Romance of the Three Kingdoms

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Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Titre original : 三国志 (Sangokushi, Japon)
Titres alternatifs : スーパー三國志 (Super Sangokushi, Super Famicom, Japon)
Testé sur : PC-88MSXPC-98Sharp X1NESSharp X68000AmigaPC (DOS)Super Famicom
Versions non testées : FM-7, Sharp MZ-80B/2000/2500
Disponible sur : J2ME, Windows (version PC japonaise)
En vente sur : Steam.com (Windows)

La série Romance of the Three Kingdoms (jusqu’à 2000) :

  1. Romance of the Three Kingdoms (1985)
  2. Romance of the Three Kingdoms II (1989)
  3. Romance of the Three Kingdoms III : Dragon of Destiny (1992)
  4. Romance of the Three Kingdoms IV : Wall of Fire (1994)
  5. Sangokushi V (1995)
  6. Romance of the Three Kingdoms VI : Awakening of the Dragon (1998)
  7. Sangokushi Sōsōden (1998)
  8. Sangokushi for WonderSwan (1999)
  9. Romance of the Three Kingdoms VII (2000)

Version PC-88
Sangokushi

Date de sortie : 10 décembre 1985 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Système : PC-8801mkIISR/FR/MR

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La stratégie figure parmi les genres vidéoludiques qui pouvaient se vanter d’avoir déjà pris leurs marques et assis des bases solides avant même la fin des années 1980. Souvent pensés avant tout comme de pures adaptations de ces jeux de plateau auxquels n’importe qui pouvait jouer avec une carte en papier couverte d’hexagone, des unités dessinées à la main sur un bout de papier, un peu d’imagination et beaucoup de temps, la plupart des titres du genre vous proposaient de revisiter les grandes batailles de la seconde guerre mondiale en laissant à l’ordinateur la tâche d’assurer toutes les actions rébarbatives, parmi lesquelles le fait de contrôler les troupes adverses.

Le nombre de généraux jouables tendra à se réduire au fur-et-à-mesure de l’avancée dans le temps

Il faut cependant reconnaître que dans le domaine, la production japonaise aura été encore plus précoce que la production occidentale, notamment grâce à KOEI qui aura rapidement commercialisé des titres qui resteront comme les pionniers du genre, avec Nobunaga no Yabō (1983), Aoki Ōkami to Shiroki Mejika (1985), eux-mêmes suivis respectivement de Nobunaga’s Ambition (1986) et de Genghis Khan (1987). Mais parmi les séries de référence se distingue particulièrement une qui aura accueilli rien de moins que son quatorzième épisode (sans même compter les spin-off) en 2020 et qui aura connu ses débuts en 1985 ; une saga qui aura fait le choix d’aller puiser dans un roman historique chinois nommé Les Trois Royaumes : intitulée Sangokushi au Japon, elle aura fait le trajet jusqu’en occident sous le titre Romance of the Three Kingdoms.

La Chine ne s’est pas faite en un jour

Une guerre pour les gouverner tous

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le roman de Luo Guanzhong, sans doute une des plus célèbres de toute l’histoire littéraire de la Chine (avec une adaptation très partielle par John Woo en 2008, notamment), il narre la fin de la dynastie Han au deuxième siècle et la période de conflits qui s’en suivra, au moment où un général nommé Dong Zhuo s’autoproclame empereur en 189 après J.C. et où plusieurs de ses subordonnés entreprennent de prendre les armes pour le renverser.

Il y a indéniablement matière à s’occuper

Le jeu vous propose de prendre les commandes d’un de ces généraux au cours de cinq scénarios couvrant cinq périodes de la guerre, depuis la prise de pouvoir de Dong Zhuo jusqu’à la période qui donne son nom au livre et au jeu, et où la Chine sera divisée entre le royaume Wei dirigé par Cao Cao, le royaume Wu gouverné par Sun Quan, et le royaume Shu sous la direction de Liu Bei. Une division chronologique qui vous permettra donc, au choix, soit de partir de rien au début de la guerre, soit au contraire d’être immédiatement à la tête d’un domaine s’étendant sur plus d’une quinzaine de régions si vous démarrez au IIIe siècle. Dans tous les cas de figure, tous les généraux présents peuvent être incarnés par des joueurs humains qui se relaieront alors devant l’écran à chaque tour de jeu (un tour représente un mois) et l’objectif, s’il change d’une période à l’autre, consistera toujours en une conquête territoriale (conquérir trente régions dont une des capitales en 189, conquérir tout le pays en 215).

La première excellente idée de Romance of the Three Kingdoms – au delà du choix ô combien dépaysant de la période et de la région choisies, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir plus tard – c’est de ne pas se limiter à un simulateur de batailles vous demandant de déplacer des unités sur une carte. Si l’aspect militaire sera bien évidemment central, vous êtes à la tête d’un royaume et pas juste d’une armée, et s’assurer du bonheur comme du soutien des paysans qui composeront l’essentiel de vos sujets risque de représenter une préoccupation majeure pendant toute la durée de votre règne.

Franchir un fleuve représentera toujours une difficulté supplémentaire

D’entrée de jeu, le programme se distingue en vous offrant pas moins d’une vingtaine d’actions à effectuer pour chacune des régions sous vos ordres : on y trouve bien évidemment la possibilité de commander et de déplacer vos armées, mais aussi de recruter des troupes, de les former, de les équiper, de développer l’infrastructure locale – et notamment de construire des digues en vue des probables crues que subiront les deux fleuves que sont le Yangtze et le fleuve jaune -, sans oublier la possibilité de commercer, d’envoyer des messagers pour traiter des questions diplomatiques, ou encore de mener des opérations de sabotage… les options disponibles ne manquent pas, et tant que votre général en chef n’est pas mort, il peut même partir en errance pour reconstituer ses forces et reprendre le contrôle d’une région après sa défaite ! Reconnaissons-le : pour un titre de 1985, le menu est déjà très copieux.

Les batailles sont très classiques, ce qui ne les rend pas moins efficaces

On pourrait d’ailleurs craindre d’être noyé sous les possibilités, sentiment d’ailleurs renforcé lorsqu’on constate que tous les généraux du jeu (vous aurez de très nombreux généraux sous vos ordres, chaque armée nécessitant d’être commandée par l’un d’entre eux et chaque région devant contenir au minimum une armée pour que vous en gardiez le contrôle) sont doté d’une dizaine de caractéristiques : âge, intelligence, puissance, charisme, chance ou encore loyauté – toutes auront leur utilité dans de très nombreuses situations, et mieux vaudra prendre le temps d’un détour par le manuel du jeu (de préférence celui des versions occidentales sur Amiga ou sur PC qui ont l’avantage d’être jouables en anglais, elles) pour avoir une idée de ce que vous pouvez faire – et surtout, de ce que vous devriez faire. À ce niveau, en dépit d’une interface qui aurait pu être plus intuitive (surtout pour quelqu’un ne parlant pas japonais, on s’en doute), le titre de KOEI a la grande force de ne jamais se transformer en usine à gaz totalement opaque où ne comprend rien à ce qui se passe. En fait, on pourrait lui faire le reproche exactement inverse : celui d’offrir énormément de possibilités, dont 90% dont vous ne ferez au final pratiquement jamais usage.

En fin de partie, les choses se compliquent énormément, chaque assaut nécessite des mois de planification

Il faut bien se rappeler que l’axe majeur du jeu reste la conquête. Partant de ce principe, tout l’aspect « gestion » est intégralement au service de l’aspect militaire, et chacune des options qui s’offrent à vous n’a finalement une utilité que dans des cas très précis – ou, plus grave, pour vous occuper les mains lorsque vous n’avez pas grand chose à faire. L’idée est simple : vous devez avoir un maximum de généraux, à la tête d’un maximum de troupes, en vous efforçant de vous étendre au maximum sans pour autant vous éparpiller et vous exposer à une attaque en force.

Vous avez tout à fait la possibilité de laisser les commandes à l’ordinateur et de regarder comment il se développe

Et pour ce faire, vous devrez avant tout vous assurer que vos soldats ne manque ni d’or ni de riz, car n’importe quelle bataille tournera court dès l’instant où vos troupes n’auront plus de ravitaillement – capturer les réserves ennemies restera d’ailleurs un excellent moyen pour faire basculer une bataille qu’on pensait jouer d’avance, lors d’affrontements en vue de dessus sur une grille hexagonale où le terrain impactera à la fois la vitesse et les protection de vos armées. L’essentiel du jeu consistera donc à développer vos régions en dépensant vos ressources durement acquises lors de la collecte des impôts, en juin, afin de toujours avoir de quoi alimenter votre effort de guerre ; tous les autres aspects, parmi lesquels la loyauté de vos paysans ou celle de vos généraux, resteront principalement des valeurs mentionnées clairement et en fonction desquelles vous devrez décider ou non d’agir lorsqu’elles deviennent trop hautes (risques de crue) ou trop basses (loyauté).

S’étendre, c’est aussi se disperser ; n’allez pas croire que les grands empire ont gagné d’avance

Ce moment où Sangokushi (dans la colle)

C’est d’ailleurs là que Romance of the Three Kingdoms commence à trahir son âge, en offrant une expérience assez complète et objectivement solide, mais aussi franchement laborieuse, particulièrement quand votre royaume commence à s’étendre. En effet chaque tour du jeu vous demandera impérativement de donner des ordres à chacune de vos régions une par une. Or, en dépit des apparences, les possibilités tendent vite à être assez limitées une fois que vous aurez largement puisé dans vos réserves d’or et de nourriture pour lever de nouvelles troupes ou pour investir dans votre région : les impôts ne tombant qu’une fois par an, et en lever d’autres ayant de lourdes conséquences sur la loyauté locale, vous êtes fatalement voué à passer l’essentiel de l’année à trouver matière à passer le temps en attendant de pouvoir à nouveau lever des troupes et partir à l’assaut des régions voisines.

On peut tout à fait faire tomber une région en soudoyant son gouverneur

On passe donc beaucoup de temps à envoyer les soldats en exercice ou à partir à la recherche de ressources ou de généraux « faute de mieux », parce qu’il faut bien donner un ordre chaque mois alors qu’on pourrait objectivement se contenter d’en donner deux par an, et pas nécessairement partout. C’est modérément gênant quant on est à la tête d’un empire de deux régions, mais je vous laisse imaginer le temps infini qu’on passe à se compter les doigts de pied lorsqu’on doit en gérer une trentaine ! Certes, on peut aussi laisser nos généraux administrer les régions à notre place, mais comme il faut de toute façon valider toutes leurs actions et qu’ils peuvent nous planter pour aller rejoindre un général adverse, on a toujours le sentiment de prendre un risque à ne pas tout faire nous-même, et on a finalement très peu recours au sabotage ou à la diplomatie tout simplement parce que c’est très rarement rentable ou même utile.

À quarante contre un, le combat semble joué d’avance…

La conséquence, c’est que les néophytes auront probablement pris la fuite bien avant d’ouvrir le manuel du jeu, et que les passionnés du genre devront s’armer de patience face à ce qui leur apparaitra comme un précurseur particulièrement ambitieux, mais aussi fatalement daté, du genre du 4X. De fait, Romance of the Three Kingdoms a déjà le mérite d’être un jeu de 1985 qui reste parfaitement jouable, à condition d’avoir le manuel sous la main pour savoir à quoi correspond chacune des vingt actions, au XXIe siècle, et qui contient absolument tout l’essentiel pour se montrer intéressant sur la durée. Une large partie de son charme, néanmoins, provient précisément de sa source : loin de contrôler des nations abstraites, on est placé dans la peau de généraux dont la vie et les exploits sont narrées avec un grand luxe de détails dans le manuel, et qui ont tous un portrait et une identité. Et mine de rien, on finit par s’identifier à Caco Cao, à Liu Bei ou à Sun Quan et par se passionner pour une histoire romancée de l’unification de la Chine qui remonte à près de deux millénaires – ça change un peu des cartes d’état-major où on déplace des tanks pour aller prendre Berlin. Si vous cherchez une certaine lenteur, un certain dépaysement et un certain niveau d’investissement, il y a indéniablement quelque chose à découvrir avec la saga des Romance of the Three Kingdoms, que ce soit par le biais de cet épisode ou d’un autre. Si vous vous en sentez la curiosité, n’hésitez pas à vous lancer – quitte à opter, naturellement, pour les portages traduits en anglais.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20 La stratégie était déjà un genre vidéoludique bien affirmé en 1985, et Romance of the Three Kingdoms en est un digne représentant. Bien que le jeu repose toujours en grande partie sur son volet militaire, la victoire demandera également une gestion méticuleuse des différentes régions qui composeront votre domaine, avec de nombreux facteurs suffisamment bien intégrés pour enrichir le jeu en subtilités sans le transformer pour autant en usine à gaz. Une fois ses marques prises, on reste devant un titre assez conventionnel dans ses mécanismes en dépit de son ambition, mais dont les principaux atouts restent précisément la période et le pays concernés, avec un manuel riche en informations et en personnages qui se lit presque comme un bon livre d'histoire. Si seuls les stratèges les plus patients trouveront en eux la patience de composer avec une microgestion de plus en plus envahissante et un gameplay qui vous commandera principalement de reproduire les trois ou quatre mêmes actions en boucle 90% du temps, ils ne passeront pas un mauvais moment. Les néophytes, pour leur part, gagneront sans doute à tenter directement leur chance sur un épisode un peu plus récent.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une interface qui vous obligera à passer par le manuel ne fut-ce que pour connaître vos possibilités... – ...et qui nécessitera, bien évidemment, de savoir lire le japonais – Une microgestion qui devient de plus en plus laborieuse au fur-et-à-mesure que votre domaine grandit – Beaucoup d'informations à aller chercher dans des écrans à part

Version MSX
Sangokushi

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : 1986 (version MSX 1) – 1987 (version MSX 2)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langues : Anglais/japonais (version MSX 1) – Japonais (version MSX 2)
Supports : Cartouche, cassette, disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cartouche testée sur MSX 2+
Configuration minimale : RAM : 16ko (MSX 1)/ 64ko (MSX 2)

Vidéo – L’écran-titre du jeu (version MSX 2) :

Histoire de compliquer les choses d’entrée de jeu, ce n’est pas une mais bien deux versions de Romance of the Three Kingdoms qui auront vu le jour sur MSX : une version de 1986 qui a l’avantage d’être (partiellement) traduite en anglais, et une version spécifiquement optimisée pour le MSX 2 qui n’aura jamais connu, elle, les bénéfices d’une quelconque forme de localisation.

L’écran principal sur MSX. Sexy… mais au moins, c’est en anglais. À peu près.

Du côté du MSX, le gros problème aura visiblement été la résolution : contrairement aux autres ordinateurs japonais, le système partiellement conçu par Microsoft n’était pas taillé pour afficher des graphismes en 640×400 ou en 640×200. Conséquences : plus question d’avoir la carte de la Chine et les informations sur le même écran, il faudra basculer de l’un à l’autre via la touche Select. Cela tend déjà à rendre la navigation assez inconfortable et l’interface encore plus austère, mais en plus de nombreuses fonctions ont été condensées : des vingt actions disponibles dans la version de base, seules treize ont survécu, et on remarquera que développer l’infrastructure sert également à lutter contre les inondations, ou qu’il n’est plus possible de construire des châteaux, par exemple. Bref, la réalisation n’est pas la seule à avoir laissé des plumes, ce qui n’est vraiment pas une bonne surprise. Le fait que le jeu propose des options en anglais avec beaucoup d’informations exclusivement en japonais n’arrange rien.

Sur MSX 2, les contraintes techniques ne sont plus les mêmes, et on récupère le jeu qu’on attendait

Pour ce qui est du MSX2, les choses seront beaucoup plus simples : c’est, à quelques pixels près, la copie conforme de la version PC-88 – au détail près que les couleurs sont un peu mieux choisies. Cette fois, pas une seule option n’a disparu, et l’interface ressemble davantage à celle qu’utiliseront les version occidentales ultérieures, avec davantage d’informations à l’écran (les intérêts et le prix du riz, par exemple). Bref, une version qu’on conseillerait volontiers si elle n’était pas exclusivement disponible en japonais.

NOTE FINALE : 11/20 (MSX) – 13/20 (MSX2)

Romance of the Three Kingdoms n’était pas un titre très exigeant sur le plan technique… sauf du côté de la résolution. La version MSX en aura fait les frais, en perdant au passage quelques options qu’elle aurait mieux fait de conserver, contrairement à une version MSX2 qui conserve tout ce qu’offrait l’itération PC-88.

Version PC-98
Sangokushi

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : Avril 1986 (première édition – Japon) – 20 avril 1987 (deuxième édition – Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Histoire d’entretenir la complexité, l’itération PC-98 de Sangokushi sera une nouvelle fois sortie en deux version : une première édition dès 1986, avec des capacités sonores très limitées, et une version plus tardive avec une musique FM et des portraits redessinés. Dans les deux cas et à ces deux détails exceptés, on se retrouve avec une copie quasi-conforme de la version PC-88 – la seule nuance se situant au niveau de l’interface, qui inaugure les modifications observées plus tard dans l’opus MSX2 et dans les versions occidentales. Une nouvelle fois, point de salut pour les joueurs ne parlant pas japonais, qui se dirigeront sans doute immédiatement vers les opus Amiga, PC ou NES.

On n’est pas franchement dépaysé, hein?

NOTE FINALE : 13/20

Aucune surprise pour cette version de Sangokushi, même si les joueurs désirant profiter des capacités sonores de l’ordinateur devraient éviter d’investir dans la première édition reconnaissable à sa boîte carrée. Pour le reste, c’est pour ainsi dire l’opus PC-88 avec une interface dépoussiérée.

Version Sharp X1
Sangokushi

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : 1986 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Nouvelle version de Sangokushi sur un ordinateur japonais, et l’occasion de se souvenir que les portages étaient nettement plus cohérents sur la scène japonaise qu’ils ne l’étaient en occident. Une nouvelle fois, on se retrouve avec la copie pixel perfect de l’itération PC-88, les seules réelles nuances étant à chercher du côté de l’interface, désormais présente dans sa version « modernisée », et de la musique, puisque passé un timide thème que n’aurait pas relié le haut-parleur interne du PC à l’écran-titre, il n’y a pour ainsi dire plus de musique du tout. Pour le reste, le contenu n’a pas changé d’un iota, vous ne devriez donc pas avoir trop de mauvaises surprises – tant que vous êtes spécifiquement à la recherche d’une version en japonais, en tous cas.

Oui, je sais que la ressemblance est troublante, mais je vous promets que je n’ai pas repris la capture d’écran précédente

NOTE FINALE : 13/20

Prenez la version PC-88, retirez la musique – ce qui n’est pas nécessairement une grosse perte tant elle était vouée à devenir répétitive – et vous obtiendrez Sangokushi version Sharp X1.

Version NES

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : 30 octobre 1988 (Japon) – Octobre 1989 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Romance of the Three Kingdoms sur NES ? Le choix n’était pas forcément le plus évident, mais non seulement cette version aura vu le jour sur la console de Nintendo, mais en plus elle aura même eu l’occasion de traverser le Pacifique (mais pas l’Atlantique dans la foulée, hélas).

L’essentiel est toujours à sa place, au contraire des subtilités

Concrètement, on se retrouve avec un portage qui entretient beaucoup de points communs avec la version MSX : la carte et les informations sont situées sur deux écrans séparés, et surtout l’interface a été simplifiée ; il n’y a par exemple plus d’opérations de sabotage, le développement et la construction de digue sont ramenés à une unique action, la recherche est désormais une action qui ne vous demande plus de stipuler si vous cherchez de l’or, du métal ou du personnel, etc. Encore une fois, c’est un peu dommage d’avoir « épuré » des possibilités qui apportaient un peu de profondeur au jeu, mais quand on voit la relative lenteur de l’expérience, le logiciel passant en revue les actions de chaque région à chaque nouveau tour, on se dit qu’il ne fallait sans doute pas en demander trop à la NES. La réalisation est très correcte et a le mérite d’être lisible, même si on aurait sans doute préféré que les régions soient intégralement coloriée en fonction de leur appartenance plutôt que de se borner à leur numéro, mais cela reste assez anecdotique. Disons simplement que si vous cherchez un bon jeu de stratégie sur NES, celui-ci est suffisamment solide pour vous garder occupé, mais que dans le cas contraire il sera au moins aussi confortable de découvrir le jeu sur PC ou sur Amiga.

La Chine est ici TRÈS schématisée, mais bon, on s’en remettra

NOTE FINALE : 12/20

Romance of the Three Kingdoms aura débarqué sur NES dans une version légèrement simplifiée qui n’est pas sans rappeler celle parue sur MSX. Le résultat est solide, surtout pour un système qui ne croule pas sous les jeux de stratégie, mais à moins de vouloir spécifiquement jouer sur la console de Nintendo, le titre sera plus intéressant à découvrir sur les ordinateurs occidentaux.

Version Sharp X68000
Sangokushi

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : 9 décembre 1988 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise testée sur Sharp X68000
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Parmi les machines qui déçoivent très rarement, on est toujours heureux de croiser la route du Sharp X68000. La machine étant plus habituée aux portages pixel perfect des bornes d’arcade de l’époque, on était en droit de se demander ce qu’elle pouvait bien apporter à un titre comme Sangokushi. La réponse est assez simple : une réalisation dans le haut du panier, avec de la haute résolution très colorée qui offre encore un peu plus de place à l’interface à droite d’une carte de la Chine très bien rendue, des thèmes musicaux tirant parti des capacités sonores de la machine, et même une toute nouvelle interface à la souris qui vous permettra dorénavant de parcourir le jeu sans plus avoir à taper toutes vos instructions sur le clavier. Autant dire du bel ouvrage dont le principal tort reste une nouvelle fois d’être réservé uniquement aux joueurs à l’aise avec le japonais écrit.

C’est propre, c’est lisible, c’est ergonomique, rien à dire

NOTE FINALE : 13,5/20

Le Sharp X68000 se devait d’offrir une version de Sangokushi supérieure à celle des autres ordinateurs japonais, et il aura rempli sa mission sans forcer grâce à une réalisation inattaquable et à une jouabilité tirant parti de la souris. Si vous parlez japonais, foncez.

Version Amiga

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Corporation
Date de sortie : Décembre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment de transposer Romance of the Three Kingdoms sur Amiga, on pouvait penser qu’à l’instar du Sharp X68000, la machine de Commodore allait tirer son épingle du jeu. Seulement voilà : en haute résolution, l’Amiga n’était pas exactement capable des mêmes prouesses qu’en 320×200, et on sera au final plutôt heureux de retrouver des graphismes qui fassent jeu égal avec les versions parues sur les ordinateurs japonais (Sharp X68000 excepté, justement). L’honnêteté oblige néanmoins à reconnaître que la carte est un peu plus détaillée dans cette version, la musique un peu meilleure que sur PC-88, et surtout le jeu a le grand avantage d’être intégralement en anglais sans composer avec aucune des coupes de la version NES. Petite curiosité : si la souris est belle et bien reconnue, elle ne sert en revanche pas à grand chose. Pour le reste, on aurait aimé que les tours se déroulent un tout petit peu plus vite, mais on reste face à un jeu de stratégie solide. Une bonne porte d’entrée pour le joueur du XXIe siècle, donc.

On ne va pas dire qu’on est déçu : la lisibilité était clairement la donnée importante ici.

NOTE FINALE : 13/20

Romance of the Three Kingdom ne décrochera peut-être aucune mâchoire sur Amiga, mais il offrira un jeu de stratégie lisible et complet dans une version qui a l’immense avantage d’être accessible à ceux qui ne parlent pas japonais. Un titre relativement original de par son contexte sur la machine de Commodore.

Version PC (DOS)

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Corporation
Date de sortie : Octobre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne
C’est peut-être un peu moins coloré que sur Amiga, mais très honnêtement vous devriez vous en remettre

En 1989, le PC n’était peut-être pas encore taillé sur mesure pour proposer des jeux d’action, mais il avait déjà tout le nécessaire pour les jeux de stratégie. Pour le coup, le VGA aurait plutôt desservi un titre comme Romance of the Three Kingdoms, qui a besoin de la haute résolution pour s’exprimer. En EGA, le jeu s’affiche en couleurs dans une glorieuse résolution de 600×200 – le CGA le faisant, lui, en monochrome. Conséquence : le jeu n’a pas trop à rougir de la comparaison avec la version Amiga sur le plan graphique, et pour ce qui est du plan sonore, il n’y a de toute façon plus de musique du tout. La puissance des PC modernes devrait vous permettre d’écourter sans peine les quelques rares temps de chargement en jeu, et l’expérience est globalement en tous points au moins aussi agréable que sur la machine de Commodore. Bref, pour une fois, un joueur PC de 1989 ne se sentait pas trop humilié par un ordinateur trois fois moins cher que le sien et pouvait découvrir un bon jeu de stratégie dans des conditions presque optimales.

NOTE FINALE : 13/20

Sur un PC parfaitement équipé pour afficher son interface en haute résolution, Romance of the Three Kingdoms se sent comme un poisson dans l’eau et offre une expérience de jeu d’autant plus appréciable qu’elle est accessible en anglais. Si vous avez DOSBox et une copie du jeu sous la main, inutile de vous épuiser à aller dénicher une autre version.

Version Super Famicom
Super Sangokushi

Développeur : KOEI Co., Ltd.
Éditeur : KOEI Co., Ltd.
Date de sortie : 14 août 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La Super Nintendo aura entretenu une relation assez privilégiée avec la saga Romance of the Three Kingdoms, dont elle aura hébergé les quatre premiers épisodes – trois d’entre eux allant même jusqu’à être traduit en anglais… ce qui n’est hélas pas le cas de ce premier épisode. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce premier épisode rebaptisé pour l’occasion Super Sangokushi n’aura pas été le premier à paraître sur la Super Famicom, mais au contraire un des derniers, ne précédant Romance of the Three Kingdoms IV que de quelques mois. Qu’apporte donc cette fameuse version par rapport au titre de base?

Ça a l’air au moins aussi bien que sur NES, ce qui est un bon début…

Eh bien on en arrive hélas au stade où je dois confesser mes limites : ne parlant pas japonais et n’ayant trouvé absolument aucune information sur le jeu, pas le plus infime petit avis, guide ou retour, j’ai dû effectuer ce test en aveugle. Prenez donc ce que je vais dire avec de grosses pincettes le temps qu’un joueur plus versé que moi ne vienne partager ses connaissances, mais pour ce que j’ai pu en juger, le titre est resté exactement identique à ce qu’il proposait sur PC-88, refonte graphique et sonore mises à part. Si de nouvelles fonctions ont été introduites au sein de la pléthore de menus et de sous-menus, d’ailleurs assez lourds à naviguer, je n’ai pas été capable d’en définir la nature – et il serait quand même surprenant que le titre n’offre strictement rien de neuf alors qu’il débarquait après ses deux suites directes – mais dans l’immédiat, je mentionne cette version principalement pour en signaler l’existence à ceux ayant les aptitudes pour s’y essayer, quitte à remettre le test à jour par la suite.

Le contenu du jeu ne semble pas avoir changé

NOTE FINALE : 13 (?)/20

Super Sangokushi offre au titre original une refonte graphique et sonore agréable, mais qui ne compense pas exactement la perte de lisibilité qu’elle introduit. Pour le reste, le fait que cette version ne soit jamais sortie du Japon et qu’elle n’ait visiblement pas déplacé des foules de joueurs anglophones ni n’ait bénéficié du moindre patch de traduction ne peut que me contraindre à écrire ce test au conditionnel quant à d’éventuels ajouts qui auraient pu m’échapper.

Final Fantasy Tactics

Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Square Co., Ltd.
Titres alternatifs : ファイナルファンタジータクティクス (graphie japonaise), Final Fantasy Tactics : The War of the Lions (PSP), ファイナルファンタジータクティクス 獅子戦争 (Final Fantasy Tactics : Shishi Sensou – PSP, Japon)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, PlayStation 3, PSP, PS Vita

La saga Final Fantasy (jusqu’à 2000) :

  1. Final Fantasy (1987)
  2. Final Fantasy II (1988)
  3. Final Fantasy III (1990)
  4. Final Fantasy IV (1991)
  5. Mystic Quest Legend (1992)
  6. Final Fantasy V (1992)
  7. Final Fantasy VI (1994)
  8. Final Fantasy VII (1997)
  9. Final Fantasy Tactics (1997)
  10. Final Fantasy VIII (1999)
  11. Final Fantasy IX (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 20 juin 1997 (Japon) – 29 janvier 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À la fin des années 1990, la saga Final Fantasy était peut-être en train de vivre sa meilleure vie – finalement popularisée en Europe par un septième épisode qui aura initié bien des joueurs de l’époque au J-RPG – mais elle hésitait encore à franchir un pas qu’elle a depuis allégrement franchi : celui des spin-off. Certains m’opposeront le cas des Final Fantasy Legend sur Game Boy, mais autant en profiter pour rappeler que ces jeux ne portaient le nom de « Final Fantasy » qu’en occident, étant originellement tirés d’une autre série de Square qui aura eu encore plus de mal à voyager hors du Japon, celle des SaGa.

La première entorse à cette règle – qui était d’ailleurs appelée à en susciter bien d’autres – trouve en fait sa racine en 1995, quand l’équipe de Square aura été impressionnée par un tactical-RPG ayant fait grand bruit sur Super Famicom au Japon, mais n’en étant alors jamais sorti, un certain Tactics Ogre. Si impressionnée, en fait, qu’elle aura carrément débauchée une grande partie de l’équipe de Quest Corporation, responsable du jeu, pour lui demander de travailler sur un titre dans la droite continuité de Tactics Ogre, mais rattaché cette fois à la saga Final Fantasy. Deux ans plus tard sortait la rencontre de ces deux univers, et ce qui restera comme le premier « vrai » spin-off de la saga, six mois avant Chocobo no Fushigi na Dungeon : le bien nommé Final Fantasy Tactics.

La première surprise en lançant le titre proviendra d’ailleurs de son univers qui, à quelques chocobos et objets près, n’entretient finalement qu’un lien assez symbolique avec la saga des Final Fantasy. Oubliez les cristaux, les guerriers de la lumière, les machines volantes et les habituels archétypes relativement manichéens qui caractérisent la saga : d’entrée de jeu, le scénario vous place face à une guerre de succession aux enjeux complexes où il n’y a pas de méchant clairement désigné.

Une tendance qui se confirmera tout au long de la partie, avec des thématiques étonnamment adultes mettant en jeu des luttes de pouvoir impliquant la noblesse et l’Église et de multiples trahisons et autres coups de théâtres au cours d’un récit construit comme la réhabilitation d’un personnage oublié (celui que vous incarnez, naturellement), éclipsé par un certain Delita que l’histoire aura depuis retenu comme étant le véritable héros. Comme vous vous en doutez, la « vérité » que le programme vous invitera à découvrir sera sensiblement plus complexe, et vous plongera dans une période assez sombre où le taux de mortalité sera particulièrement élevé, et pas seulement sur les champs de bataille. Un univers à la Game of Thrones avec très peu de gens vertueux et énormément de pions déplacés par des dynasties et des institutions dévorées d’ambition, abordant ouvertement des thématiques politiques encore largement taboues dans l’univers vidéoludique ; autant dire une excellente surprise qu’on aurait vraiment, vraiment aimé voir se prolonger au cœur d’une saga qui aura depuis fait le choix de s’en écarter définitivement.

Au terme d’un long didacticiel non-interactif (que vous pouvez totalement occulter, mais qui aura le mérite de couvrir absolument tous les aspects du système de jeu), le titre vous placera donc dans la peau du cadet de la famille Beoulve (dont vous déciderez du nom et de la date de naissance) lors des événements de la guerre des lions dont les enjeux vous seront résumés dans l’introduction.

L’occasion de découvrir une histoire prenante et bien conçue, comme on l’a vu, mais aussi et surtout de faire connaissance avec un système de jeu d’une rare profondeur qu’il sera très difficile d’aborder en détails ici, mais qui vous placera aux commandes d’un groupe à la Shining Force au cours de combats au tour-par-tour où vous ne pourrez jamais contrôler directement plus de cinq unités, sur des cartes en 3D où le relief et la nature du terrain auront un impact majeur sur vos actions comme sur vos déplacements. Comme dans la plupart des tactical-RPGs, chaque action réussie (et pas juste le fait de parvenir à vaincre un adversaire) vous vaudra de gagner des points d’expérience, qui permettront de faire progresser votre personnage, mais aussi et surtout des points de métier (job points) qui vous autoriseront, eux, à investir dans les capacités de sa classe. Un système d’ailleurs directement inspiré de Tactics Ogre, mais d’une telle richesse dans ses possibilités qu’il mérite largement qu’on s’y attarde un peu.

Au commencement du jeu, tout votre groupe se divisera en deux classes : les écuyers (qui seront des combattants au corps-à-corps) et les chimistes, qui pourront employer des objets pour soigner comme pour provoquer des dégâts. Faire progresser ces deux classes sera déjà l’occasion de découvrir que chaque point de métier remporté viendra faire grossir une réserve de points que vous serez ensuite libre de dépenser pour investir dans un des dizaines de compétences propres à la classe concernée, et qui seront divisées en cinq catégories : pouvoir principal, pouvoir secondaire, contre-attaque, passive et déplacement.

Vous serez donc libre de distribuer les compétences apprises selon ces cinq axes et d’en changer à n’importe quel moment (sauf au beau milieu d’un l’affrontement, naturellement) selon ce que vous jugerez être pertinent. Ce serait déjà extrêmement riche si chacun de vos personnages ne débloquait pas d’autres classes au fur et à mesure de sa progression (par exemple, un écuyer niveau deux pourra devenir chevalier ou archer, un archer niveau trois pourra devenir ninja, etc.) et surtout s’il n’était pas libre d’en changer n’importe quand… pour en cumuler les compétences. Rien ne vous interdit, par exemple, de faire un guerrier capable d’utiliser deux armes grâce à une compétence de ninja, et qui puisse également jeter des sorts de magie blanche en guise de capacité secondaire, tout en étant capable de faire un contre dévastateur grâce à une compétence de moine et de se téléporter grâce à une compétence de mage temporel. Les possibilités sont virtuellement illimitées, et le mieux est que cela reste vrai pour chacun des membres de votre groupe !

L’une des grandes forces de ce systèmes absolument génial, c’est de donner une valeur particulière à l’inévitable phase de grinding qui peut d’ordinaire composer la partie rébarbative de n’importe quel jeu de rôle. Ici, il est toujours possible de faire face à des affrontements aléatoires lors de vos déplacements sur la carte du jeu, mais aucun combat ne sera jamais une corvée tant faire progresser votre groupe jusqu’à façonner l’équipe de vos rêves composera le vrai cœur du jeu – et les combats ayant le bon goût d’être absolument passionnants sans se transformer pour autant en usine à gaz, on a affaire à l’un des mécanismes de progression les plus grisants et les plus aboutis jamais offerts par un titre de ce genre !

Sachant qu’il est en plus possible d’envoyer d’autres membres de votre équipe sur des missions hors-carte afin de continuer à les faire progresser, que la gestion de l’équipement aura un impact, qu’il est possible de dresser des chocobos et même d’en faire l’élevage pour les intégrer à votre équipe, et même d’intégrer des personnages uniques avec des capacités qui leur sont exclusives… Le programme est vraiment extrêmement copieux, le mieux étant que je n’aurais jamais le temps d’aborder ici toutes les subtilités qui font la grande force d’un système de combat qui se cherche encore de réels rivaux plus de vingt ans après sa sortie.

Quitte à aborder le jeu de manière objective, autant en profiter d’ailleurs pour aborder les quelques petits défauts qui empêchent l’expérience d’atteindre la perfection. On notera par exemple quelques mécanismes idiots, comme le fait que le programme vous demande de placer vos personnages en prélude du combat… en aveugle, sans voir la carte sur laquelle vous être en train de choisir leurs positions. Pourquoi ne pas directement les placer sur le champ de bataille ?

On notera aussi que la chance jouera une part plus ou moins importantes dans les combats, pour le résultat de n’importe quelle attaque mais aussi et surtout pour la magie et pour les compétences incapacitantes, et qu’avoir de la réussite pourra changer dramatiquement le résultat d’une rencontre, surtout quand vous vous retrouvez avec la moitié de votre groupe immobilisé ou purement et simplement tué avant même d’avoir eu l’occasion de faire un mouvement ! On regrettera d’ailleurs que certaines rencontres vous fasse débuter au contact direct de l’ennemi sans vous laisser le temps de prendre la main, et que la campagne connaisse quelques pics de difficulté avec des combats vraiment redoutables… tout en intégrant, sur sa fin, des personnages tellement puissants qu’ils transformeront les derniers affrontement en véritable promenade de santé (oui, c’est à toi que je pense, Orlandu !). Bref, quelques petites maladresses et autres soucis d’équilibrage qui viennent très légèrement ternir un tableau autrement si idyllique qu’on ne peut que regretter que la saga des Final Fantasy Tactics n’ait pas mieux proliféré depuis.

Toujours est-il que pour tous les amateurs de tactical-RPG, le constat est limpide : Final Fantasy Tactics était tout simplement un des meilleurs titres du genre à sa sortie, et ce statut est toujours difficile à lui contester vingt-cinq ans plus tard.

S’il pourra demander un peu d’investissement pour prendre ses marques, le temps de dompter une profondeur de jeu qui aurait sans doute mérité d’être mieux balisée, il reste aujourd’hui encore une expérience absolument grandiose où les dizaines heures s’enchainent sans qu’on les voie passer, et où on sera toujours heureux de tester de nouvelles combinaisons afin d’arriver au groupe ultime capable de terrasser n’importe qui. Si vous avez apprécié des titres comme Shining Force ou Front Mission, vous commettriez une grave erreur en faisant l’impasse sur ce jeu, et si le genre du tactical-RPG vous attire, vous ne découvrirez peut-être pas ici son représentant le plus accessible, mais il pourrait bien vous conquérir et ne plus jamais vous lâcher. Quel dommage que Square semble depuis avoir abandonné cette saga au profit d’action-RPGs nettement plus oubliables, car pour tous les fans du genre, on est face à une forme de Graal qui attend toujours l’émergence d’un réel rival pour lui faire de l’ombre. À posséder, clairement et sans discussion.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 19/20

En dépit de son nom, Final Fantasy Tactics est bien davantage une suite de l'excellent Tactics Ogre sur Super Famicom qu'un prolongement de la légendaire série de jeux de rôle de Squaresoft. Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est également sa principale force, introduisant des thématiques d'une rare noirceur dans un univers jusqu'ici assez sage, jusqu'à lui donner de faux airs de Game of Thrones dans une guerre de succession où tout le monde a du sang sur les mains, y compris l'Église. Cet univers étonnamment adulte ne serait qu'un à-côté bienvenu s'il n'accompagnait pas un système de jeu d'une rare profondeur, avec une grande variété de métiers aux combinaisons quais-infinies, au point de faire du titre un des meilleurs tactical-RPGs jamais conçus, rien de moins. Aucun combat n'est une corvée, dans Final Fantasy Tactics : même le grinding le plus basique devient passionnant, tant définir les possibilités de chacun des membres de notre équipe est à la fois gratifiant et d'une rare intelligence. En dépit de quelques petits ratés dans l'équilibrage, le seul vrai reproche à faire au jeu est qu'il n'ait tout simplement jamais été distribué en Europe, et encore moins localisé, privant de facto le vieux continent d'un des meilleurs épisodes issus de la saga. Si vous ne l'avez pas encore découvert, donnez-vous le temps de le faire maintenant ; je vous annonce par avance que vous passerez un moment exceptionnel.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une prise en main un peu laborieuse qui nécessitera un long détour dans l'interminable didacticiel
– Quelques soucis d'équilibrage (Orlandu est bien trop puissant !)...
– ...couplés à quelques pics de difficulté assez frustrants...
– ...d'autant que la réussite de bien des compétences laisse une large part à la chance
– Aucune version française disponible

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Final Fantasy Tactics sur un écran cathodique :

The Settlers II : Veni, Vidi, Vici

Développeur : Blue Byte Studio GmbH
Éditeur : Blue Byte Studio GmbH
Titre original : Die Siedler II : Veni, Vidi, Vici (Allemagne)
Titre alternatif : Die Römer (titre de travail)
Testé sur : PC (DOS) & Macintosh
Disponible sur : Windows (édition « Gold » comprenant l’extension du jeu)
En vente sur : GOG.com
L’extension du jeu : The Settlers II : Mission CD

La saga The Settlers (jusqu’à 2000) :

  1. The Settlers (1993)
  2. The Settlers II : Veni, Vidi, Vici (1996)
  3. The Settlers III (1998)

Version PC & Macintosh

Date de sortie : Mai 1996 (PC) – Février 1998 (Macintosh)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris*
*Deux souris requises pour le mode deux joueurs
Version testée : Version dématérialisée « Gold » émulée sous DOSBox
Configuration minimale : PC :
Processeur : Intel 80486 DX2 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA (640×480, 800×600, 1024×768)
Cartes sonores supportées : AbLib/Gold, General MIDI, ES688/1688/1788/1888, Gravis UltraSound, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum/Plus/16, Roland MT-32, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32, Tandy

Macintosh :
Processeur : Motorola 68030 – OS : System 7.1 – RAM : 16Mo

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, certaines transitions majeures avaient déjà été actées sans qu’on prenne nécessairement le temps de réfléchir à la révolution qu’elles avaient représentée. En l’espace de deux ans, la génération 16 bits qui avait fait basculer le jeu vidéo dans la culture de masse était soudain devenue un vestige passé de mode, Commodore avait disparu de la carte, Atari n’était pas bien vaillant, le PC s’était transformé en très bonne machine de jeu à la pointe de la 3D, laquelle était désormais si omniprésente qu’on s’intéressait à peine à tout ce qui n’en faisait pas usage, ce que résumait assez bien une génération 32 bits qui croulait sous les polygones grossiers et les textures baveuses. Bref, mine de rien, le monde avait déjà bien changé.

Loin de ces préoccupations, au cours de ces deux fameuses années, l’équipe de Blue Byte s’était attelée à programmer la suite d’un des derniers grands succès critiques de l’Amiga : le très sympathique The Settlers. Comme on vient de le voir, beaucoup de choses avaient eu le temps de changer, et le jeu était désormais développé sur PC, pour le support CD-ROM, avec une gestion des hautes résolutions dans une 2D qui semblait dorénavant furieusement anachronique. Le studio allemand allait-il souffrir de ne pas céder à la révolution 3D et à la frénésie ambiante pour les jeux d’action ultra-nerveux ? Visiblement, non : The Settlers II demeure, aujourd’hui encore, l’épisode le plus populaire d’une série qui aura depuis quelque peu échoué à trouver la façon de se renouveler sans perdre une partie de ses fans. Aura-t-on touché du doigt une formule si parfaite qu’elle ne pouvait tout simplement pas être améliorée ?

Dans la grande tradition des suites à succès, The Settlers II fait en tous cas le choix de s’inscrire dans la directe continuité de ce qu’avait offert le premier opus plutôt que de chercher à tout remettre à plat – je ne peux d’ailleurs qu’encourager ceux qui ne connaîtraient pas encore la saga à commencer par lire le test de The Settlers tant il risque d’y être constamment fait référence. Dans les grandes lignes, le système de jeu a finalement très peu changé, comme on va avoir l’occasion de le constater dans le détail.

Mais l’enrobage et l’accessibilité ont été revus en profondeur, et cela commence par une cinématique chargée d’introduire un scénario – car oui, il y en a un. Vous voici donc aux commandes d’un équipage romain échoué sur une île (a priori) déserte, loin des voies commerciales de navigation. Plutôt que de vous laisser abattre, vous décidez de partir des ressources sauvées de votre naufrage pour… reconstruire une économie à partir de zéro, ce qui semble représenter beaucoup de travail plutôt que de se contenter de reconstruire un navire, mais passons. Au cours de dix niveaux dont les premiers feront office de didacticiel afin de vous introduire les principaux mécanisme du titre, votre objectif sera toujours le même : étendre votre territoire jusqu’à une porte qui semble avoir le pouvoir de vous transporter jusqu’à une autre île. Une porte qui, on s’en doute, aura une fâcheuse tendance à se trouver dans le territoire d’une civilisation étrangère qui, au lieu de vous laisser bêtement passer, préfèrera bien sûr vous obliger à régler la question par les armes…

Passons rapidement sur le prétexte : le but du jeu a beau avoir sensiblement changé (vous ne serez plus obligé de raser le château de tous vos ennemis pour venir à bout d’une carte, du moins dans la campagne), l’idée sera toujours sensiblement la même. Vous allez donc vous étendre, mettre en place des chaines de production et vous efforcer de les optimiser afin qu’elles viennent alimenter votre effort de guerre, le salut passant nécessairement par la conquête de tout ou partie du territoire adverse.

L’interface aura pour l’occasion connu quelques adaptations bienvenues comme la possibilité d’afficher tous les espaces de construction en appuyant sur espace ou même de faire du multi-fenêtrage en demandant à suivre une région précise de la carte dans une vue à part, mais dans les grandes lignes, les joueurs du premier opus devraient trouver immédiatement leurs marques – et les nouveaux venus ne pas mettre trop longtemps à le faire, même si un détour par le manuel pourra s’avérer salutaire pour creuser un peu des mécanismes que la campagne ne s’embarrasse pas à introduire. On remarquera néanmoins que chaque écran d’information s’accompagne désormais d’une fonction d’aide pour vous aider à comprendre ce que vous êtes en train d’observer… et que le texte de cette aide est resté en anglais même dans la version française, contrairement aux objectifs de la campagne. Bref, les débutants seront heureux d’avoir affaire à un niveau inaugural sans opposition afin de se faire les griffes, et de composer ensuite avec plusieurs niveaux où les adversaires ne vous attaqueront jamais les premiers avant que les choses sérieuses ne débutent vraiment.

Parmi les quelques nouveautés introduites par cette suite, on pourra déjà noter le fait qu’il existe plusieurs civilisations ayant chacune leur identité graphique – et strictement rien de plus, le gameplay étant exactement identique d’un peuple à l’autre. La campagne ne vous laissera de toute façon incarner que les romains – les vikings, les africains et les japonais ne serviront donc que d’adversaires hors du mode « jeu libre » où vous pourrez prolonger l’expérience sur des cartes parfois gigantesques opposant jusqu’à huit joueurs, dont jamais plus de deux humains, hélas. On sera en revanche heureux de constater que la possibilité de jouer à deux sur le même ordinateur, en écran splitté avec une deuxième souris, est toujours présente. Le fait de pouvoir jouer en 1027×768 offre également un confort salutaire dans la lisibilité et la distance offertes par votre fenêtre de jeu. Mais cela ne nous dit toujours pas ce qu’il y a de neuf du côté de ce qui compte vraiment, à savoir les mécanismes en eux-mêmes, et de ce côté-là, comme on l’a vu, on sent bien que l’idée n’aura pas été de venir bousculer un système de jeu qui avait fait ses preuves.

Au rang des modifications, on constatera ainsi que créer des soldats ne vous demandera plus simplement des armes (c’est à dire une chaine de production du métal nécessitant du fer, du charbon, une fonderie et une forge) : vos courageux légionnaires auront aussi besoin… de bière, obtenue via une brasserie. Hé, ça vous met de la joie au cœur, comme dit la chanson ! Leur montée en grade s’effectue toujours grâce à des pièces d’or, et les combats ont gardé une part aléatoire même si celle-ci est nettement réduite : chaque grade augmente les points de vie de votre soldat, ce qui fait qu’il sera quasi impossible pour un deuxième classe d’espérer vaincre un général tant il devra espérer porter sept ou huit coups au but pendant qu’il suffira à son adversaire de le toucher trois fois.

Surtout, il est désormais possible de construire des catapultes, qui sont ici des bâtiments fixes. Cela présente d’ailleurs de nombreuses contraintes : cela nécessite du temps, de la place et des ressources, et évidemment une catapulte ne servira pour ainsi dire plus à rien une fois qu’il n’y aura plus de garnison ennemie à portée de tir, puisqu’il sera impossible de la déplacer. En revanche, chaque coup au but sur un bâtiment adversaire tuera automatiquement un soldat à l’intérieur, quel que soit son rang. Autant dire que construire une garnison à portée d’une catapulte adverse n’est rien d’autre qu’un moyen de perdre stupidement des hommes et de gaspiller les précieuses ressources que leur création vous aura coûté, et que voir un ennemi entreprendre d’en construire une est toujours une très bonne raison de vous encourager à passer à l’attaque un peu plus vite que ce que vous auriez souhaité ! C’est surtout un bon moyen d’affaiblir l’adversaire avant un assaut en bonne et due forme car, pendant la campagne, un tir de catapulte ne représente pas une déclaration de guerre, vous pourrez donc mener une véritable guerre d’attrition sans même avoir à sacrifier un homme. Un bon moyen de rééquilibrer les choses face à une adversité qui sera souvent en surnombre.

Autre nouveauté, mais uniquement pendant la campagne cette fois : la possibilité de construire des ports ainsi que des navires qui vous permettront ainsi de vous étendre sur plusieurs îles au cours d’un même niveau. On pourrait déjà arguer de la stupidité de continuer à aller se battre pour des portes alors que vous pourriez simplement construire un navire et reprendre la mer, mais le vrai défaut de ce système est surtout l’imprécision de l’acheminement des ressources d’un port à l’autre.

Outre le temps infini que met un navire à voyager d’un port à l’autre, dans un jeu qui souffre déjà d’être extrêmement chronophage (un niveau peut facilement prendre plus de quatre ou cinq heures) à cause d’une indéniable lenteur et de l’impossibilité d’accélérer l’écoulement du temps, on pourrait penser qu’on pourrait accélérer les choses en construisant plusieurs navires. Malheureusement, dans les faits, le programme n’optimise rien du tout, et il n’est pas rare de voir quatre ou cinq navires partir à la queue-leu-leu avec le même chargement visant à combler le même manque, simplement pour voir la quasi-totalité d’entre eux refaire un aller-retour pour retourner entreposer les ressources qu’ils viennent d’acheminer après avoir réalisé qu’elles ne servaient à rien ! Il arrive fréquemment qu’on attende une bonne vingtaine de minutes que le programme se décide enfin à transporter des ressources qui sont disponibles et stockées sans avoir aucune prise pour lui forcer la main ou pour le suppléer dans ses choix, et croyez-moi, quand on est en train de perdre une guerre parce que nos hommes sont trop bêtes pour transporter des ressources d’un point A à un point B, c’est très énervant – et ça ne s’arrange pas quand cela vous oblige à recommencer un niveau dans lequel vous étiez engagé depuis trois heures !

Ce défaut énervant mis à part, on regrettera également que la composante « exploration » vous demandant de lever les zones d’ombre sur la carte soit trop limitée pour vous laisser le temps d’anticiper quoi que ce soit, vos éclaireurs s’aventurant rarement à plus d’un écran de distance de vos frontières, ce qui fait qu’il est souvent difficile d’espérer vaincre un niveau sans savoir à l’avance où auront lieu les points de friction avec les adversaires. Surtout, comme on l’a vu, The Settlers II reste un jeu assez méditatif qui demande énormément de temps pour accomplir quoi que ce soit.

Cela fait partie de son charme, tant regarder son empire se monter pierre par pierre tandis que des centaines de colons s’activent continue miraculeusement de se montrer fascinant à un certain niveau, mais cela demande aussi d’adhérer d’un bout à l’autre à un rythme qui vous permettra parfois largement d’aller faire autre chose pendant un quart d’heure le temps que vos constructions se fassent. Une exigence qui risquent fatalement de lasser les joueurs sur la durée, tant on n’a pas toujours cinquante heures à tuer en regardant bosser nos personnages et en souhaitant ardemment qu’ils daignent s’activer un peu, mais encore une fois c’est aussi paradoxalement une des forces d’un titre bâti aux antipodes du STR classique et des ses 150 clics à la minute pour espérer gagner. Une version peaufinée, ciselée, optimisée du premier opus, avec ses quelques faiblesses, mais aussi avec son identité propre. Si vous aimez avoir le temps de réfléchir et vous détendre à votre rythme pendant une ou plusieurs longues soirées, vous devriez immanquablement trouver votre compte ici. Dans le cas contraire, le mieux serait peut-être plutôt d’aller relancer une partie de StarCraft.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 Généralement considéré comme l'apogée de la série, The Settlers II : Veni, Vidi, Vici est un titre qui ne renie en rien la philosophie du premier opus – et qui ne l'enrichit d'ailleurs qu'assez marginalement. Toujours porté par un rythme lent et quasi-hypnotique qui verra le moindre niveau vous demander de passer plusieurs heures à regarder vos colons bâtir votre empire, le titre de Blue Byte s'enorgueillit cette fois d'une campagne scénarisée introduisant les mécanismes du jeu pour le rendre plus accessible, d'un large contenu multijoueur et de l'introduction – purement cosmétique, hélas – de nouvelles peuplades. Si le système de jeu est toujours aussi prenant, on regrettera que le reste ait aussi peu évolué, qu'il ne soit toujours pas possible d'accélérer le déroulement de la partie, que l'intelligence artificielle connaisse des errements parfois très gênants sur lesquels le joueur ne peut influer en rien (les navires !) ou que l'aspect militaire demeure perfectible. Ceux qui fermeront les yeux sur ces quelques faiblesses pourront engloutir des dizaines d'heures dans le logiciel avec un plaisir réel qui n'a pratiquement pas évolué depuis l'époque de la sortie du jeu, mais ceux qui chercheront une action plus rythmée ou une stratégie plus poussée risquent de passer à autre chose au bout de quelques niveaux. Clairement un titre à découvrir pour ceux qui ne l'auraient pas fait.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une campagne intégralement centrée sur le camp romain... – ...mais les autres peuplades présentent de toute façon un gameplay totalement identique – L'introduction des voies navales, plombée par une I.A. déplorable – Une exploration limitée qui impose quasiment de connaître le plan du niveau à l'avance pour avoir une chance – Impossible d'accélérer le temps, dans des niveaux qui peuvent facilement demander quatre à cinq heures – Pas de multijoueur hors local

L’extension du jeu :
The Settlers II : Mission CD

Développeur : Blue Byte Studio GmbH
Éditeur : Blue Byte Studio GmbH
Titre original : Die Siedler II : Mission CD
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Windows

Version PC (DOS)

Date de sortie : Janvier 1997
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue :
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris (deux souris requises pour le mode deux joueurs)
Version testée : Version dématérialisée « Gold » émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 DX2 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA (640×480, 800×600, 1024×768)
Cartes sonores supportées : AbLib/Gold, General MIDI, ES688/1688/1788/1888, Gravis UltraSound, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum/Plus/16, Roland MT-32, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32, Tandy

The Settlers II aura connu dès sa sortie un réel engouement critique et commercial qui en fait, aujourd’hui encore, l’épisode le plus populaire de la série. Désireux de capitaliser sur le succès du jeu, Blue Byte aura cédé à un procédé très en vogue dans les années 1990 : la vente de contenu supplémentaire. On aura donc pu voir débarquer une extension sobrement intitulée Mission CD, et qui ne sera à ma connaissance jamais arrivée jusqu’en France sous cette forme avant d’être intégrée directement à la version Gold qui est toujours en vente à l’heure où j’écris ces lignes.

On se doute que la boîte devait de toute façon être l’élément le plus cher à traduire, puisque cette extension ne propose aucun scénario ni aucun texte : vous allez tout simplement rempiler pour une nouvelle campagne longue (c’est le mot) de neuf niveaux et qui vous proposera rien de moins… que de conquérir le monde. Vous reprendrez donc une nouvelle fois le contrôle des romains (il aurait été facile d’incarner n’importe quelle autre nation, mais non, cette possibilité est toujours réservée au jeu libre) dans des niveaux reprenant exactement le principe du jeu de base, sauf qu’il ne sera cette fois pas question de chercher une porte : ce sera la destruction méthodique de tous les châteaux adverses qui signera la victoire, et rien d’autre.

D’entrée de jeu, le ton est donné, avec une carte gigantesque (qui reprend le tracé de l’Europe, comme les autres niveaux reprendront le tracé des différents continents, et même de l’Australie, du Japon ou du Groenland !), pas moins de cinq adversaires tous alliés entre eux et tous en guerre contre vous ! Ceci dit, vous allez rapidement réaliser qu’ils se développent assez lentement et qu’ils n’ont que tardivement accès à de l’or, ce qui fait que la difficulté ne sera finalement pas plus élevée (et même plutôt moindre) que pendant la campagne du jeu de base. Il n’y a strictement aucune nouveauté dans le gameplay à un quelconque niveau, même si la possibilité de construire des voies navales a cette fois été totalement occultée – ce qui, vu ses errements, n’est sans doute pas plus mal.

En fait, on sent bien que la campagne en question a été créée directement avec l’outil qu’est l’éditeur de niveaux, fourni lui aussi sur le CD-ROM (et qui ne permet pas de créer des cartes faisant usage des voies navales, lui non plus). Et histoire de faire bonne mesure, le jeu intègre également douze nouvelles cartes pour le jeu libre. Autant dire que ceux qui espéraient une bribe de nouveauté en seront pour leurs frais – au moins appréciera-t-on de découvrir des graphismes enneigés au Groenland, mais c’est vraiment le seul ajout que je sois parvenu à déceler. Mais pour ceux qui auraient juste envie de prolonger l’expérience originale, autant dire qu’il y aura de nouveau matière à y passer quelques dizaines d’heures. Dommage que le niveau de difficulté n’ait pas été revu à la hausse, au passage, car pour les joueurs rodés aux mécanismes du logiciel, il n’y aura nul besoin de développer de nouvelles stratégies que celles qui fonctionnaient déjà – c’est vraiment une louche supplémentaire de la même chose et strictement rien de plus. Néanmoins, sachant que l’extension est de toute façon vendue avec le jeu, dorénavant, on aurait tort de cracher sur vingt ou trente heures de contenu supplémentaire, pas vrai ?

NOTE FINALE : 17/20

Au rang zéro de la prise de risque, ce Mission CD pourrait faire école : il ne contient vraiment que des cartes et une campagne supplémentaire sans la moindre bribe de mécanisme en plus. Ceci dit, pour ceux qui espéraient justement continuer à faire exactement la même chose, le contrat est parfaitement rempli en doublant facilement la durée de vie du jeu de base. Pourquoi se priver ?

The Lords of Midnight

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Beyond Software
Testé sur : ZX SpectrumAmstrad CPCCommodore 64
Disponible sur : Android, Blackberry, iPad, iPhone, Macintosh, Windows, ZX Spectrum Next
Téléchargeable gratuitement sur : Gog.com (Windows), Google Play (Android)
Le site officiel du jeu : The Lords of Midnight

La série Lords of Midnight (jusqu’à 2000) :

  1. The Lords of Midnight (1984)
  2. Doomdark’s Revenge (1984)
  3. Mike Singleton’s Lords of Midnight (1995)

Version ZX Spectrum

Date de sortie : Mai 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 48k
Configuration minimale : RAM : 48ko

On a beau être un joueur informatique depuis près de trente-cinq ans, s’être essayé à des milliers de titres et jouir d’une certaine forme de curiosité (et par extension de culture) vidéoludique, on découvre malgré tout encore des choses. Comme toutes les passions, l’univers vidéoludique porte en lui cette force d’être fondamentalement inépuisable, ne fut-ce que par l’étendue considérable de machines et de titres qui le composent. Inutile de le nier : on a tous des lacunes, des systèmes qu’on maîtrise moins que d’autres, et la plupart des ordinateurs 8 bits entrent à n’en pas douter dans cette catégorie en ce qui me concerne ; avant de lancer ce site, je n’avais pour ainsi dire jamais eu l’occasion de poser les doigts sur un Commodore 64 ou un ZX Spectrum, même si j’avais déjà vu tourner leurs jeux.

L’avantage de l’inconnu, c’est qu’il peut nous surprendre, et nous permettre d’exhumer occasionnellement des bijoux à la Project Firestart qui méritent objectivement d’être remis en lumière au XXIe siècle. Alors quand deux vieux briscards comme Laurent Cluzel et Olivier Scamps m’ont tous les deux cité, parmi la liste des jeux qui les avaient marqués, un titre sur ZX Spectrum dont je n’avais jamais entendu parler, vous comprendrez que ma curiosité ait été piquée. Il était temps d’aller découvrir ce fameux The Lords of Midnight programmé par un certain Mike Singleton et qui aura tellement marqué les esprits à sa sortie, le bougre, qu’il a encore un site internet à son nom, des versions distribuées gratuitement sur les système modernes, et même des gens qui rêvent encore de lui offrir une suite. L’occasion de se pencher sur l’histoire de Luxor, Morkin, Corleth et Rorthron et sur le destin du monde de Midnight…

Le scénario détaillé sur pas moins d’une quinzaine de pages dans le manuel du jeu vous évoquera en grand détails l’éveil de l’être maléfique appelé Doomdark au sein de sa citadelle d’Ushgarak, dans les royaumes du nord, et la quête de quatre héros pour chercher à le vaincre, que ce soit en lui faisant face militairement ou en parvenant à détruire la couronne de glace, siège de tous ses pouvoirs. Pour ceux qui souhaiteraient connaître l’essentiel des tenants et des aboutissants, autant le dire d’emblée : vous connaissez probablement toute l’histoire du jeu dès l’instant où vous êtes familier avec celle du Seigneur des Anneaux ; remplacez Sauron par Doomsdark, Aragorn par un prince nommé Luxor Moonlight, Frodon par Morkin, fils de Luxor, l’anneau unique par la couronne de glace et la montagne du destin par… la tour du destin et vous devriez immédiatement vous sentir en terrain connu.

Histoire de compléter le tableau, remplacez les elfes par des « fey » et Gandalf le Gris par un sage appelé Rorthron visiblement assez puissant pour faire face à des dragons, et vous comprendrez pourquoi les joueurs de cette lointaine époque (1984 !) où la fantasy était encore considérée comme un genre de niche réservé à une poignée d’excentriques boutonneux pouvaient être aux anges. Ceci dit, Tolkien était déjà une source particulièrement en vogue dans tous les jeux de rôle de la période (bien que son œuvre majeure, elle, n’ait alors pas encore été adaptée en jeu, contrairement au roman Bilbo le Hobbit), on se doute que ce n’est donc pas là que réside la principale trouvaille de The Lords of Midnight. De fait, l’une des premières incongruité du titre est…de ne pas être un jeu de rôle – du moins pas au sens classique du terme, à savoir avec des statistiques et des points d’expérience dans tous les sens. Et ce qu’il sera exactement dépendra en fait en grande partie de la façon dont vous déciderez d’y jouer…

Comme le scénario détaillé plus haut vous l’aura déjà fait comprendre, il existe deux moyens de triompher du jeu – et cela est clairement établi dans le manuel. La première, souvent vue comme la plus riche et la plus complexe, sera de parvenir à recruter des seigneurs de guerre à l’aide de vos héros, d’aller de citadelle en forteresse pour y lever des troupes, et de faire face aux armées de Doomdark venues du nord avant qu’elles ne mettent le royaume à feu et à sang (ou même après, l’important étant surtout de parvenir à les vaincre).

Dans cette approche, The Lords of Midnight prend alors la forme d’un jeu de stratégie où vous jouerez principalement contre la montre : l’idée sera moins de faire preuve de génie militaire que de parvenir à lever un maximum de troupes en un minimum de temps pour faire face aux armées de Doomdark, avant d’aller porter le combat dans les terres du nord, jusqu’à Ushgarak. Une tâche compliquée par le fait que les troupes subiront une peur croissante causée par la couronne de glace au fur et à mesure de leur avance vers le nord – peur à laquelle seul Morkin est immunisé. Ce qui fait donc naturellement de lui la clé de la deuxième approche : partir seul et sans armée dans les royaumes du nord, se faufiler jusqu’à la tour du destin en se cachant lorsque c’est nécessaire, et parvenir à détruire la couronne de glace. La bonne nouvelle étant que strictement rien ne vous interdit de jouer sur les deux tableaux à la fois, et que quel que soit le destin de vos armées et de votre campagne militaire, le jeu n’est pas fini (ni perdu !) tant que Morkin est encore en vie. Un bon moyen de s’accrocher à une quête désespérée lorsque tout semble perdu… ce qui dénote déjà d’une intelligence indéniable dans le game design et dans la façon d’impliquer le joueur.

Partant de ce principe, le titre aurait pu opter pour le choix le plus évident en se présentant par le biais d’une carte vue de dessus avec des cases ou des hexagones et en nous demandant d’y déplacer des unités – quoi de plus logique, au fond ? Seulement voilà, la véritable idée de génie de Mike Singleton, c’est de n’avoir jamais perdu de vue un élément vital à une époque où la technique ne pouvait pas tout (et pouvait même assez peu) : l’immersion. Partant de cette évidence, et plutôt que de vous présenter un conflit abstrait avec la froide distance analytique d’un général penché sur sa carte d’état-major, le titre vous propose donc de vivre l’épopée… à la première personne, en passant d’un personnage à un autre.

D’une simple pression d’une touche sur le clavier, il est en effet possible de changer de héros : selon un mécanisme très malin, vos troupes ne peuvent se déplacer que de jours alors que les armées adverses ne progressent, elles, que la nuit. Votre objectif sera donc de couvrir un maximum de terrain pendant la journée pour aller rencontrer des chefs militaires, visiter des ruines, des citadelles, des tours, des villages, trouver de l’équipement magique, lever des troupes – et prendre le contrôle de tout vos leaders nouvellement recrutés grâce à l’anneau porté par Luxor (ce qui signifie également que vous ne contrôleriez plus que Morkin si Luxor venait à mourir). Et le mieux, c’est que vous ferez cette exploration… via une vue en simili-3D, où vous pourrez apercevoir les villes, les forêts, les collines, les grottes et les montagnes à plusieurs kilomètres de distance. 32000 écrans au total. Sur une cassette contenant quelques dizaines de kilo-octets de données, tournant sur un système à 48ko de mémoire. Vous commencez à comprendre la claque que cela représentait à l’époque ?

De fait, vous allez rapidement comprendre – le temps de dompter une interface assez intimidante qui vous demandera quasi-obligatoirement de passer par le manuel, sauf à avoir la carte clavier fournie avec le jeu – que The Lords of Midnight n’est en fait ni tout à fait un jeu de stratégie ni réellement un jeu d’aventure. Vous ne prenez jamais aucune décision tactique : les affrontements se déroulent automatiquement et se décident en fonction de la puissance des armées opposées, de la fatigue et de la peur de vos troupes et de la puissance du héros qui les mène – et les statistiques en elles-mêmes ne sont jamais présentées sous forme de chiffres mais plutôt grâce à des descriptions, autant dire de quoi faire hurler les habitués des jeux de stratégie classiques.

La clé du gameplay est en fait surtout de savoir où aller et quand, en optimisant au maximum ses routes pour pouvoir lever un maximum de troupes en un minimum de temps – ou, a minima, trouver une route à peu près sûre pour mener Morkin jusqu’au cœur du territoire ennemi. Autant dire que lancer vos héros aux quatre vents et au hasard est statistiquement voué à l’échec, et que la carte fournie avec le titre ne vous donnant que des directions assez vagues, le mieux sera sans doute de cartographier avec précision tout l’univers du jeu, quitte à utiliser ce qui vous passe sous la main en guise de pion pour représenter vos divers héros et ainsi vous souvenir où ils se situent ! C’est réellement dans cette dimension « exploration d’un monde ouvert à la première personne » – longtemps, très longtemps avant des programmes comme Arena – que le titre, qui repose autrement sur des mécanismes assez simples (avoir plus d’hommes que l’ennemi), a le mieux vieilli et peut encore se montrer réellement prenant : pour vaincre Doomdark, vous devrez finalement faire comme vos héros et apprendre à connaître le royaume comme votre poche. Un principe basique, mais qui sait en tous cas se montrer toujours aussi efficace.

Car pour le reste, les barrières sont nombreuses : on a déjà parlé de l’interface qui risque de vous demander un peu de temps pour la dompter, on pourrait également soulever quelques mécanismes trop flous : on ne sait jamais trop s’il vaut mieux avoir deux armées côte-à-côté ou présentes sur la même case, si les hommes sont plus efficaces placés en garnison dans une forteresse ou sous les ordres des héros stationnés dans cette même forteresse, on ne connait jamais vraiment les effets de la peur, tout comme on peut souvent perdre un héros faute de savoir ses capacités réelles lors des premières parties (conseil : si Rorthron et Luxor savent se défendre, parfois face à des ennemis redoutables, évitez d’envoyer Morkin ou Corleth au milieu des loups ou des trolls de glace).

Bref, on doit composer avec une caractéristique récurrente des titres de la période qui a assez mal vieilli aujourd’hui : constamment avancer au jugé. Mais on peut aussi prendre cet aspect essai/erreur comme un mécanisme à part entière, apprendre à connaître les forces et les faiblesses de nos personnages, et recommencer une dixième, une centième partie pour apprendre à domestiquer le monde de Midnight, à le faire nôtre et à le parcourir comme on parcourrait un endroit qui nous est familier. Comme souvent, c’est en acceptant d’y consacrer du temps, de se laisser prendre au jeu et de laisser l’imagination prendre le pas sur la froide logique que The Lords of Midnight dévoile toutes ses qualités. Et qu’on se retrouve une nouvelle fois, à une heure avancée de la nuit, avec une carte, un carnet et un stylo, à se rêver au milieu d’un autre monde pour s’atteler à le sauver. Une magie très présente dans les titres de la période, et qui a un peu disparu depuis. C’est peut-être là, au fond, une des raisons fondamentales de notre nostalgie, non ?

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20 The Lords of Midnight, c'est un peu le condensé de tout ce qui pouvait faire rêver un joueur en 1984 : un scénario plus qu'inspiré du Seigneur des Anneaux, un jeu de stratégie où l'on court contre la montre, une aventure épique dans un monde gigantesque qu'on visite à la première personne en fausse 3D... et le tout dans un programme de quelques kilo-octets. Pas étonnant que tous les vieux briscards lui vouent un culte : c'est typiquement un de ces logiciels qui parviennent à nous faire oublier toutes les limitations techniques d'une époque où elles étaient pourtant colossales. Entre son interface entièrement au clavier, son background imposant et ses mécanismes finalement extrêmement basiques, le titre de Mike Singleton demandera au joueur actuel une période d'environ une heure pour espérer le dompter et comprendre les véritables enjeux du gameplay. Mais une fois ses marques prises, on se découvre à cartographier le monde de Midnight case par case, à optimiser ses routes, à recruter ses armées, à trouver comment guider Morkin jusqu'à la couronne de glace... et ça marche. Si vous avez envie de redécouvrir ces nuits où l'imagination nous portait dans des univers lointains à écrire la légende, les exploits comme les tragédies de nos héros, laissez à Lords of Midnight le temps de vous conquérir. Ce type de magie est devenu trop rare pour accepter de le bouder.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des mécanismes finalement extrêmement simples... – ...Surtout si on choisit de s'en tenir à l'épopée de Morkin – Une interface contre-intuitive, surtout si vous n'avez pas la carte clavier sous la main – Aucune indication sur les chances de remporter un combat... – ...et quelques ratés notables dans la gestion de la fatigue ou de la peur glaciale – Un silence de mort pendant toute la partie

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Lords of Midnight sur un écran cathodique :

Version Amstrad CPC

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Amsoft
Date de sortie : Octobre 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Fort de son succès critique et commercial, The Lords of Midnight n’aura évidemment pas mis longtemps à poursuivre sa carrière sur les autres systèmes 8 bits, avec des adaptations minimales, pour ne pas dire inexistantes. Premier exemple avec cette version CPC, publiée à peine quelques mois après l’originale, et qui ne prend pour ainsi dire aucun risque : à quelques nuances près dans les teintes employées, les graphismes sont identiques (dommage que les couleurs choisies soient plus sombres), l’interface n’a pas changé d’un iota, et il n’y a toujours pas l’ombre d’un bruitage ou d’un thème musical. Autant dire que dans un jeu ne reposant de toute façon pas directement sur la qualité de sa réalisation, difficile de trouver une raison objective de préférer une version plutôt qu’une autre. Au moins n’aurez-vous aucune raison de vous détourner du CPC si jamais vous cherchez à découvrir le jeu.

NOTE FINALE : 13/20

Aucune surprise, ni bonne ni mauvaise, en lançant The Lords of Midnight sur Amstrad CPC : c’est exactement le même jeu que sur ZX Spectrum, avec des teintes un peu plus sombres pour les graphismes.

Version Commodore 64

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Beyond Software
Date de sortie : 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Dernier passage sur les ordinateurs 8 bits, The Lords of Midnight aura donc terminé sa course sur Commodore 64 avant de connaître une très, très longue parenthèse. Une nouvelle fois, les nouveautés ne seront clairement pas à aller chercher du côté de la réalisation, pratiquement identique à celle du ZX Spectrum, au détail près que l’affichage de chaque écran prend désormais un très court temps de chargement qui n’était pas présent (ou alors de façon à peine apparente) sur la machine de Sinclair. Toujours aucun son, ce qui est un peu dommage sur un Commodore 64. En revanche, l’interface a été repensée, ce qui risque de perturber ceux qui connaissaient l’ancienne plutôt qu’autre chose : on avance désormais avec la barre d’espace, et la plupart des actions ont été déplacées vers les touches numériques ou les touches de fonction. Non, on ne peut pas se déplacer au joystick. Pour le reste, on est toujours exactement en terrain connu, ce qui n’est peut-être pas plus mal.

NOTE FINALE : 13/20

Les très rares nouveautés de cette itération de The Lords of Midnight sur Commodore 64 seront principalement à chercher du côté de son interface plus que de sa réalisation, où le programme reste parfaitement fidèle à la version originale, juste que dans son absence totale de musique ou de bruitage.

Age of Wonders

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Epic Games, Inc. – Triumph Studios B. V.
Éditeur : Gathering of Developers, Inc.
Titres alternatifs : World of Wonders (titre de travail), 奇迹时代 (Chine)
Testé sur : PC (Windows 9x)
Disponible sur : Windows 7/8/10
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 11 novembre 1999
Nombre de joueurs : 1 à 12 (à tour de rôle, en local ou par internet/LAN/e-mail)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium 166MHz – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4x (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 6.1a – API : DirectDraw – Résolutions : 640×480, 800×600, 1024×768, 1152×864, 1280×720, 1280×768, 1280×800, 1280×960, 1280×1024, 1360×768, 1600×900, 1600×1024, 1600×1200, 1680×1050

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme souvent, c’est l’arrivée des hommes qui aura tout bouleversé. Le royaume millénaire des elfes, garant du délicat équilibre entre l’ombre et la lumière, tomba face à la fureur et à l’avidité des humains.

Deux campagnes : de quoi vous occuper un moment

Parmi les ruines de l’ancienne cour émergèrent deux factions : l’une, menée par la reine Elwyn, ne cherchait qu’à vivre en paix et à reconstruire, mais l’autre, conduite par le prince Meandor, jura de détruire l’espèce humaine dans son ensemble. Corrompus par la haine et la soif de vengeance, ses membres furent appelés elfes noirs, et ils complotèrent depuis les ténèbres. Entre les Gardiens de l’ordre ancien et les tueurs du Culte des Tempêtes, la guerre fait rage depuis deux siècles désormais, un conflit dans lequel les douze races qui peuplent le monde, des nains aux orques en passant par les gobelins, les morts-vivants – et bien sûr, les hommes – sont vouées à prendre part, qu’elles le veuillent ou non…

Les stratèges en herbe devraient vite se trouver en terrain connu

S’il est un genre qui a toujours été considéré comme « de niche » de par sa complexité, c’est bien la stratégie. Déplacer des armées et gérer leur logistique a toujours été une activité exigeante, chaque titre amenant ses propres règles et ses propres subtilités, et tous les joueurs n’étaient pas nécessairement disposés à consacrer des heures, voire des jours ou des semaines, à maîtriser les subtilités d’un logiciel.

Certains scénarios peuvent engager énormément de monde – et durer très longtemps

Les choses commencèrent cependant à changer un peu dans les années 90, où l’accessibilité devint enfin une préoccupation majeure. D’un côté, Dune II avait fait de la stratégie temps réel un genre à part entière, introduisant la nervosité dans un gameplay jusqu’ici largement pensé pour être pratiqué au tour par tour. De l’autre, le Civilization de Sid Meier avait enrichi le concept en y amenant de l’exploration, de la gestion, de la recherche, de la diplomatie – bref, largement de quoi attirer des néophytes qui avaient jusqu’alors boudé le genre, initiant le genre du 4X qui se porte encore vaillamment aujourd’hui, merci pour lui. Et à la suite des Master of Orion, des Warlords et des Heroes of Might and Magic qui commençaient à apparaître de façon régulière apparut un challenger qui avait la ferme attention de créer un concept unique en réunissant les meilleurs ingrédients des maîtres du genre, et son nom était Age of Wonders.

Mieux vaudra prendre les commandes des combats qui s’annoncent équilibrés

Comme bien d’autres avant lui, le titre de Triumph Studios se veut un jeu de gestion/stratégie situé dans un univers à la Tolkien. Contrairement à certains de ses modèles, qui concevaient parfois une victoire autre que militaire, son objectif consistera systématiquement en l’élimination des races adverses – par la conquête, on s’en doute, même si la véritable clé sera le champion adverse dont la mort sonnera la fin de son camp, un peu comme avec le roi aux échecs.

Les sortilèges peuvent faire une grosse différence, surtout en fin de partie

L’aspect diplomatique se limitera à un jeu d’alliances : il n’y a pas de commerce, et le jeu ne gère que deux ressources : l’or, tant pour la production que l’entretien de vos troupes, et la mana, qui vous permettra de jeter des sortilèges, d’en rechercher de nouveaux, ou d’entretenir les créatures invoquées. Si n’importe quelle troupe peut se déplacer librement sur la carte, il est possible d’assembler des armées contenant jusqu’à huit unités, et d’y inclure des héros (dont votre champion) qui pourront non seulement monter de niveau et acquérir de nouvelles compétences, mais également porter de l’équipement magique. Sachant qu’un affrontement peut très bien engager toutes les armées des hexagones adjacents, on peut facilement se retrouver face à des combats impliquant plusieurs dizaines de troupes, et choisir de laisser le programme le résoudre automatiquement ou bien prendre les commandes pour diriger toutes les unités manuellement.

Prenez toujours garde lorsque vous approchez d’une zone peuplée – si votre héros tombe au combat, la partie est finie

À ce titre, on sent bien que l’une des sources d’inspiration du jeu est le très bon Master of Magic : entre les caractéristiques des différentes races, le système de combat, la recherche de sortilèges qui remplace la science, les héros et jusqu’à la vue adoptée, les points communs entre les deux titres sautent immédiatement aux yeux.

Les combats peuvent engager jusqu’à sept armées simultanément

Mais là où Master of Magic puisait lui-même ouvertement du côté de Civilization, Age of Wonders fait pour sa part le choix d’un aspect gestion sensiblement allégé. Ainsi, il est par exemple impossible de fonder une ville : il faudra impérativement capturer celles qui sont présentes sur la carte. Dans le même ordre d’idée, les possibilités de construction au sein de ces mêmes villes sont très limitées : des fortifications, des nouvelles unités à débloquer, et basta. La gestion de la population est minimale : les villes ne croissent pas, et le seul moyen de contenter une population hostile est de la déplacer en masse (même si on ne sait pas où) pour la remplacer par votre propre espèce. Pas de sentiment ! D’ailleurs, on sent bien que l’aspect militaire est le centre du jeu, et les deux campagnes comme la dizaine de scénarios présents sur le CD-ROM (pas de cartes générées aléatoirement ici, mais un éditeur est présent pour en concevoir d’autres) reposeront uniquement sur votre capacité à vaincre vos ennemis – et sur rien d’autre.

Vous trouverez souvent des trésors sous terre, mais ceux-ci sont généralement bien gardés

La bonne nouvelle, c’est que les possibilités du jeu dans ce domaine sont très denses : chaque race a ses propres unités (même si on retrouve largement les mêmes archétypes d’une race à l’autre), chaque unité a ses propres pouvoirs, et il y a vraiment matière à renverser le cours d’une guerre en prenant les commandes d’un affrontement serré.

La diplomatie reste très limitée

Le temps passant, la magie pourra jouer un rôle de plus en plus important, et les armées que vous déplacerez après deux heures de jeu n’auront sans doute plus grand chose à voir, tant en termes de puissance qu’en termes de possibilités tactiques, avec vos forces de départ. On appréciera également la présence d’un monde souterrain – comme dans Heroes of Might and Magic – qui offrira parfois des raccourcis intéressants. Ce qui n’empêchera pas de constater certaines maladresses : l’absence d’un brouillard de guerre, des sièges mal gérés où le défenseur sera souvent gêné par ses propres murs faute de pouvoir faire grimper ses troupes à distance à leur sommet, une partie qui repose tout entière sur la survie de votre champion qui fait que vous pouvez tout à fait perdre une partie en un instant pour une erreur commise lors d’une escarmouche… C’est d’autant plus énervant que votre champion est souvent, par défaut, votre premier éclaireur avec son armée, et qu’il suffit qu’il tombe sur un ennemi supérieur en nombre pour que la partie soit finie, d’autant plus irrévocablement qu’il est impossible de fuir lorsqu’on est en situation défensive ! Additionné au fait que la seule stratégie adverse soit d’avancer trois ou quatre armées simultanément, on meurt très souvent d’être allé deux hexagones trop loin dans un jeu où la vitesse est primordiale. Surtout, à force de piocher des idées ailleurs pour fonder son propre équilibre, le titre de Triumph Studios prend le risque de placer tous ses curseurs au neutre et d’offrir une expérience de jeu qui ne contentera pas tout le monde, à commencer par les fans des titres précédemment cités.

Les sortilèges sont très bien rendus, et la réalisation est inattaquable

De fait, en dépit de ses évidentes qualités, Age of Wonders risque de ne faire l’unanimité qu’auprès d’une niche très spécifique de joueurs recherchant précisément ce que le titre a à offrir – les autres pouvant lui préférer une de ses inspirations, aux possibilités souvent plus riches.

La portée est gérée, tout comme les obstacles

Les fans des richesses du 4X risquent de faire grise mine devant l’aspect purement militaire et de se diriger directement vers ses suites plus ambitieuses dans ce domaine ; les amateurs d’une gestion plus poussée et d’une meilleure rejouabilité seront plus à l’aise avec Master of Magic, et ceux qui ne jurent que par l’aspect militaire et la montée en puissance des héros trouveront sans doute davantage leur bonheur avec la série des Heroes of Might and Magic – un bon résumé du danger de proposer des composantes assez complètes mais de n’exceller dans aucune d’entre elles. Bref, à trop chercher le consensus sans mettre en valeur un réel point fort, Age of Wonders se retrouve inconfortablement assis entre plusieurs chaises selon un équilibre parfois maladroit. Cet aspect quelque peu « eau tiède » n’empêche pourtant pas le logiciel de compter de nombreux fans encore aujourd’hui, mais je ne peux que conseiller à ceux qui hésiteraient à franchir le pas de commencer par essayer le jeu s’ils en ont l’occasion, ou de se diriger vers un épisode ultérieur – et donc à la fois plus complet et plus accessible – de la saga.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Age of Wonders pourrait être résumé en une tentative assez culottée de mélanger les meilleurs éléments de titres comme Master of Magic, Warlords ou Heroes of Might and Magic et d'en faire un logiciel à part entière. Le résultat est une expérience solide qui fédère aujourd'hui encore une communauté nombreuse, mais avec un curseur sans doute trop franchement placé du côté de l'aspect militaire pour parvenir à contenter pleinement tous les fans de 4X. Les possibilités ont beau êtres très denses et les deux campagnes avoir matière à vous tenir en haleine pendant des semaines, le titre repose globalement sur la production de troupes et sur l'expansion rapide et méthodique et pas sur grand chose d'autre, ce qui fait que les joueurs à la recherche d'une expérience plus complète à la Civilization risquent de ne pas tous y trouver leur compte. Comme souvent, le titre souffre de la comparaison avec les épisodes ultérieurs de la saga, et s'aventure dans un domaine plus balisé que la plupart de ses concurrents directs. Un bon titre, mais qui ne conviendra sans doute pas à tout le monde.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Aucune possibilité de jouer une carte aléatoire – Un aspect gestion assez anecdotique... – ...et globalement, le jeu repose trop sur la production de troupes et sur la montée en niveau des héros – Un aspect stratégique mis à mal par le fait que la perte de votre héros entraine la perte de la partie – Des sièges mal gérés, particulièrement pour le défenseur – Victoire militaire sinon rien

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Age of Wonders sur un écran cathodique :

Ascendancy

Développeur : The Logic Factory, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe)
Titres alternatifs : Ascendancy : Macht der Allmacht (Allemagne), Ascendancy : De Galactische Uitdaging (Pays-Bas)
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : iPad, iPhone

Version PC (DOS)

Date de sortie : Septembre 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, néerlandais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM française émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 DX 66MHz – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA
Cartes sonores supportées : AdLib, Ensoniq Soundscape, Gravis UltraSound/ACE, Pro Audio Spectrum, Roland RAP-10, Sound Blaster/Pro/16

La chose a certainement déjà été évoquée dans ces pages, mais au sein du firmament vidéoludique ne brillent pas que des astres éblouissants au milieu d’une masse de matière sombre. Il y a également des étoiles filantes : des jeux ayant bénéficié d’une fugace célébrité au moment de leur lancement avant de disparaître dans les ténèbres de l’anonymat, souvent accompagnés du studio qui les a développés.

À titre d’exemple, combien parmi vous ont déjà entendu parler de The Logic Factory ? Derrière ce nom se cache une société américaine au parcours singulier : après avoir publié deux titres à la fin des années 90, la compagnie a sombré dans l’oubli avant de réapparaître en 2012, le temps de porter leur premier jeu, Ascendancy, sur iPhone, et d’annoncer une suite. Depuis ? Nouveau silence radio, et le site internet de la société a même fermé ses portes en 2014. L’occasion de se pencher un peu sur ce titre, justement, succès critique à sa sortie, et de découvrir s’il méritait réellement de disparaître des radars pendant près de vingt ans ou s’il aurait mérité une série, voire même un reboot comme celui dont a récemment bénéficié Master of Orion.

Ascendancy est un titre qui s’inscrit dans la tradition balbutiante de ce qu’on n’appelait pas encore les 4X à l’époque (le terme désignant les quatre axes du genre en anglais : « eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate » dont l’équivalent français ne devrait pas poser trop de problème même aux moins bilingues de nos lecteurs).

Ce mélange de gestion et de stratégie initié par Civilization en 1991 avait déjà commencé à faire des petits, parmi lesquels les excellents Master of Orion ou Master of Magic, mais représentait encore quelque chose de relativement neuf en 1995. Le but ici sera d’asseoir votre domination sur la galaxie… a priori. Je dis « a priori », car premier faux pas : l’objectif du titre n’est jamais clairement donné nulle part, pas même dans le manuel où il est spécifié que « ce sera à vous de le découvrir » (!). Si on peut imaginer que le but du jeu rejoigne celui des canons du genre, on ne pourra que s’agacer d’être lâché dans un programme sans même avoir la moindre notion de ce qu’on est censé y accomplir, ce qui traduit déjà un game design qu’on sent lacunaire. Qui joue à un jeu sans connaître les règles ni savoir comment on gagne ?

Dans les faits, le logiciel a au moins le mérite de vous proposer un didacticiel très complet qui vous permettra de maîtriser l’interface et les différentes subtilités du titre, et on sera également heureux de profiter d’une aide directement intégrée dans l’interface via une simple pression de la touche Maj.

L’occasion de découvrir que vous allez commencer par développer une unique planète avant de lancer vos recherches scientifiques et d’acquérir le savoir nécessaire pour pouvoir coloniser votre système solaire, puis le reste de la galaxie. Le développement de toutes vos planètes sera basé sur trois axes qui ne varieront pas au cours de la partie : la production, l’agriculture et la recherche. Plus vos capacités de production seront importantes, plus vous produirez vite, et il en ira de même pour la recherche, la seule fonction de l’agriculture étant d’entretenir la croissance de la population qui vous fournira la main d’œuvre pour faire tourner vos usines et vos laboratoires. Il n’y a pas de commerce à proprement parler, pas de gestion politique (pas de mécontentement ou de révoltes), pas d’infrastructure à gérer : autant dire l’essentiel, mais cela a le mérite de clarifier les choses au moment de sélectionner vos priorités de développement.

L’exploration et le combat seront assurés par les seules unités que vous puissiez bâtir : vos vaisseaux spatiaux. Ceux-ci seront à concevoir composant par composant en fonction de plusieurs caractéristiques : puissance de feu, vitesse de déplacement, énergie, boucliers, etc. Au fil de vos recherches, vous débloquerez des dizaines d’améliorations qui finiront par représenter une liste d’autant plus pénible à parcourir qu’aucun composant n’est jamais considéré comme obsolète et qu’il est à la fois impossible d’opérer une quelconque forme de tri ni surtout de sauvegarder un modèle. Chaque fois que vous construirez un astronef, il faudra impérativement le concevoir de zéro, même lorsque vous serez en train de construire une flotte en vue d’une guerre imminente. Si ce louable effort de customisation a le mérite de rendre les combats un peu plus techniques, nettement moins aléatoires et un peu plus prenant que ceux de Civilization, il introduit en revanche une tare qui risque de rapidement assommer les fans les plus accomplis du genre : la microgestion.

Dites-vous par exemple qu’une grande planète est constituée d’une bonne cinquantaine de cases sur lesquelles vous construirez vos bâtiments, en tenant compte d’un code de couleurs visant à offrir des bonus au type de structure approprié. Vous devrez donc sélectionner manuellement chacun des bâtiments à construire à chaque fois que la précédente construction sera terminée, et sans doute revenir démolir les structures les plus anciennes pour les remplacer par de plus performantes.

C’est déjà chronophage, d’autant plus lorsqu’on réalise qu’absolument aucune option d’automatisation n’est disponible. Maintenant, imaginez-vous en train de reproduire la même chose sur plus de 70 planètes, ce qui n’aura strictement rien d’exceptionnel dans une partie lambda avec une galaxie de densité moyenne, et vous allez vite comprendre pourquoi la moindre partie s’étire sur des dizaines d’heures. De fait, 95% de votre temps de jeu risque de se limiter à choisir de construire un des trois types de bâtiments dans une liste et à recommencer, ce qui finit rapidement par présenter un intérêt ludique proche du néant. Autant vous y faire, car le jeu ne connaissant à ma connaissance ni victoire diplomatique ni victoire scientifique, votre seul salut passera par une conquête méthodique de toutes les planètes de la galaxie… face à une I.A. qui n’aura aucune chance.

Contrairement à ses illustres prédécesseurs, Ascendancy ne propose en effet qu’un unique mode de difficulté, où l’I.A. ne triche pas – ce qui est certes louable, mais demande du coup des routines de développement bien pensées, ce qui n’est pas le cas ici. Vous allez vite constater que vos adversaires développent leurs planète n’importe comment et ne font preuve d’aucune cohérence dans leurs décisions, choisissant souvent de vous déclarer la guerre un peu au hasard et de ne jamais se rendre quand bien même vous avez laminé 99% de leur empire. L’aspect diplomatique est de toute façon boiteux, pour ne pas dire foncièrement inutile : on ne peut pour ainsi dire rien y accomplir en-dehors d’un échange de cartes ou de recherches, et dans ce dernier cas vous devrez obligatoirement échanger TOUTES vos avancées contre celles de votre interlocuteur !

Un patch sera venu offrir une I.A. plus agressive et plus capable, mais il ne casse toujours pas des briques, et le fait est que les possibilités du jeu le réduisent un peu trop exclusivement à une conquête méthodique de la galaxie planète par planète face à une opposition très limitée pour qu’on puisse véritablement parler de 4X digne de ce nom. Pour ne rien arranger, l’aspect militaire lui-même montre vite ses limites : vous êtes bridé dans vos capacités de production à un certain nombre de vaisseaux dans votre flotte, ce qui fait que construire les modèles les plus petits et les moins puissants n’a absolument aucun intérêt, et les affrontements en eux-mêmes se jouent quasi-exclusivement sur la portée et la puissance de vos armes. Notons également des erreurs d’équilibrage flagrantes, comme le fait qu’il soit possible de découvrir via des fouilles archéologiques des percées scientifiques infiniment plus avancées que celle de tous les autres joueurs, ce qui peut donner un avantage indépassable grâce à un pur coup de chance.

C’est d’autant plus dommage que le titre sait se montrer authentiquement addictif lors des premières heures, notamment grâce à une réalisation musicale qui mérite d’être mentionnée ici. En terme d’atmosphère, Ascendancy n’a que peu de réels équivalents, et nombreux sont les joueurs à aimer le relancer uniquement pour bénéficier de ses thèmes musicaux (la vidéo de gameplay du jeu, en clôture de l’article, devrait vous aider à vous faire une idée). La variété des races extraterrestres laissait également entrevoir des possibilités grisantes, mais le fait est qu’une fois l’arc scientifique et la galaxie explorés, on n’a tout simplement pas grand chose d’autre à faire que de continuer à construire des bâtiments qui ne servent plus à rien et d’envoyer notre flotte vers le prochain système stellaire pour ajouter trois ou quatre planètes à notre empire microgéré. Frustrant, car on sent bien qu’avec quelques mois de rodage supplémentaires, il y aurait vraiment eu matière à proposer un titre majeur du genre, mais en l’état, le soufflé retombe trop vite et on a vite fait de retourner sur les ténors du domaine.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20 En s'appuyant sur des codes du 4X bien installés depuis Civilization et Master of Orion, Ascendancy commence par fasciner le joueur grâce à sa densité, son ambiance prenante et sa musique hypnotique. Les premières minutes annoncent un titre addictif aux possibilités inépuisables... avant que la pratique ne dévoile très rapidement les affres d'un logiciel visiblement sorti trop vite et pas aussi bien pensé qu'on avait voulu le croire. Alourdi par une microgestion permanente et pas passionnante, rendu confus par des objectifs flous jamais détaillés, le titre de Logic Factory finit par sonner de plus en plus creux lorsqu'on réalise que l'expansion et la guerre sont les deux seuls réels axes de développement qu'il propose et que ceux-ci sont desservis par une I.A. pas à la hauteur. Si on aura envie de s'accrocher quelques heures, le temps de finir une partie et de découvrir ce que le jeu a à offrir, on risque en revanche de le remiser après coup et de ne plus y revenir avant longtemps. Dommage, pour un logiciel qui aurait pu être tellement plus que cela...

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des objectifs flous, délivrés nulle part : peut-on seulement remporter la partie autrement qu'en tuant tout le monde ? – Une I.A. ratée, même après le patch – Beaucoup, beaucoup trop de microgestion... – ...rendue d'autant plus fastidieuse qu'il n'y a aucune option d'automatisation – Un seul niveau de difficulté – Des options diplomatiques bien trop limitées – Un équilibrage bancal

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ascendancy sur un écran cathodique :

Full Metal Planète

Développeur : Hitech Productions
Éditeur : Infogrames Europe SA
Titre alternatif : Full Metal Planet (international)
Testé sur : AmigaAtari STPC (DOS)Macintosh

Version Amiga

Date de sortie : Janvier 1990
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Note : Ne corrigez pas votre écran, si les captures d’écran sont aussi sombres, c’est à cause d’un bug dans la gestion de palette de couleurs, pensée pour l’Atari ST, et mal codée pour tirer parti de la palette de l’Amiga

Parmi les petits plaisirs aujourd’hui quelque peu tombés dans l’oubli, on pourrait citer la mythique compagnie Ludodélire qui aura égayé à sa manière les après-midi dominicales entre 1988 et 1995 avant de mettre la clé sous la porte. En dépit de leur inéluctable déclin annoncé, les jeux de société ne seront jamais tout à fait morts, probablement grâce à leur capacité inépuisable à fournir un prétexte pour réunir des amis autour d’une table et d’un verre à une époque où les relations se cultivent de plus en plus à travers un écran. Parmi les grands succès de la boîte, citons Tempête sur l’échiquier, l’extraordinaire Formule Dé aujourd’hui réédité par Asmodée sous le nom de Formula D, et une véritable légende au titre kubrickien et inimitable : Full Metal Planète, l’un des monuments du wargame sur plateau. Un jeu qui aura d’ailleurs connu un tel succès d’estime qu’il aura été porté sur ordinateur à peine un an après sa sortie pour une distribution internationale, cette fois.

Sur le papier, l’objectif du jeu est simple : en tant que représentant d’une société minière, vous allez vous poser sur une planète instable pour y collecter du minerai et repartir avant l’explosion. L’opération serait sans doute une vraie promenade s’il ne fallait pas composer avec la concurrence d’autres sociétés minières, qui non seulement veulent leur part du gâteau, mais sont bien décidées à se faire respecter par les armes si nécessaire. Vous allez donc prendre le contrôle d’une de ces compagnies, et chercher à repartir en un seul morceau et avec le plus de minerai possible – le joueur le plus riche à la conclusion du 25e et dernier tour est alors déclaré vainqueur.

L’une des grandes forces de Full Metal Planète, qui explique sa renommée intacte plus de trente ans après sa sortie, c’est avant tout son absence presque totale de recours au hasard. En effet, contrairement à la plupart des wargames et des jeux à la Risk, il n’y a tout simplement aucun lancer de dés de toute la partie. Le jeu fonctionne grâce à un système de points d’action et de zones de danger d’une intelligence rare, qui demande de soigneusement planifier ses mouvements pour éviter de laisser un de ses précieux collecteurs (nommés « crabes ») se faire détruire ou capturer par un raid audacieux qu’on n’avait tout simplement pas vu venir. Les possibilités sont fascinantes, et seraient sans doute un peu longues à décrire dans le détail, c’est pourquoi j’invite les curieux à lire les grandes lignes des mécanismes directement sur la page Wikipédia du jeu.

Parmi les points intéressants, signalons que le seul aspect « aléatoire » du titre est représenté par les marées, qui pourront selon la situation embourber vos unités terrestres ou, au contraire, faire s’échouer vos unités marines. Il est heureusement possible de connaître ces marées un tour à l’avance grâce à une unité appelée pondeuse-météo, dont chaque joueur dispose en un seul et unique exemplaire… à moins que l’un d’eux ne réussissent à capturer celle d’un rival – auquel cas la malheureuse victime ne pourra plus prédire le climat tandis que l’heureux nouveau propriétaire de la pondeuse pourra désormais deviner les marées jusqu’à deux tours dans le futur. Mais pourquoi « pondeuse », d’ailleurs ? Eh bien, pour une raison simple : cette unité pourra également, en faisant usage de votre précieux minerai, construire d’autres véhicules à aller chercher dans la réserve du jeu – d’où un des nombreux dilemmes de la partie : investir dans la défense, quitte à s’appauvrir, ou bien vivre dangereusement pour empocher le maximum de minerai.

Attendez… de la collecte de ressources… pour produire des unités immédiatement déployables sur la carte… qu’est-ce que ça me rappelle ? Eh oui, incroyable mais vrai : ce concept génial sera plus tard réutilisé dans Battle Isle avant de devenir l’alpha et l’oméga du genre de la stratégie en temps réel inauguré par Dune II ! Les possibilités sont dantesques, la stratégie jamais épuisée, et une partie peut prendre des formes très différentes selon le degré d’expérience et de roublardise des joueurs – autant vous le dire, Full Metal Planète est un jeu qui aura détruit bien des amitiés, car les trahisons et les manœuvres audacieuses sont souvent la clé des parties de légende. Réussir à capturer une base adverse pour prendre le contrôle de toutes les unités d’un autre joueur est le genre de coup qu’on ne réussit pas souvent, mais qui peut valoir des inimitiés durables.

Une fois porté sur ordinateur, le jeu conserve a priori toutes ses possibilités : il est toujours possible de jouer jusqu’à quatre, avec autant d’intelligences artificielles que désiré – ou juste entre humains, à tour de rôle, à l’ancienne. Le titre programmé par Hitech Productions reproduit à l’identique le plateau, les unités et les règles du jeu, dans une interface qui était considérée comme particulièrement ergonomique en 1989, mais qui l’est nettement moins aujourd’hui, en partie à cause d’un système de déplacement qui vous demande de dessiner le trajet emprunté par vos unités hexagone par hexagone et où le moindre dérapage peut être une source de cauchemars.

Les premières parties se feront donc avec le manuel à proximité, et en acceptant de composer avec les temps de réflexion à rallonge d’une intelligence artificielle qui ne se débrouille correctement qu’à partir du moment où vous n’avez pas eu l’idée de vous isoler le plus loin possible, auquel cas la partie risque de s’avérer fondamentalement inintéressante. Il est d’ailleurs possible d’imposer leur placement de départ aux I.A. du jeu histoire de se garantir un plateau équilibré – ce qui rendra tout de suite la partie plus prenante.

Le vrai problème avec Full Metal Planète, ceci dit, c’est que quelles que soient ses qualités sur un plan purement stratégique, le jeu de plateau ne s’est jamais limité à ça. Mettre en place des combines cinq tours à l’avance pour aller rafler du minerai sans perdre un crabe ou un tank dans la manœuvre faisait certes partie des charmes de l’expérience originelle, mais à un niveau presque secondaire à côté de ce qui fait et à toujours fait le sel de ce type de jeu de société : l’interaction humaine. Tout ceux qui ont pratiqué un wargame autour d’une table sauront de quoi je parle : dès qu’il y a au moins trois joueurs dans l’équation, seuls 10% de la partie sont consacrés à jouer – le reste étant généralement fait de longs palabres, de diplomatie sournoise, de menaces et d’accords fragiles, de type « mais bien sûr que tu peux passer avec ta barge transportant ton gros tas et ta pondeuse-météo, je te promets qu’il ne lui arrivera rien » suivis d’une vengeance effrénée lorsqu’une timide promesse avait été rompue.

Bien évidemment, on ne retrouve rien de tout cela dans cette version informatique (en dépit d’un effort louable, avec une gestion de la diplomatie avec les I.A.), même à plusieurs joueurs humains où le fait d’avoir à jouer aux chaises musicales pour se relayer devant l’écran fait beaucoup de mal à ce qui est la base du genre, à savoir méditer sur nos futurs coups en fixant le plateau pendant qu’un de nos futurs ex-amis est en train de déplacer ses pions. Sachant que la réalisation du jeu apparait aujourd’hui terne, pour ne pas dire atrocement fade, qu’on passe beaucoup de temps à attendre que les autres joueurs agissent, et qu’il existe aujourd’hui des programmes gratuits – tels Full Metal Program – permettant de jouer dans de bien meilleures conditions contre des joueurs humains, on remerciera les développeurs de l’époque d’avoir démocratisé le jeu et de l’avoir fait connaître à l’international, mais d’un point de vue strictement ludique, pour un joueur solo, ça a quand même assez mal vieilli.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1990 (Tilt n°85, décembre 1990) – Meilleur jeu de réflexion/stratégie (ex-æquo avec Powermonger)

NOTE FINALE : 12,5/20

En tant que jeu de plateau, Full Metal Planète représentait un des joyaux du catalogue de feu Ludodélire ; simple à comprendre, d'une richesse rare, avec très peu de hasard et énormément de bluff, un moyen idéal pour réunir quatre amis autour d'une table et pour en perdre quelques-uns au terme des parties les plus dramatiques. Porté sur ordinateur avec tout le soin qu'on était en droit d'espérer en 1989, il conserve son aspect stratégique mais perd immanquablement une large part de sa convivialité, ainsi que ce qui a toujours fait le sel de ce type de jeu, à savoir ces fameuses discussions interminables faites de trahisons, de coups de poker et d'engueulades jusque tard dans la nuit. C'est à n'en pas douter un bon logiciel en dépit d'une prise en main pas très intuitive, mais même en se réunissant à quatre devant un écran, difficile de retrouver la magie originelle de ce qui reste encore aujourd'hui un des meilleurs représentants du genre. Reste un titre sympathique le temps de quelques parties face à une intelligence artificielle solide, mais c'est clairement un jeu pensé pour être joué contre des humains.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une prise en main qui nécessitera un peu de temps
– Passage quasi-obligatoire par le manuel, même en connaissant les règles
– Réalisation fonctionnelle, mais fade
– Système de déplacement mal pensé
– Temps d'attente des actions adverses désagréable
– Des graphismes rendus trop sombres par un bug de palette

Les avis de l’époque :

« Ce soft permet de mixer librement joueurs humains et contrôlés par l’ordinateur (jusqu’à quatre) ; la rapidité de jeu est son point fort : moins d’une heure par partie. Les retournements de situation sont fréquents, la difficulté bien dosée et l’ergonomie très soignée. Les graphismes sont bons (moins que ceux de Powermonger), des sons digitalisés agrémentent le jeu et les petites notes d’humour ne gâchent rien. C’est, à mon avis, le meilleur jeu français de l’année ! »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°85, décembre 1990

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Full Metal Planète sur un écran cathodique :

Version Atari ST

Développeur : Hitech Productions
Éditeur : Infogrames Europe SA
Date de sortie : Mars 1990
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Full Metal Planète ayant manifestent vu ses graphismes dessinés sur Atari ST, la palette emploie cette fois les bonnes couleurs et le jeu est nettement moins sombre, ce qui fait mine de rien un bien fou. Tout le reste est strictement identique à la version Amiga.

NOTE FINALE : 13/20

Full Metal Planète sur Atari ST reproduit très exactement le contenu de la version Amiga – sans le bug de couleurs, ce qui ajoute au confort. Vous savez donc exactement à quoi vous attendre.

Les avis de l’époque :

« Ce jeu est absolument passionnant. Plus on y joue, plus on découvre de subtilités et il est très difficile de résister à l’attrait d’une partie supplémentaire pour essayer une nouvelle stratégie. La réalisation graphique et sonore d’un bon niveau et l’excellente ergonomie renforce (sic) le plaisir de jeu. »

Jacques Harbonn, Tilt n°76, mars 1990, 18/20

Version PC (DOS)

Développeur : Hitech Productions
Éditeur : Infogrames Europe SA
Date de sortie : Avril 1990
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langue : Anglais, français
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bonne nouvelle : au moment d’être porté sur PC, Full Metal Planète aura eu la bonne idée de tirer parti du hardware disponible à l’époque, et de proposer une réalisation en 256 couleurs avec reconnaissance de l’AdLib. Le menu principal a été repensé : on a désormais le droit au logo et au thème musical de Stéphane Picq en fond sonore, ce qui fait que le lancement rapide est désormais la seule option de départ. Graphiquement, le jeu est à peu près identique aux itérations Amiga et ST et la qualité sonore est équivalente ; en revanche, le titre a l’avantage de tourner beaucoup plus vite que sur un Amiga 600 ou un Atari STe, ce qui rend les parties nettement plus nerveuses, et c’est tant mieux.

NOTE FINALE : 13,5/20

Full Metal Planète sur PC offre la prestation qu’on était en droit d’attendre en 1990 : équivalente à celle des autres systèmes 16 bits, mais en plus rapide. Le fait de ne plus avoir à se compter les doigts de pied en attendant que l’adversaire agisse offre un gain qualitatif certain, ce qui fait qu’on sera heureux encore aujourd’hui de s’essayer à cette version.

Version Macintosh

Développeur : BrainStorm Software
Éditeur : Draconian
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1 à 4 (à tour de rôle)
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur iMac G3
Configuration minimale : OS : System 6.0

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Full Metal Planète aura continué son petit bout de chemin jusque sur Macintosh, où il offre la meilleure version sans discussion possible. La raison ? Prenez le plus gros avantage de la version PC – des modèles de Mac suffisamment puissants pour que les tours adverses passent en une poignée de secondes – et ajoutez-y des graphismes hyper-lisibles en haute résolution, et tout à coup le titre devient beaucoup plus ergonomique et beaucoup plus jouable. Là où à peu près toutes les autres versions demandent plusieurs longues minutes avant d’avoir une chance de se sentir à l’aise, on se retrouve ici comme dans ses pantoufles, et si quelques actions nécessiteront toujours une dose d’expérimentation ou un passage par le manuel, on a nettement plus l’impression d’être dans le feu de l’action et de comprendre ce qu’on fait. Autant dire que si vous avez un Mac sous la main, c’est clairement à ce portage que vous devez vous essayer et à aucun autre.

NOTE FINALE : 14,5/20

Le Macintosh avait de nombreux arguments à faire valoir quand on savait en tirer parti, et cette version de Full Metal Planète en est une parfaite démonstration, étant de très loin la plus jouable, la plus lisible et la plus esthétique de toutes. Aucune question à se poser si vous souhaitez découvrir le jeu : c’est par ici qu’il faut commencer.

Centurion : Defender of Rome

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Bits of Magic
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre alternatif : センチュリオン Defender of Rome (Japon), Centurion (écran-titre)
Testé sur : PC (DOS)AmigaMega DrivePC-98
Version non testée : FM Towns

Version PC (DOS)

Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquette 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.11 – RAM : 384ko*
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-perleur interne, Roland MT-32/LAPC-I
Pas de programme de configuration ; pour utiliser une Roland MT-32, ajoutez la commande « roland » après l’exécutable
*640ko requis pour les modes EGA, MCGA et VGA

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1990, comme on l’a déjà vu par ailleurs, Cinemaware n’était pas au mieux de sa forme. Sans parler des tracas financiers de la structure, le fait est que ce qui avait fait le succès du studio californien – à avoir des jeux mélangeant les gameplay, enrobés dans une réalisation superbe – commençait tout simplement à être passé de mode. Les exigences des joueurs avaient grimpé dans tous les domaines : contenu, prise en main et réalisation, et la concurrence offrait des titres tout simplement plus complets. Cette constatation, Kellyn Beck, le créateur de Defender of the Crown, l’avait visiblement déjà faite. Ayant quitté Cinemaware après Rocket Ranger pour aller fonder Bits of Magic, son constat aura été simple : il était temps d’arrêter de privilégier la forme sur le fond et de commencer à proposer des logiciels avec davantage de profondeur. Cette philosophie, il n’hésitera pas à la clamer à l’intérieur de la boîte de ce qui sera le successeur spirituel de Defender of the Crown : Centurion : Defender of Rome.

Allez donc me conquérir tout ça !

L’objectif ? La conquête de l’Europe. Le jeu vous place à la tête d’une légion, en 275 avant J.C., juste avant les guerres puniques – c’est à dire à une époque où l’empire romain se limite à la péninsule italienne. Le principe est simple : assurer la paix intérieure de vos provinces et étendre votre empire – la base de n’importe quel jeu de stratégie. Pour se faire, le titre se pratique au tour par tour – selon un modèle une nouvelle fois très inspiré de Defender of the Crown – et se divise en quatre axes : la gestion, l’action, la diplomatie et la guerre. Chacun de ces quatre axes est censé nous offrir la richesse qui manquait aux jeux estampillés Cinemaware, mais y sont-ils vraiment parvenus ? Autant vendre la mèche tout de suite : la réponse est non.

Les batailles seront le cœur du jeu. Approche avec tes éléphants, si tu l’oses !

Mon nom est Légion… et pas grand chose d’autre

L’aspect gestion, pour commencer, est on ne peut plus basique. Chacune de vos provinces vous rapporte un tribut à chaque tour de jeu. Vous pouvez choisir la charge (et non le montant) de ce tribut, selon un principe simple : plus il est élevé, plus il aura de chance de pousser la population à la révolte. L’argent ainsi accumulé vous servira à lever des troupes, à les renforcer, à les améliorer lorsque votre rang vous le permettra, ou bien à construire une flotte. Et à rien d’autre. Si l’on exclut la possibilité de construire le Colisée à Rome pour organiser certains jeux du cirque, l’aspect gestion se limite purement et simplement à payer votre armée et à organiser des spectacles pour divertir votre population. N’espérez pas construire des bâtiments, développer votre infrastructure, fortifier une zone ou chercher à mettre la main sur des ressources (au hasard, le fer) pour pouvoir équiper vos hommes – tout cela n’est tout simplement pas géré. L’argent n’a que deux fonctions dans le jeu, la philosophie est donc simple : accumulez-le et achetez des troupes ou arrosez votre population avec.

Comme on pouvait s’y attendre avec un ancien de Cinemaware aux commandes, l’habillage est très soigné

Avant de songer à étendre votre empire, il faudra commencer par vous assurer que les provinces que vous détenez déjà ne risquent pas de se retourner contre vous. Une nouvelle fois, le problème est simple, et la solution unique : vous pouvez voir l’état d’esprit d’une région en cliquant dessus, et le seul moyen de calmer ses ardeurs, comme on l’a vu, est de la distraire. Dans la quasi-totalité des provinces du jeu, cela se limite à organiser des jeux du cirque contre monnaie sonnante et trébuchante. Mais si vous souhaitez contenter la population romaine, surprise : il faudra cette fois participer à deux activités qui prendront la forme de mini-jeux assez infects : la course de char ou le combat de gladiateur. Dans le premier cas, il s’agira d’une course d’endurance ouvertement inspirée de Ben Hur (au point de reprendre la musique de la scène iconique) dont la jouabilité comme l’intérêt sont hélas dramatiquement limités. Dans le second, on retrouvera une séquence d’action à la jouabilité inspirée des raids de Defender of the Crown, et qui se limitera donc à appuyer anarchiquement sur les touches du clavier jusqu’à ce que le combat soit gagné – ou perdu.

La course de chars n’a pas grand intérêt…

L’ennui, c’est que l’ambition proclamée par Kellyn Beck ne se ressent tout simplement pas en jeu. On espérait de la profondeur, on n’en trouve pas ; on espérait être enfin débarrassé de ces mini-jeux à la noix, ils sont toujours là. Les combats navals, par exemple, prenne la forme d’un affrontement entre deux bateaux (même si vous en avez vingt !) qui rappellera fortement le Pirates! de Sid Meier, mais en nettement moins bon. Le pompon étant que gagner ces séquences ne vous servira parfois à rien, le jeu décidant arbitrairement que le reste de votre flotte a perdu en dépit de votre victoire ! L’aspect naval du jeu n’a de toute façon pratiquement aucun intérêt : on peut conquérir 95% de l’Europe grâce à ses armées terrestres, ce qui nous amène à ce qui devrait être le cœur du jeu : sa partie stratégique.

…Et les combats de gladiateurs non plus

Risk : Defender of Rome Edition

Une nouvelle fois, les bases sont simples. Au lancement de la partie, vous n’aurez le contrôle que d’une seule et unique légion. À force de multiplier les conquêtes, vous monterez en grade, ce qui vous permettra de lever des troupes supplémentaires, et surtout plus variées, comme de la cavalerie par exemple. Chacune de vos légions représente une armée indépendante dirigée par un général ; vous ne pouvez pas les fusionner pour en faire une grande armée, par exemple, et accumuler les soldats dans une seule et même région ne sert pour ainsi dire à rien.

Les commandes individuelles manquent de précision

Il faudra donc déplacer chacune de vos légions dans une région avoisinante et tenter de négocier avec ses occupants, faute de quoi la seule réponse sera l’invasion en bonne et due forme. L’aspect « diplomatique » se limite à une conversation avec le chef barbare local (car oui, chaque province du jeu, quelle que soit sa taille, est unifiée sous la direction d’un chef qui viendra vous parler, comme c’est pratique). Si vous trouvez la bonne approche parmi plusieurs (amical, agressif, diplomatique, etc.), vous aurez une petite chance de convaincre la région de rejoindre votre empire sans avoir à vous battre. Mais dans 99% des cas, cet entretien ne correspondra qu’à une complète perte de temps et se terminera par une bataille au bout de deux phrases.

La diplomatie du jeu est une vaste blague

Or justement, voilà qu’intervient la fierté du jeu : les batailles tactiques ! On sent bien que c’est là-dessus qu’est placé l’accent du logiciel – d’ailleurs, il est totalement impossible de les accélérer ou de les passer. Vos troupes et celles de l’adversaire seront représentées graphiquement sur une vue en 3D isométrique. Le concept rappelle une nouvelle fois… Defender of the Crown : Vous choisissez une formation, une stratégie, et vous regardez la bataille se dérouler en temps réel. Dans les niveaux inférieurs de difficulté, ce sera souvent largement suffisant : vous réaliserez vite qu’une formation défensive est à peu près invulnérable, votre adversaire venant généralement se briser dessus comme une vague contre la jetée. Mais lorsque les choses deviendront un peu plus compliquées, le mieux sera sans doute de prendre le contrôle de vos troupes individuellement, et c’est là que les choses deviennent (enfin) intéressantes.

Un général doté d’une grande portée de voix simplifiera grandement les batailles

Vous pouvez en effet mettre la bataille en pause à n’importe quel moment pour sélectionner une de vos unités, vous aviser de son moral, et modifier ses instructions pour l’envoyer renforcer une aile en difficulté, par exemple. Le principe est original : vous tracez une direction, et votre unité l’emprunte, attaquant tout ce qui se trouve sur sa route. Elle ne recevra cependant un ordre que si elle se trouve à portée de voix de votre général, matérialisée par un cercle au sol. Dans le cas contraire, il faudra d’abord déplacer votre commandant – ce qui fait qu’un général doté d’une portée de voix très importante sera particulièrement précieux pour pouvoir coordonner ensemble des troupes étirées sur une longue distance.

Les batailles navales : deux pâtés marrons sur un pâté bleu

Où est mon jeu ?

L’ennui, une nouvelle fois, est la totale absence de profondeur de ces séquences. Vous n’avez absolument aucune information pertinente sur votre troupes, en-dehors de leur moral : chaque escarmouche est donc une sorte de lancer de dés décidé par des facteurs sur lequel votre seule prise est la proximité de votre général et de son bonus de charisme – pour tout le reste, vous êtes purement spectateur. La possibilité de déplacer ses troupes est encore réduite par le fait que celles-ci ne bougent que dans les quatre directions cardinales, et vous oblige à une micro-gestion de tous les instants qui rend les combats inutilement laborieux là où tous les affrontements les plus complexes peuvent généralement être résolus par une simple prise en étau. Pour ne rien arranger, les possibilités sont faméliques : il n’y a par exemple pas de troupes à distance. Les archers ? Connais pas ! Mais il n’y a pas non plus d’arme de siège, ce qui est cohérent puisqu’il n’y a pas de siège non plus ! Toutes les batailles se déroulent en rase-campagne, et il n’y a ni relief ni rivière. Autant dire qu’on en fait vite le tour…

Les possibilités sont extrêmement limitées

Mais où est donc cette fameuse profondeur vantée par Kellyn Beck ? D’accord, les combats sont originaux, et constituent une première approche de la stratégie en temps réel bien avant que celle-ci ne devienne un genre à part entière. Mais pour le reste, tout est si creux et si limité qu’une partie semble se réduire à aller d’une région à l’autre en empilant les combats tous résolus de la même manière sans jamais mettre votre cerveau à contribution.

Tu ne pouvais pas me dire ça AVANT que je paie pour l’arène ?!

Les phases d’action, sans intérêt, ne relèvent rien. Il n’y a pas d’éléments aléatoires, pas de prises de décision, rien qui impacte vos batailles – vous n’avez même pas le choix du général, ni même l’accès à ses caractéristiques en-dehors du combat ! Cerise sur le gâteau, l’aspect historique a été traité totalement par-dessus la jambe : on peut rencontrer Cléopâtre en 275 av. J.C. – soit plus de deux siècles avant sa naissance, excusez du peu ! – les tribus barbares sont juste des rassemblements d’abrutis avec des vannes de cour de récré, et la vision de la guerre comme de la société romaine sont parfaitement risibles – ce qui est d’autant plus dommage que creuser un peu la question aurait vraisemblablement aidé le jeu à se doter enfin des milliards d’idées qui lui manquent. On espérait découvrir le passage à la maturité du genre, et on se retrouve avec un Defender of the Crown en moins bien. Voilà peut-être pourquoi Bits of Magic n’aura jamais eu que cet unique titre à son actif…

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 09/20 Développé sous l'égide de Kellyn Beck, Centurion : Defender of Rome se voulait un héritier spirituel de Defender of the Crown où l'aspect stratégique prévaudrait cette fois sur des mini-jeux devenus plus anecdotiques. Dans les faits, l'essentiel du jeu se limite encore une fois à déplacer des armées sur une carte et à rester spectateur de batailles où le résultat se joue tout seul à bas niveau et où le micro-management se révèle aussi pénible qu'indispensable dans les difficultés supérieures. Le titre a beau s'enrichir au fur et à mesure de vos montées en grade, avec de nouveaux types d'armées engagés sur de multiples fronts, les possibilités sont tout simplement trop minces pour que le programme parvienne à devenir beaucoup plus qu'un assemblage de séquences creuses, pénibles ou simplement inutiles. Un logiciel qui peut se montrer amusant une heure ou deux, mais qui s'essouffle beaucoup trop vite faute de possibilités.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des batailles aux possibilités tactiques très limitées – Aucune unité à distance : pas d'archers, pas de balistes, rien ! – Des affrontements ayant systématiquement lieu en rase-campagne : pas de sièges ou d'utilisation du terrain – Des mini-jeux mal pensés et sans intérêt – Des composantes mal équilibrées : on peut conquérir pratiquement tout le pourtour de la méditerranée sans jamais construire une flotte, et c'est même plus efficace – Une diplomatie risible – Un aspect gestion pratiquement inexistant – Historiquement grotesque

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Centurion sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Bits of Magic
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une équipe dirigée par un homme ayant largement contribué à démarrer la légende de l’Amiga, pas question pour Centurion : Defender of Rome de faire l’impasse sur la machine de Commodore. On sent d’ailleurs que c’est là le hardware que Bits of Magic avait en tête depuis le début : en dépit de la palette réduite, les graphismes sont pratiquement identiques à ceux de la version PC en VGA. Niveau sonore, on est très proche de ce que donnait la Roland MT-32 – c’est même sensiblement meilleur, puisqu’on a cette fois le droit à des bruitages. Pour le reste, le jeu est resté exactement identique dans son déroulement et ses possibilités, ce qui n’était peut-être pas sa meilleure idée.

Graphiquement, on ne peut pas dire qu’on ait perdu grand chose

NOTE FINALE : 09/20

Centurion : Defender of Rome sur Amiga accomplit une performance sensiblement identique à celle de la version PC sur le plan technique. C’est malheureusement parfaitement vrai sur le plan ludique également : des possibilités faméliques, et un jeu totalement dénué de profondeur.

Version Mega Drive

Développeur : Bits of Magic
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juillet 1991 (Amérique du Nord, Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 6Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Plus surprenant : Centurion aura également débarqué sur la Mega Drive, qui ne correspond peut-être pas à l’association la plus naturelle qui soit avec les jeux de stratégie, mais correspond parfaitement à la volonté d’Electronic Arts d’investir le marché des consoles 16 bits.

Qu’on ne vienne pas me dire que la Mega Drive n’était pas capable de mieux que ça !…

Niveau contenu, le jeu, déjà pas gâté sur ordinateur, a encore perdu des plumes : il n’y a plus de niveau de difficulté, et les combats de gladiateurs ont disparu (bon, en même temps, est-ce réellement un tort ?). Les courses de chars, elles, sont toujours là. Techniquement, le jeu s’en sort correctement au niveau sonore, mais de manière plus inégale sur le plan des graphismes : les écrans fixes sont très réussis, mais les champs de bataille virent trop souvent à la bouillie de pixels. La jouabilité s’adapte assez facilement à la maniabilité au pad – cela facilite même les choses lors des phases d’action. On obtient dans l’ensemble une expérience assez fidèle à celle de la version originale – et c’est probablement là qu’est le vrai problème.

…Surtout quand elle le prouve sur tous les écrans fixes

NOTE FINALE : 08,5/20

Porté sur Mega Drive, Centurion y laisse quelques plumes tant en terme de contenu que de réalisation. À moins de n’avoir strictement rien d’autre sous la main pour découvrir la stratégie, le mieux est sans doute de laisser cette version croupir dans l’oubli qu’elle mérite.

Les avis de l’époque :

« Oui, bon, c’est assez sympa. Mais moi, je n’accroche pas. Pour un wargame, ce jeu est trop simpliste, les possibilités trop limitées. Pour ce qui est de l’arcade, Electronic Arts repassera, c’est vraiment nul ! Et pour parler de la diplomatie, quelle diplomatie ? […] Bon, voilà, c’est beau, c’est bien fait, mais j’accroche pas. C’est tout. »

Wikie, Consoles + n°1, septembre 1991, 88%

Version PC-98

Développeur : Bits of Magic
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 26 novembre 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Système : PC-9801VM/VX

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme beaucoup de sociétés occidentales, Electronic Arts aura eu de multiples occasions de sonder le marcher japonais avec ses produits. Centurion ne fait pas exception, et livre exactement le type de portage qu’on pouvait attendre du côté du contenu : c’est sans surprise exactement la même chose que sur PC ou Amiga, et l’interface n’a pas bougé d’un iota – au détail près, naturellement, que l’intégralité du jeu est désormais intégralement en japonais. Graphiquement, le jeu est coincé dans les seize couleurs dont la machine de NEC commençait pourtant à être capable de s’affranchir, et c’est d’autant plus regrettable que la résolution n’a pas bougé non plus : seuls les textes sont affichés en 560×340, tout le reste est en 320×200. Bref, c’est toujours exactement la même chose, mais c’est encore un tout petit peu moins beau. Autant dire que ce n’est pas exactement la version sur laquelle vous jeter aujourd’hui.

Ça pique un peu les yeux, mais ça reste plus beau que sur Mega Drive

NOTE FINALE : 09/20

Ce portage prévisible, en bien comme en mal, de Centurion : Defender of Rome sur PC-98 livre un clone des version PC et Amiga en seize couleurs et en basse résolution – le genre de version qu’on se serait davantage attendu à trouver sur Atari ST. Une nouvelle fois, le vrai problème est moins la réalisation (très correcte au demeurant) que le manque total de profondeur du jeu.

It Came from the Desert

Développeur : Cinemaware Corporation
Éditeur : Mirrorsoft Ltd.
Testé sur : AmigaPC (DOS)TurboGrafx CD

La série It Came from the Desert (jusqu’à 2000) :

  1. It Came from the Desert (1989)
  2. Antheads : It Came from the Desert II Data Disk (1990)

Version Amiga

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Lizard Breath, Californie, 1951.


Alors que le vent chaud pousse les tumbleweeds sur les routes chauffées à blanc, le professeur Greg Bradley a posé ses valises en ville, le temps d’étudier la composition minérale de fragments de météorites s’étant récemment écrasées dans les environs.

Aidé d’un étudiant local appelé Biff et d’un vieux prospecteur nommé Geez, il ne sait pas encore qu’il est sur le point de faire une découverte majeure… qui pourrait signer la perte de la ville dans son ensemble. Chacun des habitants du cru, depuis le journaliste trop curieux jusqu’au scientifique d’opérette en passant par le maire qui, bien évidemment, n’accepte jamais de comprendre l’urgence de la situation, tous auront leur rôle à jouer, à leur manière. Quoi qu’il arrive, il ne reste que quinze jours. Quinze jours pour arrêter l’invasion qui s’annonce, et pouvoir témoigner un jour, devant le reste du monde, que la menace venait du désert…

It Came from the Desert est un de ces jeux inclassables issus de l’imagination fertile de Cinemaware, un des studios « stars » des années 80, l’un des premiers à avoir montré ce que les nouveaux ordinateurs 16 bits, l’Amiga en tête, avaient réellement dans le ventre.

Suivant la philosophie d’une compagnie visiblement obsédée par les vieux films et les vieilles séries, comme le prouvent des titres comme The Three Stooges, Sinbad and the Throne of the Flacon ou Rocket Ranger, qui devait lui-même à l’origine être une adaptation de l’antique Commando Cody, It Came from the Desert puise son aspiration des films de science-fiction des années 50 – et plus particulièrement de Des monstres attaquent la ville, qui présentait une intrigue très semblable. Le jeu vous place dans la peau du professeur Greg Bradley, et va vous demander de mettre fin à une invasion de fourmis géantes en moins de quinze jours. Pour se faire, le titre propose sans surprise un assemblage de scènes assez disparates mais pour une fois relativement cohérentes, et se divise en fait en deux temps.

Premier temps : l’enquête. Alors que votre prospecteur habituel vient juste de vous délivrer des échantillons plus que suspects, votre première tâche va être de commencer par prendre la température en ville et par recueillir des informations vous permettant de juger que quelque chose ne tourne clairement pas rond à Lizard Breath. Vous disposerez alors d’une liberté de mouvement quasi-totale vous autorisant à aller faire connaissance avec la population locale, sorte de revue d’effectif de tous les personnages récurrents des nanars des années 50, et à chercher à cumuler suffisamment de preuves pour pousser le maire à prendre conscience de l’invasion qui se prépare.

Cette partie « aventure » est à n’en pas douter une des plus réussies du jeu : on discute, on visite, on recueille des informations sur un accident de voiture ou sur une vache sans tête… On fouine, on parle avec le journaliste local, avec le pompiste, avec le chercheur à l’université, on croise des paysans, des ouvriers, des gangs de rue dans leur voiture…

On peut tout à fait passer des coups de fil – et il faudra bien évidemment respecter les horaires d’ouverture des différents commerces – mais il faudra également tenir compte de la susceptibilité de chacun, certaines personnes tolérant assez mal que vous leur ayez posé un lapin ! Souvenez-vous également que certaines personnes sont plus fiables que d’autres… Dans tous les cas, cette phase constituera une très bonne occasion de profiter de la réalisation du jeu, qui figurait à n’en pas douter parmi les plus réussies de l’année 1989. L’ambiance des années 50 est parfaitement rendue, des coiffures aux costumes, des personnages archétypaux aux décors, de la musique aux graphismes, et c’est avec un plaisir certain qu’on découvre la ville – un peu trop vite, hélas, le titre étant avant tout pensé pour des parties dépassant rarement l’heure de jeu. Néanmoins, pour tous les nostalgiques du pixel art, la « patte » du logiciel risque de faire immédiatement mouche.

Au gré de vos pérégrinations, vous serez malgré tout amené à affronter les fourmis géantes susmentionnées, ou les membres du gang de rue. L’occasion de parler des fameuses scènes d’action, qui vous demanderont de faire feu à la première personne, d’éteindre un incendie, de conduire une voiture lors du « jeu du poulet », voire même de fuir l’hôpital après que les choses aient mal tourné – car le temps presse suffisamment pour que vous ne puissiez pas toujours vous permettre de rester allongé à récupérer.

La principale faiblesse de ces phases, en-dehors de leur brièveté, est qu’il faudra apprendre comment les résoudre « sur le tas », aucune forme d’entrainement n’étant disponible . Vos premières parties risquent donc de se diriger assez vite vers le game over, le temps d’apprendre comment se débarrasser d’une fourmi géante avec une pistolet (visez les antennes !) ou comment fuir efficacement un hôpital. La mode de l’assemblage des mini-jeux, d’ailleurs largement inaugurée par Cinemaware, commençait déjà à passer un peu en 1989, et on ne peut pas dire que ces phases représentent le pinacle du plaisir vidéoludique. Néanmoins, elles ont le mérite d’apporter un peu de variété, un peu de tension, et surtout de vous préparer à la deuxième phase du jeu : la confrontation.

Tôt ou tard, les fourmis géantes vont bien finir par venir s’attaquer à la ville, et votre mission sera alors double : assurer sa protection, et aller détruire la reine une bonne fois pour toutes. L’occasion, cette fois, d’organiser la défense de Lizard Breath via une carte stratégique, d’aller faire du ménage au lance-flammes si vous êtes équipé pour, et même de conduire un tank, voire un avion !

Si les objectifs ne sont pas toujours très clairs (il m’est arrivé d’éradiquer des dizaines de fourmis avant de tomber à court de munitions et de ne rien pouvoir faire), ce sera surtout l’occasion de vérifier si vous avez bien travaillé et obtenu des informations fiables sur l’emplacement de la fourmilière. Dans le cas contraire… Dans tous les cas, le jeu tombe alors plus dans l’action pure, domaine dans lequel il s’en sort honnêtement (beaucoup mieux, au hasard, qu’un titre comme Rocket Ranger) mais qui n’est pas pour autant son point fort. Un moyen comme un autre, quoi qu’il en soit, de terminer la partie en apothéose… ou en eau de boudin.

Au final, l’aspect « patchwork » d’It Came from the Desert risque de rester son point le plus clivant. Les amateurs d’aventure façon point-and-click ne gouteront sans doute que modérément les phases d’action, et les excités de la gâchette risque de trouver le menu un peu rachitique. Les joueurs les plus ouverts et les plus curieux, en revanche, pourraient bien tomber sous le charme d’un de ces jeux n’offrant aucun réel équivalent au cours des trente dernières années. C’est parfois bancal, souvent frustrant, mais ça a également un charme qui n’appartient qu’à cette période où l’Amiga régnait en maître sur l’univers informatique. Pourquoi se priver ?

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20 Pas tout à fait un jeu d'action, pas complètement un jeu d'aventure, It Came from the Desert est une de ces « expériences cinématiques » façon Cinemaware qui mêle une enquête à une série de mini-jeux rarement passionnants. Même si on passe les premières parties à tourner un peu en rond, et même si le jeu s'avère très vite répétitif, il faut reconnaître que ce petit voyage au cœur du cinéma de science-fiction des années 50 reste l'un des logiciels ayant le mieux vieillis au sein du catalogue de la compagnie américaine, et qu'on s'amuse malgré tout en s'acharnant à stopper cette invasion de fourmis géantes et à faire connaissance avec la population locale. Dommage que le game design ne soit, comme souvent, pas à la hauteur de la réalisation, car on aurait volontiers passé quelques heures de plus à Lizard Breath si le programme avait été un peu plus aguichant. Une curiosité.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des séquences d'arcade trop limitées pour être réellement amusantes... – ...Et où les objectifs sont souvent très flous – La pression du temps, moyen d'allonger la durée de vie à peu de frais – Beaucoup de situations où on ne sait pas trop quoi faire ni pourquoi

Bonus – Ce à quoi peut ressembler It Came from the Desert sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« It Came from the Desert est le premier logiciel qui réunit, d’une façon aussi magistrale, tous les genres. On ne peut pas vraiment parler de jeu mais plutôt d’histoire interactive sur micro. […] Techniquement, il suffit de dire qu’il s’agit d’un Cinemaware pour vous donner une idée des graphismes et du son. Pour conclure, disons que ce logiciel est excellent. »

Dany Boolauck, Tilt n°74, janvier 1990, 17/20

Version PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe des temps : It Came from the Desert n’aura pas été porté sur Atari ST. Ni sur aucun ordinateur 8 bits, d’ailleurs : seul le PC aura eu droit à son portage, à un moment où les modèles AT commençaient à avoir des arguments à faire valoir (une version Mega Drive aura également été développée, mais jamais commercialisée). Quoi qu’il en soit, ceux qui espéraient découvrir le titre en 256 couleurs en seront pour leurs frais : même si le jeu reconnait le mode VGA, il restera quoi qu’il arrive identique à ce qu’affiche le mode EGA, en 16 couleurs. Niveau musical, le jeu reconnaît l’AdLib et la Roland MT-32 – mais même avec une Sound Blaster, le petit speech d’introduction digitalisé est passé à la trappe, tout comme la quasi-totalité des bruitages du jeu.

Tout cela reste un peu décevant – un PC haut-de-gamme avait déjà techniquement les moyens de faire largement mieux qu’un Amiga 500 en 1990 – mais il faut reconnaître que la réalisation en EGA reste assez soignée. Certes, les couleurs criardes imposées par la palette très limitée ne retrouvent pas la patine de la version originale, mais les sprites sont bien dessinés et les teintes relativement bien choisies. La musique, même avec une Roland, ne se hisse clairement pas au niveau de la version Amiga, mais reste très honnête – quoique un peu trop discrète. Le jeu reconnait le joystick, mais pas la souris – il est de toute façon parfaitement jouable au clavier. Sachant que le charme de la réalisation était l’un des principaux intérêts de la version originale, on ne recommandera malgré tout cette adaptation sur PC qu’aux nostalgiques.

NOTE FINALE : 11,5/20

Cantonnée à 16 couleurs, la version PC d’It Came from the Desert livre une prestation soignée, même si on ne peut que soupirer en imaginant à quoi aurait pu ressembler le jeu s’il était sorti un an plus tard. Le titre est toujours parfaitement jouable, et garde une partie de son cachet, mais on lui privilégiera clairement la version Amiga.

Version TurboGrafx CD

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tout d’abord, un peu d’histoire.

Au début des années 1990, NEC demanda à Cinemaware de réaliser un remake d’It Came from the Desert tirant parti du support CD-ROM de la nouvelle extension de sa PC Engine – après avoir racheté 20% de la compagnie. À une époque où le concept de FMV n’existait pas encore, le projet était aussi ambitieux que visionnaire – et quel meilleur choix que Cinemaware, pionniers parmi les pionniers de l’expérience cinématique, pour amorcer la révolution du support CD ? Sur le papier, c’était le bon sens même.

Dans les faits, ce fut le dernier jeu de Cinemaware. Le coût colossal englouti dans ce remake – plus de 700.000 dollars, une somme énorme pour l’époque, cinq fois le budget d’un jeu « normal » – draina tous les fonds de la compagnie, qui mit la clé sous la porte en 1991. Pour finir le jeu, David Riordan prit la tête d’une équipe et d’un budget réduits pour livrer le logiciel en 1992, ce qui fut fait… à titre posthume, en quelque sorte.

En fait de « remake », cette version est en fait un jeu assez différent. Il s’agira cette fois de sauver la ville de Borax en sept jours, selon un fonctionnement beaucoup plus linéaire que dans la version Amiga : des séquences vidéos parsemées de choix multiples (où vous rendre ou que répondre, le plus souvent) entrecoupées de séquences d’action certes bien plus développées que sur Amiga (on parle ici de séquences de plusieurs minutes) mais également beaucoup moins bien réalisées. Certaines reprennent la vue de dessus des phases où vous affrontiez des dizaines de fourmis, d’autres sont des scènes en vue de profil où vous affronterez non seulement des fourmis géantes, mais aussi des… zombis (?!?) dans des labyrinthes où vous devrez également prêter attention à vos munitions. Signalons aussi ces séquences surréalistes où vous devrez empêcher certaines personnes de se faire boulotter par des fourmis, le jeu vous les montrant littéralement se faire grignoter jusqu’à l’os, avant d’enchainer sur des vidéos où elles seront en pleine forme.

Résumer le déroulement du jeu serait une gageure, mais on pourrait parler d’une sorte de film de David Lynch à très petit budget et sous acide, voire d’un happening à la Andy Warhol. Parvenir à trouver un semblant de cohérence dans cette assemblage de scènes disparates surjouées avec les pieds par des « acteurs » vraisemblablement recrutés au hasard en marchant dans la rue est un exploit dont je ne me sens pas capable (bon, je suis méchant, il y a quelques professionnels dans le tas, mais je doute qu’ils aient été fiers de mentionner ce titre sur leur CV).

Disons simplement que cette fois, il semblerait qu’une reine des fourmis exerce une sorte de contrôle mental sur une partie de la ville. Le truc, c’est qu’il n’y a aucune mise en place, aucune présentation des personnages, rien qui installe un tableau de la vie quotidienne avant d’y insérer le fantastique : le jeu démarre directement dans le grotesque, continue dans le n’importe quoi, puis verse dans les drogues dures. Il existe des vidéos sur Youtube présentant une partie entière : installez-vous devant l’une d’entre elles avec un peu d’alcool fort, sensations garanties. Inutile de dire, en revanche, qu’il faudra avoir une excellente compréhension de l’anglais parlé – mais c’est peut-être encore plus drôle en n’y comprenant rien. Sachant que les phases d’action, elle, oscillent entre le « sans intérêt » et le « marrant cinq minutes », le titre ne trouvera sans doute son public qu’auprès des amateurs de nanars improbables les plus enthousiastes.

Naturellement, les ventes du jeu n’auront jamais permis d’amortir son coût de développement. Le titre sera sorti dans une indifférence polie – la PC Engine n’étant pas exactement le centre de l’attention en 1992 – avant de sombrer dans un oubli mérité. Plus une expérience (et quelle expérience !) qu’un jeu, on ne le conseillera aujourd’hui qu’aux cinéphiles amateurs de séries Z et aux joueurs qui aiment s’essayer à des titres totalement improbables.

NOTE FINALE : WTF/20

En étant repensé pour la PC Engine CD, It Came from the Desert n’aura pas juste sonné le glas de Cinemaware, il aura sans doute fait découvrir le concept de trip sous acide à des milliers de joueurs innocents. Histoire invraisemblable, jeu d’acteur lunaire, mise en scène surnaturelle, gameplay médiocre : en tant que jeu, c’est assez mauvais, mais pour ce qui est de se payer une franche rigolade (à condition d’être bilingue), c’est à tenter. Une bien étrange oraison funèbre pour Cinemaware.

Battleship : The Classic Naval Combat Game (Use Corporation)

Développeur : Use Corporation
Éditeur : Mindscape, Inc.
Titre original : 海戦ゲーム NavyBlue (Kaisen Game : Navyblue – Japon)
Testé sur : Game BoyGame Boy Color

Version Game Boy

Date de sortie : 22 décembre 1989 (Japon) – 18 novembre 1992 (États-Unis) – 11 novembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 512kb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On a déjà évoqué en ces pages l’émergence concomitante à la sortie de la Game Boy d’une question extrêmement intelligente à laquelle aura été donné énormément de réponses stupides : quels types de jeux offrir sur une console portable ? Qui dit nouveau concept dit, en principe, nouvelles approches, mais comme souvent lorsqu’il s’agit avant tout de proposer un produit à destination d’un marché, beaucoup d’éditeurs comme de développeurs ne se seront pas embarrassés très longtemps à méditer sur la chose.

Les deux réponses les plus évidentes auront donc naturellement été les plus récurrentes lorsque le concept de « console portable » était encore frais : soit proposer exactement la même chose que sur les autres machines, en l’adaptant vaille que vaille aux capacités de la Game Boy, soit partir du principe qu’une telle machine était conçue pour des séances courtes, et offrir des « petits » jeux aptes à divertir pour une poignée de minutes. On ne sera pas surpris d’apprendre que la deuxième approche aura généré, au fil des ans, des dizaines de compilations extrêmement oubliables de jeux de cartes, de dames, d’échecs et autre activités d’ordinaire réservées aux longs dimanches chez mamie. Et quitte à essorer ce qu’on n’appelait pas encore le « casual gaming » jusqu’à la moelle, pourquoi ne pas également aller chercher du côté… de la bataille navale ?

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, c’est exactement ce que désigne le terme anglophone Battleship : les bonnes vieilles bagarres à coup de coordonnées qu’on se livrait, étant enfant, sur les cases de nos cahiers d’école pour tromper l’ennui en cours de maths (oui, rappelez-vous qu’on parle aussi d’une époque où les téléphones portables, et à plus forte raison les smartphones blindés d’applications, n’existaient pas). Le principe, pour les extraterrestres qui ne le connaîtraient pas ? Une grille de 8×8 cases – une grille par joueur, naturellement – sur laquelle chaque participant dispose ses navires, reconnaissables à leur taille : le sous-marin fait une case, la frégate deux, le destroyer trois et le cuirassé cinq. Le but du jeu est très simple : détruire les navires du camp opposé, en tirant à l’aveugle sur une des 64 cases de la grille adverse et en attendant avec anxiété de connaître le résultat de votre tir (à savoir : « à l’eau » 90% du temps, « touché » en cas de coup au but et « coulé » lorsque vous venez de rayer un navire de la carte maritime).

Comment cela se traduit-il sur Game Boy ? Eh bien par un unique mode de jeu (deux en comptant le multijoueur, mais nous y reviendrons plus tard) : une espèce de super-campagne de douze niveaux, chacun divisé en quatre stages, et vous proposant invariablement de reproduire le schéma décrit dans le paragraphe précédent. Remportez un stage, et vous gagnerez à la fois un mot de passe et le droit de continuer, en cas de défaite, ce sera le game over. Simple.

On commence donc par placer ses navires (en les faisant éventuellement pivoter à l’aide du bouton B) avant de lancer la partie proprement dite et de savoir lequel des deux joueurs a davantage de chance que l’autre (parce que, soyons honnête, c’est principalement sur ce critère que se joue le jeu, l’aspect psychologique de type « ce sagouin serait bien du genre à placer son sous-marin ici » ne s’exprimant pas franchement lorsque l’on joue contre une machine). Chaque tir sera accompagné d’une petite animation histoire de vous en montrer le résultat, avant d’observer la tentative de votre adversaire – oui, ça prend du temps, oui, on s’en lasse très vite et non, il est impossible de la passer, ce qui est tout aussi désagréable que l’absence de la moindre forme de paramétrage de la partie. Une grille plus grande ? Un handicap ? Un mode de jeu alternatif ? N’espérez rien de tout ça ici : vous resterez coincé sur vos 64 cases jusqu’à ce que mort (ou, plus vraisemblablement, ennui) s’en suive.

Comme n’importe qui s’étant essayé au concept plus de dix minutes dans sa vie l’aura vraisemblablement réalisé, c’est aussi répétitif que stratégiquement limité. C’est pourquoi le titre d’Use Corporation aura au moins eu l’idée d’ajouter deux types de subtilités par rapport au jeu « papier » : les armes secondaires et les navires en plus. Dans le premier cas, votre tir de base (qui ne couvre naturellement qu’une seule case à la fois) peut être remplacé, en fonction de vos réserves, soit par un tir multiple, soit par un tir à la zone d’effet plus large, soit par l’emploi de radars qui vous permettront tous, selon leur taille, de couvrir plusieurs cases à la fois (jusqu’à neuf pour les plus perfectionnés). Le truc, c’est que ces armements ne sortent pas de nulle part : ils sont tirés par vos précieux navires. Impossible, donc, d’espérer faire usage d’un sonar si vous avez déjà perdu votre sous-marin, ou de tirer les munitions de votre cuirassé s’il git par deux-cents mètres de fond.

Si cela semble parfaitement cohérent sur le papier, cela se traduit hélas par une faiblesse stratégique évidente, qui vous pousse à utiliser vos armes les plus puissantes le plus rapidement possible, faute de quoi vous risquez de ne jamais avoir l’occasion de les tirer. Non que cela change grand chose – on n’a pas réellement de raison valable de garder ses munitions pour plus tard, l’intérêt étant toujours de couvrir le maximum de cases le plus vite possible pour augmenter nos chances – mais cela rajoute encore une couche de hasard supplémentaire dans un jeu qui n’en avait pas besoin. Imaginons par exemple que votre ennemi détruise votre sous-marin dès son premier tir (oui, ça arrive et c’est très désagréable) : vous voilà alors privé de sonar pour le restant de la partie, ajoutant un second coup dur au premier, et vous pénalisant d’autant plus que votre adversaire, lui, aura toujours accès au sien ! Bref, on ne joue pas toujours à armes égales, et le hasard étant le juge de paix définitif, autant dire que les joueurs malchanceux risquent de passer beaucoup de mauvais moments.

Le jeu viendra également compléter, au fil des niveaux, votre flotte via l’ajout d’un porte-avions de pas moins de huit cases que vous aurez par conséquent énormément de mal à protéger plus de quelques tours, et qui contient une part importante de vos meilleures armes – raison de plus pour les utiliser en vitesse. Si l’idée de développer votre arsenal et votre flotte au fil des parties est la bienvenue, dommage qu’elle ne se produise qu’à chaque niveau – soit tous les quatre stages – parce qu’on finit quand même très rapidement par trouver le temps long ; bon courage pour s’accrocher jusqu’au 48e stage ! Rien de ce qui est proposé ne révolutionne le principe de base (on vise des cases, point barre), et autant dire que ceux ne mordant pas plus que ça au concept (ou ayant accès à quelques millions de jeux de stratégie ou de plateau plus pointus) passeront très vite à autre chose, faute d’avoir grand chose d’autre que leur chance à mettre à contribution. C’est bien simple, à titre d’exemple : rien que le mini-jeu nommé Car Bomb présent dans Sam & Max et pastichant le concept était déjà pratiquement plus riche en possibilités que ce titre vendu au prix fort à sa sortie ! Cela trahit à coup sûr un manque d’ambition certain, pour ne pas dire une paresse assez honteuse.

Reste alors le multijoueur – à condition d’avoir un ami avec le jeu, une Game Boy et le câble Game Link puisqu’il est impossible de jouer à tour de rôle sur la même console. Ça fait quand même beaucoup de matériel très couteux à dégainer pour prétendre jouer à un jeu praticable, rappelons-le, sur une simple feuille de papier – et il y a fort à parier que, quitte à avoir tout cela sous la main, vous ayez de toute façon également des jeux bien plus intéressants à pratiquer à plusieurs, ne fut-ce que le Tetris vendu avec la console. Bref, sans être fondamentalement catastrophique, le gameplay ne surprend pas, le jeu ne se renouvèle pas, et ce qui peut se montrer amusant quelques dizaines de minutes selon votre patience risque quand même de montrer très rapidement ses limites. Vous voilà prévenu.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 10,5/20 À la question « Peut-on se contenter de programmer l'antique jeu de bataille navale avec un minimum d'adaptations avant de le vendre au prix fort ? », Battleship : The Classic Naval Game n'aura eu strictement aucun scrupule à répondre par l'affirmative. En dépit d'une poignée de bonus n'apportant pratiquement aucune valeur stratégique à un concept reposant principalement sur la chance (on ne fait jamais que viser plus de cases à la fois), le logiciel d'Use Corporation se contente de proposer très exactement le jeu que les écoliers de ma génération auront parfois pratiqué sur leurs cahiers : donner des coordonnées et attendre de voir si on a touché quelque chose. Si le principe reste ludique à petites doses, dommage qu'il doive se contenter de cette conversion extraordinairement paresseuse qui aura à peine cherché à apporter une molécule de sang neuf au genre. Durée de vie : dix minutes. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un seul mode de jeu – Aucune option de configuration – Impossible de jouer à deux sur une seule console – Peu d'idées – Impossible de passer les animations – Réalisation fonctionnelle, sans plus – Un ajout d'arme ou de navire tous les cinq niveaux, ce n'est pas assez

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battleship sur l’écran d’une Game Boy :

Version Game Boy Color

Développeur : Use Corporation
Éditeur : Majesco Sales, Inc.
Date de sortie : Mai 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dix ans après sa version Game Boy, Battleship débarquait sur la petite sœur, la Game Boy Color. Sans surprise, on se retrouve – comme c’était alors souvent le cas – avec un jeu extrêmement proche de la version originale, mais cette fois en couleurs. La bonne nouvelle, c’est que de ce côté-là le boulot a été bien fait : de nombreux écrans ont été redessinés, et le jeu ne se contente pas de passer de gros aplats dégueulasses sur la version monochrome ; c’est indéniablement beaucoup plus agréable à l’œil.

En revanche, et même si cela est très difficile à vérifier, l’intelligence artificielle m’a eu l’air de tricher sur cette version : déjà en employant davantage d’armes secondaires que moi dès le premier niveau, ce qui n’était pas le cas dans la version originale, ensuite en semblant parfaitement savoir où se trouvait mes navires dès le début de la partie. Afin de découvrir si j’étais devenu paranoïaque, je suis allé confronter mon expérience à celle des autres joueurs, et nombreux sont ceux qui ont eux aussi le sentiment que l’IA est truquée : elle fait preuve d’une précision plus que suspecte en début de partie avant de commencer à faire n’importe quoi pour vous laisser une chance lorsque vous avez pris trop de retard. En l’absence d’un programmeur sous la main, difficile de corroborer cette théorie, mais disons simplement que le titre semble pouvoir se montrer… bien plus frustrant que l’original. Ce détail mis à part, on retrouve le jeu à peu près dans l’état où on l’a laissé, alors à vous de voir si vous avez envie de vous faire votre propre avis sur l’I.A.

NOTE FINALE : 10,5/20

Battleship sur Game Boy Color ne déçoit assurément pas sur le point où on l’attendait le plus, à savoir la réalisation : c’est plus beau, plus travaillé et plus lisible que sur Game Boy. En revanche, l’I.A. suspecte et clairement avantagée par rapport à vous ne fait certainement pas grand chose pour rendre le mode solo plus sympathique, et sachant qu’on joue rarement à la bataille navale pour sa réalisation, difficile de recommander cette version au détriment de l’originale.