Streets of Rage

Développeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Titre original : Bare Knuckle (Japon)
Testé sur : Mega DriveArcade (Mega-Tech)Game GearMaster System
Disponible sur : 3DS, Android, iPad, iPhone, Mac OS Sierra 10.12.6, Steam OS + Linux Ubuntu 16.10 ou supérieur, Wii, Windows XP ou supérieur (version Mega Drive émulée)
Présent dans la compilation : Sega Classics Arcade Collection (Mega-CD)
En vente sur : Steam.com (Windows)

La saga Streets of Rage (jusqu’à 2000) :

  1. Streets of Rage (1991)
  2. Streets of Rage 2 (1992)
  3. Streets of Rage 3 (1994)

Version Mega Drive

Date de sortie : 2 août 1991 (Japon) – Septembre 1991 (États-Unis) – Octobre 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version internationale patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au milieu des années 80, et jusqu’au début des années 90, incarner une poignée de vigilante pour aller nettoyer – à mains nues, rien de moins – les rues d’une ville systématiquement corrompue par la pègre locale était, aussi surprenant que cela puisse paraître, une activité relativement courante dans les jeux vidéo. Si le genre a, dans ses grandes lignes, été défini par les pères fondateurs que sont Renegade, Double Dragon ou encore Final Fight, plusieurs beat-them-all de l’époque sont parvenus à tirer leur épingle du jeu sans révolutionner en rien les règles du genre. Streets of Rage, véritable légende de la ludothèque de la Mega Drive (et largement pensé comme une réponse au Final Fight évoqué plus haut), fait partie de ceux-là.

Passons rapidement sur le scénario du jeu, qui envoie jusqu’à deux personnages parmi un roster de trois nettoyer le crime en tabassant tout le monde sans distinction dans toute la ville, conception de la justice qui m’a personnellement toujours laissé dubitatif. Parmi ces trois ex-policiers, on sera heureux de trouver une femme histoire de nous changer un peu du machisme ambiant, et on notera que chacun a ses forces et ses faiblesses, Adam étant le plus puissant, Blaze la plus rapide et Axel le plus équilibré. Dans les faits, les trois personnages sont très proches dans leur gameplay – Blaze, par exemple, n’est en rien pénalisée par sa force moindre – et cela tombe bien puisqu’au moment de débuter une partie à plusieurs, il sera impossible pour les deux joueurs de sélectionner le même personnage.

Une fois votre personnage choisi débute enfin votre petite promenade nocturne dans la ville-sans-nom, qui va vous amener, tel un messie débarrassé de son odeur de sainteté, à multiplier les pains avec ferveur. On ne pourra s’empêcher, à ce titre, de faire trois remarques :

  1. On ne comprendra jamais pourquoi les protagonistes de ces jeux s’entêtent à passer la nuit à aller tabasser toute une ville au corps-à-corps, surtout quand ladite ville pourrait facilement être nettoyée en cinq minutes par la voiture de police qui les suit partout et qui est équipée de rien de moins qu’un bazooka.
  2. La voiture en question pourrait d’ailleurs les emmener directement en bas du siège de la pègre où trône le baron local, nommé « Mr. X » dans un de ces traits de génie propre aux scénaristes inspirés, et dont toute la ville semble connaître l’emplacement – mais non, autant faire le trajet à pied avec quelques centaines d’adversaires sur la route, ça nous entretiendra et on vivra plus longtemps.
  3. Vos ennemis semblent heureusement respecter une forme de code d’honneur assez bizarre puisque aucun d’entre eux, à l’exception du boss final, n’a l’idée saugrenue de faire usage d’une arme à feu.

Au diable, la cohérence, donc, mais vous aurez compris que ce n’est pas la première qualité que l’on attend d’un beat-them-all. Puisque l’idée est manifestement de taper, penchons-nous sur l’interface : celle-ci, très simple, fait usage des trois boutons de la manette Mega Drive (Les manettes à six boutons n’arriveront que plusieurs années après la sortie du jeu). Un bouton sert à taper, le deuxième à sauter, et le troisième à appeler, une fois par niveau ou par « vie » de votre personnage, la voiture de police mentionnée plus haut qui fera alors le ménage à l’écran. Une attaque vers l’arrière est possible en pressant simultanément coup + saut, et les « chopes » (les prises consistant à empoigner et immobiliser un adversaire pour le frapper pendant qu’il est dans l’incapacité de se défendre) se font automatiquement en étant assez près d’un ennemi.

Pendant les chopes, plusieurs possibilités s’offrent à vous : frapper l’adversaire jusqu’à l’envoyer au sol, changer votre position (bouton saut) pour passer devant ou derrière lui, l’écraser au sol à l’aide d’une prise qui doit faire bien mal au dos de celui qui l’effectue, ou bien le projeter derrière vous. Comme vous l’aurez peut-être remarqué au terme de cette liste, il n’y a pas – en-dehors de la voiture – de coup spécial vous permettant de toucher une zone plus large que ce que vos poings et vos pieds vous permettent d’atteindre. Tout l’aspect « stratégique » du titre va être là : votre seul moyen de faire le ménage lorsque les adversaires commenceront à se multiplier autour de vous (c’est-à-dire assez vite) consistera à votre aptitude à employer les chopes pour utiliser une partie de vos ennemis comme projectiles pour toucher un maximum de monde. Il sera également possible, à deux joueurs, d’utiliser la chope sur votre allié pour faire une prise spéciale, hélas pas particulièrement efficace. 

Notons également qu’il n’existe pas de mode « A » ou « B », comme dans certaines versions de Double Dragon, pour savoir si vos deux personnages peuvent ou non se blesser mutuellement : quoi qu’il arrive, vos coups atteignent également votre allié. Heureusement, la surface de jeu est suffisamment étendue pour que les « accidents » (car ce sont toujours des accidents, n’est-ce pas ?) menant à allonger une mandale à son coéquipier sans l’avoir voulu soient rares. Comme dans la plupart des beat-them-all de l’époque, on peut ramasser les différentes armes blanches (couteaux, tuyaux de plomb, tessons de bouteille, battes de baseball… ou poivrière) lâchées par les adversaires, ou entreposées dans des containers dont la nature change selon le niveau (bidons, cabines téléphoniques…), et dans lesquels on trouvera également de l’argent (rapportant des points), de la nourriture (restaurant la vie), voire des vies ou une voiture bonus.

Les adversaires qui vous seront opposés au cours des huit niveaux du jeu semblent à première vue assez redondants : depuis la petite frappe de base jusqu’au karatéka partageant des airs de famille avec Shiryu dans Saint Seya, en passant par cette étrange obsession que semblaient nourrir les beat-them-all de l’époque pour les dominatrices en cuir avec un fouet ou pour les punks à cheveux colorés, il faut reconnaître que le menu fretin ne se divise qu’en cinq modèles de base, eux-mêmes déclinés en plusieurs variations de couleurs.

C’est peu – très peu, même – mais curieusement, la lassitude ne s’installe pas, d’abord parce qu’ils sont relativement variés dans la façon de les aborder (certains sont capables de chopes ou de glissades, d’autres arrivent avec des armes, certaines variations des femmes-en-cuir ont cette capacité très énervante de rester au sol où elles sont invincibles après chaque coup et de ne plus en bouger tant que vous ne vous êtes pas éloigné, etc.), et ensuite parce que chaque niveau propose ses petites subtilités : comme ces grands trous très commodes pour y expédier l’opposition (ou perdre stupidement une vie) au niveau 4, ou ces presses hydrauliques qui peuvent autant vous aider à faire le ménage que vous faire perdre un paquet de santé au niveau 6. Évidemment, le plus grand danger de l’opposition viendra du nombre, les adversaires pouvant arriver par grappes de six ou sept, et n’hésitant jamais à vous prendre en sandwich pour vous compliquer la tâche, ce qu’ils font d’ailleurs particulièrement bien lorsque vous jouez seul.

Heureusement, le jeu n’est jamais inutilement frustrant à ce niveau, et n’a pas le défaut de rendre la présence d’un deuxième joueur quasi-obligatoire pour espérer finir le jeu comme c’était assez souvent le cas à l’époque. Le programme distribue également assez généreusement les vies par l’intermédiaire du score, la première vous étant octroyée en atteignant 50.000 points puis tous les 100.000 ensuite – ce qui va relativement vite sans transformer pour autant le jeu en parcours de santé. Le programme propose de toute façon plusieurs niveaux de difficulté, histoire de corser – ou de simplifier – un peu les choses.

Chaque niveau se termine par un boss – ou deux, si vous jouez avec un ami – qui est généralement le meilleur moment pour faire appel à votre voiture de police histoire de les affaiblir un peu. À noter d’ailleurs que si chacun de ces boss a son point faible, et qu’ils sont généralement assez simples à vaincre une fois la technique assimilée, celui du niveau 2 est étrangement le plus difficile de tous et peut même représenter un véritable aspirateur à vie pour un joueur solitaire.

On regrettera également que ces mêmes boss deviennent eux aussi redondants : dès le sixième niveau, on recycle ceux du deuxième, le septième niveau n’a pas de boss et le huitième vous fait ré-affronter tous ceux du jeu (grand classique des derniers niveaux de beat-them-all) – un peu de variété n’aurait pas fait de mal. Reste qu’à la fin de la partie, en dépit de ces nombreuses faiblesses, on réalise qu’on a passé un très bon moment. À noter que Streets of Rage comporte – chose rare pour ce genre de jeux – une « mauvaise » fin vous permettant de devenir le bras droit de Mr X. Celle-ci ne sera accessible qu’en mode deux joueurs, et à condition de combattre son allié, mais l’idée est suffisamment sympathique – et originale – pour mériter d’être mentionnée.

Niveau réalisation, Streets of Rage fait partie des jeux sortis sur une console en début de vie. Difficile, donc, d’être ébloui par ses graphismes, qui ont néanmoins leur petit cachet, et ont surtout l’avantage de rester parfaitement lisibles en toute circonstance, même lorsque cela commence à fourmiller à l’écran. L’animation est efficace et percutante, on ressent bien l’impact des coups – ce qui, vu le temps qu’on va passer à en donner, est la moindre des choses.  Le programme connait en revanche quelques ralentissements occasionnels – le plus souvent provoqués par ces jongleurs de haches ou de torches qui semblent mettre le processeur de la machine à rude épreuve – mais ceux-ci restent très rares, et on ne se retrouve jamais à pester suite à un accès de lenteur du jeu.

La vraie claque, cependant – et certainement celle qui a grandement contribué à la renommée du titre – vient de la musique. Yūzō Koshiro, le compositeur du jeu (dont on avait déjà pu apprécier le talent dans des titres comme The Revenge of Shinobi), a à ce titre fait un travail magnifique : souvent L’avant-dernier niveau est assez jouissif : c’est fou le temps qu’on gagne, en expédiant tout le monde par-dessus bordrythmées, dynamiques, mais aussi parfois nourries d’influence house ou funk, elles participent énormément au plaisir de jeu. Il y a fort à parier qu’une partie d’entre elles vous resteront dans le crâne pendant plusieurs années tant elles sont exécutées à merveille, en dépit des capacités sonores limitées de la Mega Drive. Les bruitages s’en sortent un peu moins bien, notamment cette espèce de bouillie stridente qui s’échappe d’un personnage féminin à sa mort, mais quoi qu’il arrive, Streets of Rage est un jeu auquel il serait criminel de jouer en coupant le son.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Streets of Rage n’invente rien, mais ce qu’il fait, il le fait bien. Porté par sa simplicité autant que par son efficacité, le beat-them-all de Sega aura initié une série désormais mondialement célèbre, bien aidée par une bande originale elle aussi entrée au panthéon de la Mega Drive. Grâce à un gameplay technique, à des coups dont on ressent bien l'impact et à un mode deux joueurs jubilatoire, Streets of Rage reste aujourd'hui encore un classique très agréable à parcourir. CE QUI A MAL VIEILLI : – Niveau graphique, on sait que la Mega Drive est capable de mieux que ça, comme les deux épisodes suivants se chargeront de le prouver. – Pas assez d’adversaires différents, et un gameplay qui se renouvelle peu.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Streets of Rage sur un écran cathodique :

Version Arcade (Mega-Tech)

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Un joystick et trois boutons
Version testée : Version européenne
Hardware : SEGA Mega-Tech
Processeurs : Motorola MC68000 7,670453MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz ; Zilog Z80 3,579540MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; SEGA 315-5313 Megadrive VDP 53,693175MHz ; SEGA VDP PSG 3,579545MHz ; YM2612 OPN2 7,670453MHz ; SEGA 315-5246 SMS2 VDP 10,73862MHz ; SEGA VDP PSG 3,57954MHz ; 2 canaux
Vidéo : 256 x 224 ; 320×224 (H) 59.922738 Hz

Opérons à présent un rapide détour par la version « arcade » de Streets of Rage. Je place ici « arcade » entre guillemets, car comme tous ceux qui connaissent l’offre Mega-Tech le savent déjà, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un hardware équivalent à celui d’une Mega Drive placé à l’intérieur d’une borne, avec la possibilité d’y connecter plusieurs cartouches – exactement comme pour l’offre PlayChoice-10 de Nintendo avec la NES. Ici, un crédit achète donc du temps de jeu, par tranches de cinq minutes, indiqué en bas à gauche du deuxième écran – pour tout le reste, c’est stricto sensu exactement le même jeu que dans sa version de salon, vous pouvez même choisir le mode de difficulté. Autant dire qu’aujourd’hui, sauf à vouloir jouer spécifiquement sur un émulateur de type MAME qui doit représenter la seule opportunité de redécouvrir la gamme Mega-Tech, vous n’aurez aucune raison de privilégier cette itération face à la version Mega Drive.

NOTE FINALE : 16/20

Simple transposition de la version Mega Drive, Streets of Rage façon Mega-Tech reste le très bon jeu qu’il était dans sa version originale, mais avec l’obligation de rajouter un crédit toutes les cinq minutes.

Version Game Gear

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 27 novembre 1992 (Japon) – 9 décembre 1992 (États-Unis) – Février 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles et un câble Gear-to-Gear)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La première machine servie au rang des conversions aura donc été la portable de Sega, un an avant la Master System. Machines 8 bits oblige, on trouvera de nombreux points communs entre les deux versions, mais la Game Gear aura également dû composer avec des limitations techniques – principalement la taille de son écran – encore plus importantes que celle de son homologue de salon.

Graphiquement, pourtant, cette version s’en sort très bien : c’est coloré, c’est lisible, on reconnait tous les personnages, et les animations n’ont pas été trop mutilées dans le processus. On part donc sur de très bonnes bases : parvenir à afficher autre chose qu’une bouillie de pixels sur un écran de jeu aussi réduit, dans un type de jeu où le challenge repose sur le nombre d’adversaires, est déjà un petit exploit. On peut ainsi avoir jusqu’à trois ennemis à l’écran simultanément en plus du personnage principal : mine de rien, c’est déjà moitié plus que ce que permettra la version Master System un an plus tard. Et, comble de bonheur, on peut toujours jouer à deux… à condition d’avoir deux Game Gear et le câble pour les relier (et sans doute un bon stock de piles vu la faible autonomie de la machine, mais je m’égare). Niveau musical, difficile de lutter avec la Mega Drive, mais les morceaux ont été réorchestrés avec sérieux, et on reconnait la plupart des thèmes – même s’il faut admettre qu’ils tournent également très vite en boucle, d’où une lassitude expresse. Quoi qu’il en soit, cette version semble s’être donné les moyens de proposer la meilleure expérience de jeu possible.

Comme on peut s’en douter, cela aura nécessité quelques sacrifices : Adam a disparu du casting (comme dans les mauvais films américains, ce sont toujours les noirs qui sont sacrifiés en premier), et le jeu ne comporte plus que cinq niveaux. Cela peut paraître peu, mais ceux-ci m’ont parus plus longs que leurs équivalents sur Mega Drive.

Plus de voiture de police non plus, faute de touche pour les appeler : elle est remplacée par un bonus qu’on trouve parfois dans un container et tuant tous les ennemis à l’écran. Mais bien sûr, ce qui décidera de la longévité du titre (en plus des piles), ce sera sa difficulté.

Malheureusement, c’est de ce côté qu’apparaît le vrai problème de la version Game Gear : sa jouabilité. Si cette version de Streets of Rage offre à première vue les mêmes possibilités que la version originale, une différence majeure se dessine après quelques secondes de jeu : il n’est plus possible de frapper un adversaire pendant une chope. Ce sera une projection ou rien. Cet oubli difficilement compréhensible complique les choses pour deux raisons : primo, lors d’une chope, votre ennemi est immobilisé, mais vous aussi. Et donc, le temps de réaliser votre position et de choisir quoi faire, vous être atrocement vulnérable. Effet renforcé par la deuxième raison : il est extrêmement difficile, dans cette version, de conserver une chope plus d’une demi-seconde. Si vous n’appuyez pas précisément en même temps sur arrière et coup au moment de la projection, par exemple, votre personnage lâchera son adversaire et lui tournera le dos, s’exposant ainsi magnifiquement à un coup entre les omoplates. C’est d’autant plus frustrant que les problèmes ne s’arrêtent pas là : votre personnage ne dispose d’aucune frame d’invulnérabilité en se relevant. Il est donc très fréquent de voir toute votre jauge disparaître simplement parce que les ennemis se relaient pour venir vous cueillir à chaque tentative de vous remettre debout sans que vous ne puissiez rien faire. Inutile de dire que, dans ces conditions, le plaisir de jeu s’estompe quelque peu…

L’honnêteté force à reconnaître que le déséquilibre va dans les deux sens, cela dit. Les armes blanches, dans cette version, ne disparaissent pas après un certain nombre d’utilisation comme dans le jeu Mega Drive : il faudra impérativement qu’un ennemi vous les fasse lâcher. Autant dire qu’un niveau peut soudainement se transformer en promenade de santé pour peu que vous mettiez la main sur un tuyau de plomb et que vous ne le lâchiez plus jusqu’au boss. Le jeu n’est donc pas difficile, il est plutôt soumis à votre capacité à conserver vos armes.

NOTE FINALE : 12/20

Streets of Rage sur Game Gear est une belle prouesse technique, c’est indéniable. En revanche, le plaisir de jeu laisse souvent place à la frustration, la faute à un système de chope défectueux et à une difficulté beaucoup plus liée à votre capacité à garder un tuyau de plomb qu’à une réelle maîtrise du gameplay. Bref, une version honnête, et même brillante du point de vue technique, mais qui aurait pu viser infiniment plus haut.

Version Master System

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 7 juin 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par AsmoDeath’s trads
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Sorti plus de deux ans après la version Mega Drive, sur une Master System alors sérieusement en fin de vie, Streets of Rage aura au moins pu bénéficier du savoir-faire de programmeurs désormais particulièrement bien rodés à l’usage de la 8 bits de SEGA.

Le jeu suit aussi fidèlement que possible le cheminement du jeu original – et y ajoute même quelques petites « finitions » absentes de la version Mega Drive, comme les deux combattantes en fin de niveau 5 qui cessent d’être de simples clones de Blaze, ou bien un nouveau boss exclusif en conclusion du niveau 6, venu remplacer le recyclage du boss du niveau 2. Les trois personnages sont toujours jouables, tous les niveaux et tous les coups sont là ; bref, presque rien n’a été sacrifié, et on sent rapidement une réelle ambition pour la grande sœur de la Mega Drive, qui ne boxe pourtant pas franchement dans la même catégorie, même avec les meilleurs programmeurs du monde.

Graphiquement, en tous cas, le jeu impressionne. Les personnages sont grands, c’est très coloré – moins que sur Game Gear, mais après tout l’ambiance du jeu est censée être plutôt sombre – l’animation est plus hachée que sur Mega Drive mais reste fluide et ça ne rame jamais ; à peine observera-t-on quelques effacements de sprites, mais c’est du très beau travail. Les problèmes commencent en revanche dès qu’on aborde la musique, gros point fort de l’original. Les capacités sonores de la Master System sont très inférieures à celles de la Mega Drive, c’est indéniable, et on peut comprendre que cette version reprenne à l’identique la plupart des thèmes de la version Game Gear. On retrouve donc le même grief que sur la version portable, avec des morceaux qui finissent par faire mal au crâne plutôt qu’autre chose – et le fait qu’une partie soit plus longue sur Master System n’améliore pas les choses à ce sujet.

Les différents thèmes ont d’ailleurs souvent été réattribués, un peu anarchiquement, à d’autres niveaux qu’à ceux qu’ils accompagnaient à l’origine : le thème du niveau 2 n’est rien d’autre que la mélodie de sélection de personnage du jeu Mega Drive répétée en boucle, par exemple. Certaines compositions, comme le thème du niveau 5, s’en sortent un peu mieux, mais l’extraordinaire ambiance de l’opus original – qui reposait en grande partie sur sa fantastique ambiance musicale, justement – en prend quand même un sérieux coup.

Niveau jouabilité, le jeu présente là aussi quelques problèmes – mais différents de ceux de la version Game Gear. Le personnage est relativement réactif, les coups s’enchainent bien, on aperçoit quelques erreurs d’alignements de sprites lors des chopes mais le programme a l’air de bien s’en tirer : le jeu semble même, à plusieurs niveaux, encore plus simple que son homologue sur Mega Drive. Et puis un certain malaise s’installe en voyant notre personnage se retrouver au tapis assez facilement jusqu’à ce qu’on mette le doigt sur ce qui cloche : les coups vous touchent dès leur départ, et pas à leur réception. Explication : vous voyez une femme lever son fouet… et vous êtes déjà au sol, car le jeu a considéré que le coup était porté dès la première frame de l’animation, et pas au moment où le fouet touchait votre personnage.

Mine de rien, cela pose un gros problème, car à moins d’avoir le don de prescience, il vous est à peu près impossible d’éviter un coup : un personnage fait un coup de pied sauté, et il vous a déjà touché avant même que ses pieds n’aient quitté le sol. On peut, dans les fait, limiter la casse en utilisant le fait que les adversaires ne peuvent vous toucher que lorsqu’ils sont exactement sur le même plan horizontal que votre personnage, et donc en multipliant les déplacements sur un axe vertical, mais la jouabilité en souffre. Autre petit détail : la manette de la Master System n’a que deux boutons, or, le gameplay en nécessite trois. Appeler votre voiture en soutien demandera donc une pression sur le bouton pause situé… directement sur la console. Autant dire que si vous voulez du renfort, il va falloir vous lever !

Un dernier problème apparait assez vite, et il facile de l’attribuer, en partie, aux limitations techniques de la console. Quoi qu’il arrive, en n’importe quelle circonstance, le jeu n’affichera jamais plus de deux ennemis à l’écran. Jamais. Cela peut se comprendre, mais a quand même un peu de mal à passer quand on se souvient que la Game Gear en affichait trois…  Évidemment, la principale difficulté de ce type de jeu reposant traditionnellement sur le nombre d’adversaires, on est presque heureux des errements de jouabilité constatés, sans quoi le jeu serait d’une facilité absolument écœurante. Dans le même ordre d’idée, les tables qui vous fonçaient dessus au dernier niveau de la version originale ont désormais disparu : trop de choses à l’écran…

Cela engendre une autre limitation, beaucoup plus difficile à pardonner, celle-là : il est désormais impossible de jouer à deux. Oui, au fond, dans un jeu incapable d’afficher plus de trois sprites à la fois, cela peut paraitre logique… mais c’est peu dire que cela prive ce Streets of Rage version 8 bits d’une très grande partie de son intérêt. Peut-être aurait-il fallu se montrer un peu moins ambitieux en terme de réalisation et sacrifier la taille des personnages pour autoriser un gameplay plus riche, mais le mal est de toute façon déjà fait.

NOTE FINALE : 13/20

Streets of Rage sur Master System est-il un mauvais jeu ? Non, loin de là. Il est même, à bien des niveaux, plus agréable à jouer que la version Game Gear. Malheureusement, victime d’une ambition qui donne l’impression d’avoir privilégié la forme sur le fond, il doit faire face à de sévères limitations qui l’empêchent de rejoindre la version Mega Drive dans la légende des beat-them-all. Désormais simple jeu solo, on regrettera également que l’essentiel de sa difficulté lui vienne des errements de sa jouabilité plutôt que du challenge proposé par le titre.

Dune II : Battle for Arrakis

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : Virgin Games, Ltd.
Titre original : Dune II : The Building of a Dynasty (États-Unis)
Titres alternatifs : Dune II : Der Kampf um Arrakis (Allemagne), Dune II : Битва Древних Династий (Russie), Dune II : La bataille d’Arrakis (écran-titre – France)
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.1)AmigaMega Drive

La saga Dune (jusqu’à 2000) :

  1. Dune (1992)
  2. Dune II : Battle for Arrakis (1992)
  3. Dune 2000 (1998)

Version PC (DOS/Windows 3.1)

Date de sortie : Décembre 1992 (Amérique du Nord) – Février 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Version disquette :
Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.3/Windows 3.1 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro

Version CD-ROM :
Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 5.0/Windows 3.1 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro
Liens utiles : Patch pour ajouter le support de la Gravis UltraSound

Vidéo – L’introduction du jeu :

Si vous réunissez un groupe de joueurs de plus de trente ans pour leur demander le nom du tout premier jeu de stratégie en temps réel, une grande majorité d’entre eux lèvera aussitôt la main pour vous répondre en cœur : « Dune II ! » La petite minorité restante vous rétorquera, elle, qu’il s’agit en fait d’Herzog Zwei sur Mega Drive, avant qu’une minorité encore plus réduite n’évoque le premier Herzog, ou Carrier Command, et ainsi de suite jusqu’à remonter à d’antiques titres comme Stonkers ou The Ancient Art of War, voire même à des logiciels totalement confidentiels des années 70. Ce que Dune II (ou ses prédécesseurs, pour en revenir au débat évoqué plus haut) aura réellement initié, ce sont les bases de ce qu’est devenu, aujourd’hui, le genre du STR.

L’enrobage du jeu, à base d’écrans animés, est magnifique

Pour ceux qui auraient fait l’impasse à la fois sur l’excellent livre de Frank Herbert (et toutes ses suites) et sur le (beaucoup plus dispensable) film de David Lynch, sachez donc que Dune, aussi connue sous le nom d’Arrakis, est une planète intégralement désertique sur laquelle se trouve la substance la plus précieuse de l’univers : l’Épice. C’est grâce à l’Épice que les navigateurs de la Guilde peuvent replier l’espace, autorisant le voyage intersidéral instantané. Comme vous pouvez vous en douter, elle sera ici l’enjeu de combats féroces entre trois maisons (contre deux dans le livre) : les Atréides, les Harkonnen et les Ordos – que Westwood est allé repêcher dans l’Encyclopédie de Dune et dont on se demande ce qu’ils font là, mais passons. L’enjeu est placé : une ressource, trois camps, une guerre pour la domination totale, comme cela vous est narré dans l’introduction visible un peu plus haut et qui faisait son petit effet en 1992.

Attaquer une base adverse est un processus délicat

Vous choisissez donc votre faction avant de vous lancer dans le grand bain, où plusieurs surprises s’offrent alors au joueur, surtout pour celui de l’époque. La première nouveauté dans le concept développé par Dune II, c’est que vous ne vous contentez pas de déplacer des unités sur une carte : il faudra également à chaque mission entretenir, faire grandir et protéger une base qui vous permettra à la fois de récolter l’Épice – qui fait office de monnaie du jeu – avec une moissonneuse, et de produire de nouveaux bâtiments et unités grâce à l’argent récolté par ce biais. Le jeu comporte donc une composante gestion, puisque la façon de développer votre base peut rapidement avoir de lourdes conséquences sur vos chances de remporter la victoire.

Notez comme la couleur de l’interface s’adapte à la faction que vous avez choisi d’incarner

La victoire, parlons-en : nous sommes ici à la naissance d’un genre que l’on qualifiera plus tard de STR (Stratégie en Temps Réel), les objectifs sont donc encore très limités : si les deux premières missions, quel que soit votre camp, vous proposent de ramasser une certaine quantité d’Épice, les sept autres (il y a neuf missions par camp) vous demanderont invariablement d’aller raser la (ou les) base(s) adverse(s). Ce que vous serez sans doute tenté d’entreprendre selon la bonne vieille méthode du « je fais un paquet d’unités et je les envoie dans le camp d’en face », sauf que cela pourrait se révéler plus complexe que prévu.

C’est par le biais de cette carte que vous choisirez votre prochaine mission

Tout d’abord, et même si on peut saluer l’accessibilité du titre qui, faute de vous proposer un tutoriel, commence par ne vous laisser l’accès qu’à quelques unités et bâtiments avant d’élargir l’offre au fur et à mesure des missions (un procédé aujourd’hui banal, mais Dune II était certainement l’un des tous premiers jeux à fonctionner de la sorte), la plupart des fonctionnalités qui apparaîtraient évidentes aujourd’hui n’existaient tout simplement pas en 1992.

Déplacer une vaste armée est un travail de chef d’orchestre

Par exemple, ne comptez pas déplacer une unité d’un simple clic de souris, il vous faudra à chaque fois soit cliquer préalablement sur le bouton « déplacer », soit utiliser le raccourci clavier correspondant – ce qui alourdit inutilement le processus. Ce qui nous amène d’ailleurs à l’aspect ayant le plus mal vieilli du titre : si déplacer une unité vous demande déjà deux clics, imaginer le travail nécessaire pour en déplacer vingt. Car non, il n’est pas possible de faire des groupes (Il faudrait pour cela attendre Warcraft deux ans plus tard, et encore, pour composer des groupes de quatre) ! Conjugué à l’intelligence artificielle assez balbutiante des unités, notamment du côté du pathfinding qui pédale sévèrement dans la semoule lorsque plusieurs unités se déplacent en même temps, vous comprendrez aisément que planifier un assaut vers la base adverse puisse représenter un processus un peu plus délicat que ne l’anticiperait un joueur du XXIe siècle.

Les unités de fin de jeu sont redoutables

La plus grosse contrainte est que cela vous oblige à une microgestion permanente : si vos unités ont le réflexe de tirer sur ce qui passe à leur portée, elles resteront en revanche piquées sans rien faire en étant bombardées par des unités à la portée supérieure, et vous devrez également régulièrement venir vous occuper de vos moissonneuses qui ne prennent pas automatiquement la direction du champ d’Épice le plus proche si celui-ci n’est pas juste à côté de votre raffinerie. Conjugué à la mauvaise habitude qu’a l’adversaire de déposer des unités dans les environs immédiats de votre base pendant que vous avez le dos tourné, vous pouvez facilement vous retrouver à réaliser trop tard que vous avez perdu une moissonneuse voire des bâtiments entiers faute d’avoir eu le don d’ubiquité.

Les Harkonnen dans leurs œuvres, ici au milieu d’une base Ordos

Il faudra donc composer avec quelques aspects assez frustrants, mais on ne peut qu’admirer les possibilités offertes par le jeu à l’époque. Stations de réparation, unités de transport aérien, spatioport, unités capables de capturer les bâtiments ou de faire changer une unité de camp, lance-missiles à longue portée – il ne manque rien, pas même ces foutus vers des sables géants directement tirés de l’œuvre originale et qui vous habitueront vite à garder au maximum vos unités sur les zones rocheuses si vous ne voulez pas les voir se faire avaler par Shai-Hulud. Notons aussi que chaque camp a des unités et des bâtiments qui lui sont propres, même si cela créé au final un déséquilibre assez regrettable (les modestes fremens envoyés par les Atréides, et qui finissent généralement sous les chenilles d’un tank ou d’une moissonneuse au bout de dix secondes, font assez pâle figure comparés aux missiles nucléaires des Harkonnen, par exemple). De la même manière, les unités d’infanterie deviennent très rapidement sans intérêt, même les terrible Sardaukars présentés dans le livre comme une unité d’élite capable de faire plier une armée à elle toute seule pouvant se faire exterminer en un instant en envoyant une unité blindée leur rouler dessus.

Le jeu propose également un écran des scores, histoire d’entretenir les rivalités entre amis

Bref, pas mal d’erreurs de jeunesse qui, cumulées à des mécaniques de jeu dont on fait vite le tour, tendent à rendre le jeu assez redondant – mais le fait de découvrir chacune des petites subtilités propres à chaque faction peut également vous tenir en haleine jusqu’au terme des trois campagnes.

Quelques mots sur la réalisation : les adeptes de haute résolution ultra-détaillée peuvent prendre la fuite en hurlant (mais qu’étiez-vous venu faire sur ce site, à la base ?), en revanche, les fans de pixel art parfaitement lisible avec un cachet fou devraient ronronner pendant plusieurs heures. Tous les écrans son animés, habillés, en restant fidèle à l’univers du livre, et l’ambiance vaut le détour. Du côté sonore, le jeu avait ébloui à sa sortie, et on comprend pourquoi : chaque unité répond à votre clic par un message digitalisé, on entend les crépitements de talkie-walkie, les explosions qui s’atténuent avec la distance (autre première pour l’époque) feront cracher votre caisson de basse, et les musiques variées, qui s’adaptent à la situation, vous aident à rester en permanence plongé dans l’action.

Protégez votre moissonneuse comme la prunelle de vos yeux

À noter que les possesseurs d’antiques cartes sons haut-de-gamme de l’époque seront aux anges : le jeu reconnait nativement la Roland MT-32, ainsi que la Gravis Ultrasound par le biais d’un patch, et le résultat est éblouissant dans les deux cas. Pour peu que vous ayez encore un de ces engins de compétition sous le coude – ou que vous sachiez comment les émuler sous DOSBox – vous pourrez expérimenter ce que les capacités sonores de l’époque avaient à offrir de mieux. En revanche, vous ne pourrez pas utiliser deux cartes à la fois – au hasard, une pour la musique MIDI et l’autre pour les voix digitalisés – sans un autre patch, et cela aura malheureusement un prix pour la version européenne : vous devrez alors tirer un trait sur la version française du jeu. Si vous voulez la meilleure expérience sonore, ce sera en anglais et rien d’autre.

L’Empereur Padishah Shaddam IV n’est pas décidé à faire de la figuration

Un dernier paragraphe, enfin, pour parler de ladite VF : la version sortie en Europe – et en France, donc – accuse quelques pertes par rapport à la version originale américaine : il n’y a pas de voix digitalisées pendant l’introduction, par exemple. Dans le même ordre d’idées, il n’y a plus qu’un unique acteur pour assurer tous les doublages – lequel parle avec un accent qui nous indique que personne n’a jugé utile de demander à un acteur français de se déplacer, les soldats ne répondent plus quand on clique sur eux, etc. Dans tous les cas, le jeu est parfaitement jouable dans la langue de Molière, mais je conseillerai quand même aux anglophones d’opter pour la version américaine, un cran au-dessus. Quant à la version CD-ROM, elle n’offre strictement rien de plus que la version disquette.

Vidéo – La première mission du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’argent 1993 (Tilt n°121, décembre 1993) – Meilleur jeu de stratégie

NOTE FINALE : 16/20 Autant pourfendre une légende : Dune II : Battle for Arrakis n'a pas « inventé » la stratégie en temps réel. En revanche, il a mis en place avec une rare intelligence les bases d'un modèle alliant une ergonomie perfectible mais déjà diablement bien pensée et une prise en main exemplaire qui rend tout passage par le manuel du jeu totalement optionnel – ce qui était loin d'être courant en 1992. En y ajoutant une réalisation irréprochable – notamment sur le plan sonore, absolument bluffant – et une certaine rejouabilité introduite par les nuances entre les trois camps, on se retrouve bel et bien face à un pilier du genre qui a infiniment mieux vieilli que la plupart de ses contemporains. Oui, certains mécanismes, en particulier dans la sélection des unités, sont datés, et les joueurs les plus impatients commenceront sans doute directement par Command & Conquer, mais si vous voulez comprendre d'où est réellement partie cette fameuse « STR », vous pourrez le faire en profitant d'un pixel art au sommet de sa forme. À connaître. CE QUI A MAL VIEILLI : – La micro-gestion à outrance – Objectifs cantonnés à l’éradication du camp d’en face – Quelques petits soucis d’équilibrage – Une version européenne inférieure à la version américaine sur le plan sonore... – ...et que vous ne pourrez pas patcher sans tirer un trait sur la V.F.

Les avis de l’époque :

« La jouabilité de l’ensemble est excellente. Même dans les moments intenses de combat et d’énervement tout se déroule comme si le programme était très simple. Pas un bug, pas un ralentissement ! Les voix digitalisées (qui seront en français) sont vraiment géniales ! Lorsque vous cliquez sur une unité, elle vous répond comme dans la réalité. Par exemple un talkie-walkie fera de légers grésillements. De même, le volume sonore s’adapte selon la distance qui vous sépare d’un bruit. Quel rendu ! »


Morgan Feroyd, Tilt n°111, février 1993, 17/20

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dune II sur un écran cathodique :


Version Amiga

Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : Mai 1993
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Support : Disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.3 – RAM : 1Mo*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée*
*1,5Mo requis pour installation sur disque dur

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Si, en terme de contenu, la version Amiga est strictement identique à la version PC, la comparaison est infiniment plus douloureuse pour la machine de Commodore dès que l’on commence à s’intéresser à la réalisation. Malgré la date de sortie relativement tardive, le jeu ne tire absolument pas parti des possibilités graphiques de l’Amiga 1200 : pas de gestion du mode AGA (une mauvaise habitude, de la part de Westwood Studios), ce qui fait que le jeu doit composer avec la palette traditionnelle en 32 couleurs (ou 64 en mode EHB). Si l’introduction et les scènes cinématiques s’en sortent relativement bien, le constat est plus cruel une fois en jeu, avec une palette qui réduit les zones rocheuses à une bouillie grisâtre et les étendues sableuses à une marée jaune-marron – au moins le jeu reste-t-il toujours aussi lisible, même si la fenêtre de jeu n’est pas réellement en plein écran.

On sent les limitations techniques de l’Amiga dès les premiers écrans…

Disparues, aussi, les petites animations qui rendaient le jeu vivant : vous pouvez dire adieu au cycle de couleurs des pièges à vent ou aux drapeaux battant au vent des casernes. Les écrans fixes (eux aussi ont perdu leurs animations) entre les missions s’en sortent un peu mieux, mais la comparaison reste douloureuse pour qui a posé les yeux sur la version PC. La vraie perte, en revanche, se situe au niveau sonore, là où l’Amiga était pourtant bien mieux équipé pour rivaliser avec le PC – Là encore, une autre mauvaise habitude avec Westwood. Une partie des sons digitalisés a disparu – les rapports de la base s’affichent désormais directement à l’écran – et ceux qui ont survécu sont d’une qualité égale à ce qu’on peut entendre sur PC.

…et c’est toujours vrai une fois en jeu

Quantité de petits bruitages (comme le bruit du compteur d’Épice en haut à droite) sont également passés à la trappe, appauvrissant l’ambiance sonore du jeu. En revanche, les doublages français ont été réenregistrés : fini l’accent étrange, et les soldats parlent enfin quand on clique sur eux, bon point de ce côté-là, donc.

Notez comme les bâtiments à construire sont désormais affichés dans une barre horizontale, en bas de l’écran, qui tranche un peu avec le reste de l’interface

Mais musicalement, c’est le carnage : là où la version PC nous proposait une dizaine de morceaux s’enchaînant dynamiquement, la version Amiga ne nous propose qu’un seul et unique thème ! Comble de malheur, le thème en question – une simple nappe planante ne devant pas dépasser cinq notes – ferait un très bon somnifère, et anesthésie totalement la frénésie qui caractérisait la version originale. C’est d’autant plus dommage que le jeu est très fluide, parfaitement jouable, et qu’il n’y avait pas de réelle raison d’expurger ainsi ce qu’offrait la version PC (on pouvait installer le jeu sur un disque dur). Bref, une petite déception que cette version qui semble avoir cruellement manqué d’ambition, et qui aurait sans doute pu espérer mieux en étant pensée pour l’Amiga 1200.

NOTE FINALE : 14/20

Dune II sur Amiga aura fait le choix discutable de ne pas tirer parti des caractéristiques de l’Amiga 1200 – parmi lesquelles un mode AGA qui aurait pu offrir une réalisation égale à celle du VGA – et de procéder à quelques coupes inutiles et sincèrement inexplicables, notamment sur le plan sonore. Le jeu reste bien évidemment très sympathique, mais en-dehors de la nostalgie ou de la curiosité, aucune raison de privilégier cette version à celle parue sur PC.

Version Mega Drive

Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : 1er Mai 1994 (Amérique du Nord) – Juin 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Allemand, anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre et le didacticiel du jeu :

Grosse surprise, a priori, que ce portage de Dune II sur la machine de Sega, mieux connue pour sa mascotte bleue et ses jeux d’action tirés de l’arcade que pour la richesse de sa ludothèque au rayon stratégie. Ce jeu restera d’ailleurs le seul portage d’un jeu Westwood sur la Mega Drive – Eye of the Beholder ayant été porté, lui, sur le Mega-CD. Mais après tout, le studio américain avait déjà développé en exclusivité pour la machine de SEGA, comme dans le cas de Warriors of the Eternal Sun.

Graphiquement très différente, cette version Mega Drive est tout sauf une version au rabais

Que penser, alors, de cette curiosité ? Au premier contact, on comprend immédiatement que les fioritures auront été les premières sacrifiées de cette version : pas d’introduction, pas de cinématiques, pas de membre du Bene Gesserit pour nous présenter les différents clans (les mentats des trois maisons le font désormais eux-mêmes, en reprenant le texte du Bene Gesserit et en parlant d’eux à la troisième personne, ce qui est un peu étrange), pas de différence d’interface d’un camp à l’autre.

Les cinématiques sont désormais réduites à la portion congrue

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ceux qui ne connaissent pas l’univers de Dune ne sont pas exactement pris par la main en terme de présentation de l’univers ; en revanche, on trouve un didacticiel se contentant de vous présenter les différents terrains, unités et bâtiments du jeu avant de vous résumer l’interface, qui tient en trois boutons, manette oblige.

C’est une fois la partie lancée qu’intervient la plus grosse surprise : le jeu est désormais en plein écran, tout le contenu a été entièrement redessiné en prenant en compte le fait qu’on jouait sur un moniteur de télévision et pas à vingt centimètres d’un écran quinze pouces. Si l’interface y perd en identité, elle y gagne en revanche en clarté, surtout que – deuxième bonne surprise – la maniabilité au pad a été très bien pensée. Plus de bouton « déplacement  » à aller chercher : toutes les unités se déplacent désormais d’une simple pression de bouton : visez le sol, et elles se déplaceront, visez une unité adverse et elles la prendront pour cible.

Le jeu emploie dorénavant un système de mots de passe

C’est tellement bien pensé que le jeu en est même plus jouable à la manette qu’à la souris, un comble ! Pour le reste, les trois campagnes proposées restent assez proches de ce qu’offrait la version originale : on assiste à quantité de petites adaptations (les bâtiments ne font pas toujours la même taille que dans la version PC, on ne peut plus créer de dalles individuelles, certains édifices ne s’améliorent plus, ils ne laissent plus d’unités d’infanterie une fois détruits, on ne choisit plus sa destination entre les missions, etc.) mais aucune d’entre elles ne trahit l’esprit du jeu, qui reste identique à 90%. Du très beau boulot, vraiment.

La taille des unités et des bâtiments a été revue pour correspondre à un affichage sur un écran télé

Quelques petits bémols dans ce concert de louanges : tout d’abord, le système de sauvegarde a été remplacé par un système de mots de passe. Si cela peut très bien se comprendre vu les capacités des cartouches de l’époque, cela signifie aussi qu’il vous sera impossible de sauvegarder au cours d’une mission. Autant dire que vous aurez intérêt à prévoir un marathon et des séances de jeu de plusieurs heures pour les dernières missions, parce qu’il faudra à chaque fois les accomplir d’une traite.

L’écran de victoire qui suit chaque mission est la seule scène cinématique que vous verrez de tout le jeu

Cela vous prendra d’autant plus de temps que, et c’est le deuxième reproche, la Mega Drive tend à tirer quelque peu la langue quand de nombreuses unités sont engagées à l’écran (c’était vrai aussi sur PC, mais la puissance des machines actuelles a largement annihilé le problème). N’espérez pas non plus une fin en apothéose : pas de cinématique, un simple écran de félicitations et basta. Mais pour les amateurs de stratégie de l’époque, qui n’avaient pas forcément les moyens de se payer un PC haut-de-gamme histoire de faire tourner la bête, il y avait largement matière à investir dans la cartouche du jeu sans se sentir floué.

Le nombre d’impacts témoigne de la violence des combats

NOTE FINALE : 15/20

Excellent portage sachant tirer le meilleur de la machine de Sega, ce Dune II version Mega Drive pourra même se montrer plus jouable, aux yeux des joueurs modernes, que l’original sur PC. Dommage que tout l’enrobage ait été sacrifié dans la manœuvre – mais on jouait rarement à un jeu de stratégie pour sa présentation, surtout en 1994.