains dans du bétail, ce qui vous demandera bien évidemment de commencer par acquérir des vaches ou des poulets, mais également le matériel nécessaire à la traite, à l’entretien, au soin de vos chers bestiaux – sans oublier de cultiver les herbages qui vous permettront de les nourrir. Dans le même ordre d’idée, le jeu ne vous affiche aucune « caractéristique » : c’est en voyant votre personnage souffler après avoir répété des efforts que vous réaliserez qu’il est doté d’une endurance limitée, et qu’il existe des moyens de régénérer celle-ci – voire de l’augmenter de façon permanente – mais on ne vous dira jamais comment : ce sera à vous de faire vos expériences. De la même façon, chacune des jeunes filles du village à des goûts, des centres d’intérêt et des lieux de promenade qui lui sont propres, et si vous voulez trouver l’âme sœur, il faudra passer énormément de temps à échanger avec elles, à leur offrir des présents tels que des fleurs ou des bouteilles de parfum, bref, à vous investir un peu ! Et si vous allez fureter du côté du journal intime de ces jeunes filles, qui sait, vous pourriez même trouver quelques informations sur l’intérêt qu’elles vous portent…

Mine de rien, au fil de la partie, on découvre que les possibilités du jeu sont beaucoup plus étendues que ce que les premières minutes laissaient entrevoir. Non seulement chaque saison risque d’être vécue de façon différente, mais il va constamment falloir se projeter sur le long terme, investir, composer avec les catastrophes naturelles ou les animaux sauvages, sans oublier d’entretenir votre clôture qui se dégrade avec le temps, faute de quoi vous risqueriez d’avoir des mauvaises surprises en comptant vos poules le soir.

Histoire de casser la routine, le jeu propose également quantité de fêtes et autres jours fériés qui seront l’occasion d’aller faire plus ample connaissance avec le reste du village – et de courtiser tous azimuts, si vous le souhaitez – tout comme vous serez libre d’aller vous finir au bar chaque soir. Bref, aussi surprenant que cela puise paraitre, non seulement on ne s’ennuie pas, mais on finit même réellement par se prendre au jeu pour découvrir les objectifs réels du titre et les multiples façons d’y répondre.

Le tableau serait donc parfaitement idyllique si le flou relatif dans lequel vous êtes plongé dès le début du jeu ne finissait pas par avoir son retour de bâton. Expérimenter est une chose, mais comprendre la logique bien particulière du titre peut en revanche s’avérer aussi complexe que frustrant. Imaginons par exemple que vous souhaitiez demander une jeune fille en mariage : vous devez bien évidemment avoir atteint un certain niveau d’affection avec elle, ce qui parait logique. En revanche, comment deviner que demander la main de ladite jeune fille nécessitera un objet bien particulier (et non, ce ne sera pas une bague), et surtout que votre demande ne pourra être acceptée que si elle faite lors d’un certain jour de la semaine… et obligatoirement lorsqu’il fait beau ! Dans le même ordre d’idée, le jeu vous délivrera un score à la fin de la partie correspondant à des critères qu’il aurait été plus intelligent de connaître dès le début. L’avantage étant que vous pourrez recommencer une partie en sachant cette fois ce que l’on attend de vous, mais vu qu’une partie standard pourra facilement durer une vingtaine d’heures, voir plus, on comprendra également ceux qui n’auront pas envie de repiquer pour un tour de manège après avoir déjà connu deux ans et demi dans la peau d’un fermier. Autant dire que le côté « expérimental » du titre est donc largement à double-tranchant.

Côté réalisation, Harvest Moon a à la fois l’avantage d’être un titre sorti sur une Super Nintendo en fin de vie – et l’inconvénient de devoir composer avec la concurrence d’autres titres parus avant lui et beaucoup plus impressionnants. Si le jeu bénéficie d’une ambiance agréable, colorée, avec son lot d’adaptations selon la saison et l’heure de la journée, il ne pourra jamais espérer rivaliser avec des titres comme Chrono Trigger, Tales of Phantasia, Secret of Mana ou Star Ocean – sans parler du manque évident de variété qu’impose le fait d’être finalement cantonné à seulement trois endroits différents pendant tout le jeu. Si la musique est sympathique, elle finit malheureusement par être répétitive, et on aurait apprécié de ne pas avoir à attendre de changer de saison pour profiter d’un autre thème au sein de la ferme.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20 Partant d'un postulat très original – et a priori pas franchement séduisant sur le papier – Harvest Moon réussit à transformer ce qui aurait pu être une expérience rébarbative en une simulation simple à jouer qui parvient à se renouveler tout en conservant sa part de mystère suffisamment longtemps pour réussir à vous tenir en haleine jusqu'à la fin de la partie - et peut-être même au-delà. En dépit de ses indéniables qualités, le titre repose néanmoins sur un concept répétitif par essence qui ne fera pas nécessairement l'unanimité parmi les joueurs – surtout lorsqu'on se souvient que la série a fait du chemin depuis en proposant de très nombreuses nouvelles idées absentes de ce premier épisode. Quoi qu'il en soit, l'expérience reste aujourd'hui aussi rafraichissante que déstabilisante, et vaut largement la peine d'être tentée. CE QUI A MAL VIEILLI : – Le gameplay est basé sur la répétition : même s'il est possible, à moyen terme, de simplifier certaines actions, on peut vite se lasser d'aller arroser nos parcelles de légumes une à une tous les soirs – Le jeu repose sur l'expérimentation, ce qui signifie que vous évoluerez dans un flou relatif quant à vos objectifs pendant le plus clair de la partie – La réalisation du jeu fait le travail, mais on était quand même largement en droit d'attendre mieux en 1998

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Harvest Moon sur un écran cathodique :

Sorcellerie : Le donjon du suzerain hérétique

Développeur : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : Ediciel Matra et Hachette
Titre original : Wizardry : Proving Grounds of the Mad Overlord (États-Unis)
Titres alternatifs : ウィザードリィ 狂王の試練場 (graphie japonaise), Dungeons of Despair (titre de travail), Wizardry : Proving Grounds of the Mad Overlord! (écran-titre – Japon)
Testé sur : Apple IIPC (Booter)MacintoshPC-88PC-98Sharp X1Commodore 64MSXNESPC Engine CDPlayStationSaturnSuper Famicom
Versions non testées : FM-7, PC (Windows 9x)
Disponible sur : Switch, PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, WonderSwan Color, Xbox Ones, Xbox Series
Présent au sein des compilations :

  • The Wizardry Trilogy : Scenarios I, II & III (1987 – Apple II, Commodore 64, PC (Booter))
  • Wizardry I・II (1993 – PC Engine CD)
  • The Ultimate Wizardry Archives (1998 – PC (DOS, Windows 9x))
  • Wizardry : Llylgamyn Saga (1998 – PC (Windows 9x), PlayStation, Saturn)
  • Wizardry I•II•III : Story of Llylgamyn (1999 – Super Famicom)

La saga Sorcellerie (Jusqu’à 2000) :

  1. Sorcellerie : Le donjon du suzerain hérétique (1981)
  2. Sorcellerie : Le chevalier de diamant (1982)
  3. Sorcellerie : L’héritage de Llylgamyn (1983)
  4. Wizardry : The Return of Werdna – The Fourth Scenario (1987)
  5. Wizardry V : Heart of the Maelstrom (1988)
  6. Wizardry : Bane of the Cosmic Forge (1990)
  7. Wizardry : The First Episode – Suffering of the Queen (1991)
  8. Wizardry : Crusaders of the Dark Savant (1992)
  9. Wizardry : The Second Episode – Curse of the Ancient Emperor (1992)
  10. Nemesis : The Wizardry Adventure (1996)

Version Apple II

Date de sortie : Septembre 1981 (États-Unis) – 1983 (France)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II – OS : Apple DOS 3.3 – RAM : 48ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dans le monde des jeux de rôles vidéoludiques, il y a les grands succès, il y a les univers marquants, il y a les monuments. Au-dessus encore, il y a les légendes. Et tout au sommet de la pyramide, il y a les pères fondateurs, ceux qui ont non seulement été des succès critiques et commerciaux, mais qui ont en plus directement influencé toute la production qui les a suivis, à tel point qu’il est difficile, même plus de 35 ans après leur sortie, de trouver un RPG qui ne leur emprunte pas une grande part de leurs mécanismes de jeu.

À ce grand jeu des pionniers ayant à jamais impacté l’existence de tout ce qui était appelé à les suivre, s’il ne fallait retenir que deux noms, l’un serait Ultima et l’autre serait Wizardry.

Imaginez deux étudiants américains nommés Andrew Greenberg et Robert Woodhead. À la fin des années 70, ceux-ci partagent un rêve qui est alors celui de beaucoup d’apprentis-programmeurs ayant découvert l’informatique en même temps que le jeu de rôles papier : parvenir à retranscrire une partie de Donjons & Dragons à l’intérieur d’un programme informatique. Cette quête, ils seront parmi les premiers à la mener à bien, avec la parution en 1981 du premier épisode d’une série appelée à être colossale et dont les trois premiers épisode auront même bénéficié (chose exceptionnelle à l’époque) d’une traduction intégrale : Sorcellerie : Le donjon du suzerain hérétique.

Pour imaginer à quoi pouvait bien ressembler un jeu de rôles en 1981, repartons de la base : un donjon profond de dix niveaux, au fin-fond duquel se terre le terrible magicien Werdna, lui-même ennemi du terrible guerrier Trebor (si ces deux noms vous paraissent étranges, vous remarquerez rapidement qu’il s’agit des prénoms des deux créateurs du titre écrits à l’envers). Votre quête, si vous l’acceptez, sera d’aller récupérer la puissante amulette que Werdna vola à Trebor avant de revenir à la surface en un seul morceau – ce qui risque de s’avérer beaucoup plus compliqué que prévu, mais nous y reviendrons.

Parcourir un donjon en vue subjective pour aller y vaincre un grand méchant n’avait rien de révolutionnaire, même en 1981 : un titre comme Akalabeth proposait déjà la même chose deux ans auparavant. Non, la véritable innovation de Sorcellerie, celle-la même qui lui vaut encore aujourd’hui d’être considéré comme le vénérable ancêtre de n’importe quelle forme de dungeon crawler – et en particulier celui d’une autre saga majeure qu’est Might and Magic – c’est bien le fait d’être le tout premier titre à vous placer à la tête d’un groupe plutôt que d’un aventurier solitaire. Comme vous pouvez vous en douter, composer votre groupe et savoir en tirer le maximum constituera la première clé d’un titre encore reconnu aujourd’hui comme l’un des plus exigeants jamais programmés.

Abordons donc l’aventure par son commencement : la création de vos personnages. Votre glorieuse équipe peut – et on serait même tenté de dire « doit » – être composée de six membres, eux-mêmes répartis en deux lignes. La première ligne sera celle qui pourra se battre au corps-à-corps – et sera donc la plus exposée à recevoir des coups en contrepartie – tandis que la deuxième, plus en sécurité, ne pourra compter que sur des sortilèges pour atteindre l’adversaire (le jeu ne comporte pas d’armes à distance). Votre composition est donc toute trouvée : des unités qui tapent fort en première ligne et vos soigneurs et autres magiciens au fond – avec éventuellement un voleur au milieu histoire de désamorcer les inévitables pièges que vous pourrez rencontrer sur les non moins inévitables coffres aux trésors. On retrouvera à ce titre les classes traditionnelles tout droit échappées de Donjons & Dragons : guerrier, voleur, mage, clerc – mais aussi des classes « avancées » aux noms plus exotiques (ninja, samouraï, seigneur, évêque) qui pourront vous demander un peu plus d’efforts.

En effet, chaque personnage dispose à sa création d’un nombre de points bonus à attribuer à ses caractéristiques, et qui vous permettront de remplir les prérequis pour pouvoir rejoindre telle ou telle classe (un guerrier demande par exemple d’avoir au moins 11 en force, quand un mage réclamera 11 en intelligence, etc.) – sachant que chacune des cinq races du jeu, des humains aux hobbits en passant par les nains, dispose d’attributs de départs qui lui sont propres (les nains sont plus forts, les elfes plus intelligents, vous connaissez l’idée). Le truc, c’est que le total de ces points bonus sera tiré aléatoirement, et pourra aller de 7 à plus de 20 – ce qui fait une énorme différence, et vous encouragera à passer énormément de temps à recommencer les tirages pour essayer de bâtir le personnage « ultime ». Mais même avec le meilleur tirage du monde, vous ne pourrez jamais obtenir dès le début de la partie, par exemple, un personnage avec un score de 17 dans toutes les caractéristiques – prérequis indispensable pour accéder à la classe de ninja. Il va donc vous falloir attendre de monter de niveau et de gagner des points de caractéristiques – ou d’en perdre, les deux étant possibles à chaque montée de niveau, et le processus étant une nouvelle fois aléatoire.

Créer le groupe de vos rêves va donc vous demander une forme de planification sur le long terme – et la gestion de contraintes qui pourront se transformer en casse-tête pour joueurs débutants. Imaginons par exemple que vous vouliez composer une équipe comprenant un seigneur et un ninja, les deux meilleures unités au corps-à-corps. Il vous faudra donc commencer par créer deux guerriers, et prier pour que leurs statistiques augmentent rapidement, à chaque montée de niveaux, pour leur permettre d’aborder le changement de classe. Mais un autre problème va émerger rapidement : l’alignement de vos personnages. En effet, un ninja est par essence un personnage maléfique, tandis qu’un seigneur est vertueux, et si les personnages d’alignement neutre s’entendront sans difficulté avec tout le monde, impossible de faire cohabiter un alignement bon avec un alignement mauvais au sein du même groupe.

Plusieurs tours de passe-passe ont naturellement été découverts, au fil des années, pour contourner le problème – l’un des plus intéressants étant de faire changer l’alignement de vos personnages en cours de partie… par le biais de leurs actes. Croisez par exemple un groupe pacifique au sein du donjon – il y en a, après tout il y a d’autres aventuriers et tous les monstres n’ont pas nécessairement envie de se frotter à tout le monde -, choisissez de l’attaquer, et votre alignement pourrait commencer à changer pour retranscrire votre brutalité. À l’opposé, comportez-vous continuellement comme un bon samaritain et même le dernier des voleurs pourrait commencer à être considéré comme quelqu’un de vertueux – oui, le jeu gère cela, dès 1981, et on ne peut qu’applaudir des deux mains tant cela introduit d’ores et déjà une dose de subtilité qui aidera à comprendre pourquoi la saga est restée aussi populaire de nos jours – particulièrement au Japon, où des dizaines de titres – et même des OAVs ! – ont vu le jour au cours des dernières décennies.

Bon, avoir un groupe, c’est bien, l’équiper avant de partir à l’action, c’est mieux – surtout vu avec quelle facilité vos personnages peuvent trouver la mort à bas niveau. La ville où vous débutez la partie (et qui sera l’occasion de refaire le plein entre deux descentes dans le donjon) comporte justement un marchand, qui va vous laisser l’occasion de peaufiner votre barda. Très bonne nouvelle : le jeu ne s’embarrasse pas de gérer des ressources comme la nourriture, qui pouvait rapidement représenter l’une des plaies majeures des jeux de rôles des années 80. Autre bonne nouvelle : le jeu vous indique clairement, lorsque vous achetez une arme, si celle-ci peut ou non être utilisée par son acquéreur. En revanche, votre groupe ne met pas son argent en commun (ce qui est logique, après tout, puisque vous pouvez en changer la composition à chaque passage en ville), ce qui veut dire qu’il vous faudra passer par de laborieuses manipulations pour mettre tout l’argent dans les mains de l’acheteur. Puis, une fois vos armes achetées, vous pourrez aller les équiper à la taverne, ou bien à l’entrée du donjon où vous pourrez faire un dernier check-up sur votre formation avant de descendre les marches.

Vous voici dans le donjon. Vous apercevez la minuscule fenêtre en haut à gauche ? C’est votre fenêtre de jeu : c’est là que vous verrez l’intérieur du donjon et tout ce qui s’y passe. Le reste de l’interface se répartit entre la composition de votre groupe et de ses statistiques – points de vie, classe d’armure, état de santé – sur toute la moitié inférieure de l’écran, et un résumé des actions possibles affiché en haut à droite. Certes, on pourra regretter que le cœur du jeu – la partie graphique – soit cantonné à une minuscule fenêtre. En revanche, la bonne nouvelle, c’est que vous n’aurez pas besoin de passer les trois premières heures de jeu le nez dans le manuel à découvrir quelle touche fait quoi puisque toute l’interface est visible en permanence. Ne jetez pas la notice pour autant : tous les sortilèges sont consignés dedans, et vu qu’il faudra taper leur nom au clavier à chaque fois que vous voudrez en lancer un, mieux vaudra la garder à proximité en permanence…

Le manuel comporte d’ailleurs également les informations essentielles à l’une des activités privilégiées des joueurs de dungeon crawler : la cartographie. Chaque étage du donjon représente une surface carrée de 20×20 cases dont vous aurez tout intérêt à tracer le plan sur papier pour avoir la moindre chance de vous y retrouver – surtout sachant que chaque côté peut tout à fait communiquer avec l’autre, et que le jeu n’a aucun remord à utiliser des pièges comme des téléporteurs impromptus, des zones plongées dans des ténèbres impossibles à dissiper ou des plaques tournantes apte à vous désorienter pour de bon – vous obligeant à recourir à l’un des sorts de votre mage pour connaître vos coordonnées ainsi que la direction à laquelle vous faites face. Il sera également possible de vous téléporter par magie, mais prenez bien garde à ne pas vous rater, car si votre groupe finit encastré dans la roche, c’est fini pour lui et n’espérez même pas aller le récupérer un jour. Oui, tous ses membres seront morts, définitivement – mais nous allons bientôt y revenir.

Vous vous déplacez donc dans le donjon, vous efforçant de faire usage des sorts de lumière pour y voir un peu plus loin que le bout de votre nez, lorsque arrive ce qui devait arriver : un affrontement. Comme vous pouvez vous en douter, ceux-ci ont lieu en tour-par-tour : vous donnez vos instructions à vos personnage au début, puis vous regardez le tour de jeu se dérouler. Le jeu vous autorise à cibler des groupes de monstres, mais jamais un monstre seul au sein d’un groupe – si tout ceci commence à vous rappeler quelque chose, c’est parfaitement normal : un certain Dragon Quest reprendra ce système à l’identique quelques années plus tard… et là, le moment semble bien choisi pour aborder une caractéristique majeure du titre : sa difficulté. Oui, je sais, c’est quelque chose qu’on peut souvent lire sur ce site – mais souvenez-vous bien qu’on parle d’un jeu paru en 1981. Vous pensiez avoir connu des jeux difficiles ? Alors vous n’avez jamais touché à Sorcellerie.

Vous vous souvenez, ce groupe prometteur, que vous avez passé plus d’une heure à créer à coups de re-re-re-re-rerolls histoire de vous faire l’équipe ultime ? Eh bien, si vous voulez éviter une cruelle désillusion, comprenez dès maintenant qu’il pourra tout à fait se faire exterminer dès la première rencontre. Oui, c’est vexant, mais après tout, il suffit de recharger la partie, non ? Non. Le jeu sauvegarde automatiquement tout ce qui se produit. Tout. Vos morts, aussi. Donc, si la moitié de votre équipe vient de se faire tuer par un groupe de brigands au terme d’une aventure longue de vingt-cinq secondes, il faudra vivre avec –  si vous me permettez la boutade. Votre premier réflexe, si quelqu’un a survécu, sera de regagner la surface pour vous rendre au temple local, histoire de ressusciter tout le monde. Problème : les prêtres locaux vénèrent tous le capitalisme, et ressusciter quelqu’un coûte très cher – bien plus que ce que vous aurez en réserve à ce stade du jeu. Il ne vous restera donc plus qu’à retourner passer une autre heure à créer de nouveaux personnages pour fonder une nouvelle équipe avec les survivants de la première expédition. Bienvenue dans Sorcellerie.

« Et si tout mon groupe surpuissant, monté pendant des dizaines d’heures, trouve la mort au fond du donjon ? » me demanderez-vous avec un certaine angoisse. Eh bien rassurez-vous : il sera possible de le sauver… à condition d’envoyer une autre expédition récupérer les corps là où ils sont tombés. Ce qui signifie : avoir un groupe à peu près aussi puissant que celui que vous venez de perdre pour aller le rechercher… Oui, c’est dur, c’est vraiment, vraiment dur. Pour ne rien arranger, même un prêtre de haut niveau se mordra les doigts au moment de lancer un sort de résurrection – vous n’avez quand même pas cru que ça allait devenir facile ? Imaginons que votre sort rate – car oui, c’est très possible – votre joyeux décédé pourra alors voir son corps réduit en cendres. Et là, pour le relever, cela va coûter très, très cher… Oui, mais il y également un sort de résurrection supérieure, au niveau 7 ! Là, vous pourrez relever même un personnage réduit en cendres ! Mauvaise nouvelle : cette fois, si vous vous ratez, le personnage est perdu à jamais. Oui, votre superbe ninja niveau 13 avec les statistiques à fond : perdu. Pouf. Croyez-moi, il y a des séances de jeu qui pourront vous réclamer d’effectuer un deuil de plusieurs semaines.

Heureusement, comme on peut l’imaginer, beaucoup de joueurs auront trouvé, au fil des années, de nombreuses façons de tordre le coup à ce système de jeu pour le moins impitoyable – l’une des plus basiques étant tout simplement de faire une copie de sauvegarde de votre disquette « scénario » avant chaque descente au fond du donjon. Le jeu met également à votre disposition un utilitaire de récupération des personnages, pensé pour vous permettre de sauver des héros perdus à la suite d’une malencontreuse coupure de courant. N’allez pas croire que cela transforme le jeu en promenade de santé pour autant : même pour un très bon joueur, comptez au grand minimum plusieurs semaines intensives pour espérer venir à bout du donjon, ce qui vous vaudra un message de félicitations… et le droit d’exporter vos personnage dans le deuxième épisode, Le chevalier de diamant. Mais ceci est une autre histoire.

Mais après toutes ces explications – qui sont encore loin de couvrir toutes les possibilités du jeu – une question se devine sur vos lèvres : Sorcellerie : Le donjon du suzerain hérétique mérite-t-il d’être encore joué aujourd’hui ? Oui, mille fois oui. Certes, la réalisation est extrêmement austère – on parle d’un jeu sur Apple II de 1981 – mais voyez plutôt le bon côté : cela laissera d’autant plus de place à l’imagination. Certes, l’interface a vieilli, mais le jeu est encore étonnamment simple à prendre en main pour un titre aussi complexe n’ayant même pas recours à la souris. Toutes les bases du dungeon crawler sont déjà là (et la plupart n’ont pas pris une ride), mais surtout, la difficulté de la quête l’a élevée au rang de légende. Parvenez à vaincre le jeu et je peux vous promettre que vous aurez réellement le sentiment d’avoir accompli un acte de légende, de pouvoir rivaliser avec les vieux briscards s’étant escrimés plusieurs années avec le titre et de leur dire « moi aussi, je l’ai fait. » Autant dire que les joueurs occasionnels biberonnés aux courtes séances sur des jeux simples feraient mieux de prendre immédiatement leurs jambes à leur cou. Les passionnés de jeu de rôles, eux, devraient tenter leur chance. Peu d’entre eux le regretteront.

Juste un petit mot sur la version française : une localisation complète, du titre au programme en passant par le manuel, en 1983, ce n’était pas banal. La bonne nouvelle, c’est que celle-ci a été effectuée de façon très professionnelle et qu’on pourrait presque se croire devant un jeu français tant on se sent immédiatement comme un poisson dans l’eau face à ce Sorcellerie qui aurait mérité de faire davantage d’émules.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Légende à part entière, titre visionnaire ayant laissé sa trace dans pratiquement tous les jeux de rôles paru à sa suite, Sorcellerie : Le donjon du suzerain hérétique a également la grande force de profiter d'un système de jeu ayant étonnamment bien vieilli, et au sein duquel tous les passionnés de Donjons & Dragons auront vite fait de retrouver leurs marques. Bien sûr, il faudra composer avec une interface du siècle dernier et avec une réalisation particulièrement austère, mais paradoxalement, ce côté minimaliste est très efficace pour vous retranscrire toute la pression d'un groupe égaré dans un donjon obscur avec l'angoisse de la mort à chaque tournant. La difficulté assumée du titre peut constituer autant un repoussoir qu'une qualité majeure, mais dans tous les cas, il faudra être bon, très bon pour espérer venir à bout de ce jeu de légende. CE QUI A MAL VIEILLI : – La sauvegarde automatique, équivalent des actuels mode « hardcore », vous fera pleurer des larmes de sang – particulièrement lorsque vous perdrez un groupe dans lequel vous aviez investi des dizaines d'heures – Graphiquement, c'est presque une aventure textuelle – quelques malheureux sprites pour figurer les monstres ou les trésors dans une minuscule fenêtre – L'interface a ses lourdeurs, particulièrement en ville, où équiper vos personnages risque de vous demander pas mal de temps. – Héritier des bons vieux lancers de dés, l'aspect aléatoire est ici poussé très loin, quitte à vous faire perdre des points de caractéristique lors des montées de niveaux

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Sorcellerie sur un écran cathodique :

Version PC (Booter)

Développeurs : Andrew Greenberg, Inc. – Robert Woodhead, Inc.
Éditeur : Sir-Tech Software, Inc.
Date de sortie : Avril 1984 (première édition) – 1987 (deuxième édition améliorée)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : CGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Il existe en fait deux versions PC du premier épisode de Wizardry (seule la version Apple II ayant, à ma connaissance, été traduite en français, autant vous habituer à ce qu’on parle exclusivement d’un titre appelé Wizardry à partir de maintenant) tournant sous DOS. La première, parue en 1984, étant aussi rare que délicate à faire tourner sur les ordinateurs modernes, nous nous intéresserons plutôt à la deuxième édition de 1987. En termes de réalisation tout d’abord, si on ne sera pas ébloui par ce que proposent les quatre couleurs du CGA, il faut reconnaître que les graphismes restent plus soignés que sur Apple II. Première différence flagrante : la vue du donjon occupe désormais plus de la moitié de l’écran – avec des résultats étranges puisque ni le sol ni le plafond ne sont affichés, ce qui est un peu déstabilisant. En cas de combat, le jeu vous affiche dorénavant un sprite par groupe de monstres, et ceux-ci sont plus détaillés que dans la version originale. Côté son, c’est toujours le silence absolu. Du côté de l’interface en revanche, on appréciera la quantité de petits dépoussiérages qui ont été effectués. Par exemple, il y a enfin une touche pour mettre tout l’argent du groupe en commun au moment de faire ses emplettes en ville, chaque combattant dispose d’une action par défaut lors des escarmouches qui permet d’accélérer sensiblement les combats, on peut enfin se déplacer dans le donjon avec les flèches du clavier, on n’a plus besoin de défoncer une porte à coups de pied pour l’ouvrir, etc. Certes, il faudra toujours composer sans la souris, et la création de personnage est toujours aussi lourde, mais le déroulement de la partie n’en reste pas moins sensiblement plus agréable. Quelques autres différences sont également notables au niveau du système de jeu : chaque personnage commence désormais avec huit points de vie, quel que soit son score de vitalité. Si c’est une bonne chose pour les lanceurs de sorts, cela risque de vous compliquer encore un peu plus la vie avec vos guerriers, mais c’est pour en baver qu’on joue à ce jeu, pas vrai ?

NOTE FINALE : 17,5/20

Plus belle, plus jouable, plus rapide : pour une fois, une version PC des années 80 dépasse l’originale ! Le déroulement est plus fluide, et la représentation tire enfin parti d’une fenêtre de jeu de taille respectable – sans que cela bouleverse l’expérience de jeu dans ce dernier cas. Le jeu est peut-être aussi devenu encore un peu plus difficile, mais dans tous les cas, rien ne vous interdit de vous frotter à cette version encore disponible à la vente.

Version Macintosh

Développeurs : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : Sir-Tech Software, Inc.
Date de sortie : Décembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh Plus
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68000 – RAM : 512ko

Parmi les portages les plus surprenants de ce premier épisode de Wizardry se trouve la version Macintosh. Surprenant, non par son contenu – qui est peu ou prou identique à ce que proposait la version PC un an plus tôt, attendez-vous donc à débuter avec une équipe où tout le monde aura huit points de vie – mais bien par son interface et par sa réalisation.

Du côté de l’interface, d’abord, Wizardry a été pensé pour tirer profit de l’interface graphique de la nouvelle machine d’Apple, et en particulier de sa souris. S’il peut être un peu déstabilisant de contrôler le jeu à travers une série de fenêtres qui évoqueront instantanément Windows au joueur moderne, force est de reconnaître que le temps d’adaptation est minime, et que le gain d’ergonomie apporté par la souris est notable. L’avantage est également que vous êtes libre de tout déplacer à votre goût pour vous faire une interface sur mesure, et que faire ses emplettes en ville est dorénavant beaucoup moins laborieux qu’à l’époque où il fallait faire défiler les pages au clavier. Un simple double-clic sur n’importe lequel de vos personnages, et vous aurez accès à la fois à son inventaire et à sa feuille de statistique ; plus besoin de passer par la taverne, et la touche pour mettre en commun l’argent du groupe est toujours là, bref, c’est beaucoup plus convivial.

Une fois en donjon, vous pouvez afficher la vue dans une petite fenêtre, comme sur Apple II, ou bien l’agrandir et profiter cette fois d’un donjon aux murs dessinés à la main ! Certes, la réalisation monochrome ne vous donnera pas le sentiment de jouer à Dungeon Master avant l’heure, mais la résolution élevée, elle, autorise des graphismes détaillés et lisibles. Seul le système de combat déçoit légèrement : alors qu’on aurait pu choisir ses sorts dans un menu déroulant, il faudra impérativement aller les taper dans la barre prévue à cet effet – sans doute une forme de protection de copie. Bref, un portage osé et parfaitement pensé, et sans doute encore l’un des plus ergonomiques à l’heure actuelle.

NOTE FINALE : 18/20

Pour ses débuts, la toute nouvelle machine d’Apple aura pu se vanter d’avoir bénéficié d’un des meilleurs portages du premier Wizardry. Plus que ses graphismes – très propres et en haute résolution, mais qui auront du mal aujourd’hui à déplacer les foules – on retiendra surtout cette version pour son interface (presque) intégralement à la souris, qui dépoussière efficacement un système de jeu un tantinet contraignant au clavier. Une très bonne initiation à la saga.

Version PC-88

Développeurs : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : Décembre 1985 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Inutile de faire durer le suspense : Wizardry sur PC-88 a été conçu dans le même moule qu’à peu près tous les portages vers les ordinateurs japonais de la période – ce qui signifie que sur le plan du système de jeu, il intègre, comme la quasi-totalité des versions à venir, toutes les modifications entrevues sur la version PC de 1984. Pour le reste, la réalisation est une nouvelle fois un peu plus plaisante (comprendre que les sprites sont plus colorés et plus fins que sur Apple II, ou même que sur PC), mais que pour le reste, elle demeure toujours aussi spartiate. Il est une nouvelle fois possible de jouer en anglais via une option au lancement du jeu, et tout le reste est toujours exactement aussi agréable que ce qu’on espérait. Bref, si vous avez un PC-88 sous la main, inutile de vous priver, si vous n’en avez pas, vous n’êtes peut-être pas face au logiciel qui pourra justifier à lui seul l’investissement.

NOTE FINALE : 17,5/20

Pas de mauvaise surprise pour Wizardry sur PC-88, qui livre sensiblement la même performance que sur la grande majorité des systèmes japonais : le jeu intègre toutes les optimisations de la version PC, les sprites sont encore un peu mieux dessinés, et le tout est intégralement jouable en anglais. Le pied.

Version PC-98

Développeurs : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 15 novembre 1985 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Parfois, je me surprends à penser que si RetroArchives.fr avait été un site centré principalement autour des jeux japonais, l’idée d’y tester séparément chaque version d’un même jeu n’y aurait jamais vu le jour : j’aurais simplement écrit un gros pavé qui aurait été valable pour tous les portages. Eh oui, vous l’aurez deviné, Wizardry sur PC-98 est à peu près identique à toutes les autres versions testées jusqu’ici sur les ordinateurs japonais ; la seule infime nuance résidant dans un troisième choix sur le menu vous invitant à choisir la langue, mais je serais bien incapable de dire à quoi il correspond. Pour le reste, le titre est exactement équivalent à ce qu’on avait pu voir jusqu’ici : basé sur la version PC, mais en plus fin et en plus coloré. Bref, ce qu’on était venu chercher.

NOTE FINALE : 17,5/20

Comme sur les autres ordinateurs japonais, Wizardry sur PC-98 consiste principalement en un portage de la version PC en plus fin et en plus coloré. Comme c’est toujours jouable en anglais, après tout, pourquoi se priver ?

Version Sharp X1

Développeurs : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : Janvier 1986 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Si vous avez fait l’effort de lire les test des différents portages japonais de Wizardry jusqu’ici, je pense que vous avez dû parvenir à en dégager comme une tendance. Du coup, vous devriez pouvoir deviner ce en quoi va consister cette version Sharp X1 du jeu. Tous ceux qui ont hasardé « exactement la même chose que les autres portages japonais » ont gagné : même contenu, même résolution, même palette de couleur, même interface, toujours pas de musique mais on peut jouer en anglais : le forfait standard sans la moindre modification. La bonne nouvelle étant que c’est déjà largement suffisant pour tenir un bon jeu. On prend.

NOTE FINALE : 17,5/20

Même constat que pour la plupart des autres portages nippons : Wizardry sur Sharp X1 est une version en haute résolution et en seize couleurs du portage réalise sur PC en 1984. C’est toujours aussi agréable à jouer, et c’est en anglais. Vous pouvez foncer.

Version Commodore 64

Développeurs : Sir-Tech Software, Inc.
Éditeur : Sir-Tech Software, Inc.
Date de sortie : Décembre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Pour son passage chez Commodore, Wizardry n’a pas décidé d’innover de manière aussi dramatique que chez Apple. En fait, le jeu est un calque parfait de la version PC en terme de contenu et d’interface. Graphiquement, le jeu est plus coloré que les versions précédentes, mais il est aussi moins fin que sur Macintosh. Surtout, comme souvent sur C64, il est littéralement parasité par des chargements à rallonge qui vont mettre votre patience à rude épreuve.

NOTE FINALE : 17/20

Bon portage dénué de réelle surprise, Wizardry sur Commodore 64 aurait sans doute pu prétendre surpasser la version PC sans ces temps de chargement qui deviennent assez vite insupportables. Reste donc un jeu à la réalisation propre, le plus coloré des versions sorties jusque là.

Version MSX

Développeurs : Foretune Co., Ltd.
Éditeur : ASCII Corporation
Date de sortie : 1987 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Supports : Cartouche, disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2

Comme tous les portages commercialisés au Japon, la version MSX de Wizardry a le mérite d’être intégralement jouable en anglais, d’un simple choix au lancement du jeu. On se retrouve une nouvelle fois avec une version profitant de toutes les améliorations et retouches de la version PC, avec plus de couleurs, tant qu’à faire. Une très bonne alternative, donc, pour ceux qui seraient définitivement fâchés avec les déclinaisons de cyan et de magenta et qui n’auraient pas sous la main un des autres modèles d’ordinateurs japonais.

NOTE FINALE : 17,5/20

Pas de révolution pour un portage très sage, mais qui accomplit sa mission à la perfection. C’est un peu plus beau et un peu plus jouable que la version Apple II, et ça n’est surpassé en ergonomie que par la version Macintosh. Une version qu’on n’aura aucune raison de bouder, donc.

Version NES

Développeurs : Game Studio Inc.
Éditeur : NEXOFT Corporation
Date de sortie : 22 décembre 1987 (Japon) – Juillet 1990 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les portages sur console de salon réservent parfois d’excellentes surprises, et la version NES de Wizardry fait assurément partie de celles-là. Faire tenir toute l’interface du jeu sur deux boutons ? Non seulement c’est possible, mais cela simplifie même grandement la jouabilité ! Plus question ici de taper le nom du sort à chaque combat : il suffira de le choisir dans une liste, ce qui permet de gagner un temps certain. Si le jeu s’appuie visiblement davantage sur le système de jeu de la version Apple II que sur celui des versions suivantes (vos personnages pourront commencer ici avec plus de huit points de vie), on retrouve également certaines des fonctions salutaires ajoutées plus tard, comme ces fameuses options pour mettre l’argent du groupe en commun ou pour le répartir entre les personnages.

Mais la plus grande surprise vient sans doute de la réalisation : la version NES du jeu profite non seulement de murs texturés, mais également de musiques d’ambiance très réussies ! Cela rend le donjon encore un peu plus agréable à parcourir et, cerise sur le gâteau, les puristes absolus ne goûtant pas cet habillage pourront repasser à un affichage en 3D vectorielle et couper le son d’un simple choix dans le menu des options. Deux bémols toutefois pour cette version, autrement très emballante : une partie des énigmes de la version originale – à commencer par celles nécessitant d’entrer des mots au clavier – sont purement et simplement passées à la trappe, ce qui est dommage. Plus triste encore : le titre souffre de son lot de bugs, et la classe d’armure, par exemple, ne semble avoir aucun effet – ce qui le rend le jeu encore plus atrocement difficile dans cette version, même si la cartouche inclut une option pour redémarrer une équipe ayant passé l’arme à gauche. C’est vraiment dommage, car on tenait là sinon, à n’en pas douter, une des toutes meilleures versions du jeu.

NOTE FINALE : 16,5/20

Facile à prendre en main et bien réalisée, la version NES de Wizardry avait les arguments pour être la version 8 bits ultime – titre dont la prive hélas ses coupes et surtout ses bugs. Reste un jeu abordable, pour bien vous familiariser avec l’univers – et souffrir immédiatement à cause d’une difficulté encore plus redoutable que sur les autres versions, pour de mauvaises raisons, malheureusement.

Version PC Engine CD
Wizardry I・II

Développeurs : Access Co., Ltd.
Éditeur : Naxat Co., Ltd.
Date de sortie : 23 juillet 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Super System Card requis

Dans les années 90, et en dépit de son grand âge, Wizardry aura continué à connaître des adaptations – mais uniquement sur les systèmes japonais, et exclusivement sous la forme de compilations offrant, au passage, quelques optimisations de l’interface et une refonte graphique et sonore. Contrairement à ce qui se passerait plus tard sur les consoles 32 bits, ce CD-ROM regroupant les deux premiers scénarios de la saga ne permet pas de choisir son aventure de départ : il faudra obligatoirement enchaîner les deux labyrinthes dans l’ordre ; quant aux options de configuration, elles sont dissimulées dans le menu « Utilities » du jeu. La refonte graphique fait le travail et permet de profiter de donjons un peu moins abstraits, et on pourra surtout bénéficier de musiques de qualité CD, mais le jeu en lui-même comme son déroulement n’ont pas changé d’un iota depuis la version originale. On se retrouve donc face à une sorte de « version NES Plus » avec deux épisodes sur la même support, mais il faudra cette fois composer d’un bout à l’autre avec un mélange d’anglais et de japonais qui risque de s’avérer pénalisant pour les quelques énigmes du jeu. Une valeur sûre, mais les joueurs n’étant pas à l’aise avec le japonais seront sans doute plus à l’aise sur la rilogie parue sur les systèmes 32 bits et sur Super Nintendo.

NOTE FINALE : 18/20

Subtilement dépoussiéré comme il l’avait été sur NES mais sans trahir en rien l’expérience de jeu originale, ce premier scénario de Wizardry accompagné de sa suite sur le même CD-ROM fait parfaitement le travail pour permettre aux possesseurs de la console de NEC et de son extension de découvrir le titre dans d’excellentes conditions – à conditions de parler quelques mots de japonais quand même.

Version PlayStation
Wizardry : Llylgamyn Saga

Développeurs : Soliton Soft
Éditeur : Locus Company Ltd.
Date de sortie : 26 février 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (3 blocs)

La saga Wizardry sera quelque peu passée de mode en Europe au fil des décennies, mais elle aura ironiquement connu une sorte de deuxième jeunesse sur un marché japonais qui n’aura jamais renié son amour pour elle – au point que des épisodes continuent de paraître aujourd’hui encore sur les systèmes de l’Archipel. À la fin du XXe siècle, alors que les joueurs occidentaux étaient pour la plupart en train de découvrir le J-RPG via Final Fantasy VII, le Japon, lui, héritait du remake de la première trilogie d’une série alors sur le point de fêter sa majorité.

Petit inconvénient : n’étant jamais sorti du Japon, le titre vous demandera d’aller tâtonner dans les options (conseil : modifiez les cinq premières lignes) pour pouvoir être joué en anglais à 95%. Mais alors au moins, dans cette configuration, pas de débat possible : on tient là la meilleure version du jeu, point barre. Les donjons sont désormais présentés dans une 3D temps réel texturée, avec des effets d’éclairage bienvenus et très bien rendus, et les monstres sont présentés via des illustrations très bien réalisées. L’interface au pad reprend très exactement ce qui avait été fait pour la version NES onze ans plus tôt, ce qui signifie que jeter un sort se limite à le sélectionner dans une liste. Mais le mieux, c’est surtout que le contenu du jeu, lui, n’a pas changé d’un iota, et qu’il est même possible de revenir aux murs en fil de fer et aux sprites de la version MSX ! On notera néanmoins quelques petites modifications : vous pouvez par exemple faire vos emplettes en ville directement en groupe sans vous soucier de répartir l’or entre les personnages, et une carte automatique a fait son apparition via le menu du jeu. Pour le reste, c’est très exactement le jeu qu’on a connu sur Apple II, avec en plus un transfert de personnage extrêmement facile à accomplir puisque les trois premiers épisodes sont présent sur le CD-ROM. Bref, ne cherchez pas plus loin : si vous voulez une version légèrement dépoussiérée sur le plan technique mais d’une fidélité à toute épreuve pour l’essentiel, voilà votre Graal.

NOTE FINALE : 18,5/20

Il est difficile d’imaginer un jeu de 1981 débarquant fièrement sur la génération 32 bits avec un contenu identique à 99% à ce qu’il était au départ, et des options graphiques certes réjouissantes mais totalement facultatives. Si vous voulez découvrir Wizardry avec tout le confort moderne, alors cette version PlayStation est à n’en pas douter une des meilleures qui soit – à condition de réussir à mettre la main dessus et d’être prêt à expérimenter un peu avec le menu des options pour parvenir à jouer en anglais.

Version Saturn
Wizardry : Llylgamyn Saga

Développeurs : Soliton Soft
Éditeur : Locus Company Ltd.
Date de sortie : 26 novembre 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou carte mémoire

Sous la houlette de Soliton Soft, la première trilogie Wizardry aura donc continué son chemin jusque sur les machines de la génération 32 bits, plus de dix-sept ans après la sortie du titre original. Neuf mois jour pour jour après la version PlayStation, c’était au tour de la Saturn de profiter de la sienne… qui, dans les grandes lignes, reprend exactement tout ce qu’on avait déjà pu voir sur la machine de Sony. Oh, allez, techniquement, les effets de lumière sont un peu moins bien rendus, c’est peut-être légèrement moins fluide, quelques minuscules animations sont passées à la trappe… Mais bon sang, on parle d’un jeu développé à l’origine sur Apple II, alors on devrait s’en remettre ! Une nouvelle fois, le seul point noir sera de devoir composer avec un jeu japonais qui nécessitera de naviguer dans les options pour être jouable à 95% en anglais, mais c’est une nouvelle fois une très bonne occasion de profiter du jeu avec un habillage plus moderne.

NOTE FINALE : 18,5/20

Mêmes constatations que sur PlayStation : Wizardry sur Saturn s’adapte très intelligemment au hardware de la console 32 bits sans chercher à noyer le joueur sous la poudre aux yeux, et propose une expérience jouable et fidèle au jeu de base sans transiger en rien avec la difficulté de l’expérience originale.

Version Super Famicom
Wizardry I·II·III : Story of Llylgamyn

Développeurs : Game Studio Inc.
Éditeur : Media Factory, Inc.
Date de sortie : 1er juin 1999 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction anglais par Hengki Kusuma Adi
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
Système de sauvegarde par pile

Non, Wizardry ne se sera pas contenté de débarquer sur les consoles 32 bits japonaises. Tant qu’à faire, il aura également continué sa route jusque sur la Super Nintendo… à un moment où la console 16 bits n’était sans doute pas au sommet de sa forme, mais cela n’aura visiblement pas freiné les velléités de portage du jeu. Et tant qu’à faire, même si on perd la 3D temps réel des autres versions développées à la même période, on se retrouve avec des graphismes en bitmap qui font très largement le travail ! Tout comme les autres, ce titre est intégralement jouable en anglais pour peu qu’on fasse les changements adéquats sur l’écran des options. Un patch de traduction réalisé par des fans est même disponible pour traduire également les reliefs de japonais qui pourraient subsister. Bref, il commence à être difficile de trouver une bonne raison de ne pas découvrir Wizardry !

NOTE FINALE : 18/20

Même lors de la génération 16 bits, il était possible de jouer à Wizardry dans des conditions qui auraient faites rêver les joueurs de l’opus original. Tout est à sa place de la meilleure des façons, l’enrobage est parfait, et il est même possible de s’en passer pour s’approcher au maximum de l’expérience originale. Le pied.

Zelda II : The Adventure of Link

Développeur : Nintendo Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo Co., Ltd.
Titre original : リンクの冒険 (Zelda II : Link no Bōken, Japon)
Titres alternatifs : Zelda II : A Aventura de Link (Brésil), Zelda II : L’aventure de Link (traduction française de Génération IX)
Testé sur : NES
Disponible sur : 3DS, Game Boy Advance, Switch, Wii, Wii U
En vente sur : Nintendo eShop (3DS, Wii U)

La saga Zelda (Jusqu’à 2000) :

  1. The Legend of Zelda (1986)
  2. Zelda II : The Adventure of Link (1987)
  3. The Legend of Zelda : A Link to the Past (1991)
  4. Link : The Faces of Evil (1993)
  5. Zelda : The Wand of Gamelon (1993)
  6. The Legend of Zelda : Link’s Awakening (1993)
  7. Zelda’s Adventure (1995)
  8. The Legend of Zelda : Ocarina of Time (1998)
  9. The Legend of Zelda : Majora’s Mask (2000)

Version NES

Date de sortie : 14 janvier 1987 (Japon) – 1er décembre 1988 (États-Unis) – Avril 1990 (France)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais, traduction française par Génération IX
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne, révision B
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le deuxième épisode de la saga Zelda est, à bien des niveaux, un épisode à part.

À part dans son genre, tout d’abord : le seul action-RPG dans une série de jeux d’aventure-action – ce qui lui vaut, comme un symbole, d’être classé sur ce site dans une catégorie différente de celle de tous les autres épisodes.

À part dans son titre, ensuite : nouvelle anomalie, cet épisode est le seul d’une série pourtant prolifique à se voir accoler un numéro. Plus frappant encore : c’est également le seul (du moins dans la série « canonique », c’est à dire en excluant les jeux parus sur CD-i) à se voir dépourvu des termes The Legend of dans son intitulé, comme un vulgaire spin-off, comme un rejeton mal assumé. À part dans son statut, enfin : par sa différence, Zelda II est de loin l’épisode le plus clivant de la saga. Parfois renié jusqu’à être qualifié de « mouton noir » de la famille, le titre a pourtant largement autant de fans que de détracteurs, engagés dans un débat sans fond, depuis trente ans, pour savoir ce qu’on est en droit d’appeler un « vrai » Zelda.

Difficile, donc, d’aborder aujourd’hui le test de ce titre déjà précédé de son cortège de débats et de polémiques sans être tenté de répondre à ces deux questions : Zelda II est-il oui ou non un bon jeu, et si c’en est-un, que lui reproche-t-on au juste ?

Pour les connaisseurs de la saga, la première anomalie interviendra dès les premières lignes du scénario : Zelda II prend la suite immédiate du premier épisode, dans le même monde, avec le même héros. Ce qui pourrait sembler évident dans n’importe quelle autre série peut déjà être vécu comme une hérésie par le fan de Zelda du XXIe siècle, mais rappelons que l’on est en train de parler du deuxième épisode d’une saga qui ne savait certainement pas, à cet instant, à quel point elle était destinée à devenir florissante.

À la suite de The Legend of Zelda, Ganon est donc mort. Et vous en savez quelque chose, puisque c’est vous qui l’avez tué. Mais, les mois passant, la paix annoncée tarde à revenir, et les monstres qui parcourent le royaume semblent avoir une cible précise en tête : Link, dont il est dit que seul son sang, versé sur les cendres de Ganon, pourra ramener le prince des ténèbres à la vie.

Les choses ne s’améliorent pas lorsque notre héros, à la veille de son seizième anniversaire, découvre un symbole ressemblant à l’emblème du royaume apparu sur le dos de sa main. Parti consulter Impa, la nourrice du premier épisode, celle-ci l’emmène au château du nord en lui contant une terrible histoire : celle d’une princesse nommée Zelda plongée dans un sommeil éternel. Le seul moyen de l’éveiller – et de sauver le royaume, vous vous en doutez – sera de parvenir à trouver la Triforce du Courage, dissimulée au fond du plus grand palais d’Hyrule, dans la terrible Vallée de la Mort. Mais pour pouvoir y accéder, Link devra d’abord vaincre les gardiens des six palais qui gardent les statues dans lesquelles six cristaux devront être placés. Alors, seulement, le passage s’ouvrira à lui…

Voici donc l’aventure lancée, et l’objectif est aussi clair que celui du premier épisode : trouver la Triforce. Certes, celle-ci n’a cette fois pas été divisée en fragments, mais l’idée semble être restée la même : explorer le monde, vaincre des donjons (au nombre de sept, cette fois) et sauver une nouvelle fois la princesse (qui n’est pas la même, mais qui a le même nom. Vous suivez ?).

Vous allez donc reprendre la route, ainsi qu’une grande partie de ce qui avait fait le succès de The Legend of Zelda, mais d’une manière… un peu différente. La première nouveauté, celle qui vous sautera aux yeux dès le premier écran, c’est cette vue de profil qui va composer une grosse majorité du jeu. Oubliez les combats en vue de dessus : dorénavant, celle-ci sera limitée à vos phases d’exploration. Lorsque vous vous promenez sur la carte du monde, vous découvrirez rapidement que des monstres apparaissent parfois dessus, et que vous ne les y combattrez pas directement : entrez en contact avec eux, et la vue basculera, pour vous ramener à ces séquences de combat en vue de profil. Cette vue a plusieurs intérêts : il vous est désormais possible de sauter, ce qui confère au jeu un aspect plateforme qui participe certainement au relatif désamour à l’encontre du titre. Mais il vous est également possible de vous baisser, ce qui ouvre la voie à des attaques hautes ou basses qui vous seront indispensables pour espérer venir à bout des adversaires dotés, comme vous, d’un bouclier capable de parer les assauts.

Cela peut rendre les combats étonnamment techniques – mais aussi extrêmement exigeants, l’un des pires griefs à exprimer contre votre héros étant la faiblesse de son allonge ; on aurait vraiment apprécié que notre ami Link se batte avec une épée un peu plus longue. En l’état, il faut être très proche des adversaires pour avoir une chance de les toucher, et vu leur mobilité, le simple fait de les approcher est souvent délicat. Ajoutez-y le fait qu’en cas de dégât, votre personnage recule le temps d’encaisser, et vous découvrirez vite que le moindre coup à proximité d’une falaise ou d’un puits sera synonyme de mort instantanée à la Castlevania. Un mauvais coup au mauvais endroit au milieu d’un donjon, et à vous le plaisir de le recommencer depuis le début – s’il vous reste une vie, qui sont extrêmement rares et difficiles à trouver, et ne réapparaissent jamais bien sûr sinon ce ne serait pas drôle. Dans le cas contraire, vous repartirez de la chambre de Zelda au début du jeu – en gardant bien sûr tous vos objets, mais quand même.

Mais il n’y a pas que des donjons, des grottes, des phases de plateforme et des combats, dans Zelda II, il y a aussi – grande nouveauté – des villes peuplées de PNJs avec qui vous pouvez discuter ! Certes, ces PNJs ne sont pas très bavards (une phrase grand maximum) et les très rares indices qu’ils acceptent de vous donner sont plutôt du genre… cryptiques. La très grande majorité d’entre eux n’a hélas strictement rien d’intéressant à vous dire, et la qualité discutable de la traduction anglaise n’arrange rien – le célèbre « I am Error » est devenu un mème récurrent sur internet. Plus intéressant : en cherchant bien, dans ces villes, vous pourrez parfois trouver un vieux sage vous apprenant un sortilège – bien souvent totalement indispensable pour la suite, cela va de soi – ou un guerrier vous apprenant une nouvelle technique de combat – même remarque. Si les premiers de ces « personnages-clés » sont simplement placés bien tranquillement dans des bâtiments aux portes grandes ouvertes, au fur et à mesure du jeu, il vous faudra apprendre à vous montrer inventif, utiliser un sort de saut pour rentrer dans une maison par la cheminée ou penser à donner tel objet à tel PNJ pour qu’il vous ouvre une porte étant souvent la seule façon de trouver votre salut.

Le problème étant que savoir ce que le programme attend de vous est parfois – souvent – d’une difficulté sans nom. Certains endroits vitaux sont ainsi cachés sur la carte du jeu : vous devrez la parcourir case par case pour espérer les trouver. Dans le même ordre d’idées, l’un des derniers villages du jeu est dissimulé dans une case de forêt qu’il vous faudra détruire à l’aide d’un maillet (?) que vous n’aviez jusqu’ici utilisé que pour détruire des rochers. Comment étiez-vous censé deviner que cette case de forêt précisément, parmi les milliers dont est composée la carte du jeu, abritait un village ? Très bonne question, le problème étant qu’elle n’a pas de réponse, et que les passages totalement opaques de ce genre sont si nombreux qu’on peut objectivement en arriver à se demander s’il est possible de terminer ce jeu sans avoir une solution complète à portée de main.

Cela commence à faire plusieurs fois que des termes comme « difficile » ou « frustrant » apparaissent au cours de ce test, et il pourrait être temps d’aborder l’aspect le plus clivant du titre – celui qui lui vaut encore aujourd’hui l’essentiel de sa réputation mitigée : sa difficulté. Aucun débat possible à ce sujet : Zelda II est le jeu le plus difficile de la saga, de très loin et à tous les niveaux. Survivre, gagner les combats, vaincre les donjons et les boss ou même simplement savoir quoi faire : tout est ardu, tout le temps, toujours. La moitié des adversaires du jeu peuvent se transformer en pompes à points de vie si les choses se passent mal, le moindre saut peut se finir en game over, ne pas avoir la moindre idée de la suite des événements est un mal récurrent qui ronge le jeu jusqu’à l’inévitable usure nerveuse.

Pour ne rien arranger, la difficulté n’est absolument pas progressive : l’un des passages les plus complexes du jeu, la montagne de la Mort, se situe ainsi… juste avant le deuxième donjon. Et ça ne va pas en s’arrangeant : l’ultime château du jeu doit être l’une des épreuves les plus difficiles de toute l’histoire du genre. Oui, c’est réellement dur à ce point. Et encore une fois, ça ne serait pas aussi frustrant si la marche à suivre n’était pas aussi incompréhensible : comment deviner, par exemple, que les bottes trouvées dans le quatrième palais vous permettent de marcher sur certaines cases d’eau – mais pas toutes, donc, à vous le bonheur de découvrir la chose totalement au pif. Ou bien comment deviner qu’on accède au troisième donjon par… un trou, caché au milieu d’un cimetière vaste d’une cinquantaine de cases, à un endroit que personne dans le jeu ne prend la peine de mentionner ?

Pour faire face à cette difficulté infernale, on pourrait être tenté d’utiliser l’ultime recours du jeu de rôles : le grinding. Car après tout, Zelda II est un RPG : il est possible d’accumuler des points d’expérience et de monter de niveau, chaque palier vous laissant augmenter, selon la situation, votre vie, votre magie ou vos dégâts. Plusieurs problèmes vont cependant rapidement se poser : premièrement, ces montées de niveau sont lentes. Quand la plupart des adversaires croisés au début du jeu rapportent 2 points d’expérience et qu’il vous en faut 500 pour monter de niveau, vous comprenez vite que cela va prendre du temps. Les monstres qui rapportent sont rares – et difficiles à tuer.

Deuxièmement, certains adversaires vous font perdre de l’expérience lorsqu’ils vous touchent. Oui, ça, ça doit vraiment être la pire idée de toute l’histoire de l’humanité ! Comme si ce n’était pas déjà assez frustrant… Et, cerise sur le gâteau, chaque chargement de partie, chaque game over ramènera votre expérience à zéro. Non, vous ne perdrez pas les niveaux déjà gagnés (encore heureux !), mais il faudra reprendre votre progression actuelle à partir de rien, ce qui veut dire que les joueurs haïssant les longues sessions de jeu auront une raison supplémentaire d’en vouloir au titre. Seul petit bonus : les réceptacles de cœur – et leur équivalent magique – existent toujours, et permettent là encore d’augmenter votre jauge de vie ou de magie. Ils sont bien évidemment aussi rares que difficiles à trouver.

Côté réalisation, Zelda II s’en sort assez bien. Le jeu est assez beau, plutôt réactif – en dépit de quelques ralentissements. Certes, les PNJs ne sont pas très variés, la police d’écriture est grossière, la magie est rarement impressionnante – mais ça reste aussi lisible que fonctionnel, ce qui est l’essentiel, et les monstres, eux, sont assez bien trouvés. On se souviendra que le jeu est sorti au Japon en 1987 – pas réellement la période où on savait déjà pousser la console à sortir ses tripes pour en tirer le maximum. Niveau musical, le jeu est encore une fois un peu à l’écart de la saga, avec assez peu de thèmes marquants – et une impasse complète sur le thème désormais culte du premier épisode, repris ou remixé dans chacun des épisodes de la saga depuis. Le thème des donjons, lui, risque de vous rester en tête un petit moment. Mais encore une fois, on a le sentiment que le titre échoue à placer la barre – très difficile à atteindre, certes – au même niveau que le premier épisode sur à peu près tous les points.

Vidéo – Dix minutes du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’Or 1990 (Tilt n°85, décembre 1990) – Meilleur programme d’aventure/action

NOTE FINALE : 17/20 Mal aimé pour sa différence autant que pour sa difficulté légendaire, Zelda II est, à bien des niveaux, un très bon jeu lorsqu'on le replace dans le contexte de sa sortie et qu'on ne s'attend pas à jouer à un autre Legend of Zelda. Définitivement à part dans la saga, à jamais, le titre est aussi prenant que frustrant, aussi passionnant qu'injuste, aussi marquant qu'impardonnable. Ceux qui feront le choix, aujourd'hui, de l'aborder sans aide ni solution devront s'apprêter à subir l'épreuve du feu et à souffrir comme jamais ils ne l'ont fait pour, peut-être, au terme de longues semaines de quasi-supplice, ressentir la fierté indépassable d'être parvenu à vaincre l'épisode le plus exigeant de la saga – mais objectivement, l'aventure de Link en vaut la peine. CE QUI A MAL VIEILLI : – Cela restera toujours un Zelda qui n'est pas tout à fait un Zelda : les fans de la série seront peut-être les plus sévères à son encontre – La difficulté du jeu demandera une âme de compétiteur et une patience à toute épreuve. – Le jeu peine un peu à retrouver l'ambiance si particulière des autres épisodes – Parfois, deviner où aller est une quasi-impossibilité

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Zelda II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« The Adventure of Link est un programme d’une grande richesse, avec de vastes territoires à explorer, des adversaires variés, de nombreux objets à découvrir, et bien d’autres choses encore. (…) Ce programme est légèrement inférieur au précédent, mais il n’est pas évident d’égaler un tel chef-d’œuvre et ce n’est pas une moindre référence que de s’en approcher. Un programme indispensable à tout possesseur de cette console, car des softs d’une telle richesse ne sont pas légion. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°79, Juin 1990, 17/20

Shining Force II

Développeur : Sonic Company
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : シャイニング・フォースⅡ 古えの封印 (Shining Force II : Inishie no Fūin – Japon)
Titres alternatifs : 샤이닝 포스 2 (Corée), Shining Force II : Le Sceau des Anciens (traduction française par Génération IX et Final Translation)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Mac OS X, Switch, Wii, Windows
Figure au sein de la ludothèque pré-installée de la Mega Drive Mini 2
Présent au sein des compilations :

  • SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS X, Windows)
  • SEGA Mega Drive Classic Collection Volume 4 (2011 – Windows)
  • Shining Force : Classics (2018 – Android, iPad, iPhone)

En vente sur : Steam.com (Windows)

La saga Shining (jusqu’à 2000) :

  1. Shining in the Darkness (1991)
  2. Shining Force (1992)
  3. Shining Force Gaiden (1992)
  4. Shining Force II (1993)
  5. Shining Force : The Sword of Hajya (1993)
  6. Shining Force CD (1994)
  7. Shining Wisdom (1995)
  8. Shining Force Gaiden : Final Conflict (1995)
  9. Shining the Holy Ark (1996)
  10. Shining Force III (1997)
  11. Shining Force III Scenario 2 (1998)
  12. Shining Force III Scenario 3 (1998)

Version Mega Drive

Date de sortie : 1er octobre 1993 (Japon) – Septembre 1994 (Europe) – Octobre 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, patch français par Generation IX et Final Translation
Supports : Cartouche, dématérialisé
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Lorsque l’on demande aux joueurs des années 90 d’évoquer les meilleurs jeux de rôles sortis sur Mega Drive, on retrouve – sans surprise – à peu près les mêmes titres d’un avis à l’autre. Phantasy Star III & IV, La Légende de Thor, Wonderboy in Monster World… et Shining Force II. Mais, curieusement, beaucoup plus rarement le premier Shining Force – pourtant un très bon jeu, mais qui semble invariablement souffrir d’un déficit de notoriété par rapport à sa suite. La question mérite alors d’être posée : qu’est-ce qui fait de Shining Force II un titre mieux connu que son prédécesseur ? Simple conjonction favorable ? Bouche-à-oreille plus ou moins mérité ? Ou bien s’agit-il tout simplement d’un meilleur jeu que le premier opus ?

Une chose est sure, en tous cas, en lançant le jeu : celui semble toujours aussi ambitieux. Le titre s’ouvre en effet sur une introduction de pas loin de dix minutes – qui utilise certes le moteur du jeu plutôt que des artworks, comme celle du premier épisode, mais qui parvient très efficacement à instaurer une certaine tension tout en plantant le décor. Elle nous raconte l’arrivée d’un personnage à tête de rat dans un sanctuaire ancien, venu avec ses hommes de main et l’espoir de retrouver des joyaux légendaires… tandis que, non loin de là, près du château de Granseal, la tempête fait rage, les éclairs zèbrent le ciel, et le foudre vient même frapper la tour millénaire qui avait pourtant résisté aux ravages du temps jusqu’à présent. Le roi, isolé dans une salle du trône plongé dans les ténèbres, réalise soudain qu’il n’est pas seul…

Première très bonne surprise, donc : Shining Force II a fait de réel efforts pour proposer un scénario plus intéressant que celui offert par le premier opus. Si les grands thèmes de la saga répondent toujours à l’appel, et que le jeu bénéficie toujours de dialogues assez simples et de situations plus ou moins légères, il faut reconnaître que le propos est devenu plus sombre et que l’histoire, bien que toujours assez convenue, est bien plus prenante que celle de Shining Force – où on en venait presque à souhaiter que les personnages se taisent histoire de passer plus vite aux choses sérieuses. Le récit connait désormais son lot de personnages charismatiques, de rebondissements, d’effets louables de mise en scène et de scènes marquantes qui font qu’on se pique réellement de savoir comment les événements vont avancer. C’est d’autant plus agréable que le titre est encore plus long que le précédent – une quarantaine de missions au bas-mot – et propose également une structure plus ouverte : vous aurez la possibilité, une fois arrivé sur le continent, au bout de quelques heures de jeu, d’explorer la carte et de faire un peu de grinding lorsque vous croiserez une opposition.

Ce qui sera d’ailleurs l’occasion de se pencher sur le système de jeu, qui reprend bien évidemment les grandes lignes du premier opus. Vous pourrez toujours contrôler une équipe comprenant jusqu’à douze membres, parmi une sélection de trente personnages, pour faire face à une adversité qui a encore gagné en variété depuis Shining Force. Si le joueur du premier épisode retrouvera immédiatement ses marques, il constatera aussi que la progression en expérience des personnages est désormais légèrement plus rapide, mieux équilibrée, et surtout beaucoup moins aléatoire : fini, les montées de niveau où l’on ne gagnait rien.

La progression est aussi beaucoup plus fluide, et vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même si un des membres de votre équipe reste à la traîne en terme de caractéristiques. Cela contribue, mine de rien, à rendre le jeu beaucoup plus agréable, la composition de votre équipe tenant un peu moins de la loterie soumise aux aléas de la bonne fortune. On appréciera également que le level design ait tiré un trait sur plusieurs erreurs récurrentes du premier opus : oubliez les grandes cartes vides, composées aux 3/4 de terrains ralentissant dramatiquement vos unités, et qui s’éternisaient à force de passer des dizaines de tours à faire avancer vos personnages jusqu’aux unités ennemies. Cette fois, les temps morts sont très rares, et si le jeu est plus difficile, il est également, paradoxalement, moins frustrant.

Autre nouveauté : le crafting. On retrouve là un aspect déjà exploré dans Shining in the Darkness : il sera possible de trouver des blocs de mithril qui, confiés en fin de partie à un forgeron situé dans un village caché, vous permettront de forger des armes légendaires. Si obtenir une arme fabuleuse peut vraiment s’avérer jubilatoire, le système connait malheureusement deux défauts. Le premier est qu’il est très aléatoire : attendez-vous à multiplier les sauvegardes/recharges jusqu’à obtenir l’arme de vos rêves ; sachant que les meilleures ont à peu près 4% de chance d’apparaitre, il faudra s’accrocher pour forger l’arsenal ultime.

Deuxième défaut : les morceaux de mithril, au nombre de quinze dans le jeu – et pas un de plus – sont très bien cachés. Si bien cachés, en fait, qu’à l’exception d’un ou deux d’entre eux situés dans des coffres pas trop difficiles d’accès, tous les autres sont pour ainsi dire pratiquement introuvables sans avoir une solution sous la main. C’est dommage, car cela rendra la fonction un peu gadget – voire totalement inaccessible – pour le joueur lambda n’ayant pas la curiosité d’aller retourner la moindre pierre.

Si toutes les classes de Shining Force répondent toujours à l’appel, dans un camp comme dans l’autre, avec pas mal de nouveautés (vous allez adorer Peter, le Phénix), la « montée en grade » n’est désormais possible qu’au niveau 20 – ce qui ne ralentit en rien la progression, tant on a déjà signalé que celle-ci était plus rapide. Idée très intéressante, en revanche : le jeu propose désormais un lot de « promotions cachées ». Imaginez par exemple que vous trouviez un objet appelé « Secret Book » et que vous le donniez à l’un de vos mages. Au moment de changer de classe, celui-ci pourra alors choisir de devenir un sorcier (sorcerer) au lieu d’un magicien (wizard), acquérant de la sorte de tous nouveaux sortilèges et un arc de progression alternatif.

C’est ainsi que vous pourrez par exemple, espérer transformer vos soigneurs en des moines combattants beaucoup plus tenaces au corps-à corps, ou un de vos archers en véritable char d’assaut. Il faudra donc parvenir à mettre la main sur ces fameux « objets de promotion », dont certains sont très bien cachés. Mais souvenez-vous, dans tous les cas, que ces classes ne sont pas véritablement « cachées » : vous pourrez fatalement, à un moment ou à un autre du jeu, recruter des personnages appartenant à ces classes avancées. Mais cela étend encore un peu les possibilités stratégiques du titre, d’autant qu’il n’y a plus réellement de personnages « faibles », et qu’il est désormais possible, pour les allumés du grinding, de faire progresser tout le monde jusqu’au niveau 99 (sachant que vous serez plus proche du niveau 20-25 de votre nouvelle classe en arrivant à la fin du jeu).

Quitte à parler combat, autant en profiter pour mentionner l’interface, qui a subi un dépoussiérage extrêmement bienvenu à l’occasion de ce deuxième épisode. C’est bien simple : la totalité des lourdeurs qui empoisonnaient Shining Force sont passés à la trappe. Il suffit désormais d’appuyer sur le bouton C pour parler à quelqu’un ou pour fouiller un conteneur – plus besoin de passer par le menu en croix. Le gain (ou la perte) en caractéristiques lors d’un changement d’arme est visible dès l’écran d’achat, le vendeur vous proposera d’ailleurs immédiatement de vous équiper de l’arme achetée sans avoir à repasser par le menu.

Dans le même ordre d’idées, on trouve ENFIN une liste affichant les caractéristiques de tous vos personnages, et il existe également un espace de stockage – la caravane, après trois ou quatre heures de jeu – qui vous autorisera à stocker les objets de soin sans avoir à pourrir l’inventaire de vos troupes. Bref, le jeu est beaucoup plus agréable à jouer et on l’en remerciera. Tout juste regrettera-t-on qu’il n’existe toujours aucun moyen de savoir dans quel ordre les unités vont agir.

Autant d’ailleurs en profiter pour aborder un autre facteur d’accessibilité : la réalisation. Le premier Shining Force avait déjà placé la barre assez haut, cet épisode la relève encore d’un cran. Le jeu est plus coloré, tirant bien davantage parti des capacités graphiques de la Mega Drive, et les cinématiques lors des combats sont, une nouvelle fois, absolument sublimes – plus encore que celles du premier opus. Les portraits sont également très fins, parfaitement travaillés, et les décors sont parfois réellement impressionnants – pour un RPG, c’est du travail d’orfèvre.

La musique a elle aussi fait un bond qualitatif, avec le thème épique et entrainant qui accompagnera la plus grande partie de vos explorations – et dont vous n’êtes pas prêts de vous lasser – et une variété très agréable dans les ambiances, avec certains morceaux vraiment oppressants. C’est un sans faute qui contribue à rendre le titre très agréable de la première à la dernière minute, et qui aide le joueur à se sentir agrippé dès les premières secondes d’un jeu participant pourtant à un genre considéré comme relativement austère.

Quelques mots, en conclusion, sur la version française du jeu réalisée par Génération IX et Final Translation. Le travail a été fait avec un grand sérieux, avec une traduction intégrale – textes, interface, écran-titre – et des lettres accentuées. En-dehors des quelques inévitables coquilles, le résultat n’est pas à des kilomètres d’une traduction professionnelle, et accomplira parfaitement son office auprès de ceux qui souhaiteraient découvrir cet excellent jeu dans la langue de Molière. Seul regret : un recours assez puéril à la vulgarité qui tranche avec le registre du jeu.

Vidéo – Quinze minutes du jeu :

NOTE FINALE : 19/20 Si Shining Force II a fini par éclipser son grand frère dans la mémoire des joueurs, c'est finalement pour une série de très bonnes raisons. Tirant avec brio un trait sur les quelques lourdeurs du premier opus, le jeu capitalise sur tous les points forts esquissés dans Shining Force pour offrir un des tactical-RPGs les plus prenants, les plus beaux et surtout les plus accessibles de toute l'ère 16 bits. Passionnant de la première à la dernière minute, il constitue encore aujourd'hui une excellente porte d'entrée dans un genre considéré d'ordinaire comme difficile d'accès, et qu'il aura contribué à populariser par l'excellence de son concept et de sa réalisation. Tout simplement un titre majeur du catalogue de la Mega Drive. CE QUI A MAL VIEILLI : – Le jeu offrant une structure plus ouverte, il peut arriver à certains moments de l'aventure qu'on ne sache pas très bien où aller.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shining Force II sur un écran cathodique :

Shining Force

Développeurs : Climax Entertainment – Sonic! Software Planning
Éditeur : SEGA Europe Ltd.
Titre original : シャイニング・フォース 神々の遺産 (Shainingu Fōsu : Kamigami no Isan)
Titres alternatifs : Shining Force : The Legacy of Great Intention (écran-titre occidental), Shining Force : Résurrection du Dark Dragon (Game Boy Advance – France), Shining Force : Resurrection of the Dark Dragon (Game Boy Advance)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : Game Boy Advance, Dreamcast, iPhone, Linux, Mac OS X, Switch, Wii, Windows
Figure au sein de la ludothèque pré-installée de la Mega Drive Mini
Présent au sein des compilations :

  • Sega Smash Pack : Volume 1 (2001 – Dreamcast)
  • SEGA Mega Drive Classics (2010 – Linux, Mac OS X, Windows)
  • Sega Mega Drive Classic Collection Volume 4 (2011 – Windows)

En vente sur : Steam.com (Linux, Mac OS X, Windows)

La saga Shining (jusqu’à 2000) :

  1. Shining in the Darkness (1991)
  2. Shining Force (1992)
  3. Shining Force Gaiden (1992)
  4. Shining Force II (1993)
  5. Shining Force : The Sword of Hajya (1993)
  6. Shining Force CD (1994)
  7. Shining Wisdom (1995)
  8. Shining Force Gaiden : Final Conflict (1995)
  9. Shining the Holy Ark (1996)
  10. Shining Force III (1997)
  11. Shining Force III Scenario 2 (1998)
  12. Shining Force III Scenario 3 (1998)

Version Mega Drive

Date de sortie : 20 mars 1992 (Japon) – Juillet 1993 (Amérique du Nord) – Septembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais, Patch français par Colargol59
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Deux ans après la sortie de Shining in the Darkness, Climax Entertainment décide de remettre le couvert histoire de persévérer dans le genre qui est devenu, depuis lors, sa marque de fabrique : le jeu de rôle (ce dont on les remerciera, rétrospectivement, le faible nombre de RPGs constituant la plus grande faiblesse de la ludothèque de la Mega Drive). Mais, plutôt que de choisir d’offrir une suite à son très sympathique dungeon crawler, l’équipe de Climax préfère conserver son univers – et sa patte graphique et musicale – pour l’entrainer vers un sous-genre un peu différent : le tactical RPG. Voici donc un Shining qui est toujours un Shining sans être tout à fait le même type de Shining… Un bon résumé de ce que sera cette saga indissociable des machines de SEGA.

Les prémices de l’histoire vous sont narrés dans l’introduction visible en ouverture du test : lors du combat millénaire opposant les ténèbres à la lumière (l’un des leitmotivs de la saga des Shining), le représentant du mal, Dark Dragon, aura finalement été vaincu et scellé pour mille ans. La malédiction des hommes étant qu’ils oublient, voilà que dix siècles ont passé et que Dark Dragon s’apprête, vous l’aurez deviné, à réapparaître. Et justement, le royaume de Runefaust commence mystérieusement à répandre le mal et la destruction au sein du monde de Rune…

Soyons honnêtes : le scénario doit constituer un assez bon inventaire de tous les clichés du J-RPG : guerre millénaire entre le bien et le mal, check, mal ancien scellé destiné à réapparaitre, check, empire maléfique manipulé par le dieu du mal, check, groupe de héros mené par vous-même parvenant à vaincre le mal malgré un rapport de force entièrement à votre désavantage, check. S’y ajoutait encore le fait que le personnage que vous incarnez (appelé par défaut « Max » dans le manuel du jeu, mais vous choisissez son nom en créant votre partie) était amnésique dans la version japonaise : la totale. On en profitera au passage pour regretter qu’une bonne partie du scénario du jeu ait été purement et simplement mise de côté lors de la localisation officielle du jeu : de nombreuses révélations sont tout bonnement passées à la trappe, ce qui contribue à rendre le récit aussi linéaire, manichéen et prévisible que possible. On ne répétera jamais assez le mal que les traductions bancales et je-m’en-foutiste et les simplifications malvenues auront fait aux jeux de rôles japonais lors de leur commercialisation en occident.

Quoi que l’en pense de ce scénario, il faut se souvenir que nous étions en 1993, et qu’une bonne partie des éléments qui nous apparaissent aujourd’hui extrêmement convenus étaient alors encore considérés comme novateurs pour la plupart des joueurs de l’époque. Et au moment d’aborder ce qui aura fait la réputation de ce Shining Force, autant convenir qu’il ne s’agit de toute façon pas de son histoire, mais de deux axes que nous allons nous efforcer de détailler : la qualité de son système de jeu et le soin méticuleux apporté à sa réalisation.

Commençons donc par le gameplay. Le jeu vous placera très rapidement à la tête d’un groupe de combattants, la Shining Force, qui donne son nom au jeu. Celle-ci ne sera initialement composée que de six membres, mais pourra en compter jusqu’à trente à la fin du jeu – sachant que, quoi qu’il arrive, vous ne pourrez jamais aligner plus de douze personnages simultanément sur le champ de bataille. Sa mission, sans surprise, sera de repousser les assauts de l’armée de Runefaust au cours des trente missions du jeu, et de tenter d’empêcher la renaissance du Dark Dragon.

Comme on peut s’en douter, une telle profusion d’unités n’aurait que peu d’intérêt dans un système de combat à la première personne façon Shining in the Darkness. C’est pourquoi les affrontements se déroulent dorénavant sur des cartes stratégiques, en vue de dessus, vous permettant de déplacer vos unités une à une tandis que votre adversaire fait de même. Le tour de jeu des unités est décidé en partie par leur rapidité, et on regrettera d’autant plus qu’absolument rien ne permette de connaître l’ordre d’action des combattants à l’avance.

À chaque confrontation entre deux unités, une cinématique interviendra, un peu comme dans Fire Emblem (avec lequel le jeu partage d’ailleurs de nombreux points communs) afin de vous montrer le résultat de l’action. Le jeu comporte une grande variété d’unités au corps-à-corps ou à distance, sans oublier les unités volantes, les soigneurs, les lanceurs de sorts, et plusieurs classes hybrides. Très bien, me direz-vous, mais jusqu’ici tout cela ressemble à la description d’un jeu de stratégie, et pas à celle d’un jeu de rôles. En effet, vous répondrai-je, parce que n’a pas encore été évoqué ce qui fait une grande partie du sel de Shining Force : le fait que toutes les unités puissent monter de niveau.

Naturellement, cette montée en puissance de vos différents personnages sera le fil conducteur du jeu, celui-là même qui vous permettra d’affronter dans les dernières missions des dizaines d’unités dont un seul représentant aurait facilement pu exterminer toute votre armée lors des premiers affrontements. Le système est simple : vos personnages montent de niveau tous les 100 points d’expérience. N’importe quelle action autre que le mouvement – attaquer, jeter un sort, voire utiliser un objet de soin pour vos guérisseurs – vous rapporte de l’expérience, mais tuer un adversaire sera toujours ce qui en rapportera le plus.

Selon le rapport de force entre une unité et son adversaire, chaque action rapportera plus ou moins d’expérience, sachant que, quoi qu’il arrive (même, par exemple, si un sort bien placé vous fait terrasser trois unités d’un coup), aucune action ne pourra vous rapporter plus de 48 points d’expérience à la fois. Soigner une unité vous en fera gagner au maximum 10. Si j’insiste sur ce point, c’est parce que la gestion stratégique de vos unités, comme vous allez vite le comprendre, ne va pas nécessairement se résumer à manœuvrer pour exterminer l’opposition. Rapidement, vous constaterez des disparités dans le niveau de vos unités (les événements ayant amené certaines à progresser plus vite que d’autres) et votre intérêt étant d’essayer de maintenir un niveau relativement uniforme au sein de votre armée (pour éviter qu’une unité ne devienne un poids mort faute de dégâts suffisants), vous serez tentés d’affaiblir certains adversaires pour donner l’occasion à vos unités les moins avancées d’aller les achever et ainsi de gagner davantage d’expérience afin de combler leur retard.

C’est d’autant plus vrai que, à chaque montée de niveau, chaque personnage n’augmente pas ses caractéristiques à la même vitesse que les autres – un aspect encore renforcé par le fait qu’une partie de ces gains est aléatoire. Si cette part de hasard peut être très frustrante – quelques points dans une caractéristique peuvent faire une énorme différence, et il arrive qu’un personnage ne gagne tout simplement rien en montant de niveau – elle a aussi le mérite d’offrir au jeu un gros potentiel de rejouabilité. En effet, d’une partie à l’autre, votre « équipe de rêve » ne sera pas toujours la même, certains personnages s’étant mieux développés que d’autres, et à l’exception de quelques « valeurs sûres » intervenant principalement en fin de partie, il est très rare de finir deux fois le jeu avec exactement la même équipe.

Histoire de compléter un peu ce système de combat déjà très riche en la matière, ajoutons que les personnages peuvent, à partir du niveau 10, « monter en grade » par le biais d’une visite au prêtre qui fait également office de point de sauvegarde. Cela se traduira par des statistiques améliorées sur le long terme, et surtout par l’accès à de nouvelles armes, voire à de nouvelles compétences. Car chaque personnage a également un inventaire de quatre cases, et pourra parfois profiter, en plus de son arme (s’il en utilise une), des effets d’un anneau pouvant avoir un impact sur sa force ou sa vitesse, ainsi que de bonus pouvant augmenter ses statistiques de façon permanente. D’autres objets, comme les herbes de soin, lui donneront l’occasion de se refaire une petite santé au cours d’une bataille au cas où les soigneurs seraient un peu trop loin.

Ce qui peut arriver assez vite, car les affrontements, particulièrement au début du jeu, peuvent se montrer assez expéditifs : voir une de vos unités se faire tuer en un ou deux coups n’a absolument rien d’exceptionnel dans Shining Force. Ce qui peut se montrer d’autant plus pénalisant que la mort de Max, votre unité principale, se traduira immédiatement par une défaite. Fort heureusement, le jeu sait se montrer très permissif : contrairement à un titre comme Fire Emblem, la mort de vos unités n’est pas définitive, et le prêtre mentionné plus haut pourra les faire revenir contre espèces sonnantes et trébuchantes. Et surtout, le titre ne connait pas de réel game over : en cas d’échec d’une mission, vous réapparaitrez tout simplement devant le prêtre… en ayant conservé tout l’or, les objets et l’expérience acquis pendant la bataille. Autant dire que cela aidera à faire passer la pilule en cas de mission problématique, puisque vous serez ainsi un peu plus fort à chacune de vos nouvelles tentatives ; un moyen original d’autoriser le grinding, et qui permet au jeu de ne jamais se montrer frustrant malgré la difficulté – réelle – de certaines missions du jeu.

Nous avons parlé combat – qui constitue, on l’aura compris, le cœur du jeu – mais un des grands charmes de Shining Force est également d’entrecouper les missions de passage façon « aventure » où, suivant la grande tradition des J-RPGs, vous pourrez vous promener en ville, parler aux PNJs, faire avancer l’histoire, ouvrir des coffres, acheter de l’équipement et sauvegarder la partie – mais également découvrir de nombreux secrets. La plupart des trente personnages mentionnés plus tôt seront en effet à recruter lors de vos visites en ville entre les missions, et certains d’entre eux peuvent être assez difficiles à dénicher. On notera également la présence d’éléments cachés, parfois sur le champ de bataille, souvent impossibles à trouver sans avoir une solution sous les yeux, et dont l’intérêt va du cosmétique (si jamais cela vous émoustille de voir le sprite de 10 pixels de haut de votre magicienne en maillot de bain…) au néant absolu (beaucoup d’objets cachés n’ont simplement aucune fonction). Notons également, saga Shining oblige, que certaines pièces d’équipement peuvent se révéler maudites, et voir leur puissance compensée par un effet négatif plus ou moins gênant. Vous les faire lâcher une fois équipées nécessitera, une fois de plus, un passage payant chez le prêtre.

Il serait vraiment dommage de parler de Shining Force sans mentionner sa réalisation. Certes, le jeu, pour agréable à l’œil qu’il soit, est loin d’être le plus éblouissant, graphiquement parlant, de la ludothèque de la Mega Drive. Cela n’empêchera pas d’apprécier le soin apporté à chacune des cinématiques présentant vos personnages lors des affrontements – et surtout, à la variété impressionnante qui témoigne d’un travail de titan pour enrober la partie stratégique du jeu. Jugez vous-même : chacune de vos trente unités dispose de son propre sprite sur le champ de bataille, de sa propre représentation – animée – lors de chacune des cinématiques, et il en va de même pour toutes les nombreuses unités adverses. Le niveau de détails force le respect pour un titre en 2D : vous pouvez même voir l’arme tenue en main  par votre unité changer selon l’équipement que vous lui avez attribué ! Même le changement de classe est pris en compte, avec un nouveau sprite et de nouvelles animations pour chaque promotion – du travail d’orfèvre.

Cumulé au fait que la moindre case de terrain du moindre niveau possède également sa propre représentation lors des cinématiques et que chaque personnage dispose d’un portrait animé, on ne peut qu’être admiratif devant le soin colossal apporté à la réalisation du jeu. C’est bien simple : en dépit des centaines de fois où l’on voit nos personnages apparaitre à l’écran pour échanger des coups, on ne s’en lasse jamais ! Cerise sur le gâteau, la musique, dans un style très proche de celui de Shining in the Darkness, conserve ses accents épiques – même si elle finit par devenir un brin répétitive, à commencer par le thème qui vous accompagne lors de vos visites en ville et qui devrait mettre plusieurs décennies à vous sortir du crâne. Mais cela ne gâche en rien l’excellente impression laissée par ce Shining Force : un jeu ambitieux et qui se donne les moyens de son ambition. Comment ne pas apprécier ?

Quelques mot en conclusion sur la version française réalisée par Colargol59 : celle-ci, comme souvent, contient son lot de maladresses, de coquilles et de traductions littérales. L’interface et les écrans fixes n’ont pas été traduits, et les lettres ne sont pas accentuées, ce qui peut parfois gêner la lecture, mais les joueurs mal à l’aise avec l’anglais n’auront aucune raison d’hésiter : le travail est fait, et quelles que soient ses faiblesses cela ne devrait jamais venir entraver votre progression – et c’est toujours plus agréable de lire des dialogues qu’on comprend !

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Les tactical-RPGs n'étant pas légion sur les consoles 16 bits, on ne pourra qu'être reconnaissant à Climax Entertainment d'avoir su proposer un titre d'une telle qualité. Rempli de bonnes idées, suffisamment long sans être redondant, suffisamment difficile sans se montrer frustrant, Shining Force fait partie, avec sa suite, des titres que tous les amateurs de jeux de rôles doivent avoir essayé au moins une fois dans leur vie. L'énorme travail effectué sur la réalisation du jeu aide à rendre immédiatement accessible un genre qui aurait autrement pu paraître austère et passablement opaque – on ne regrettera que quelques petites lourdeurs dans l'interface, ainsi que le scénario massacré par la localisation. CE QUI A MAL VIEILLI : – Le menu en croix alourdit inutilement le moindre dialogue, et rend la gestion de l'inventaire de vos unités assez fastidieuse – Pas de tableau général pour présenter les caractéristiques de toutes vos unités – Aucune information sur l'ordre dans lequel les unités vont agir – Le côté aléatoire peut se montrer frustrant, tant dans les combats que dans la progression de vos unités

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shining Force sur un écran cathodique :

Shining in the Darkness

Développeur : Climax Entertainment
Éditeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Titre original : Shining and the Darkness (Japon)
Titre alternatif : シャイニング&ザ・ダクネス (graphie japonaise)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : Linux, Macintosh, Wii, Windows
En vente sur : Steam.com (Windows)

La saga Shining (jusqu’à 2000) :

  1. Shining in the Darkness (1991)
  2. Shining Force : The Legacy of Great Intention (1992)
  3. Shining Force Gaiden (1992)
  4. Shining Force II (1993)
  5. Shining Force : The Sword of Hajya (1993)
  6. Shining Force CD (1994)
  7. Shining Wisdom (1995)
  8. Shining Force Gaiden : Final Conflict (1995)
  9. Shining the Holy Ark (1996)
  10. Shining Force III (1997)
  11. Shining Force III Scenario 2 (1998)
  12. Shining Force III Scenario 3 (1998)

Version Mega Drive

Date de sortie : 29 mars 1991 (Japon) – Septembre 1991 (Amérique du Nord) – Octobre 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais, Traduction française par Player Time
Supports : Cartouche, dématérialisé
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version cartouche européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Dungeon Master, Captive, Eye of the Beholder… En 1991, lâcher un groupe d’aventurier au cœur d’un donjon constituait déjà un genre à part entière au sein du monde du jeu de rôles vidéoludique, auquel on a pris l’habitude, depuis lors, de donner le nom anglais de dungeon crawler.

Et si les titres les plus marquants du genre avaient jusqu’alors tous connu leur essor sur des ordinateurs de bureau – depuis l’Apple II jusqu’à l’Amiga en passant par le PC et l’Atari ST – le dungeon crawler semblait condamné à ne jamais connaître les faveurs des consoles de salon, la faute, notamment, à une maniabilité exigeante qu’on imaginait mal portée sur une manette à deux ou trois boutons. Et puis Shining in the Darkness est arrivé…

À ce titre, le jeu de Climax Entertainment est une curiosité. Certes, les jeux de rôle sur consoles avaient déjà connus quelques portages de grandes séries du RPG – Might and Magic, Bard’s Tale ou Ultima, pour ne nommer que les plus célèbres.

Mais, exception faite des phases en vue subjective d’un Phantasy Star, par exemple, l’exploration de donjon à la première personne n’avait pas encore soulevé l’enthousiasme des foules sur les consoles japonaises, probablement à cause d’une composante encore difficile à intégrer à la jouabilité au pad de l’époque : le temps réel. Cela expliquera sans doute en partie le fait que, plutôt que d’aller chercher son inspiration dans un des titres évoqués en début de test, Shining in the Darkness aille plutôt puiser son système de jeu chez un autre maître du genre : Wizardry et ses combats au tour par tour.

Penchons-nous rapidement sur le scénario – qui, on le réalisera vite, n’était pas franchement l’axe principal des jeux de rôles de l’époque. Le royaume de Thornwood est en ébullition : la princesse Jessa et le chevalier chargé de l’escorter, Mortred, ont tous les deux disparu lors d’un simple voyage en direction de la tombe de la défunte reine. Inquiet, le roi fait mander ses meilleurs guerriers pour se lancer à la recherche de sa fille. L’un de ces aventuriers, vous vous en doutez, sera le personnage que vous incarnez, et qui aura également une raison personnelle d’entreprendre cette quête : Mortred est son père, et il compte bien le retrouver.

Vous commencez donc la partie d’une façon qui deviendra l’une des marques de fabrique de la série des Shining : en parlant au narrateur, qui vous proposera de nommer votre personnage et de choisir l’un des trois emplacements de sauvegarde avant de vous lancer dans l’aventure. Après quoi, vous serez directement mené face au roi et à ses conseillers afin de vous faire dicter votre mission – et confier un peu d’argent, qu’il vous appartiendra d’aller dépenser en ville pour acquérir de l’équipement, avant d’aller vous frotter au labyrinthe où se passera l’essentiel du jeu. Et d’entrée, l’un des aspects les plus marquants du titre vous aidera à vous sentir immédiatement à l’aise : son souci – encore assez inédit à l’époque – de mise en scène.

Car si tout le jeu est vécu en vue subjective, le monde devant vous s’efforce d’être vivant et animé : le roi s’agite sur son trône, ses conseillers prennent la parole à tour de rôle, et quantité de petites saynètes viennent donner vie à des scènes qu’on était habitué à voir, jusqu’alors, désespérément statiques – voire simplement résumées en deux lignes dans le manuel du jeu.

Crac ! Un éclair et soudain, Dark Sol, le grand méchant du jeu, est dans la salle du trône pour demander l’abdication du roi ! Les conseillers suffoquent, estomaqués. En ville, la taverne est vivante et bruyante, son propriétaire vous salue par votre nom – et en profite pour vous inviter à vous méfier de ces deux bons-à-rien qui se prétendent vos amis. Un mercenaire manque de respect à un de vos compagnons, Pyra ; celle-ci se venge en lui jetant un sort de lenteur… Autant de petits détails chargés de vous transporter dans le monde du jeu, et qui représentaient un véritable vent de fraicheur au sein du jeu de rôles du début des années 90.

Mais attendez, c’est bien le mot « compagnons » que vous venez de lire ? Eh oui, car si le jeu vous enverra initialement vous faire les griffes seul, il ne tardera pas à vous adjoindre deux personnages : un clerc et un mage, qui viendront compléter à merveille les capacités martiales de votre guerrier. Profitons-en d’ailleurs pour préciser que, accessibilité oblige, le jeu ne propose aucune création de personnage – en-dehors du nom de votre héros. Pas de choix de classe, pas de choix d’équipe, pas d’arbre de compétences ; nous sommes bien en 1991 – et dans un jeu japonais. N’allez pas croire pour autant que le titre soit dépourvu de stratégie, mais avant d’entrer dans le détail de ses possibilités, intéressons-nous d’abord à ce qui va conditionner une grande partie du plaisir de jeu : l’exploration et le système de combat.

Comme la carte du jeu – très jolie, et dont le principe évoque un peu celui d’Akalabeth – vous le montrera immédiatement, le programme ne comprend que trois destinations : le château, pour parler au roi et prendre conseil auprès de ses ministres, la ville, pour vous reposer, sauvegarder et faire vos emplettes, et le labyrinthe, qui sera le cœur du jeu. Un seul donjon – ce qui était la norme, à l’époque – mais on appréciera, à ce titre, que celui-ci fasse l’effort de varier un peu les décors en proposant plusieurs types de murs, là où un Dungeon Master et de nombreux clones n’en proposaient qu’un seul. Les niveaux sont constitués de grilles de 30×30 cases, et autant vous dire qu’il sera quasi-indispensable (c’est de toute façon un des grands plaisirs de ce type de jeux) de dresser vos propres plans histoire de ne pas vous perdre en route.

Une nouvelle fois, on appréciera l’accessibilité du programme, qui propose d’entrée de jeu des objets (et plus tard des sorts) permettant d’afficher une carte qui, si elle ne vous dévoilera que le chemin déjà parcouru, vous donnera surtout les coordonnées correspondant à votre position, très utile pour dessiner votre plan sans risquer d’avoir la moitié du niveau en-dehors de la page, donc. Afin d’éviter les aller-et-retours, vous aurez également la possibilité d’utiliser une plume d’ange (ou un sortilège) pour vous ramener directement en ville. En revanche, reprendre votre exploration vous demandera à chaque fois de repartir de l’entrée du donjon, même si le jeu a la très bonne idée de mettre en place en système de raccourci sous la forme d’un médaillon pour ne pas vous obliger à enfiler à la suite les derniers (et difficiles) niveaux du jeu.

En terme de combat, le jeu est un calque extrêmement fidèle de Dragon Quest, une des références – sur consoles – de l’époque. Les confrontations ont donc lieu en vue subjective, vous donnez leurs ordres à vos trois héros et leur attribuez une cible – ceux-ci ne pouvant sélectionner qu’un groupe de monstre et jamais un individu au sein de ce groupe. Si votre personnage principal ne pourra rien faire d’autre que frapper, utiliser un objet ou prendre la fuite, les deux autres auront accès à la magie, d’où découlera une grande partie de l’aspect « stratégique » du titre.

Car, si pendant sa première moitié, Shining in the Darkness se révèle assez simple – malgré un ou deux passages obligatoires de grinding histoire de mettre votre groupe à niveau et de lui acheter le matériel de base –, les choses ne tardent pas à se compliquer sérieusement sur la fin. Et on appréciera, à ce titre, que le jeu sache faire preuve d’une véritable imagination chaque fois que vous pensiez ne plus pouvoir être surpris : monstres cachés dans les coffres, élémentaires surgissant d’une simple flaque, murs et trappes qui apparaissent devant vous, mais aussi monstres qui se liguent pour porter une seule et unique attaque commune dévastatrice, voire pour danser, sans oublier les sortilèges et autres invocations – chaque étage apporte son lot de surprises. Ajoutons d’ailleurs que certaines parties des niveaux traversés ne seront accessibles que lorsque vous aurez trouvé l’objet vous permettant de les ouvrir bien plus tard dans le jeu, ce qui fait que vous devrez probablement patienter une bonne trentaine d’heures avant d’avoir le plan complet de certains des premiers étages.

Cerise sur le gâteau, le jeu propose également, dans sa deuxième partie, une petite dimension « crafting » qui vous permettra de forger des armes et armures très puissantes pour peu que vous ayez trouvé le minerai adéquat – mithril ou blocs noirs, mais vous constaterez également que certaines médailles ont leur revers.

Certains équipements peuvent d’ailleurs être utilisés en combat, pour jeter des sorts ou récupérer des points de magie, par exemple. Et si la plupart de vos sortilèges auront pour vocation de vous soigner ou de blesser vos ennemis, il existe également toute une palette de buffs, debuffs, sorts permettant d’éviter les rencontres aléatoires ou d’analyser un objet : bref, rien ne manque et c’est tant mieux. On a affaire à un jeu qui gagne en richesse et en difficulté à chaque nouvelle étape dans l’aventure, qui parvient à se renouveler tout en restant accessible – en résumé, une très bonne pioche et une excellente porte d’entrée à l’univers ô combien difficile d’accès des dungeon crawlers.

Vidéo – Quinze minutes du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1991 – Meilleur jeu de rôle sur console (Tilt n°97, décembre 1991)

NOTE FINALE : 16/20

Coup d'essai réalisé de main de maître et doté d'une ambition véritable en dépit d'un budget rachitique, Shining in the Darkness constitue sans difficulté l'un des tout meilleurs représentants d'un genre trop sous-représenté sur consoles de salon. Vivant, bourré de petites trouvailles chargées de le rendre accessible au novice sans rien sacrifier comparé aux cadors de la période, le titre de Climax Entertainment pourra faire figure d'excellente initiation aux dungeon crawlers, sachant se rendre de plus en plus complet et stratégique au fil de l'avancement du jeu là où on aurait pu craindre que la routine s'installe. Encore éclipsé aujourd'hui par la renommée des deux titres majeurs de la saga que sont Shining Force I et II, il mérite néanmoins de sortir de l'ombre pour se hisser au rang des RPGs auxquels il faut avoir joué sur Mega Drive.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Le jeu comporte sa part de grinding, particulièrement sur la fin
– Les véritables possibilités de gameplay engendrées par les sortilèges mettent une bonne dizaine d'heure à se dévoiler
– Les rencontres aléatoires sont parfois invivables, lorsque le jeu à décidé que vous ne pourriez pas faire deux mètres sans vous faire attaquer

Les avis de l’époque :

« Shining est tout simplement le meilleur jeu de rôle disponible sur console, toutes machines confondues. Beau, grand, passionnant, il possède toutes les qualités pour être Tilt d’or 1991. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°97, décembre 1991

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shining in the Darkness sur un écran cathodique :

Ultima I

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre original : Ultima (version originale de 1981)
Titres alternatifs : Ultima I : The First Age of Darkness (PC-88, PC-98), Ultimatum (titre de travail), Ultima I : The Original (Atari 8 bits)
Testé sur : Apple IICommodore 64PC (DOS)PC-88PC-98MSXFM TownsAtari 8 bits
Versions non testées : Apple IIgs, Sharp X1
Disponible sur : Mac OS X (10.6.8), Windows (7, 8, 10)
Présent au sein des compilations :

  • Lord British Starter Kit (1981 – Apple II)
  • Ultima Trilogy : I ♦ II ♦ III (1989 – Apple II, Commodore 64, FM Towns, Mac OS X, PC (DOS), Windows)
  • Ultima I-VI Series (1992 – PC (DOS))
  • Ultima Collection (1997 – PC (DOS))
  • Ultima Complete (2002 – Windows)

En vente sur : Gog.com (Mac OS X, Windows)

La saga Ultima (Jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

–PRÉCISION IMPORTANTE–

En temps normal, la première version testée pour chacun des jeux présentés sur Retroarchives.fr est sa version originale – celle publiée sur la machine sur laquelle le jeu a été programmé – avant de tester les autres versions dans leur ordre chronologique de parution. Dans le cas d’Ultima I, j’ai dû faire une entorse à cette règle. En effet, la première version du titre, alors simplement nommée Ultima sans numéro ni sous-titre et publiée en 1981 par California Pacific Computer, est aujourd’hui extrêmement difficile à trouver, sans même parler de la faire fonctionner. Elle souffrait qui plus est de nombreux bugs, et étant désormais pratiquement impossible à acquérir ailleurs que chez un antiquaire (même en émulation, où je ne serai parvenu à faire fonctionner une de ses très rares versions que bien des années après la rédaction de ce test – remerciements au passage au site The Digital Antiquarian d’avoir partagé une copie des disquettes originales), j’ai préféré m’intéresser à la version retravaillée publiée en 1986 – toujours sur Apple II, ainsi que sur tout un panel d’autres machines de l’époque – qui est, elle, toujours trouvable dans le commerce pour certaines de ses itérations (PC, notamment). La version Atari 800, une deuxième édition publiée par Sierra en 1983 (cette fois sous le titre Ultima I : The Original), sera donc exceptionnellement traitée comme une version secondaire – l’épisode « canonique » et encore commercialisé étant désormais celui publié par Origin Systems.

Version Apple II

Date de sortie : 1981 (première édition) – 1986 (remake)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette (1986) testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Édition de 1981 :
Système : Apple II – OS : Apple DOS 3.2 – RAM : 48ko
Mode graphique supporté : Haute résolution
Applesoft BASIC requis

Remake de 1986 :
Système : Apple II – OS : Aucun – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a un peu plus de 35 ans, à une époque où la machine qui dominait le monde était déjà un produit Apple, le jeu vidéo était encore quelque chose de dramatiquement simple vous proposant le plus souvent de vous renvoyer une balle, de conduire une voiture ou de tirer sur des vaisseaux spatiaux, le tout avec des graphismes – et des sons, quand il y en avait – qui laissaient une très large place à l’imagination. Mais dès le milieu des années 70, quelques universitaires dopés aux jeux de rôles papiers et aux nuits à mener campagne autour d’une table avec toute une boîte de dés à beaucoup plus de six faces s’étaient déjà faits une réflexion : ces fastidieux lancers de dés pourraient facilement être simulés par une machine. Et qui sait, un ordinateur étant capable d’afficher du texte, on pourrait sans doute également lui demander de remplacer le maitre de jeu, et peut-être même y coder quelques symboles simples pour y dessiner des cartes…

Voici comment les premiers jeux de rôles informatiques ont vu le jour, et il n’aura pas fallu attendre longtemps – en l’occurrence, le tout début des années 80 – pour que deux grands succès introduisent deux sagas désormais légendaires qui ont mis en place les fondamentaux qui sont en grande partie encore utilisés aujourd’hui. Le premier s’intitulait Wizardry : Proving Grounds of the Mad Overlord et vous proposait un concept inusable : mener un groupe d’aventuriers au fin fond d’un donjon pour y vaincre un puissant ennemi.

Le deuxième, créée par un jeune étudiant du nom de Richard Garriott – mieux connu de nos jours sous son pseudonyme de « Lord British » – se nommait Ultima et proposait un concept plus ambitieux encore : un monde ouvert, avec des voyages à pied ou en véhicules, des donjons par dizaines, des quêtes à mener et même – tenez-vous bien – des combats spatiaux ! Comme vous l’aurez déjà deviné, c’est à ce deuxième titre que nous allons nous intéresser ici. Comme cela a été précisé, la version présentée sur cette page n’est pas l’originale – désormais à peu près introuvable – mais le remake publié en 1986 pour rebondir sur le succès du quatrième épisode, qui avait fini d’installer la saga au rang des séries majeures de l’histoire du jeu vidéo. En-dehors de corrections de bugs et d’un léger lifting graphique, cette version propose strictement le même contenu que la version parue en 1981, nous ne devrions donc pas être trop dépaysés au moment d’aborder le déroulement du jeu.

Comme tous les jeux de rôles de l’époque, Ultima vous propose d’abord de créer votre personnage selon une sélection de classes très basiques (guerrier, voleur, clerc, mage) et de races puisées dans les poncifs de l’Heroic Fantasy (humain, elfe, nain… et le « bobbit », dont le nom vous rappellera surement quelque chose). Ces choix auront un impact sur les caractéristiques de votre personnage (force, agilité, endurance, sagesse, intelligence), dans lesquelles vous pourrez attribuer un certain nombre de points après avoir choisi un nom à votre héros, puis vous pouvez partir à l’aventure.

Dans les faits, les classes n’ont aucune restriction de caractéristiques, et vous pourrez tout à fait, après avoir progressé dans le jeu, finir avec le score maximal à chacune d’entre elles quelle que soit votre classe de départ. Il en va de même avec l’équipement, et toutes les classes peuvent lancer des sorts – dont le nombre tient d’ailleurs sur les doigts de la main. Il n’y a pas de points de mana, ni de limites de sorts à lancer : vous pouvez très bien spammer les missiles magiques avec votre guerrier niveau 1 sans que cela ne pose problème à personne ; bref, comme vous le voyez, recommencer une partie en changeant de classe ne va pas franchement bouleverser votre expérience de jeu.

Dans le même ordre d’idées, les combats se déroulent de la manière la plus simple qui soit : vous vous placez à côté d’un monstre, vous pressez la touche d’attaque suivie d’une direction… et c’est tout. Que vous touchiez ou que vous ratiez, c’est ensuite le tour du monstre et ainsi de suite jusqu’à la mort d’un des deux protagonistes. Si vous êtes équipés d’une arme à distance comme un arc, une baguette magique ou un pistolet laser (!), vous n’êtes naturellement pas obligé d’être au contact du monstre. Lancer un sortilège se fait exactement de la même façon : on équipe un sort, on appuie sur la touche correspondante, puis sur une flèche pour donner une direction. Autant dire que les capacités tactiques sont assez réduites – mais souvenez-vous qu’on parle d’un programme de 1981. En l’état, vous vous en doutez, la richesse de l’expérience de jeu se situe ailleurs.

De fait, dès les premiers instants passés sur la carte du jeu, vous vous retrouverez en terrain connu, et pour cause : la représentation choisie correspond à celle qui fut ensuite utilisée dans tous les CRPGs japonais pendant les quinze années qui allaient suivre. Vous déplacez un personnage sur une carte en vue de dessus et composée de tuiles chargées de représenter le terrain sans avoir à le dessiner pixel par pixel (Ultima fut le tout premier jeu à penser à cette approche), et chaque fois que vous entrez dans une ville, un donjon ou un château, un changement d’échelle se produit et vous fait apparaître sur une autre carte.

Dans le cas des villes et châteaux, la taille de cette carte ne sera jamais supérieure à un écran : vous pourrez déplacer votre avatar, haut d’à peine quelques pixels, au sein des différents commerces de la ville, où il vous sera possible de chercher à voler la marchandise (conseil : ne vous ratez pas car les gardes, comme cela se confirmera tout au long de la série, sont très puissants). Vos interactions avec la populace seront d’ailleurs uniquement commerciales, car en-dehors des rois et des marchands, il n’est possible d’adresser la parole à personne (il est en revanche tout à fait possible de prendre une cuite à la taverne locale). Les rois, justement, vous proposeront deux types de services : augmenter vos points de vie en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes, ou bien partir dans une quête précise (tuer un certain type de monstre ou atteindre un endroit précis) qui vous vaudra, en cas de succès, d’être récompensé en points de caractéristiques (en force, exclusivement, mais nous y reviendrons) ou bien en recevant une des gemmes qui vous seront indispensables pour finir le jeu. Vous réaliserez aussi bien vite que chaque château contient une princesse retenue prisonnière, et pour laquelle il vous appartiendra de trouver la façon de la libérer – plutôt vers la fin du jeu, de toute façon, puisque vous devrez encore vous frotter aux gardes pour se faire.

Dans le cas d’un donjon, en revanche, surprise : la vue passe à la première personne, et vous pourrez vous balader en case par case dans des couloirs en 3D fil-de-fer où vous pourrez cette fois admirer les ennemis de près – en graphismes vectoriels, eux aussi (si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal : le moteur des donjons est directement repris d’Akalabeth, le précédent jeu de Richard Garriott). Tous les donjons comprennent dix niveaux, et la difficulté des ennemis rencontrés sera fonction de l’étage où vous vous trouvez. Évitez donc d’aller vous frotter aux monstres des profondeurs avec un personnage mal équipé, vous risqueriez de le payer d’une mort violente – qui vous vaudrait de reprendre le jeu dépouillé de votre équipement, de votre argent et de votre nourriture. Les donjons ne contiennent rien d’autre que des couloirs, des portes, des coffres (parfois piégés), des cercueils (qui contiennent des monstres en plus des trésors) et des monstres. Ceux-ci savent parfois se montrer originaux, comme ceux qui prennent l’apparence de coffres aux trésors, ou ceux qui se font passer pour… des murs. Ces derniers sont d’ailleurs particulièrement pénibles, puisqu’ils peuvent détruire votre armure – mais moins que ces cochonneries de Gremlins qui, eux, vous dérobent votre nourriture. Car oui, il faudra garder votre personnage constamment approvisionné : chaque déplacement coûte de la nourriture, et si vos réserves arrivent à zéro, c’est la mort. Très bonne idée, en revanche, à la sortie des donjons : le jeu vous attribue automatiquement un certain nombre de points de vie en fonction du nombre de monstres tués et de leur puissance. On peut donc ressortir d’un donjon en meilleure forme qu’on y est entré – et considérablement plus riche.

On gagnera également pas mal de points d’expérience, mais je vais casser tout de suite l’ambiance : les niveaux, dans le jeu, ne servent à rien. Ou disons, à presque rien : ils influeront sur le nombre de monstres rencontrés sur la carte du jeu, et sur la puissance des objets vendus par les magasins. Et sur rien d’autre. Oui, c’est passablement décevant, mais alors cela signifierait-il que les caractéristiques de notre personnage ne peuvent pas augmenter ? Au contraire, mais celles-ci progressent en fait d’une façon un peu spéciale : comme on l’a vu, les rois peuvent vous attribuer des points de force à la conclusion d’un certain type de quêtes. Et pour les autres caractéristiques ? Eh bien, les rois vous envoient également visiter des points spécifiques. Lorsque vous pénètrerez  dans ces lieux-dits, vous constaterez rapidement que chacun d’entre eux vous fait gagner des points dans une caractéristique donnée. Voilà le truc : rien ne vous empêche de retourner les visiter pour gagner davantage de points, la seule contrainte étant que vous ne pourrez pas visiter le même endroit deux fois de suite.

Rien ne vous interdit donc de faire des allez-et-retours pendant vingt minutes entre deux points jusqu’à avoir le score maximal dans les caractéristiques concernées. Et on touche là à l’une des grosses faiblesses du jeu : une fois compris le « truc », il est tout à fait possible de se faire un personnage « ultime » avec toutes les caractéristiques à fond en à peine une heure. Sachant que l’équipement ne coute pas très cher – surtout comparé à ce que vous allez dépenser en nourriture – quelques phases de farming dans les donjons devraient rapidement vous permettre d’accumuler assez d’or pour acheter des points de vie à ne plus savoir qu’en faire, et le jeu ne devrait plus représenter qu’une difficulté symbolique au bout de deux heures. À un détail près, cependant. Comme on l’a déjà vu, Ultima met à votre disposition un nombre impressionnant de véhicules – chevaux, charriots, aéroglisseurs (!), frégates… – qui vous seront rapidement nécessaires pour explorer de fond en comble les quatre continents du jeu ainsi que les dizaines de villes et de donjons. Sauf que viendra un moment où on vous proposera carrément d’investir dans une navette spatiale (!!!) pour aller poursuivre le combat dans l’espace.

Soyons clairs : ce passage, qui vous demandera d’abattre en vue subjective une vingtaine d’astronefs ressemblant plus qu’énormément à des chasseurs TIE (!!!!!) est, de très loin, le plus pénible du jeu. Les délais sont courts, la maniabilité est très limitée, et comme si cela n’était pas déjà assez stressant, vous verrez vos réserves de carburant dégringoler au fur et à mesure que le combat s’éternisera à force de vous voir rater vos tirs. C’est assez ironique si l’on pense que Richard Garriott sera le fondateur d’Origin Systems, qui publiera une décennie plus tard le célèbre Wing Commander, mais le fait est que le mélange des genres n’était pas franchement indispensable ici… Même si bien sûr, je parle là avec le recul d’un joueur de 2017.

Car en l’état, relisez un peu la liste de tout ce qu’il était possible de faire dans le jeu : voyager à pied, à cheval et en bateau (et en navette !) à travers quatre continents, visiter des dizaines de villes, écumer des dizaines de donjons, accomplir des quêtes pour les différents rois, affronter des chasseurs TIE dans l’espace ( !) et finalement remonter le temps ( !) pour affronter Mondain, le grand méchant du jeu, plus de mille ans dans le passé. Et tout ça dans un jeu programmé en BASIC et tenant sur une seule disquette 5 pouces ¼, en 1981 ! Le simple fait que l’on puisse, encore aujourd’hui, parcourir le jeu avec un certain plaisir est déjà la preuve de tout ce que ce premier Ultima avait à la fois de révolutionnaire et de visionnaire, puisqu’il a très largement contribué à façonner les bases de tous les jeux de rôles à l’avoir suivi pendant près de trente ans… ça force quand même un peu le respect, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20

Qu’il est difficile de noter un jeu aussi légendaire que ce premier Ultima… Certes, le jeu, programmé en BASIC sur Apple II à une époque où la grande majorité des joueurs actuels n’étaient même pas encore nés (et, dans certains cas, même pas leurs parents !) a fatalement pris un coup de vieux, que ce soit dans sa réalisation ou dans sa conception. Et pourtant, tellement de fondations indispensables sont déjà là ! Quoi qu’il en soit, ce jeu a bouleversé à jamais l’histoire du jeu de rôle informatique – les créateurs de sagas aussi célèbres que Dragon Quest ou Final Fantasy ont reconnu s’en être largement inspiré, et de fait, c’est également ce qui rend Ultima I encore jouable de nos jours : en tant que source d’une grande partie de ce que nous avons connu en termes de RPGs, il a quelque chose en lui qui nous est immédiatement familier – même aujourd’hui, plus de 36 ans après.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Mieux vaut avoir la carte de référence du jeu sous la main, car l’interface vous fera utiliser pratiquement toutes les touches du clavier
– Même pour un nostalgique, les capacités graphiques extrêmement limitées de l’Apple II piquent un peu les yeux – d’ailleurs, n’espérez pas de musique non plus
– Franchement, la séquence de bataille spatiale a dû faire rêver pas mal de joueurs à l’époque, mais aujourd’hui on s’en passerait très volontiers
– Un jeu de rôle où l’expérience ne sert à rien ?
– Finalement, le jeu est très court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima I sur un écran cathodique :

Version Commodore 64

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Avril 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En termes de contenu, la version C64 est très exactement équivalente à son homologue sur Apple II. Il faudra donc plutôt chercher les différences du côté de la réalisation. Côté sonore, c’est le calme plat, puisque le jeu n’a toujours pas de musique et qu’il faudra se contenter de quelques rares bruitages lors des déplacements et des combats. Côté graphique, en revanche, le jeu profite du hardware de meilleur qualité pour proposer une image plus nette et plus colorée – c’est particulièrement visible en ville. Pour le reste, tout le test de la version Apple II s’applique également à celle-ci.

NOTE FINALE : 12/20

Un demi-point bonus pour récompenser une version techniquement légèrement supérieure à l’originale (ou plutôt à son remake), mais parfaitement fidèle en terme de jeu et d’interface.

Version PC (DOS)

Développeur : John Fachini
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Date de sortie : Octobre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy/PCjr
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Seule version 16 bits d’Ultima I développée par Origin, la version PC, qui reprend une partie des tuiles dessinées pour Ultima IV, s’impose d’emblée comme la plus belle – et cela se voit dès l’écran-titre. Les graphismes sont bien plus colorés, et le PC dispose d’une résolution supérieure à celle des machines 8 bits, bref, c’est bien plus agréable. Côté son, en revanche, toujours rien à se mettre sous la dent en-dehors des quelques bruitages crachés par le haut-parleur interne, et côté interface, le jeu ne tient toujours aucun compte de la présence d’une souris. Cela n’empêcherait pas la version PC de s’imposer comme la meilleure si elle ne souffrait pas de bugs qu’on ne trouve pas dans les autres versions – et jamais corrigés, hélas. Par exemple, le jeu ne tient aucun compte de votre valeur d’armure lorsque vous êtes dans un donjon – ce qui complique drastiquement les choses, surtout que c’est l’endroit où vous en aurez le plus besoin. Bref, une version qu’on sent vendue trop vite, ce qui est quand même dommage si l’on considère que six ans la séparent de l’originale.

NOTE FINALE : 12/20

Techniquement la version la plus aboutie à sa sortie, la version PC est hélas pénalisée par des bugs qui la rendent bien plus difficile – pour de mauvaises raisons – que les version 8 bits.

Version PC-88
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeurs : Super Station Inc. – Desktop Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : Décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x4)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe de son incontestable influence sur la scène du jeu de rôle japonais, la saga Ultima aura fatalement terminé sur les ordinateurs nippons les plus en vogue de la période, à savoir les machines de NEC, Sharp et Fujitsu. Parmi la première fournée, le PC-88 sera venu rappeler que les ordinateurs japonais était globalement des machines techniquement très supérieures à leurs homologues occidentaux, comme le prouve ici une réalisation qui n’a plus grand chose à voir avec les versions testées plus haut.

Graphiquement tout d’abord, la résolution est plus haute, c’est beaucoup plus coloré, et ce sentiment tenace que le noir restait – et de très loin – la couleur la plus présente à l’écran appartient désormais au passé. Ce n’est peut-être pas encore du Caravage, mais les extérieurs sont déjà nettement moins abstraits. La lisibilité est également bien meilleure sur les écrans de ville, et les monstres en vectoriels sont désormais remplacés par des sprites en bonne et due forme dans les donjons – les murs demeurant, pour leur part, en mode fil-de-fer. Tant qu’à faire, on gagne également des thèmes musicaux qui n’ont pas grand chose à voir avec les mélodies canoniques de la saga, mais qui correspondent globalement bien à l’ambiance. Bref, l’enrobage est indéniablement meilleur. Il faudra malheureusement composer avec deux défauts : le premier, mineur, étant que l’interface n’a pas bougé d’un iota et qu’elle ne tire toujours aucun parti de la souris, ce qui est un peu dommage. Le deuxième, plus pénalisant, est que le titre n’est bien évidemment disponible qu’en japonais, eu égard à son marché cible, ce qui risque de lui aliéner l’écrasante majorité des joueurs. Une version qui demeure néanmoins clairement dans le haut du panier, mais on lui préfèrera celle sur FM Towns.

NOTE FINALE : 12/20

Premier servi au rang des ordinateurs japonais, le PC-88 délivre une version d’Ultima I qui fait indéniablement partie des plus plaisantes en termes de réalisation, mais qui sera hélas réservée aux joueurs à l’aise avec la langue nippone.

Version PC-98
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeur : Newtopia Planning
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 Décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À peu près au même moment que la version PC-88, Ultima I voyait également le jour sur le successeur de la machine de NEC, à savoir le PC-98. Inutile ici de s’attarder en long en large et en travers sur une version identique à 95% à celle que l’on vient d’aborder, mais on peut néanmoins choisir de s’attarder sur la seule différence notable, à savoir la résolution.

Les graphismes sont ici plus fins que jamais, et le gain qualitatif est particulièrement évident comparé à la version PC-88 (on sent bien que ce sont les graphismes de la version PC-98 qui auront servi de base pour la version PC-88 et non l’inverse). Le reste profitant des mêmes améliorations que sur PC-88 – thèmes musicaux, monstres présentés sous forme de sprites dans les donjons – on tiendrait presque ici la version « ultime » du jeu si elle n’était pas, une nouvelle fois, disponible uniquement en japonais – et surtout si la version FM Towns n’était pas venue offrir la même chose en mieux et en anglais. Une curiosité très sympathique pour les joueurs ayant la chance de parler japonais, néanmoins.

NOTE FINALE : 12/20

Sorte de version de référence d’Ultima I jusqu’à la parution d’Ultima Trilogy sur FM Towns, cette itération PC-98 est à n’en pas douter une des plus plaisantes sur le plan de la réalisation – le contenu, lui, n’ayant pas bougé d’un micron depuis la version Apple II. Dommage qu’elle se réserve une nouvelle fois aux joueurs parlant japonais.

Version MSX
Ultima I : The First Age of Darkness

Développeurs : Super Station Inc. – Desktop Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 1989 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette japonaise testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Débarquée un an après les premières versions publiées au Japon, l’itération MSX d’Ultima I est largement basée sur le portage réalisé pour le PC-88 (et pas sur celui du PC-98, sensiblement supérieur sur le plan de la réalisation). le contenu n’a bien évidemment pas bougé, et la réalisation à peine.

Le jeu s’affiche dans une résolution toujours aussi étrange, mais le gain en couleurs reste appréciable. On constatera que les donjons, une nouvelle fois, sont présentés en 3D vectorielle avec des sprites en guise de monstres, et qu’on peut profiter d’un thème musical pour nous accompagner durant l’aventure. Tout cela est bienvenu, même s’il faudra bien évidemment composer avec un jeu presque intégralement en japonais. Autant dire que l’existence de la version FM Towns – jouable en anglais, elle – prive de fait celle-ci d’une grande partie de son intérêt. À réserver aux curieux.

NOTE FINALE : 12/20

Ultima I sur MSX accomplit l’essentiel, avec un contenu préservé, une jouabilité identique et une réalisation plutôt supérieure à ce qu’on avait pu voir sur les systèmes occidentaux. Malheureusement, le fait qu’elle n’existe qu’en japonais la réservera à un public de niche – autant lui privilégier directement l’itération FM Towns.

Version FM Towns
Ultima Trilogy : I · II · III

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Octobre 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1990, les utilisateurs de FM Towns auront pu découvrir toute la trilogie originale d’Ultima en une seule fois, les trois premiers épisodes n’y ayant jamais été vendus indépendamment comme cela avait été le cas un peu plus tôt pour les autres ordinateurs japonais. L’occasion de profiter des capacités de la machine pour offrir une version sensiblement dépoussiérée sur le plan technique, comme vous pourrez le constater sur l’introduction ci-dessus ainsi que sur les captures d’écran : musique CD, graphismes en haute résolution, on sent tout de suite comme un bond technologique !

La bonne nouvelle, c’est que bien que l’introduction soit en japonais, le jeu, lui, est resté en anglais, et demeure donc parfaitement jouable pour un simple anglophone. La jouabilité n’a d’ailleurs pas changé, en dépit de la reconnaissance de la souris, même s’il y a désormais beaucoup plus d’informations à l’écran, la fenêtre de jeu reprenant l’interface « canonique » ayant été employée du troisième au sixième épisode. On remarquera d’ailleurs que les villes ne sont plus proposées sur un seul écran, mais qu’on peut dorénavant les visiter avec la même vue que le reste du monde. Mine de rien, cette petite refonte technique (très largement empruntée à la version PC-98 pour ce qui est des graphismes) fait un bien fou à un titre qui accusait bien son âge sur le plan visuel et sonore, et rend l’exploration de Sosaria sensiblement plus agréable, en particulier dans les donjons où les murs dessinés et les adversaires désormais clairement représentés sous forme de sprites ont bien plus de personnalité que les couloirs vectoriels directement repris d’Akalabeth ! Seul regret, la présence d’une barre rouge dont la seule fonction semble être de prendre de la place à l’écran, ainsi que d’une barre de titre, soit autant d’espace qui aurait pu être attribué à la fenêtre de jeu. Autant dire que si vous avez un FM Towns à portée de main, il serait dommage de vous priver de cette excellente version.

NOTE FINALE : 12,5/20

Le contenu n’a peut-être pas changé d’un pouce, mais il faut reconnaître que cet Ultima I façon FM Towns bénéficie d’une réalisation technique et de quelques adaptations d’interface qui en font à coup sûr une des versions les plus agréables à parcourir aujourd’hui. Sachant qu’elle est également jouable en anglais, ne faites surtout pas l’impasse dessus si vous avez l’occasion de vous y essayer.

QUELQUES DÉTAILS SUR LA VERSION ORIGINALE

N’ayant pas pu me frotter moi-même à la version Apple II de 1981, elle ne sera pas testée ici. Cependant, j’ai décidé de partager avec vous les quelques informations que j’ai pu trouver sur elle, et qui sont majoritairement issues de la page Ultima Codex – d’où sont également tirés les images de cette version – et que je vous invite à consulter au passage si vous voulez en savoir plus sur la saga – à condition de savoir lire l’anglais. La réalisation graphique de la version de 1981 était encore plus sommaire que celle de 1986 – on comprendra facilement que le remake se soit efforcé d’améliorer les choses dans ce domaine. Le plus frappant étant que strictement rien dans le jeu n’était animé : il faudrait attendre Ultima II pour voir bouger la mer, et Ultima III pour voir bouger les personnages. Le jeu souffre également de quantités de bugs absents du remake de 1986, le plus original étant celui qui modifie la disposition des donjons à chaque fois que vous entrez à l’intérieur. Non, ce n’était pas de la génération procédurale, juste une erreur de code… Notons également que la programmation en BASIC Applesoft du jeu a considérablement compliqué sa conversion vers d’autres systèmes : la version originale n’est compatible ni avec l’Apple IIe, ni avec l’Apple IIc, pas davantage qu’avec l’Apple IIc+ ou avec l’Apple IIgs – des problèmes de code rendent la partie spatiale impossible à gagner.

Version Atari 8 bits
Ultima

Développeur : Sigma Micro Systems
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Novembre 1983
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 48ko

Pour les joueurs qui aimeraient s’approcher au maximum de l’expérience originale sans avoir à dénicher la très rare version Apple II d’Ultima, ce portage sur Atari 8 bits édité par Sierra On-Line en 1983 représente une alternative pertinente. Si le contenu est virtuellement identique à celui du remake de 1986 (à quelques détails près dont le plus marquant est l’absence de monstres errants : l’expérience ne peut passer ici que par la visite des donjons), on pourra ici apprécier une esthétique pour le moins minimaliste : comme on l’a vu, il n’y a ici plus trace de la moindre animation, et on ne peut pas dire qu’on ait l’occasion d’être ébloui par une symphonie de couleurs : si c’est déjà plutôt maussade sur la carte du monde, les donjons et les villes, eux, sont carrément en noir et blanc. La jouabilité, pour sa part, permet de se déplacer avec le joystick en attaquant avec le bouton, tandis que toutes les autres fonctions demeurent sur le clavier. Tout est toujours à sa place, et cette version demeure de toute façon l’unique façon d’expérimenter le jeu sur un Atari 400 ou 800, mais on comprendra aisément qu’elle se réserve aujourd’hui à des nostalgiques ou à des amateurs de pièces de musée.

NOTE FINALE : 11/20

Quitte à aimer le rétro, les vrais amateurs d’antiquités seront heureux de découvrir avec cette version Atari 8 bits d’Ultima une version très proche de l’originale de 1981 sur Apple – jusque dans le choix des (rares) couleurs à l’écran. Ce n’est pas très beau, ça ne bouge pour ainsi dire pas, mais on sent presque la poussière sur la boîte en carton et la texture de la carte en tissu en le lançant. Le pied.