Gex

Développeur : Crystal Dynamics, Inc.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Titres alternatifs : ゲックス (graphie japonaise), Gecko X (titre de travail)
Testé sur : 3DOPlayStationSaturnPC (Windows 9x)
Disponible sur : PlayStation 3, PSP, PS Vita (version PlayStation), Windows
En vente sur : Gog.com (Windows)

La série Gex (jusqu’à 2000) :

  1. Gex (1995)
  2. Gex 3D : Return of the Gecko (1998)
  3. Gex : Enter the Gecko (1998)
  4. Gex : Deep Cover Gecko (1999)
  5. Gex 3 : Deep Pocket Gecko (1999)

Version 3DO

Date de sortie : Avril 1995 (Europe) – Juin 1995 (États-Unis) – 14 juillet 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Une large partie de la (courte) existence de la 3DO aura consisté à tenter de se mêler à une course qui se déroulait sans elle, et dont les deux participants se nommaient SEGA et Nintendo. Un échec, comme tout le monde le sait – d’autant plus cruel que la machine avait au moment de sa sortie de réels arguments qui auront tous plié sous le poids d’un modèle commercial inadapté, lequel se sera chargé de rappeler aux industriels occidentaux qu’il allait leur falloir (ré)apprendre à vendre des consoles de jeu.

Mais quoi qu’il en soit, la machine était prise entre deux pulsions contraires : hurler sa différence (pour sortir du lot), tout en cherchant à être exactement comme tout le monde (pour rassurer les acheteurs). Justement, pour vendre une machine et commencer à mettre un visage reconnaissable sur la marque (les anglo-saxons parlent de « brand awareness »), la grande tendance de l’époque tournait autour d’une seule et unique obsession (laquelle n’allait d’ailleurs pas tarder à retomber comme un soufflé, la faute à une rapide overdose) : les mascottes. Toute la planète connaissait Sonic le hérisson et Mario le plombier ? Alors il fallait également une figure de proue pour la 3DO, un personnage apte à évoquer immédiatement la console. Aux yeux des joueurs, cette position aura été assurée par un certain Gex… lequel aura connu un destin à la PC Genjin, puisqu’il aura finalement fait des infidélités à son système d’origine, au point de lui survivre et d’aller continuer sa route bien après la mort de la 3DO. Tout un symbole…

Gex, pour ceux qui auraient eu la flemme de regarder la couverture, est un lézard – un gecko, pour être plus précis, d’où son nom – du genre bavard et à débiter des one-liners censément hilarants récités par son doubleur Dana Gould. Pour une raison obscure qui n’est jamais développée, son ennemi juré se trouve être une sorte d’insecte cybernétique nommé Rez qui, d’une façon tout aussi obscure liée à une mouche piégée, entreprend un jour d’entrainer Gex dans l’écran de sa propre télévision.

Désormais prisonnier d’un univers cinématographique qui n’est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood (d’ailleurs paru la même année), le lézard va devoir parcourir cinq environnement volontairement clichés, allant du film d’horreur à l’univers oriental, pour y trouver de précieux sésames qui prendront la forme de télécommandes. Une aventure pas aussi linéaire qu’on pourrait le croire et qui l’emmènera bien évidemment régler son compte à Rez pour recouvrer sa liberté (et retourner passer ses journées à buller devant un écran, cela va de soi).

Le titre prend la forme d’un jeu de plateforme en 2D assez classique, dans des successions de niveaux où l’objectif, comme on l’a vu, sera le plus souvent de trouver une ou deux télécommandes (le compte exact vous sera donné en ouverture). Ces télécommandes, une fois utilisées sur la carte du monde, vous ouvriront soit l’accès à un autre stage, soit carrément celui à un autre univers – ce qui signifie qu’il se produira certaines situations où vous serez libre de visiter plusieurs niveaux dans l’ordre de votre choix, voire de faire carrément l’impasse sur certains d’entre eux. Les boss, eux (un par monde), feront systématiquement l’objet d’un niveau dédié.

L’idée sera donc de diriger votre lézard dans des environnements relativement ouverts, sans se révéler pour autant inutilement labyrinthiques (vous devrez rarement écumer un même niveau de long en large pour espérer trouver une télécommande vicieusement dissimulée à un endroit absurde ; à ce niveau-là, le level design se montre assez intelligent). Gex peut frapper les ennemis avec sa queue et attraper des bonus avec sa langue – tout comme il peut courir grâce aux boutons de tranche – mais sa capacité la plus originale reste sa capacité à se déplacer très naturellement sur les murs, ce qui peut souvent changer beaucoup de choses face à une séquence de plateforme qui s’annonçait ardue. À quoi bon sauter par-dessus un trou quand vous pouvez simplement vous balader sur le plafond au-dessus ? Une idée intéressante qui renouvèle quelque peu l’approche, mais pas suffisamment pour qu’on soit réellement dérouté… ni vraiment surpris.

On tient d’ailleurs là à ce qui compose autant la force et l’intelligence du jeu que sa limite la plus évidente : celle d’avoir préféré tempérer un peu son ambition pour verser dans un gameplay qui offre l’avantage d’être naturel, tout en laissant souvent l’impression d’être cruellement sous-exploité. Concrètement, le titre a beau s’atteler à offrir un minimum de renouvellement, avec quelques niveaux labyrinthiques bien conçus ou des séquences à défilement imposé brisant un peu la monotonie, il ne parvient jamais tout à fait à atteindre ce Nirvana vidéoludique où se côtoient les idées de génie et les séquences de bravoure, ce degré de fun ou de surprise qui puisse l’installer définitivement dans notre mémoire pour ne plus jamais l’en déloger. On passe indéniablement un bon moment, sur Gex, l’avantage d’une réalisation qui aura préféré verser dans le pinacle de la 2D plutôt que de basculer trop tôt dans une 3D qui allait faire beaucoup de mal au genre du jeu de plateforme avant qu’un certain plombier ne vienne expliquer à tout le monde comment s’y prendre.

Visuellement, ce n’est peut-être pas au niveau de Rayman (qui constitue de toute façon un des pinacles du domaine), mais cela reste largement au-dessus de ce que pouvait offrir n’importe quel système 16 bits de la période. Le support CD-ROM permet également de profiter d’un contenu généreux d’une vingtaine de stages avec une forte dose de zones bonus et de niveaux secrets – peut-être pas de quoi vous occuper « des semaines » comme le prétendaient certains tests de l’époque, mais facilement de quoi vous mobiliser quatre ou cinq heures au minimum. La difficulté proviendra d’ailleurs plus souvent des quelques petits errements de la jouabilité, comme une caméra qui peine à rester centrée sur votre lézard, que d’un défi qui connait certes ses pics mais qui se montre aussi largement tempéré par le nombre hallucinant de vies que vous pourrez gagner en collectant les lucioles qui peuplent les niveaux – et par un système de sauvegarde certes assez limité, puisqu’il vous demandera de collecter des cassettes dont vous trouverez rarement plus de deux exemplaires par monde, mais qui vous permettra au moins de ne pas repartir du début à chaque fois.

Au bout du compte, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine frustration, après avoir fini ce Gex. Non qu’on regrette le temps qu’on a pu lui consacrer, loin de là, mais il est difficile de mettre précisément le doigt sur ce petit quelque chose qui lui empêche de réellement côtoyer les sommets.

Un tout petit plus de variété au sein d’un même environnement ? Des boss un peu plus marquants ? Un level design un léger poil plus imaginatif ? Un Dana Gould un peu moins insupportable avec ses blagues pourries ? Une ou deux séquences sortant davantage des clous ? Des détails qui auraient permis au titre de ronronner un peu moins, assurément, et d’être autre chose que juste « sympathique » (ou « très sympathique », selon votre degré d’affinité). En l’état, je doute que n’importe quel amateur du genre puisse regretter de s’essayer au jeu. De la part de ceux qui commenceraient un peu à saturer – et c’était assurément le cas d’une large partie des joueurs de l’époque, à en juger par le sort de toutes les fameuses mascottes et des titres qui les hébergeaient – il est en revanche possible que ce lézard à grande bouche les laisse quelque peu de marbre. Le mieux est sans doute de lui laisser une chance ; il n’en a peut-être pas l’air, avec ses problèmes d’attitude, mais il le mérite.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Il devait être la mascotte de la première console 32 bits, c'est un lézard, et il a le nom d'un tampon à récurer : il ne peut s'agir que de Gex. Le reptile imaginé par Crystal Dynamics sera parvenu à exister lors d'une délicate période de transition avec un certain brio, offrant une réalisation solide et variée et un gameplay à la fois malin, accessible et nettement moins punitif que celui d'un titre à la Rayman, en laissant le joueur visiter un univers télévisuel qui n'est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood – mais en nettement plus réussi. Quelques petits errements dans la jouabilité, un léger manque de renouvellement dans les mécanismes de jeu et un chouïa de paresse dans le level design l'empêchent peut-être de pouvoir revendiquer une place au panthéon des maîtres incontestés du genre, mais il faut reconnaître qu'il n'en est vraiment pas loin. Une très bonne surprise, et assurément l'un des titres à posséder sur 3DO.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une vue qui n'est jamais centrée sur notre lézard...
– ...d'où une certaine dose de sauts de la foi
– Quelques niveaux qui s'étirent vraiment au-delà du raisonnable...
– ...et en plus, il faudra les refaire jusqu'à trouver la ou les télécommande(s) à l'intérieur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gex sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 8 mars 1996 (Japon) – Avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On le sait, la PlayStation est une console qui avait été conçue pour la 3D bien plus que pour la 2D. Ça ne l’empêchait pourtant pas de s’en sortir plus qu’honorablement dans le domaine – où on se doutait qu’elle devrait pouvoir faire au moins aussi bien que la 3DO. Aucune mauvaise surprise de ce côté-là : la réalisation est toujours aussi bonne, le jeu n’a pas perdu un pixel ni un quelconque effet, et le tout est sensiblement plus fluide que sur la version originale – les quelques rares ralentissements qui y figuraient ont d’ailleurs disparu. Le programme tourne à soixante images par seconde et Gex répond au doigt et à l’œil ; bref : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seule étrangeté (mais celle-ci, comme on va le voir, ne se limitera pas à cette itération sur la console de Sony) : le système de sauvegarde a ici été remplacé par un système de mot de passe (les développeurs auront parfois mis un peu de temps à adopter les cartes-mémoire). Pour le reste, le titre est peut-être encore un peu plus agréable à pratiquer que sur 3DO. Rien à redire.

NOTE FINALE : 17/20

Aucune mauvaise surprise pour Gex sur PlayStation, qui offre une version graphiquement identique à celle parue sur 3DO, mais tournant désormais à soixante images par seconde. Le confort n’en est que plus grand, et la console de Sony devrait composer un excellent choix pour découvrir le jeu.

Version Saturn

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 29 mars 1996 (Japon) – 5 avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quitte à développer un jeu à destination des systèmes 32 bits, il aurait été dommage de faire l’impasse sur la Saturn – surtout pour un jeu en 2D. Gex, une nouvelle fois porté par Beam Software, aura donc débarqué à peu près à la même date que sur PlayStation, dans une version d’ailleurs très semblable – comprendre que le système de mot de passe a une nouvelle fois été privilégié sur une sauvegarde employant la mémoire interne, choix étrange mais passons. La bonne nouvelle, c’est que le titre tourne aussi bien que sur la machine de Sony. La mauvaise, c’est qu’il remplace les quelques (rares) effets de transparence par un effet de mosaïque, comme c’était le cas dans 95% des portages réalisés sur la machine. Fort heureusement, cela reste un détail assez anecdotique, et je pense que la plupart des joueurs préfèreront abandonner ce type de fioritures pour profiter d’une fluidité et d’une réactivité accrue plutôt que de jouer sur 3DO. Pour le reste, je vous renvoie au test de la version originale, car pratiquement rien d’autre n’a changé.

NOTE FINALE : 17/20

Prenez la version PlayStation de Gex, remplacez ses effets de transparence par des effets de mosaïque, et ta-da ! Voilà votre version Saturn. L’essentiel – la fluidité et la réactivité – a heureusement été préservé, vous ne devriez donc pas vous sentir trop malheureux de ne pas être en train de jouer sur la console de Sony.

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Kinesoft Software
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 7 novembre 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleur : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, le PC était toujours une plateforme de développement un peu à part, mais Windows 95 était censé le rendre plus accessible à des portages depuis l’univers des consoles 32 bits – dont les joueurs n’étaient d’ailleurs que rarement fans, un PC bien équipé s’avérant généralement largement supérieur à ses équivalentes de salon… ce que des adaptations paresseuses peinaient un peu trop souvent à matérialiser. Pour ce qui est de Gex, pas de mauvaise surprise : c’est peu ou prou l’exact équivalent de l’itération PlayStation qui est présent ici, et les quelques lourdeurs introduites par Windows 95 n’ont heureusement pas fait le trajet jusque dans la version dématérialisée qui est aujourd’hui en vente, ce qui fait que vous ne devriez avoir aucun problème à jouer en plein écran avec votre manette Xbox branchée. Évidemment, pas de super-haute-résolution ni de friandise particulière, mais si vous n’avez pas les connaissances (ou la patience) pour faire usage d’un émulateur, ce portage devrait vous offrir exactement tout ce que vous pouviez espérer.

NOTE FINALE : 17/20

C’est Gex, c’est fluide et c’est jouable – ce qui n’était pas nécessairement une évidence sur Windows 95 à l’époque, mais en est désormais une aujourd’hui. Si vous souhaitez découvrir le jeu, vous pouvez commencer par là sans regret.

Super STAR WARS

Développeurs : Sculptured Software, Inc. – LucasArts Entertainment Company LLC
Éditeur : JVC Musical Industries, Inc.
Titre alternatif : スーパースターウォーズ (graphie japonaise)
Testé sur : Super Nintendo
Disponible sur : PlayStation 4, PS Vita, Wii

La série Super STAR WARS (jusqu’à 2000) :

  1. Super STAR WARS (1992)
  2. Super STAR WARS : The Empire Strikes Back (1993)
  3. Super STAR WARS : Return of the Jedi (1994)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 1er juin 1992 (États-Unis) – 18 décembre 1992 (Japon) – Janvier 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version 1.1 européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La chose aura souvent été traitée sur le site, mais le fait est que, pour toute une série de raisons, le mythique studio Lucasfilm Games – devenu ensuite LucasArts – aura dû attendre plus d’une décennie pour commencer à développer des titres tirés de la licence-phare de la maison mère, La guerre des étoiles.

« Une bien longue attente », dirait le croisé pluricentenaire d’une autre de leurs grandes licences, ce qui sonnait d’autant plus comme une incongruité que des jeux estampillés STAR WARS auront bel et bien vu le jour sur la période, mais qu’ils auront tous été développés par des studios externes, George Lucas se contentant le plus souvent de vendre les droits de sa licence plutôt que de la confier à ses propres équipes. Les choses auront commencé à changer à la fin des années 80, le premier tournant majeur étant initié par l’adaptation d’Indiana Jones et la dernière croisade en point-and-click en 1989, mais pour La guerre des étoiles, il aura carrément fallu 1992 pour que le logo de la firme s’affiche enfin fièrement au lancement de Super STAR WARS. Encore était-ce un tantinet trompeur, le gros du développement ayant été assuré par Sculptured Software, un énième studio externe ; pour enfin trouver les équipes de LucasArts aux commandes, il aura fallu attendre X Wing et Rebel Assault en 1993.

Toujours est-il que l’apparition de la licence sur Super Nintendo 1992 aura été une grande surprise, celle-ci semblant vouée à rester dans des cartons poussiéreux avec la saga filmique que tout le monde pensait alors arrivée à son terme. Au menu, non pas un épisode retraçant toute la saga, mais bien un titre concentré uniquement sur le premier film (qui était en fait le quatrième, mais bon, inutile de ressasser des détails que tout le monde connait) – annonçant de fait que les deux autres opus de la trilogie étaient destinés à suivre.

Dès l’ouverture, avec le logo STAR WARS, le thème iconique assez bien rendu par l’excellent processeur sonore de la machine et le texte de présentation défilant en Mode 7, le ton est donné : il s’agira de revivre l’intégralité des passages marquants du film, avec quelques petits emprunts aux autres épisodes (le premier boss du jeu prend ainsi la forme de la gorge de Sarlac, qui n’apparaissait normalement que dans Le retour du Jedi). L’occasion de prendre les commandes de Luke Skywalker, naturellement, mais également celles d’Han Solo ou de Chewbacca plus tard dans l’aventure – aucun moyen de contrôler Obi-Wan ou la princesse Leia, malheureusement, et le fait de suivre fidèlement la trame du film signifie également que vous ne croiserez pas une seule fois la route de Dark Vador de toute l’épopée – vous ne le verrez d’ailleurs pas davantage dans les cinématiques, pas plus que le Grand Moff Tarkin, mais on peut partir du principe que tout le monde connaissait l’histoire en 1992.

Pour l’essentiel, le jeu prendra la forme d’un run-and-gun en vue de profil suivant un déroulement très classique consistant le plus souvent à avancer vers la droite sans perdre trop de temps à venir à bout d’adversaires qui reviendront de toute façon continuellement. Certains des premiers niveaux, sur Tatooine, sont plus tortueux et offrent de longues séquences de plateforme, mais dans l’ensemble le déroulement reste extrêmement linéaire et il sera très rare que vous puissiez vous demander où vous êtes censé aller. Votre santé est figurée par un sabre-laser placé en haut à gauche de l’écran, et vous pourrez la recharger grâce aux cœurs que lâchent vos ennemis.

Votre arme par défaut est un pistolet laser (ou une arbalète pour Chewbacca) dont la puissance pourra être augmentée via des power-up permanents (contrairement aux bonus étendant votre jauge de vie qui ne sont, eux, valables que pour la durée du niveau). Notons que Luke possèdera, après sa rencontre avec Obi-Wan, un avantage sur ses deux compagnons : la possibilité d’utiliser son sabre-laser, à la portée certes limitée mais capable de très gros dégâts, en particulier face aux boss. Pour le reste, la feuille de route semble claire : avancer, tirer, sauter, et profiter des décors tout en savourant la quasi-intégralité des thèmes musicaux du film. Histoire d’apporter un peu de variété, Super STAR WARS prend néanmoins le temps d’installer des séquences en véhicule tirant parti du Mode 7 : des séances en landspeeder sur Tatooine ou en X-Wing à la surface de l’Étoile Noire. L’objectif sera à chaque fois de détruire un certain nombre de cibles (Jawas, chasseurs TIE ou tourelles selon la situation), sauf dans le niveau final qui vous proposera bien évidemment de revivre la fameuse scène de la tranchée dans une version où l’opposition se montrera particulièrement virulente.

STAR WARS faisait encore briller les yeux en 1992, et on sent bien que LucasArts comme Sculptured Software avaient envie de mettre les petits plats dans les grands : difficile de prendre la réalisation du jeu en défaut. Les graphismes sont variés et très colorés (en dépit du fait qu’il n’y ait fondamentalement que deux environnements, comme dans le film), et à peu près tout ce qui était susceptible de faire l’objet d’une séquence de jeu a droit à son propre passage : le sandcrawler des Jawa représente ici pas moins de deux niveaux, la cantina a le sien, tout comme le fait de rejoindre le hangar du Faucon Millenium… et bien évidemment, toutes les étapes de la fuite de l’Étoile Noire, de la libération de la princesse à la désactivation du rayon tracteur, sont également au menu.

Seule la destruction d’Alderaan n’est jamais évoquée (la mission est dès le départ de porter les plans sur Yavin). En tout, pas moins d’une quinzaine de niveaux qui auront largement de quoi vous garder occupé pendant au moins 45 minutes – et sans doute beaucoup plus, le jeu étant très loin d’être facile dans sa difficulté par défaut. Non seulement vous serez constamment bombardé d’adversaires en tout genre, mais il faudra également composer avec une certaine latence dans les sauts qui risque de vous coûter cher lors des séquences de plateforme, le temps de parvenir à la dompter. Si le défi est trop relevé pour vous, il est de toute façon possible de le tempérer via l’écran des options, mais attendez-vous dans tous les cas à souffrir lors de la redoutable séquence finale.

Au final, le jeu ne réinvente clairement pas la poudre – même si l’inclusion des séquences en Mode 7 introduit une originalité bienvenue. Soyons clairs : en dépit de quelques niveaux plus imaginatifs que les autres, le level design se borne les trois quarts du temps à un grand couloir, et on ne peut pas dire qu’on sente un grand renouvellement de l’action tandis qu’on tire et que l’on saute pendant une heure – à tel point qu’on ne peut s’empêcher de ressentir un certain essoufflement au bout de six ou sept niveaux. Néanmoins, l’habillage « STAR WARS » fonctionne à merveille, et il faut reconnaître qu’il y a toujours une certaine magie à assister aux scènes iconiques du film sur une Super Nintendo particulièrement bien employée ; on a vraiment envie de découvrir la suite du programme quand bien même on sait fatalement à quoi elle aura de très fortes chances de ressembler.

Il y a indéniablement un côté « jeu à l’européenne » dans le game design pas bien fignolé, dans l’équilibrage mal assuré ou dans les trahisons décomplexées (certains boss de l’Étoile Noire auraient davantage leur place dans RoboCop), mais l’appartenance à une licence ô combien légendaire fait ici une grosse différence – surtout qu’on ne peut pas dire qu’on ait beaucoup eu l’occasion de profiter de run-and-gun en 2D dans l’univers de la saga au cours des trente dernières années. On râle parfois, on soupire, on peste, il peut même arriver qu’on trouve le temps long, mais l’un dans l’autre on y revient toujours avec un certain plaisir coupable tant le programme, en dépit de limites évidentes, correspond fondamentalement à ce qu’on était venu y chercher. Peut-être pas de quoi ranger définitivement sous le tapis les Super Probotector, mais dans l’optique de se défouler une heure avant de passer aux deux autres épisodes de la saga, le charme opère encore. Que demander de plus ?

Vidéo – L’introduction et le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Voir LucasArts aux commandes d'un run-and-gun tiré de la saga fleuve de George Lucas et publié en exclusivité sur Super Nintendo fut l'une des grandes surprises de l'année 1992, mais moins que de constater le sérieux et l'efficacité de celui-ci. Super STAR WARS, c'est un peu tout ce qu'on avait rêvé de faire depuis 1977 sans plus oser y croire : revivre toutes les séquences-clefs du film, et même plus encore, aux commandes de Luke Skywalker, de Han Solo ou de Chewbacca, en profitant de tout le bagage technique de la console 16 bits. Le résultat est parfois mal équilibré, souvent inutilement frustrant, un peu trop imprécis et frise par occasion la trahison pure et simple du film, mais le plus surprenant est que ça ne l'empêche jamais de remplir son office avec brio. En dépit d'une action qui se renouvelle finalement assez peu, on est toujours heureux de revenir se frotter à la (longue) aventure, même si on aurait presque préféré qu'elle s'éloigne davantage de son modèle pour varier un peu plus les environnements. Sans doute pas la référence absolue du genre sur Super Nintendo, mais si vous souhaitez passer un bon moment dans un univers que vous adorez, ne cherchez pas plus loin.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un retard dommageable pour les sauts – Des adversaires qui réapparaissent sans cesse – Aucun système de sauvegarde en dépit de la longueur et de la difficulté d'une partie complète – Un level design qui vire un peu trop souvent au grand couloir

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Super STAR WARS sur un écran cathodique :

Vectorman

Développeur : BlueSky Software, Inc.
Éditeur : SEGA Enterprises, Ltd.
Titre alternatif : ベクターマン (graphie japonaise)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Macintosh, Wii, Windows
En vente sur : Steam.com (Windows)

La série Vectorman (jusqu’à 2000) :

  1. Vectorman (1995)
  2. Vectorman 2 (1996)

Version Mega Drive

Date de sortie : 24 octobre 1995 (États-Unis) – 30 novembre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cartouche, dématérialisé
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aura eu beau parler de « guerre » entre Nintendo et SEGA pour qualifier leur opposition commerciale au cours de l’âge d’or des systèmes 16 bits, le fait que celle-ci ait laissé de si bon souvenirs aux joueurs tend à nous indiquer qu’il ne s’agissait pas d’une guerre comme les autres. De fait, dans un conflit où les munitions sont des jeux vidéo et où la qualité de ceux-ci a un impact au moins aussi décisif que leur nombre, les populations civiles avaient pour une fois de très bonnes raisons de se frotter les mains en assistant avec gourmandise à l’opposition entre les deux géants.

Pas de front de la Somme ou de Stalingrad ici : les batailles étaient des succès vidéoludiques, et chacune d’entre elles en appelait une autre. Aladdin sur Mega Drive s’était écoulé à plusieurs millions d’exemplaires, balayant sans débat le pourtant très sympathique titre homonyme de chez Capcom ? Cela appelait une réponse, et la légende veut que celle de Nintendo se soit intitulée Donkey Kong Country, au grand régal des joueurs. SEGA allaient-ils rester sans réaction ? Si les joueurs voulaient de la 3D pré-calculée avec des effets graphiques jamais vu, on allait leur en offrir ! Faute d’avoir une équipe comme celle de Rare sous la main, c’est BlueSky Software qui s’y sera collé, et si le résultat sera arrivé un peu tard pour mobiliser l’attention des joueurs face à la déferlante 32 bits, cela n’aura pas empêché le titre d’être un succès critique et commercial du nom de Vectorman.

Au point de départ de l’aventure, un scénario à mi-chemin entre Wall-e (qui ne verrait pourtant le jour que treize ans plus tard) et l’anticipation involontairement visionnaire : en 2049, la terre n’est pas grand chose de plus qu’une décharge à ciel ouvert couverte de déchets toxiques, et l’humanité à fui dans les étoiles.

À la surface du globe œuvrent pourtant encore des « orbots » – qui sont exactement comme des robots en inversant deux lettres, mais dont le nom indique également qu’ils sont composés de sphères, ou « orbes » – mobilisés pour nettoyer l’endroit afin de permettre le retour des humains (Wall-e n’a vraiment rien inventé, en fait !). Arrive le drame : un jour, par accident, les orbots greffent sur l’unité centrale responsable des opérations une ogive nucléaire qui, au lieu de lui sauter joyeusement à la gueule, la transforme en Warhead, une intelligence maléfique bien décidé à transformer la terre en un lieu de mort pour les humains. Absent lors de la prise de pouvoir de Warhead, un orbot revient pour résoudre la situation, et son nom est Vectorman, parce que c’est cool. Et si vous n’avez toujours pas compris que cet orbot, ce sera vous, c’est que vous ne devez pas jouer aux jeux vidéo depuis très longtemps.

Vectorman vient donc sauver le monde, et il n’est pas décidé à faire dans la finesse. En fait, on a affaire à un run-and-gun pur et dur, du genre à n’employer que deux boutons : un pour tirer, et l’autre pour sauter. Des finasseries ? Pourquoi faire ?

On notera quand même que votre orbot peut faire un double-saut qui l’aidera à atteindre des endroits autrement inaccessibles dans des environnements qui peuvent se révéler assez étendus, qu’il sait tirer en diagonale (mais qu’il devra sauter pour faire feu en-dessous de lui), qu’il devra faire face à une limite de temps dans chacun des seize (!) niveaux du jeu, et qu’il pourra collecter des power-up qui prendront la forme de tirs plus puissants (limités dans le temps), de transformations temporaires lui permettant de creuser le sol ou de faire sauter des murs, et surtout de multiplicateurs qui doperont les effets des autres bonus. Bref, rien de trop complexe qui puisse venir entacher une action dont n’importe quel joueur devrait rapidement comprendre les tenants et les aboutissants : avancer, tirer, venir à bout des quelques boss qui se manifesteront, et passer à la suite. Autant dire un programme simple, mais efficace.

Évidemment, l’argument-massue de Vectorman, ce devait être sa réalisation en 3D pré-calculée avec notamment de saisissants effets de lumières (et de transparence) dont on n’avait pas encore franchement l’habitude en 1995. À ce niveau-là, le titre a indéniablement bien vieilli, surtout parce qu’il tourne à soixante images par seconde : l’univers traversé a de la personnalité, les décors sont très bien rendus, l’action est nerveuse à souhait, et on est indéniablement dans le haut du panier de ce que la Mega Drive a su produire, techniquement parlant, en la matière.

On remarquera néanmoins l’apparition d’une bande noire à gauche de l’écran lorsque le programme se sent visiblement obligé de raboter sa surface de jeu pour économiser quelques ressources. Si personne ne sera aujourd’hui à proprement parler soufflé par les graphismes ou la bande-son technoïde, le tout a l’avantage d’offrir une réelle variété (niveaux de glace, aquatiques, certains linéaires et d’autres plus ouverts) avec quelques vraies surprises, comme ce stage en vue de dessus vous plaçant sur des rails, une référence à Frogger où vous devrez composer avec un sol qui se déroule sous vos pieds (!!!) où encore cette séquence où vous vous battrez directement sur le dancefloor. Un vrai souci de dynamisme visant à surprendre le joueur et qui remplit assez bien son office, même si on pourra regretter que l’aspect « monde futuriste » vire un peu trop souvent aux environnements grisâtres et métalliques qui finissent par rendre l’univers un peu redondant en dépit de tous ses efforts.

Surtout, la difficulté du titre tend à le placer assez rapidement dans le camp du die-and-retry, et pas pour les bonnes raisons. Ce n’est pas tant que les ennemis soient redoutables ou exigent des trésors de dextérité (même si les boss pourront parfois demander pas mal d’efforts), c’est surtout que la grosseur du sprite de votre héros alliée à la rapidité de l’action font qu’il est très difficile d’anticiper quoi que ce soit dès l’instant où un ennemi apparait à l’écran.

Il y a même des adversaires qui sont rigoureusement impossibles à éviter dès l’instant où on ne connait pas leur position à l’avance, ce qui fait que ceux qui espéraient s’en sortir aux réflexes risquent d’en être pour leur frais : Vectorman est clairement un jeu qui devient plus ludique dès l’instant où on commence à connaître les niveaux par cœur. Ceci dit, pour ceux qui souhaiteraient un challenge un peu plus mesuré leur permettant de s’en sortir autrement que par la mémoire, il est possible de choisir sa difficulté, ce qui fait que tout le monde devrait y trouver son compte. Néanmoins, on sent bien que passé son univers et ses graphismes, le titre manque encore d’un petit quelque chose qui puisse l’envoyer réellement rivaliser avec des maîtres à la Probotector ou à la Gunstar Heroes – une trouvaille qui offre un véritable renouvellement passé le fait d’avancer en tirant. En l’état, cela reste une cartouche ludique, un défouloir auquel on peut revenir avec un certain plaisir, mais qui aurait vraiment bénéficié d’un mode deux joueurs et d’environnements un peu plus « chatoyants ». C’est vrai, quoi, on n’a pas toujours envie de passer une heure à se battre dans une décharge…

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Originellement pensé comme une réponse au Donkey Kong Country de la Super Nintendo, Vectorman est un titre qui aura néanmoins fait preuve de l'exquise politesse (ou de la prudence ?) de ne pas s'aventurer tout-à-fait sur les terres de son concurrent. Devenu un run-and-gun nerveux et bien réalisé quoique inutilement punitif (et surtout pour de mauvaises raisons), le titre de BlueSky Software rend assez bien hommage aux capacités d'une Mega Drive qui vivait alors le début de sa fin. En dépit d'un louable souci de variété et d'un contenu qui ne se moque pas de l'acquéreur (seize niveaux !), les problèmes d'équilibrage évoqués plus haut associé à un certain manque d'idées empêchent cette très sympathique cartouche de trouver le supplément d'âme qui lui fait défaut. Une curiosité avec de bons moments, mais pas encore le haut du panier du genre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Pas d'autofire, dans un jeu où il n'aurait clairement pas fait de mal – Des fenêtres d'action de l'ordre du dixième de seconde qui font qu'il est parfois impossible de ne pas se faire toucher sans connaître à l'avance le placement des ennemis – Des environnements variés, mais dont la thématique mécanique ne se renouvèle pas beaucoup

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Vectorman sur un écran cathodique :

Shadow Warriors (NES)

Développeur : Tecmo, Ltd.
Éditeur : Tecmo, Ltd.
Titre original : 忍者龍剣伝 (Ninja Ryukenden, Japon)
Titres alternatifs : Ninja Gaiden (États-Unis), Shadow Warriors : Ninja Gaiden (Royaume Uni, Australie)
Testé sur : NESArcadePC EngineSNES
Disponible sur : 3DS, Switch, Wii, Wii U (sous le titre Ninja Gaiden)
Présent dans la compilation : Ninja Gaiden Trilogy (Super Nintendo)
En vente sur : Nintendo eShop (3DS, Switch, Wii, Wii U)

La série Ninja Gaiden (jusqu’à 2000) :

  1. Shadow Warriors (NES) (1988)
  2. Shadow Warriors (Arcade) (1989)
  3. Shadow Warriors II : Ninja Gaiden II (1990)
  4. Ninja Gaiden III : The Ancient Ship of Doom (1991)
  5. Shadow Warriors (Game Boy) (1991)
  6. Ninja Gaiden (Game Gear) (1991)
  7. Ninja Gaiden (Master System) (1992)

Version NES

Date de sortie : 9 décembre 1988 (Japon) – Mars 1989 (États-Unis) – 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par +Daniel+
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il n’y aura sans doute jamais assez d’articles, dans l’univers vidéoludique, pour se pencher sur la destinée des outsiders. Il faut dire que dans un univers qui tend à idéaliser quelque peu son passé, on imagine souvent les petits studios fondés par des codeurs de génie au fin-fond du garage familial… en oubliant que face à des géants comme Capcom, SEGA, Nintendo ou Konami (liste loin d’être exhaustive !), même des compagnies massives à la longévité impressionnante peuvent facilement être reléguées au second plan.

Prenez Tecmo, par exemple : un nom connu de la plupart des joueurs, mais il faut bien reconnaître qu’au moment d’y associer un titre à succès, les noms ne se bousculent pas tant que ça. Bomb Jack, Solomon’s Key, Rygar… pas vraiment de succès planétaire, là-dedans. En fait, s’il fallait évoquer une série de Tecmo que tous les joueurs connaissent, je pense que seuls deux noms sortiraient : Dead or Alive, et Ninja Gaiden. Et dans ce dernier cas, la série aura dû attendre le XXIe siècle pour arriver en Europe sous son nom devenu « canonique » (qui n’est pas son titre original mais bien son titre américain), car auparavant, on ne l’avait connue – tardivement – que sous le nom de Shadow Warriors ; un titre dont auront d’ailleurs été affublés à peu près tous les épisodes de la saga sur le vieux continent, ce qui n’aide pas franchement à les reconnaître les uns des autres.

Shadow Warriors est donc un jeu d’action/plateforme nous plaçant aux commandes de Ryu Hayabusa, ninja parti enquêter sur la mort de son père à la suite d’un mystérieux combat. Dans ce qui aurait pu être une simple vengeance avec un grand méchant désigné à la clé, le titre de Tecmo fait d’emblée un choix qui tendait encore à détonner au sein de la production 8 bits de la fin des années 80 : celui de raconter une véritable histoire par le biais de séquences cinématiques entre les niveaux.

Retournements, trahisons, démon ancien, ruines sud-américaines et même la CIA : à peu près tous les poncifs du genre y passent dans une intrigue qui ne remportera certes pas le Nobel de littérature, mais qui a le mérite de venir placer un peu de chair et quelques enjeux via des écrans d’ailleurs très bien réalisés – tout comme le reste du jeu, la réalisation étant absolument inattaquable. De quoi servir de carotte pour un joueur qui avait envie de connaître le fin mot de l’histoire, et un moyen intelligent de faire passer la pilule de ce à quoi le jeu doit aujourd’hui encore une grande partie de sa réputation : sa difficulté.

S’il convient de rendre un hommage à Shadow Warriors, cela resterait en premier lieu pour l’efficacité indéniable de son gameplay. Notre ninja fait un peu penser à une sorte de Simon Belmont sous amphétamines ; en effet, entre les nombreuses séquences de plateforme au-dessus du vide, ces adversaires volants suivant des trajectoires sinusoïdales rappelant furieusement celle des têtes de méduse, le système d’armes secondaires à employer en faisant haut + tir et même le redoutable bond cinq mètres en arrière chaque fois que votre personnage est touché, difficile de ne pas penser immédiatement à Castlevania transposé dans un univers plus japonisant, à l’action plus nerveuse. On y trouve également un petit côté Batman, notre ninja sachant s’accrocher expertement aux murs, mais il ne s’agirait pas ici d’inverser les inspirations, Shadow Warriors étant sorti avant l’excellent titre de Sunsoft (lequel lui aura d’ailleurs visiblement rendu hommage, à en juger par ce ninja à la fin du premier niveau ressemblant furieusement à notre Ryu Hayabusa).

Surtout, la précision du level design suffit à transformer des passages entiers en véritables casse-têtes tant le jeu sait toujours placer exactement le type d’adversaire qu’il faut au pixel précis où il doit être pour punir impitoyablement un saut trop aventureux ou un coup porté un centième de seconde trop tard – ou trop tôt. Shadow Warriors est un die-and-retry de la vieille école, de celle qui vous place un chronomètre sur le dos afin de vous maintenir sous pression, qui nécessitera au moins au tant de mémoire que d’habileté pour espérer surmonter un défi qui démarre doucement pour rapidement devenir redoutable, et qui surtout n’hésitera jamais à vous renvoyer au début du niveau, quatre stages en arrière, en cas de trépas contre un boss final en trois phases parmi les plus exigeants du genre. Oui, cette école-là.

Cela signifie aussi que le titre de Tecmo choisit d’être atrocement exigeant plutôt que d’être injustement difficile – à ce titre, il boxe davantage dans la catégorie de titres à la Ghosts’n Goblins ou à la Castlevania, justement, que dans celle de jeux rendus quasi-impossibles par une jouabilité douteuse ou un équilibrage réalisé au doigt mouillé. Shadow Warriors est un jeu « sévère mais juste » : on sait pourquoi on meurt, et on sent indéniablement une courbe de progression d’une partie à l’autre, d’où cette fierté inexplicable qui se manifeste chaque fois qu’on parvient à découvrir un nouveau niveau, souvent au prix d’une manette brisée ou deux (surtout si on a les nerfs fragiles).

La jouabilité est d’une précision remarquable, même si on pourra regretter que notre personnage ait besoin d’un peu de champ pour parvenir à se retourner et à frapper dans son dos. Autant dire que cela tendra à réserver le titre à des joueurs venus chercher un défi à leur hauteur, et sans doute pas à des néophytes espérant se détendre en jouant d’une main pendant qu’ils boivent leur café matinal de l’autre : un peu l’équivalent d’époque des Dark Souls, mais en cent fois plus dur. Si vous cherchez un petit passe-temps pas trop méchant et que vous êtes du genre à expédier des choses par la fenêtre en cas de contrariété, le mieux sera donc sans doute de ne pas aller vous frotter au titre ; mais si jamais vous souhaitez, vous aussi, entrer à votre façon dans la communauté de ces hardcore gamers qui accrochent des jeux impossibles à leur tableau de chasse, vous serez très heureux de pouvoir y compter cette perle, qui fait partie des meilleures.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 Parfois, le talent, c'est simplement de reprendre ce qui a déjà été fait auparavant et de le faire mieux que les autres. La clef de Shadow Warriors, c'est une redoutable efficacité résultant d'un parfait équilibre entre une jouabilité simple et précise et une difficulté d'une rare exigence ; le vrai mètre-étalon du joueur désirant vérifier s'il est vraiment aussi bon qu'il le pense. Mais le titre de Tecmo n'est pas juste un des dieux du panthéon du die-and-retry, c'est également une réalisation variée et une mise en scène soignée au service d'une expérience de jeu qui demeure toujours aussi plaisante – à condition d'être prêt à souffrir, et à souffrir longtemps. Pas exactement la cartouche la mieux adaptée pour se vider la tête après une journée stressante, mais si vous recherchez l'action/plateforme dans ce qu'elle a de plus satisfaisant – et de plus viscéralement frustrant – alors contemplez votre maître.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une difficulté die-and-retry parmi les pires du genre... – ...avec un combat final proprement abominable – La latence de votre personnage quand il se retourne

Ce à quoi peut ressembler Shadow Warriors sur un écran cathodique (PAL) :

Version Arcade
Ninja Gaiden (PlayChoice-10)

Développeur : Tecmo, Ltd.
Éditeur : Nintendo of America, Inc.
Date de sortie : 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version américaine
Hardware : Nintendo PlayChoice-10
Processeurs : Zilog Z80 4MHz ; Ricoh RP2A03G 1,789772MHz
Son : Haut-parleur – Ricoh RP2A03G 1,789772MHz ; RP2A0X APU 1,789772MHz – 1 canal
Vidéo : 256 x 240 (H) 60Hz (x2)

Si vous suivez régulièrement ce site, vous devez commencer à connaître tout ce qu’il y a à savoir sur l’offre PlayChoice-10 dont l’objectif était de permettre aux joueurs nord-américains de découvrir la NES dans les salles d’arcade. Sans surprise, Shadow Warriors (ici resté sous son titre américain de Ninja Gaiden) y débarque donc à l’identique, un crédit servant à acheter cinq minutes de temps de jeu, avec un écran pour vous résumer le scénario et les commandes. Rien n’a été retiré, vous pourrez donc toujours profiter du bouleversant scénario du jeu.

NOTE FINALE : 17,5/20

En 1989, les petits américains pouvaient découvrir avec des yeux émerveillés Ninja Gaiden version NES dans les salles d’arcade, et dépenser l’équivalent de dix fois le prix de la cartouche en petite monnaie pour espérer le finir. Ah, c’était le bon temps.

Version PC Engine
Ninja Ryukenden

Développeur : Hudson-Era H.K.
Éditeur : Hudson Soft Company, Ltd.
Date de sortie : 24 janvier 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : HuCard
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : HuCard de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec le temps (et avec le succès), Shadow Warriors aura fini par acquérir une certaine renommée qui aura poussé la licence à aller tenter sa chance sur d’autres plateformes. Il aura malgré tout fallu attendre que toute la première trilogie ait trouvé sa conclusion sur NES pour que le premier opus se décide à débarquer sur PC Engine, sous la houlette d’une des équipes internes de Hudson Soft (laquelle n’aura, à ma connaissance, travaillé que sur ce portage et celui de Fantastic Night Dreams : Cotton sur PC Engine Duo).

La philosophie en sera, comme pour la compilation sur Super Nintendo quelques années plus tard, d’altérer le moins possible la jouabilité pour se contenter de proposer des graphismes plus colorés (et ici, des thèmes musicaux modifiés). Le résultat… souffle le chaud et le froid. Comprenons-nous bien : la jouabilité est toujours aussi bonne, même si le titre trouve le moyen d’être encore un peu plus difficile dans cette version (les ennemis emploient des attaques dont ils ne faisaient pas usage dans la version occidentale du jeu sur NES), mais il faut reconnaître que l’aspect « la même chose en plus coloré » ne fait pas toujours mouche. C’est particulièrement visible dans le premier niveau, où les teintes choisies évoquent un peu les tout premiers portages de l’arcade sur Amiga ou Atari ST, et où les sprites sont plutôt moins beaux que ceux de leurs équivalents sur NES.

Fort heureusement, le résultat est parfois plus convaincant, même si là aussi cela n’introduit pas que des avantages – le défilement saccadé du décor au stage 2-2, par exemple, fait mal au crâne. Quant aux cinématiques, là, ce sera une pure question de goût. Autant dire que les puristes resteront de toute façon sur la version NES, mais il n’est pas dit que les néophytes goutent davantage cette version plus difficile et en japonais pour quelques couleurs en plus qui font parfois plus de mal à l’atmosphère du jeu qu’autre chose. Bref, une version alternative d’un très bon jeu qui demeure très agréable à parcourir mais qu’on ne saura pas très bien à qui conseiller au-delà des curieux.

NOTE FINALE : 17,5/20

Ninja Ryukenden sur PC Engine aura certainement fait le bon choix en cherchant à coller autant que possible au déroulement et à la jouabilité de la version originale. Cependant, il est clair que sa refonte graphique, en dépit d’indéniables qualités, ne fera pas l’unanimité, la faute à des teintes parfois mal choisies qui trahissent un peu l’atmosphère de la version NES. Les fans et les curieux pourront découvrir une relecture d’un très bon jeu mais dans l’ensemble, ça ne fonctionne pas tout à fait aussi bien que ça le devrait.

Version SNES
Ninja Gaiden Trilogy

Développeur : Tecmo, Ltd.
Éditeur : Tecmo, Ltd.
Date de sortie : 11 août 1995 (Japon) – Octobre 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Cigarette Patch
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Curieusement, Tecmo n’aura simplement jamais choisi de prolonger sa saga sur la plateforme qui aurait pourtant paru la plus naturelle, à savoir la Super Nintendo. En fait, la série « canonique » (en excluant donc la version arcade de 1989, un peu à part) sera restée sagement cantonnée sur les machines 8 bits plutôt que de chercher à rebondir sur la génération suivante via une éventuelle deuxième trilogie.

En fait, il aura fallu attendre mi-1995 – soit le début de la fin de la génération 16 bits, déjà bien menacée par la déferlante PlayStation – pour voir débarquer la saga sur Super Nintendo, et encore, juste sous la forme d’une cartouche regroupant les trois premiers épisodes parus sur NES ! Comme sur PC Engine, on sent d’ailleurs ce portage auréolé d’une sorte de respect craintif pour le matériau originel, ce qui le réduit une nouvelle fois à une sorte de version NES « plus » avec un gameplay identique et juste quelques couleurs en plus histoire de tirer parti des capacités de la console. Le résultat est une nouvelle fois extrêmement sage, mais l’honnêteté oblige à reconnaître qu’il s’en sort néanmoins un peu mieux que sur la console de NEC pour ce qui est de respecter l’atmosphère de l’opus de base, et pour cause : ce sont littéralement les mêmes graphismes avec une palette étendue.

C’est parfois moins beau que sur PC Engine, mais dans l’ensemble, cela correspond à ce qu’on était venu chercher, à savoir la version NES avec très peu de modifications ; seule la musique offre vraiment des sonorités différentes, et là encore, les goûts et les couleurs… À noter qu’un système de mot de passe a fait son apparition histoire de vous laisser l’occasion de vaincre un titre sans avoir à repartir systématiquement du début – une option d’accessibilité qui fera lever les yeux au ciel aux mordus du die-and-retry, mais qui devrait contenter davantage les néophytes et les joueurs pressés ; de toute façon, si l’option n’est pas à votre goût, il suffit de ne pas en faire usage. Bref, on se retrouve une fois de plus avec un portage qui respecte à la perfection l’essentiel du jeu, à savoir son excellente jouabilité et son superbe level design, mais décider si le refonte graphique apporte quelque chose ou non restera à la discrétion du joueur.

NOTE FINALE : 17,5/20

Porté sur Super Nintendo en même temps que tout le reste de la trilogie, le premier Ninja Gaiden fait le choix d’un respect maximal pour l’œuvre originale, avec juste quelques couleurs en plus et une refonte sonore. Si le résultat sera une nouvelle fois une pure affaire de goût sur le plan esthétique, l’important est que le jeu, lui, est resté toujours aussi bon – et même un peu plus accessible grâce à l’inclusion de mots de passe.

Skate or Die 2 : The Search for Double Trouble

Développeur : Electronic Arts, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Testé sur : NES

La série Skate or Die (jusqu’à 2000) :

  1. Skate or Die (1987)
  2. Skate or Die 2 : The Search for Double Trouble (1990)
  3. Ski or Die (1990)
  4. Skate or Die : Bad’n Rad (1990)
  5. Skate or Die : Tour de Thrash (1991)

Version NES

Date de sortie : Septembre 1990 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 3Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’histoire avait donc voulu que le premier jeu développé par Electronic Arts – qui n’avait été, jusqu’alors, qu’un simple éditeur – ait été un titre à la California Games intitulé Skate or Die. Le logiciel ayant connu, comme son inspirateur, un succès indéniable, et le titre d’Epyx étant lui-même le membre d’une longue série remplie de Summer Games, de Winter Games et de World Games, on s’attendait fort logiquement à voir débarquer une inévitable suite afin de pérenniser ce qui s’annonçait comme une future licence.

C’était bien sûr le projet d’Electronic Arts, mais l’un des problèmes à résoudre provenait, ironiquement, du nom du jeu : le fait est que la liste des activités à entreprendre autour d’une planche de skate est loin d’être illimitée, et qu’offrir un nouvel épisode pertinent à la série se sera révélé suffisamment complexe pour qu’on ait du l’attendre trois ans – une très longue période, à la fin des années 80. Si les joueurs auront finalement vu débarquer un Ski or Die – démontrant au passage que se débarrasser du skateboard était bel et bien une piste viable – la surprise sera venue d’un Skate or Die 2 publié la même année qui sera non seulement resté cantonné à la NES mais qui aura aussi fait un choix un peu inattendu : tirer un trait sur le multi-épreuve. Mais pour offrir quoi à la place ?

Le premier élément de réponse se découvrira dès l’écran-titre de ce Skate or Die 2 : The Search for Double Trouble (avec un excellent thème musical que vous pourrez d’ailleurs découvrir dans la vidéo qui ouvre ce test) : le choix entre deux modes de jeu. Le premier, accessible en appuyant sur Select, consiste en fait… à l’accès à un half-pipe où vous pourrez réaliser un certain nombre de figure en un temps donné.

Le concept, utilisé dans un environnement un peu plus ouvert, étant appelé à devenir quelques années plus tard le socle de la licence des Tony Hawk’s Pro Skater, on aurait pu espérer bénéficier d’un précurseur à la fois technique et amusant. Dans les faits, la chose fait plutôt penser à une redite très vaguement étayée de la même épreuve dans le premier opus (qui était elle-même très inspirée d’une épreuve très semblable dans California Games), et la très grande majorité des joueurs pourra estimer avoir fait le tour de ce mode de jeu au bout de cinq minutes, tant les possibilités (et le cadre) demeurent fondamentalement limitées. Non, on sent bien que l’attraction principale du jeu, c’est ce mode « aventure » qui cherche à respirer la coolitude absolue qu’était censé symboliser le skateboard à l’époque, et qui cherchera pour l’occasion à se montrer à la fois plus varié et plus original.

Le scénario respire déjà les années 80 : vous êtes un jeune skateur cool (double pléonasme) parti avaler du bitume par une belle journée ensoleillée. Malheureusement, alors que vous répliquez stupidement à une insulte du méchant skateur surnommé « Icepick » qui vous traitait de « poseur », vous rentrez en collision avec Fifi, l’innocent caniche de la femme du maire (tuer un chien étant apparemment vu comme très drôle à l’époque).

Conséquence : le maire fait interdire le skateboard, et va même jusqu’à faire raser votre half-pipe, ce qui va expédier votre héros dans une quête de quatre niveaux correspondant chacun à leurs propres objectifs. Vous devrez donc vous venger de la femme du maire dans le premier stage, avant de servir de coursier dans le deuxième afin de récolter assez d’argent pour vous payer un permis de construire. Le troisième vous enverra chercher les plans de votre fameux half-pipe, et pour faire bonne mesure, le dernier consistera en un labyrinthe au terme duquel vous pourrez libérer la magnifique PJ, bien évidemment poursuivie par l’ignoble Icepick. Bref : être jeune, débrouillard, transgressif et cool tout en allant pécho sur votre planche ; autant dire le rêve de n’importe quel jeune adolescent américain de l’époque.

Une fois la partie lancée, vous allez découvrir que le gameplay est sensiblement plus épais que ce qu’on aurait pu attendre. Vous aurez d’ailleurs accès à un menu via le bouton Start qui vous permettra de découvrir toute une série d’actions réalisables grâce à la combinaison de B et des flèches et correspondant autant à des tricks simples (faire demi-tout sur votre skateboard, par exemple) qu’à l’emploi de bombes de peinture qui serviront d’arme à distance face aux passants et aux autres skateurs qui seront (presque) tous vos ennemis.

Vous allez également vite réaliser que ce premier niveau, qui peut être bouclé très rapidement, peut surtout être l’occasion de collecter divers bonus « cool » (cassettes, CD, tacos… ce genre de choses) qui vous serviront ensuite de monnaie d’échange soit auprès de Rodney, le propriétaire du magasin de skateboard, qui pourra vous vendre des planches plus rapides, soit auprès de son fils Lester, qui saura pour sa part vous apprendre de nouveaux tricks. Ces « power-up » resteront actifs toute la partie, et sachant que vos deux compères ne pourront être rencontrés qu’au premier et au troisième niveau, mieux vaut prendre le temps de « booster » un peu votre personnage tant que vous en avez l’occasion, surtout que le deuxième niveau, qui vous enverra faire la navette d’un magasin à un autre dans un centre commercial, bénéficiera grandement d’une vitesse accrue. Problème : Rodney et Lester, loin de rester à un endroit donné, se croisent aléatoirement dans les rues où vous aurez rarement plus d’une demi-seconde pour réussir à les distinguer de tous les autres skateurs, auxquels ils ressemblent beaucoup. Vous devrez donc être très réactif pour espérer progresser… ce qui nous amène d’ailleurs à la plus grande limite du jeu.

Skate or Die 2 est un titre ambitieux qui espère vraiment offrir des possibilités au joueur, c’est indéniable et c’est une bonne surprise. Le problème, c’est que proposer autant de choses sur une manette à quatre boutons juste pour réaliser des actions qui auraient pu être accomplies beaucoup plus facilement (pourquoi se donner tant de mal pour faire un simple demi-tour ?) tend à transformer ce qui essayait d’être de la technicité en une lourdeur dommageable où il faut beaucoup trop de temps pour parvenir à tirer quelque chose de notre skateur – surtout quand la moindre collision avec le moindre bord de trottoir nous envoie immanquablement au tapis.

Pour ne rien arranger, les trois derniers niveaux sont aussi dirigistes que fastidieux et remplis de mauvaises idées : le deuxième se limite à aller le plus vite possible d’un magasin à un autre dans un centre commercial de deux étages, le troisième vous envoie récupérer treize (!) morceaux de plans sur un bord de plage où vous devrez éviter les crabes et les mouettes, quitte à devoir parfois attendre que le vent daigne déplacer lesdits plans jusqu’à une zone accessible à votre personnage (parce que ce petit branleur n’aurait évidemment pas l’idée de descendre de sa planche pour aller marcher sur le sable), et le dernier n’est que la répétition névrotique de la même salle transformée en un labyrinthe fade et sans intérêt. Une impasse ludique d’autant plus dommageable que si le titre avait eu la bonne idée de capitaliser sur le concept de son premier niveau (un monde ouvert avec des bonus à collecter pour faire du grinding), il se serait sans doute montré sensiblement plus intéressant.

En l’état, il aura préféré opter pour un gameplay contraignant et des niveaux mal inspirés pour façonner une aventure laborieuse que les plus patients pourront boucler en moins d’une demi-heure, mais que le commun des mortels risque de lâcher dès le deuxième niveau faute de s’amuser suffisamment pour justifier l’investissement temporel. Bref, un jeu à potentiel qui rester réservé à une minorité dévouée capable de trouver assez de charme au titre pour se laisser le temps de l’apprivoiser, juste pour avoir le droit d’accéder au Graal d’une expérience ludique qui demeurera au mieux médiocre. Un assez bon résumé de ce qu’aura représenté le skateboard pour 95% des jeunes de l’époque, finalement.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 12/20 Après un premier opus sous forme de multi-épreuves à la California Games, Skate or Die 2 : The Search for Double Trouble aura opté pour un improbable mélange action/aventure/plateforme qui cherche à respirer la coolitude de la fin des années 80 avec un manque de finesse apte à fasciner les anthropologues. Le jeu se voudrait technique, ludique et subtilement transgressif ; trois domaines dans lesquels il se paie hélas un fâcheux gadin comme le joueur moyen cherchant à réaliser un ollie sans jamais être grimpé sur une planche de skate. Trop complexe, trop maladroit, trop court et jamais assez amusant, le titre d'Electronic Arts se prend les pieds dans ses bonnes idées pour offrir une expérience confuse et frustrante là où on aurait presque pu tenir les bases d'un précurseur de la série des Tony Hawk's Pro Skater grâce un mode « rampe » hélas cruellement sous-exploité. Reste un petit jeu avec du potentiel, mais vraiment rien qui justifie de s'y accrocher pendant des heures. Passable, mais médiocre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des mécanismes pas franchement clairs... – ...qui reposent sur le fait de reconnaître deux sprites qui ressemblent beaucoup aux autres... – ...et qui passent d'ailleurs à la trappe pendant la moitié du jeu – Une jouabilité inutilement complexe pour ce qu'elle offre – Un gameplay pas très ludique en dépit de possibilité réelles – Un mode « rampe » gadget

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Skate or Die 2 sur un écran cathodique :

Sparkster (Super Nintendo)

Développeur : Konami Co., Ltd.
Éditeur : Konami Co., Ltd.
Testé sur : Super Nintendo

La série Rocket Knight (jusqu’à 2000) :

  1. Rocket Knight Adventures (1993)
  2. Sparkster (Super Nintendo) (1994)
  3. Sparkster (Mega Drive) (1994)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 15 septembre 1994 (Japon) – Octobre 1994 (reste du monde)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Génération IX
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Opération Mascotte, phase deux. En 1993, on s’en souvient, Konami avait fini par céder à la tendance du moment qui voulait que chaque entreprise vidéoludique soit dotée de sa mascotte, et que celle-ci serve de protagoniste à une série de jeux nécessairement appelée à devenir florissante – cela avait donné Rocket Knight Adventures, qui pouvait se vanter d’être un des meilleurs titres d’un genre où la concurrence était pourtant féroce.

Dès lors, la firme japonaise s’avisa que le cour naturel des choses voudrait qu’un tel succès critique et commercial ne reste pas sans lendemain, et que tant qu’à faire l’inévitable suite ne reste pas cantonnée à une Mega Drive qui ne représentait jamais que la moitié du marché (et même sensiblement moins) à l’époque. On aurait donc pu imaginer un deuxième épisode multiplateformes, mais Konami étant Konami, la compagnie vidéoludique aura préféré développer DEUX exclusivités, une pour chacune des consoles 16 bits qui dominaient le monde… et de leur donner le même nom, en les commercialisant le même mois, quand bien même les deux titres étaient totalement différents. Par nécessairement le meilleur moyen de clarifier les choses pour les joueurs, mais le fait est que c’est bel et bien sur Super Nintendo que sera apparu la première suite (à quelques jours près) de ce qui restera comme un titre référence de la Mega Drive. Son nom ? Sparkster… exactement comme l’autre suite, sur l’autre console. Vous suivez ?

En fait, on pourrait presque parler de remake, tant le scénario ne fait finalement que reprendre les grandes lignes de celui du premier opus : le Pig Star à présent détruit, c’est cette fois une armée de loups qui vient renverser le pouvoir royal d’Eginasem – et tant qu’à faire, la princesse Flora est encore enlevée par le maléfique Axel Gear, laissant une nouvelle fois à Sparkster la tâche de refaire plus ou moins la même chose que la première fois.

Ça tombe bien : c’est précisément ce pour quoi les joueurs avaient signé, pour être honnête, et cela représentera une excellente excuse pour découvrir neuf nouveaux niveaux, aller mettre la pâtée au maléfique Lyoness et à son valet Axel Gear et prolonger une expérience qui s’était révélée proprement jouissive dans Rocket Knight Adventures. Bref, le cahier des charges était a priori aussi simple à rédiger qu’il était délicat à exécuter : davantage de la même chose, mais en encore plus beau, en encore plus surprenant, en encore plus varié – en mieux, quoi, histoire de bien faire comprendre que cette fameuse mascotte avait un avenir (quand bien même le joueur du XXIe siècle est déjà parfaitement au courant, lui, que l’histoire aura décidé qu’elle n’en avait pas).

Pour le coup, Sparkster fait à première vue le choix de s’inscrire directement dans les traces du premier opus : non seulement le scénario n’a que très peu changé, mais l’interface elle-même est pour ainsi dire identique à celle de Rocket Knight Adventures (là où le Sparkster version Mega Drive, lui, optera pour des modifications plus sensibles).

On retrouve donc le système de cœurs en guise de vie, la jauge qui représentera l’occasion de tirer parti de votre indispensable jetpack, avec en plus un système de gemmes à collecter qui vous offriront une vie supplémentaire chaque fois que vous en amasserez cent. Notre héros a toujours un bouton pour attaquer et un autre pour sauter, et il doit toujours charger son attaque pour employer son jetpack (pas de bouton dédié, donc). Seule réelle nouveauté : l’ajout d’une très pratique attaque rotative située sur les deux gâchettes de la manette, et qui viendra compléter votre arsenal pour faire face à la copieuse opposition lâchée par le titre. Bref, peu de surprises, mais la vraie question est surtout de savoir si la magie opère encore une fois qu’on lance la partie pour refaire tout ce qui avait si bien fonctionné la première fois.

Et à ce niveau, on ne parvient jamais tout à fait à congédier un sentiment un peu ambivalent : c’est bon, certes… mais rien à faire ; on en attendait quand même un peu plus. Konami étant aux commandes dans une période qui doit correspondre à son âge d’or – surtout sur une console que la compagnie maitrisait à la perfection – inutile de dire que la réalisation est à la hauteur et que la jouabilité répond à la perfection. Les graphismes sont très colorés, les sprites sont d’une bonne taille (et même un peu trop en ce qui concerne notre héros, qui doit composer avec une résolution plus limitée sur Mega Drive et par extension une fenêtre de jeu plus restreinte), les thèmes musicaux sont réussis quoique globalement moins marquants…

En fait, dans à peu près tous les secteurs, on sent qu’on pourrait dire « ce n’est pas mal, mais… ». Par exemple, si les environnements sont réussis, difficile de congédier cette impression qu’ils sont composés de gros blocs très carrés et très visibles qui les rendent un peu vides et un peu répétitifs. Souvent, le décor n’est qu’un simple dégradé, à l’image de ce qu’on pouvait trouver sur les jeux de plateforme développés sur Amiga à l’époque. Surtout, le côté steampunk profondément original du premier épisode laisse ici la place à un aspect foutraque où on peut aussi bien se retrouver dans une pyramide que dans un monde musical à la Rayman et qui contribue à donner à l’univers du jeu un côté furieusement générique qui fait qu’on n’a jamais l’impression de découvrir le royaume d’Eginasem, mais plutôt une enfilade de poncifs assemblés au hasard – sentiment encore renforcé par le fait que les petits efforts de mise en scène employés pour faire avancer le récit dans le premier épisode sont largement passé à la trappe ici. Bref, on espérait trouver la barre placée un cran plus haut, et dans l’ensemble, on la découvre plutôt un cran plus bas.

Cette ambition ratée se retrouve d’ailleurs dans le déroulement du jeu, souvent très plan-plan, où les niveaux réellement imaginatifs comme celui de la pyramide et de ses couloirs à faire défiler par le biais de tourniquets sont bien trop rares. Le level design tend à ronronner dans ce Sparkster, et sans être catastrophique il ne surprend presque jamais – d’autant plus que les rares idées venant apporter un peu de sang neuf ne sont globalement que de simples relectures des séquences les plus marquantes du premier opus !

On retrouve la phase de shoot-them-up et le combat de robots géants, mais cette fois en vue de dessus pour faire bonne mesure, et non seulement la surprise ne joue plus (c’était sans doute moins vrai pour les joueurs Super Nintendo de l’époque qui avaient certainement assez peu eu l’occasion de s’essayer à l’opus Mega Drive, mais les choses ont changé depuis) mais on a souvent l’impression que Konami aurait sans doute nettement mieux rentabilisé ses équipes en offrant le strict portage du premier épisode plutôt que d’offrir cette redite un peu convenue, toujours agréable, certes, mais qui ne participe pas vraiment à la légende que la firme cherchait à bâtir autour de sa mascotte (et qui s’achèvera d’ailleurs avec ces deux « suites », si l’on exclut une vague tentative de reboot en 2010 qui se sera elle aussi achevée en queue de poisson).

Dans l’ensemble, on a parfois l’impression de jouer à un titre façon Buster Busts Loose! avec un coup de peinture (et nettement moins d’idées en réserve) plutôt qu’à un jeu écrit et pensé du début à la fin ; une sorte de formule rodée « à la Konami » comme celle qui présidait à la conception de tous ses beat-them-all, et qui commençait alors à montrer quelques sérieuses limites en dépit des qualités indéniables du programme. Ajoutez-y quelques lourdeurs mal pensées (il faudra perdre TOUS vos continues pour avoir le droit de voir le mot de passe de votre niveau) et des pics de difficultés assez frustrants, sans oublier les passages die-and-retry impossibles à anticiper et qui feront office d’aspirateurs à vie lors des premières parties et les checkpoints placés n’importe comment, et vous obtiendrez un jeu avec ses bons moments mais qui ne tient tout simplement pas les promesses que son excellent prédécesseur avait fait miroiter. Bref, un bon jeu, là où on attendait clairement le niveau au-dessus. Tant pis.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Après un Rocket Knight Adventures qui était parvenu à placer tous les curseurs exactement aux bons endroits, on se demandait comment les équipes de Konami parviendraient à placer la barre encore plus haut au moment de proposer une improbable suite (où serait-ce un spin off ?) sur la console concurrente. La réponse, au fond, n'est qu'une demi-surprise : elles ne pouvaient pas. En dépit d'un louable souci de variété et d'une action bien menée qui participent à un titre objectivement réussi, le fait est qu'il manque toujours un peu d'innovation, un peu de talent et beaucoup de génie à ce Sparkster pour espérer rivaliser avec son illustre prédécesseur. Dans des niveaux un peu trop vides, un peu trop convenus et un peu trop dirigistes, on a beau passer un bon moment, on ne se sent jamais réellement ni soufflé ni surpris, et on a parfois l'impression que la firme japonaise, sans avoir perdu son savoir-faire, était tout simplement arrivée à court d'idées. Un titre agréable, mais clairement pas parmi les plus marquants de chez Konami.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une réalisation solide, mais pas à la hauteur de celle du premier opus – Quelques phases die-and-retry particulièrement injustes – Un level design qui peine à s'éloigner du modèle du grand couloir, à quelques rares exceptions près – De nombreuses séquences recyclées directement depuis le premier épisode – Certains boss totalement infects, surtout sur la fin

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Sparkster sur un écran cathodique :

Disney’s Le Roi Lion (Syrox Developments)

Développeur : Syrox Developments, Ltd.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Titre original : The Lion King (États-Unis)
Titres alternatifs : Le Roi Lion (titre usuel), Disney’s Der König der Löwen (Allemagne), Disney’s El Rey Leon (Espagne), Disney’s O Rei Leão (Brésil), ライオンキング (graphie japonaise)
Testé sur : Master SystemGame Gear

La licence Le Roi Lion de Disney (jusqu’à 2000) :

  1. Disney’s Animated Storybook : The Lion King (1994)
  2. Disney’s Le Roi Lion (Westwood Studios) (1994)
  3. Disney’s Le Roi Lion (Syrox Developments) (1994)
  4. Disney’s Le Roi Lion (Dark Technologies) (1994)
  5. Multi-Jeux de Disney : Timon et Pumbaa s’éclatent dans la jungle (1995)
  6. Disney’s Hot Shots : Chassé-croisé dans la savane (1998)
  7. Disney’s Hot Shots : Lance-baies des marais (1998)
  8. Disney’s The Lion King II : Simba’s Pride – Active Play (1998)
  9. Disney’s The Lion King II : Simba’s Pride (1999)

Version Master System

Date de sortie : Décembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment du lancement en salle du Roi Lion, la machine commerciale visant à produire en masse des adaptations vidéoludiques du film commençait à peine à être rodée. En fait, il aura fallu attendre la commercialisation du très médiocre jeu tiré de Fantasia, en 1991, pour que Disney se décide à mettre sérieusement son nez dans les jeux vidéo tirés de ses licences histoire de s’assurer qu’ils correspondent à un certain seuil de qualité et qu’ils évitent par-là même de faire du tort à la réputation de la firme à la souris aux grandes oreilles.

En signant un tabac commercial grâce – entre autres – à la qualité de sa réalisation (qui avait profité pour l’occasion de la participation d’animateurs venus directement de chez Disney), Aladdin avait en quelque sorte créé le modèle à suivre pour toutes les futures adaptations des films de la licence. Sans surprise, Le Roi Lion aura eu le droit au même traitement, avec un jeu développé pour à peu près chaque système décrété commercialement viable au moment de la sortie du film en salles. La part du lion (si vous me pardonnez la boutade) avait échu à Westwood Studios qui avait hérité de toutes les versions 16 bits, et qui aura établi la version « canonique » qui allait servir de base à toutes les autres ; pour les 8 bits de Nintendo, c’était Dark Technologies qui se chargerait des conversions, tandis que du côté de SEGA, c’était le studio londonien de Syrox Developments qui héritait de la lourde tâche de transcrire le jeu sur Master System et Game Gear – la console portable représentant, on s’en doute, le marché le plus important des deux fin 1994.

Inutile de revenir sur le scénario ou sur le découpage du jeu : sans surprise, ils n’ont pas changé d’un pouce depuis le titre original, qui était développé en parallèle. On ne s’attendait de toute façon pas à de grands bouleversements de ce côté, les adaptations suivant de toute façon scrupuleusement le déroulement du film (autre exigence de Disney, au cas où cela ne coulerait pas de source) ; dommage, en revanche, qu’on n’ait jamais le droit à la moindre illustration ni à la plus petite ligne de texte pour nous narrer l’histoire.

La bonne nouvelle, c’est que le niveau présentant le retour d’un Simba adulte sur ses terres (une séquence figurant dans le script à partir duquel Westwood Studios avait travaillé, mais coupée du film) est du coup toujours présent, et qu’on conserve donc les dix niveaux de la version 16 bits (même si l’ultime stage se limitera cette fois au combat contre Scar). Pas de coupes, donc, contrairement à ce qui aura été fait sur NES et sur Game Boy, mais quelques minimes adaptations au gameplay de base qui vont permettre d’obtenir un jeu globalement fidèle à son inspirateur, mais avec sa touche propre.

Le level design des niveaux du jeu est en effet entièrement original, cette fois : si les environnements sont toujours les mêmes, et présentés dans le même ordre, on constatera cette fois qu’on a affaire à des niveaux à la structure plus ouverte et généralement bien plus verticaux que ceux imaginés par Westwood. Le curseur est ici placé encore plus franchement du côté de la plateforme : si Simba dispose toujours exactement des mêmes armes que dans la version 16 bits qu’il soit lionceau ou adulte, il est ici tout à fait possible d’éviter la grande majorité des combats et de se contenter de sauter au-dessus des adversaires pour rejoindre la fin du niveau.

Dans l’ensemble, on constatera que dans sa difficulté « normale » (trois modes sont disponibles dans les options), le jeu est globalement beaucoup plus simple que la version 16 bits qui, il est vrai, avait sans doute un peu forcé la dose de côté-là (visiblement, les commerciaux craignaient nettement moins le marché de la location pour ce qui était de leurs versions 8 bits). Le bon côté, c’est que cela rend le jeu nettement moins frustrant – plus besoin ici d’apprendre par cœur des séquences au déroulement opaque pour pouvoir y survivre, et les fameuses énigmes du deuxième niveau qui avaient exaspéré tant de joueurs sont ici de simples péripéties, et les promenades à dos d’autruche (où était-ce un émeu ?) y sont même carrément devenues facultatives ! La mauvaise nouvelle, c’est que la durée de vie risque naturellement d’en prendre un coup, les dix niveaux (enfin… « les neuf plus le boss », devrais-je dire) ayant assez peu de chances de vous résister pendant des semaines.

Ce n’est pas nécessairement un drame – surtout à une époque où vous n’aurez pas nécessairement besoin d’acheter le jeu au prix fort – tant l’exploration du jeu tend à se révéler agréable. Certes, une Master System n’est pas dotée des mêmes capacités que les systèmes 8 bits, mais ça ne l’empêche pas de très bien s’en sortir, la bougresse. Les sprites ont beau être assez petits (stigmate logique d’une réalisation pensée en priorité pour le petit écran de la Game Gear), les décors sont détaillés et agréablement colorés, avec certaines ambiances n’ayant pas grand chose à envier à ce qu’on avait pu voir sur Mega Drive ou sur Super Nintendo.

Comparé à l’hideuse bouillie présentée sur NES, le résultat est spectaculaire ! Naturellement, la séquence de la ruée en simili-3D a ici été remplacée par un niveau plus conventionnel en vue de profil, et il n’y a désormais plus qu’un seul mini-jeu entre les niveaux (une variation de celui qui demandait à Pumbaa de gober les insectes que lui jetait Timon, sauf qu’il s’agira cette fois d’avaler des œufs en évitant les insectes), mais dans l’ensemble la casse a été si bien limitée qu’on n’a jamais l’impression de s’essayer à une version au rabais programmée en vitesse pour gratter facilement un peu d’argent sur le dos des derniers joueurs à ne pas pouvoir s’offrir un système 16 bits. Il y a même, disons-le, des moments où on s’amuse davantage que sur la très frustrante version de chez Westwood.

Tout n’est pas pour autant idéal dans le meilleur des mondes : en-dehors d’un souci de durée de vie qui a déjà été évoqué, on pourra surtout être déçu que la jouabilité ne soit pas toujours irréprochable, la faute à des masques de collision assez bancals et à des sauts qui n’atterrissent pas toujours exactement là où on le voudrait. Rien d’insurmontable (comme on l’a vu, la difficulté est loin d’être monstrueuse), mais s’il y a une chose encore plus agaçante qu’un jeu trop facile, c’est un jeu trop facile où les rares fois où l’on meurt sont dues à des errements de jouabilité.

Mais à ce détail près, la vérité est qu’on aurait quand même largement signé pour trois ou quatre niveaux en plus histoire d’avoir l’occasion de passer davantage de temps avec Simba. Ce n’est peut-être pas le meilleur jeu de plateforme de la console (Mickey, notamment, avait déjà eu plusieurs fois l’occasion de placer la barre très haut) mais Le Roi Lion figure malgré tout sans trop de débat dans le haut du panier, et m’est avis que les quelques joueurs encore coincés sur leur Master System à l’époque n’ont certainement pas dû regretter de le voir débarquer. Si la version 16 bits est venue à bout de votre patience, ou si vous cherchez tout simplement un jeu agréable à parcourir, n’hésitez pas à laisser sa chance à celui-ci.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 14/20 En débarquant sur les consoles 8 bits de chez SEGA, Le Roi Lion aura eu le bon goût de ne pas s'y présenter dans une version au rabais. Bien que l'aventure reprenne fidèlement le déroulement des itérations 16 bits du jeu (et du long-métrage), la jouabilité, le level design et les mini-jeux ont été revus pour un résultat largement à la hauteur. En fait, en se débarrassant d'une difficulté inutilement frustrante et de quelques passages franchement laborieux et en offrant des niveaux plus ouverts et plus verticaux, le titre de Syrox Developments pouvait même prétendre à se révéler sensiblement plus ludique que son modèle si une jouabilité imparfaite et une aventure un peu trop vite bouclée ne venaient pas ternir le tableau. En l'état, il reste à coup sûr un jeu de plateforme qu'on n'aura aucune raison de bouder sur Master System.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une jouabilité qui manque souvent de précision – Une aventure dont on vient un peu trop vite à bout – Un combat final au déroulement aussi nébuleux que dans sa version 16 bits

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le Roi Lion sur un écran cathodique (PAL) :

Version Game Gear

Développeur : Syrox Developments, Ltd.
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Date de sortie : Novembre 1994 (États-Unis) – 1994 (Europe) – 13 janvier 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On peut facilement imaginer que, bien que Le Roi Lion ait été développé en parallèle et par la même équipe sur Game Gear et Master System, la console portable restait la cible principale fin 1994 – la version Master System n’aura d’ailleurs même pas été distribuée aux États-Unis. Il n’est pas non plus très difficile de comprendre que l’on se retrouve face à des versions identiques à 95%, la grande question étant de savoir ce qu’apporteront les quelques rares différences.

Fort logiquement, la fenêtre de jeu est beaucoup plus petite sur la Game Gear, ce qui fait qu’on doit plus souvent composer avec des « sauts de la foi » que sur la console de salon. Néanmoins, la jouabilité m’a parue plus précise sur cette version (pas besoin ici de s’y reprendre à trois fois pour espérer attraper une excroissance afin de s’y balancer), et les masques de collision n’ont pas affiché les mêmes errements que sur Master System. Sachant que la réalisation est toujours aussi bonne, et même encore un peu plus colorée, on se retrouve avec une version qui non seulement ne perd rien au change, mais se révèle même encore un peu plus agréable à jouer que dans son itération pour console de salon. Bref, une très bonne façon de passer un agréable moment sur sa Game Gear.

NOTE FINALE : 15/20

Quelles qu’en soient les raisons, il s’avère que la jouabilité du Roi Lion sur Game Gear hérite de la précision et de la fluidité qui lui manquaient sur Master System. Sachant que la réalisation est difficile à prendre en défaut et que l’aventure est toujours aussi plaisante (quoique peut-être un peu facile par défaut), on se retrouve avec une excellente alternative à la très exigeante version 16 bits. Un bon jeu de plateforme pour la portable de SEGA.

Power Blade

Développeur : Taito Corporation
Éditeur : Taito Corporation
Titre original : Power Blazer (Japon)
Testé sur : NESArcade (PlayChoice-10)

La série Power Blade (jusqu’à 2000) :

  1. Power Blade (1990)
  2. Power Blade 2 (1992)

Version NES

Date de sortie : 20 avril 1990 (Japon) – Mars 1991 (États-Unis) – Janvier 1992 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par YF06 Traduc
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aura beaucoup eu l’occasion de pester, au cours de la fin du siècle dernier, contre les localisations hasardeuses des titres japonais qui daignaient faire le trajet jusqu’en occident. Des traductions foireuses à la Zero Wing ou à la Final Fantasy VII aux rééquilibrages à la truelle façon The 7th Saga en passant par les habituelles censures et autres « réappropriations culturelles » qui auront par exemple vu Goemon se changer en Kid Ying, il y avait parfois de quoi se décider à apprendre quelques mots de japonais et à faire directement importer ses jeux depuis le pays du Soleil Levant.

Ceci dit, il pouvait également arriver qu’un titre bénéficie d’un surplus d’ambition au moment d’aller tenter sa chance sur le marché occidental. Ce fut le cas de Power Blazer, sympathique jeu puisant ses inspirations du côté de Mega Man ou de Castlevania, mais qui avait malgré tout échoué à placer la barre suffisamment haut pour marquer les esprits au Japon. Alors après avoir considéré un moment la possibilité d’abandonner purement et simplement la commercialisation hors de l’Archipel, Taito décida de reprendre le problème depuis le début : refonte graphique, nouvelle introduction, gameplay revu en profondeur, level design modifié… Le travail nécessita un an, mais au final le jeu devint Power Blade, et il aura indéniablement laissé un meilleur souvenir aux joueurs occidentaux que Power Blazer n’était parvenu à le faire avec les joueurs japonais.

Le scénario, détaillé dans l’introduction, n’est pas follement original mais a le mérite d’exister : en 2191, la gestion terrestre a été confiée à une intelligence artificielle, laissant aux citoyens la joie de folâtrer en se souciant d’autre chose que des délicates questions techniques. Je vous le donne en mille : le programme connait soudain un grave dysfonctionnement, et devant le chaos qui se profile, on fait appel à un Duke Nukem de substitution appelé Nova (sérieusement, regardez l’introduction et venez me dire que les deux personnages ne sont pas jumeaux).

Là où le héros devait se contenter d’aller vaincre l’ordinateur central dans Power Blazer, les choses seront ici un peu plus complexes : Nova devra, dans chaque niveau, parvenir à trouver un agent dissimulé sur place qui lui délivrera une carte d’accès l’autorisant à ouvrir la porte derrière laquelle se cachera l’inévitable boss. Une fois qu’il aura accompli cette tâche dans les six quartiers de la ville, il pourra alors s’aventurer dans la tour finale pour venir à bout de la terrible intelligence artificielle et pour vous lancer un écran final bien mérité.

Après vous avoir laissé choisir votre difficulté, le titre s’ouvre donc, comme Mega Man, sur le choix de votre niveau. Le héros que vous allez diriger aura pour arme des boomerangs, qu’il pourra d’ailleurs tirer dans les huit directions ; si leur portée sera au départ assez limitée, quelques power-up lâché par les monstres devraient vous permettre d’augmenter votre jauge de puissance et, à travers elle, la portée de vos coups.

Une pression sur le bouton Start vous permettra d’accéder à un menu vous laissant le choix entre deux types de bonus à collecter et à employer avec Select : des grenades qui feront office de smart bomb, et des réserves d’énergie qui vous permettront de remplir votre jauge de santé – exactement comme dans Mega Man, encore une fois. Vous pourrez également dénicher à des endroits particuliers une sorte de super armure qui, en plus d’augmenter la portée et la puissance de vos attaques, vous permettra d’encaisser trois coups sans subir de dégâts avant de disparaître. Pour le reste, une limite de temps viendra placer sur vos frêles épaules une pression assez symbolique, le temps étant calculé suffisamment large pour que vous puissiez explorer consciencieusement le niveau à la recherche de votre contact sans avoir à vous précipiter.

Une fois la manette en mains, le jeu a indéniablement un aspect Castlevania assumé dans sa jouabilité. Par vraiment pour ce qui est de l’univers, ici très futuriste, mais pour ce qui est de la vue, de la maniabilité ou même du sprite de Nova (le héros de Power Blazer, pour sa part, adoptait une esthétique chibi), on sent tout de suit comme un lien – encore renforcé par le fait que la bande son soit signée Kinuyo Yamashita, qui avait déjà œuvré sur le titre de Konami.

Nova, en revanche, est clairement moins raide que son alter ego chasseur de vampires, et le fait qu’il puisse tirer dans toutes les directions à l’instar d’un run-and-gun le rend extrêmement polyvalent, d’où une maniabilité vraiment inattaquable. On n’est peut-être jamais franchement surpris par un déroulement dont la seule originalité est la structure semi-ouverte vous imposant de fouiller un niveau plutôt que de foncer droit vers son boss, mais il faut bien reconnaître qu’on ne prend pas moins de plaisir pour autant. La difficulté ayant le bon goût de rester accessible en normal, tout en laissant aux mordus le soin d’opter pour un mode plus exigeant, on prend très rapidement ses marques et on prend indéniablement beaucoup de plaisir à manier notre héros.

On en prend suffisamment, en fait, pour que les seuls vrais reproches du jeu se situent plutôt du côté de sa durée de vie. Non que celle-ci soit honteuse (comptez au moins une demi-heure pour un run parfait, facilement le double pour ceux qui découvrent), mais quitte à puiser dans Mega Man et à offrir un système de mot de passe, on aurait bien apprécié un niveau final un peu plus dantesque qu’un simple stage n’offrant pas plus de résistance que les six précédents (et même plutôt un peu moins puisqu’il n’y aura pas cette fois d’agent à aller dénicher).

En fait, on aurait très volontiers signé pour quatre ou cinq niveaux de plus, ce qui démontre certes que Taito aurait gagné à placer la barre encore un cran au-dessus, mais aussi que ce qui est présent sur la cartouche fonctionne du feu de dieu. Si vous êtes un habitué des jeux d’action/plateforme de ce type, je ne peux que vous recommander de lancer directement la cartouche dans sa difficulté maximale (la limite de temps sera alors plus serrée, et votre personnage aura un mouvement de recul en cas d’impact), histoire de rencontrer un peu plus de résistance. Mais vous aurez sans doute l’occasion de relancer périodiquement une partie une fois l’aventure terminée, tant les niveaux se parcourent avec un plaisir égal à chaque fois. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir Power Blade, c’est assurément un jeu à posséder sur NES.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Taito aura bien fait de revoir sa copie avec Power Blazer : devenu Power Blade en occident, le titre n'aura pas seulement revu son nom, ses graphismes et son game design, il sera également devenu un des jeux d'action/plateforme les plus satisfaisants de la ludothèque de la NES, au point de pouvoir se permettre de titiller ses références assumées que sont Mega Man et Castlevania. Entre une réalisation à la hauteur et une jouabilité absolument irréprochable, le seul regret est de ne pas bénéficier d'une expérience encore un peu plus longue, un peu plus variée, un peu plus imaginative et un peu plus ambitieuse – soit de quoi franchir le pas entre un jeu éminemment sympathique et un titre de légende. En l'état, on sera malgré tout toujours heureux de revenir à une cartouche qui fait mouche à bien des niveaux. À découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un niveau final qu'on aurait aimé plus ambitieux – Un système de power-up qui aurait gagné à être plus riche

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Power Blade sur un écran cathodique (PAL) :

Version Arcade (PlayChoice-10)

Développeur : Taito Corporation
Éditeur : Nintendo of America
Date de sortie : 1991 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version américaine
Hardware : Nintendo PlayChoice-10
Processeurs : Zilog Z80 4MHz ; Ricoh RP2A03G 1,789772MHz
Son : Haut-parleur – Ricoh RP2A03G 1,789772MHz ; RP2A0X APU 1,789772MHz – 1 canal
Vidéo : 256 x 240 (H) 60Hz (x2)

Les choses vont aller vite : comme vous pouvez vous en douter, il n’y a pas de version arcade à proprement parler de Power Blade (s’il était courant que les bornes d’arcade soient adaptées vers les consoles de salon, l’inverse était à peu près inenvisageable). Ce dont on hérite est donc, comme souvent, de la version NES présentée au sein de l’offre PlayChoice-10 où un crédit permettait d’acheter du temps de jeu (par défaut, cinq minutes) plutôt que des vies. Un bon moyen de découvrir un jeu à peu de frais pour ceux qui n’allaient pas directement en louer un pour le week-end. Le titre n’a connu aucune modification – même le système de mot de passe est toujours de la partie – mais l’offre n’étant bien évidemment plus disponible de nos jours, où même les salles d’arcade n’existent plus, elle n’est consignée ici que pour la postérité.

NOTE FINALE : 17/20

Aucune surprise avec la version PlayChoice-10 de Power Blade : on savait ce qu’on venait chercher et qu’on ne trouvera hélas sans doute plus jamais, faute de salles d’arcade et de NES à mettre dedans.

Astal

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA of America, Inc.
Titre original : 輝水晶伝説アスタル (Ki Suishou Densetsu Astal, Japon)
Titre alternatif : Centaurus (titre de travail)
Testé sur : Saturn

Version Saturn

Date de sortie : 28 avril 1995 (Japon) – 15 août 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le propre de l’histoire, c’est qu’elle tend à se répéter, surtout quand on n’en tire aucune leçon. Nul ne sait si les dirigeants de SEGA auront eu l’occasion de méditer sur cette affirmation, mais le fait est qu’après une Mega Drive qui avait connu des débuts catastrophique avant de parvenir un peu miraculeusement à remonter la pente, le lancement américain de la Saturn sera resté comme un des plus gros échecs de SEGA.

Annoncée en catastrophe le 11 mai 1995 aux États-Unis pour essayer de devancer la campagne de promotion de la PlayStation, vendue trop cher, boycottée par des revendeurs qui n’avaient même pas été prévenus de sa commercialisation, la console aura également dû composer avec un line-up limité de six jeux, avec seulement deux autres titres annoncés dans les quatre mois à suivre. Parmi ces deux titres se trouvait un jeu de plateforme en 2D – ce qui apparaissait presque comme une incongruité aux yeux d’un public occidental qui ne jurait déjà plus que par la 3D. Une aventure chargée de compléter la ludothèque famélique de la console autant que de mettre en lumière ses capacités comparée à la génération précédente : un logiciel ambitieux nommé Astal… et dont le succès aurait été suffisamment confidentiel, au final, pour qu’il ne soit même pas commercialisé en Europe.

Signe que le titre n’avait pas simplement été pensé comme un bouche-trou, celui si s’ouvre sur un scénario copieusement détaillé par pas moins de deux cinématiques. Celles-ci vous apprendront comment la déesse Antowas aura créé le monde de Quartalia à partir d’un simple joyau avant de le peupler de deux êtres : Leda, une jeune fille qui avait le pouvoir de créer la vie, et Astal, dont le rôle était de protéger Leda.

Épuisée par son acte de création, Antowas sombra dans le sommeil, laissant ainsi le champ libre au maléfique Jerado et sa création, un être vivant nommé Geist, qu’il envoya enlever Leda pour la retenir prisonnière au fond de l’océan. Parti pour la libérer, le très puissant Astal fracassa le fond des abîmes avec une telle force qu’il en endommagea Quartalia et alla même jusqu’à réveiller la déesse. Celle-ci, courroucée, le bannit sur la lune après avoir vaincu Jerado, avant de retourner à son sommeil. Le problème, c’est que Geist, lui, était toujours libre, et qu’il profita de l’absence d’Antowas pour enlever à nouveau Leda. Astal, voué à la protéger, entreprend donc de se libérer de sa prison pour aller sauver la jeune fille…

Comme on peut le voir, un certain effort a été entrepris pour mettre un peu de chair sur l’antique principe consistant à aller libérer la jeune fille en détresse. Astral nous dévoile un univers qui ne réinvente certes pas la poudre, mais qui a l’avantage de prendre le temps d’installer son histoire et de se révéler dans toute sa pleine gloire via ce qui reste aujourd’hui encore comme son indéniable point fort : sa réalisation.

Quartalia est un peu un déluge de couleurs profitant de la vaste palette de la Saturn dans le domaine – le seul où la console 32 bits pouvait réellement prétendre surpasser la PlayStation concurrente. Les sprites sont souvent massifs, en particulier pendant les combats de boss, on observe des effets de reflet ou même de transparence (pourtant si rares sur la machine) et le titre a la très bonne idée d’intégrer un système de zoom qui permet à la vue de reculer lorsque la situation le justifie, au hasard lors d’une séquence de plateforme nécessitant un peu d’anticipation – une très bonne approche, qui a en revanche l’inconvénient d’introduire une pixellisation constante qui contraste un peu avec la finesse des graphismes. Un argument de vente à part entière au moment de sa sortie, qui ne ferait hélas illusion que le temps que débarque un certain Rayman trois mois plus tard, et qui n’aura visiblement pas suffi à convaincre la presse ni les joueurs à fermer les yeux sur les errements de son gameplay.

En effet, une fois la manette en mains, on ne met pas longtemps à réaliser que tout n’est pas rose dans le monde créé par la déesse Antowas. Pourtant, sur le papier, on sent un potentiel indéniable : Astal peut marcher, courir, sauter, soulever des objets gigantesques ou même projeter ses ennemis eux-mêmes, voire lâcher un souffle massif qui se montrera indispensable à plusieurs stades de l’aventure.

Surtout, il reçoit dès le premier niveau du jeu l’aide d’un oiseau à qui échoira un rôle assez comparable à celui du faucon qu’on avait pu employer dans 8 Eyes : celui-ci pourra à la fois vous assister contre les différents adversaires, mais aussi aller vous chercher des bonus de soin ou mener certaines actions spéciales ; ses possibilités vous seront matérialisées par trois gemmes en bas de l’écran, et pourront être activées par les boutons X, Y et Z de la manette (ou sélectionnées via les boutons de tranche pour être employées avec A) et, pour faire bonne mesure, cet oiseau pourra même être contrôlé par un deuxième joueur (exactement comme le faucon d’8 Eyes, encore une fois). Bref, on sent un éventail massif de possibilités… dont le jeu ne tire, pour ainsi dire, presque jamais parti.

Le level design, c’est une science qui nécessite du temps, et on sent bien qu’à ce niveau-là Astal aura souffert des mêmes contraintes que d’autres titres oubliables à la Clockwork Knight. La quinzaine de niveaux (en comptant les boss) qu’offre le titre se limite quasi-exclusivement à avancer vers la droite, à accomplir quelques sauts et à vaincre une poignée d’adversaires avant de rejoindre la sortie et d’aller faire face à un boss disposant très rarement de plus de deux patterns.

Le tout est généralement bouclé assez vite, en faisant assez peu appel à l’habileté ou à la réflexion pour d’autres raisons que de compenser une jouabilité qui manque globalement de précision, surtout au niveau des masques de collision, et la difficulté est généralement assez faible – sauf pour un dernier boss absolument atroce qui exige à la fois un timing délirant, l’utilisation de votre oiseau, et un brin de chance. En fait, on a parfois l’impression de jouer à une sorte de version alpha du jeu où toute la partie technique aurait été achevée, mais où les niveaux se seraient limités à de grands couloirs pas passionnants en attendant que les plans définitifs arrivent. 90% des capacités de votre héros, oiseau inclus, ne servent pratiquement jamais à rien, et on peut très facilement espérer arriver jusqu’au terme du jeu dès la première partie sans faire autre chose qu’avancer, sauter, cogner et mémoriser un ou deux passages un peu plus délicats. En dépit de l’inclusion de quelques scènes un tout petit peu plus originales, comme celle où l’on avance sur le dos d’une improbable créature flottante, on n’a jamais le temps d’être surpris ni d’être confronté à quoi que ce soit qui justifie d’aller puiser dans un très impressionnant arsenal de capacités vouées à ne jamais nous être utiles hors de quelques situations très précises.

La conséquence en est qu’Astal laisse constamment cette impression désagréable de ne faire qu’égratigner la surface d’un univers qui semblait avoir des milliards de choses à offrir et qui ne propose, au final, qu’un jeu de plateforme plan-plan et prévisible qui n’aurait déjà pas emballé grand monde à la fin des années 80 sans sa réalisation à couper le souffle.

Ce n’est pas tant un mauvais jeu qu’un titre frustrant par les limites qu’il dévoile ; il n’est pas difficile de sentir qu’il y avait vraiment tous les éléments dans le code du jeu pour mettre en place une expérience grandiose, mais que personne ne s’est donné (ou n’a eu) le temps de les assembler en un tout cohérent qui puisse aller rivaliser avec des Symphony of the Night ou même avec des Revenge of Shinobi. En l’état, c’est juste la victoire de la forme sur le fond : une démonstration technique qui n’aura au final pas contribué à vendre la console par palettes, plaquée sur un level design avec sept ou huit ans de retard. Le type de jeu qu’on a réellement envie d’aimer tant il dégage une atmosphère particulière, mais qui ne nous donne au final vraiment pas grand chose pour nous permettre de le faire. Bref, une expérience qui laisse un goût un peu amer dans la bouche avant de l’oublier définitivement.

Vidéo – Le premier niveau du jeu  :

NOTE FINALE : 13,5/20 L'histoire retiendra d'Astal un double objectif : celui de venir combler un manque dans une ludothèque de la Saturn alors encore extrêmement embryonnaire, et celui de démontrer les capacités de la console 32 bits dans le domaine de la 2D. Si le titre développé par SEGA les aura tous deux parfaitement remplis, on pourra regretter qu'il n'accomplisse pas grand chose d'autre, offrant une expérience d'une rare platitude et trop vite bouclée qui se limite le plus souvent à avancer vers la droite et à rejoindre la fin deux minutes plus tard. Le plus frustrant avec le jeu, ceci dit, reste le potentiel extraordinaire et la personnalité indéniable qui transpirent de chacune de ses séquences de jeu, et qui laissent deviner une aventure cent plus fois plus technique, plus variée et plus grandiose sans que rien ne vienne hélas jamais confirmer cette impression. Dans le genre « plein les yeux », autant dire qu'un logiciel comme Rayman, lui, sera parvenu à laisser la même année un souvenir autrement plus marquant. Tant pis pour un petit bonhomme qu'on avait vraiment envie d'adorer, mais qui n'avait finalement pas grand chose à nous faire vivre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un level design qui se limite à avancer vers la droite – Un oiseau extrêmement sous-employé en solo... – ...et franchement gadget à deux – Un gameplay dont on n'a pas à employer un dixième des possibilités pour venir à bout du jeu – Une jouabilité qui manque de précision – Un combat final absolument infect

Les avis de l’époque :

« Que c’est joli, j’en ai l’œil droit de traviole tellement c’est beau ! Sega ne nous a pas fait l’affront de sortir un jeu de plates-formes bidon, histoire d’alimenter sa console 32 bits et son porte-monnaie. La jouabilité est au rendez-vous, malgré une prise en main bizarre. Les plus petits vont être émerveillés, et même les plus grands en auront pour leur argent. »

Marc, Consoles + n°55, juin 1995, 90%

« Une magnifique coquille vide qui ne vaut pas son prix en dépit de ses graphismes incroyables. »

Mean Machines, juillet 1995, 53% (traduit de l’anglais par mes soins)

« Le plus gros problème avec Astal, c’est la rigidité de sa jouabilité. L’action échoue à atteindre le plaisir immédiat que tous les grands jeux de plateforme ont atteints par le passé. À la place, il faut composer avec des contrôles poussifs qui provoquent une grande frustration au moment de réaliser des sauts précis ou d’affronter les ennemis les plus rapides. »

Game Players, août 1995, 65% (traduit de l’anglais par mes soins)

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Astal sur un écran cathodique :

Heart of Darkness

Développeur : Amazing Studio
Éditeur : Infogrames Europe SA
Testé sur : PlayStationPC (Windows 9x)

Version PlayStation

Date de sortie : Juin 1998 (Europe) – 8 septembre 1998 (Amérique du nord)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (un bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours
 :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

Ainsi parlait le poète, et ainsi pense encore souvent le rétrogamer.

On se souvient comment en novembre 1991, un jeu intitulé Another World avait placé au centre de la carte un certain Éric Chahi, propulsé du jour au lendemain sous la lumière des projecteurs et au rang de représentant privilégié de la French touch.

En annonçant l’inévitable révolution à venir au sein de la narration vidéoludique et de la mise en scène, le jeune artiste était soudain devenu un nom à suivre, et tandis qu’Interplay se penchait déjà sur l’opportunité de capitaliser sur le succès d’Another World pour lui offrir une suite, avec ou sans le concours de son créateur, Éric Chahi, pour sa part, était parti réfléchir à son prochain jeu dès 1992, avant de fonder Amazing Studio en 1994. Rapidement, la presse eut hâte de découvrir la forme qu’allait prendre le nouveau logiciel imaginé par le petit génie, et qui allait apparemment emprunter le titre d’un livre de Joseph Conrad : Heart of Darkness. Les premières recherches faisaient saliver, les premières bande-annonces en 3D étaient à couper le souffle, et on attendit avec confiance que la-suite-qui-n’en-était-pas-une d’Another World vienne à nouveau illuminer le paysage vidéoludique.

Et on attendit.

Six longues années.

Autant dire qu’au moment où Heart of Darkness daigna enfin pointer le bout de son nez, la 3DO qui devait à l’origine l’accueillir n’était même plus commercialisée, toute la génération 16 bits avait été rangée au placard pour de bon, et les joueurs qui s’éclataient sur Final Fantasy VII, sur Tomb Raider III ou sur Oddworld : L’Exode d’Abe n’accordèrent qu’une attention très polie à un titre qui était entretemps devenu un vaporware auquel plus grand monde ne s’intéressait. En dépit de critiques positives et de ventes très correctes, ce qui resterait comme l’unique jeu d’Amazing Studio semblait avoir raté son rendez-vous avec l’Histoire, et lorsqu’on évoque aujourd’hui Éric Chahi, vous pouvez être certain qu’Another World est un nom qui revient vingt fois plus souvent qu’Heart of Darkness. Est-ce mérité ?

Le jeu vous place dans la peau d’Andy, écolier martyrisé par son professeur de physique, mais suffisamment débrouillard pour parvenir à goûter à la liberté et à retrouver son chien Whisky malgré tout. Alors lorsque ce dernier se fait enlever par des forces ténébreuses au cours d’une éclipse solaire, le jeune garçon ne se pose pas de question : il grimpe dans sa cabane secrète et dans l’aéronef qu’il a bâti de ses mains, et il s’envole à la poursuite de l’être maléfique qui a osé s’emparer de son animal de compagnie et qui, pure coïncidence, ressemble étrangement à son professeur de physique… En chemin, il croisera la route d’un peuple amical, aux faux airs avant-gardistes de Lapins Crétins avec des ailes dans le dos, et dont il obtiendra l’aide pour pouvoir s’aventurer jusqu’à la racine de sa peur enfantine : le cœur des ténèbres…

De cette histoire qui rappelle un peu au passage celle de Commander Keen, l’équipe réunie par Chahi aura tiré une aventure cinématique bâtie farouchement sur le même moule qu’Another World : débarqué sur un monde inconnu, Andy se déplacera en vue de profil dans des environnements où il devra sauter, grimper, courir, éviter de nombreux pièges, terrasser les ombres grâce aux armes à sa disposition, et résoudre quelques énigmes dont certaines mettront en jeu un pouvoir magique qu’il pourra récupérer en chemin et qui lui permettra de faire pousser les plantes.

Un menu plaisant, mais aussi assez prévisible et plus tout à fait surprenant, surtout à une époque où des Flashback, des BlackHawk ou des Oddworld avaient eu le temps de creuser un peu le concept et parfois de le transcender. Autant le dire tout de suite : niveau gameplay, Heart of Darkness n’introduit ni n’invente rien, et on sent bien que la philosophie présidant à la création du jeu aura été dès le départ d’offrir une sorte de « super Another World » visant à refaire sensiblement la même chose, mais en plus long, en plus beau et en plus grand.

À ce niveau-là, il n’est pas difficile de sentir très rapidement l’ambition délirante qui aura justifié les presque six ans de développement du titre. Dans sa dimension cinématique – avec une bonne vingtaine de minutes de séquences animées en 3D – le jeu est un véritable court-métrage, avec une histoire certes assez convenue mais qui a le mérite d’offrir une tonalité inhabituelle, toujours à mi-chemin entre une certaine légèreté bien incarnée par les alliés d’Andy et une ambiance plus sombre où la mort n’est jamais très loin.

On saluera d’ailleurs au passage la performance de l’immense Luq Hamet dans le rôle du sidekick diabolique du grand méchant, qui parvient à rendre sympathique son personnage de fourbe doublé d’un lâche à force de blagues faciles jouées avec une telle perfection qu’elles en deviennent drôles (« Connais-tu le châtiment réservé à ceux qui échouent ?! – …de Bruxelles ? »). La 3D de 1998 a beau avoir fatalement vieilli, le résultat n’est clairement pas à des kilomètres de ce qu’affichait Toy Story à la même époque, et on prendra indéniablement plaisir à voir l’histoire se dérouler devant nos yeux, même quand elle vient interrompre l’action pendant de longues minutes : le récit est ici davantage une récompense qu’un frein. Le jeu en lui-même varie constamment les environnements, les situations scriptées, les petits événements impromptus, et l’extraordinaire variété des animations (notamment des ombres qui vous assaillent en se payant constamment votre fiole) mérite d’être applaudie. Certes, ce n’était plus vraiment ce qu’on attendait en 1998, où le joueur lambda n’était plus impressionné que par la 3D temps réel, mais on ne peut aujourd’hui qu’admirer le travail colossal qu’a dû représenter la mise en place de cet univers où pratiquement chaque écran est une découverte.

Ceci dit, le gameplay en 2D du jeu est aussi l’avatar d’une philosophie qui n’avait pas vraiment changé depuis 1991 : Heart of Darkness est toujours un pur die-and-retry où l’on meurt énormément, et même si les points de passages sont très nombreux, mieux vaudra être prêt à refaire certaines séquences des dizaines de fois tant la difficulté peut se montrer redoutable, particulièrement quand on n’a pas compris ce que le jeu attendait de nous et que l’on doit agir en temps limité.

Les combats peuvent se révéler particulièrement exigeants – surtout parce qu’ils se déroulent régulièrement à un contre cinquante et que la moindre anicroche se traduira toujours par une mort instantané et par le retour trois écrans en arrière. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui nous poussera à moins apprécier l’animation léchée du jeu : quand Andy met une demi-seconde à sauter sur place pour éviter une boule de feu alors qu’on aurait eu besoin qu’il réagisse au centième de seconde. Souvent, l’aspect frustrant et répétitif de l’action (une séquence est moins ludique quand on la recommence pour la trentième fois) finit par jouer contre le programme, et on se sent plutôt soulagé de voir l’aventure se terminer là où celle d’Another World nous laissait le sentiment confus de voir partir un ami et d’avoir envie de retourner le rejoindre.

On touche d’ailleurs là à cet aspect irrationnel, à la limite de la magie, qu’il est pratiquement impossible de reproduire : en dépit de toutes ses qualités, Heart of Darkness ne renoue pas – ne pouvait pas renouer, pour être honnête – avec ce parfait mélange de dépaysement, de mélancolie et d’étrangeté qu’était l’expérience d’Another World.

C’est objectivement et à tous points de vue un meilleur jeu, mais c’est une aventure moins marquante ; on n’est pas « transporté », cette fois : on accompagne un Andy auquel on s’identifie assez peu dans un monde qu’on découvre comme un touriste plus que comme un joueur qui en vient à oublier l’heure et le lieu. C’est peut-être à ce niveau qu’Heart of Darkness était voué à échouer : ce n’était pas tant le gameplay d’Another World qu’il aurait fallu reprendre que le caractère fondamentalement unique de l’expérience qu’il offrait. Qu’importe : on reste aujourd’hui face à un titre réjouissant et sympathique pour d’autres raisons, et si la surprise ne joue pas, on est néanmoins heureux d’aider Andy à affronter ses peurs enfantines pour l’accompagner jusqu’à cet âge adulte où l’on comprend parfois, à force de radoter nos vieux souvenirs à qui veut les entendre, que la nostalgie, c’est simplement la tristesse d’avoir été heureux.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 Il aura fallu attendre près de sept longues années pour découvrir ce qu'Éric Chahi avait en réserve après le tremblement de terre causé par Another World. La réponse, nommée Heart of Darkness, aura globalement laissé de marbre des joueurs qui avaient entretemps pu s'essayer à des titres à la Tomb Raider ou à la Oddworld : L'Odyssée d'Abe, méfiants face à des mécanismes qui apparaissaient alors comme des vestiges du passé. C'est en partie une injustice, car ce qui restera comme l'unique titre développé par Amazing Studio est finalement un jeu bien plus cohérent, plus complet, plus varié, plus long et mieux articulé que son illustre prédécesseur. Malheureusement, en dépit d'une réalisation finement ciselée, le jeu peine à reproduire l'extraordinaire atmosphère qui avait constitué la force du plus grand hit d'Éric Chahi, en particulier cette mélancolique sensation d'isolement qui laisse ici la place à un récit qui se cherche un ton plus léger. En résulte un logiciel un poil convenu qui peine à surprendre malgré ses efforts, mais qui mérite à coup sûr d'être redécouvert par tous les amateurs d'aventures à la Flashback qui seraient passés à côté. Un bon jeu sorti au mauvais moment.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Du pur die-and-retry... – ...avec son lot d'énigmes frustrantes... – ...et de combats particulièrement éprouvants, surtout vers la fin

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Heart of Darkness sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Amazing Studio
Éditeur : Ocean Software Ltd.
Date de sortie : Juin 1998
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version française testée sous Windows 95 via OracleVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 DX2 – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique requis : Résolution : 640×480 – RAM graphique : 1Mo – DirectX : 3.0

À peu près à la même date que sur PlayStation (à un ou deux mois près, mais je ne suis pas parvenu à trouver de date absolument fiable), Heart of Darkness aura vu le jour sur PC. Si le titre avait été accueilli plutôt tièdement sur la console de Sony (autant pour sa 2D que pour son aspect vaporware qui invitait certains magazines à voir en lui un pétard mouillé), la réception aura globalement été encore un peu plus fraiche sur une machine de pointe qui s’apprêtait alors à découvrir Half-Life. Plus que sa 2D et son système de jeu qui rappelait furieusement le nombre d’années qui avaient été nécessaires à sa gestation, le jeu d’Amazing Studio aura aussi provoqué bien des grimaces en débarquant dans un 320×240 à peine plus élevé que ce qu’affichait la console de Sony, soit une résolution que plus aucun logiciel en 2D n’osait alors afficher sur la coûteuse (ex) machine d’IBM. Pour ne rien arranger, l’image ne s’affichait même pas en plein écran (sans doute à cause du format natif en 256×192), et le titre n’était qu’en 256 couleurs, là où la PlayStation en affichait 16 millions ! Loin de ces considérations, le joueur actuel qui sait ce qu’il vient chercher n’aura pas de réelle raison de bouder cette version, la vraie difficulté résidant dans la capacité à la faire fonctionner sous une version de Windows postérieure à XP.

NOTE FINALE : 17/20

Aucune nouveauté sur PC : Heart of Darkness y offre une version résolument identique à celle parue sur PlayStation, au détail près qu’elle sera difficile à faire fonctionner sur les systèmes actuels et qu’elle ne sera qu’en 256 couleurs.