Alien (Mind Games)

Développeur : Mind Games (John Heap)
Éditeur : Argus Press Software Ltd.
Testé sur : ZX SpectrumCommodore 64Amstrad CPC
Le remake : Xenomorph (2022 – Windows)

La licence Alien (jusqu’à 2000) :

  1. Alien (Fox Video Games) (1982)
  2. Alien (Mind Games) (1984)
  3. Aliens : The Computer Game (Activision) (1986)
  4. Aliens : The Computer Game (Software Studios) (1987)
  5. Aliens : Alien 2 (1987)
  6. Aliens (1990)
  7. Alien³ (Probe Software) (1992)
  8. Alien³ (B.I.T.S.) (1993)
  9. Alien³ : The Gun (1993)
  10. Aliens : A Comic Book Adventure (1995)
  11. Alien Trilogy (1996)
  12. Alien : Resurrection (2000)

Version ZX Spectrum

Date de sortie : Novembre 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston ou Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’un des grands drames avec les jeux à licence au fil des âges – en plus d’un problème récurrent de qualité souvent dû à des développements précipités, un logiciel étant généralement censé sortir à peu près en même temps que le film dont il est tiré – était précisément le manque de liant élémentaire entre les deux. Traduit en clair : un jeu à licence est très souvent un jeu abominablement générique sur lequel on plaque l’habillage requis, et à une époque reculée où la réalisation en elle-même était quelque chose de très basique, il arrivait souvent qu’il suffise de changer le titre et la jaquette du jeu pour obtenir un nouveau produit – le cas de Taz sur Atari 2600 devenu… Astérix en Europe simplement en changeant quelques sprites n’étant qu’un des multiples exemples d’une ère où tout semblait décidément plus simple.

Mais du côté du joueur, au-delà de la qualité souvent médiocre mentionnée plus haut, c’était précisément cette incapacité à tirer parti de ce qui faisait réellement le succès d’une licence – son écriture, ses personnages, sa mise en scène, son ambiance… – qui représentait la plus grande frustration, surtout quand le potentiel ludique était évident sur le papier. Quand on ressortait d’un film comme Alien, il était facile d’imaginer le mélange d’angoisse et d’excitation que pouvait représenter une partie de cache-cache avec un prédateur quasi-invulnérable… d’où une déception compréhensible en se retrouvant au final face à un improbable clone de Pac-Man, même si celui-ci était objectivement plutôt réussi. Eh bien, il se trouve que John Heap se sera fait une réflexion du même ordre un jour de 1984, et qu’il aura décidé de faire un jeu s’efforçant de véritablement reprendre les enjeux du film de Ridley Scott. Un nouveau Alien – mais un « vrai », cette fois, en quelque sorte.

Évidemment, les limitations techniques des systèmes de la période ne permettaient pas exactement d’offrir l’immersion d’un Alien : Isolation avant l’heure, alors l’angle choisi aura été un peu plus… stratégique. Le jeu débute après la mort d’un membre d’équipage causée par l’apparition ô combien marquante de ce qui va rapidement devenir le célèbre xénomorphe – un membre qui sera dans les faits choisi au hasard parmi les sept occupants du vaisseau, sans compter l’extraterrestre et le chat – tout ces détails auront d’ailleurs leur importance le moment venu.

La situation est alors critique : le Nostromo, le vaisseau spatial à bord duquel se déroule l’action, est alors en route vers la terre, et tandis que les réserves d’oxygène s’épuisent à grande vitesse, il serait bien évidemment catastrophique que l’astronef arrive à destination et autorise le xénomorphe à aller se dégourdir les jambes à la surface de ce qu’il reste de la planète bleue. Dès lors, deux solutions s’offrent à l’équipe : tuer la créature ou bien, faute d’y parvenir, lancer l’autodestruction du Nostromo et prendre la fuite à bord du Narcissus, la navette de secours, le problème étant que celle-ci ne comporte stupidement que trois places, plus le chat – oui oui, j’insiste, c’est important. Dans les deux cas, l’idée va être de prendre le contrôle de tous les survivants, de les déplacer en temps réel au cœur du vaisseau et de ses trois ponts, de chercher de l’équipement pour faire face à la créature, de prêter une attention toute particulière aux grilles d’aération ouvertes ou au bruits de portes qui s’ouvrent, et de vaincre – ou, à défaut de survivre, voire de se contenter de protéger la terre en faisant sauter le navire avec tout le monde à son bord, xénomorphe compris – la première option étant de très loin celle qui rapporte le plus de points, car oui, au final, on joue toujours pour le score.

L’interface, inhabituellement touffue pour la période, est cependant relativement simple à assimiler : à gauche, un plan figurant une vue aérienne du vaisseau ; à droite, la liste des membres d’équipage, entre lesquels on peut passer d’un simple mouvement de joystick. Une fois l’un d’eux sélectionné, sa position s’affiche sur le plan, avec son portrait en bas à gauche, et une liste d’actions possibles : les lieux vers lesquels il peut se déplacer en haut à droite, les objets qu’il peut emporter (jamais plus de deux) en-dessous, les actions en elles-même en bas à droite, et quelques informations sur son état de santé, son état d’esprit et ce qu’il entend dans la fenêtre en bas.

Car oui, le moral des troupes est géré : un personnage croisant les cadavres mutilés de ses collègues tandis qu’il a le xénomorphe aux trousses risque de ne pas avoir les idées très claires, ce qui signifie qu’il pourra tout simplement refuser d’appliquer vos ordres pour ne faire que ce que lui dicte la panique – le temps de se calmer ou de lui envoyer quelqu’un en soutien… ou de se faire tailler en pièces par le huitième passager (référence au sous-titre français qui, au passage, oublie Jones, le chat. N’oubliez pas le chat). Si passer d’un membre d’équipage à l’autre est assez naturel, le petit problème est que ces charmants voyageurs n’ont pour ainsi dire aucune autonomie et ne feront strictement rien – pas même se défendre – si vous n’êtes pas là pour le leur dire, il va donc falloir opérer à une microgestion permanente qui correspond assez bien à ce qu’on pouvait attendre d’un jeu sur ZX Spectrum en 1984 – mais il faut reconnaître qu’en dépit de son âge, le logiciel a pour lui un nombre assez réjouissant de bonnes idées.

Déjà, il y a la manière de mener le combat contre le xénomorphe en lui-même. La méthode idéale consisterait à amener la créature jusqu’à un des sas latéraux, au pont supérieur, et d’ouvrir ceux-ci pour expédier la bête dans l’espace – c’est faisable, la grande difficulté étant de parvenir à l’attirer jusque là alors que ses actions sont largement imprévisibles. Évidemment, il est également possible de choisir d’aller chercher des armes, mais il ne suffira pas de se promener avec un lance-flammes ou un pistolet laser pour espérer faire jeu égal avec l’Alien, lequel nécessite en général au minimum deux personnes bien équipée en face de lui pour avoir une chance d’être vaincu – le prendre au piège dans un filet étant également un bonus bienvenu.

Mais mieux vaut bien réfléchir à la méthode, car si la créature craint le feu, tout autre forme de dégâts provoquera des projections d’acide… qui pourront non seulement blesser les équipiers présents, mais également endommager le vaisseau ! Car oui, l’un des petits problèmes de la solution la plus évidente – à savoir réunir tout le monde dans la même pièce avec des armes et attendre la foutue bestiole de pied ferme – est qu’en-dehors de la limite d’oxygène qui fait que le temps joue contre vous, rien n’interdit au xénomorphe d’aller baver de l’acide dans le compartiment moteur, et si jamais l’un des réacteurs explose, vous êtes foutu ! Tout comme il peut endommage l’ordinateur central, la navette de sauvetage, ou virtuellement tout l’astronef – bref, il va falloir être proactif.

Et puis ensuite, il y a l’androïde. Dans le film, c’est bien entendu Ash, incarné par l’inoubliable Ian Holm, mais dans le jeu, son identité est décidée aléatoirement… or, cette fichue mécanique va bien évidemment refuser de s’en prendre au xénomorphe, et sachant qu’elle n’est clairement pas votre alliée, il n’est même pas possible de prendre la fuite avant d’être parvenue à l’identifier – ce qui va nécessiter qu’elle vous trahisse au moment le plus critique, c’est à dire à celui où elle devrait être en train de vider son pistolet laser, son lance-flammes ou son harpon sur la créature ! Et une fois identifiée, il faudra encore trouver le moyen de s’en débarrasser – au hasard, en la balançant elle aussi dans le vide spatial pour faire bonne mesure.

La solution de la fuite est d’ailleurs loin d’être évidente à mettre en oeuvre, car non seulement il faudra donc connaître l’identité de l’androïde, mais il faudra aussi obligatoirement… avoir mis la main sur Jones. Le chat. Non, vous ne POUVEZ PAS partir sans lui, et non seulement le petit coquin se ballade partout dans le vaisseau (faisant souvent office de détecteur de mouvement à sa façon, l’animal fuyant le xénomorphe), mais en plus il est particulièrement difficile à attraper – au point de vous pousser à utiliser sur lui le fameux filet qui pourrait pourtant être plus utile sur l’Alien. On notera également la présence d’une salle de cryogénisation qui vous autorise à « congeler » un membre d’équipage, ce qui aura le mérite de ralentir la baisse d’oxygène, en revanche il sera impossible de le décongeler, et l’abandonner n’étant pas une option, la fuite deviendra alors impossible ! Mieux vaudra donc bien réfléchir avant de se résoudre à cette possibilité…

Comme on peut le voir, les possibilités sont nombreuses et les mécanismes vraiment malins – une véritable adaptation comme on ne s’attendait sans doute pas à en voir en 1984. Il est même possible de lancer une partie courte, avec seulement trois membres d’équipage en vie réunis avec des armes dans le cockpit, histoire de composer avec une partie dorénavant centrée sur la navette d’évacuation. Le résultat est certes ambitieux, mais il compose avec son âge : non seulement la réalisation est très spartiate et peine à se montrer réellement immersive, en dépit de ses efforts, mais le fait de jouer en temps réel transforme le contrôle des six membres d’équipage en un véritable numéro de chef d’orchestre – c’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’affronter le xénomorphe à plusieurs, l’action imposant de passer manuellement d’un personnage à l’autre pour donner des ordres en plein combat !

Les stratégies sont finalement d’autant peu nombreuses qu’on n’a aucune réelle prise sur le comportement de l’Alien, et certaines possibilités – comme d’aller ramper dans les conduites d’aération – ne servent pour ainsi dire à rien. Comme beaucoup de jeux de la période, Alien est surtout intéressant à découvrir le temps de comprendre ce qu’on peut et ne peut pas faire – ce qui devrait difficilement prendre plus d’une heure aujourd’hui. C’est une expérience qui a de très nombreuses limites, mais qui a pour elle la force de sa proposition et de l’originalité de celle-ci : on est réellement en train de jouer à Alien, et il est difficile de ne pas cerner le potentiel de la chose – à tel point qu’un remake avec quelques adaptations minimales, notamment en termes d’intelligence artificielle, aura même vu le jour en 2022. Est-ce qu’on s’éclate ? Pas tout-à-fait, non. Est-ce que la rejouabilité est bonne ? Sans doute pas plus de quelques parties. Mais il y a néanmoins quelque chose de suffisamment fascinant dans le principe de jeu pour justifier de s’y essayer au moins une fois, histoire de revivre ces nuits de tension des années 80 à prêter l’oreille au moindre bruit de grille d’aération en train de tomber. C’est aussi cela, le vrai charme des jeux de la période : la place considérable laissée à l’imagination.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :


NOTE FINALE : 11,5/20

Alors qu'on pouvait s'attendre à un petit jeu d'action paresseux – comme un nouveau clone de Pac-Man –, l'Alien de John Heap prend le parti d'offrir une saisissante partie de cache-cache avec le xénomorphe au sein du Nostromo. Il le fait avec les moyens de 1984, ce qui se traduit par une réalisation purement fonctionnelle, une interface un peu encombrante et une courbe d'apprentissage assez longue, mais également avec un nombre surprenant de bonnes idées, la gestion de l'androïde et du chat n'étant pas les moindres. Le résultat demande certes un peu d'investissement pour révéler son plein potentiel et peut se révéler frustrant à cause de la puissance et de la résistance de la créature – mais hé, c'était précisément le concept du film, et il est ici retranscrit de façon intelligente. Si tout le monde n'aura pas la patience ni la curiosité pour composer avec les nombreuses lourdeurs d'un titre qui fait son âge – et préfèrera, de fait, aller voir directement du côté du remake –, les puristes apprécieront la tension et l'exigence de l'expérience. Une vraie curiosité.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une réalisation très spartiate
– Beaucoup de mécanismes obscurs qui nécessiteront de l'expérimentation pour en saisir les tenants et les aboutissants
– Un difficulté particulièrement retorse
– Une interface assez lourde...
– ...qui complique d'autant plus les choses lorsqu'on a besoin de coordonner plusieurs personnages

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Alien sur un écran cathodique :

Version Commodore 64

Développeur : Mind Games (Paul Clansey)
Éditeur : Argus Press Software Ltd.
Date de sortie : Novembre 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Commodore 64C PAL
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Très rapidement porté sur Commodore 64, Alien ne cherche visiblement pas à y transformer l’expérience de la version ZX Spectrum : le contenu et l’interface sont pour ainsi dire identiques, même si on remarque l’inclusion du choix d’un mode de difficulté au lancement d’une partie, ce qui est plutôt bienvenu. L’écran de présentation des symboles et des bruitages, lui, en revanche, a disparu. La réalisation graphique se veut un peu plus colorée que sur ZX Spectrum – certains diront que cela trahit un peu l’ambiance sombre du jeu, mais après tout la version originale affichait déjà des verts et des violets pétants dans son interface. Le jeu m’a paru un chouïa plus lent, ce qui n’est pas forcément un inconvénient lors des phases où l’on doit agir vite pour donner des ordres à plusieurs personnages, et dans l’ensemble on hérite d’un portage bien réalisé qui accomplit exactement ce qu’on lui demande.

NOTE FINALE : 11,5/20

Alien sur Commodore 64 n’aura donné lieu qu’à quelques adaptations cosmétiques minimales – même si l’ajout de plusieurs modes de difficulté est indéniablement un apport bienvenu. Un bon point de départ pour découvrir le jeu, malgré tout, pour ceux qui n’auraient pas envie de se laisser tenter par le remake.

Version Amstrad CPC

Développeur : Mind Games (Garry Hughes)
Éditeur : Amsoft
Date de sortie : Août 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supportd : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dernière étape pour Alien, avec l’arrivée sur CPC quelques mois après les versions ZX Spectrum et Commodore 64. On est pour ainsi dire, comme on pouvait s’y attendre, face à un portage strict de la version ZX Spectrum : l’écran d’introduction signe donc son grand retour tandis que le choix de la difficulté, lui, n’a pas été intégré (ce qui est un peu dommage). Graphiquement, Garry Hughes a fait le choix du Mode 1, offrant une résolution plus élevée au détriment de la palette de couleurs ; c’était le plus censé et cela reste celui qui offre le compromis le plus lisible – cela signifie également qu’il n’y a jamais plus de 4 couleurs à l’écran, mais cela correspond plutôt bien à la sobriété qui convient pour un jeu de ce type. La jouabilité comme la vitesse sont équivalentes à celles observées sur la machine de Sinclair, et l’expérience qui en résulte est donc globalement la même.

NOTE FINALE : 11,5/20

Portage assumé de la version ZX Spectrum – et n’offrant donc pas les quelques très rares altérations de la version Commodore 64 – Alien sur CPC fait le choix d’une réalisation lisible et fonctionnelle, ce qui était sans doute le meilleur à faire. Les joueurs ayant expérimenté les autres versions ne seront pas dépaysés, les autres découvriront un jeu original pour la machine d’Amstrad.

Homeworld

Développeur : Relic Entertainment Inc
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre alternatif : Spaghetti Ball (titre de travail)
Testé sur : PC (Windows 9x)
Figure au sein des compilations :

  • Homeworld Universe (2001 – Windows)
  • 10 Spiele-Hits Vol. 2 (2004 – Windows)

Le remaster du jeu : Homeworld : Remastered Collection (2015 – MacOS, Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows) – Steam.com (MacOS, Windows)

La licence Homeworld (jusqu’à 2000) :

  1. Homeworld (1999)
  2. Homeworld : Cataclysm (2000)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 28 septembre 1999 (Amérique du Nord) – Octobre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 4 (via internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, chinois, espagnol, français, italien, polonais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 200MHz – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 6.1 – API : Direct3D, Glide – Résolutions supportées : de 640×480 à 1600×1200
Configuration sonore : DirectSound3D, Dolby Surround, EAX

Il se sera produit vers la fin des années 90 un événement a priori peu spectaculaire, mais qui pourrait servir à définir à lui seul la transition vers ce qu’on qualifierait de « jeu vidéo moderne » : le moment où les différents genres vidéoludiques auront commencé à sortir de leur case pour devenir de plus en plus perméables entre eux. Certes, dans l’absolu, associer des mécanismes et des gameplays issus de différents genre n’étais pas une nouveauté en soi : on se souvient que des studios comme Cinemaware en avaient fait leur marque de fabrique une décennie plus tôt en mêlant aventure, action et mise en scène – mais le résultat tenait davantage du collage que de l’amalgame et a souvent assez mal vieilli aujourd’hui faute de matière et de cohérence pour lier les éléments entre eux.

Mais voilà que tout à coup, le « jeu d’aventure » n’était plus nécessairement un point-and-click et pouvait se vivre à travers le prisme de l’action, comme dans Flashback ou Tomb Raider, voilà que le scénario et la mise en scène devenaient des éléments centraux même dans des genres où ils avaient jusqu’alors été largement laissés de côté, comme la stratégie : Starcraft offrait une campagne passionnante à suivre avec ses personnages charismatiques et ses retournements plutôt que d’empiler les briefings ; quant à Half-Life, il était la cinématique : le joueur vivait la mise en scène à la première personne en en étant acteur, via des scripts. Et avant qu’on ne commence à glisser des mécanismes de jeu de rôle ou des arbres de compétences un peu partout, le tout premier jeu d’un tout jeune studio baptisé Relic Entertainment sera venu dynamiter, à sa façon, le modèle déjà fermement établi de la stratégie en temps réel. Pas tellement par le biais des mécanismes en eux-mêmes, comme l’avait fait par exemple un Total Annihilation deux ans plus tôt, mais plutôt en étant un peu plus qu’un jeu de stratégie : Homeworld était une expérience. Et celle-ci aura fait beaucoup de bruit à sa sortie.

Tout commence par une découverte : celle, dans le grand désert de la planète Kharak, d’un vaisseau spatial technologiquement avancé visiblement écrasé là depuis des siècles. L’événement aurait déjà été historique s’il n’avait pas été accompagné d’une révélation plus frappante encore : à l’intérieur du vaisseau se trouvait une pierre avec une carte galactique et surtout une inscription dans –votre– langue : « Igaara » : « Mère ».

Rapidement transfigurée par l’idée que Kharak n’est en réalité pas son monde natal, la civilisation du jeu (il est possible de choisir entre deux races qui ne varient que par l’esthétique de leurs unités) se met alors en tête d’utiliser la technologie du voyage hyperspatial ainsi révélée pour bâtir un gigantesque vaisseau-mère dont le rôle sera de rejoindre la lointaine Igaara, à l’autre bout de la galaxie. Le voyage d’inauguration va hélas rapidement tourner court : une funeste découverte va transformer l’expédition en une fuite en avant de la dernière chance, avec rien de moins que la survie de tout votre peuple en équilibre dans la balance. Avec, face à vous, un puissant empire bien déterminé à vous exterminer, et peu d’alliés à espérer. Du moins au début…

Homeworld prend donc le temps d’installer son récit – comme il prendra le temps de le faire vivre via des scènes cinématiques pendant et entre les seize missions du jeu. Le scénario, finalement assez simple, est néanmoins magnifié par un élément qui se révèle dès les premières secondes de jeu : l’atmosphère. Alors que le jeu aurait pu opter pour une ambiance belliqueuse avec des sonorités agressives, il choisit au contraire d’installer ses premiers instants avec les chœurs de l’Agnus Dei de Samuel Barber en fond sonore, installant d’entrée une forme de gravité et de mélancolie qui laissera la place, par la suite, à des mélodies planantes et à des sonorités plus exotiques.

Ce simple détail aide à donner l’impulsion au voyage qui va être le cœur du jeu en lui conférant immédiatement une portée grandiose, comme si le joueur portait avec lui les rêves d’avenir de toute une planète – lesquels ne deviendront que plus lourds à assumer lorsque la tragédie commencera à se mettre en place. Cette immersion est également permise par un autre élément qui n’avait que très peu été utilisé dans la stratégie jusqu’alors : la troisième dimension. Car loin de vivre la partie depuis une vue de dessus, comme un général au-dessus d’une abstraite carte d’état-major, le joueur déplace une caméra directement à l’intérieur de l’espace du jeu, vivant tous les événements à la première personne, pouvant choisir de plonger au cœur des combats ou, au contraire, de prendre la distance nécessaire pour juger de la situation, le tout d’un simple mouvement de la molette de souris. Cette liberté inhabituelle transforme ce qui n’aurait pu être qu’un terrain de jeu abstrait en un cadre formidablement immersif, un univers sans frontière aux dimensions agoraphobes où la menace peut littéralement venir de n’importe où.

C’est d’ailleurs, du côté des mécanismes cette fois, une des rares innovations réelles du jeu : le fait de composer avec un espace en trois dimensions qui signifie qu’une offensive peut également intervenir par au-dessus ou par en-dessous. Très honnêtement, cela n’a que peu d’impact sur les stratégies en elles-mêmes, des détecteurs de proximité ayant tendance à empêcher toute forme d’attaque-surprise, mais cela vient encore ajouter une subtilité supplémentaire à une approche autrement relativement classique (collecte de ressources via des appareils dédiés et construction à votre vaisseau-mère qui fait office de base) avec quelques adaptations.

Ainsi, il n’y a pas de bâtiments à construire à proprement parler puisque toute votre « base » est représentée par le vaisseau-mère, et s’il est possible de faire des recherches pour débloquer de nouvelles technologies – et, à travers elles, de nouvelles unités, depuis les basiques chasseurs jusqu’à de gigantesques croiseurs et à des dispositifs de camouflage ou même des poseurs de mines –, celles-ci sont en fait débloquées au fur-et-à-mesure de la campagne, rendant finalement la progression tout aussi linéaire que dans les autres standards du genre. En revanche, le jeu reprend également une idée déjà employée dans des jeux de stratégie ayant volontairement mis de côté une large partie de l’aspect gestion, comme Warhammer : Dans l’ombre du rat cornu : au lieu de débuter chaque mission avec un effectif et des moyens donnés, vous conservez vos unités et vos ressources d’un niveau à l’autre. Ce qui signifie qu’une mission difficilement remportée peut vous placer dans une situation critique pour la suite de la campagne et vous obliger à la recommencer – voire à retourner plusieurs niveaux en arrière pour vous efforcer de revenir à la tête de forces plus conséquentes. Le jeu a fort heureusement la bonne idée d’offrir une sauvegarde automatique différenciée au début de chaque nouvelle mission, ce qui autorisera même les joueurs distraits à retenter leur chance sans avoir à recommencer la campagne depuis le début.

On appréciera d’ailleurs la grande variété d’options de confort qui permettent de se concentrer sur la stratégie en elle-même en limitant la micro-gestion au minimum.

Vos unités peuvent adopter toute une série de formations leur permettant de se déplacer à la même vitesse, et sachant qu’il est possible de leur donner des ordres précis (escorter ou soigner, par exemple) touchant toute une sélection plutôt qu’un élément isolé, on peut facilement organiser une armée complexe avec des corvettes disposées en escorte autour des bâtiments lourds et des unités d’assistance mobilisées en permanence pour réparer les vaisseaux endommagés sans avoir à passer son temps à transiter d’un groupe à l’autre pour donner des ordres à tout le monde dans le feu de l’action. La jouabilité est merveilleusement efficace et ne donne pas le sentiment de consacrer l’essentiel de son énergie à palier à la stupidité de ses propres troupes comme c’était encore trop souvent le cas dans la stratégie en temps réel jusqu’alors : ici, un peu d’organisation peut faire des miracles et permettre de se concentrer sur la partie intéressante plutôt que de marteler la souris à raisons de deux-cents clics par minute pour espérer prendre son ennemi de vitesse.

Le rythme du jeu est d’ailleurs à la fois la grande force et la grande faiblesse de l’expérience. L’univers, c’est très grand, et s’y déplacer prend beaucoup de temps ; si cela impose un rythme relativement contemplatif qui offre le temps de réfléchir et correspond à merveille à l’ambiance planante et souvent mélancolique de la campagne, on pourra regretter l’absence d’une fonction pour accélérer le passage du temps, particulièrement en fin de mission, lorsque tout ce qu’il reste à faire est d’aller collecter les ressources disponibles – ce que vous aurez tout intérêt à faire, comme on l’a vu, ces ressources risquant de faire toute la différence à la mission suivante –, et qu’il faut parfois attendre une bonne demi-heure pour que vos collecteurs terminent leur moisson !

Un aspect inutilement chronophage qui rend l’expérience multijoueur (contre des humains ou contre l’ordinateur) nettement moins prenante que la campagne, dont le mécanisme de développement sur la durée est précisément l’un des principaux intérêts. Les premières missions peuvent vite se montrer délicates – à cause de la faiblesse de vos forces à ce stade –, et les joueurs les plus adroits sauront tirer avantage des capacités des moindres de leurs unités – à commencer par la faculté de capture des unités adverses des corvettes de récupération, hélas extrêmement fragiles – pour se composer rapidement une armée apte à faire face à n’importe quoi. Et mieux vaudra diversifier ses troupes, sans quoi le programme prendra systématiquement le moyen de vous le faire payer : vous avez une puissante force de destroyers et de frégates ? Ah, dommage, vous tombez sur un vaisseau qui peut prendre le contrôle de toutes les unités lourdes qui passent à sa portée : j’espère que vous avez gardé assez de ressources pour construire une solide flotte de chasseurs et de corvettes ! Ici, une supernova blessera vos unités tant qu’elles ne seront pas à l’abri d’un champ d’astéroïdes. Parfois, ce sera l’épreuve de force pure : l’ennemi déploiera très vite des unités très puissantes, et soit vous aurez les forces nécessaires pour y faire face, soit vous irez vers une défaite cuisante. Et si votre collecteur de ressources est détruit, pas question ici de s’en voir attribuer magiquement un autre : soit vous aurez assez de crédits pour en construire un nouveau (et ces bestiaux coûtent cher !), soit vous en serez quitte pour recharger votre partie tant vos chances de survie viendront d’être réduites à néant… Dans l’ensemble, le jeu n’est néanmoins pas aussi difficile qu’il peut le laisser penser lors des premières parties, et les joueurs prêts à recommencer les missions les plus exigeantes afin de s’assurer de les terminer avec le moins de pertes possible ne devraient pas avoir trop de mal à arriver au terme de l’aventure – et de se voir récompensés par un morceau du groupe de rock alternatif Yes composé spécialement pour l’occasion.

Il en résulte un titre qui parvient à être davantage que la somme de ses parts : Homeworld est certes un très bon jeu de stratégie à peine handicapé par ses quelques longueurs, mais il offre aussi et surtout un point de vue vraiment innovant sur l’immersion du joueur, partie intégrante d’un univers pour lequel on finit fatalement par éprouver une forme d’attachement en dépit de l’absence de réels personnages marquants : le héros, ici, est précisément ce vide intersidéral qui se peuple progressivement de teintes de plus en plus lumineuses et de plus en plus chaudes tandis que l’on approche de la résolution d’une crise dont l’enjeu n’est rien de moins que la survie de tout un peuple face à un génocide.

Homeworld est un titre qui se vit comme se vivaient avant lui Another World ou Half-Life : en ne se sentant jamais extérieur à ce qui est en train de se passer à l’écran. Un accomplissement qui lui aura à la fois valu un plébiscite critique à sa sortie et un accueil suffisamment enthousiaste des joueurs pour initier une licence toujours en vie de nos jours (Homeworld 3, par exemple, ne remonte qu’à 2024), et qui permet au titre de se laisser découvrir, aujourd’hui encore, avec un plaisir certain pour peu que vous adhériez à toute l’expérience. N’hésitez pas à franchir le pas : si la magie opère, vous pourriez pas participer à un voyage dont vous vous souviendrez longtemps.

Vidéo – L’introduction et la première mission du jeu :

Note : Le remaster du jeu proposé à la vente depuis 2015 propose, en plus de la version remasterisée, une version « Classic » permettant théoriquement de reproduire l’expérience originelle parue en 1999. Fuyez-la à tout prix : dans les faits, cette version souffre de gros problèmes d’I.A. qui rendent le jeu proprement injouable, avec des unités qui passent leur temps à se rentrer dedans, des corvettes incapables de ramener les unités capturées jusqu’au vaisseau-mère ou des adversaires kamikazes qui foncent sur votre vaisseau-mère avec des unités lourdes. Les voix françaises en sont également absentes.

NOTE FINALE : 18/20

Homeworld est un jeu de stratégie en temps réel très efficace mettant en place plusieurs mécanismes originaux au fil d'une campagne au long cours qui oblige le joueur à s'organiser sur la durée ; cependant, le réduire à cela revient à échouer à cerner tout ce qui fait l'unicité de son expérience, un peu comme de décrire Another World comme un jeu de plateforme ou Captain Blood comme une simulation d'atterrissage. Le titre de Relic Entertainment repose en effet sur une atmosphère véhiculée par toutes ses composantes, depuis sa musique planante aux accents mélancoliques jusqu'à son rythme volontairement lent, pour mieux figurer ce qu'est l'idée centrale de son propos : un long voyage de retour. Les quelques rares faiblesses du gameplay s'effacent rapidement pour s'engager dans un chemin que Starcraft, a sa façon, avait inauguré un an plus tôt : autant qu'un STR, Homeworld est une aventure, un récit aux accents oniriques chargé d'une émotion particulière qui magnifie son cadre. Le genre de jeu qui gagne a être joué tard le soir, dans le noir, pour se laisser partir dans un univers sans limite afin d'aider un peuple en détresse à survivre à un génocide. Comment refuser ?

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des fins de mission qui peuvent s'éterniser si on prend le temps de collecter les ressources disponibles...
– ...d'autant qu'il n'existe aucune option pour accélérer le passage du temps
– Une campagne sur la durée qui fait qu'il faudra parfois revenir plusieurs niveaux en arrière pour espérer retourner une situation mal engagée

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Homeworld sur un écran cathodique :

Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber

Développeur : Quest Corporation
Éditeur : Nintendo Co., Ltd. (Japon) – Atlus U.S.A., Inc. (Amérique du Nord)
Titre alternatif : オウガバトル64 (graphie japonaise)
Testé sur : Nintendo 64
Disponible sur : Wii, Wii U

La série Ogre Battle (jusqu’à 2000) :

  1. Ogre Battle : The March of the Black Queen (1993)
  2. Ogre Battle Saga : Episode Seven – Tactics Ogre : Let Us Cling Together (1995)
  3. Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber (1999)
  4. Densetsu no Ogre Battle : Zenobia no Ōji (2000)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 14 juillet 1999 (Japon) – 5 octobre 2000 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 328Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La licence Ogre Battle aura décidément suivi une trajectoire aussi sinueuse que la chronologie de ses épisodes. Résumé des faits : après s’être ouverte sur un « Episode V » aux mécanismes fort originaux pour l’époque, la série avait enchaîné avec un « Episode Seven » très différent – mais suffisamment ambitieux dans son approche pour avoir constitué une forme de nouveau jalon au sein de l’histoire, encore balbutiante, du tactical-RPG.

Ce Tactics Ogre ayant rencontré un succès commercial aussi inattendu que confortable (plus de 500.000 exemplaire vendus rien que sur Super Famicom), la suite logique commandait à ce que le futur nouvel opus de la saga s’engage directement sur les traces célébrés de son glorieux prédécesseur. Seulement voilà, le monde vidéoludique a ses courants et ses remous, lui aussi, et il se trouve qu’à peine Tactics Ogre commercialisé, les têtes pensantes derrière le jeu – à commencer par son directeur de projet, Yasumi Matsuno – avaient déjà été débauchées par Square Soft pour aller travailler sur Final Fantasy Tactics, un titre à la filiation si évidente que beaucoup de joueurs le considèrent encore aujourd’hui comme un spin-off de la licence de Quest davantage que comme celui de la licence Final Fantasy. De quoi rendre un nouvel épisode « à la Tactics Ogre » quelque peu redondant, pour ne pas dire vaguement illégitime puisque réalisé sans la participation des concepteurs originaux. C’est pourquoi le studio japonais aura opté pour un choix assez culotté, mais finalement plutôt logique au moment de développer Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber : revenir aux sources et repartir du système de jeu du premier Ogre Battle… en en profitant, au passage, pour lui donner un petit coup de plumeau.

Le récit, cette fois présenté comme un « Episode VI », se déroule donc chronologiquement entre les deux premiers opus de la saga. Le Saint-Empire de Lodis, bien décidé à imposer sa foi au reste du continent, s’est lancé dans une suite de conquêtes militaires avec un succès suffisamment retentissant pour que le royaume voisin de Palatinus préfère déposer les armes plutôt que de se risquer dans un sanglant conflit.

Bien que jouissant en théorie d’un statut autonome avec le roi Procus conservant sa couronne, Palatinus n’est dans les faits qu’un état fantoche soumis aux règles, aux croyances et aux coutumes de Lodis, et c’est avec le soutien du Saint-Empire qu’il est allé « discipliner » les terres méridionales qui ne goûtaient guère aux changements politiques induits par la tutelle impériale. Dix ans plus tard, c’est dans la peau d’un proche ami et chevalier du prince héritier Yumil que commence l’histoire : Magnus (le nom peut être changé) part pour faire ses preuves dans une région perdue en proie aux raids de bandits, afin d’assurer l’ordre et la sécurité. Mais tandis que se dessine les prémices d’une révolution contre l’ordre social et la mainmise de la noblesse, le jeune idéaliste pourrait bien voir ses convictions ébranlées et faire face à une menace encore bien plus importante que les insurgés ou la poigne de fer de Lodis : une nouvelle « bataille ogresque »…

Le jeu s’ouvre, comme les prédécesseurs, sur une série de questions destinées à définir les caractéristiques du personnage principal – mais celles-ci sont dorénavant directement intégrées dans la cérémonie d’intronisation du héros, et par conséquent dans un récit qui occupe une place nettement plus importante que dans le premier Ogre Battle.

Loin de se contenter d’apparaître en filigrane lors des conversations avec les villageois, l’histoire occupe désormais une place centrale via une mise en scène se déroulant entre – et parfois même pendant – les missions du jeu, et le conflit autrefois très abstrait (Ogre Battle) ou, à l’opposé, suffisamment complexe pour en devenir un peu nébuleux (Tactics Ogre) déroule cette fois des enjeux clairs via des péripéties certes assez classiques, mais parfaitement efficaces. On comprend nettement mieux, cette fois, les forces en présence et leurs motivations, et même si la guerre en elle-même demeure fondamentalement manichéenne (il y a toujours un méchant empire qui rêve de pouvoir total), les personnages offrent des perspectives plus nuancées au sein d’un univers où les luttes sociales s’entremêlent aux conflits religieux. Bref, on a à présent réellement envie de connaître la suite de l’histoire et d’apporter une conclusion à une épopée longue d’une quarantaine de batailles – lesquelles semblent avoir intelligemment mis les six années écoulées depuis le développement du premier opus à contribution.

Dans les grandes lignes, le système de jeu est en effet identique, comme on l’a vu, à celui d’Ogre Battle. Seulement, quitte à repartir sur l’ancienne formule, le studio sera admirablement parvenu à corriger une très large partie des diverses maladresses qui pénalisaient l’expérience originale. Par exemple, il n’y a plus de cartes de tarot ni de tirages aléatoire venant influer de façon totalement imprévisible sur votre alignement ; les forces ennemies sont désormais composées d’un nombre donné d’unités plutôt que de réapparaître à la chaîne depuis la forteresse ennemie, ce qui fait que les diverses missions sont devenues nettement moins longues.

Il n’y a plus de villes ni de temples cachés, mais les divers « trésors » secrets (par ailleurs bien plus nombreux) sont dissimulés à des endroits plus logiques à découvrir. Les cartes sont devenues plus petites, il n’y a plus d’affrontements maritimes, certaines missions se déroulent dorénavant à une autre échelle (à l’intérieur d’un château fort), etc. Surtout, les mécanismes les plus obscurs (au hasard, l’alignement) sont ici plus clairement matérialisés, et leurs effets sont nettement moins dramatiques sur le déroulement du récit au sens large (l’alignement ayant surtout un effet sur les diverses classes accessibles aux personnages au sein d’un groupe). Bref, les diverses composantes ont été recentrées, affinées, le rythme est plus soutenu, les causes et les conséquences sont nettement moins opaque : en un mot, on se sent nettement plus aux commandes que dans le premier opus quand bien même le joueur reste, une nouvelle fois, largement spectateur des combats à l’échelle tactique – les seules possibilités d’action étant de déterminer la cible prioritaire, de prendre la fuite ou d’employer des objets magiques nommés « Pedra » qui permettent d’infliger de lourds dégâts mais qui nécessitent une longue durée pour être rechargés. Dans l’ensemble, l’aspect stratégique est davantage mis à contribution par l’apparition impromptue ou scriptée de bataillons ennemis cherchant à prendre vos troupes en embuscade ou à rebours pour aller foncer sur votre base, et laisser votre citadelle sans une ou deux unités puissantes pour la défendre risque d’être une erreur que vous regretterez suffisamment pour ne la commettre qu’une seule fois.

La bonne nouvelle, c’est que tout le potentiel qu’avait laissé entrevoir Ogre Battle en 1993 est enfin matérialisé ici : le plaisir de jeu monte en flèche, et on se retrouve avec un hybride temps réel/tour-par-tour qui a conservé aujourd’hui toute son originalité tout en s’affirmant enfin comme étant accessible et reposant nettement moins sur le hasard. Le fait de ne plus passer l’essentiel des missions à repousser des vagues continues de bataillons adverses pendant deux heures fait assurément énormément de bien à l’expérience, et chercher à pourchasser toutes les unités ennemies pour gagner des objets magiques comme de foncer droit sur la forteresse adverse avec les régiments idoines sont désormais deux options viables.

La réalisation alliant 2D, 3D temps réel et 3D pré-calculée est également très sympathique, se débarrassant de l’aspect assez froid et anguleux des débuts du genre tout en bénéficiant de très beaux effets pour les sortilèges. Au rang des quelques derniers errements, on peut nommer l’apparition d’un système de légion – en substance, une formation composée de plusieurs régiments dont le ratio avantages/contraintes est trop faible pour présenter un réel intérêt – et surtout des quêtes secondaires qui demandent de revisiter méthodiquement – et parfois à des heures ou des dates données – toutes les villes de toutes les régions du jeu pour être découvertes, ce qui est inutilement long, surtout pour un titre qui demande déjà une quarantaine d’heures pour être terminé en ligne droite. Pas de quoi déconseiller, cependant, une cartouche qui conserve un cachet assez unique et qui pourra cette fois susciter le même enthousiasme chez les amateurs de stratégie « light » et chez les fans de jeu de rôle. À l’échelle de la Nintendo 64, c’est un indispensable ; à celle du genre, une référence pas assez connue qui peut facilement être redécouverte aujourd’hui avec énormément de plaisir. De quoi sévèrement regretter que la licence phare de Quest n’ait pas été plus active au cours des vingt-cinq dernières années, car elle serait accueillie à bras ouverts.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Alors qu'on s'attendait ce que la série des Ogre Battle capitalise sur le succès aussi probant qu'inattendu de son deuxième opus, Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber aura finalement fait le choix de revenir aux racines de la licence et au système de jeu du premier opus de la saga. Fort heureusement, ce qui aurait pu apparaître comme un pas en arrière a profité d'une sérieuse réflexion qui lui vaut d'être débarrassé d'à peu près toutes les faiblesses, maladresses et lourdeurs dont souffrait le premier épisode pour livrer une copie irréprochable : histoire prenante, missions mieux rythmées, mécanismes plus clairs, progression moins frustrante – on tient à bien des niveaux la cartouche qu'Ogre Battle ambitionnait d'être, et le résultat est encore plus réjouissant qu'on l'avait imaginé. Cette formule enrichie et peaufinée délivre ce qui reste le meilleur tactical-RPG de la console et un titre qui aurait mérité de faire un peu plus de bruit à sa sortie, ce qui aurait sans doute été plus simple s'il avait eu la bonne idée de sortir en Europe et de bénéficier d'une traduction française. En l'état, on tient un programme apte à réunir aussi bien les fans transis de la licence que ceux qui la trouvaient jusqu'ici un peu répétitive, un peu opaque ou pas assez engageante. Dès l'instant où vous aimez le genre, Ogre Battle 64 ne vous décevra pas.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Quelques missions qui peuvent encore tirer un peu en longueur
– Des phases de « visite » inutilement laborieuses et chronophages qui réserveront les quêtes secondaires aux joueurs les plus dévoués et les plus mordus

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ogre Battle 64 sur un écran cathodique :

Ogre Battle Saga : Episode Seven – Tactics Ogre : Let Us Cling Together

Développeur : Quest Corporation
Éditeur : Quest Corporation
Titres alternatifs : Tactics Ogre : Let Us Cling Together (titre usuel), Ogre Battle Series : Tactics Ogre (PlayStation – Amérique du Nord)
Testé sur : Super FamicomSaturnPlayStation
Disponible sur : New 3DS, Wii, Wii U
Les remakes du jeu :

  • Tactis Ogre : Let Us Cling Together (2010 – PSP)
  • Tactics Ogre : Reborn (2022 – PlayStation 4, PlayStation 5, Switch, Windows)

La série Ogre Battle (jusqu’à 2000) :

  1. Ogre Battle : The March of the Black Queen (1993)
  2. Ogre Battle Saga : Episode Seven – Tactics Ogre : Let Us Cling Together (1995)
  3. Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber (1999)
  4. Densetsu no Ogre Battle : Zenobia no Ōji (2000)

Version Super Famicom

Date de sortie : 6 octobre 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Aeon Genesis, traduction française par Bad Company
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 24Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

« La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à enlever. »

Cette citation attribuée à Antoine de Saint-Exupéry mériterait sans doute d’être placardée aux murs de tous les studios de développement – non pas en tant que règle absolue, mais au moins en tant que rappel salutaire. À une époque où le game design semble de plus en plus se résumer à mélanger anarchiquement tout ce qui fonctionne – un grand verre de monde ouvert, une pincée de jeu de rôle, une grande cuillère d’aventure, un soupçon de rogue-lite, et pourquoi pas un peu d’autobattler et de deckbuilder par-dessus ? – il pourrait en effet être salutaire de se souvenir que s’il suffisait d’empiler les mécanismes pour aboutir au succès garanti, la formule magique aurait été éventée depuis longtemps.

Approfondir un système de jeu qui fonctionne est un processus particulièrement risqué, qui demande généralement beaucoup de réflexion et énormément d’expérimentation sans aucun garantie d’aboutir à quelque chose de plus divertissant – « plus riche » pouvant certes signifier « plus long » et « plus varié », mais pas nécessairement « plus amusant », surtout quand l’accessibilité n’est pas au rendez-vous. Mais lorsque l’opération est bien menée, cela peut parfois aboutir à un véritable jalon à l’échelle d’un genre, à une toute nouvelle façon d’approcher ce qui était considéré comme « acquis », voire même à produire quelque chose de si miraculeusement efficace que rares seront les braves à chercher à s’aventurer directement sur les traces de l’heureux élu – et souvent bien des années plus tard, le temps de digérer le choc. Le deuxième volet de la série des Ogre Battle – d’ailleurs intitulé Tactics Ogre comme pour mieux hurler sa différence – correspond parfaitement à cette seconde catégorie, et c’est un bel exploit.

Première nouveauté dans l’approche : le scénario, on le sait, était rarement un souci majeur dans le domaine de la stratégie au début des années 90 – des séries comme celles des Shining Force auront certes tenté d’accorder davantage de place au récit, mais cela restait souvent une toile de fond ou un fil conducteur qui avait peu de chances de bouleverser le joueur, tandis que des titres à la Command & Conquer semblait plus intéressés par l’impact de la mise en scène que par l’histoire en elle-même.

Tactics Ogre, lui, fait le choix non seulement de s’inscrire dans le lore copieux d’une saga visiblement pensée comme très vaste – comme l’indique l’étrange « Episode Seven » du titre complet, un peu déstabilisant pour un deuxième opus, surtout quand celui-ci fait en plus suite à un « Episode V » (!) – mais surtout de consacrer au récit une place de choix, à tel point que non seulement le joueur pourra être amené à prendre des décisions au fil de l’aventure, mais que celles-ci auront un impact direct sur le déroulement du jeu, au point d’aboutir à trois campagnes distinctes en fonction de son « alignement » : loyal, chaotique, ou neutre. Et non, « chaotique » ne veut pas nécessairement dire « méchant », car l’autre grand intérêt de l’univers de la série, c’est sa complexité – et, à travers elle, sa maturité. La situation des îles Valoria, présentée dans une scène cinématique qui aurait mérité de figurer en début de partie plutôt que d’être perdue au milieu de l’écran-titre, met en jeu de nombreuses puissances, et des notions comme le génocide y sont abordées sans fard. C’est d’ailleurs à une minorité largement opprimée pour avoir eu le front de ne pas se laisser envahir tranquillement qu’appartiennent les trois personnages principaux du jeu, des adolescents à peine sortis de l’enfance et se mettant en tête d’aller attaquer à eux trois les terribles Chevaliers Noirs venus de Lodis afin de venger la mort de leurs parents, survenue lors de la destruction de leur village par les Chevaliers Noirs en question à peine un an plus tôt (ou quelques années plus tôt, selon les traductions). Une quête désespérée qui connait cependant un développement inattendu lorsque les trois « résistants » autoproclamés tombent sur un groupe de mercenaires fuyant le royaume de Zénobia…

Il faudra sans doute un peu s’accrocher pour retenir les très nombreux intervenants d’un conflit qui, on s’en doute, ne va pas mettre longtemps à concerner la totalité des îles de Valoria, et qui ne prend pas toujours le temps de présenter en détails chacun d’entre eux – et les choses ne s’arrangent pas avec le patch français qui, avec tous les émulateurs que j’ai testé, présente un bug qui fait qu’il n’affiche qu’une ligne de texte sur deux lors des phases présentant la carte de l’île pour faire un résumé de la situation ; pas exactement le meilleur moyen de profiter du récit !

Néanmoins, l’histoire est d’autant plus intéressante que le manichéisme y est abandonné au profit d’un univers assez sombre où une guerre laisse nécessairement du sang sur les mains de tous ceux qui y participent – notamment lorsqu’il commence à être question de massacrer des civils un peu trop réticents à l’idée d’être « libérés » par la résistance pour mieux rejoindre ses rangs de gré ou de force, tout en mettant le carnage sur le dos de l’armée adverse… Bref, on se prend au jeu de suivre les retournements de cette espèce de Games of Thrones qui annonce ce qui sera l’un des grands points forts d’un Final Fantasy Tactics largement réalisé par des transfuges de l’équipe de ce Tactics Ogre ; une filiation évidente qui traduit assez bien l’impact qu’aura eu la cartouche au sein du marché japonais pour parvenir à convaincre Square – alors au sommet de sa forme – d’embaucher immédiatement une partie de l’équipe de Quest, à commencer par le chef de projet Yasumi Matsuno et le directeur artistique Hiroshi Minagawa !

Il faut dire qu’on n’a même pas encore abordé le cœur du titre, à savoir le système de jeu en lui-même. Dans l’absolu, Tactics Ogre pourrait être décrit comme un tactical-RPG opposant des forces d’une dizaine de membres qui s’affrontent en duel en tour-par-tour sur un terrain, à la Shining Force ou à la Fire Emblem. Il parvient cependant à y ajouter énormément d’éléments pertinents, dont certains empruntés directement à Ogre Battle, pour parvenir à offrir quelque chose de particulièrement riche sans être inutilement opaque – ce que son prédécesseur ne réussissait pas toujours à accomplir.

Difficile de tenir un catalogue complet sans y consacrer la moitié du test, mais notons malgré tout le fait que l’ordre d’action de chaque combattant est défini par sa vitesse et le poids de son équipement plutôt que de simplement faire agir la totalité des unités de chaque « camp » l’un après l’autre, un système d’équipement particulièrement complet laissant l’occasion d’attribuer jusqu’aux sortilèges en fonction des classes, les classes – justement – qui peuvent être changées dynamiquement entre les missions et dont de nouvelles variations se débloquent au fil de la progression du joueur en fonction de ses performances, de ses caractéristiques et de son alignement, ou encore une gestion du relief (lequel a un impact à la fois sur la portée et la trajectoire des armes à distance, introduisant par exemple la possibilité de se mettre à couvert) qui donne une raison d’être à la superbe réalisation en 3D isométrique du jeu. Car autant le dire, la mastodontesque cartouche de 24Mb (!) en profite pour soigner ses décors et son character design, offrant une variété louable dans les environnements et un luxe de détails comme on avait rarement eu l’occasion d’en voir sur Super Famicom – surtout pour un titre de cette nature. C’est beau, c’est lisible et ça a une personnalité folle – seul petit regret : l’impossibilité de faire pivoter la vue, ce qui dissimule parfois des cases de façon irrévocable sur certaines des cartes du jeu.

Le mieux est qu’on a à peine égratigné ici la surface des possibilités du jeu : les affinités élémentaires qui peuvent avoir un impact à la fois sur le lanceur d’un sort et sur celui qui le reçoit, le système de magie qui demande d’accumuler de la mana au fil d’un combat pour éviter de pouvoir lancer les sorts les plus puissants d’entrée de jeu (sauf à sacrifier un tour à employer un couteux objet servant à gonfler ses réserves de magie), le fait que la plupart des missions reposent sur la défaite du leader des forces adverses plutôt que sur le massacre systématique de tout le régiment ennemi, ce qui ouvre d’intéressantes façons d’inverser un rapport de force défavorable, la possibilité de faire bien plus de dégâts en attaquant un ennemi dans le dos…

Au rang des quelques reproches, on pourra regretter une I.A. qui tend à vous foncer dessus sans trop se poser de questions, quitte à envoyer sa pièce maitresse se faire généreusement tailler en pièces en première ligne, des dégâts modifiés par la différence de niveau entre les unités, ce qui fait qu’une unité de bas niveau ne peut pratiquement rien faire à une unité ayant deux ou trois niveaux de plus qu’elle, d’où une progression par grinding via un mode « entraînement » qui permet de faire progresser gratuitement vos troupes lors de joutes amicales, mais au prix d’une surdose de batailles qu’il est certes possible d’automatiser, mais qui demandent de rester présent pour faire avancer les combats lorsque ceux-ci sont interrompus par les interjections de vos combattants… Il y a aussi le cas des donjons demandant d’enchaîner plusieurs batailles sans vous laisser l’occasion de sauvegarder entre chacune d’entre elles, un mécanisme qui peut vite être pénalisant dans un jeu où il faut attendre un stade très avancé de l’aventure pour que vos soigneurs puissent ressusciter vos troupes tombées au combat – chose qu’ils ne peuvent d’ailleurs faire qu’en cours de bataille, ce qui signifie qu’une unité décédée à la conclusion d’une mission l’est définitivement pour tout le reste du jeu. Et bien évidemment, si cette unité est votre héros, c’est le game over immédiat…

En dépit de ces quelques petites lourdeurs, et de fonctions dont on sent immédiatement qu’elles gagneraient à être approfondies tant leur potentiel est évident (le système de classes, par exemple, sera bien plus abouti dans Final Fantasy Tactics, et bien plus tard dans l’excellent remake Tactics Ogre : Reborn), difficile de ne pas tomber sous le charme d’un titre qui a très bien vieilli et qui demeure un des meilleurs représentants de l’âge d’or du genre.

Même si les néophytes comme les vieux briscards gagneront sans doute à se diriger immédiatement vers le dernier remake, qui a en plus le mérite d’être disponible en français sans avoir à craindre les bugs de la traduction de fans (autrement très correcte en dépit de quelques libertés dans le registre) effectuée par Bad Company, Tactics Ogre reste un monument qu’on peut découvrir avec un plaisir égal et qui aura incontestablement pavé le chemin de références façon Disgaea. Même si le titre est par essence très chronophage et qu’on aurait parfois préféré que la cartouche nous challenge sur le plan de la tactique davantage que sur celle du rapport de force, les joueurs déjà acquis à la cause du tactical-RPG peuvent foncer les yeux fermés et les bras ouverts. Les autres auront sans doute besoin d’un peu de patience, le temps de maîtriser une courbe de progression moins raide qu’elle n’en a l’air, mais dès l’instant où l’on commence à s’intéresser au sort de Valoria, il est quand même difficile de s’arrêter avant d’en avoir vu le bout. Perfectible ? Incontestablement, mais cela n’enlève rien aux mérites d’un jeu qui aura fait date – pour de bonnes raisons.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18/20

À l'échelle du tactical-RPG, Tactics Ogre : Let Us Cling Together est plus qu'une référence, c'est un jalon. Depuis la richesse et la complicité de son scénario jusqu'à la profondeur sans précédent de son système de jeu en passant par une réalisation qui met la Super Famicom – et la plupart de ses concurrents – à genoux, le titre de Quest ébahit à la fois par son ambition et par la maturité de son approche, un peu comme un adulte débarquant dans une cour de bambins. Entre les campagnes « alternatives » dépendant des différents choix du joueur, les nombreuses classes, la possibilité de recruter les ennemis, la gestion du relief et bien d'autres choses encore, la cartouche fait entrer le genre dans une nouvelle ère et ne restera réellement supplantée en la matière que par sa suite « spirituelle », Final Fantasy Tactics, et par des séries nées au siècle suivant. Pour tous les amateurs de stratégie ou de jeux de rôle, un indispensable qui a excellemment vieilli.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un scénario difficile à suivre à cause d'une traduction de fans buguée
– Un donjon final INTERMINABLE qui demande d'enchaîner près d'une dizaine de batailles sans pouvoir sauvegarder
– Un équilibrage trop centré sur le niveau des personnages plutôt que sur leurs caractéristiques

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Tactics Ogre : Let Us Cling Together sur un écran cathodique :

Version Saturn

Développeurs : Riverhill Soft Inc. – Crosstalk Inc.
Éditeur : Riverhill Soft Inc.
Date de sortie : 13 décembre 1996 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Stardust Crusaders
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise patchée en anglais
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou Saturn Backup Memory

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sorti très tardivement sur une Super Famicom dont la suprématie commençait (timidement) à vaciller devant la montée de la génération 32 bits, Tactics Ogre aura assez logiquement décidé d’aller tenter sa chance sur les nouvelles rivales, où sa réalisation n’avait pas vraiment de quoi rougir face à la concurrence. Dans l’absolu, il ne faudra pas attendre de modifications dans le contenu ou les graphismes de ces portages, mais cette version Saturn s’efforce néanmoins d’apporter quelques améliorations bienvenues comparé à la cartouche originale.

Ainsi, la musique a été réenregistrée pour profiter du support CD-ROM, lequel autorise également les conversations clefs du jeu à profiter d’un doublage (en japonais, naturellement, comme le reste du programme). Si les graphismes n’ont pas changé depuis la version 16 bits, ils sont désormais proposés dans une résolution de 320×224 (contre 256×224 sur Super Famicom) qui permet de bénéficier d’une vue plus large ; on prend ! Les objets et les sorts bénéficient également de noms plus longs. À noter que le patch permettant de traduire le jeu en anglais ajoute encore quelques gourmandises à ce menu : une résolution étendue à 352×224, la gestion de la cartouche de RAM de 4Mb pour accélérer les temps de chargement, un mode difficile et quelques options de confort pour ce même mode (comme la possibilité de sauvegarder en cours de bataille). Autant dire une très bonne façon de découvrir un excellent jeu – même si les nouveaux venus préfèreront sans doute aller voir directement du côté de Tactics Ogre : Reborn.

NOTE FINALE : 18,5/20

Portage très sérieux pour Tactis Ogre sur Saturn, qui bénéficie de petites optimisations bienvenues sans altérer en rien l’expérience de jeu originale. Le bilan est encore meilleur avec le patch de traduction de Stardust Crusaders, qui ajoute un mode de difficulté ainsi que quelques options de confort. De quoi découvrir le jeu dans de très bonnes conditions.

Version PlayStation
Ogre Battle Series : Tactics Ogre

Développeur : Kuusoukagaku Corp.
Éditeur : Artdink Corporation (Japon) – Atlus Software Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 25 septembre 1997 (Japon) – 1er mai 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : ASCII Grip, Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sur PlayStation, Tactics Ogre aura dû attendre la fin de l’année 1997 pour bénéficier de son portage – probablement pour surfer sur la sortie de Final Fantasy Tactics quelques mois plus tôt.

On aurait pour l’occasion pu s’attendre aux mêmes optimisations que sur Saturn, mais l’équipe de Kuusoukagaku aura pour l’occasion préféré s’en tenir à l’essentiel : en-dehors de la bande son une nouvelle fois réenregistrée (et avec une qualité plutôt supérieure à celle de la version Saturn – mais uniquement pour l’écran-titre, car après cela c’est le processeur sonore de la console qui prend le relais), ce portage est fondamentalement un pur décalque de la version cartouche, avec une résolution bloquée en 256×240 (ce qui signifiera deux grandes bandes noires pour encadrer la fenêtre de jeu en 256×224, résolution native de la Super Famicom). Oubliez également les voix digitalisées, et l’expérience s’alourdit même de temps de chargement dus au lecteur CD-ROM. Et pour parfaire le tableau, la version américaine du jeu souffre d’un bug qui peut corrompre les données de sauvegarde de toute la carte mémoire utilisée pour sauver la partie ! Autant dire un portage minimal dont le seul avantage, à la sortie, était d’être la seule version disponible en anglais. Ce n’est plus vrai de nos jours, ce qui rend cette version PlayStation d’autant plus dispensable.

NOTE FINALE : 17,5/20

Bilan pas très reluisant pour Tactics Ogre sur PlayStation : non seulement cette version n’apporte strictement rien comparé à celle parue sur Super Famicom deux ans plus tôt, mais elle se permet en plus de dégrader l’expérience via des temps de chargement à rallonge et un bug très problématique sur la version américaine. Quitte à jouer en anglais – voire en français –, lancez plutôt les remakes.

Blitzkrieg May 1940

Développeur : Ken Wright
Éditeur : Impressions Games
Testé sur : AmigaAtari ST

Version Amiga

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Versions disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique supporté : OCS/ECS

Quand on y pense, un jeu de stratégie est un fameux exercice de game design. Il consiste, la plupart du temps, à placer le joueur dans un rôle qui n’existe tout simplement pas : celui d’une espèce de généralissime qui aurait un contrôle absolu sur la totalité de ses troupes, souvent sur des millions d’hommes, au point de décider du positionnement individuel de chaque division, quand ce n’est pas carrément de chaque régiment ou brigade.

Et pour parfaire le tableau, on le laisse même parfois décider d’une partie des aspects logistiques et économiques, les séries plus récentes à la Hearts of Iron allant même jusqu’à lui demander de s’impliquer dans les décisions politiques et scientifiques – un programme hallucinant, d’une complexité délirante, et qui peut facilement transformer n’importe quelle simulation en une usine à gaz inaccessible demandant de gérer des centaines de facteurs à la fois. Nombreux auront donc été les titres se proposant de rendre les wargames un peu plus accessibles, avec des fortunes diverses. Parmi les plus oubliés du lot, il convient de nommer la collection dite « Plato » chez Impressions Games, qui a proposé entre 1989 et 1990 de nombreux titres plus ou moins stratégiques (Emperor of the Mines, Feudal Lords, Rorke’s Drift, The Final Conflict…) ayant largement échoué à marquer les esprits. Le dernier se sera nommé Blitzkrieg May 1940, et à en juger par son approche de la guerre moderne, on peut comprendre que pratiquement personne ne se souvienne de son existence aujourd’hui.

Pour ce qui est de l’accessibilité, on ne peut pas dire que le titre fasse de gros efforts au premier abord pour accueillir le joueur. Pas d’introduction, même pas un écran-titre, le titre s’ouvre sur un menu austère qui le divise officiellement en deux programmes – en fait, simplement la sélection d’un des deux camps du conflit : « Blitzkrieg » place le joueur aux commandes de la Wehrmacht spécifiquement lors que la campagne de mai 1940 prenant place sur un front s’étendant du Nord Pas-de-Calais aux Ardennes, en englobant la Belgique (mais pas les Pays-Bas, qui faisaient pourtant partie des cibles de l’offensive lancée par le IIIème Reich le 10 mai 1940, ne me demandez pas pourquoi).

« May 1940 », pour sa part, correspond exactement au même théâtre d’opération, mais cette fois du côté des alliés. Les objectifs ne sont jamais mentionnés clairement dans le jeu : on se doute qu’il s’agit d’aller le plus loin possible (jusqu’à Paris ?) pour les Allemands, et de les retarder au maximum (pendant combien de temps ?) pour les alliés, malheureusement le manuel du jeu étant devenu à peu près aussi rare que ses copies (le titre n’a pas exactement fait un carton planétaire à sa sortie), il faudra accepter de composer avec un certain flou dans ce domaine. De toute façon, l’idée est claire : progresser les plus vite possible pour un camp, multiplier les façons de casser le « fer de lance » de la progression adverse de l’autre.

Pour ce faire, le joueur n’a pas directement accès au contrôle des troupes. En fait, le front est divisé de chaque côté en une quinzaine de corps d’armées, et l’action du joueur se limite à donner des instructions consistant à indiquer une position, à « tracer » virtuellement une ligne de front en positionnant le flanc gauche, le flanc droit et le centre d’un corps, et à indiquer si le corps en question devra lancer un assaut, se retrancher, ou bien s’il est laissé libre de choisir de lui-même l’attitude à adopter.

Une fois les ordres donnés, le joueur laisse alors les commandes au programme (ou plutôt à ses généraux) qui s’efforcent d’appliquer ses instructions au mieux, avant de laisser l’adversaire effectuer son tour de jeu et de recommencer. Le problème, comme on peut l’imaginer, c’est que non seulement les possibilités stratégiques ne sont pas immenses – il s’agit, du côté allié, de s’efforcer de dessiner un front continu tandis que la Wehrmacht, elle, aura tout intérêt à concentrer un maximum de ses forces en un point pour foncer tout droit et faire voler en éclats le front en question – mais qu’en plus, elles sont soumises à l’exécution de vos généraux, lesquels ont souvent une façon très personnelle d’interpréter des décisions se limitant pourtant à placer correctement des troupes sur une grille. Donc, non seulement le joueur n’a pratiquement aucun autre pouvoir que de bouger des pions sans une réelle prise sur les affrontements, mais en plus même cette partie n’est déjà pas bien faite. Ça commence très fort.

Certes, l’interface est relativement claire, et il faudra difficilement plus de dix minutes pour maîtriser les très maigres possibilités du jeu. La vraie question se dessinant rapidement étant « mais le jeu, justement, où est-il ? » parce que passer cinq minutes à donner des instructions très limitées, puis dix minutes à regarder vos généraux les appliquer n’importe comment, sur le papier, ce n’est déjà pas très emballant.

Dans les faits, c’est même encore pire, car non seulement la carte est hideuse et n’offre pratiquement rien à voir et strictement rien à entendre, mais en plus, on ne peut que grincer des dents à lire la boîte du jeu s’épancher sur l’aspect révolutionnaire du « blitzkrieg » et son impact sur la guerre moderne… alors que le programme, lui, offre virtuellement les possibilités de la première guerre mondiale ! Passe encore, par exemple, que la marine ne soit pas gérée – il se passait deux ou trois petites choses sur la Manche, demandez aux dunkerquois, mais on peut encore comprendre que cet aspect soit assez logiquement mis de côté. En revanche, ne proposer absolument aucune gestion de l’aviation dans un conflit où elle a joué un rôle central (« Si nous perdons la guerre dans les airs, nous perdons la guerre. Et nous la perdrons vite » disait Montgomery), ça commence à faire beaucoup pour une « simulation » qui commence à ressembler à une partie de Risk en moins jouable ! Le terrain ? Aucun effet non plus : les blindés comme l’infanterie franchissent les fleuves comme on traverse la rue. Quant aux fortifications, on ne peut connaître leur position qu’à partir du moment où nos troupes les abandonnent. Malin…

Pour ne rien arranger, non seulement on n’a aucune prise sur des secteurs comme le ravitaillement – il est théoriquement géré, mais dans les faits c’est purement cosmétique – mais en plus le programme semble décidé à ce que n’importe quelle unité allemande, quel que soit son opposant, fasse systématiquement deux à quatre fois plus de dégâts que son vis-à-vis.

Sachant que les troupes allemandes sont deux fois plus nombreuses (en négation totale de la réalité historique, au passage), autant dire que la partie ira vite en jouant du côté de l’Axe ! Quant au côté allié, le joueur prenant les commandes en mai 1940, il n’a bien évidemment aucune latitude pour repositionner ses troupes et réorganiser sa défense, et vu qu’il n’a même pas accès aux forces de la Ligne Maginot, après s’être demandé où est le jeu, on en vient à se demander où est la stratégie ! Autant dire qu’au bout d’un quart d’heure, on éteint le programme en soupirant et en comprenant mieux pourquoi cette fameuse gamme « Plato » a été totalement oubliée. La stratégie est une chose trop sérieuse pour la confier à des développeurs – surtout quand ils n’ont visiblement aucune idée de ce qu’ils font.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 07,5/20

Dans le domaine de la stratégie « à l'ancienne », on comprend assez rapidement pourquoi Blitzkrieg May 1940 n'a pas exactement marqué les esprits à sa sortie. Proposant une approche extrêmement basique se limitant à déplacer les éléments d'une ligne de front, le titre de Plato parvient certes à présenter les choses via une interface relativement accessible, mais au prix d'une réalisation datée, d'une lenteur pachidermique et surtout d'une absence totale de profondeur. Concevoir une simulation de la seconde guerre mondiale dite « réaliste » en tirant un trait total sur l'aviation, voilà qui était osé ! D'un bout à l'autre de la partie, on n'a jamais le sentiment d'avoir une prise sur quoi que ce soit faute de données pertinentes, et après vingt minutes passées à regarder des unités se déplacer toutes seules sur une carte hideuse, on se demande s'il y a vraiment un jeu derrière cette simulation poussive, ultra-limitée et peu réaliste. Mieux vaut retourner jouer à Panzer General.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une présentation minimaliste où il n'y a pas grand chose à voir...
– ...et la plupart du temps, hélas, pas grand chose à faire
– Aucune gestion de l'aviation !
– Des objectifs peu clairs

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blitzkrieg May 1940 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Blitzkrieg 1940 (sic) ne séduira pas les wargamers confirmés, mais c’est le programme idéal pour ceux qui désirent s’initier au genre sans trop se prendre la tête. La présentation du terrain d’opération est très claire, le mode de contrôle est simple et la notice n’est pas trop épaisse. Un programme intéressant et très accessible. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 13/20

Version Atari ST

Développeur : Plato
Éditeur : Impressions Games
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Comme 99% des jeux parus sur Amiga en 1990, Blitzkrieg May 1940 aura eu droit à son portage sur Atari ST. Et comme pour une très large portion des jeux parus sur Amiga cette même année, il s’avère que ce portage est un clone en bonne et due forme… avec une nuance inexplicable, cependant, puisque pour une raison quelconque il est strictement impossible d’incarner le côté allié dans cette version ! Sachant que, comme on l’a vu, l’axe est certainement le camp le moins intéressant à incarner dans ce jeu (massez vos troupes, foncez tout droit), on se retrouve face à une version qui parvient à être encore inférieure à celle disponible sur Amiga. Bel exploit.

NOTE FINALE : 07/20

Quitte à adapter un jeu de stratégie moche et ultra-limité, autant en profiter pour sabrer la moitié de son contenu : c’était apparemment l’idée derrière ce Blitzkrieg May 1940 à la sauce Atari ST, qui parvient à offrir encore moins de choses qu’une version Amiga déjà très pauvre en la matière. Sans doute pas le jeu de stratégie à posséder sur la machine.

Ogre Battle : The March of the Black Queen

Développeur : Quest Corporation
Éditeur : Quest Corporation (Japon) – Enix America Corporation (Amérique du Nord)
Titre original : 伝説のオウガバトル Ogre Battle : The Battle Saga – Episode Five : The March of the Black Queen (Japon)
Titre alternatif : Ogre Battle : Limited Edition – The Battle Saga – Episode Five : The March of the Black Queen (PlayStation – Amérique du Nord), Ogre Battle : La Marche de la Reine Noire (écran-titre – traduction française par Génération IX), Ogre Battle : Limited Edition (écran-titre – PlayStation, Amérique du Nord)
Testé sur : SNESPlayStationSaturn
Disponible sur : New 3DS, Wii, Wii U

La série Ogre Battle (jusqu’à 2000) :

  1. Ogre Battle : The March of the Black Queen (1993)
  2. Ogre Battle Saga : Episode Seven – Tactics Ogre : Let Us Cling Together (1995)
  3. Ogre Battle 64 : Person of Lordly Caliber (1999)
  4. Densetsu no Ogre Battle : Zenobia no Ōji (2000)

Version SNES

Date de sortie : 12 mars 1993 (Japon) – Mai 1995 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Génération IX
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il est très difficile, a posteriori, de déterminer avec précision ce que représentait précisément l’Europe aux yeux des sociétés japonaises avant l’émergence de la PlayStation, mais l’expression consacrée reste souvent « troisième roue du carrosse », derrière le Japon et les États-Unis. Si les explications, au demeurant très rationnelles, sont assez nombreuses (mosaïque de marchés divers aux attentes différentes, jusqu’à une quarantaine de langues à couvrir en cas de localisation, promotion elle aussi compliquée par la barrière des langues…), il est plus difficile de déterminer pourquoi il existe deux catégories de jeux en particulier dont le vieux continent aura été particulièrement sevré : les J-RPG et les jeux de stratégie.

Jamais boudés pour les jeux de combat ou les jeux de sport, les européens étaient-ils donc perçus comme des bas du front incapables d’apprécier les choses de l’esprit pour avoir parfois dû attendre des décennies pour accueillir enfin des licences majeures vendues par dizaines de millions d’unités sur le reste de la planète ? N’est-il pas extraordinaire que l’Europe ait dû attendre 2006, soit un moratoire de vingt ans et de sept épisodes, pour accueillir enfin un épisode de la série des Dragon Quest ? Qu’elle ait dû attendre dix ans pour connaître un Final Fantasy ? Et encore, ces deux immenses sagas ne sont pas les plus à plaindre : la licence pourtant révérée des Ogre Battle aura pour sa part dû patienter pas moins de vingt-neuf ans pour pouvoir enfin profiter… d’un remake de son deuxième opus, Tactis Ogre : Reborn. Entretemps, même des monuments à la Final Fantasy Tactics auront fait l’impasse sur l’Europe pendant des années. Cas d’école avec le premier opus de la série majeure de Quest, Ogre Battle : commercialisé pour la première fois en 1993, le titre attends toujours, pour sa part, le privilège d’une distribution officielle en Europe…

Ogre Battle : The March of the Black Queen s’ouvre un peu comme la saga STAR WARS : en commençant par le milieu. Comme l’indique clairement l’introduction, la série de Quest débute crânement par son cinquième épisode et par une histoire de magicien fou ayant conspiré avec une impératrice des hautes-terres pour envahir les quatre royaumes environnants afin de créer un empire totalitaire et maléfique. Pour le coup, l’inspiration vient peut-être moins de George Lucas que… du deuxième album de Queen, celui intégrant un morceau nommé Ogre Battle et un autre appelé The March of the Black Queen. Hé, il y a pire, comme inspiration, non ?

Toujours est-il que le lore et le scénario qui vont rapidement faire une partie de la réputation de la licence demeurent sensiblement en retrait ici, où personne ne devrait être bouleversé par le parcours de l’armée de libération qui va se mettre en tête de reprendre ses terres et d’aller botter pour de bon le séant du vil magicien et du pantin qu’il a installé sur le trône. Une quête d’une trentaine de missions qui s’ouvrira par la création de votre personnage via un tirage de cartes de tarot et une suite de questions qui ne sont pas sans rappeler la saga des Ultima (et qui décideront d’une partie de ses caractéristiques ainsi que des fameuses cartes qui seront en sa possession en début de partie), et qui prendront pour l’occasion une forme assez inhabituelle pour le genre du tactical-RPG : celui d’un jeu de stratégie… en temps réel. Pour la plus grande partie.

Les premières missions serviront de didacticiel, mais le principe de départ est relativement simple : chaque carte dispose d’un château ennemi clairement identifié dans lequel se trouvera un boss qui sera systématiquement l’objectif du niveau, ainsi que d’une base de départ d’où s’élanceront toutes les unités du joueur – et qui devra être défendue à n’importe quel prix, naturellement, sa prise par l’ennemi signifiant la défaite immédiate. Sur la carte sont dispersées des villes, qui représenteront non seulement une excellente source de revenus quotidiens pour payer vos troupes, lesquelles sont des divisions constituées de trois à cinq unités aux classes et aux compétences diverses (chevaliers, magiciens, clercs, amazones, mais aussi des monstres tels que des géants, des griffons ou de poulpes) mais représenteront également des points très importants à tenir en ce qu’elles permettent aux unités stationnées à l’intérieur de se soigner.

Les temples, pour leur part, ne délivrent aucun tribut, mais offrent une capacité au moins aussi importante : celle de ressusciter les unités tombées au combat. Chaque capture de ville ou de temple s’accompagne du tirage d’une carte de tarot – laquelle vous délivrera un bonus (ou un malus) de caractéristique dès son tirage, avant de pouvoir être utilisée une unique fois lors des affrontements où elle pourra soit endommager l’ennemi, soit apporter divers buffs et debuffs – ainsi que d’une discussion avec les habitants du cru, lesquels partageront parfois avec vous des indices, voire des objets, voire carrément de nouveaux généraux pour venir grossir vos rangs. En cas de rencontre avec une unité ennemi, un combat prend immanquablement place, lequel se déroulera alors… au tour-par-tour, et automatiquement – comprendre : avec très peu d’interaction du joueur, lequel pourra simplement choisir la stratégie globale (à quel type d’adversaire donner la priorité) ou tirer les cartes de tarot pour rattraper une situation mal engagée. Pour tout le reste, ce seront uniquement la puissance de ses troupes, leur placement et leurs capacités qui décideront du sort de la rencontre.

Sur le papier, l’idée va donc être de parvenir à se frayer un chemin jusqu’aux positions adverses tout en vous efforçant de protéger les vôtres, ce qui passe souvent par un pur rapport de force se limitant à créer une ligne de défense pérenne et à massacrer tout ce qui viendra se fracasser contre elle jusqu’à ce que le réservoir de troupes ennemies se soit tari – ce qui peut prendre énormément de temps, les missions les plus avancées pouvant largement s’étirer sur plus d’une heure, voire deux.

Il peut donc être tentant de chercher à accélérer les choses en manœuvrant pour foncer sur la base adverse et en s’assurant bien qu’aucune division ennemie ne parvienne à se faufiler derrière vos lignes pour faire la même chose, mais cela reviendrait à rater un autre aspect important du jeu : l’exploration. En effet, de nombreuses villes et temples sont dissimulées sur la carte, ainsi que des trésors qui viendront grossir votre inventaire (armes, armures, objets de soin…), et non seulement un joueur aura tout à gagner à envoyer une unité rapide (au hasard : une unité volante) en découvrir un maximum, mais cela pourra même souvent aboutir à la rencontre avec des personnages importants qui pourront se joindre à vous, voire changer complètement le cours de la guerre et les possibilités d’une mission. Autant se faire à l’idée : si vous avez envie de voir la meilleure fin du jeu, mieux vaudra être méthodique – et très patient.

Car l’issue du jeu peut prendre de nombreuses formes, lesquelles seront impactées par des mécanismes assez complexes qui risquent de pousser les plus perfectionnistes à recommencer de nombreuses parties le temps de les assimiler. Par exemple, la réputation générale de votre armée est représentée par une jauge située en haut à droite de l’écran : de nombreux personnages ne se joindront à vous – voire n’accepteront de vous parler – qu’à condition qu’elle soit suffisamment haute. Cette jauge augmente lors de la capture de villes ou de temples ou en tirant certaines cartes, mais chute (généralement assez vite) si l’ennemi vient à recapturer une ville ou un temple libéré, si vous tirez une mauvaise carte ou si vous mettez trop de temps à finir une mission.

Jusqu’ici, les choses sont encore relativement simples, mais c’est là qu’intervient l’alignement ; celui peut être bas ou haut, et peut avoir un impact dramatique sur votre réputation : pour maintenir celle-ci au beau fixe, il est ainsi très important que les villes soient libérées par des unités à l’alignement élevé. Le petit problème, c’est que l’alignement d’une division change très vite, et d’une façon très basique : via les affrontements. Si une unité bat un ennemi d’un niveau plus élevé que le sien, son alignement grimpe, mais si elle tue une unité plus faible, son alignement dégringole, et souvent à vitesse grand V ! Le problème se dessine alors assez vite : dans un jeu où on a tout à gagner à avoir des unités très puissantes servant de fer de lance, il faut s’abstenir de leur faire libérer des villes, sous peine de quoi votre réputation va s’effondrer – et bon courage pour la faire remonter ensuite. La tentation de créer un héros très puissant capable de charger en première ligne est ici, de manière contre-intuitive, à proscrire à tout prix : faites cela et vous êtes à peu près assuré de foncer vers la mauvaise fin en ayant raté une part importante des possibilités du jeu à cause de votre réputation détestable ! Sachant que l’alignement a également un effet sur les promotions accessibles à vos unités, ou que vient encore s’y surajouter une valeur de commandement, on peut vite se retrouver un peu dépassé au moment de comprendre comment faire progresser son armée dans la direction souhaitée.

Cet aspect obligeant à organiser ses troupes en fonction de leur alignement – et en prenant bien garde à toujours garder un œil sur l’évolution de celui-ci – peut être d’autant plus pénalisant que, comme on l’a vu, la chance a également sa part à jouer dans votre réputation (via les tirages de cartes). Pour donner une idée de la complexité de la chose, il est normalement possible, dès la troisième mission du jeu, de recruter le boss plutôt que de le vaincre à condition d’accomplir une certaine série d’actions et d’avoir une réputation suffisamment élevée. Sur le papier, c’est assez simple à un stade aussi peu avancé du jeu, mais en une dizaine de tentatives (c’est à dire en recommençant le jeu depuis le début à chaque fois), je ne serai tout simplement JAMAIS parvenu à avoir la réputation nécessaire pour recruter ce personnage !

Sachant que les missions peuvent être très longues, comme on l’a vu, qu’il est impossible de sauvegarder au cours de l’une d’entre elles, et qu’il faudra souvent re-visiter des régions déjà libérées pour espérer découvrir les possibilités les mieux cachées du jeu, autant dire qu’Ogre Battle peut être un titre à la fois frustrant et atrocement chronophage… et pas toujours pour les bonnes raisons. C’est un titre où la stratégie n’a finalement qu’assez peu d’importance : il est tout à fait possible de déployer toutes ses unités sur la base de départ et d’attendre que l’ennemi vienne s’y fracasser avant de libérer toute la carte une fois les forces ennemies annihilées – ce sera juste très long. Et sachant que les combats en eux-mêmes se jouent sur la composition des divisions et non sur les actes du joueur (et pour cause, à part tirer une carte de temps à autre, celui-ci ne fait que regarder ce qui se passe), autant dire que les amateurs de wargames ou de STR à la Command & Conquer risquent de ne pas forcément y trouver leur compte. Ceux qui seront prêt à consacrer beaucoup de temps au programme, en revanche, pourront découvrir une cartouche très addictive où il y a énormément de choses à faire et à découvrir – même si l’aspect militaire, pour sa part, ne se renouvèle guère d’une mission à l’autre. Les joueurs pressés, pour leur part, risquent de vite s’énerver devant la durée d’une bataille, surtout pour découvrir que leurs efforts ne leur auront apporté qu’une conclusion en demi-teinte pour ne pas avoir voulu mettre leur nez partout, revisiter les régions et assimiler des mécanismes inutilement complexes et jamais vraiment explicités. Autant dire une cartouche qui ne fera jamais tout à fait l’unanimité… mais qui risque en revanche de se montrer particulièrement prenante dès l’instant où on adhère à la philosophie de l’ensemble. Accordez-lui une heure, et vous réaliserez peut-être que vous êtes conquis au point de rempiler pour trente heures supplémentaires. Intrigué ? La saga Ogre Battle n’a toujours pas de réel équivalent à l’heure actuelle, et elle n’attend que vous. Ce serait quand même dommage de se priver.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 15/20

La grande force d'Ogre Battle : The March of the Black Queen est de rester une proposition profondément originale, même plus de trente ans après sa sortie : un mélange de tactical-RPG et de stratégie en temps réel bien réalisé et doté d'une véritable profondeur. Si l'amalgame des genres est assez réussi et parvient à fournir une approche accessible, la cartouche souffre parfois précisément de son statut « expérimental » : entre une narration en retrait où le joueur peine à s'intéresser aux enjeux, un aspect stratégique finalement très basique, des combats où le joueur est purement spectateur, des missions qui tirent en longueur et quelques mécanismes inutilement complexes pour ce qu'ils apportent, le jeu peut certes se montrer addictif mais aussi inutilement chronophage, et même les joueurs les plus impliqués devront être prêts à recommencer de nombreuses parties pour espérer approcher les meilleures fins de l'aventure. Un peu maladroit, parfois frustrant, le titre de Quest est néanmoins suffisamment efficace pour pouvoir mériter qu'on lui consacre la trentaine d'heures (et plus si affinités) qu'il exige pour être vaincu – mais les véritables fans de stratégie jugeront sans doute qu'il lui manque encore un petit quelque chose.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des missions qui deviennent vite extrêmement longues, et au cours desquelles on ne peut pas sauvegarder
– Des combats où la participation du joueur se résume 99% du temps à regarder
– Un aspect stratégique finalement très limité...
– ...et rendu inutilement complexe par des mécanismes qui n'apportent pas grand chose (la réputation, l'alignement)

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ogre Battle : The March of The Black Queen sur un écran cathodique :

Version PlayStation
Ogre Battle : Limited Edition – The Battle Saga – Episode Five : The March of the Black Queen

Développeur : Artdink Corporation
Éditeur : Artdink Corporation (Japon) – Atlus Software Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 27 septembre 1996 (Japon) – 6 août 1997 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : ASCII Grip V One-Handed Controller, joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (2 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme plusieurs autres J-RPG de l’ère 16 bits, Ogre Battle aura tenté un come back sur la génération suivante histoire de voir si le vaste public qui s’était jeté sur la nouvelle génération de consoles n’était pas devenu encore plus réceptif au genre. On aurait pu penser qu’Artdink en profiterait pour mettre en valeur les capacités techniques de la console – avec, au hasard, une carte en 3D polygonale – mais on hérite finalement d’une version graphiquement assez proche de celle parue sur SNES, en un peu plus fin et un peu plus coloré (et un peu plus fluide), mais rien de bouleversant.

On notera quand même quelques modifications : chaque mission est désormais introduite par un pavé de texte visant à offrir un peu de contexte et d’enjeux, ce qui est plutôt une bonne chose, les thèmes musicaux ont été remixés, les combats sont présentés d’une façon plus vivante, avec des zooms, des défilements et des effets plus travaillés. Du côté du gameplay, on constate que les unités ont tendance à favoriser des routes plus directes… ce qui impacte également les stratégies adverses, les ennemis n’employant plus les mêmes routes que dans la version originale. Mais en-dehors de ces quelques nuances, on reste face au même jeu offrant les mêmes possibilités avec les mêmes forces et les mêmes faiblesses. Un moyen comme un autre de découvrir le jeu avec un tout petit peu plus de « polish », d’autant que cette version a l’avantage d’être disponible en anglais.

NOTE FINALE : 15/20

À quelques petites retouches près, Ogre Battle : Limited Edition offre exactement l’expérience disponible sur SNES tout en rehaussant subtilement la réalisation et en introduisant quelques légères variations de gameplay. Rien de suffisant pour convertir ceux qui étaient hermétiques au titre de base, mais une version au moins aussi agréable à parcourir que la version originale.

Version Saturn
Densetsu no Ogre Battle – Ogre Battle Saga – Episode Five : The March of the Black Queen

Développeur : Riverhillsoft Co., Ltd.
Éditeur : Riverhillsoft Co., Ltd.
Date de sortie : 1er novembre 1996 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Japonais, traduction anglaise par Stardust Crusaders
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par Saturn Backup Memory

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Petite surprise : avec deux portages du même jeu parus à seulement trois jours d’écart, on aurait pu penser que les version PlayStation et Saturn d’Ogre Battle avaient été développées en parallèle et par la même équipe… sauf que pour le coup, c’est cette fois Riverhillsoft, et non Artdink, qui hérite du bébé, et qui opère pour le coup des choix différents !

Globalement, on sent surtout un effort pour offrir une présentation moins austère : on retrouve les textes introductifs de la version PlayStation ainsi que les thèmes musicaux remasterisés, mais les unités sont désormais affichées en couleurs sur la carte du monde et lors des divers tableaux récapitulatif ; les gains de caractéristiques sont clairement affichés à l’issue d’un combat (on voit que telle unité a gagné en charisme pour avoir vaincu le boss, par exemple), un compteur de jours a fait son apparition sous la jauge de réputation pour savoir à partir de quel moment celle-ci va commencer à descendre si le joueur tarde trop et les divers échanges bénéficient dorénavant d’un doublage intégral ! En revanche, les combats ne profitent pas ici des mêmes effets visuels que sur PlayStation – ce sont, à peu de chose près, exactement les mêmes que sur Super Nintendo. Choisir entre les deux versions 32 bits pourrait donc être une simple question d’affinités, mais cette itération intègre également une autre nouveauté appréciable : cinq scénarios exclusifs qui viennent grossir encore une durée de vie déjà solide.

NOTE FINALE : 15,5/20

On s’attendait à un bête calque de la version PlayStation, mais Densetsu no Ogre Battle débarque sur Saturn avec ses propres arguments, lesquels ne procurent pas nécessairement une réalisation beaucoup plus spectaculaire (même si les voix sont les bienvenues) mais une approche plus lisible et globalement un peu plus confortable. La présence d’un peu de contenu additionnel pourrait également faire pencher la balance pour le joueurs désireux de découvrir le titre aujourd’hui.

ShockWave (Light Source Productions)

Développeur : Light Source Productions
Éditeur : Digital Magic Software Ltd.
Testé sur : Amiga

Version Amiga

Date de sortie : Septembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a toujours quelque chose de fascinant à commencer à s’éloigner des grandes autoroutes du retrogaming pour se glisser dans les chemins de campagne – plus accidentés et moins confortables, certes mais aussi plus pittoresques. Sorti des grands noms et des grands titres qui ont façonné le jeu vidéo – et il y a déjà matière à s’occuper pour un sacré bout de temps – on redécouvre parfois, en explorant avec curiosité les innombrables logiciels méconnus programmés par des obscurs et souvent disparus dans les méandres de l’oubli bien avant de s’être vus accorder une réelle chance, une sensation que les chemins balisés de la connaissance en sont venus à nous faire oublier : la surprise.

Et puis il y a sans doute des millions d’histoires en sommeil, derrière ces noms qui ne disent plus rien à personne : qui saura nous parler de Light Source Productions, des trois jeux que ce studio quasi-inconnu aura eu le temps de programmer lors de ses deux années d’existence ? Qui se souvient de Sci-Fi et de Narcissus, petits programmes oubliés chacun développés par une seule personne ? Qui se dévouera pour nous parler ShockWave, de loin leur titre le plus ambitieux – mais aussi et surtout leur dernier, avant que les membres de l’équipe ne s’en aille convoler de leur côté, la plupart du temps pour mener une belle et longue carrière qui se poursuit encore aujourd’hui ? Allez, pour la peine, je m’y colle. ShockWave, c’est ce jeu qui aurait pu être une sorte d’OVNI éminemment sympathique à la Carrier Command ou à la Herzog Zwei, et qui au final n’aura pas été grand chose tant la sentence de toute la presse spécialisée de l’époque semblait sempiternellement être la même : « Pas mal, mais… ». « Mais » quoi, au juste ?

Le scénario, comme souvent, n’a aucune importance : au XXIIe siècle, la Terre est menacée par l’attaque de coloniaux pas très contents qui ont décidé de concentrer toutes leurs attaques sur une seule ville – qui est également, coup de bol, celle autour de laquelle l’humanité a placé toutes ses défenses… c’est à dire principalement vous et votre petit vaisseau. Pas moins de dix vagues ennemies s’apprêtent à frapper depuis des stations orbitales, et c’est donc à vous que va échoir la responsabilité de protéger tout le monde. Jusqu’ici, rien de franchement neuf.

Ceci dit, la (seule) vraie originalité du jeu provient du fait qu’on ne va pour une fois pas se contenter de vous demander d’aller détruire toute l’armée adverse à vous tout seul. Non, la population du futur étant visiblement trop occupée à jouer aux jeux vidéo pour s’intéresser à son avenir, c’est également à vous que va revenir de gérer… tout l’aspect économique de la défense. En effet, votre survie va dépendre de la protection des quatre secteurs qui entourent la ville : au nord-ouest, l’océan abrite les réserves de pétrole qui viendront fournir le carburant à votre astronef ; au nord-est, vos précieuses mines vous fourniront le nerf de la guerre – l’argent qui vous permettra d’acheter tout le reste ; au sud-est, les usines se chargeront de développer votre armement, et le sud-ouest abritera les camps militaires qui pourront produire les troupes qui vous aideront à retarder l’invasion adverse. Il va donc falloir profiter des moments d’accalmie entre les assauts pour décider quoi construire et dans quel ordre afin de ne jamais vous retrouver démuni face à l’opposition toujours plus puissante qui ne manquera pas de vous refaire le coup des forces de Vega comme si vous étiez le premier Goldorak venu. Tiens, en y réfléchissant, ça aurait été une superbe idée de licence intelligemment utilisée… tant pis.

L’action en elle-même va se diviser en deux phases. Tout d’abord, le centre de commande vous placera face à la carte de la région entourant votre ville, avec les quatre secteurs et leurs ressources. Un bouton « Wait » vous permettra de faire avancer le temps (car oui, cette partie se déroule en tour-par-tour), vous permettant d’accumuler de l’argent que vous serez ensuite libre d’investir dans les installations précitées : plus vous avez de mines, plus vous gagnez d’argent ; plus vous avez de plateformes pétrolières, plus vite vos réserves de carburant se reconstituent, etc. L’ennemi ne va bien évidemment pas tarder à s’inviter dans l’équation, massant ses forces dans les différents secteurs, et sachant que lorsqu’une zone est occupée à plus de 50%, vos précieux bâtiments vont commencer à se faire détruire, il faudra rapidement se décider à aller agir sur le terrain.

Un bref détour par l’armurerie vous permettra de constater que l’armement et les défenses de votre vaisseau s’améliorent en fonction du temps et du nombre d’usines à votre disposition (vous n’en avez aucune au début de la partie), puis vous grimpez dans votre vaisseau, et vous vous retrouvez alors… dans une scène d’action en simili-3D à la Space Harrier ou à la After Burner. À ce stade, on sent immédiatement que les programmeurs du jeu avaient envie de démontrer qu’ils n’étaient pas des manches, et c’est plutôt réussi : c’est coloré, la palette du ciel et des décors s’adapte en fonction de l’heure de la journée, ça va vite, c’est fluide, la vue se penche lorsque le vaisseau pivote et il n’y a pas l’ombre d’un clignotement à l’écran. De quoi donner une bonne leçon aux conversions sur Amiga des deux titres susnommés ! La musique n’est pas en reste, le très efficace thème de l’écran-titre jouissant aujourd’hui encore d’une grande popularité au sein de la scène Amiga. Quant à la jouabilité, elle se limite à déplacer un curseur à la souris, qui décidera à la fois de votre visée et du déplacement de votre vaisseau ; le choix des armes comme l’activation de divers pouvoirs secondaires (camouflage et vision nocturne) étant à aller chercher sur le clavier. L’objectif est simple : détruire un certain nombre d’appareils ennemis, figuré en bas de l’écran, avant d’arriver à court de carburant – et sans se faire détruire, naturellement. Il arrivera également que des missions spéciales vous fassent piloter un appareil chargé explosif jusqu’au bout d’une tranchée à la Star Wars en temps limité – là encore, la réalisation fait particulièrement mouche pour un titre de 1990.

Mais alors, qu’est-ce qui a bien pu manquer à ce ShockWave pour faire sensation ? En résumé, deux choses : de la matière, et de l’équilibrage. La partie gestion est simplissime, ce qui signifie aussi qu’elle finit par casser un peu le rythme tant on passe l’essentiel de son temps à cliquer pour passer au tour suivant. Pour donner une idée, vous commencez la partie avec une unique mine qui vous fournit 10.000 crédits par tour. Le premier réflexe serait donc d’en construire une deuxième afin d’augmenter vos revenus, sauf qu’une simple mine coûte… 240.000 crédits. Oui, ça fait déjà 24 tours de jeux. Une usine ? 180.000. Des forces additionnelles ? 260.000 ! Autant dire qu’il faut énormément de temps avant de pouvoir faire quoi que ce soit, et qu’à chaque tour où vous attendez d’accumuler assez d’argent, les forces ennemies avancent…

Ce rythme (très) mal maîtrisé entraîne un deuxième problème : avec une séquence d’action tous les quinze ou vingt tours en début de partie, et sans doute tous les cinq ou six ensuite, les parties ne tardent pas à être longues. Non seulement passer une heure à enchaîner les deux mêmes séquences finit fatalement par se montrer répétitif, mais en plus, il est totalement impossible de sauvegarder, ce qui signifie que tout devra obligatoirement être fait d’une traite… ce qui nous amène au dernier problème : l’équilibrage. Comme on l’a vu, les phases d’action vont à l’essentiel : aucun moyen de gérer sa vitesse, tout se fait avec la souris. Ce qui signifie également que chaque fois que vous promenez le curseur dans la moitié inférieure de l’écran – au hasard, pour viser les troupes au sol – votre vaisseau plonge… vous exposant ainsi à percuter un arbre, un rocher ou un bâtiment comme il en défile des dizaines à la seconde. Problème : une collision vient endommager votre bouclier, lequel n’a que six points de vie. Si votre vaisseau est détruit, vous avez perdu : game over direct, aucun continue ! Et le pire ? Votre bouclier n’est pas rechargé automatiquement entre les missions et vos ingénieurs mettent un temps infini, même avec quatre ou cinq usines, pour vous proposer de le recharger ! Autant dire que pour survivre plus de dix minutes, il vous faudra déjà pas mal d’entraînement…

Le problème, c’est que le gameplay à la Space Harrier est précisément l’un de ceux qui survit le moins bien à la répétition en boucle et sur la durée des mêmes séquences. C’est amusant cinq minutes – et c’était sans doute techniquement impressionnant à l’époque – mais on ne peut pas dire que ça se renouvelle beaucoup, et quand en plus la marge d’erreur est aussi ténue, le déroulement aussi punitif et l’action aussi peu variée, on ne peut s’empêcher de penser que les développeurs ont naïvement tenté d’étirer sur une heure de jeu un concept qui, en l’état, à de quoi tenir dix minutes.

Le plus frustrant est de se dire qu’avec un peu plus de profondeur – des séquences d’action un peu plus techniques, une phase de gestion plus aboutie –, il y aurait eu matière à aboutir en peu de temps à un concept vraiment prenant sur la durée et qui aurait eu le mérite d’être demeuré relativement original même avec trente-cinq ans de recul. Las ! Comme trop souvent sur Amiga, on a davantage affaire à une démo technique trop rapidement repeinte en jeu, et ce qui aurait pu être un logiciel marquant n’est finalement qu’un C.V. pour codeurs et artistes en quête d’un C.D.I. dans un plus gros studio. Reste un logiciel qui a son charme et auquel on peut se surprendre à consacrer plus de temps que ce qu’on avait prévu… mais cela ira quand même rarement au-delà d’une heure de votre vie – et encore, à condition d’être patient. Telle était trop souvent la condition de l’amateur de jeux d’action, en 1990…

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20

ShockWave est un cas d'école d'un bon concept porté par une bonne réalisation et plombé à la fois par un équilibrage déficient et par un manque total de profondeur. Sur le papier, le mélange entre gestion, stratégie et action a tout pour bien fonctionner : les mécanismes sont simples, les objectifs sont clairs, les séquence s'enchainent sans (trop de) temps morts. Seulement voilà : quand la partie gestion se limite pour l'essentiel à passer 95% de son temps à cliquer sur « Wait » et que la partie action est essentiellement un clone de Space Harrier à la jouabilité imparfaite, on sent rapidement qu'on a fait le tour de la question – surtout quand la difficulté empêche d'étirer plus de quelques minutes des parties qui exigeraient des heures, et où il est impossible de sauvegarder. C'est d'autant plus dommage qu'il ne manquait vraiment pas grand chose au titre de Light Source Productions pour se montrer addictif et s'en aller rejoindre des Carrier Command au panthéon des jeux visionnaires, mais il ne reste au final qu'un petit logiciel oubliable. Frustrant.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– De très longues parties où il est impossible de sauvegarder
– Des séquences d'action bien réalisées mais beaucoup trop limitées...
– ...tout comme les séquences de gestion où l'on a finalement très peu de décisions à prendre

Bonus – Ce à quoi peut ressembler ShockWave sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les softs basés sur un mélange entre réflexion et shoot-them-up sont rarement une réussite, mais pour une fois la recette fonctionne. On passe d’une phase à l’autre avec beaucoup de naturel et cette alternance relance sans cesse l’intérêt de jeu. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 14/20

M1 Tank Platoon 2

Développeur : MicroProse Software, Inc.
Éditeurs : Interplay Entertainment Corp. – MicroProse Software, Inc.
Titre original : M1 Tank Platoon II (Amérique du Nord)
Titre alternatif : M1 Tank Platoon II : The Definitive Simulation of Modern Ground Warfare (titre avec slogan – Amérique du Nord)
Testé sur : PC (Windows 9x)
Présent au sein des compilations : Modern Warfare Collection (Windows) The M1 Tank Platoon Collection (Windows)
En vente sur : Gog.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série M1 Tank Platoon (jusqu’à 2000) :

  1. M1 Tank Platoon (1989)
  2. M1 Tank Platoon 2 (1998)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 24 mars 1998
Nombre de joueurs : 1 à 5 (par câble null-modem ou par réseau local) – 1 à 2 (par modem)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version 1.2 dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s) – DirectX : 5.0
Configuration graphique : API : Glide – Résolution : 640×480

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On ne mesure plus forcément aujourd’hui à quel point neuf années représentaient, au XXe siècle, une éternité difficilement concevable en termes vidéoludiques. Pour donner une idée – et pour coller pleinement à notre sujet du jour –, au moment de la sortie de M1 Tank Platoon sur PC, fin 1989, le VGA était encore un standard si marginal qu’on pouvait difficilement le qualifier comme tel, les cartes sons constituaient un luxe réservé à des joueurs particulièrement fortunés, et une configuration de pointe consistait en un ordinateur doté d’un processeur à 12Mhz et doté de 640ko de RAM, lequel coûtait l’équivalent d’un mois de salaire d’un cadre – autant dire que les joueurs capables d’y jouer avec toutes les options graphiques et sonores et les détails à fond dans des conditions décentes ne devaient alors pas se chiffrer en dizaines de milliers.

Neuf ans plus tard, donc, au moment de l’arrivée de M1 Tank Platoon 2, une configuration « moyenne » (et bien moins chère que celle évoquée plus haut) consistait en un Pentium cadencé à 200Mhz avec 32 ou 64Mo de RAM, des capacités sonores infiniment supérieures dès la sortie d’usine et une carte accélératrice 3D capable de rivaliser avec ce qu’affichaient des bornes d’arcade à la pointe de la technologie. Et le jeu en lui-même nécessitait un CD-ROM de 640Mo de données là où son prédécesseur tenait sur une unique disquette 3,5″ d’1,44Mo… Autant dire que les attentes des joueurs, de leur côté, avaient suivi une évolution comparable à celle de leur matériel, que ce soit en termes d’ergonomie, d’accessibilité ou de réalisation, et que cette suite à l’un des meilleurs simulateurs des années 80 allait devoir sortir la grosse artillerie pour ne pas ternir la réputation de son glorieux prédécesseur.

Comme toutes les simulations militaires, M1 Tank Platoon 2 s’ouvre sur deux minutes de vidéos que je qualifierais personnellement d’ « army porn » en vous déballant des images probablement directement récupérées de la guerre du Golfe avec des beaux tanks qui brillent et qui roulent à fond de train, des gros canons qui déchargent, des carcasses et de la fumée (ne manquent que le sang et les larmes) sans rien qui puisse évoquer une bribe de géopolitique – quand on pilote des tanks, c’est quand même avant tout pour détruire des trucs, maintien de la paix ou pas ! Le programme n’a pas changé depuis le premier opus : prendre le contrôle d’un (ou plusieurs) pelotons de quatre tanks M1 Abrams, et le(s) mener à la victoire.

Néanmoins, on commencera par constater que le menu a pris en épaisseur, avec l’inclusion d’un didacticiel très complet couvrant à peu près tous les secteurs du jeu (mais en vous laissant quand même le soin d’aller chercher les touches dans le manuel), des missions solos réparties sur deux fronts (une zone dite « OTAN » qui correspond peu ou prou au même conflit européen que celui du premier opus, et une zone moyen-orientale qui permettra de rejouer l’opération « Tempête du désert » sans le dire), une campagne couvrant les deux zones, et même – nouveauté bienvenue – un mode multijoueur par modem ou en réseau local ! Néanmoins, autant vous prévenir : les standards dans le domaine ayant eu le temps de beaucoup changer en vingt-cinq ans, plus question d’espérer faire fonctionner ce mode avec la version dématérialisée configurée pour tourner sous Windows 7 et supérieur à l’heure actuelle. Vous pourrez d’ailleurs également tirer un trait sur l’accélération graphique : bien que les standards Direct 3D et Glide soient reconnus (et fonctionnels, ironiquement), la partie plantera systématiquement à sa conclusion, vous empêchant d’accéder au débriefing de fin (et d’espérer mener la campagne). Pour avoir le droit à des textures lissées et autres petites gourmandises de l’époque, il faudra mettre les mains dans le cambouis et avoir recours à une machine virtuelle – comme cela aura été le cas pour une large partie des captures d’écran de ce test.

Car autant le dire : neuf ans plus tard, la réalisation est la première à hurler à quel point elle a changé. Les tanks ressemblent enfin à des tanks, les fantassins sont désormais visibles (et déployables) plutôt que d’être cantonnés à des transports de troupes blindés, et même si les reliefs sont encore un peu décevants, on a droit à des zones bien plus étendues où l’on peut voir bien plus loin avec beaucoup plus d’unités engagées, et on ne va pas s’en plaindre – d’autant que la résolution native en 640×480 permet enfin aux cibles ennemies d’avoir une petite chance de ressembler à autre chose qu’à un unique pixel de couleur dès l’instant où elles se trouvent à plus de 200 mètres.

Évidemment, difficile d’être impressionné par de la 3D de 1998, mais l’aire de jeu est tout de suite moins abstraite – même s’il faudra, une nouvelle fois, s’attendre à passer beaucoup de temps sur la carte d’état-major, et pour cause : la dimension stratégique, elle aussi, est toujours de la partie. Elle a même pris un peu de galon, car l’explosion de la puissance des machines permet aussi et surtout de gérer beaucoup plus d’unités qu’auparavant, et il n’est désormais pas rare d’avoir quatre ou cinq pelotons simultanés sous ses ordres, sans même compter les unités de soutien de type artillerie ou hélicoptères d’assaut. Si prendre le temps de contrôler indépendamment chaque unité de chaque peloton est toujours possible, on a désormais assez d’unités sous ses ordres pour commencer à planifier à un niveau plus vaste, et la bonne vieille méthode consistant à aller cacher quatre tanks chacun derrière une colline différente pour déclencher une embuscade au bon moment n’est dorénavant plus la seule façon d’espérer transformer votre infériorité numérique en triomphe.

Les cartes ne sont plus générées aléatoirement, mais cela signifie également qu’il s’y passe beaucoup plus de choses, et qui faudra souvent être prêt à conserver un peloton savamment en retrait pour aller couper la route à d’éventuels renforts adverses, ou envoyer vos véhicules légers foncer à fond de train vers les positions adverses afin de servir d’éclaireur pour vos appuis feu.

L’adversaire ayant généralement accès aux mêmes possibilités, mieux vaudra éviter de rester sagement immobile en attendant d’acquérir des informations, car c’est souvent le meilleur moyen de se réveiller sous un barrage d’artillerie – bref, il faudra se montrer réactif et s’adapter en temps réel, quitte à savoir sauver les unités qu’il vous reste en cas d’inéluctable défaite, car une nouvelle fois vos hommes gagnent en expérience et il est toujours fâcheux de voir un groupe d’élite finir en un tas de tôle fumant pour avoir voulu charger sabre au clair sur des positions ennemies qui semblaient mal défendues – et qui ne l’étaient pas. On prend heureusement assez vite ses marques, l’interface n’étant pas très différente de celle du premier épisode, et même si les différents outils à votre disposition risquent d’exiger un long passage par le manuel afin d’en saisir toute la substantifique moelle, on peut néanmoins acquérir l’essentiel des connaissances nécessaires en trois ou quatre parties et même obtenir de très bons résultats de cette manière.

Il y a donc un sentiment de « la même chose en mieux » qui se dégage du titre, même si cela n’est pas forcément aussi flatteur qu’il n’y paraît : le jeu est peut-être plus beau, plus grand et plus riche qu’auparavant, mais l’expérience de jeu demeure relativement semblable – avec quelques subtilités en plus tant au niveau de la simulation qu’à celui de la stratégie, mais rien qui transcende fondamentalement ce qu’on avait déjà pu connaître avec un M1 Tank Platoon qui avait su viser juste avec ce qu’il avait à disposition.

C’est vraiment la même chose remise au goût du jour, mais sauf à transformer le programme en un véritable jeu de stratégie permettant de diriger toute une armée, on n’était déjà pas arrivé très loin du plafond de verre avec le premier épisode, et cette suite n’est finalement que son évolution logique – ni plus, ni moins. L’aspect le plus frustrant reste la quasi-impossibilité d’accéder au multijoueur, qui aurait sans doute dû consister l’apport le plus emballant de tous, sur une configuration moderne – et fait d’autant plus regretter qu’il n’y ait pas, à l’heure actuelle, un M1 Tank Platoon 3, 4 ou 12 pour profiter de la technologie de 2024. Mais cela a au moins le mérite de conserver à ce deuxième épisode une certaine fraîcheur qui fait qu’on peut le relancer ou le découvrir aujourd’hui avec un plaisir intact.

Vidéo – Une mission du jeu : Medina Ridge :

NOTE FINALE : 17/20

M1 Tank Platoon 2 n'est pas juste une excellente occasion de mesurer le chemin parcouru par le jeu vidéo en neuf ans, c'est aussi une très bonne suite à l'un des simulateurs les plus marquants des années 80. Au menu : une réalisation mise au goût du jour, bien sûr, mais aussi et surtout un contenu bien plus conséquent, des possibilités étendues, un aspect stratégique plus riche, et même la possibilité d'affronter d'autres joueurs. Une nouvelle fois, le mélange des genres fonctionne à merveille, même si les fans de simulation regretteront le peu de nouveautés dans le maniement des tanks tandis que les fans de stratégie auraient sans doute souhaité encore plus d'unités à contrôler. Reste une très bonne manière de composer avec des missions intéressantes via une interface pas trop complexe, et de ravir les fans du premier opus tout en convertissant les nouveaux venus.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une accélération 3D inexploitable dans l'édition commerciale tournant sous Windows 10...
– ...tout comme le multijoueur
– Quelques bugs jamais corrigés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler M1 Tank Platoon 2 sur un écran cathodique :

M1 Tank Platoon

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Titre alternatif : M1 Tank Platoon : The Definitive Simulation of Armoured Land Combat (titre avec slogan)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STPC-98
Présent au sein des compilations : Allied Forces (PC), Hits for Six : Volume Four (PC), The M1 Tank Platoon Collection (Windows)
Disponible sur : Linux, Macintosh, Windows
En vente sur : Gog.com (Windows), Steam.com (Linux, Macintosh, Windows)

La série M1 Tank Platoon (jusqu’à 2000) :

  1. M1 Tank Platoon (1989)
  2. M1 Tank Platoon 2 (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1* – RAM : 384ko** – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster
Système de protection de copie par consultation du manuel
*PC/MS-DOS 5.0 pour la version CD-ROM
**640ko pour la version CD-ROM

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Lorsqu’on prend le temps d’y réfléchir cinq minutes, on réalise que la plupart des simulations guerrières à avoir été commercialisées avaient quelque chose de fondamentalement absurde. En-dehors des inévitables limitations techniques qui auront longtemps mis de côté certains aspects précis, comme le climat où une gestion réaliste de la gravité et de l’inertie, et sans même parler de l’inanité de prétendre reproduire les caractéristiques d’appareils militaires dont la simple existence était parfois sujette à caution (pas vrai, Project Stealth Fighter ?), le gros problème était surtout de proposer au joueur de contrôler un appareil seul, fut-ce un jet, un hélicoptère ou un sous-marin, et de lui demander de croire que celui-ci pouvait effectivement changer le cours de la guerre à lui tout seul.

Dans des opérations engageant souvent des centaines, sinon des milliers de véhicules et d’hommes, la vérité est qu’une « simulation » aurait dû nous demander d’incarner un minuscule rouage dans une gigantesque machine, et qu’aucune mission dite « réaliste » ne devrait se résumer à notre auguste personne opposée à une division entière de l’armée adverse. Seulement voilà : simuler une unité est déjà complexe, exigeant et dramatiquement gourmand en ressources processeurs, alors deux armées sur une ligne de front de plusieurs dizaines de kilomètres… Néanmoins, on aura commencé à voir apparaître à la fin des années 80 des programmes ayant réalisé qu’une simulation militaire impliquait nécessairement une forme de gestion tactique engageant quelque chose de plus large qu’un unique appareil, et l’un des premiers était M1 Tank Platoon.

Comme son nom l’indique, le titre de MPS Labs entend vous placer, non dans un tank, mais bien à la tête d’un peloton composé de quatre d’entre eux. Des missions d’entrainements organisées contre des cibles statiques, puis mobiles, et finalement capables de répliquer laisseront l’occasion de découvrir les différents mécanismes en douceur – ce qui est un très bon point pour un jeu de 1989 tenant sur une unique disquette 3,5″.

Le contenu est d’ailleurs particulièrement généreux en dépit de cette contrainte : une fois votre escouade formée (cela va au-delà du fait de lui donner un nom, car les seize hommes qui la composent gagneront tous de l’expérience entre les missions – à condition d’avoir survécu, naturellement), le jeu ouvre l’accès à des missions d’entrainements, donc, à différents types d’affrontements standards (allant de l’assaut rapide sur des troupes en fuite jusqu’à endosser le rôle des fuyards désorganisés, avec toutes les étapes intermédiaires en position d’attaquant ou de défenseur) et à une campagne mettant en scène, année de publication oblige, un inévitable assaut soviétique mené par les troupes du Pacte de Varsovie. À noter d’ailleurs que dans la compilation Allied Forces de 1990, le jeu était vendu avec un patch remplaçant les plaines verdoyantes par des déserts de sable afin de coller à l’actualité de la guerre du Golfe !

C’était d’ailleurs l’un des grands avantages de la 3D de 1989 : changer un décor ne demandait jamais que de modifier une couleur. On a donc ici un beau vert pour figurer l’Allemagne, du blanc pour les steppes enneigées de l’U.R.S.S., et du noir pour les missions de nuit – car oui, celles-ci sont également gérées. Les cartes du jeu font toute la même taille, mais elles sont à chaque fois composées aléatoirement en fonction de « blocs » et en incluant tout ce qu’on pouvait s’attendre à y trouver : des rivières, quelques bâtiments, des routes, des ponts, et surtout des collines qui s’avèreront très précieuses à la fois comme couverts et comme postes de tir offrant une vue imprenable sur les environs.

L’occasion, au passage, de se pencher sur la carte du jeu où vous allez passer beaucoup de temps, et pour cause : c’est de là que vous pourrez donner vos ordres à vos unités… en temps réel, déjà, trois ans avant Dune II – énième rappel que le titre de Westwood n’avait pas « inventé » le concept en lui-même. La liste des possibilités est affichée à droite de l’écran, avec les raccourcis clavier, et vous permettra de dire à vos tanks quand ouvrir le feu, à quelle vitesse se déplacer et dans quel type de formation – car, par défaut, votre peloton se déplace de manière coordonnée. néanmoins, comme on peut s’en douter, les stratèges en herbe auront tout intérêt à déplacer les quatre tanks indépendamment, condition de base pour espérer composer des manœuvres comme une prise en tenaille. Et histoire de leur donner raison, il arrive fréquemment que le programme laisse également l’opportunité de donner des ordres à d’autres types d’escouades que vos blindés, comme un appui aérien ou une section d’artillerie, histoire de peaufiner encore un peu la manière d’aborder un ennemi irrémédiablement supérieur en nombre.

Quoi qu’il en soit, le jeu restant un simulateur, il sera possible à n’importe quel moment d’aller occuper le poste de n’importe quel homme à l’intérieur d’un de vos tanks, et de passer d’un véhicule à l’autre d’une simple pression de la touche F10. Le char d’assaut M1 Abrams étant censé être à la pointe de la technologie (c’était déjà un peu moins vrai en 1989), il est équipé de tout un lot de fonctions qui nécessiteront un long détour par le manuel, mais qui ont l’avantage de ne pas faire reposer les combats sur la simple adresse.

Par exemple, son ordinateur de visée est équipée d’un laser permettant d’évaluer automatiquement les distances et d’aligner la mire et l’inclinaison du canon en conséquence, après quoi le succès (ou non) de votre tir dépendra principalement du degré de compétence de votre artilleur. Car oui, comme on l’a vu, vos soldats gagnent de la bouteille d’une mission à l’autre et montent en grade – et ce sera à vous de choisir qui progressera. Évidemment, un équipage d’élite capable de faire mouche à des kilomètres tout en se déplaçant à grande vitesse pourra constituer un atout extrêmement précieux, surtout face à des ennemis eux aussi expérimentés (le choix du niveau de compétence de l’opposition correspondant, on s’en doute, au niveau de difficulté du jeu), et on aura tout intérêt de chercher à préserver ses hommes en cas de défaite plutôt que de les envoyer au casse-pipe et de devoir enchaîner avec des bleus. On peut donc tout-à-fait rejoindre un objectif en incarnant le pilote depuis le siège du conducteur, faire feu sur les unités ennemis en passant au poste d’artilleurs, et changer de tank à la volée après avoir donné l’ordre de continuer à faire feu pour aller ouvrir un autre front… ou bien faire entièrement confiance à ses hommes et se limiter à la gestion stratégique de la bataille – c’est parfaitement possible et c’est ça qui est bon !

Cette totale liberté dans la façon d’aborder le jeu et d’équilibrer son aspect « simulation » et son aspect « stratégie » est d’ailleurs toujours aussi efficace avec plus de trente-cinq ans de recul, et on prend beaucoup de plaisir aujourd’hui encore à passer de l’action à la réflexion en un instant selon notre envie. La réalisation du jeu a bien évidemment pris un petit coup de vieux, mais on ne pourra qu’apprécier qu’elle tire partie d’absolument tout ce qui pouvait équiper un PC au moment de la sortie du titre : MicroProse ne se sera vraiment pas moqué du monde de ce côté-là, tant la possibilité de jouer en VGA avec une Roland MT-32 était encore très loin d’être un standard à l’époque.

C’est aussi et surtout du côté de la stratégie que le programme montre fatalement ses limites : forcément, avec juste quatre tanks et quelques appuis, les possibilités sont loin d’être infinies, et l’essentiel d’une partie se limitera généralement à choisir les bonnes positions sur les bonnes collines pour pouvoir utiliser un ou deux tank comme appâts pendant que les autres iront attaquer la colonne adverse sur ses flancs ou par l’arrière. Néanmoins, difficile de ne pas sentir immédiatement le potentiel ludique de la chose, et le tout ayant la bonne idée d’être relativement simple à prendre en main dès l’instant où l’on a la liste des touches à proximité, on peut encore passer de très bons moments sur un programme très intelligemment conçu qui pourra facilement convertir les joueurs allergiques aux simulations « de pointe » exigeant des heures de pratique avant de parvenir à accomplir quoi que ce soit, tout en demeurant un véritable incontournable pour les amateurs du genre.

Vidéo – Une mission du jeu : Blitzkrieg :

NOTE FINALE : 15,5/20

La grande force de M1 Tank Platoon, c'est d'être à la fois une simulation et un jeu de stratégie en temps réel – et surtout, de laisser le joueur décider à quelle(s) composante(s) il a envie de donner la priorité. Que l'on passe l'essentiel de son temps sur la carte stratégique à organiser une manœuvre en tenaille ou à bord d'un tank à jouer au chat et à la souris avec les blindés adverses, on ressent la même satisfaction lorsqu'une opération se termine par une victoire triomphale avec les pertes réduites au minimum et que nos hommes d'équipage gagnent en expérience et en capacités. Certes, l’éventail des possibilités n'est finalement pas énorme, et on pourra regretter que le programme ne nous laisse pas prendre le contrôle de forces plus conséquentes – mais bon sang, pour un titre de 1989 tenant sur une unique disquette, le résultat est quand même vraiment impressionnant. Un bon moyen de se faire une expérience sur mesure et de jouer à la guerre de la façon qui nous convient le mieux.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des possibilités stratégiques qui auraient gagné à être approfondies
– Une prise en main qui nécessitera un long tête-à-tête avec le manuel
– Une 3D qui fait son âge et qui rend les combats à longue distance peu lisibles
– Des combats largement automatisés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler M1 Tank Platoon sur un écran cathodique :

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura fallu un an, pratiquement jour pour jour, pour que M1 Tank Platoon arrive sur Amiga. Un délai un peu surprenant – moins lorsqu’on se souvient à quel point la machine de Commodore occupait un espace marginal sur le marché américain – mais qui aura néanmoins permis aux équipes de MicroProse de procéder à quelques petits ajustements. En termes de réalisations, si le jeu n’a clairement pas à rougir de la comparaison avec le mode VGA pour ce qui est des illustrations des menus, le jeu tourne en revanche en 16 couleurs pour la partie 3D, ce qui génère un effet de tramage qui ne change objectivement pas grand chose au rendu.

La bonne nouvelle, c’est que le jeu tourne bien sur un Amiga 500, très bien sur un Amiga 1200, et que le jeu vous laisse même choisir le niveau de détails au lancement en fonction de la puissance de votre machine – ce qui était assez visionnaire en 1990, où 95% des possesseurs d’Amiga avaient des modèles standards sortis d’usine dont la plus importante modification était l’ajout d’une extension mémoire. C’est néanmoins en termes de jouabilité que cette version offre le plus de modification, principalement parce qu’elle tire profit de la souris, bien plus naturelle pour désigner des positions à vos tanks sur la carte, ou même pour changer de poste via l’apparition d’un menu déroulant au clic droit. L’ordre de déplacement apparait dorénavant clairement avec les autres, et est désormais assigné à la touche M ; tout le reste fonctionne comme sur PC, et à peu près aussi bien, avec un rendu sonore équivalent à celui qu’offrait la Roland MT-32. Bref, à quelques petits détails graphiques près, aucune raison pour les amigaïstes de se sentir lésés face à la version PC, et c’est tant mieux.

NOTE FINALE : 15,5/20

Adaptation bien menée pour M1 Tank Platoon sur Amiga, qui opère certes quelques menus sacrifices sur le plan de la réalisation graphique, mais qui offre également une interface un peu plus ergonomique grâce à la prise en compte de la souris. L’expérience de jeu est en tous cas aussi agréable sur sur PC, cette version n’a donc aucune raison d’être boudée par quiconque.

Les avis de l’époque :

« Agrémenté de bruitages supérieurs à ceux de la version PC, ce soft offre sur Amiga un jeu plus lent. Mais la richesse des options de jeu, le contrôle simultané des quatre blindés et des unités aériennes, tout cela me fait préférer cette partie à ce qui existait déjà sur Amiga. Si l’on est adepte de combat blindé, et surtout de stratégie, ce soft est un indispensable, un achat qui vous comblera à long terme. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Qui dit « version Amiga » dit généralement « version Atari ST » – c’était du moins une association qui était encore automatique en 1990. On retrouve ici Joe Hellesen au portage, comme sur Amiga, avec exactement les mêmes adaptations en ce qui concerne l’ergonomie à la souris – ce qui est une bonne nouvelle.

Pour ce qui est de la réalisation, en revanche, il y a fatalement eu quelques pertes : le jeu tient ici davantage du clone de la version EGA sur PC, avec la même palette de couleurs criardes pour les illustrations 2D. Ça ne change de toute façon pas grand chose une fois en jeu, où le titre est graphiquement identique à ce que proposait l’Amiga dans sa partie 3D, et tourne à une vitesse comparable à celle d’un Amiga 500. En revanche, la réalisation sonore, elle, a encore baissé d’un cran – et pas question ici de bénéficier de la gestion de la Roland MT-32 comme cela avait été le cas sur PC. Bref, un portage qui ne rivalise pas avec ce que permettait le top du top d’un PC de l’année précédente, mais qui n’en demeure pas moins un excellent mélange de simulation et de stratégie pour l’Atari ST.

NOTE FINALE : 15,5/20

Calqué sur la version Amiga mais cette fois transposée intégralement en seize couleurs, M1 Tank Platoon sur Atari ST pèche surtout par sa faible qualité sonore. Le jeu reste jouable, décemment fluide et surtout amusant, mais les joueurs à la recherche de l’expérience optimale pour découvrir le titre seront indéniablement plus à l’aise sur un PC ou un Amiga puissants.

Version PC-98

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les lecteurs assidus du site devraient déjà savoir que MicroProse aura eu pour politique de porter la plupart de ses titres sur les ordinateurs japonais – principalement ceux de NEC, qui commençaient au début des années 90 à utiliser de plus en plus largement MS-DOS. M1 Tank Platoon aura donc eu le droit à son portage sur PC-98, avec un résultat assez proche de ce qu’on avait pu observer sur PC (comprendre par là : pas d’interface à la souris ici), ce qui signifie également que l’interface MIDI est gérée, permettant ainsi de connecter une Roland MT-32 ou tout autre carte aux normes.

Graphiquement, le jeu est en seize couleurs – une norme encore bien établie pour le PC-98 en 1992 – mais il est également en 640×400. On a donc affaire à un jeu qui affiche autant de couleurs que les versions Amiga et Atari ST, mais avec une résolution doublée, et une fluidité et une réalisation sonore potentiellement équivalentes à celle d’un PC, ce qu’on appelle un excellent compromis. Ce gain en lisibilité est clairement bienvenu, même si on peut regretter de devoir continuer à composer avec l’effet de dithering, et ce portage peut largement prétendre au statut de « version ultime »… à condition de savoir lire le japonais.

NOTE FINALE : 16/20

M1 Tank Platoon sur PC-98 ne s’affiche qu’en seize couleurs, mais c’est vraiment le seul reproche qu’on puisse lui faire, car entre la résolution doublée, la réalisation sonore irréprochable et la fluidité permise par les processeurs adéquats, on trouvera difficilement meilleure expérience de jeu… au détail près, hélas, qu’il faudra savoir lire le japonais pour avoir une chance d’en profiter.

Shadow Sorcerer

Développeur : U.S. Gold, Ltd.
Éditeurs : Strategic Simulations, Inc.
Titres alternatifs : Shadow Sorcerer : A DRAGONLANCE Role-Playing Adventure, Vol, 1 – Official Advanced Dungeons & Dragons Computer Product (titre complet – Europe), Official Advanced Dungeons & Dragons Computer Product : Shadow Sorcerer – An Animated Fantasy Adventure (titre complet – États-Unis), Advanced Dungeons & Dragons ® – The DragonLance Saga : Shadow Sorcerer (écran-titre)
Testé sur : AmigaAtari STPC (DOS)
Disponible sur : Windows – au sein de la compilation Silver Box Classics
En vente sur :
GOG.com (Windows) – Steam.com (Windows)

Les jeux tirés de la licence DragonLance de Donjons & Dragons (jusqu’à 2000) :

  1. Heroes of the Lance (1988)
  2. War of the Lance (1989)
  3. Dragons of Flame (1989)
  4. Champions of Krynn (1990)
  5. DragonLance : DragonStrike – Dragon Combat Simulator (1990)
  6. Death Knights of Krynn (1991)
  7. Shadow Sorcerer (1991)
  8. The Dark Queen of Krynn (1992)
  9. DragonStrike (1992)

Version Amiga

Date de sortie : Novembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.3 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
Système de protection de copie par roue codée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’histoire retiendra que, des trois piliers sur lesquels SSI avait pensé bâtir son partenariat avec TSR au moment d’acquérir les droits de la licence Donjons & Dragons, deux seront tombés prématurément.

Celui qui devait être composé de logiciels d’assistance aux maîtres de donjons pour les parties papier n’aura même pas atteint les années 90, quant aux fameuses « silver boxes », qui devaient servir de pendant « action » aux célèbres boîtes dorées, elles n’auront finalement été qu’au nombre de trois : la trilogie située dans l’univers de LanceDragon publiée par U.S. Gold et qui, en dépit de bons chiffres de vente, n’aura finalement pas été amenée à se poursuivre, la cause en étant apparemment une dégradation des relations entre SSI et les studios anglais en charge du développement. En 1991, les choses avaient donc le mérite d’être claires : Donjons & Dragons ne donnerait plus naissance qu’à des jeux de rôles à court-terme, et la saga des Compagnons de la Lance trouverait sa conclusion avec Shadow Sorcerer, un titre qui, comme ses prédécesseurs, tendrait plutôt à démontrer que ce fameux « deuxième pilier » aurait probablement mérité de rester debout un peu plus longtemps.

Suivant une nouvelle fois le récit des romans imaginés par Tracy Hickman et Margaret Weis, Shadow Sorcerer entreprend de poursuivre l’aventure exactement là où Dragons of Flame l’avait laissée.

Le petit groupe de héros ressort donc de la forteresse de Pax Tharkas en triomphateur, avec le sentiment du devoir accompli… et un léger problème sur les bras : la présence des quelques 800 esclaves qu’il vient de libérer et qu’il peut d’autant plus difficilement abandonner à leur sort que les draconiens sont encore loin d’être vaincus –  l’armée qui poursuit les Compagnons de la Lance depuis la conclusion de Heroes of the Lance est toujours à ses trousses. Dès lors, pas question d’espérer disparaître dans la nature. Au terme d’une discussion nocturne, la solution se dessine : atteindre Thorbardin, le royaume où se sont retirés les Nains des Montagnes bien des années plus tôt. Rien ne dit que ceux-ci seront forcément disposés à accueillir 800 bouches à nourrir à bras ouverts, mais faute d’une meilleure alternative, c’est une nouvelle course contre la montre qui s’engage, avec la vie des nombreux (anciens) esclaves dans la balance. Encore faudra-t-il commencer par apprendre l’emplacement de Thorbardin et par gagner la confiance des Nains…

Shadow Sorcerer reprend donc, dans les grandes lignes, le principe de Dragons of Flame : une longue avancée vers le sud avec les draconiens sur vos talons. Si le concept n’a a priori que peu changé, on va rapidement réaliser que chacune de ses composantes a été revue et corrigée. La partie s’ouvre d’ailleurs sur une carte du monde en vue de dessus… laquelle est désormais divisée en hexagones, comme dans un jeu de stratégie, et présente surtout la nouveauté de vous être totalement inconnue au début de l’aventure : il faudra la révéler en avançant votre groupe, et donc l’explorer méthodiquement à la recherche de cachettes, de donjons, de butin… et surtout de nourriture.

Car, au cas où vous l’auriez oublié, la présence d’un deuxième groupe sur la carte en plus de celui que vous dirigez ne devrait pas tarder à vous rafraîchir la mémoire : vos héros ne sont plus seuls, ils ont 800 personnes sur les bras ! Ces fameux réfugiés s’efforceront globalement de vous suivre, à leur rythme (ce qui signifie qu’il s’arrêteront la nuit, une donnée à prendre en compte lors de vos explorations), mais comme vous allez rapidement le découvrir, ils sont menés par plusieurs personnes n’ayant pas toujours la même idée sur la marche à suivre, et il pourra arriver que leurs opinions divergent et que certains décident d’arrêter de vous accompagner – particulièrement si les vivres viennent à manquer. Il va donc non seulement falloir assurer leur protection, mais aussi savoir les convaincre, quitte à les menacer… ou sombrer dans les calculs les plus cyniques en décidant que, si la moitié d’entre eux décident d’aller se faire massacrer en tentant leur chance de leur côté, cela fera toujours plus de nourriture pour les survivants. Moins héroïque, hein ?

La carte est donc remplie d’emplacements cachés que vous devrez aller explorer en quête de nourritures, d’informations où d’éléments vitaux à la progression de l’intrigue, ce qui donnera lieu à un changement de vue. Surprise : le beat-them-all en vue de profil des deux précédents opus a disparu pour laisser la place à une vue isométrique où vous pourrez cette fois contrôler vos quatre personnages en même temps, lors d’affrontements en temps réel qui ne sont pas sans évoquer une sorte de brouillon rudimentaire des affrontements de Darklands ou surtout de Baldur’s Gate !

Il est donc possible de déterminer un comportement donné pour chacun de vos héros, lesquels se débrouilleront ensuite globalement tout seuls pendant les rencontres, même si vous pourrez toujours leur donner des ordres, naturellement. Le concept, appelé à un brillant avenir, doit en revanche ici composer avec deux limites : le fait qu’il soit impossible de donner des instructions lorsque le jeu est en pause, ce qui serait pourtant très utile dans des situations où on doit gérer quatre personnages, dont deux lanceurs de sorts, en même temps, et surtout le fait que le programme soit doté d’un pathfinding absolument catastrophique qui fait que demander à un aventurier de se déplacer sur une case située immédiatement à côté de lui exigera souvent plusieurs essais – sans même parler de l’envoyer à l’autre bout de l’écran. Dès lors, on se dit que les développeurs ont peut-être péché par orgueil en imaginant des salles remplies d’obstacles, de rochers et de pans de murs, car croyez-moi, vous allez passer beaucoup plus de temps que ce que vous auriez aimé à tenter de faire voyager votre groupe d’un point A à un point B !

On touche d’ailleurs là à ce qui rend le titre assez difficile d’accès lors des premières parties : son interface datée, et ses mécanismes qui accusent leur âge. Bien que le titre soit intégralement jouable à la souris, les conventions de 1991 n’étaient pas exactement celles d’aujourd’hui, et mieux vaudra s’attendre à tâtonner un long moment avant de parvenir à faire accomplir à notre coterie ce qu’on attend d’elle – ce qui se révèle souvent extrêmement fastidieux, d’une façon qui passait pour novatrice et originale à l’époque mais qui apparait aujourd’hui assez frustrante.

Le meilleur exemple en étant d’ailleurs fourni par les réfugiés, lesquels peuvent se mettre à faire absolument n’importe quoi lorsque la nourriture vient à manquer – ce qui arrivera extrêmement vite tant que vous ne connaîtrez pas l’emplacement des caches de nourriture de la carte. Le jeu est censé intégrer un mécanisme de négociations avec les esclaves, mais comme on ne sait jamais à qui on parle, on essaie souvent un peu au hasard, et la partie « exploration » du jeu devient nettement moins agréable quand on doit passer la moitié de son temps à aller courir derrière les réfugiés pour les remettre sur le droit chemin, et cela même alors que les draconiens rodent ! Autant dire que certaines parties peuvent virer au cauchemar à cause de ces réfugiés trop capricieux : on voudrait jouer à Donjons & Dragons, et on se retrouve dans un épisode de Benny Hill !

Il en résulte donc qu’à l’instar de ses prédécesseurs, Shadow Sorcerer est un titre difficile à noter : c’est incontestablement un jeu ambitieux au potentiel indéniable, mais beaucoup de choses qui passaient comme une lettre à la poste en 1991 risquent aujourd’hui de laisser bien des joueurs sur le carreau, tant on n’a plus nécessairement l’habitude de devoir consacrer son énergie à maîtriser l’interface et à comprendre comment contourner les limites de l’intelligence artificielle pour parvenir à accomplir la partie intéressante de l’aventure sans avoir à constamment composer avec le boulet à la cheville que représentent les réfugiés et leur comportement pas toujours très rationnel.

Avec le recul, il n’y a rien de surprenant à ce que des milliers de joueurs aient pu ressentir un coup de foudre immédiat en découvrant l’aventure à sa sortie : le mélange exploration/combat/visite de donjons/événements scriptés est assurément mieux pensé que dans Dragons of Flame, et on sent souvent qu’on n’est vraiment pas loin d’un véritable petit chef d’œuvre. Néanmoins, la lourdeur du maniement, les nombreuses limites du gameplay (surtout pendant les combats, où on passe beaucoup plus de temps à se battre contre le jeu que contre les ennemis) et l’intégration pour le moins problématique de la gestion des réfugiés (dont vous pouvez également choisir de ne pas vous préoccuper du tout, aussi surprenant que cela puisse paraître) risquent de réserver le logiciel, hors nostalgiques, à des joueurs prêts à sacrifier une bonne heure de leur vie à réussir à se sentir véritablement à l’aise. Beaucoup risquent de souffler et de passer à autre chose bien avant d’avoir mené l’aventure à son terme, mais ceux qui mordront au concept pourraient découvrir un jeu sur lequel ils passeront quelques très bons moments. Le mieux est donc de laisser une chance à ce Shadow Sorcerer en sachant dans quoi vous vous engagez, et qui sait, si jamais le concept fait « clic », vous pourriez bien en tomber amoureux, finalement, de cette ultime « silver box ».

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14/20 « Laborieux » est certainement le terme qui définirait le mieux Shadow Sorcerer aujourd'hui ; un titre profondément original et véritablement rempli de bonnes idées, le seul problème étant que la plupart d'entre elles subissent de plein fouet l'âge et par extension le manque d'ergonomie de l'interface. Mener un groupe de réfugiés à travers une carte gigantesque avec des donjons à visiter, de l'équipement à trouver, des combats à mener – et surtout des provisions à dénicher en nombre pour assurer la survie de vos protégés – est réellement un concept prenant qui hurle à chaque instant le logiciel fantastique qu'il aurait pu produire... et qui, malheureusement, donne trop souvent l'impression de jouer du violon avec des moufles. Ah, si seulement le maniement de votre groupe était plus naturel, si seulement les combats ne se limitaient pas les trois quarts du temps à regarder vos personnages se débrouiller tout seuls, et surtout si ces @#$%!!! de réfugiés ne se comportaient pas parfois comme des lemmings capricieux, on aurait peut-être un des mélanges d'exploration, de stratégie et de jeu de rôles parmi les plus ambitieux et les plus emballants de la période. Si certains joueurs parmi les plus patients pourront avoir un énorme coup de cœur, beaucoup d'autres décideront que le jeu n'en vaut pas la chandelle, et on ne pourra pas leur en vouloir. À essayer.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une prise en main qui risque de nécessiter un détour par le manuel... – ...notamment à cause d'une interface tout sauf naturelle à la souris ou au joystick... – ...et d'un pathfinding vraiment pas à la hauteur – La gestion du groupe de réfugiés le plus pénible de tous les temps... – ...avec des allers-et-retours constants pour lui dire où aller – Des combats qui se déroulent plutôt mieux quand on ne s'en mêle pas

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadow Sorcerer sur un écran cathodique :

Version Atari ST

Développeur : U.S. Gold Ltd.
Éditeur : Strategic Simulations Inc.
Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : Disquette 3,5″ double face (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Installation sur disque dur supportée
Système de protection de copie par roue codée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Je ne pense pas apprendre quelque chose à quiconque en énonçant le fait que les versions Amiga et Atari ST des jeux vidéo de la période étaient souvent développés en parallèle, d’où des portages très proches, quand ils n’étaient pas rigoureusement identiques.

Une assertion qui se vérifie avec Shadow Sorcerer, puisqu’on a affaire à une copie pixel perfect de ce qui a été vu sur Amiga ; strictement rien n’a bougé, pas même le thème musical de l’écran qui, comme vous pourrez l’entendre sur la vidéo, offre un rendu exactement équivalent à celui qu’on pouvait entendre via la puce Paula. Bref, voici au moins une version qui n’aura pas fait de jaloux au sein des amigaïstes et des ataristes : match nul strict et indiscutable.

NOTE FINALE : 14/20

Shadow Sorcerer n’aura pas laissé l’ombre de la plus petite plume en étant porté sur Atari ST : c’est rigoureusement le même jeu que sur Amiga, au pixel et à la note de musique près. Les fans de la machine qui souhaiteraient découvrir la dernières des « silver boxes » pourront donc le faire sans se sentir lésés.

Version PC (DOS)

Développeur : U.S. Gold Ltd.
Éditeur : Strategic Simulations Inc.
Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.1 – RAM : 420ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster
Système de protection de copie par roue codée*
*Version disquette uniquement

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les versions PC des deux précédentes « silver boxes » s’étaient avérés des portages très solides, ne péchant que par les teintes un peu plus criardes de la palette de l’EGA et par une réalisation sonore qui faisait avec ce qu’elle avait – mais qui n’avait de toute façon que peu de choses à faire passé l’écran-titre.

Le temps passant, ce troisième et dernier épisode de la trilogie aura vu le jour fin 1991, c’est à dire à une période où la machine d’IBM avait de moins en moins de raisons de nourrir des complexes face à l’Amiga et à l’Atari ST, et cela se voit : cette fois, le jeu gérant le VGA, rien à dire sur les teintes choisies qui sont exactement les mêmes que dans les autres versions (on pourra pinailler sur le fait que les 256 couleurs auraient permis de faire encore bien mieux, mais après tout, la version Amiga elle-même était alignée sur les seize couleurs de la version ST, donc on ne pourra pas arguer d’un traitement de faveur). Comme souvent, la musique MIDI fait légèrement moins bien que la musique digitalisée des deux autres versions, même avec une Roland MT-32 (le rendu est d’ailleurs plutôt meilleur avec une AdLib ou une Sound Blaster), mais encore une fois, cela demeure très anecdotique, et les bruitages ne souffrent pas de la comparaison. Bref, c’est quasi-intégralement le même jeu, même s’il profite du bonus d’une configuration plus puissante qui pourra rendre les commandes un peu plus réactives – et c’est de toute façon la seule version encore en vente à l’heure actuelle, mais vous ne devriez vraiment pas avoir à le regretter.

NOTE FINALE : 14/20

Pas de mauvaise surprise pour la version PC de Shadow Sorcerer, qui délivre une performance équivalente à celle des itérations ST et Amiga. Seule la réalisation sonore peut éventuellement apparaître comme légèrement inférieure, et encore, c’est une question de goût. Si jamais vous souhaitez découvrir le jeu aujourd’hui, inutile d’aller faire la tournée des brocantes : la version dématérialisée sur PC fera parfaitement l’affaire.