Final Fantasy

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Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo, Inc.
Titre original : ファイナルファンタジ (Fainaru Fantajī)
Titres alternatifs : 最终幻想 ( Zui Zhong Huanxiang, Chine), Финальная Фантазия ( Finalnaja Fantazija, Russie)
Testé sur : NESMSXWonderSwan Color
Disponible sur : Android, BlackBerry, iPhone, Game Boy Advance, Nintendo 3DS, PlayStation, Playstation 3, PSP, PS Vita, Wii, Wii U, Windows Phone
En vente sur : Nintendo eShop

La saga Final Fantasy (jusqu’à 2000) :

  1. Final Fantasy (1987)
  2. Final Fantasy II (1988)
  3. The Final Fantasy Legend (1989)
  4. Final Fantasy III (1990)
  5. Final Fantasy Legend II (1990)
  6. Final Fantasy IV (1991)
  7. Final Fantasy Legend III (1991)
  8. Final Fantasy V (1992)
  9. Final Fantasy VI (1994)
  10. Final Fantasy VII (1997)
  11. Final Fantasy Tactics (1997)
  12. Final Fantasy VIII (1999)
  13. Final Fantasy IX (2000)

Version NES

Date de sortie : 18 décembre 1987 (Japon) – Mai 1990 (Amérique du nord)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Patch par Terminus Traduction
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par pile

On a déjà souvent eu l’occasion de constater en ces lieux à quel point la gloire était quelque chose de fugace au sein de l’univers vidéoludique. Le monde informatique change très vite, les goûts des joueurs également, et dans cette course effrénée au succès et à l’innovation, le moindre dérapage peut être fatal. J’en veux pour preuve que deux des plus grandes sagas de jeu de rôle de l’histoire, malgré une longévité qui les aura entrainées à briller pendant deux, voire trois décennies, ont aujourd’hui plus ou moins sombré dans l’oubli – à tel point qu’un joueur de moins de vingt-cinq ans, même cultivé, sera bien en peine de vous parler d’un seul titre des séries Ultima ou Wizardry. Un bien cruel destin, surtout si l’on considère l’indéniable qualité des jeux composant ces deux sagas autrefois légendaires.

Premier épisode, et la machine volante est déjà là. Bienvenue dans Final Fantasy

Peut-être est-ce là une caractéristique purement occidentale, ceci dit. Car au Japon, par exemple, la plupart des séries à succès ont bien mieux supporté les affres du temps, en dépit de leur âge pratiquement aussi avancé que ceux des titres énoncés plus haut. J’en veux pour preuve que les deux sagas de jeu de rôle qui s’y portent le mieux sont également deux des plus anciennes : Dragon Quest d’un côté, et Final Fantasy de l’autre. Et qui aurait osé imaginé, dans ce dernier cas, que le jeu imaginé par Hironobu Sakaguchi et son équipe, prétendument nommé de la sorte car imaginé comme le chant du cygne d’une société au bord de la faillite (spoiler alert : cette anecdote mondialement célèbre est un mythe, d’ailleurs le jeu devait originellement s’appeler Fighting Fantasy), engendrerait à sa suite une lignée si prolifique qu’elle compterait trente ans plus tard une quinzaine de titres et près du triple de spin-off ?

Les combats sont le cœur du jeu, et ils sont plutôt bien pensés

Ironie du sort : comme une très grande partie des J-RPG, Final Fantasy respire à chaque écran la référence aux deux sagas occidentales évoquées plus haut – ce qui n’a rien de très surprenant si l’on considère que son principal modèle est à n’en pas douter Dragon Quest, véritable père fondateur du genre au Japon, qui avait conçu sa formule originelle – d’ailleurs très peu modifiée depuis – en additionnant deux idées prises ailleurs : l’exploration d’Ultima et les combats de Wizardry

Un PNJ vous donnera la combine pour afficher la carte

Le jeu imaginé par Square s’appuie dans tous les cas sur un scénario n’ayant rien de follement original : Le monde est dans une période sombre où le vent ne souffle plus, où les océans sont en furie, où la terre pourrit, mais une ancienne prophétie annonce la venue de quatre guerriers de lumière. Ces quatre guerriers, vous allez bien entendu les diriger, en commençant par leur choisir un nom et surtout, une classe. La composition du groupe impactera drastiquement votre façon de jouer : si strictement rien ne vous interdit de jouer avec quatre guerriers ou avec quatre mages, vous vous doutez bien que cela donnera des résultats très différents. Sans surprise, les archétypes sont respectés : les mages noirs seront très puissants en fin de partie, mais très fragiles au début, et vu qu’ils apprennent les sorts comme dans Donjons & Dragons – c’est à dire qu’ils ne peuvent jeter qu’un certain nombre de sortilèges de chaque niveau avant de devoir se reposer – il faudra apprendre à ne les laisser faire usage de leur puissance qu’aux moments qui comptent.

L’interface d’achat ne vous dira ni les caractéristiques d’une arme, ni les personnages capables de s’en servir

Il en va de même pour les mages blancs, qui font office de soigneurs, tandis que les mages rouges, eux, constituent une classe hybride capable aussi bien de se battre au corps à corps que d’employer tous les types de magies, mais elle n’aura en revanche accès à aucune des capacités ou des sorts de haut niveau des classes spécialisées. Les voleurs permettront au groupe de prendre plus facilement la fuite, les moines pourront se battre à mains nues – toutes les classes ne se valent pas, et un groupe mal composé pourra vous empoisonner l’essentiel de la partie, mais il est tout à fait possible de terminer le jeu avec n’importe quel groupe à condition d’abuser de l’alpha et de l’oméga du RPG de l’époque : le grinding.

Bahamut est déjà de la partie, mais pas en tant qu’invocation – puisqu’il n’y en a pas

Final Fantasy repose en effet, exactement comme Dragon Quest, sur un mécanisme rodé et extrêmement linéaire. Contrairement à la série des Ultima, qui proposait à chaque épisode un monde ouvert où la très grande majorité des destinations du jeu étaient immédiatement accessibles, le titre imaginé par Hironobu Sakaguchi suit un déroulement beaucoup plus encadré. Ainsi, vous commencez près d’une ville et d’un château, où vous trouverez une quête vous envoyant secourir une princesse dans un donjon.

La magie n’est pas encore très impressionnante

Vous n’avez alors accès qu’à une toute petite partie du monde englobant ces trois lieux. Une fois la quête accomplie, un pont sera construit, qui vous permettra d’accéder à une autre ville, dans laquelle vous pourrez trouver un navire vous autorisant à accéder à d’autres destinations, etc. Ainsi, selon un modèle qu’on aura très longtemps retrouvé dans l’ensemble des J-RPG – et qui fait toujours largement recette – le jeu repose sur des suites de « paliers » qui se débloquent généralement en accomplissant des quêtes très basiques (tuer un monstre, trouver un objet), lesquelles débloqueront l’accès à un autre palier, et ainsi de suite. L’avantage, c’est qu’il est rare de ne pas savoir quoi faire : interroger les quelques PNJS trouvés dans les villes délivrera généralement tous les indices nécessaires.

On a déjà l’occasion de voir du pays

L’inconvénient, évidemment, c’est que le seul moyen de progresser sera d’être assez fort pour réaliser ce que l’on attend de vous à un moment « t » – pas question de flâner un peu partout, vous devrez toujours aller à un endroit précis pour y faire quelque chose, et les alternatives ne commenceront à apparaître qu’assez tard dans la partie. Autant dire que vous allez passer une très large partie de votre temps à vous battre, autant pour atteindre vos objectifs que pour accumuler assez d’argent et d’expérience pour investir dans les très couteux équipements du jeu et ainsi surmonter des donjons encore très basiques.

Les combats de boss reposent rarement sur autre chose que sur le rapport de force à l’état pur

Le système de combat, fort heureusement, est sans doute un des aspects qui aura participé au succès du jeu. Dans les grandes lignes, on retrouve exactement celui de… Dragon Quest (un nom qu’on lira décidément beaucoup au cours de ce test), avec trois nuances toutefois. La première, c’est qu’il est possible de cibler chaque adversaire indépendamment, sans avoir à se contenter de cibler un groupe – et tant mieux.

La variété des moyens de transport fait plaisir – même si on trouvait la même dès les premiers Ultima

La deuxième, c’est que le jeu offre un « changement de classe » (ou plutôt, une évolution de la même classe) en cours de partie – ce qui donne globalement la même chose en plus fort, mais débloque surtout l’accès aux sorts et aux équipements les plus puissants, dont certains vous narguaient dans les boutiques depuis plusieurs heures. La dernière, c’est qu’il y a enfin un peu de mouvement à l’écran : en offrant une vue de profil plutôt qu’une vue subjective, le jeu vous autorise à voir vos héros agir, ce qui rend les combats un peu moins outrageusement statiques que dans Dragon Quest. Les monstres, eux, en revanche, ne sont pas animés (et ne le seront pas avant le septième épisode et le passage en 3D temps réel). Pour le reste, on frappe, on jette des sorts, on utilise des objets ou on tente de prendre la fuite, rien de bien nouveau.

On avance dans le jeu en trouvant des objets et en les apportant au bon endroit

En fait, force est de reconnaître que pour le joueur contemporain, il sera extrêmement difficile d’espérer trouver quoi que ce soit de vaguement dépaysant dans Final Fantasy – et pour cause, on est ici face à l’un des tous premiers logiciels directement sorti du moule inauguré par Dragon Quest l’année précédente, moule qui restera d’ailleurs valable pendant toute la période 8-16 bits, et même largement au-delà.

Les donjons ne sont généralement pas trop longs

Avec d’ailleurs les mêmes faiblesses : un scénario manichéen et assez plat, un déroulement largement linéaire et reposant principalement sur le grinding. Les seuls choix de « développement » de vos personnages se font lors de la création de votre équipe, après quoi vous n’aurez pour ainsi dire jamais à faire preuve de stratégie lors d’un combat, en-dehors d’exploiter les quelques faiblesses magiques inhérentes à certains types de créature. Si vous rencontrez un monstre capable de changer un de vos héros en pierre, soit vous êtes assez puissant pour le tuer avant qu’il ait l’occasion de jeter son sort, soit vous avez de la chance et il rate son attaque, soit il réussit et vous devrez utiliser le sort ou l’objet permettant de vous soigner. Il n’y a pas encore d’interruptions, ou de reflets, ou de Active Time Battle – tout cela arrivera plus tard dans la série, ce qui signifie que chaque problème a généralement une solution très simple : gagnez des niveaux, achetez du matériel et réessayez.

Une clé derrière laquelle vous allez courir pendant tout le début du jeu

Cela fait-il pour autant de Final Fantasy un mauvais jeu ? Non, bien sûr, très loin de là – et nombreux sont les fans de la saga à s’y frotter aujourd’hui encore avec plaisir. En revanche, il est évident qu’il aura beaucoup de mal à surprendre à un quelconque niveau n’importe quel joueur ayant eu l’occasion de s’essayer un jour à un autre épisode de la saga, ou même à n’importe quel J-RPG du siècle dernier. Au rang des aspects à regretter, en-dehors d’une réalisation qui trahit son âge (même si on sera heureux de profiter des magnifiques thèmes musicaux de Nobuo Uematsu, qui auront certainement contribué au succès du titre à sa sortie), c’est surtout l’interface qui a vieilli : impossible de connaître les caractéristiques d’un objet avant de l’acheter – ou même après d’ailleurs – inventaire limité, sauvegarde impossible dans les donjons, personnages qui perdent leur attaque s’ils visent un adversaire qui a été tué entretemps…

La référence était tellement obscure aux yeux des occidentaux qu’elle aura été remplacée par un clin d’œil à Zelda dans les autres versions

On déplorera également beaucoup d’aller-et-retours imposés, et surtout un équilibrage encore largement perfectible (le pire donjon du jeu, la caverne de glace, est situé dans la première moitié de la partie). En revanche, au rang des satisfactions, on appréciera que le scénario fasse de réels efforts pour vous offrir, vers la fin de la partie, des révélations aptes à casser un peu la routine, et que n’importe quel joueur de J-RPG puisse s’y plonger aujourd’hui avec une période d’acclimatation minimale. Un bon moyen de découvrir les racines du genre, mais sans doute pas de quoi retenir ceux qui attendent d’un jeu de rôle un peu plus qu’une suite linéaire de combats.

Video – Les quinze premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20 Final Fantasy est un titre dont la vraie force est également la principale faiblesse : celle d'être l'un des premiers logiciels sortis d'un moule façonné par Dragon Quest. Impossible d'être surpris par le déroulement ou les mécanismes du jeu pour n'importe quel joueur s'étant essayé un jour à un J-RPG de l'ère 8-16 bits : on est là face aux fondations d'un genre qui aura mis plusieurs décennies à amorcer une véritable mutation. Les grandes trouvailles de la saga ne sont pas encore présentes, et le programme doit une très large partie de son succès au simple fait d'avoir été un des pionniers du genre sur console ; on y trouvera donc très exactement tout ce qu'on en sera venu à reprocher au J-RPG sur la durée, à savoir une linéarité à toute épreuve et une progression basée essentiellement sur l'accumulation de combats aux mécanismes encore assez limités. Pas de quoi le bouder pour les amateurs de la saga, qui seront heureux d'y retrouver certains des grands thèmes et des personnages largement réutilisés depuis, mais pour le joueur occasionnel à la recherche d'un titre marquant, mieux vaut sans doute ne pas commencer par là. CE QUI A MAL VIEILLI : – Interface poussive et avare en informations – Scénario très largement prévisible, à une révélation près – Grinding à outrance – Combats encore assez limités – Équilibrage un peu bancal

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Final Fantasy sur un écran cathodique :

Version MSX

Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Micro Cabin Corp.
Date de sortie : 1989
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette japonaise testée sur MSX 2+
Configuration minimale : Système : MSX 2
FMPAC supporté
Alors, ce n’est pas à la hauteur de la NES, ça ?

Comme beaucoup de jeux japonais développés en premier lieu pour la NES, Final Fantasy aura connu son premier portage sur un ordinateur aussi populaire en Asie qu’il était boudé en occident : le MSX. L’occasion pour les joueurs parlant japonais (et uniquement eux, hélas) de découvrir une version très proche de l’originale, mais avec des graphismes sensiblement plus colorés, notamment lors des phases de combat. Cela reste suffisamment subtil pour que vous n’ayez pas de raison de retourner ciel et terre pour dénicher cette version – surtout avec la disponibilité des portages du XXe siècle qui auront poussé le curseur un peu plus loin dans ce sens, et qui auront eu le mérite, eux, d’en profiter pour dépoussiérer un peu l’interface (voire pour traduire le jeu). Ici, on reste en terrain parfaitement connu, et le seul regret sera le défilement un peu poussif proposé par la machine à chaque fois que l’on se déplace, c’est à dire 95% du temps. Le reste n’ayant pour ainsi dire pas bougé, autant dire qu’on se trouve face à un jeu qui restera avant tout une curiosité, particulièrement pour les joueurs ne parlant pas japonais, mais qui n’a clairement pas de complexe à nourrir face à la version NES.

Les sprites ont clairement plus colorés dans cette version

NOTE FINALE : 14/20

Final Fantasy sur MSX réalise le portage qu’on était en droit d’attendre : la même chose, avec quelques minimes retouches graphiques, et un défilement qui tire un peu la langue sans que cela pénalise réellement l’expérience de jeu. Une version pleine de charme, mais qui restera difficilement accessible à ceux qui ne parlent pas japonais.

Version WonderSwan Color

Développeur : Tose Co., Ltd.
Éditeur : Square Co., Ltd.
Date de sortie : 9 décembre 2000 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction du jeu :

De toutes les machines qui auraient pu accueillir un portage de Final Fantasy – voire carrément un remake, plus de treize ans après la sortie de la version NES – il aura donc fallu que la toute première se trouve être la confidentielle et très japonaise WonderSwan Color. Un choix qui explique sans doute que cette version, tout comme la machine qui l’héberge, n’ait jamais quitté le Japon, et n’ait surtout jamais été localisée, pas même en anglais. C’est à n’en pas douter le vrai gros point noir de cette itération, qui demeure globalement totalement inaccessible à tous ceux qui ne parlent pas un mot de japonais, sauf à déjà connaître le fonctionnement et le déroulement du jeu par cœur via une des autres versions.

Enfin un peu de couleurs ! C’était quand même triste, tout ce noir

Des traductions de fans existent, mais la plupart sont incomplètes, ce qui se comprend aisément puisque les joueurs auront depuis lors eut tout loisir de se diriger vers les traductions officielles des versions PlayStation et Game Boy Advance. Qu’apporte donc cette version portable ? Une refonte graphique et sonore qui fera clairement penser à Final Fantasy IV sur Super Nintendo, et quelques minimes adaptations dont la plupart seront reprises et étoffées dans Final Fantasy Origins. Autant dire qu’à moins de parler couramment japonais, et d’avoir accès à la fois au jeu et à la cartouche, le commun des joueurs aura plutôt intérêt à se diriger vers les autres portages, mais pour peu que vous ayez la chance de répondre à tous ses critères, vous pourrez bénéficier d’une version plus jolie que sur NES, aussi jouable que sur PlayStation, et sans perdre la difficulté originale comme sur Game Boy Advance. Un très bon compromis, donc.

Le système de jeu n’a pratiquement pas changé

NOTE FINALE : 14,5/20

Final Fantasy sur WonderSwan Color aura eu le mérite d’être la première version à dépoussiérer le jeu et à le doter d’une réalisation un peu plus en phase avec l’âge d’or de la série. Si la refonte graphique et sonore est très appréciable, elle se réserve hélas à des joueurs parlant (et lisant) le japonais. Pour tous les autres, le plus simple est sans doute de se diriger directement vers un portage plus tardif.

Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Looking Glass Technologies, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre alternatif : Ultima Underworld 2 (Gog.com)
Testé sur : PC (DOS)PC-98
Version non testée : FM Towns
Disponible sur : Windows (XP, Vista, 7, 10), MAC OS X (10.6.8)
En vente sur : Gog.com (Mac, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Février 1993
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25 et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 3.3 – RAM : 2Mo
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comment succède-t-on à une révolution ? À cette question, la plupart des historiens que j’ai la chance d’avoir sous la main offrent une réponse unanime : par la continuité, ou par une contre-révolution. Bon, et aussi parfois par un empire qui se met en tête d’aller mettre toute l’Europe au pas, mais je m’égare. Dans le cadre vidéoludique, les choses sont un peu plus simples : les enjeux étant majoritairement économiques, la voie de la continuité est souvent privilégiée – après tout, pourquoi décontenancer un public d’ores et déjà acquis à votre cause ? On ne sera donc pas surpris d’apprendre qu’Ultima Underworld II aura choisi de s’engager, fort logiquement, droit dans les traces du premier opus pour proposer ce à quoi on était en droit de s’attendre : la même chose, mais en mieux.

L’Avatar reprend du service, et il va voyager

Première nouveauté, cependant : cet épisode a cette fois été pensé, dès la conception, pour s’intégrer dans la saga Ultima. Oubliez donc les nains, les hommes-lézards et autres entorses à l’univers canonique : le titre fait à présent directement suite à Ultima VII ; plus précisément, il se déroule un an après la destruction de la Porte Noire.

La fameuse gemme qui vous transportera entre les mondes

Convié à une journée de célébration au château de Lord British, en même temps que la plupart des dignitaires du royaume, l’Avatar que vous êtes se retrouve cette fois pris au piège, avec tout le bâtiment, sous un dôme de rochenoire (« blackrock » en anglais) indestructible invoqué par le Gardien – le grand méchant que vous avez stoppé in extremis un an auparavant. Pour ne rien arranger, voici que des monstres ont désormais envahi les égouts. Mandaté pour mener l’enquête, vous découvrirez rapidement que le sort utilisé par le Gardien a généré, tout au fond des souterrains du château, un curieux artéfact : une gemme aux multiples facettes qui va vous ouvrir l’accès à d’autres mondes…

Attendez-vous à rencontrer des univers… déstabilisants…

Ambition revue à la hausse, donc, pour un jeu qui ne nous propose plus de visiter un unique donjon, mais pas moins de neuf d’entre eux : de la tour remplie de gobelins de Tarna à la cité glacée d’Anodunos, en passant par le monde extraterrestre de Talorus ou la tombe du roi Praecor Loth, vous allez cette fois voir du pays !

Fidèle à lui-même, le Gardien ne perdra jamais l’occasion de vous narguer ou de chercher à vous rallier à sa cause

Et autant dire que l’aspect « aventure » qui était un des points forts du premier opus sera plus que jamais de mise, avec une histoire qui vous imposera de vous familiariser avec tous ces différents univers et leurs habitants – une très bonne occasion, au passage, pour apprendre énormément de choses sur le Gardien et sur l’étendue de son pouvoir, et pour découvrir à quel point Britannia n’est, à ses yeux, qu’une minuscule cible sur un gigantesque tableau de chasse. C’est à la fois un des grands points forts du jeu, mais aussi une de ses faiblesses : les joueurs n’étant pas familier avec la saga, et en particulier avec le septième épisode, risquent de se sentir un peu perdus face à des enjeux qui leur passeront largement au-dessus de la tête. Les autres, en revanche, peuvent d’ores et déjà se préparer à prendre des notes à foison : il y a énormément de choses à faire pour espérer finir le jeu, et beaucoup de personnages vous délivrant des informations importantes ne le font malheureusement qu’une seule fois.

On appréciera les références cachées : cette créature est un Trilkhai, soit un anagramme de Kilrathi…

Soyez donc prêt à vous triturer un peu les méninges et à tenir une liste de choses à faire – vous en aurez besoin. Vous en aurez d’autant plus besoin que le jeu garde plus que jamais une structure ouverte : de l’aveu même des designers, chaque niveau du titre a été pensé pour contenir des monstres trop puissants pour que vous puissiez espérer les vaincre dès votre premier passage. Il faudra donc être prêt à renoncer à explorer une zone un peu trop coriace pour vos capacités pour revenir y faire face plus tard : une volonté louable, mais qui a également l’inconvénient de vous pousser à multiplier les allées-et-venues. Le jeu compte heureusement son lot de raccourcis, mais vos premières heures de jeu pourront parfois s’avérer assez frustrantes, d’autant plus que le programme est très loin d’avoir renoncé à ses séquences de plateforme, bien au contraire.

Les sprites sont bien plus détaillés que dans le premier épisode

Vous aurez heureusement l’occasion de commencer votre aventure un peu mieux équipé que la première fois : votre base d’opération sera après tout le château de Lord British, où vous pourrez facilement revenir vous reposer, demander conseil à vos compagnons, ou simplement faire avancer l’histoire puisque les choses ne vont pas rester figées dans le marbre pendant que vous vous promènerez entre les mondes : attendez-vous à votre lot d’intrigues, de trahisons et d’enquêtes.

Plusieurs passages réclameront une véritable habileté

Ce sera également un très bon endroit pour procéder à vos montées de niveaux puisque, autre nouveauté, les sanctuaires et leurs mantras ont disparu. Dorénavant, vos points d’aptitude pourront être dépensés en rendant visite à un entraîneur, qui vous fera progresser dans une série de domaines au choix, exactement comme dans Ultima VII. Cela vous demandera bien sûr de chercher un peu pour trouver qui peut vous former dans les compétences qui vous intéressent – mais aussi pour trouver qui est le meilleur dans ce domaine, car tous les entraîneurs ne se valent pas toujours. On regrettera par contre que le jeu vous force un peu la main pour donner une utilité à certaines aptitudes : il n’y a par exemple pas une seule personne dans tout le jeu pour vous proposer de réparer votre équipement, il faudra vous former pour apprendre à le faire vous-même…

Les conversations sont une mine d’informations sur le Gardien et sur la dernière trilogie de la saga

Ces quelques détails mis à part, on se retrouve immédiatement en terrain connu, et on appréciera au passage que le jeu ait daigné procéder à un petit ravalement de façade. Ainsi, l’interface a été revue pour déplacer les icônes d’action en bas à droite. Gain évident : la fenêtre de jeu profite de l’espace ainsi gagné pour être 30% plus grande que celle du premier épisode – ce n’est pas encore le plein écran, mais on prend quand même.

Souvenez-vous que vous voyagerez essentiellement en terre ennemie

Les textures, en plus d’être beaucoup plus variées (voyage entre les mondes oblige), sont également plus précises et mieux dessinées, mais l’amélioration la plus évidente se situe au niveau des sprites, bien plus convaincants que dans le premier épisode. L’environnement gagne immédiatement en crédibilité : on reconnait tout de suite une chambre, avec un lit et une cheminée, une table, des chaises… et les portraits lors des dialogues sont également bien plus grands, et souvent dessinés à partir de digitalisations. Seule l’ambiance sonore m’a parue légèrement moins convaincante, mais il s’agit avant tout d’une question de goûts. Bref, les programmeurs ne sont pas restés à se tourner les pouces pendant un an, et on les en remercie.

On est toujours aussi heureux de profiter d’une carte automatique

En dépit de toutes ces qualités, il faut reconnaître que la magie opère un peu moins, peut-être parce qu’on se retrouve immédiatement bombardé d’informations dans un monde qui part du principe qu’il nous est familier. Si les fans de la saga seront heureux de recroiser Iolo, Dupre, Julia ou Lord British, force est de constater que la plupart de vos compagnons n’ont pas grand chose d’intéressant à dire, et que le jeu a toutes les peines du monde à justifier qu’ils restent tranquillement au château à se compter les doigts de pied pendant qu’on se farcit tout le boulot tout seul, alors même qu’ils vous avaient accompagné pour arrêter le Gardien douze mois auparavant.

Il est toujours possible de nager, et ce sera d’ailleurs souvent indispensable

Le level design faisant la part belle aux séquences d’adresse et aux énigmes à base de leviers n’est pas non plus toujours très convaincant, et on regrettera que rien n’ait été entrepris pour nous empêcher de détruire bêtement des objets indispensables à la réalisation de l’aventure. En revanche, l’histoire passionnera sans aucun doute les férus de la dernière trilogie de la saga, et les amènera à verser une petite larme en constatant à quel point toutes les informations contenues dans cet épisode, dans Serpent Isle ou dans Ultima VIII auront au final été jetées à la poubelle pour proposer un neuvième épisode « plus accessible aux néophytes » qui aura laissé aux joueurs de la première heure sensiblement la même sensation qu’un pet foireux. Mais ceci est une autre histoire… Pour tous les amateurs d’Ultima – et pour les autres – voici en tout cas une excellente occasion de passer un bon moment, à condition, malgré tout, de posséder un bon niveau d’anglais.

Note : Comme pour le premier épisode, la version CD-ROM du jeu est strictement identique à celle parue sur disquettes.

Video – Les dix premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 En s'inscrivant d'entrée de jeu dans la chronologie canonique de la saga dont il porte le nom, Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds aura gagné en épaisseur ce qu'il aura perdu en magie. Désormais impliqué dans une quête inter-planaire entre des mondes tombés aux mains du Gardien, le joueur passera une nouvelle fois un très bon moment, en étant malgré tout moins surpris en dépit des efforts réels du titre pour proposer une aventure dépaysante. Si la réalisation et l'écriture ont indéniablement progressé, on regrettera malgré tout que l'histoire ait fait le choix d'être nettement moins accessible aux non-initiés, quitte à laisser les rôlistes ne s'étant jamais frottés à Ultima VII un peu sur le carreau. Un titre qu'on recommandera néanmoins à tous ceux qui ont apprécié le premier épisode – et à tous les amateurs d'Ultima en général. CE QUI A MAL VIEILLI : – Peu de nouveautés – Beaucoup d'aller-et-retours – Pratiquement impossible à finir sans prendre de notes – On peut facilement détruire un objet de quête sans même le savoir

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima Underworld II sur un écran cathodique :

Version PC-98

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Electronic Arts Victor
Date de sortie : 17 mars 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme le premier épisode avant lui, Ultima Underworld II allait poursuivre sa route sur PC-98 – ce qui lui aura quand même demandé un peu plus de deux ans. Comme très souvent avec les portages vers les système japonais des années 90, inutile d’attendre les adaptations exotiques avec graphismes en haute résolution comme on pouvait en voir dans les années 80 : c’est, dans les grandes largeurs, exactement le même jeu que sur PC, avec des graphismes en VGA qui n’ont pas bougé d’un pixel et un déroulement conservé à l’identique. Une nouvelle fois, la seule différence – en plus de la langue, naturellement, le jeu étant exclusivement jouable en japonais – est à aller chercher du côté de la musique, où le processeur sonore du PC-98 n’est clairement pas à la hauteur de ce que pouvait offrir une Roland MT-32, ou même une Sound Blaster. C’est d’autant plus frustrant qu’il était normalement tout à fait possible de connecter la machine de NEC à une interface MIDI (comme c’était le cas sur Eye of the Beholder II ou Dungeon Hack pour citer d’autres portages de jeux de rôle occidentaux) mais si l’option est disponible ici, je ne serai pas parvenu à l’activer. Le résultat, s’il sonne assez faux lors de l’introduction, reste largement correct une fois en jeu. Pour tout le reste, je peux vous renvoyer directement au test de la version originale.

Les seules différences graphiques seront à aller chercher du côté des polices d’écriture

NOTE FINALE : 17/20

On retrouve sur PC-98 la version d’Ultima Underworld II qu’on s’attendait à y trouver – à savoir à peu près la même chose que sur PC, mais en japonais. Dommage que le rendu sonore n’égale pas ce que pouvaient offrir les meilleurs configurations sous DOS, mais cela reste une question de goût.

Ultima Underworld : The Stygian Abyss

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Blue Sky Productions
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre alternatif : Ultima Underworld 1 (Gog.com), ウルティマ アンダーワールド (Japon)
Testé sur : PC (DOS)PC-98PlayStation
Version non testée : FM Towns
Disponible sur : MAC OS X (10.6.8), Windows (XP, Vista, 7, 10), Windows Mobile
En vente sur : Gog.com (Mac, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 5,25 (x5) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 2Mo
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction du jeu :

Le jeu vidéo est un secteur qui connait finalement assez peu l’injustice. Bien sûr, il peut arriver qu’un logiciel ne connaisse pas d’emblée un succès qui aurait paru mérité, voire qu’il se montre si outrageusement visionnaire qu’il soit boudé à son lancement par les joueurs – pas toujours aussi réceptifs à l’innovation qu’ils veulent bien le croire – pour être réhabilité après coup. Mais les titres véritablement révolutionnaires signent quasi-systématiquement des succès planétaires mérités, ce qui vaut à leur nom d’être connus par les joueurs de toutes les cultures et de toutes les générations, quand bien même ceux-ci n’ont jamais eu l’occasion de s’y essayer.

Oubliez les cases : vous voici désormais dans un vrai donjon en temps réel

Et pourtant, il est temps que l’on se penche aujourd’hui sur une des cruelles exceptions à cette règle sacrée. Je ne pense pas prendre un grand risque en affirmant que n’importe qui ayant un minimum de culture vidéoludique a aujourd’hui nécessairement entendu prononcer des noms comme Dungeon Master, Final Fantasy, Fallout ou Dragon Quest. Mais le nom d’Ultima Underworld, lui, est nettement moins cité, cruellement éclipsé par celui d’un titre techniquement inférieur et qui lui doit pratiquement tout : Doom. La légende veut d’ailleurs que ce soit en voyant tourner une démo du titre de Blue Sky Productions que John Carmack et John Romero aient eu l’idée du fameux Wolfenstein 3D. Mais le succès indéniable de ces deux premiers FPS aura fini par faire quelque peu oublier le véritable précurseur des jeux en 3D texturée – une cruelle injustice qu’il convient de réparer sur le champ. Découvrons donc ensemble un titre produit par un certain Warren Spector, et dont l’influence se sera étendue non seulement à Wolfenstein 3D et Doom, mais aussi à des titres comme Deus Ex, BioShock, la saga des Elder Scrolls et même Gears of War.

Le bestiaire est varié et vous demandera de faire preuve d’adresse

Le jeu prend place dans l’univers de la saga Ultima, et pas n’importe où : dans le Grand Abîme Stygien, le donjon final d’Ultima IV, celui-là même où l’Avatar (c’est à dire vous) était allé chercher le Codex de la Sagesse Ultime. Les choses ont cependant bien changé : un idéaliste nommé Cabirus a entrepris, après votre départ, de transformer le terrible donjon en une folle utopie ; une colonie où cohabiteraient en paix toutes les races et les cultures de Britannia, dans le respect des huit vertus.

N’hésitez pas à consacrer beaucoup de temps à créer votre personnage : quelques points de caractéristique peuvent faire une grosse différence

Malheureusement, le grand rêve n’aura pas survécu à la mort, dans des circonstances douteuses, de Cabirus : après bien des années de chaos et d’anarchie, la grande colonie n’est rien de plus qu’une sordide prison où le notable en poste sur l’Île de l’Avatar, le baron Almric, fait expédier les petits criminels. Mais voilà qu’une nuit, le fantôme d’un dénommé Garamon vous apparaît en rêve pour vous prévenir que son frère, Tyball, est sur le point de lâcher un mal terriblement puissant sur Britannia. Il vous entraîne donc dans le royaume que vous avez si souvent sauvé – au pire endroit, hélas : dans la chambre de la fille du baron Almric, Arial, au moment où celle-ci est en train de se faire enlever. Désormais considéré comme le principal suspect par le baron qui refuse de croire que vous puissiez être l’Avatar, vous êtes expédié de force dans le donjon que vous avez été le premier à vaincre, avec pour mission de ramener Arial… et d’enquêter sur ce grand mal pour lequel Garamon a été prêt à venir vous chercher depuis le royaume des morts.

Une très large partie du jeu se jouera par la discussion. Vous pourrez même apprendre la langue des hommes-lézards !

D’entrée de jeu, on sent donc immédiatement que l’habituel prétexte de n’importe quel dungeon crawler aura ici largement bénéficié de l’univers de la saga Ultima (même s’il aura été rattaché tardivement à la série, ce qui se ressent immédiatement quand on voit toutes ces races exotiques absentes des épisodes « canoniques »). On pourrait penser, en lançant la partie, que l’objectif sera le même que celui du premier Dungeon Master venu : descendre le plus vite possible au fond du donjon pour y vaincre le boss final.

Certains monstres représenteront de vrais défis

Sauf que cette approche ne vous mènera, dans les faits, strictement à rien : Ultima Underworld est un jeu beaucoup plus ambitieux qu’il n’en a l’air, et l’enchaînement porte-monstre-trésor qui constituait encore le B-A-BA de la grande majorité du genre en 1992 ne l’intéresse pas. Mais pour bien comprendre la forme prise par cette révolution évoquée en introduction de cet article, mieux vaut commencer par se plonger sur le déroulement de l’aventure en elle-même.

N’attaquez pas à vue : plusieurs communautés, comme celle des nains, sont pacifiques

La partie commence par la création de votre personnage – pas de groupe ici, comme le scénario vous l’aura déjà fait comprendre. Nom, sexe, classe (parmi les huit de la saga), et jusqu’à savoir si vous êtes gaucher ou droitier – tout cela sera laissé à votre discrétion, avec des caractéristiques tirées au hasard. Vous remarquerez également que selon votre classe, on pourra vous demander de donner un bonus à une série d’aptitudes, parmi lesquelles on reconnaîtra les habituelles compétence martiales, mais aussi des capacités plus inhabituelles comme la natation, la discrétion ou la négociation – une vingtaine au total, qui vous informeront immédiatement que votre épopée ne se limitera pas à taper sur des monstres. Puis la partie commence, et vous place exactement là où l’introduction vous avait laissé : à l’entrée de l’Abîme.

Vous enfoncer dans l’Abîme sera l’occasion de vous rappeler que le donjon a été bâti dans un volcan

Difficile d’aborder le titre sans parler de la prouesse technologique qu’il représentait pour l’époque : c’était le tout premier titre du genre en 3D texturée. Le plus frappant est d’ailleurs de constater à quel point ce moteur 3D est en avance sur celui de jeux comme Wolfenstein 3D, par exemple, et qui offrait un monde plat où seuls les murs étaient texturés.

Il est même possible d’apprendre à entretenir son équipement

Ici, non seulement le sol et le plafond le sont aussi, mais on a même le droit à des pentes, des reliefs, une gestion de la lumière, et même à un moteur physique qui vous permettra, par exemple, de voir un objet dévaler une pente ou un projectile rebondir contre un mur – autant de choses qu’on ne trouvera toujours pas dans Doom, pourtant sorti un an et demi plus tard ! On appréciera d’ailleurs que la fenêtre de jeu soit plus grande que celle de la plupart des dungeon crawler, et que l’ambiance s’installe dès les premières secondes de jeu, où vous allez commencer par fouiller les environs immédiats pour trouver le minimum vital : vos premières torches, vos premières armes, vos premières runes (particulièrement importantes pour les magiciens, mais nous y reviendrons), et surtout une très précieuse carte automatique (et annotable !) qui vous aidera à vous repérer dans un des donjons les plus crédibles et les plus immersifs qu’on ait pu visiter alors.

Les sanctuaires vous permettront d’améliorer vos aptitudes – si vous avez les points et les mantras nécessaires

L’un des aspects les plus intéressants du jeu est ainsi de vous placer dans la peau d’un captif comme les autres, littéralement débarqué avec les poches vides, et de devoir apprendre à domestiquer l’environnement autour de vous. Première donnée importante : tous les êtres vivants que vous croisez, fussent-ils des humains, des gobelins, des nains, des hommes-lézards ou même des goules, ne sont pas nécessairement vos ennemis. N’oubliez pas que l’Abîme Stygien a été une colonie : de nombreuses communautés y vivent encore, en plus ou moins bonne intelligence, et attaquer tout le monde ne vous servira à rien.

Avec de bons yeux, vous pourrez distinguer une porte secrète

Non seulement cela vous conduirait souvent à vous faire purement et simplement massacrer, mais surtout, cela vous empêcherait de mener votre enquête et d’acquérir des informations, d’abord sur ce qu’a pu devenir Arial mais également sur le fonctionnement de la colonie, sur ce que Cabirus avait cherché à accomplir, et sur ce fameux mal que vous ne pourrez de toute façon pas espérer vaincre par la force pure. Précipitez-vous jusqu’au huitième et dernier niveau du donjon, et vous réaliserez vite que vous n’avez encore rien accompli : la quête principale est longue et complexe, et ne pas la mener scrupuleusement risque surtout de vous conduire à sacrifier des éléments indispensables sans même le savoir. Il faudra composer non seulement avec des combats, mais également avec des énigmes, des passages secrets, des langues à apprendre (!) et même des passages de plateforme ! Car oui, il est possible de sauter, de regarder vers le haut et le bas, bref, de s’y croire à fond, et ça marche.

La carte automatique est très, très pratique

Le système de combat, entièrement jouable à la souris, est ainsi très bien conçu : le placement de votre curseur influera sur le type de coup, et frapper d’estoc ou de taille selon que vous teniez une épée, une hache ou une massue ne donnera pas les mêmes résultats. La mobilité sera souvent la clé – une donnée alors assez nouvelle pour l’époque, où on avait certes pris l’habitude de tourner autour des monstres, mais pas de se battre en temps réel en essayant d’acculer un adversaire pour l’empêcher de fuir, ou en prenant garde de ne pas tomber d’un pont ou d’une corniche en cherchant à éviter ses coups.

Un adversaire mort abandonne son butin directement au sol

Heureusement, la maniabilité est une fois de plus irréprochable, et on en vient presque à être étonné, vingt-cinq ans plus tard, de se déplacer aussi naturellement à la souris là où la quasi-totalité des jeux du même type nous ont depuis habitué à le faire au clavier ou au pad. En revanche, la progression du personnage est un peu plus surprenante : on gagnera, à chaque montée de niveau, des points d’aptitude qu’on pourra dépenser en priant à des sanctuaires reconnaissables à leur croix ansée (un symbole majeur de la saga depuis le quatrième épisode) à l’aide de mantras (des chants à réciter) que vous ne connaîtrez pas au début du jeu.

N’allez surtout pas croire que tous les humains sont pacifiques !

Il vous faudra ainsi les découvrir, sachant que certains d’entre eux amélioreront plusieurs de vos capacités là où d’autre se focaliseront sur une seule. La grande richesse de ce système, c’est que rien n’interdit à votre guerrier de prier pour améliorer ses capacités magiques ou son aptitude à crocheter, ce qui fait qu’il est tout à fait possible de se fabriquer un personnage sur mesure plutôt que d’être limité par sa classe – un magicien pouvant largement être tenté, par exemple, de sacrifier quelques points pour améliorer ses aptitudes martiales le temps de mettre la main sur les runes qui lui manquent.

Garamon n’hésitera pas à revenir vous parler dans vos rêves

Le système de magie du jeu reprend d’ailleurs celui de la saga : il faudra composer chaque sortilège syllabe par syllabe en alignant jusqu’à trois runes dans l’espace prévu à cet effet. Les habitués de la série retrouveront immédiatement leurs marques (même avec deux décennies de recul, je me souvenais qu’un sort de lumière correspondait à In Lor…), les autres feront appel au manuel, et découvriront vite qu’il est possible de deviner des sorts par pure logique selon la signification des runes.

Sachez caresser vos interlocuteurs dans le sens du poil

On appréciera également l’existence d’un système de troc impacté par vos aptitudes, de la gestion du poids, de l’encombrement, de la lumière, de la faim et de la soif (d’une façon heureusement pas trop intrusive)… Le tout enrobé d’une réalisation qui n’impressionnera naturellement plus personne, mais qui véhicule malgré tout à merveille l’ambiance qu’on est en droit d’attendre d’une expédition solitaire au sein d’un donjon aussi marquant. On remarquera d’ailleurs un vrai effort dans la variété des environnements : bois, pierre, crépis, bannières, étendues d’eau, de lave, cascades, brume… il est même possible de nager ! Autant dire qu’on se prend vite au jeu, notamment avec les superbes mélodies qui placent merveilleusement l’univers, surtout si vous avez la chance de posséder une Roland MT-32, avec laquelle même les bruitages sont meilleurs qu’avec une Sound Blaster. Comptez facilement une quinzaine d’heures pour voir le bout de l’aventure – non seulement vous ne le regretterez pas, mais vous pourriez même être tenté d’y retourner régulièrement.

Note : les versions disquettes et CD-ROM du jeu sont exactement identiques.

Video – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 (Tilt n°109, décembre 1992) – Meilleur jeu de rôle micro
  • Role-Playing Game of the Year 1992 (jeu de rôle de l’année) – Computer Gaming World
  • Best Science Fiction or Fantasy Computer Game (meilleur jeu de science-fiction ou médiéval fantastique) – Origin Awards (1992)
  • Best RPG in 1992 (meilleur jeu de rôle de 1992) – PC Games (1993)
  • #8 dans les « cent jeux les plus importants des années 90 » – Gamestar (1999)
  • #8 Top Game of all time (8ème meilleur jeu de tous les temps) – Gamespy (2001)
  • #62 Best Game of All Times (Reader’s Vote) (62ème meilleur jeu de tous les temps (vote des lecteurs) – Retro Gamer (2004)

NOTE FINALE : 18/20 Il est proprement incroyable qu'un titre à l'influence et aux répercussions aussi colossales qu'Ultima Underworld ne jouisse pas aujourd'hui d'une renommée éclipsant à elle seule celle de tous les autres jeux de rôles, tant le logiciel imaginé par Warren Spector et Paul Neurath aura bouleversé à tout jamais l'histoire du jeu vidéo. Au-delà de l'extraordinaire prouesse technologique et de l'impact qu'elle aura eu sur la production vidéoludique, il faudra surtout retenir la très grande qualité du jeu sur le plan de l'écriture et de la conception ludique, qui permet au logiciel d'avoir bien mieux vieilli que la quasi-totalité de ses prédécesseurs – on peut encore très facilement y engloutir des dizaines d'heures, tant les éléments correspondant à la conception moderne du jeu de rôle sont déjà tous présents, et sous une forme remarquablement ergonomique. Le titre avait été plébiscité à sa sortie et mériterait de l'être aujourd'hui encore, en véritable père fondateur de pratiquement toute l'ère moderne du jeu vidéo. Une légende à laquelle n'importe quel rôliste doit avoir joué au moins une fois dans sa vie. CE QUI A MAL VIEILLI : – Système de montée de niveau assez contraignant – On peut détruire des objets de quête sans le savoir – Pas de traduction française

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima Underworld sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« J’affirme qu’Underworld vient briser de nouvelles barrières dans le domaine des jeux en 3D. Il représente le premier pas vers la ‘réalité virtuelle’, c’est à dire le jeu de demain. L’innovation technique d’Underworld, inspirée des travaux de Chris Roberts et de l’influence ‘mystique’ de Richard Garriot (sic), a contribué à faire de ce jeu un produit révolutionnaire. Désormais, on parlera de l’avant-Underworld et de l’après-Underworld. »

Man-X, Tilt n°100, Mars 1992, 20/20

Version PC-98

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Electronic Arts Victor
Date de sortie : 17 décembre 1993 (version 256 couleurs) – 25 février 1994 (version 16 couleurs)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Disquette 5,25 (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 256 couleurs
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les lecteurs assidus du site doivent commencer à connaître le PC-98, gamme d’ordinateurs personnels de NEC qui aura constitué un terrain d’accueil privilégiés pour les portages de jeux de rôle occidentaux. On ne mettra d’ailleurs pas longtemps à réaliser pourquoi : en termes de contenu ou de réalisation graphique, cette version est exactement équivalente à celle commercialisée sur PC – même si on notera l’apparence d’une version en 16 couleurs, petite curiosité qui n’aurait sans doute pas été très bien accueillie en Europe ou aux États-Unis à la même date. La seule différence serait plutôt à aller chercher du côté du son : les thèmes musicaux sont plutôt moins bons que ce qu’autorisaient une Roland MT-32 ou une Sound Blaster, et tendent à s’avérer sensiblement plus répétitifs que les magnifiques morceaux atmosphériques qui seyaient si bien à la version originale. Le morceau qui accompagnait les combats a d’ailleurs été modifié, et le résultat n’est pas non plus très enthousiasmant, tout comme le fait que les voix digitalisées aient purement et simplement disparu – vraiment rien de dramatique, mais quand on sait à quel point l’atmosphère du jeu repose sur le son, on ne peut que regretter que le résultat ne soit pas un peu plus convaincant. Pour le reste, le jeu n’a pas changé d’un micron, à un détail près : il est désormais intégralement en japonais, et ce n’est pas négociable.

Temps d’adaptation : néant, surtout si vous parlez japonais

NOTE FINALE : 17,5/20 (version 256 couleurs)

Comme attendu, Ultima Underworld sur PC-98 livre une prestation très semblable à celle observée sur PC. Le seul regret, en-dehors de l’impossibilité de jouer en anglais, sera à aller chercher du côté sonore, pas à la hauteur de ce qu’on pouvait entendre sur les version occidentales.

Version PlayStation

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Electronic Arts Victor
Date de sortie : 14 mars 1997 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : CD-ROM
Contrôleur : Manette
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (7 blocs)

Vidéo – L’introduction du jeu :

Même si la date pourra surprendre (cinq ans presque jour-pour-jour après sa sortie sur PC), pour la beauté de la chose, il était presque indispensable que l’un des premiers annonciateurs de la révolution 3D débarque sur la console qui aura sans doute le plus contribué à ladite révolution, c’est à dire la PlayStation. Il l’aura malheureusement fait sous la forme d’une exclusivité japonaise, le marché des jeux de rôle occidentaux n’étant visiblement pas assez en forme aux yeux d’Electronic Arts pour justifier une commercialisation en occident (ceux-ci, il est vrai, étaient loin de la popularité qu’ils avaient connue une décennie plus tôt).

Le jeu cherche à tout prix à faire oublier ses origines occidentales

Pour l’occasion, la réalisation aura subi un petit coup de chiffon, avec notamment une introduction entièrement redessinée, selon une approche qui rappelle un peu le traitement réservée à Super Wing Commander. On remarquera d’ailleurs que les portraits des personnages lors de la création de votre avatar adoptent dorénavant un style nettement plus japonisant – pourquoi pas, c’est le marché visé, après tout. La vraie surprise arrive une fois en jeu : le moteur, s’il n’a pas énormément évolué depuis la version PC, est cette fois affiché en plein écran. La jouabilité au pas demandera un temps d’adaptation, mais elle est finalement assez bien pensée : on peut baisser ou lever les yeux avec L1, et la plupart des actions s’accomplissent en faisant apparaître un curseur à l’aide de R1 ; l’inventaire, lui, est relégué dans une fenêtre à part.

La modélisation des monstres vaut ce qu’elle vaut, mais jouer en plein écran est un avantage bienvenu

Plus surprenant : si les objets sont toujours des sprites, les monstres et les PNJs, eux, ont été modélisés en 3D ! Bon, le résultat n’est pas franchement enthousiasmant, que ce soit à cause du manque de polygones (les rats ressemblent à des boudins à pattes) ou surtout du manque absolu de phases d’animation, les personnages se mouvant à deux images par seconde.

Manier l’inventaire demandera un peu de pratique

Néanmoins, même si cela est parfois un peu grotesque, cela ne brise pas trop l’immersion, d’autant que le jeu tourne de manière très fluide et que la bande sonore profite désormais du support CD-ROM, pour un résultat assez proche de ce que que permettait la Roland MT-32. Quant au déroulement, il n’a pour ainsi dire pas changé, même si ma méconnaissance du japonais m’empêche de me prononcer avec assurance à ce sujet. C’est d’ailleurs là le seul vrai gros défaut d’une version qui aurait autrement pu représenter une alternative parfaitement valable aux yeux des joueurs : celui d’être totalement inaccessible aux joueurs ne parlant pas japonais. Mais si cela ne vous pose pas de problème, n’hésitez pas à découvrir cette version surprenante.

Si vous voulez profiter de l’histoire, il vous faudra savoir lire le japonais

NOTE FINALE : 18/20

Ultima Underworld, à la manette et sur PlayStation ? L’idée est surprenante, mais l’exécution est plutôt réussie, avec notamment une jouabilité bien réadaptée pour l’occasion, et un moteur que la console de Sony fait tourner comme un charme. Si vous parlez japonais, n’hésitez pas à lui donner une chance : le jeu est toujours aussi bon.

La Geste du Barde : The Bard’s Tale

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre original : Tales of the Unknown – Volume I : The Bard’s Tale (États-Unis)
Titres alternatifs : Bard’s Tale (titre usuel), The Bard’s Tale (NES)
Testé sur : Apple ][AmigaCommodore 64Apple ][gsAtari STPC (DOS)Amstrad CPCPC-98ZX SpectrumMacintoshNES
Disponible : au sein de la compilation The Bard’s Tale Trilogy (Windows, Macintosh)
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows), Steam.com (Macintosh, Windows)

La saga Bard’s Tale (jusqu’à 2000) :

  1. La Geste du Barde : The Bard’s Tale (1985)
  2. The Bard’s Tale II : The Destiny Knight (1986)
  3. The Bard’s Tale III : Thief of Fate (1988)
  4. The Bard’s Tale Construction Set (1991)

Version Apple ][

Date de sortie : Septembre 1985
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II+ – OS : Aucun
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Cela a probablement déjà été dit sur ce site, mais si on cherchait à classer les jeux de rôles informatique depuis leur création, on pourrait sans difficulté faire tenir toute la production des années 80 (et même d’une large partie des années 90) dans trois catégories : les jeux ayant puisé dans Ultima, les jeux ayant puisé dans Wizardry, et les jeux ayant puisé dans Dungeon Master. L’influence de ces trois titres est d’ailleurs si immense qu’elle déborde largement le cadre du marché occidental : des sagas comme Dragon Quest, Final Fantasy ou Phantasy Star ont elles aussi très largement trouvé leur inspiration et leurs mécanismes de jeu dans ces monuments – et ne l’ont pas oublié, à tel point que Wizardry est aujourd’hui devenu une licence bien plus vivante au Japon qu’en occident.

La Guilde des Aventuriers : le point de départ de toutes vos expéditions

Cela ne signifie pas pour autant que tous les jeux de rôles parus sur la même période ne sont que des clones sans intérêt ni imagination. Il arrive régulièrement que l’élève dépasse le maître, et qu’un peu d’ambition accompagnée de quelques très bonnes idées fassent émerger un titre majeur, quelle que soit l’ampleur de ses emprunts aux glorieux pères fondateurs du genre – et les séries japonaises évoquées un peu plus haut en sont un excellent exemple. Et s’il fallait citer un logiciel ayant marqué au fer rouge toute la deuxième moitié des années 80 en s’appuyant quasi-intégralement sur les fondations érigées par Wizardry, nul doute que le premier nom à sortir serait quasi obligatoirement celui de Bard’s Tale.

Bienvenue à Skara Brae. Autant vous prévenir : mieux vaut sortir accompagné

Dans tous les jeux de rôle, il faut un adversaire : celui-ci sera ici incarné par Mangar, un sorcier maléfique ayant placé la ville de Skara Brae sous sa coupe – et dans un hiver éternel. Retranché dans sa tour, le magicien laisse les créatures les plus maléfiques parcourir les rues de la cité. S’aventurer hors de chez soi est déjà très risqué de jour ; de nuit, c’est même carrément suicidaire. Le rôle de votre groupe d’aventuriers sera donc de survivre assez longtemps au sein de la ville pour gagner en puissance et s’en aller défier Mangar. Sauf que, comme vous pouvez vous en douter, le chemin sera long, périlleux, et suffisamment grandiose pour être le matériau dont on fait les légendes…

N’acceptez pas de Doppelganger dans votre équipe ! Vous risquez de le regrettez

Comme à peu près tous les autres titres du genre sur la même période, Bard’s Tale tire directement une grande partie de son système de jeu de Donjons & Dragons : des classes de personnage, des races, les caractéristiques habituelles (force, intelligence, dextérité…) notées sur 18, une classe d’armure dont la qualité augmente alors que sa valeur baisse, et des lancers de dés impossibles à modifier qui vous feront passer des heures à créer l’équipe de vos rêves ; les habitués du genre ne devraient pas être dépaysés. Seule différence : il n’y a pas d’alignement, et savoir si vos héros sont bons ou mauvais sera désormais laissé à votre entière discrétion. Exactement comme dans Wizardry, vous devrez créer une équipe de six personnes disposées en deux lignes : les trois de devant seront les seuls à pouvoir porter – ou encaisser – des coups au corps à corps, et auront donc pour principale mission de servir de rempart à votre deuxième ligne, constituée de lanceurs de sorts, et qui deviendra rapidement votre plus redoutable force de frappe. Jusqu’ici, on peut dire qu’on est en terrain connu, mais le titre imaginé par Michael Cranford et le reste de son équipe (dont un certain Brian Fargo, créateur d’Interplay Productions et futur auteur de jeux comme Wasteland) a la très bonne idée de venir mettre son grain de sel un peu partout et de proposer un programme plus dépaysant qu’on ne pourrait le penser au premier abord.

Le soin apporté à la réalisation fait plaisir à voir

Du côté des classes de personnages, tout d’abord, on trouvera quelques surprises, comme le moine, beaucoup plus efficace lorsqu’il se bat à mains nues, et surtout le barde qui prête son nom au titre, et qui pourra faire bénéficier toute l’équipe de bonus en combat comme en-dehors, à la condition d’aller régulièrement se rincer le gosier dans une des tavernes de la ville faute de quoi, il perdra sa voix et ne pourra plus chanter (tiens, déjà un premier mécanisme original).

On peut rentrer dans tous les bâtiments de Skara Brae

Plus surprenant : il n’y a pas de classe de soigneur à proprement parler (pas de prêtre, dont c’était généralement le rôle) mais pas moins de cinq types de magiciens, dont trois correspondant à des « classes avancées » qui ne seront accessibles qu’aux lanceurs de sorts maîtrisant déjà au moins trois niveaux de magie. Un magicien ayant changé de spécialisation ne pourra plus reprendre une école oubliée, mais gardera l’usage de tous les sorts qu’il avait appris jusqu’ici. Parvenez à créer un magicien maîtrisant la totalité des sorts des quatre écoles de magie et vous obtiendrez la cinquième classe : l’archimage, de très loin l’unité la plus puissante du jeu. Sauf que, vu l’expérience requise pour accomplir cet exploit, cela demandera bien évidemment un temps considérable…

Presque tous les coffres sont piégés : un travail pour votre voleur ou votre magicien

Mais les jeux de rôles de l’époque reposant principalement sur le grinding – l’accumulation de combats afin de gagner de l’expérience est l’un des principaux moteurs du genre – on ne sera pas surpris d’avoir à monter lentement une équipe dans la douleur. À ce titre, le jeu est toujours l’héritier de Wizardry : voir toute votre équipe se faire décimer au premier combat n’aura absolument rien d’exceptionnel. Oui, c’est très dur et oui, ressusciter un personnage coûte toujours une fortune… tout comme le soigner, d’ailleurs, puisqu’il est impossible de se reposer ou d’aller dormir quelque part, et que votre salut passera par des temples qui factureront chèrement leurs services.

Même les crédits du jeu sont cachés dans une des bâtisses de la ville !

Aucune classe de magicien n’ayant accès à des sorts de guérison dès le premier niveau, autant dire que vos premières heures de jeu ressembleront à une délicate partie de chat et la souris, où vous devrez vous efforcer de détaler devant tous les groupes un peu trop coriaces pour vous et vous jeter sur tout ce qui ressemble à une cible facile (soit pas grand chose au tout début du jeu). Autant dire qu’il sera tout à fait naturel de ne pas vous embarrasser à ressusciter des personnages de niveaux un, et qu’il y aura une forte rotation de personnages flambant neufs dans vos premières équipes, le temps de parvenir à accumuler suffisamment d’argent et d’expérience pour bâtir un noyau dur de personnages enfin aptes à faire plus de quelques mètres depuis la guide des aventuriers sans se faire massacrer en chemin. La bonne nouvelle, c’est qu’on ressent dramatiquement la montée en puissance consécutive à un changement de niveau : dans un jeu où le moindre point de caractéristique peut faire toute la différence, un guerrier doté de vingt points de vie n’aura pas du tout la même longévité qu’un combattant en possédant deux fois moins, et le moment où vos magiciens commenceront à pouvoir jeter des sorts touchant tout un groupe de monstres plutôt qu’un ennemi isolé va représenter un cap particulièrement jouissif dans votre façon d’aborder les très nombreuses rencontres du jeu.

Les donjons sont plus immersifs que jamais

Certains des connaisseurs des jeux de l’époque auront peut-être levé un sourcil interrogateur en lisant des mots comme « rues » ou « cité ». Contrairement à Wizardry, où la ville n’était qu’un simple menu proposant les différents services indispensables, Skara Brae sera ici un terrain de jeu à part entière. La fenêtre de jeu vous permettra d’ailleurs d’apprécier l’architecture de la ville, avec une variété dans les édifices très appréciable pour un jeu paru sur Apple II.

Apprenez à fuir les combats perdus d’avance

Absolument tous les bâtiments sont visitables, ce qui sera d’ailleurs indispensable puisque loin de contenir un seul donjon, le titre en comprend plusieurs qu’il vous appartiendra de trouver, et l’exploration sera aussi indispensable que de savoir faire usage des rares indices distillés par le titre pour connaître la prochaine étape de votre périple – n’espérez d’ailleurs pas jouer sans avoir le manuel sous la main, tant celui-ci saura vous donner les clefs nécessaires au début de votre aventure. Ce même manuel vous délivrera d’ailleurs également les repères indispensables à la cartographie des différents niveaux parcourus – n’imaginez pas aller loin dans l’aventure sans tracer minutieusement les plans de tous les environnements du jeu. Dans le même ordre d’idée, faire monter vos personnages de niveau ne sera possible que devant une assemblée de sage nommée « Review Board » et dont l’emplacement… n’est indiqué nulle part, pas même sur la carte fournie avec le jeu. Il faudra donc commencer par livrer une fouille méthodique pour savoir où faire progresser vos héros… Oui, autant être prévenu : Bard’s Tale est un jeu où tout, absolument tout, se mérite.

Les temples seront votre planche de salut en début de partie

Autre originalité : vous remarquerez rapidement un emplacement supplémentaire en plus des six de base au sein de votre groupe. C’est qu’il sera tout à fait possible, au sein de vos voyages, d’accueillir dans vos rangs un monstre repenti – voire, plus intéressant encore, d’en invoquer un. Cela élargit encore vos possibilités, car s’il vous sera impossible de donner des ordres à ce monstre, il pourra non seulement encaisser des coups, mais également en délivrer, et même jeter des sorts qui pourront avoir des effets dramatiques sur votre groupe ou sur les adversaires.

Les nombreux messages et autres descriptions aident à l’immersion

Il est même possible de se retrouver avec un Doppleganger dans vos rangs, qui se fera passer pour un des membres de votre équipe pour mieux vous trahir en plein combat ! Bref, chaque rencontre est intéressante, ce qui, dans un jeu où l’on va passer beaucoup de temps à se battre, est indispensable. Seul défaut : les combats étant naturellement au tour par tour, chaque personnage agit à tour de rôle en fonction de son initiative. Je vous laisse imaginer le temps que peut prendre un affrontement contre un groupe de 99 adversaires, comme cela ne manquera pas de se produire à un stade avancé du jeu.

Pour monter de niveau, il faudra commencer par trouver le Review Board

On pourrait encore disserter longtemps sur le contenu et les possibilités du jeu, mais il serait dommage de ne pas évoquer la qualité de la réalisation – qui fera certes sourire un joueur du XXIe siècle, mais qui reste particulièrement soignée pour un titre développé sur Apple II.

Le partage du butin est toujours un grand moment

Le simple fait que Bard’s Tale soit doté d’une introduction animée est déjà quelque chose d’exceptionnel pour l’époque, mais c’est réellement la profusion de détails qui fait plaisir à voir : chaque adversaire dispose d’une illustration animée, les environnements sont tous présentés graphiquement avec bien plus de variétés que les éternels couloirs en 3D vectorielle à la Wizardry ; un cellier ne bénéficiera pas des mêmes décors que des égouts ou des catacombes, et encore une fois il était exceptionnel de parcourir une ville en vue à la première personne en 1985. Même le son n’a pas été oublié : faites jouer votre barde hors combat, et sa mélodie vous accompagnera durant toute votre épopée (six thèmes différents !). Bref, Bard’s Tale fait partie des titres qui ont définitivement fait passer les jeux de rôles dans la cour des grands avec une ambition qui aura décroché bien des mâchoires. Il reste aujourd’hui une expérience très prenante, notamment grâce au caractère extrêmement satisfaisant de la montée en puissance de votre groupe à chaque changement de niveau. Un de ces jeux auxquels n’importe quel rôliste devrait avoir joué au moins une fois dans sa vie.

Quelques mots, en conclusion, sur la très rare version française du jeu – qui a déjà le mérite d’exister. Comme on pouvait s’y attendre, tout n’est pas idéal : il y a de nombreuses coquilles, certains raccourcis sont très difficiles à deviner sans le manuel, tout n’est pas traduit (la chanson de l’écran-titre comme son logo sont restés en anglais), mais dans l’ensemble cela reste du travail sur lequel on aurait du mal à cracher, surtout à une période où les traductions françaises ne couraient pas les rues, particulièrement sur Apple II. Un bon moyen de redécouvrir le jeu avec une autre forme de charme.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 Nom de légende, succès colossal à sa sortie, Bard's Tale est, à n'en pas douter, l'un des plus grands représentants du jeu de rôle à l'ancienne. Reprenant les mécanismes de Wizardry pour les enrichir et les peaufiner dans pratiquement tous les domaines, le jeu imaginé par Michael Cranford et son équipe n'est pas seulement l'un des plus grands titres de l'Apple II, c'est aussi l'un des meilleurs jeux de rôles des années 80. Fermez les yeux sur la réalisation, prenez le temps d'apprivoiser l'interface, dotez vous d'un cahier et d'un crayon, et vous aurez devant vous des centaines d'heures d'exploration, de combats au tour par tour, de pièges, de défis, d'énigmes et de morceaux de bravoure. Et qui sait ? Vous découvrirez peut-être pourquoi plusieurs milliers de joueurs pensent encore que, même plus de trente ans après, on n'a finalement jamais fait mieux. CE QUI A MAL VIEILLI : – La réalisation graphique était certes très soignée pour l'époque, mais aujourd'hui, « austère » est un mot qui lui fait plus justice. – Interface années 80 : pas de souris, beaucoup de lourdeurs – C'est toujours aussi dur – Injouable sans le manuel et la carte

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Bard’s Tale sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Décembre 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Les déplacements animés clarifient l’orientation, qui était parfois un peu confuse sur Apple II

Vu la qualité de Bard’s Tale sur Apple II, on ne pouvait qu’attendre avec curiosité, pour ne pas dire avec gourmandise, le portage sur les machines 16 bits. Justement, l’Amiga flambant neuf était alors à la pointe de la technologie (à tel point que l’Amiga 500 ne serait disponible qu’un an plus tard), et on était en droit d’attendre une adaptation tirant pleinement parti des capacités techniques de la machine de Commodore. On remarquera également quelques petits changements en terme de contenu : plus question, par exemple, de trouver de l’équipement magique chez le marchand d’armes dès le début de la partie. Oui, c’est donc encore un peu plus dur.

Commençons donc par le gain le plus évident : la réalisation. Bard’s Tale sur Amiga est infiniment plus beau que sur Apple II, c’est une évidence. La moindre illustration est beaucoup plus fine et bien plus détaillée, les différents lieux sont introduits de manière plus vivante, les déplacements sont désormais animés ; ce n’est pas encore Dungeon Master ni Might and Magic, mais cela reste de très grande qualité, et infiniment plus agréable à l’œil. C’est également vrai pour le son : la Guilde des Aventuriers vous accueillera désormais avec un thème musical qui sera resté dans le crâne de bien des joueurs de l’époque, on a droit à quelques effets sonores (les moines prononcent un chant directement tiré de Sacré Graal en vous soignant !), les chansons de barde sont plus entrainantes que jamais… Bref, on est pleinement conscient de jouer sur une machine haut-de-gamme, et ça fait plaisir. Rien d’étonnant à ce que le jeu ait été aussi populaire sur les ordinateurs dernière génération que sur les 8 bits. Seule déception : la courte introduction du jeu a purement et simplement disparu.

Toutes les illustrations du jeu ont été entièrement refaites

Le gain n’est pas purement esthétique, cela dit. L’interface du jeu profite également grandement de l’utilisation de la souris, et accéder à une feuille de personnage comme acheter une arme peut désormais s’effectuer en quelques clics. Mieux : dès l’instant où vous cliquez sur la commande « jeter un sort » plutôt que d’utiliser le raccourci C, vous pourrez choisir les sortilèges dans une liste plutôt que d’avoir à inscrire leur nom ! Pour ne rien gâcher, le titre tient désormais sur une seule disquette : fini, les changements à chaque entrée de donjon ! Bref, c’est plus beau, c’est plus agréable, c’est plus confortable : c’est sans hésitation une des meilleures versions du titre.

NOTE FINALE : 18/20

Prenez un grand jeu sur Apple II, rendez le plus beau, plus fluide, plus agréable à jouer et à prendre en main, et vous obtiendrez l’excellent Bard’s Tale sur Amiga. Transposée sur une machine 16 bits avec le confort appréciable de la souris, le titre d’Interplay Productions devient un jeu encore un peu plus légendaire, avec ses graphismes colorés et son ambiance inimitable. Certes, c’est toujours aussi difficile – peut-être même un peu plus – mais cela reste aujourd’hui une très bonne façon de découvrir ce logiciel de légende.

Version Commodore 64

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Février 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″ (x2)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’Amiga n’aura pas été la seule machine de Commodore à bénéficier d’un portage de Bard’s Tale : le C64 aura lui aussi bénéficié du titre de Michael Cranford. Sans surprise, cette adaptation s’appuie très largement sur la version originale parue sur Apple II, et on retrouve immédiatement l’introduction animée, les différentes illustrations et les thèmes musicaux quasiment à l’identique – avec des graphismes plus nets (mais pas nécessairement plus beaux), une qualité sonore légèrement supérieure, et des temps de chargement insupportables. Le contenu est autrement identique à ce que proposait la machine d’Apple.

Vous aurez tout le temps de profiter des graphismes

NOTE FINALE : 17/20

Bard’s Tale sur Commodore 64 est une copie fidèle de la version Apple II, que ce soit en terme de contenu ou de réalisation. En revanche, et comme souvent, les temps de chargement à rallonge pénalisent durablement un titre qui était déjà largement assez chronophage sans passer a moitié de son temps à attendre de pouvoir jouer. À réserver aux joueurs nostalgiques, ou très patients.

Version Apple ][gs

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Avril 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 512ko

Vidéo – L’introduction du jeu :

L’ambition de cette version Apple IIgs est visible dès l’introduction (visible ci-dessus) qui était pourtant absente de la version Amiga : on a décidé de mettre les petits plats dans les grands. Non seulement ce portage bénéficie cette fois d’une splendide illustration semblable à celle qu’on trouvera la même année en ouverture de la version Atari ST, mais – et c’est cette fois unique en son genre – celle-ci est animée, tout en bénéficiant d’un thème musical qui n’a pas à rougir de la comparaison avec ce que pouvait offrir la version Amiga. Autre originalité notable (que je n’ai malheureusement pas pu tester) : le titre vous propose désormais d’importer des personnages venus d’autres jeux de rôle, parmi lesquels Wizardry I, II ou III, Ultima III ou même votre équipe issue de la version Apple II ! Je serais curieux de savoir à quelles adaptations procède le programme (peut-on importer un prêtre, un ninja, ou n’importe laquelle des classes absentes du jeu ?), mais dans tous les cas, importer une équipe depuis la version originale n’a posé aucun problème. Le reste du jeu est sensiblement identique à la version Amiga – qui était justement la meilleure jusqu’ici – bref, on tient ici un sérieux candidat au meilleur portage du jeu toutes versions confondues.

C’est toujours aussi beau

NOTE FINALE : 18/20

Quelques surprises au menu de cette version Apple IIgs de Bard’s Tale : une poignée de fioritures venues offrir une sorte de version Amiga légèrement améliorée, tout d’abord, mais surtout des options d’importation originales qui permettent carrément de faire venir des personnages depuis d’autres licences ! Le jeu est autrement toujours aussi grandiose, mais vous pourrez désormais vous livrer à un défi original en en venant à bout à l’aide de l’équipe que vous utilisiez dans Wizardry ou dans Ultima III. Un excellent portage.

Version Atari ST

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Écran couleur requis

Vidéo – L’introduction du jeu :

Il aurait été surprenant que l’ordinateur d’Atari n’accueille pas à son tour sa propre version de Bard’s Tale. « Propre version » est d’ailleurs un terme un peu exagéré, le titre partageant très largement les caractéristiques et le contenu des autres versions 16 bits. Seules nuances : l’introduction reprend l’illustration de la version Apple IIgs mais ne l’anime pas, il n’est plus possible d’importer de sauvegardes venues d’autres jeux, et la qualité sonore est inférieure à ce que proposaient l’Amiga et l’Apple IIgs. Pour le reste, les graphismes sont toujours aussi agréables (on remarquera que le ciel a un bleu moins agressif dans cette version), le déroulement est fluide, les temps de chargement sont courts, et l’interface à la souris est toujours aussi agréable à l’emploi.

Les utilisateurs des autres versions 16 bits ne seront pas dépaysés

NOTE FINALE : 18/20

Pas de surprise pour cette version Atari ST de Bard’s Tale, qui marche très largement dans les traces de la version Amiga en gagnant au passage une petite introduction non animée. Seule la qualité sonore légèrement inférieure pourrait amener à délaisser ce portage pour lui préférer les adaptations parues sur Amiga ou Apple IIgs.

Version PC (DOS)

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Septembre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25 (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 256ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA composite, EGA, Tandy/PCjr
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne
Ça n’est pas sublime, mais c’est excellemment jouable

On sait qu’on peut toujours s’attendre au pire avec un portage PC développé dans les années 80. Heureusement, Bard’s Tale ayant été programmé sur une machine 8 bits, l’ordinateur d’IBM n’est pour une fois pas trop à la traîne en terme de réalisation, en offrant la même version que sur les autres ordinateurs 16 bits (interface à la souris comprise) mais avec ses propres limitations. On doit donc composer avec un titre en 16 couleurs avec la palette très limitée de l’EGA, et avec le haut-parleur interne en guise de musique. Cela reste très supérieur aux versions 8 bits, notamment grâce à une jouabilité à la souris irréprochable, même si on pourra regretter que le jeu soit sorti à un moment où le PC n’était pas encore équipé pour lutter avec les machines reines de l’époque.

NOTE FINALE : 18/20

Difficile d’en demander plus au PC en 1987 : ce portage de Bard’s Tale reprend du mieux qu’il le peut toutes les caractéristiques des autres versions 16 bits (et de la version Atari ST en particulier) pour les retranscrire avec ses armes. Ce n’est certes plus aussi coloré, la musique a perdu beaucoup de son charme, mais le titre est toujours aussi agréable à parcourir et l’utilisation de la souris fait énormément de bien.

Version Amstrad CPC

Développeur : Electronic Arts, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
On aura quand même du mal à être soufflé par la qualité de la réalisation

Le CPC aura également bénéficié de son portage – plutôt décevant, d’ailleurs, si l’on considère l’année de sa sortie, mais on constatera surtout qu’il s’agit encore une fois d’une transcription paresseuse et vite recoloriée de la version ZX Spectrum. Rien de catastrophique : l’essentiel du contenu du jeu est toujours à sa place et est toujours aussi agréable à parcourir, fidèle à ce qu’avaient pu offrir les autres versions 8 bits. En revanche, on aurait également pu bénéficier d’une réalisation plus soignée – c’est encore plus terne que sur Commodore 64 – l’introduction a disparu (il n’y a même plus d’écran-titre), et on assiste à quelques modifications sans réelle importance mais assez étranges (les squelettes, par exemple, bénéficient désormais de l’illustration des zombis. Bon…). La bonne nouvelle, en revanche, c’est que les chargements sont nettement plus rapides que sur la machine de Commodore.

NOTE FINALE : 17,5/20

Bard’s Tale sur CPC reste strictement dans les clous placés par les autres versions 8 bits – et précisément de la version ZX Spectrum, dont il est le décalque. Il n’y a certes plus d’introduction, la réalisation aurait sans doute pu proposer quelque chose de plus travaillé et quelques illustrations semblent être passées à la trappe, mais tout ce qui fait l’intérêt du jeu est toujours là et bien là.

Version PC-98
The Bard’s Tale

Développeur : Electronic Arts, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc. – Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 1988 (Electronic Arts) – 21 septembre 1990 (Pony Canyon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (version Electronic Arts), japonais (version Pony Canyon)
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :
Même en japonais, on n’est pas trop dépaysé, mais les couleurs choisies pourront surprendre

Les jeux de rôle occidentaux, ont le sait, tendaient à jouir d’une certaine popularité au Japon, particulièrement dans le courant des années 80. The Bard’s Tale n’aura pas fait exception à la règle, avec les grands habitués de Pony Canyon à la distribution pour faire arriver ce portage sur PC-98. Le jeu aura en fait d’abord été distribué par Electronic Arts, dans une version qu’il est possible de lancer en anglais, avant une réédition purement japonaise en 1990 sur laquelle j’ai dû me rabattre pour ce test. Le titre reprend exactement le contenu des autres versions, même si on notera qu’il est ici jouable exclusivement au clavier. Les graphismes sont en haute résolution, dans une version qui s’efforce de rester fidèles aux illustrations 16 bits, ce qu’elle fait relativement bien (on est très loin des sublimes réinterprétations de la version Macintosh). En revanche, l’interface rose pétant ne sera pas nécessairement du goût de tout le monde. Du côté des équilibrages, on remarquera que les personnages de cette version tendent à partir avec beaucoup plus de points de vie que sur Apple II, mais à ce détail près, le titre n’a à ma connaissance pas changé.

NOTE FINALE : 18/20

Bard’s Tale sur PC-98 a l’avantage d’offrir une version extrêmement lisible du jeu qu’on a appris à connaître sur les autres systèmes. Dommage que les graphismes n’aient pas été revus pour l’occasion et que l’interface se limite au clavier, mais le résultat reste largement à la hauteur des autres versions 16 bits.

Version ZX Spectrum

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Août 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Pas de problème, on devine bien d’où vient la version CPC

La machine de Sinclair n’a jamais été la mieux équipée pour faire tourner les programmes ambitieux. De fait, le ZX Spectrum peine à se hisser à la hauteur des autres versions 8 bits, avec sa réalisation quasi-monochrome qui était loin d’être aussi impressionnante que ce qu’avait accompli Bard’s Tale sur Apple II – surtout si l’on considère que le portage est paru en 1988. Une fois ce constat fait, force est de reconnaître que Skara Brae et toute l’aventure sont toujours là, dans une version qui n’est certes pas la plus agréable à l’œil mais est-ce franchement l’important ?

NOTE FINALE : 17/20

Si Bard’s Tale reste sans hésitation un des tout meilleurs jeux de rôle – et sans doute un des tout meilleurs programmes – parus sur ZX Spectrum, ce n’est certes pas sa réalisation, fonctionnelle mais sans plus, qui restera dans les annales. C’est plus austère que jamais, et on ne retrouve pas la sensation de travail d’orfèvre qu’offrait la version originale, mais cela reste un très grand jeu.

Version Macintosh

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Macintosh Plus avec System 6.0.3
Configuration minimale : Systèmes : 512KE/Plus/SE/II – OS : System 6.0.2 – RAM : 512ko
Reconnaissez que ça a de la gueule !

Comme Wizardry sur la même machine quelques années avant lui, Bard’s Tale a pris l’intelligente décision de tirer profit de l’interface du Macintosh pour offrir une interface entièrement utilisable à la souris, qui fait une nouvelle fois de cette version une des plus ergonomiques toutes machines confondues – plus encore que sur les ordinateurs 16 bits, c’est dire. On peut parcourir l’intégralité de l’aventure sans avoir à s’approcher du clavier pour une autre raison que pour nommer nos personnages ou pour se déplacer, soit un vrai gain de confort – ce qui, pour un jeu sur lequel on risque de passer des dizaines d’heures, est tout à fait appréciable.

L’interface à la souris est très agréable

Techniquement, on connait les contraintes de la machine d’Apple, purement monochrome sans même un dégradé. Mais la haute résolution du Macintosh permet également une finesse sans égale pour l’époque, et force est de reconnaître qu’en dépit des limitations évidentes introduites par le noir et blanc, le jeu est particulièrement bien réalisé. Les illustrations sont magnifiques, tout comme les décors de Skara Brae, et on finit même par avoir l’impression d’évoluer dans un vieux film d’horreur de la Hammer tant les graphismes monochromes peuvent en venir à représenter au final un gain d’ambiance plutôt qu’une perte. Pour ne rien gâcher, les déplacements sont cette fois animés, ce qui rend la navigation nettement moins confuse. Bref, c’est une version finement ciselée, et certainement l’un des jeux dont les possesseurs de Macintosh ont dû être les plus fiers.

La navigation n’a jamais été aussi agréable

NOTE FINALE : 18/20

Le Macintosh n’était peut-être pas une machine de jeu, mais cela n’empêche pas cette version de Bard’s Tale de s’en tirer avec les honneurs, grâce à une réalisation qui tire la quintessence du noir et blanc et à une interface à la souris qui fait passer l’ergonomie de toute les autres versions pour affreusement datée. L’ambiance si particulière de cette version peut constituer, à elle seule, une très bonne raison pour s’y essayer au moins une fois. Du beau travail.

Version NES
The Bard’s Tale

Développeur : Atelier Double Co. Ltd.
Éditeurs : FCI – Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 décembre 1990 (Japon) – Novembre 1991 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb
Système de sauvegarde par pile
Skara Brae n’est pas très emballante, et la carte n’est pas très lisible

La NES aura décidément accueilli une quantité surprenante de jeux de rôles classiques issus des ordinateurs 8 bits. Bard’s Tale aura également connu son portage – malheureusement, il ne faut que quelques minutes pour découvrir que l’on a affaire à une version sensiblement expurgée. Le titre ne propose ainsi plus de choix de race, et la classe de moine a disparu – une vraie faute de goût, quand on connait son importance en jeu. Le titre propose dorénavant une carte automatique – qu’il est hélas impossible d’agrandir, ce qui est d’autant plus dommage que le plan de Skara Brae a changé. Le Review Board est désormais juste en face de la Guilde des Aventuriers, tous les commerces sont dans la rue de départ, le système d’expérience a changé, etc. Au final, toutes ces adaptations inutiles trahissent l’esprit du jeu et donnent l’impression de se retrouver face à un RPG lambda à la réalisation quelconque, qui ne délivre absolument pas une expérience de jeu aussi satisfaisante que sur ordinateur. Bref, une version qui ne conviendra ni aux vieux de la vieille ni aux nouveaux joueurs – un portage raté.

On peut toujours voir son groupe flambant neuf se faire exterminer au bout de vingt mètres

NOTE FINALE : 11/20

On ne sait pas trop quel était l’objectif en programmant cette version très dispensable de Bard’s Tale sur NES, qui n’est au final ni plus belle, ni plus jouable, ni plus riche que la version originale sur Apple II. Des retouches inutiles et des coupes injustifiées participent au final à une version qui n’intéressera pas grand monde, et qui ne rend clairement pas justice à la saga. À oublier.

Lands of Lore : The Throne of Chaos

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive, Inc.
Titres alternatifs : Lands of Lore : Chaos Na Tronie (Pologne), ランズオブロア (Lands of Lore : Kaosu no Gyokuza, Japon), 黑暗王座 (Chine)
Testé sur : PC (DOS)PC-98
Version non testée : FM Towns
Disponible sur : Mac OS X (10.6.8), Windows (XP, Vista, 7, 8, 10)
En vente sur : Gog.com (en version CD multilingue comprenant le français, vendue dans un pack regroupant les deux premiers titres de la saga)

La saga Lands of Lore (jusqu’à 2000) :

  1. Lands of Lore : The Throne of Chaos (1993)
  2. Lands of Lore : Guardians of Destiny (1997)
  3. Lands of Lore III (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Août 1993 (version disquette) – Mars 1994 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui (version française intégrale pour la version disquette, voix en anglais et textes en français pour la version CD-ROM)
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x8)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – MSCDEX : 2.2 – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA (320×200)
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, General MIDI, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro
Installation sur disque dur requise (5Mo)

Vidéo – L’introduction du jeu (version CD-ROM) :

En 1993, les studios Westwood étaient en pleine forme, merci pour eux.


En fait, décrire la société américaine comme « touchée par la grâce » serait plus proche de la réalité. Tout ce avec quoi Westwood entrait en contact semblait destiné à se transformer en or : leur excursion dans le domaine du jeu d’aventure avait accouché d’un Legend of Kyrandia qui était immédiatement parvenu à se créer une place au milieu des titres des deux géants qu’étaient Sierra Online et Lucasarts, et leur adaptation de Dune avait engendré rien de moins que le père fondateur de la stratégie en temps réel – excusez du peu !

Scotia n’hésitera pas à venir vous placer des bâtons dans les roues

Mais s’il était une catégorie de joueurs pour qui l’information n’avait rien de neuf, c’étaient bien les rôlistes. Personne parmi eux, en effet, n’avait oublié que Westwood – alors nommé Westwood Associates – avait marqué un grand coup en introduisant le genre du dungeon crawler sur PC avec Eye of the Beholder, ni que le studio avait publié l’un des titres les plus accomplis du genre avec Eye of the Beholder II. Et il se murmurait justement qu’en dépit de leur rachat par Virgin Interactive, les studios Westwood travaillaient sur une suite spirituelle à leurs deux titres de légende : un certain Lands of Lore, dont les premières images faisaient saliver les joueurs d’alors avec un secret espoir : celui de leur faire oublier définitivement le fiasco qu’avait constitué un Eye of the Beholder III privé du talent de l’équipe américaine…

Les sortilèges en envoient plein les yeux : notez comme la foudre va jusqu’à déborder de la fenêtre de jeu !

Lands of Lore s’ouvre donc sur une de ces cinématiques made in Westwood chargées de vous en mettre plein la vue d’entrée de jeu, et autant dire que c’est réussi. Le scénario vous placera dans le royaume de Gladstone, menacé par la terrible sorcière Scotia, qui vient de mettre la main sur le Masque des Ténèbres, un artefact apte à lui faire changer d’apparence. Sachant qu’il sera le premier nom que Scotia cherchera à rayer de sa liste de gens à abattre, le roi Richard fait mander un aventurier afin d’aller quérir le Rubis de Vérité – seul outil apte à contrarier les plans de la sorcière – dans les territoires du sud. Bien évidemment, comme vous l’aurez déjà deviné, cet aventurier, ce sera vous – et les plans du roi Richard ne vont pas tout à fait se dérouler comme prévu.

La variété des environnements est incroyable

La partie débute donc par le choix de votre héros : pas de création d’avatar, pas de groupe à former ; vous pourrez bel et bien contrôler jusqu’à trois personnages, mais vos accompagnateurs se joindront à vous en cours de jeu, et seront amenés à changer selon les événements. Les quatre « héros par défaut » qu’on vous propose se présenteront à tour de rôle, et un petit écran vous présentera leurs caractéristiques de base, histoire de bien comprendre que vous avez à faire à des archétypes : Ak’shel est tout désigné pour être un magicien, Michael compte avant tout sur sa force brute, Kieran est rapide et dispose de l’avantage d’avoir quatre bras (!), tandis que Conrad est le personnage le plus équilibré. Puis, une fois votre choix arrêté, l’aventure commence et autant le dire tout de suite : c’est la claque.

Les combats sont superbement animés : admirez cette attaque (qui fait d’ailleurs très mal)

Les deux premiers Eye of the Beholder avaient déjà démontré une aptitude certaine de la part des studios Westwood pour réaliser des jeux très agréables à l’œil – une tendance qui n’avait été en rien démentie par le reste de leur production, bien au contraire. Mais difficile, aujourd’hui, d’aborder Lands of Lore sans parler de l’ambition démesurée que traduit sa réalisation : s’il fallait élire un maître absolu du pixel art, le titre de Westwood pourrait clairement y postuler, et avec de très sérieuses chances de remporter le titre suprême.

On sent bien que les graphistes n’ont pas chômé

Dès vos premières minutes dans le château, vous pourrez mesurer le gouffre qui s’est creusé avec Eye of the Beholder II, pourtant lui aussi très ambitieux pour l’époque : ça foisonne de détails, on trouve des tableaux, des fontaines, des épées décoratives, des livres sur des présentoirs… Chaque personnage qui s’adresse à vous le fait avec son portrait affiché en plein écran – même les gardes du palais ! – et chaque rencontre donne lieu à de petites saynètes animées qui vous permettront de mesurer l’inquiétude des occupants du château face à la menace que représente Scotia, ou leur méfiance affichée face au soi-disant « héros » débarqué sur place. On est désormais très loin du concept du groupe isolé dans un donjon éloigné de tout : il y a des PNJs, des dialogues, des rencontres, des incidents et surtout un monde qui vous fait voyager plutôt que de vous garder sempiternellement enfermé sous terre. Et à ce niveau, la variété des décors pour laquelle on louait déjà les deux précédents dungeon crawlers de Westwood est devenu ici proprement hallucinante : c’est bien simple, vous découvrirez ici plus d’environnements en une heure de jeu que pendant toute la trilogie Eye of the Beholder !

On fait parfois des rencontres aux endroits les plus inattendus

Forêts, manoir en ruine, grottes, souterrains, mines, tours, donjons, marécages : faire la liste exhaustive des lieux traversés deviendrait presque laborieux tant le titre est décidé à constamment nous surprendre, et autant dire qu’après un Dungeon Master et son décor unique à base de pierre grise, il y avait de quoi être impressionné ! D’autant plus impressionné que la réalisation graphique du titre est, comme vous pourrez en juger sur les captures d’écran, à tomber à la renverse. Difficile d’en demander beaucoup plus à du VGA ! Pour ne rien gâcher, l’animation est largement à la hauteur, et les nombreux écrans animés où vous verrez s’agiter les différents intervenants sont parfois d’authentiques tableaux – sélectionner des images pour accompagner ce test a constitué une telle torture que j’ai décidé, pour la première fois, de proposer une galerie d’images avant le pavé de notes. Bref, c’est beau et on y croit à fond. Le pied.

Le jeu pullule littéralement de scènes magnifiques

Niveau système de jeu, Lands of Lore ne bouleverse rien. Westwood ne disposant plus de la licence Donjons & Dragons – restée dans les bagages de SSI –, le studio américain a donc décidé de revenir aux sources en s’inspirant du titre fondateur de FTL Games. Traduit en clair : oubliez les points d’expérience, c’est la pratique d’une arme, comme dans Dungeon Master, qui vous fera progresser dans une des trois catégories que sont guerrier, mage et voleur.

Certains combats ne seront pas de tout repos

Cette progression est d’ailleurs clairement matérialisée par des barres, visibles dans l’inventaire, lequel vous affichera également vos gains ou vos pertes de caractéristiques à chaque changement d’équipement ; on appréciera. En revanche, plus question ici de « tricher » et d’espérer progresser en jetant des sorts dans le vide ou en lançant vos armes contre un mur : seuls vos coups au but vous feront avancer, ce qui pourra animer une tentation de vous spécialiser à l’extrême. Une idée à méditer : si le jeu s’évertue au maximum à vous proposer, en toute circonstance, un groupe qui puisse faire face à toutes les situations, il vous arrivera fréquemment de rencontrer des monstres qui ne sont sensibles qu’à un seul type d’attaque, voire à une arme en particulier (ah, les fantômes du niveau trois de la tour blanche…). Mieux vaut donc prendre le soin de conserver tous les objets insolites que l’on rencontre au fil du jeu pour éviter d’avoir des regrets plus tard : ceux qui se seront débarrassés de cet étrange crâne vert avant de pénétrer dans les mines d’Urbish comprendront de quoi je parle.

Autre sortilège intéressant : la bonne grosse mandale magique

La prise en main est de toute façon simplifiée au maximum : les sortilèges et la boussole sont accessibles en permanence sans avoir à ouvrir une fenêtre (à partir du moment, bien sûr, où vous les aurez obtenus), de même que l’inventaire déroulant, commun à tous les personnages, et placé en bas de l’interface. Celui-ci dispose néanmoins d’une capacité limitée, ce qui pourra vous amener à méditer sur ce qui est sacrifiable parmi vos possessions – mieux vaut se souvenir où vous avez pu abandonner un objet pour éviter les regrets évoqués plus haut. Le jeu ne gère ni la nourriture ni la boisson, mais bien la lumière – par le biais d’une lanterne à remplir périodiquement d’huile. Bref, dans l’ensemble, l’accessibilité est si totale que même quelqu’un n’ayant jamais touché à un dungeon crawler ne devrait mettre qu’une poignée de minutes à maîtriser toutes les possibilités du titre.

L’opposition est extrêmement variée

Cette accessibilité a d’ailleurs son retour de bâton : sans être une promenade de santé, le titre ne devrait clairement pas poser beaucoup de problèmes aux vétérans du genre. Seules les mines d’Urbish et la tour blanche composeront les vrais morceaux de bravoure du jeu, qui a en plus la bonté de vous offrir à plusieurs reprises des sortilèges ou des objets importants que vous auriez pu laisser passer un peu plus tôt dans l’aventure. Mais pour un joueur méthodique qui prendra le temps de visiter méticuleusement chaque niveau, l’expérience devrait se montrer assez aisée, et surtout un peu courte.

Les PNJs sont bien plus nombreux que dans la plupart des dungeon crawlers

Oh, dans l’absolu, le jeu ne lésine pas sur les donjons à parcourir, et pourrait sans doute rivaliser sans peine avec Eye of the Beholder II s’il n’avait pas inclus une petite gourmandise : la carte automatique. Celle-ci a en effet de multiples avantages, mais également un réel inconvénient : cartographier les différents niveaux était à la fois un des grands plaisirs, et surtout une des activités les plus longues du dungeon crawler. Or, non seulement cette carte vous fait gagner un temps considérable, mais elle a même la générosité de vous indiquer les interrupteurs cachés et les passages secrets, ce qui est peut-être un tantinet exagéré de sa part. Au final, le jeu se boucle en une dizaine d’heures là où il aurait largement pu en demander le double, ce qui est un peu dommage.

Le montant des dégâts infligés vous est indiqué par la taille de ces gerbes de sang

Pour continuer avec ces (légères) récriminations, un petit mot sur la réalisation sonore du titre. Oh, je vous rassure tout de suite : celle-ci, irréprochable, propose des voix digitalisées et la reconnaissance de la Roland MT-32. Les thèmes musicaux, de très bonne qualités, emploient des sonorités qui rappelleront souvent Dune II, du même développeur, et les bruitages sont aussi variés qu’irréprochables. Alors où est le problème ? Très simple : le programme d’installation du jeu ne vous autorise pas à utiliser une Roland MT-32 avec une Sound Blaster. Entre la musique superbe et les voix digitalisées de l’introduction, il faudra donc choisir !

Le jeu n’hésite pas à vous envoyer des grands groupes d’adversaires

Le problème est d’autant plus anecdotique que toutes les plateformes de vente en ligne proposent aujourd’hui le titre dans sa version CD-ROM, qui permet, elle, d’attribuer une carte sonore spécifique pour la musique, les voix et les bruitages, mais les nostalgiques de cette version disquette – la seule qui soit doublée en français – seront déçus d’avoir à passer par une bidouille leur imposant d’aller chercher le fichier de configuration de la version CD pour avoir le droit de bénéficier à la fois des voix et de la meilleure qualité sonore.

Le sortilège de gel peut carrément vous amener à transformer un groupe de monstres en bloc de glace

La version française, d’ailleurs, parlons-en, comme c’est la coutume en clôture de test. Celle-ci a été faite de façon très professionnelle, et même si les doubleurs français peuvent difficilement rivaliser avec les têtes d’affiche comme Patrick Stewart mobilisées pour la version originale, ils font le travail sans réel génie, mais avec sérieux – loin au-dessus, par exemple, de ce que proposait Dungeon Hack la même année. Les textes sont relativement bien traduits et je n’ai rencontré ni coquille ni faute d’orthographe, bref, les non-anglophones n’auront aucune excuse pour ne pas découvrir l’un des meilleurs dungeon crawler de sa génération. En revanche, les voix françaises ont complètement disparu de la version CD-ROM, remplacées par un doublage de la totalité des dialogues du jeu, mais en anglais sous-titré ; ceux qui voudront entendre les dialogues en français lors de l’introduction devront donc obligatoirement passer par la version disquette.

Vidéo – Les dix premières minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1993 (Tilt n°121, décembre 1993) – Tilt d’or Micro Kids
  • Tilt d’argent 1993 (ibid.) – Meilleur jeu de rôles

NOTE FINALE : 18/20 Débarqué avec une ambition à faire trembler les murs, et avec le savoir-faire d'une compagnie au sommet de sa gloire, Lands of Lore est bien plus que le jeu qu'Eye of the Beholder III aurait dû être : c'est tout simplement l'un des plus grands dungeon crawler à avoir jamais vu le jour. Prenant de la première à la dernière minute, dans un univers magnifique qu'on aurait rêvé d'explorer par le biais de spin-off – et qui donne parfois le sentiment de vivre The Legend of Kyrandia à la première personne, ce qui n'est pas un mince compliment – le titre de Westwood Studios côtoie les sommets avec une telle maestria qu'on ne sera que plus frustré de la relative facilité du jeu, et d'une brièveté en partie introduite par le fait de ne plus avoir besoin de dessiner les plans soi-même. Pour les vétérans comme pour les néophytes du genre, cela reste à n'en pas douter une expérience mémorable qui vaut encore largement la peine d'être vécue aujourd'hui. Vous ne le regretterez pas. CE QUI A MAL VIEILLI : – Trop simple, surtout pour ceux qui seront venus à bout d'Eye of the Beholder II. – Sans les plans à dessiner, le jeu devient un peu court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Lands of Lore sur un écran cathodique :

Version PC-98

Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : StarCraft, Inc.
Date de sortie : 10 décembre 1994
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″ (x8)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu (version 16 couleurs) :

Petite surprise pour cette itération PC-98 de Lands of Lore, qui sera arrivé au pays du Soleil Levant en pas moins de trois versions. Deux d’entre elles correspondent aux copies carbones des éditions disquette et CD-ROM traduites en japonais – avec une petite nuance : même si les doublages sont restés en anglais, une large portion du casting vocal a été modifiée (en moins bien) pour d’obscures raisons, ce qui signifie que vous n’entendrez cette fois pas Patrick Stewart.

Ça a un certain cachet, non ?

Cette modification reste cependant moins surprenante que l’existence de cette fameuse troisième version… en seize couleurs ! Un vrai travail graphique a été réalisé pour l’occasion – on est très loin des teintes caractéristiques de l’EGA – et si le résultat est objectivement loin d’être vilain, évoquant un peu ce à quoi aurait pu ressembler une version Atari ST au sommet de sa forme, il demeure néanmoins assez loin du pixel art exceptionnel de la version 256 couleurs. Le genre de petite curiosité qui pourra attirer un certain public car, pour ce qui est des autres versions, vous aurez aussi vite fait de jouer à l’itération PC – jouable en français, elle.

NOTE FINALE : 17/20 (version 16 couleurs) – 18/20 (version 256 couleurs)

On n’aura a priori peu de raisons de se précipiter sur les versions japonaises de Lands of Lore, copies relativement fidèles des itérations occidentales (à part pour ce qui est du doublage) traduites en japonais. Mais pour les amateurs d’exotisme, l’existence d’une version 16 couleurs du jeu, par ailleurs loin d’être ridicule, pourra représenter une curiosité.

Eye of the Beholder III : Assault on Myth Drannor

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Titre alternatif : Official Advanced Dungeons & Dragons Computer Product : Eye of the Beholder III Assault on Myth Drannor – GRAND FINALE! The meanest 3-D graphic adventure series ever! (boîte)
Testé sur : PC (DOS)PC-98
Disponible sur : Linux (Ubuntu 14.04, Ubuntu 16.04, Ubuntu 18.04), Mac OS X (10.7.0+), Windows (XP, Vista, 7, 8, 10) – Version PC émulée au sein de la compilation Forgotten Realms – The Archives : Collection One
En vente sur : Gog.com (Linux, Mac, Windows)

La saga Eye of the Beholder (jusqu’à 2000) :

  1. Eye of the Beholder (1991)
  2. Eye of the Beholder II : The Legend of Darkmoon (1991)
  3. Eye of the Beholder III : Assault on Myth Drannor (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Juin 1993
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25 (x5) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 – OS : PC/MS-DOS 3.3 – RAM : 640ko – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA (320×200)
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, General MIDI, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16
1Mo de mémoire EMS requis pour les bruitages

Vidéo – L’introduction du jeu :

En deux épisodes et en à peine quelques mois, la saga Eye of the Beholder était déjà parvenue à inscrire son nom dans la légende. Avec une telle évidence et une telle maestria que les joueurs PC en étaient même venus à accueillir l’arrivée tant attendue de l’arlésienne Dungeon Master, en 1992, avec un regard blasé et une moue dubitative. Cette fois, c’était acquis : le dungeon crawler sur PC avait un nom, peu de concurrents, et un avenir radieux devant lui. SSI avait déjà tout ce qu’il fallait pour prolonger la série avec gourmandise : un moteur de jeu, la licence Donjons & Dragons, et la garantie du succès commercial au bout. Tout, sauf un minuscule détail : un studio de développement pour programmer le jeu.

Tous les monstres sont bardés de résistances magiques. Tournez autour et frappez, ce sera plus simple

Westwood Associates, entretemps devenu Westwood Studios, avait en effet été racheté par Virgin Interactive en 1992, et l’équipe américaine s’en était allée travailler sur The Legend of Kyrandia, Dune II, et surtout Lands of Lore, avec la satisfaction du devoir accompli. SSI aura donc confié à une équipe interne la lourde tâche de développer un successeur au monument qu’avait été Eye of the Beholder II. Une mission très difficile à remplir, quand on se souvient à quel point la barre placée par le précédent opus était haute… et à quel point les exigences en terme de jeux vidéo n’avaient fait qu’augmenter en deux ans.

Ce n’est pas moche, mais même en 1993 ça n’impressionnait personne

Le jeu prend donc la suite de l’aventure qui vous avait vus triompher de Dran Draggore au sein du temple de Darkmoon. Plusieurs mois après votre victoire, alors que votre groupe d’aventuriers n’a visiblement rien de mieux à faire que de radoter ses exploits à qui veut les entendre au milieu d’une taverne d’Eauprofonde, un homme louche vêtu d’une tenue louche et portant un parchemin louche vient vous proposer une mission louche. Celle-ci vous commande de vous rendre à la mythique cité elfique de Myth Drannor – ou plutôt, ce qu’il en reste – afin de régler son sort à une liche qui a pris possession des lieux. L’objectif en valant bien un autre, votre groupe accepte (sinon, je vous rappelle qu’il n’y a plus de jeu) et se voit téléporter sur place pour aller nettoyer les lieux une fois de plus.

Les combats sont rarement passionnants

Vous avez donc la possibilité de créer un groupe de niveau dix-douze, ou d’importer vos personnages depuis l’épisode précédent grâce à un outil mal foutu qui ne vous laissera sélectionner que les deux premiers rangs du groupe que vous utilisiez auparavant. C’est à dire que vous pourrez être contraint de relancer Eye of the Beholder II, de recharger votre dernière sauvegarde et de réorganiser votre groupe avant de sauvegarder à nouveau juste pour pouvoir réussir à sélectionner vos personnages ! Cette lourdeur est d’autant plus inexcusable que le précédent opus intégrait un outil (au lieu de vous laisser lancer un programme externe) qui fonctionnait parfaitement et qui donnait pleine et entière satisfaction. Bref, ça ne commence pas très bien.

Le scénario est si cousu de fil blanc qu’on ne s’y intéresse jamais

Le malaise se poursuit en observant l’introduction du jeu. Après celle du dernier épisode, on était en droit d’attendre une claque ; c’est raté. Non seulement la cinématique s’ouvre sur un écran directement repris d’Eye of the Beholder II (c’était trop difficile d’en dessiner un autre ?), mais elle est également aussi inintéressante que mal réalisée. C’est paresseux, c’est mal raconté, le scénario n’est pas crédible dix secondes, et la pilule a d’autant plus de mal à passer qu’on était déjà en 1993, à une époque où des titres comme Day of the Tentacle ou Wing Commander II s’étaient chargés de montrer ce qu’on pouvait faire avec 256 couleurs et des artistes talentueux. On espérait une entrée en matière qui ridiculise l’opus précédent, on se retrouve avec un mauvais ersatz qui ne lui arrive pas à la cheville. On commence alors à sentir pointer une vague inquiétude.

On ne peut pas dire que les décors du jeu en mettent plein la vue

Une fois la partie enfin lancée, on constate une nouvelle fois que les nouveautés ne sont pas légion : un bouton vous permettant de faire attaquer simultanément tous les aventuriers que vous aurez au préalable sélectionnés par un clic gauche sur leur nom a enfin fait son apparition. Il est également possible, pour certaines classes, de faire usage de deux armes à la fois. Pour le reste, à deux ou trois subtilités près – comme ces monstres capables d’absorber des niveaux, l’existence d’un grappin où l’apparition de zones immergées – c’est le calme plat. Mais on se souvient également qu’Eye of the Beholder II avait finalement révolutionné assez peu de choses, et avait surtout marqué les consciences par son ambition et son level design… soit les deux domaines où son successeur se ramasse en beauté, hélas.

Couper des arbres : un potentiel ludique pas flagrant

Pour ce qui est de l’ambition, le titre part déjà plutôt mal : deux ans se sont écoulés depuis Eye of the Beholder II, mais Eye of the Beholder III est moins réussi graphiquement que son prédécesseur ! L’idée de parcourir Myth Drannor, lieu ô combien célèbre des Royaumes Oubliés, était pourtant alléchante sur le papier – malheureusement, la mythique cité elfe ne semble avoir rien de mieux à offrir que des extérieurs vides et ternes, des murs qu’on croirait parfois directement repris de l’épisode précédent, et une palette de teintes grisâtres qui ne doit pas utiliser un quart des 256 couleurs du VGA.

Voici la partie aquatique : la même chose, avec des bulles. Ébouriffant, hein ?

Pour ne rien arranger, non seulement le moteur de jeu était atrocement gourmand pour l’époque, mais en plus il connaît des ratés, avec des sprites qui n’apparaissent pas toujours correctement dans la perspective ! Si les monstres sont massifs, ils sont toujours animés en seulement trois images – ce qui commençait à faire un peu tache en 1993 – et dans l’ensemble ils n’impressionnent jamais. Côté sonore, le titre reconnait ENFIN la Roland MT-32, mais vu qu’il n’y a pas de musique au-delà de la cinématique d’introduction… Quant aux bruitages, ils sont de meilleure qualité, mais les bruits d’ambiance produits par les monstres, comme les ricanements insupportables lâchés toutes les deux secondes par les sorcières qui parcourent les ruines de Myth Drannor, finissent par être plus pénibles qu’autre chose. Le fait qu’il n’y ait toujours pas de voix digitalisées ne rehausse pas vraiment le niveau. Bref, Eye of the Beholder III avait complètement raté le train de la modernité, mais ça n’était pas nécessairement une raison suffisante pour en faire un mauvais jeu, pas vrai ?

Observez la grille à droite de l’écran : le jeu se rate jusque dans sa perspective !

Le vrai problème, hélas, se découvre en parcourant le jeu. Le level design d’Eye of the Beholder II avait été un véritable petit bijou, taillé et façonné avec un soin maladif, au point de vous offrir une aventure prenante de la première à la dernière minute pendant plus de vingt heures. On se souvient de la mine d’idées qu’avait été le jeu, de ses énigmes passionnantes articulées avec soin, de ses niveaux ciselés de la première porte au dernier couloir… Eh bien, vous pouvez oublier tout cela. Eye of the Beholder III ne semble décliner que deux modèles : les grand extérieurs à moitié vides, où bien les niveaux gigantesques et labyrinthiques où la très grande majorité de votre temps sera consacrée à exterminer la petite quinzaine de types de monstres que le programme a à vous opposer.

Ces malheureux pommiers doivent être les sprites les plus colorés du jeu

Les rares énigmes du jeu reposent le plus souvent sur des interrupteurs cachés, ou bien sur des leviers ou des téléporteurs à actionner dans le bon ordre. Malheureusement, on ne se sent absolument jamais aiguillé par la curiosité – les deux précédents opus avaient au moins le mérite de proposer une enquête progressive là où celui-ci vous désigne d’entrée de jeu un adversaire. Les combats font très peu appel à la moindre forme de stratégie (la moitié des monstres sont totalement inoffensifs), et les donjons sont redondants à en pleurer. Les quelques idées neuves du titre, comme la possibilité de couper des arbres dans le cimetière où vous commencez le jeu, sont atrocement mal exploitées (attendez-vous à passer le premier quart d’heure à taper contre tous les murs au hasard), quand elles ne sont pas aux trois-quarts incompréhensibles. Ainsi, vous serez amenés à rencontrer le fantôme d’un vieux sage qui vous posera trois questions dont la réponse tiendra plus à la chance qu’à autre chose. Échouez à lui répondre, et vous ne pourrez plus continuer : le passage vers la suite du jeu ne s’ouvrira pas. Faites l’erreur de sauvegarder, et votre partie sera foutue. Quel est le génie qui a pensé que ce genre de décision absurde constituerait une bonne idée ?

C’est triste à dire, mais vos guerriers sont désormais tellement sur-équipés que les mages sont au chômage technique 90% du temps

Mais l’apothéose se constate en avançant dans le jeu. Déjà, celui-ci n’est pas spécialement long : comptez une quinzaine d’heures au maximum, comme le premier titre de la saga, pour en venir à bout. Ce serait honnête si, en cherchant à offrir une structure partiellement ouverte, le programme ne se vautrait pas une nouvelle fois, faute d’un level design intelligent. En gros, le jeu se divise entre trois zones extérieures (le cimetière, une forêt et les ruines de Myth Drannor) aussi étendues que vides, et trois donjons de plusieurs étages (un mausolée, la guilde des mages, et le temple de Lathandre). Les zones extérieures étant vite parcourues, ces trois donjons représentent donc le cœur du jeu… Le seul problème étant qu’un d’entre eux se révèle totalement facultatif !

Le fameux mausolée qui ne sert à rien

En fait, le jeu peut tout à fait être bouclé en sept ou huit heures lors d’une première partie – à condition de ne pas se retrouver obligé à recommencer à la suite d’une des nombreux cas où le titre vous coince dans une situation où la partie est ingagnable sans avoir le bon goût de vous prévenir. Pour ne rien arranger, ces donjons sont si paresseusement agencés qu’on s’ennuie parfois plutôt qu’autre chose à les parcourir, et que cette fin prématurée apparait plus comme une libération, au terme d’un combat final ridicule qui peut littéralement se résoudre en trois coups d’épée ! Bref, une fâcheuse sortie de route, pour un titre qu’on avait attendu longtemps – et qui aurait sans doute mieux fait de ne jamais sortir. Reste une aventure passable qui contentera peut-être les plus acharnés des fans de la série, mais certainement pas la conclusion qu’on attendait.

Vidéo – Les dix premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20 Loin d'être l'apogée de la série initiée en 1991, Eye of the Beholder III aura au contraire représenté son acte de décès. Sans être un jeu catastrophique, le titre de SSI reste à des kilomètres des espoirs qu'on était en droit de placer en lui : fade, plat, dépassé, sans imagination, le titre souffre de l'absence des studios Westwood aux commandes et offre au final une expérience déjà vécue mille fois et qui ne surprend jamais. Inférieur en tous points à Eye of the Beholder II, le logiciel développé par SSI agonise de son manque d'idées et d'ambition, et n'offre pas grand chose de plus que des niveaux labyrinthiques mal conçus et des successions de combats pas bien passionnants. Un jeu qui laisse en bouche un goût amer, et scelle le destin d'une saga légendaire avec une sortie ratée. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un level design aux fraises : un donjon qui ne sert à rien, et on est presque heureux que le reste du jeu soit aussi court – Le combat final est une mauvaise blague – On peut se retrouver avec un jeu impossible à finir sans même le savoir – Réalisation pas à la hauteur du précédent titre, pourtant sorti deux ans plus tôt – Pratiquement aucune innovation

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Eye of the Beholder III sur un écran cathodique :

Version PC-98

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Ving Co., Ltd.
Date de sortie : 30 novembre 1994
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Systèmes : PC-9801 RA/RS/RX/EX/DA/DS/DX/FA/FS/FX
Modes graphiques supportés : GA-1024A/AL, GA-1280A/AL, GA-98NBI/IMG, PC-9801 (16 couleurs), PC-9821Bx, PC-9821 Multi/AX/XX, Power Window 801G/928G/II/805i, WAB-S/1000/2000, WAB-4000, WSR-E
Cartes sonores supportées : MPU-PC98 + MT-32/SC-55, PC-9801, PC-9801-26K, PC-9801-86, RS-232C MIDI + MT32/SC-55, Sound Blaster 16

Vidéo – L’introduction du jeu :

Le PC ne sera pas resté comme la seule machine à avoir hébergé la totalité de la trilogie Eye of the Beholder ; le PC-98 aura également bénéficié de cet insigne honneur (je vous laisse débattre de la question de savoir si les joueurs Amiga doivent se sentir brimés de n’avoir jamais accueilli l’épisode le plus faible de la saga sur leur machine). Comme pour le précédent opus, on sent bien que plus grand chose ne séparait, techniquement parlant, un PC-98 de son alter ego occidental au moment de la sortie du jeu : c’est, pour l’essentiel, exactement le même programme avec les mêmes options, mais profitant pour l’occasion d’une traduction en japonais. On peut d’ailleurs y connecter les mêmes interfaces MIDI que sur la version PC, avec une place spéciale pour la Sound Blaster 16, apparemment populaire là-bas. Autant dire que dès l’instant où vous avez un PC sous la main (ou même un Mac avec DOSBox), ce portage ne présente pour ainsi dire aucun intérêt, surtout si vous ne parlez pas japonais.

Pas un pixel ne manque

NOTE FINALE : 13,5/20

Comme son prédécesseur, Eye of the Beholder III sur PC-98 n’est rien d’autre que la transcription pixel perfect de la version PC traduite pour l’occasion en japonais. Vous savez ce que vous venez chercher.

Eye of the Beholder II : The Legend of Darkmoon

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Titre alternatif : Official Advanced Dungeons & Dragons Computer Product : Eye of the Beholder II The Legend of Darkmoon – A LEGEND SERIES Fantasy Role-Playing Saga, Vol. II (boîte)
Testé sur : PC (DOS)AmigaFM TownsPC-98
Disponible sur : Linux, Mac OS X, Windows – Version PC émulée, vendue au sein de la compilation Forgotten Realms : The Archives – Collection One
En vente sur : Gog.com (Linux, Mac, Windows)

La saga Eye of the Beholder (jusqu’à 2000) :

  1. Eye of the Beholder (1991)
  2. Eye of the Beholder II : The Legend of Darkmoon (1991)
  3. Eye of the Beholder III : Assault on Myth Drannor (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25 (x2) et 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.3 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Covox Sound Master, haut-parleur interne, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction du jeu :

« Il faut battre le fer tant qu’il est chaud. »

Enfin des extérieurs !

L’avantage avec les dictons de grands-mères, c’est qu’ils finissent fatalement par se révéler pertinents à un moment ou à un autre. Autant dire qu’après avoir connu un joli succès critique et commercial avec Eye of the Beholder premier du nom, les pontes de SSI n’auront pas mis longtemps à arriver à la conclusion qu’ils tenaient là une potentielle licence à succès. C’est pourquoi quelques mois à peine après la sortie du premier épisode – la même année, c’est dire ! – se présentait déjà sur les étals une suite fort logiquement nommée Eye of the Beholder II. Une promptitude dans le développement qui invitait sérieusement à penser qu’on venait de servir du réchauffé, ce qui, pour succéder à titre propulsé au rang d’alternative à Dungeon Master, faisait un peu tache.

Eye of the Beholder II, le jeu qui s’apprête à vous coller une grosse claque

Cela se confirme d’ailleurs lors des premières minutes de jeu : à un petit ravalement de façade près, l’interface du jeu est strictement identique à celle du premier épisode, tout comme la création de personnages, qui n’a pas évolué d’un iota – même les portraits sont les mêmes, ce qui n’est pas réellement surprenant puisque le jeu fait directement suite à l’aventure face à Xanathar d’Eye of the Beholder.

Les fameux niveaux où vous ne pouvez pas vous reposer

Votre groupe d’aventuriers, désormais auréolé de la gloire d’avoir mis une rouste à ce fameux Spectateur, est mandé une nuit par Khelben « Bâton Noir » Arunsun lui-même. L’archimage s’inquiète une nouvelle fois pour Eauprofonde et vous envoie fouiner près du temple de Darkmoon sur-le-champ afin d’enquêter sur le silence d’un de ses éclaireurs, en prenant néanmoins le temps de vous confier une pièce magique qui vous permettra de communiquer avec lui une fois sur place, avant de vous téléporter sur les lieux. Vous pourrez donc importer votre groupe du premier jeu, où en créer un nouveau de niveau 7-8, pour aller vous frotter à cette nouvelle menace dont vous ignorez tout.

On sera heureux (?) d’affronter enfin des êtres humains

Première bonne nouvelle : contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, l’ambition du titre est évidente dès les premiers instants. Par le biais de la magnifique introduction que vous pouvez consulter ci-dessus, tout d’abord, et qui en envoyait plein les mirettes d’entrée de jeu. Par le soin indéniable apporté à la réalisation, ensuite, qui multiplie les illustrations, les personnages animés, et surtout les environnements soigneusement détaillés. Soyons honnête : Fin 1991, Eye of the Beholder II pouvait revendiquer sans excès de fierté le titre de plus beau dungeon crawler jamais sorti jusqu’alors, et le fait de commencer le jeu en extérieur (une relative nouveauté à l’époque, même si des titres comme Captive permettaient déjà de mettre le nez dehors) annonce déjà clairement le fait que le concept du donjon unique à parcourir étage par étage a fait son temps.

Les sorciers sont fragiles, mais font très mal

Plus question, en effet, de se contenter de descendre le plus vite possible jusqu’au fond d’un donjon : le temple de Darkmoon près duquel vous commencez la partie servira en fait de hub entre plusieurs donjons de plus en plus difficiles, et au sein desquels vous mènerez votre enquête afin de savoir qui cherche à nuire à Eauprofonde. Non seulement cela aide à casser l’éternelle routine qui faisait office de règle d’or depuis Dungeon Master, mais c’est également un très bon prétexte pour varier les environnements avec une régularité encore plus spectaculaire que dans le premier opus.

Le titre fourmille d’idées

Forêt, temple, catacombes, tour de marbre, tapis et tentures de velours : on a réellement le sentiment de voir du paysage, dans Eye of the Beholder II, et la lassitude ne s’installe pratiquement jamais en dépit de la taille conséquente de chacun des donjons du jeu. Lesquels risquent de vous occuper un petit bout de temps, car non seulement le jeu est bien plus long que le premier épisode – comptez une bonne vingtaine d’heures au minimum – mais il est également beaucoup plus difficile.

Attendez-vous à croiser beaucoup de monde, cette fois

L’opposition nettement plus relevée à laquelle vous devrez faire face en est la première raison. Si les choses commencent doucement, avec des loups ou des soldats qui devraient vous servir de simple mise en bouche, le bestiaire est extrêmement varié et vous mettra aux prises avec des cochonneries qui rivaliseront d’inventivité pour vous compliquer la tâche. Non seulement vous serez toujours susceptible de vous faire empoisonner ou paralyser, mais vous pourrez même également vous faire transformer en pierre – un sort équivalent à la mort si vous n’avez pas encore atteint le niveau vous permettant de lancer le sort vous « dé-pétrifiant » – ou vous prendre des sortilèges de masse qui atteindront tout votre groupe.

Eye of the Beholder II initie également la très bonne idée des clefs qui ressemblent aux serrures qu’elles ouvrent

Vers la deuxième moitié du jeu, la moindre rencontre peut devenir une menace, et on est constamment surpris par le culot et l’inventivité des designers pour vous mener la vie dure lors de vos rencontres. Pour ne rien arranger, le programme n’hésite pas à vous ensevelir sous le nombre d’adversaires, quitte à en expédier plus d’une dizaine à la fois autour de vous – vous allez apprendre à aimer vos magiciens comme jamais vous ne les aviez aimés. Vos clercs aussi, d’ailleurs, puisqu’ils devraient enfin atteindre un niveau leur permettant de relever les morts, ce qui pourrait vous arriver souvent – ce sera même une de vos principales possibilités de recrutement, car certains des membres qui pourront rejoindre votre groupe n’existeront que sous la forme d’ossements au moment où vous les trouverez.

Le jeu se met bien plus en scène que son prédécesseur

Mais plus encore que l’opposition, la difficulté – et tout le génie du titre, pour être honnête – est à mettre au crédit du level design, qui est à n’en pas douter un des tous meilleurs du genre. Si le premier épisode avait déjà placé le curseur assez haut dans ce domaine, il est littéralement humilié par son successeur, qui cumule assez d’idées pour en tirer plusieurs jeux à lui tout seul.

La variété des adversaires est impressionnante

Il serait aussi complexe que criminel de tenir ici la liste intégrale des trouvailles d’Eye of the Beholder II, mais citons néanmoins ces fameux niveaux où il vous est impossible de vous reposer – et donc de récupérer vos points de vie et vos sortilèges -, cette énigme où il faudra utiliser vos sortilèges et votre jugeote pour emprisonner des monstres aux endroits désignés, ce personnage recrutable qui vous laisse en plan une nuit en vous volant du matériel, sans oublier les interventions de votre nouvel ennemi qui cherchera à vous induire en erreur, des énigmes retorses à s’en arracher les cheveux, et le cortège habituel de téléporteurs, de pièges, de murs illusoires et d’objets qui ne trouvent leur utilité que plusieurs heures après les avoir ramassés.

Certains personnages sont très bien dissimulés

Inutile de dire qu’il est strictement impossible d’espérer terminer l’aventure sans dessiner des plans détaillés de chaque niveau, d’autant que le programme n’a aucun scrupule à l’idée de placer des objets indispensables derrière des passages secrets vicieusement cachés, ni pour vous renvoyer plusieurs étages en arrière récupérer cette satanée épée maudite dont vous vous étiez débarrassé avec soulagement uniquement pour découvrir que vous allez finalement en avoir un besoin vital. Mieux vaudra être d’une patience à toute épreuve, car non seulement certaines énigmes sont particulièrement coriaces, mais il est en plus fréquent de devoir retourner explorer des niveaux avec lesquels on pensait en avoir fini pour de bon afin de s’assurer de n’avoir pas raté une clef ou un objet de quête.

Vous recroiserez quelques vieux amis

Autant dire que le titre s’adresse clairement à des joueurs s’étant fait les griffes sur plusieurs logiciels du même genre, ou au moins sur le premier épisode, faute de quoi le néophyte risquera de longtemps cogiter sur des énigmes qui paraitront évidentes pour un vétéran du dungeon crawler. Combien de joueurs débutants auront tourné en rond de nombreuses heures faute d’avoir compris comment ouvrir l’accès au deuxième donjon ?

Les derniers niveaux sont souvent déroutants

Bref, le jeu n’est sans doute pas le mieux désigné pour découvrir le genre, mais pour tous les rôlistes vétérans, c’est pratiquement un rêve devenu réalité – à tel point que les quelques rares défauts entrevus lors du premier épisodes (absence de gestion de la boisson et de la lumière, par exemple) sont devenus ici totalement insignifiants, tant les nouveaux problèmes qui se posent à vous vous occuperont mille fois plus que cet aspect microgestion qui n’amusait déjà plus grand monde. Eye of the Beholder II n’était pas juste une suite magistrale : c’était également le mètre-étalon à partir duquel seraient jugé tous les représentants du dungeon crawler dans les années qui allaient suivre. Pas mal, pour un titre développé en quelques mois.

Vidéo – Les dix premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 19/20 D'un seul revers de main, Eye of the Beholder II aura littéralement balayé les quelques appréhensions qu'avait pu faire naître sa sortie rapide, quelques mois à peine après un premier épisode qui avait déjà placé la barre très haut. Long, difficile, superbe, varié, d'une créativité rare et d'une imagination surprenante, le titre de Westwood Associates aura définitivement remis les pendules à l'heure en faisant de lui, sans discussion possible, le meilleur dungeon crawler au moment de sa sortie – un titre que bien peu de logiciels du même type auront d'ailleurs été en mesure de lui disputer depuis lors. N'importe quel amateur du genre doit absolument y avoir joué au moins une fois dans sa vie, faute de quoi il passerait à n'en pas douter à côté d'une des expériences les plus marquantes jamais proposées dans le domaine du jeu de rôle. Une merveille. CE QUI A MAL VIEILLI : – Certaines énigmes sont à s'arracher les cheveux – Les derniers combats ne font aucun cadeau – Revenir loin en arrière sera souvent une nécessité si vous n'êtes pas atrocement méthodique – Il est tout à fait possible d'expédier des objets indispensables à des endroits où on ne pourra jamais les récupérer - mieux vaut éviter de faire n'importe quoi

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Eye of the Beholder II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Superbe ! Je ne peux rien dire d’autre. EO2 est un jeu très agréable à pratiquer. Il ne s’agit pas seulement d’un jeu où les combats constituent l’essentiel du jeu. Ils sont nombreux, certes, mais le jeu est conçu de manière à ce que les dialogues et les réactions des personnages (y compris les vôtres) donnent à la partie une atmosphère de jeu d’aventure, ce qui, en général, fait cruellement défaut dans ce type de logiciel. »

Dany Boolauck, Joystick n°23, Janvier 1992, 95%

« The Legend of Darkmoon ne souffre d’aucun défaut et les amateurs de jeu de rôle ne doivent absolument pas le manquer. De nombreux ataristes (comme moi) ont acheté un ST pour jouer à Dungeon Master. Eye 2 est le premier jeu de ce type à justifier l’achat d’un PC ! »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°99, Février 1992, 19/20

Version Amiga

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Date de sortie : Mai 1992
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction du jeu :

Tout comme le premier épisode avant lui, Eye of the Beholder II aura également connu son portage sur Amiga quelques mois après la version PC. Sans surprise, l’ambition du titre en exige beaucoup  de la machine de Commodore, et s’essayer au jeu sans disque dur commence à représenter une gageure.

Sur certains écrans, le jeu s’en sort graphiquement très bien…

Dès l’introduction, le ton est donné : graphiquement, l’Amiga fait ce qu’il peut, et s’il est encore capable de faire de très jolies choses, il est indéniablement à des kilomètres de la version PC. La musique, elle, est jouée beaucoup plus lentement, et la plupart des bruitages ont disparu – ce n’est heureusement pas le cas durant la partie, où la puce Paula fait même plutôt mieux que ce que permettaient l’AdLib et la Sound Blaster. En revanche, du côté des décors, cela va du très honnête (la forêt du début du jeu) au moins emballant (les catacombes virent un peu à la bouillie de pixels). Les graphismes sont moins fins, les dégradés virent un peu trop souvent à l’aplat ou au gros pâté, et les temps de chargement pénalisent l’expérience – même si, comme on peut s’en douter, les choses vont beaucoup mieux dès l’instant où l’on lance le titre sur un Amiga 1200 doté d’un disque dur. Si le jeu est intrinsèquement toujours aussi bon, le ravissement permanent de la version PC laisse la place à quelque chose de plus blasé, et le titre aura certainement eu à souffrir de la comparaison avec des titres comme Black Crypt là où la version originale régnait en maître. À noter qu’une version AGA aura été développée bien des années plus tard par des fans, consultez le test du premier Eye of the Beholder si vous désirez en savoir plus.

…Mais dans l’ensemble, les dégradés sont moins fins, ce qui n’est pas non plus une catastrophe

NOTE FINALE : 18,5/20

Ne vous y trompez pas : Eye of the Beholder II sur Amiga est toujours un très bon jeu, particulièrement pour ceux qui auront eu la chance de le découvrir sur un Amiga 1200 doté d’un disque dur. On sent quand même rapidement à quel point cette version souffre de la comparaison avec sa consœur sur PC, notamment sur le plan graphique où le gouffre qui commençait à se former avec le VGA est visible à chaque écran. Reste un excellent dungeon crawler, et un que vous auriez tort de ne pas découvrir dans tous les cas.

Version FM Towns

Développeur : Cybelle
Éditeur : Arrow Micro-Techs Corp.
Date de sortie : Novembre 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale : Systèmes : FM Towns/II, MX/MA/ME, Marty

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme beaucoup de jeux de rôles occidentaux, Eye of the Beholder II aura fini par faire le trajet jusqu’au FM Towns.

On ne peut pas dire que la réalisation ait souffert du portage

Naturellement, il l’aura fait dans une version CD-ROM qui s’avère n’être qu’un portage à 99,9% identique à la version PC, les pistes numériques jouées n’étant pas grand chose de plus que l’équivalent de ce que jouait une carte sonore Sound Blaster dans la version MS-DOS. C’est un peu décevant, mais pour le reste, on ne peut pas se plaindre d’avoir été floué : c’est bel et bien l’un des meilleurs dungeon crawler jamais programmé qui est disponible dans une copie conforme pratiquement au pixel près… mais en japonais. Autant dire que si vous ne parlez pas la langue, sauf à avoir développé une allergie irréversible pour le PC, inutile d’aller remuer ciel et terre pour une version qui n’apporte pratiquement rien par rapport à l’originale. Cela n’empêche pas, dans tous les cas, le jeu d’être toujours aussi bon.

Tout est à sa place, et c’est tant mieux

NOTE FINALE : 19/20

Eye of the Beholder II arrive sur FM Towns avec une prise de risque minimale : c’est pratiquement le même jeu que sur PC, à l’exception de quelques petits ajouts mineurs très anecdotiques. Le CD-ROM n’est pas réellement mis à contribution, et le jeu est évidemment réservé à ceux qui parlent japonais, mais si c’est votre cas, vous pouvez foncer les yeux fermés.

Version PC-98

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : 19 Novembre 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Systèmes : FM Towns/II, MX/MA/ME, Marty

Vidéo – L’introduction du jeu :

Autre grand habitué des conversions de jeux de rôles occidentaux, le PC-98 aura lui aussi eu le droit à son portage d’Eye of the Beholder II. Comme sur FM Towns, le résultat nous rappelle surtout à quel point les ordinateurs personnels étaient en train de se standardiser à l’échelle internationale : c’est, à bien des niveaux, un calque pixel perfect de la version PC, avec la possibilité de jouer en 16 ou en 256 couleurs. La petite nuance, en-dehors du fait que le jeu soit désormais en japonais (l’interface, elle, est encore en anglais, ce qui rend l’essentiel du jeu relativement praticable même sans parler un mot de japonais), est surtout la reconnaissance d’interfaces MIDI qui n’étaient pas gérées par la version originale – il est donc tout à fait possible de découvrir le titre avec une Roland MT-32 ou avec n’importe quelle carte sonore compatible avec le standard MPU-401. Selon votre configuration, cela peut offrir un résultat plus convaincant que sur PC ou même sur Amiga, les bruitages étant gérés, pour leur part, par la carte FM de la machine. Bref, une nouvelle fois, rien de fondamentalement neuf (le contenu n’a pas changé d’un micron), mais ceux qui savent lire le japonais seront éventuellement heureux de découvrir une réalisation sonore un peu plus avancée.

Graphiquement, c’est l’exact équivalent de la version PC

NOTE FINALE : 19/20

Pas de grand bouleversement pour cette version PC-98 d’Eye of the Beholder II, qui est essentiellement la copie carbone de l’itération PC originale. Les joueurs capables de franchir la barrière de la langue pourront être heureux de bénéficier d’une réalisation sonore tirant parti du standard MPU-401.

Eye of the Beholder

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Titre alternatif : Official Advanced Dungeons & Dragons Computer Product : Eye of the Beholder – A LEGEND SERIES Fantasy Role-Playing Saga, Vol. I (Boîte), Dungeons & Dragons : Eye of the Beholder (Game Boy Advance)
Testé sur : PC (DOS)AmigaPC-98Mega-CDSuper Nintendo
Disponible sur : Linux, Macintosh, Windows (au sein de la compilation Forgotten Realms : The Archives – Collection One)
En vente sur : Gog.com (Linux, Macintosh, Windows)

La saga Eye of the Beholder (jusqu’à 2000) :

  1. Eye of the Beholder (1991)
  2. Eye of the Beholder II : The Legend of Darkmoon (1991)
  3. Eye of the Beholder III : Assault on Myth Drannor (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25 (x5) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA (320×200)
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1991, le rôliste possesseur de PC était presque totalement comblé. La sortie de la nouvelle génération de processeurs équipant les modèles AT, couplée à la démocratisation du VGA et des premières cartes sons, avait fini par installer définitivement la machine d’IBM dans le paysage vidéoludique. La saga Ultima avait enfin déserté l’Apple II pour être développée sur PC, SSI avait investi dans Donjons & Dragons pour inonder le marché de titres tirant profit de la licence, de Pool of Radiance à Pools of Darkness en passant par la saga des Krynn ; bref tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La création de personnages vous laisse une liberté totale

À un détail près.

Ce détail fort agaçant, c’étaient les rires gras des possesseurs d’Atari ST et d’Amiga, qui pouvaient se pavaner en jouant à l’excellent Dungeon Master, et même à sa suite Chaos Strikes Back, pendant que le joueur PC rongeait misérablement son frein. Le titre révolutionnaire de FTL Games était en effet déjà sorti depuis quatre ans – autant dire une éternité – et semblait bien décidé à snober jusqu’au bout les PCistes, frustrés de devoir tromper l’ennui sur des clones comme Bloodwych qui ne jouaient pas dans la même cour que leur illustre modèle. Jusqu’à ce qu’enfin la revanche arrive, et qu’elle s’intitule Eye of the Beholder.

Toute ressemblance avec un jeu dont le titre commence par Dungeon serait purement fortuite… ou pas

Le titre de Westwood Associates partage en effet une filiation évidente avec Dungeon Master : parcourir un donjon case par case, avec des combats en temps réel, avant d’aller affronter le grand méchant tout au fond. Mais, loin de se contenter d’être un simple ersatz du titre de FTL Games, Eye of the Beholder arrive avec ses propres arguments, bien décidé à utiliser les quatre années le séparant de la sortie de son maître pour se donner les moyens de rivaliser avec lui.

Évidemment, attendez-vous à trouver des dizaines de clefs et d’interrupteurs

Le scénario choisit, tout d’abord, de mettre à profit l’univers des Royaumes Oubliés pour vous envoyer dans les égouts d’Eauprofonde, à la recherche d’un mal mystérieux sur lequel il vous faudra enquêter. Mais à peine votre groupe aura-t-il parcouru quelques mètres dans les souterrains de la ville qu’un éboulement soigneusement provoqué viendra barrer la sortie. La seule échappatoire, dorénavant, sera de parcourir les douze niveaux du jeu pour découvrir l’identité de votre adversaire et en profiter pour lui régler son compte.

Le soin apporté à la réalisation tranche un peu avec les éternels couloirs gris auxquels nous avait habitués le père fondateur du genre

Première originalité, en quelque sorte : plus question d’aller choisir vos personnages parmi une sélection de héros pré-créés comme c’était le cas dans Dungeon Master. Le jeu s’appuie sur la deuxième édition des règles de Donjons & Dragons pour vous proposer de créer vos quatre avatars, en vous laissant le soin de choisir leur classe, leurs caractéristiques, leur nom et leur portrait. Le jeu autorise les personnages multi-classés, et vous pouvez choisir de vous conformer au tirage au sort de leurs statistiques ou bien de les éditer manuellement sans aucune contrainte. Il est donc très facile de se faire une équipe de personnages ayant 18 dans toutes les caractéristiques si vous le désirez, sachant que cela n’aura finalement qu’un impact modéré sur la difficulté du titre. Puis vous pouvez lancer la partie et débuter l’exploration des égouts d’Eauprofonde.

Le poison ou la paralysie font partie des joyeusetés qui peuvent décimer votre équipe

Le premier détail qui saute aux yeux, naturellement, est la réalisation du titre. Nous sommes en 1991, et réaliser un jeu en 16 couleurs sur des machines permettant d’en afficher seize fois plus n’aurait aucun sens. Le logiciel tire donc parfaitement parti des 256 couleurs de sa palette pour distiller immédiatement une ambiance marquée, bien décidé à supplanter celle de son illustre modèle. Cela fonctionne d’autant mieux que, contrairement au titre de FTL Games qui affichait sempiternellement les mêmes murs d’un bout à l’autre de l’aventure, Eye of the Beholder aura le bon goût de vous faire parcourir pas moins de cinq environnements différents au cours de la partie, ce qui participe énormément à l’envie d’aller encore un peu plus loin pour découvrir ce que le jeu a à offrir. Les monstres, s’ils ne sont animés qu’en trois images, sont très bien réalisés et immédiatement reconnaissables, et le jeu a également la bonne idée de proposer une cinématique d’introduction et une ambiance sonore tirant parti des cartes AdLib et Sound Blaster. Pas de musique une fois en jeu, mais on entend les monstres se déplacer dans le lointain, les personnages crier, bref on s’y croit largement autant que dans le donjon de ce bon vieux Lord Chaos, et c’est une très bonne chose.

J’espère que vous aimez les téléporteurs, parce que vous allez en voir beaucoup

L’interface visuelle devrait d’ailleurs immédiatement mettre à l’aise les habitués de Dungeon Master : On y retrouve à peu près tout ce que proposait le jeu de FTL Games, à quelques détails près. Ainsi, on a désormais en permanence une boussole (très pratique au demeurant) au milieu de l’écran, l’apparition de l’inventaire ne masque plus la fenêtre de jeu, et il est beaucoup plus facile de faire transiter un objet d’un personnage à un autre. Seul regret : la fenêtre de jeu est plus petite que dans Dungeon master, mais on n’y pense même plus après quelques minutes de jeu.

Les interrupteurs cachés ne sont pas toujours très difficiles à trouver – à condition d’inspecter chaque mur

Les différences auraient pu s’arrêter là et Eye of the Beholder s’efforcer de calquer au maximum le déroulement de son modèle, mais l’équipe de Westwood Associates, qui s’apprêtait à se faire un nom, avait bien l’intention d’apporter ses idées propres histoire de renouveler un peu l’approche. Tout d’abord, Donjons & Dragons oblige, plus question de composer ses sorts comme dans Dungeon Master : on les choisira tout bêtement dans une liste après les avoir appris. Pas de mana ici : les magiciens comme les clercs ne peuvent lancer qu’un nombre limités de sort avant de devoir se reposer. Le jeu gère toujours la nourriture, mais plus l’eau ni la lumière. Et si parvenir à se nourrir pourra représenter une pression réelle lors des premiers niveaux du titre, les choses changent drastiquement à partir du moment où votre clerc (si vous en avez un, bien sûr) apprend le sortilège lui permettant d’invoquer des vivres. Si cette simplification de la microgestion pourra choquer les puristes – l’état de santé de vos personnages ainsi que la gestion de la lumière étant un soucis constant dans Dungeon Master – il faut bien reconnaître que cela a également l’avantage de vous permettre de vous concentrer sur l’exploration sans avoir à consulter des jauges de faim ou de soif tous les deux cents mètres, ce qui présente également bien des avantages.

Ces portails vous permettront de voyager entre les niveaux du donjon… à condition d’avoir les clefs nécessaires

Le vrai critère pour décider de la qualité de l’aventure, on s’en doute, tiendra malgré tout à la qualité du level design. Et si Eye of the Beholder propose, à ce titre, des niveaux souvent beaucoup plus tortueux que ceux de Dungeon Master – avec quantité de passages secrets, de téléporteurs impromptus, d’interrupteurs cachés, de chausse-trappes, et ce dès le deuxième niveau – il est également plus simple et nettement plus court que son illustre modèle (comptez entre huit et douze heures environ pour en venir à bout). En revanche, le jeu est également bien moins linéaire, vous proposant divers passages alternatifs, des raccourcis sous la forme de portails magiques, et surtout des quêtes faisant leur apparition au fil du déroulement du jeu, puisque non seulement vous pourrez rencontrer des PNJs et discuter avec eux – première grande nouveauté du programme – mais vous pourrez également en recruter certains et donc agrandir la taille de votre groupe jusqu’à six personnages !

Pourquoi les sorciers maléfiques vous détaillent-ils toujours leurs plans avant d’essayer de vous tuer ?

C’est bien simple, le déroulement peut changer drastiquement d’une partie à l’autre – il arrive même que les plans des niveaux subissent quelques petites altérations dans le placement des boutons et des leviers – et si vous pouvez tout à fait vous précipiter vers le fond du donjon pour aller faire sa fête au boss final, vous aurez également l’opportunité d’en apprendre plus sur votre ennemi, sur le conflit entre les nains et les drows, et même de résoudre la confrontation finale par le biais d’un piège plutôt que par la force brute ! Le joueur bien décidé à retourner chaque pierre pourra ainsi bénéficier d’une durée de vie pratiquement doublée comparée à celle du joueur pressé, et apprendre des dizaines de choses – une très bonne raison de relancer le titre une deuxième fois après l’avoir fini, donc. Raffinement ultime : le jeu comporte également une quête cachée par niveau (douze au total, donc) qui vous permettra à chaque fois de mettre la main sur du matériel magique. Il est ainsi possible de dégotter une dague +4 dès le premier sous-sol, je vous laisse découvrir comment.

Le jeu propose également son lot de quêtes secondaires et de personnages à enrôler

Le tableau serait presque idyllique s’il n’avait pas également fallu composer avec les calculs de boutiquiers de l’époque. Je m’explique : SSI, au moment de lancer le jeu, tablait sur le fait que la très grande majorité des joueurs n’en verrait jamais le bout (on constatera d’ailleurs à quel point ils sous-estimaient les rôlistes de l’époque, qui en avaient vu d’autres). Histoire de limiter les coûts et de faire tenir le jeu sur quatre disquettes, ils décidèrent donc… de supprimer la cinématique de fin, pour la remplacer par un simple message de félicitations au retour à l’invite DOS. Un vrai faux pas pour les joueurs de l’époque, qui avaient de quoi se sentir floués du fruit de leurs efforts – cela fit d’ailleurs suffisamment de bruit pour que SSI se décide à réintroduire la cinématique de fin… dans la version Amiga.

Les adversaires sont assez variés

Cette petite faute de goût mise à part, il faut bien reconnaître que le coup d’essai de Westwood Associates avait déjà tout d’un coup de maître, et que si Eye of the Beholder n’avait pas encore les arguments pour renvoyer Dungeon Master dans les oubliettes de l’histoire vidéoludique, il avait déjà largement ceux pour contenter les rôlistes sur PC, et surtout pour faire taire définitivement les ataristes et les amigaïstes qui ricanaient bêtement. Et ça, ça n’a pas de prix.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1991 (Tilt n°97, décembre 1991) – Nominé dans la catégorie « Meilleur jeu de rôle sur micro »

NOTE FINALE : 16,5/20 Sorti de nulle part à une époque où personne ne l'attendait plus, Eye of the Beholder est venu réaliser l'un des plus grands fantasmes des rôlistes qui jouaient sur PC en dotant enfin la machine d'IBM de « son » Dungeon Master. Porté par une équipe de Westwood Associates qui allait rapidement se faire un nom dans l'univers vidéoludique, le titre ne se contente pas de reprendre les codes de son illustre modèle mais en profite également, sans aucun complexe, pour débarquer avec ses propres idées, introduisant ainsi des quêtes, des PNJS, une non-linéarité et une variété bienvenues. Tout juste pourra-t-on regretter que l'aspect « survie » de l'aventure soit devenu purement anecdotique, et que le titre soit assez facile – et surtout assez court. Mais pour les amateurs de dungeon crawler, cela reste un titre à essayer absolument – rares sont ceux qui le regretteront. CE QUI A MAL VIEILLI : – L'abondance de téléporteurs et l'impossibilité d'afficher des coordonnées compliquent énormément la cartographie du donjon – Beaucoup de mécanismes de Donjons & Dragons passent purement et simplement à la trappe, et l'aspect « jeu de rôle » est finalement assez mineur – On aurait largement signé pour cinq ou six niveaux de plus – La cinématique de fin caviardée pour que le jeu prenne moins de place

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Eye of the Beholder sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Malgré quelques défauts de jeunesse qui seront sans doute réparés dans les épisodes ultérieurs (SSI nous a habitués à de multiples suites…), ce jeu est tout simplement fabuleux. Les graphismes sont absolument magnifiques (en VGA 256 couleurs), que ce soit pour les monstres, les personnages ou pour les murs des donjons. Eye of the Beholder nous propose, en plus, cinq types de souterrains différents : voilà qui nous change de Dungeon Master ! En revanche, la représentation en 3D ne prend qu’un tiers de l’écran, et seule l’utilisation des 256 couleurs du MCGA permet d’atteindre une telle qualité d’image. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°90, Mai 1991, 18/20

Version Amiga

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction du jeu :

Eye of the Beholder a beau être resté, aux yeux de la postérité, le Dungeon Master sur PC que les rôlistes de l’époque avaient attendu de leurs vœux, cela ne l’a pas empêché de poursuivre sa carrière sur la machine de Commodore où la concurrence était pourtant bien plus féroce – justement à cause de Dungeon Master et de Chaos Strikes Back. L’occasion de mesurer les première retombées de cette époque charnière où le PC était devenu, mine de rien, une machine plus puissante que l’Amiga et l’Atari ST.

On sent bien qu’on a perdu quelques couleurs, mais pas de quoi hurler non plus

Inutile d’ailleurs de s’attarder sur le contenu du titre, résolument identique à celui de la version originale à un petit détail près : la présence d’une cinématique de fin, ultime pied-de-nez aux PCistes qui trouvaient encore le moyen de se voir privés d’un privilège accordé aux amigaïstes. Une fois cette injustice mise à part, on ira plutôt chercher les différences du côté de la réalisation, comme on pouvait s’en douter.

À ce niveau, le logiciel de Westwood Associates doit bien évidemment composer avec une palette réduite. C’est clairement moins beau que sur PC – on n’en avait pas encore l’habitude à l’époque – mais force est de reconnaître que le résultat reste très honnête, et toujours largement apte à faire la leçon à Dungeon Master. On sent quand même les dégradés aplanis à la truelle, et le tout n’atteint pas la finesse que proposera Black Crypt l’année suivante. En revanche, côté sonore, l’Amiga rivalise largement avec l’AdLib et la Sound Blaster, particulièrement pour ce qui est des bruitages, un peu plus pêchus sur cette version.

L’interface passe désormais en nuances de rouge, ce qui modifie un peu l’ambiance, mine de rien

NOTE FINALE : 16/20

Eye of the Beholder n’occupe évidemment pas la même place dans le cœur des joueurs Amiga que dans celui des rôlistes PC, trop heureux d’obtenir enfin le clone de Dungeon Master dont on les avait privés depuis si longtemps. Cela n’empêche pourtant pas ce portage de s’en tirer avec les honneurs, en récupérant notamment la cinématique de fin dont la version PC s’était vue amputée. La réalisation graphique ne rivalise évidemment pas avec les 256 couleurs du VGA, mais le voyage au fond des égouts d’Eauprofonde est toujours aussi prenant, alors pourquoi se priver ?

Du côté des fans :

Cette image, qui provient du site https://gamesnostalgia.com, devrait vous aider à vous faire une idée de ce à quoi ressemble la version AGA

Même si on verse ici dans une autre sorte de retrogaming, il existe une version AGA du jeu développée en 2006 par des fans – et nécessitant donc un Amiga 1200 ou 4000, comme vous pouvez vous en douter. Celle-ci offre des graphismes sensiblement identiques à ceux de la version PC, en 256 couleurs. Plus intéressant, elle propose également une carte automatique accessible en cliquant sur la boussole (blasphème !), et surtout une version française. Des apports équivalents ont également été faits à la version Amiga du deuxième épisode. Bref, un bon moyen de se souvenir que la communauté Amiga est encore en vie, et qu’elle est toujours active.

Version PC-98

Développeur : Opera House Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 18 juin 1992
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Disquette 5,25″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu :

Les jeux de rôle occidentaux avaient tendance à être assez populaires au Japon – davantage, en tous cas, que le reste de la production vidéoludique européenne et américaine. Eye of the Beholder aura donc, comme beaucoup d’autres titres du genre avant et après lui, atterri sur la gamme PC-98 de NEC. La limite la plus évidente de la machine apparaîtra assez rapidement : le jeu n’est plus qu’en seize couleurs, et la résolution native élevée de la machine n’est mise à contribution que pour afficher le texte – désormais intégralement en japonais, comme on pouvait s’y attendre. Le résultat est loin d’être hideux, mais il ne rivalise bien évidemment pas avec le VGA, ni même avec ce qu’affichait l’Amiga. La bonne nouvelle, en revanche, c’est qu’il y a désormais de la musique, et que celle-ci colle assez bien à l’ambiance du jeu – sans aller chercher dans des sonorités électroniques comme le ferait la version Mega-CD deux ans plus tard. Le résultat est globalement sympathique, même si l’absence de version anglaise du jeu risque de poser pas mal de problèmes aux joueurs ne connaissant pas le titre originel par cœur, en particulier pour ce qui est de la création de personnages.

C’est ce qu’on était venu chercher, mais dommage que les graphismes ne soient pas plus colorés – ou plus fins

NOTE FINALE : 15,5/20

Porté sur l’ordinateur de NEC, Eye of the Beholder ne perd rien de ce qui faisait sa force, mais devra désormais composer avec des graphismes nettement moins impressionnants, en seize couleurs. En revanche, la présence de thèmes musicaux est clairement la bienvenue. Dommage que le titre soit intégralement en japonais.

Version Mega-CD

Développeur : Opera House Inc.
Éditeur : FCI
Date de sortie : 22 avril 1994 (Japon) – Août 1994 (États-Unis) – Décembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Manette, SEGA Mouse
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou via la CD BackUp RAM Cart

Vidéo – L’introduction du jeu :

Surprise : Eye of the Beholder aura également tenté l’escapade sur Mega-CD, trois ans après sa sortie initiale sur PC. La plateforme de SEGA aura ainsi pu profiter de plusieurs très bons dungeon crawler, puisqu’elle aura aussi accueilli le portage de Dungeon Master II.

Cette version se défend techniquement très bien

Le jeu en lui-même propose exactement la même aventure que sur les autres supports, en bénéficiant au passage de la cinématique de fin dont avait été privée la version PC – et dans une version différente de celle sur Amiga, ce qui montre que l’on n’a pas affaire à un simple portage. Le titre profite d’ailleurs du support CD-ROM pour proposer des thèmes musicaux (composés par Yuzo Koshiro !) n’ayant rien à voir avec ceux des versions informatiques, dans un style électronique qui tranche radicalement avec l’atmosphère médiévale – ce qui ne conviendra sans doute pas à tout le monde – mais la musique, cette fois, vous accompagne en jeu au lieu de s’arrêter à l’écran-titre. Surtout, cette version est la seule à proposer des doublages, d’une qualité assez honnête, et surtout les bruitages sont de bien meilleure qualité. Rien à redire de ce côté, donc.

C’est moins coloré que sur PC, mais bien plus détaillé que sur Amiga

Graphiquement parlant, si le jeu doit composer avec les mêmes limitations que sur Amiga, n’hésitons pas à dire qu’il s’en sort beaucoup mieux. Certes, c’est toujours moins coloré que sur PC, mais l’ambiance est beaucoup plus proche de ce qu’offrait la version originale que ce qu’on avait pu voir sur la machine de Commodore. Surtout, les animations des monstres ont été retravaillées, tout comme celles de vos personnages : non seulement les combats sont immensément plus fluides, mais vous pourrez en plus voir l’animation de l’impact de vos coups, un peu à la façon des premiers Final Fantasy ! Bref, encore une fois, du travail fait avec grand soin.

En terme de prise en main, là encore, c’est le sans faute. Non seulement la jouabilité au pad est entièrement configurable – le titre vous laisse choisir entre trois modes de jouabilité et vous laisse même sélectionner la vitesse du curseur – mais en plus, le logiciel a l’excellente idée de reconnaître la souris vendue sur Mega Drive. On peut donc profiter d’une jouabilité presque aussi bonne que sur PC – presque car, naturellement, pas question d’utiliser les flèches du clavier pour se déplacer ici. Au final, un portage absolument irréprochable, qui pourrait même convaincre les fans de la première heure de replonger le temps de découvrir cette version.

Les combats sont plus vivants que jamais. Remarquez comme les pieds des kobolds sont cette fois dans l’eau, contrairement aux autres versions

NOTE FINALE : 16,5/20

Eye of the Beholder sur Mega-CD est une excellente surprise : non seulement le titre rivalise sans peine avec la version PC sur tous les points à part les graphismes, mais il profite même d’animations améliorées et de musiques CD, ainsi que d’une gestion de la souris qui font qu’on voit difficilement comment cette version aurait pu être de meilleure qualité. De la jouabilité à la réalisation, le titre ne déçoit absolument jamais, et seul le choix d’une musique aux accents électronique pourra éventuellement décevoir une partie des joueurs. Une version à (re)découvrir.

Version Super Nintendo

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom U.S.A., Inc.
Date de sortie : 18 mars 1994 (Japon) – Avril 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleurs : Manette, souris Super Nintendo
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction du jeu :

Après avoir accueilli son propre portage de Dungeon Master, quoi de plus naturel que de voir la 16 bits de Nintendo recevoir son portage d’Eye of the Beholder ? La machine de la firme au plombier doit d’ailleurs composer avec les mêmes limitations que pour le jeu de FTL Games : une résolution limitée et une jouabilité au pad… au détail près qu’Eye of the Beholder, lui, tire profit de la souris Super Nintendo.

Hé! Où est passé mon bouton « modify » ?

Niveau contenu, tout d’abord, le jeu est identique aux autres versions, à une nuance près : il n’est plus possible de modifier les statistiques de ses personnages pendant leur création. Ce choix étrange oblige à multiplier les lancers de dés jusqu’à obtenir enfin le héros de vos rêves, ce qui peut prendre inutilement un temps considérable, surtout si vous êtes du genre perfectionniste. Bref, une lourdeur qui ne dérangera pas les puristes mais qui énervera prodigieusement le commun des mortels, dommage.

En terme de réalisation, ensuite, ce portage s’en tire clairement beaucoup mieux que celui de Dungeon Master – sorti, il est vrai, trois ans plus tôt. La résolution limitée de la Super Nintendo oblige à tasser pas mal de choses, mais la console s’en tire plutôt bien et l’interface n’a pas à souffrir des quelques modifications qui y ont été apportées. Les graphismes utilisent assez bien la large palette de la machine, et s’ils sont moins fins que sur Mega-CD, ils sont également plus colorés. En revanche, les animations ne profitent pas des améliorations constatées sur CD. Niveau sonore, la musique passe très bien et à l’avantage de coller au thème entendu sur ordinateurs, ce qui choquera sans doute moins les puristes que le choix radical opéré sur la console de SEGA. Les bruitages, eux, sont de bonne qualité.

Ce n’est pas magnifique, mais c’est joli et lisible

Du côté des contrôles, les possesseurs de la souris seront aux anges – ceux du pad ne devraient pas trop se plaindre, eux non plus, tant la jouabilité a une nouvelle fois été très bien pensée. Avec un peu de pratique, on apprend très rapidement à manœuvrer presque aussi vite que sur ordinateur, d’autant que le titre accumule les bonnes trouvailles – comme le fait de vous faire passer automatiquement à l’arme suivante chaque fois que vous frappez un monstre. J’irais même jusqu’à dire qu’un joueur chevronné pourra parvenir à être plus efficace au pad qu’un joueur au clavier et à la souris sur ordinateur, un bel exploit !

Eye of the Beholder est décidément un jeu très réussi quelle que soit la plateforme qui l’accueille

NOTE FINALE : 16/20

Réalisation de bonne qualité, jouabilité irréprochable ; Eye of the Beholder sur Super Nintendo évite la quasi-totalité des écueils qu’on pouvait s’attendre à trouver sur sa route et livre une expérience de jeu très satisfaisante. Dommage, malgré tout, que la création de personnage soit particulièrement exigeante dans cette version.

Dungeon Master

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

BONUS : Une interview (en anglais) de David Darrow, l’illustrateur de la boîte du jeu, expliquant comment l’image a été réalisée, à lire ici.

Développeur : FTL Games
Éditeur : FTL Games
Titres alternatifs : Crystal Dragon (titre de travail), ダンジョン・マスター (graphie japonaise)
Testé sur : Atari STAmigaApple IIgsFM TownsPC-98Super NintendoPC (DOS)
Version non testée : Sharp X68000

La saga Dungeon Master (jusqu’à 2000) :

  1. Dungeon Master (1987)
  2. Dungeon Master : Chaos Strikes Back – Expansion Set #1 (1989)
  3. Dungeon Master : Theron’s Quest (1992)
  4. Dungeon Master II : Skullkeep (1993)
  5. Dungeon Master Nexus (1998)

Version Atari ST

Date de sortie : 15 décembre 1987
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 1.3 française testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Le groupe d’aventuriers marche à l’intérieur des couloirs obscurs. La torche crépite. La pierre est glissante. La lumière dansante dessine des visages grimaçants sur les reliefs des murs. On s’arrête pour dresser un feu de camp ; le clerc en profite pour tenir le plan du donjon à jour. On discute, à voix basse, on prépare les potions et les sortilèges pour l’expédition de demain. Le guerrier qui monte la garde fait signe à tout le monde de se taire. On tend l’oreille. Des grognements résonnent, près, tout près… Le groupe se relève dans l’urgence et se prépare au combat.

Le début du jeu consistera à aller choisir vos personnages. Réfléchissez bien !

Au milieu des années 80, les jeux de rôles, fussent-ils sur papier ou sur ordinateur, étaient encore très largement une affaire d’imagination. La fenêtre de jeu à proprement parler occupait d’ailleurs généralement la portion congrue de l’écran ; le gros de l’interface était mobilisé à afficher des statistiques, des caractéristiques, des listes de commandes, des descriptions textuelles. Pour peu que l’on morde au concept – et que l’on parle anglais, le plus souvent – il fallait reconnaître que la magie opérait malgré tout, à condition de dépasser une prise en main laborieuse et une réalisation… austère. Si s’enfoncer au fond du donjon de Wizardry procurait son lot de sueurs froides, cela restait avant tout dû à l’effrayante difficulté du titre. Les combats comme l’exploration constituaient une affaire lente, méthodique, qu’on pouvait tout à fait mener en buvant un café et en fumant une cigarette, voire en lisant son journal. On planifiait, on réfléchissait, on pesait le pour et le contre ; bref, on jouait à un jeu de rôle comme on aurait joué aux échecs : avec la tête bien froide et beaucoup de temps devant soi.

Le dungeon crawler résumé en un écran : des déplacements en case par case, des pièges, des énigmes

Le truc, c’est qu’on se sentait impliqué par ce qui se passait en jeu comme on l’aurait été en lisant un livre : en laissant l’imagination faire tout le boulot. On visualisait le donjon, les créatures, les scènes de bataille, les trésors, mais on n’avait jamais le sentiment de le vivre comme si on y était, au point de regarder nerveusement derrière soi, de tendre l’oreille à l’affut du moindre bruit suspect, ou de bien s’assurer d’être dans un endroit sûr avant de continuer à dessiner le plan du donjon afin d’éviter de se faire attaquer par surprise. Ça n’était tout simplement pas comme ça que se jouait un jeu de rôle vidéoludique.

Jusqu’à Dungeon Master.

Lisez attentivement tous les parchemins que vous trouverez

Imaginons ensemble un scénario classique. Au fin-fond de son donjon, le Seigneur Gris cherchait un moyen de créer un monde harmonieux en utilisant le pouvoir de la Gemme de Puissance ensevelie au cœur de la montagne. Encore fallait-il pour cela parvenir à extraire la fameuse gemme ; malheureusement, une erreur d’incantation provoqua rien de moins qu’une explosion suffisamment puissante pour changer le cours de la réalité. Le Seigneur Gris lui-même fut divisé en deux entités : une moitié positive, chassée du monde matériel et condamnée à errer dans les limbes, et une moitié négative, qui s’appropria le donjon avec l’objectif affiché de détruire ce qu’il restait du monde. Le Seigneur Gris avait également un apprenti, Theron, que l’explosion avait réduit au stade de simple esprit sans forme matérielle. Librasulus, la moitié positive, le chargea de pénétrer dans le donjon pour ramener à la vie quatre champions afin de les diriger dans leur quête. Ces quatre aventuriers devraient s’emparer du Bâton de Feu qui leur permettrait ensuite de mettre la main sur la Gemme de Puissance et de restaurer la réalité. Ils devraient bien évidemment, pour se faire, affronter les pièges et les monstres placés par la part négative du Seigneur gris, Lord Chaos…

Chaque adversaire a ses point faibles. Mieux vaut affronter celui-ci au corps-à-corps

Vous allez donc incarner Theron et, à travers lui, les quatre aventuriers que vous choisirez de ressusciter lors des premières minutes de jeu. Première originalité, en effet – et très bonne trouvaille en terme d’immersion – vous ne « créez » pas à proprement parler votre groupe ; vous visitez le premier niveau du donjon où sont conservés les âmes de vingt-quatre champions. Vous pourrez consulter leurs caractéristiques, leurs aptitudes dans quatre classes (guerrier/ninja/prêtre/voleur) ainsi que l’équipement avec lequel ils débuteront la partie. Vous pourrez également choisir de leur faire oublier leur connaissances, en échange d’un bonus à leurs caractéristiques – ce qui vous laissera, au passage, l’occasion de les renommer. On appréciera l’éclectisme des héros à disposition, tirant leur inspiration des poncifs de l’heroic fantasy, mais aussi de personnages littéraires (Halk rappelle furieusement Conan le barbare) ou historique (Leif est inspiré de l’explorateur Leif Erikson).

Il y a plusieurs façons d’ouvrir une porte – la magie et la force brute en font partie

Les habitués du jeu de rôle auront déjà relevé le fait que chaque personnage puisse posséder plus d’une seule classe. Il est en effet tout à fait possible, dans Dungeon Master, de voir un guerrier lancer une boule de feu ou un magicien se vêtir d’une armure lourde. Leur niveau d’aptitude dans chacune des quatre classes (depuis l’ignorance totale jusqu’au rang de Grand Maître) décidera de leur efficacité dans ce rang de compétence. Ainsi, si un magicien néophyte devra parfois s’y prendre à plusieurs reprises pour lancer les sortilèges les plus simples, un mage plus expérimenté pourra se frotter à des sortilèges de plus en plus complexes sans rencontrer de difficulté. Il en va de même pour la précision d’un guerrier, ou pour la capacité d’un prêtre à créer des potions. Et comment faire progresser son niveau d’aptitude ? Eh bien selon un système simplissime qui sera repris jusque dans Lands of Lore ou dans la série des Elder Scrolls : en pratiquant, tout simplement.

Les statistiques en rouge correspondent à celles qui ont augmenté lors de votre montée en grade

Concrètement, oubliez les points d’expérience : si vous voulez progresser dans le métier de guerrier, tapez au corps-à-corps, si vous voulez progresser au rang de magicien, jetez des sorts, si vous voulez devenir un ninja accompli, utilisez des armes à distance, etc. C’est simple comme bonjour, et cela permet à un personnage débutant de s’entraîner à peu de frais, puisque rien ne vous empêche, par exemple, de lui faire jeter ses armes contre un mur jusqu’à ce que son niveau de ninja ait augmenté. Cela permet, en tout cas, à la progression de votre groupe de se faire de la façon la plus fluide et la plus naturelle qui soit, d’autant que chaque montée en grade s’accompagnera d’un bonus de statistiques.

Vous allez apprendre à bénir les adversaires qui vous laissent de la nourriture

Mais la véritable révolution du jeu, on s’en doute, ne se situe pas là. Même si le titre était déjà, par sa réalisation, extrêmement immersif pour l’époque (les graphismes du jeu, qui ont d’ailleurs très bien vieilli, passaient pour absolument superbes en 1987), l’idée de génie est en réalité une trouvaille toute simple : le fait que le jeu se déroule intégralement en temps réel.

Un groupe de monstres est un défi beaucoup plus délicat à relever qu’un adversaire seul

Dorénavant, lorsque vous hésitez sur la route à suivre en arrivant à une intersection, il faudra vous attendre à vous faire agresser par une ou plusieurs créatures que vous n’aviez pas vues ou entendues venir pendant que vous réfléchissiez. Il faut bien visualiser ce qu’était un jeu de rôle en 1987 pour comprendre l’étendue de la claque que Dungeon Master représentait alors : plus besoin de trésors d’imagination pour se croire au milieu d’un donjon, on y était ! Les montres ont leur vie propre, chacun a son comportement en combat, et il faut désormais les affronter en se souciant de problématiques qui n’avaient jusqu’alors aucun sens, comme de se montrer mobile ou tirer parti de la configuration des lieux. Vous apprendrez ainsi très vite à faire usage des nombreuses portes placées sur votre route pour les faire se refermer sur les monstres qui vous agressent, et ainsi essayer de les écraser dans la manœuvre. Et plus question, désormais, de prendre un café en jouant : attendez-vous à faire des bonds de plusieurs mètres de haut en vous faisant surprendre par un adversaire imprévu alors que vous étiez sagement en train de dresser le plan du niveau : le dungeon crawler vient de naître, et il va vous apprendre à développer des réflexes de survie que vous n’aviez encore jamais imaginés.

On admirera avec quelle ingéniosité le titre parvient à se mettre en scène

Tout cela est bien beau, mais la surprise n’a plus franchement cours pour un joueur du XXIe siècle. Dungeon Master aura initié une longue lignée de clones, d’Eye of the Beholder à Lands of Lore en passant par Stonekeep, Black Crypt, Captive ou les récents épisodes de Legend of Grimrock. Tout le monde connait peu ou prou les ficelles, à présent : un groupe de quatre aventuriers disposés en deux lignes, les deux personnages à l’arrière ne peuvent pas directement se battre au corps à corps – ce qui fait qu’on réserve ces places aux jeteurs de sorts, etc. Des leviers, des clefs, des passages secrets, des puits, des téléporteurs, des messages énigmatiques gravés à-même les murs, des énigmes… Il y a déjà tout cela, dans Dungeon Master – et on ne peut d’ailleurs qu’être admiratif en voyant avec quelle exhaustivité tous les mécanismes du genre étaient déjà présents dans ce titre précurseur. Mais le jeu de FTL Games présente-t-il toujours un quelconque intérêt pour le joueur moderne qui le découvrirait aujourd’hui sans le filtre de la nostalgie ?

N’oubliez pas que vous n’êtes pas les seuls à pouvoir tirer à distance !

La réponse est oui, mille fois oui, et tient à deux critères : la qualité irréprochable du level design, et l’ingéniosité des mécanismes de jeu. La progression dans les quatorze étages du jeu est réellement passionnante, tant les niveaux sont parfaitement agencés, sachant demander à chaque fois de nouvelles approches – pour un titre de 1987, la mise en place progressive de tous les mécanismes de gameplay et leur introduction au joueur est plus qu’intelligente, elle est proprement extraordinaire. Les premiers niveaux sont un didacticiel déguisé, une piste guidée pour vous aider à assimiler progressivement toute la logique qui se révèlera indispensable au moment de prétendre aborder les profondeurs du donjon, qui sont proprement redoutables. Et non seulement ça marche mais, plus incroyable encore, ça marche pour ainsi dire exactement aussi bien qu’il y a trente-cinq ans ! Il est d’ailleurs à noter que le jeu bénéficie de plusieurs fins, chose encore très rare à l’époque : il vous est ainsi parfaitement possible de ramener le Bâton de Feu à la surface après avoir mis la main dessus sans vous préoccuper de la Gemme de Puissance ; je vous laisse découvrir ce qui se produira si vous optez pour cette solution. En fait, le titre de FTL Games est très difficile à prendre en défaut au niveau de ses possibilités et de son contenu, et on se prend très vite au jeu une fois qu’on a fait l’effort de lui consacrer une ou deux heures.

Les choses peuvent très vite mal tourner

On appréciera également le système de magie à base de syllabes, un peu à la façon de ce qu’allait proposer Ultima V un an plus tard, mais en plus graphique. Surtout, le fait que le jeu gère à la fois la nourriture, la boisson, le repos et la lumière est extrêmement efficace pour placer l’atmosphère du donjon, et pour faire peser sur vos épaules une pression constante. Si la nourriture ne constituera pas un problème au début du jeu, les ressources vont aller en s’amenuisant, et vous serez parfois bien inspirés de revenir quelques niveaux en arrière, le temps de trouver des zones où réapparaissent des montres ayant l’énorme avantage d’être comestibles, pour éviter de voir votre groupe surpuissant mourir bêtement d’inanition. De la même manière, vous apprendrez à conserver vos gourdes comme des trésors, et à croiser la moindre fontaine vous permettant de les remplir avec un énorme soupir de soulagement, surtout dans les derniers niveaux. Et voir la lumière décliner alors que des montres errent dans les parages et que vos magiciens sont désespérément à cours de mana fait également toujours son petit effet…

Coincer les ennemis sous une porte va vite devenir une seconde nature

Seul réel défaut de Dungeon Master : son interface, pour bien pensée qu’elle soit, aura aussi eu la tâche ingrate d’essuyer les plâtres et de se révéler un tantinet plus lourde, à l’emploi, que ce que proposeront ses successeurs. Par exemple, accéder à l’inventaire d’un de vos personnages pour y saisir une potion et la passer à un autre de vos héros afin qu’il la boive est une opération laborieuse qui prend du temps – suffisamment pour vous interdire d’y avoir recours au milieu d’un combat. Dans le même ordre d’idée, il faudra recomposer intégralement un sortilège à chaque fois que vous voudrez le lancer, ce qui vous obligera bien souvent à préparer votre sort à l’avance pour avoir une chance de l’utiliser en plein affrontement. Et mieux vaut avoir une bonne mémoire, tant consulter ses notes pour se souvenir d’un sortilège pendant qu’on se fait taper dessus est une mauvaise idée…

Les interrupteurs sont parfois très bien cachés

Niveau réalisation, comme cela a déjà été évoqué, Dungeon Master était absolument superbe pour 1987, et reste très agréable à l’œil pour un titre en 16 couleurs. Tous les monstres sont animés, se déplacent, attaquent, vous tirent dessus ou vous jettent des sorts, les grilles grincent, les torches brûlent… En revanche, il n’existe qu’un seul type de décor – attendez-vous à voir les mêmes murs gris du début à la fin du jeu.

Ces autels permettront de relever vos morts – hélas, ils sont très rares

On touche d’ailleurs là autant à une contrainte technique qu’à une volonté de game design : Doug Bell, l’un des créateurs du jeu, tenait à ce que le logiciel tienne sur une seule disquette afin que le joueur n’ait jamais à briser l’immersion en ayant à changer de disque au beau milieu de l’action. Le programme allait même jusqu’à lancer de faux accès-disques afin de vous faire croire qu’il était en train de charger un monstre ! On notera aussi qu’il n’y a pas le moindre thème musical, mais le silence est de toute façon très efficace pour mettre en valeur les quelques bruitages du jeu – on regrettera en revanche qu’on ne puisse pas entendre les monstres bouger ou que le son soit en mono ; des détails qui seront corrigés au gré des portages.

Les éléments de décor attirent d’autant plus l’attention qu’ils sont très rares

Difficile d’en prendre plein la vue et les oreilles, mais on a toujours autant le sentiment d’être perdu au fond d’un donjon où le danger peut venir de partout, ce qui est très exactement l’objectif du jeu – rempli, à tous les niveaux, même plus de trente ans après. Comptez facilement une trentaine d’heures pour venir à bout du titre.

Un mot, enfin, sur la version française, qui a le mérite d’exister. Si celle-ci est riche en coquilles à tous les niveaux, du manuel au jeu proprement dit (vos personnages ne sont pas empoisonnés, ils sont « vénéneux »…), elle ne pénalise heureusement pas l’expérience de jeu, et vous n’aurez pas à vous arracher les cheveux face à une énigme pour cause d’énoncé traduit n’importe comment. Bref, rien d’inoubliable, mais une excellente occasion pour les non-anglophones de ne pas se sentir lésés.

Vidéo – Les dix premières minutes de jeu :

Récompenses :

  • Best Role Playing Game (Meilleur jeu de rôle) – Powerplay, 1988
  • Tilt d’or 1988 – Meilleure animation sonore (version Atari ST)
  • Tilt d’or 1988 – Meilleur jeu de rôle (version Atari ST)
  • #2 Top Atari ST Classic Games – ST Format, 1991
  • #4 in « 50 finest Atari ST games of all times » (50 meilleurs jeux Atari ST de tous les temps) – ST Format, 1993

NOTE FINALE : 18/20 Véritable miracle vidéoludique, Dungeon Master aura fait, à sa sortie, l'effet d'un grand coup de chiffon sur la poussière qui menaçait déjà de recouvrir l'univers du jeu de rôle informatique. Proposant une expérience extraordinairement immersive, où le joueur avait pour la première fois la sensation d'évoluer en temps réel au milieu d'un donjon, le titre de FTL Games aura contribué à démocratiser et à populariser un genre que sa complexité réservait alors à un public de niche aussi patient qu'imaginatif. L'ingéniosité de la conception des niveaux, ainsi que des mécanismes de jeu, fait que l'expérience est encore très agréable plus de trente ans après sa sortie. Rien d'étonnant, donc, à ce que Dungeon Master reste aujourd'hui un des jeux de rôles les plus célèbres jamais créés. Objectivement, il le mérite. CE QUI A MAL VIEILLI : – Interface parfois un peu poussive – Réalisation sonore encore sous-exploitée – Difficulté à l'ancienne

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dungeon Master sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« On peut résumer Dungeon Master en un seul mot : FABULEUX ! Cela valait vraiment la peine d’attendre sa sortie pendant deux ans. Dungeon Master est au jeu de rôle ce que « Star Wars » est au cinéma. Il supplante, et de loin, tous les jeux de rôle du même style. Son système même est extraordinaire. Un écran assez large remplace la petite fenêtre en 3D habituellement utilisé dans les Sorcelleries (sic) et Bard’s Tale. L’impact visuel est stupéfiant, on a l’impression d’ÊTRE dans le donjon ! »

Dany Boolauck, Tilt n°52, Mars 1988, 18/20


Version Amiga

Développeur : FTL Games
Éditeur : FTL Games
Date de sortie : Octobre 1988
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 3.60 testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Les graphismes n’ont pas bougé, mais l’ambiance sonore est encore meilleure

Dungeon Master aura été l’un des plus fantastiques moments de gloire pour les possesseurs d’Atari ST, LE jeu capable de rendre jaloux tous les joueurs coincés sur leur Apple II, leur Commodore 64 ou leur PC. Bien évidemment, après son gigantesque succès critique et, rapidement, commercial, le titre de FTL Games ne pouvait pas rester cantonné sur la machine d’Atari. Justement, l’ordinateur de Commodore venait d’apparaître dans les magasins spécialisés, et avait largement les capacités techniques pour pouvoir prétendre faire tourner Dungeon Master… ce qu’il fait d’ailleurs très bien, dans une version pratiquement identique à celle parue sur Atari ST – à condition, toutefois, de posséder un modèle à 1Mb de RAM. Le jeu était d’ailleurs parfois vendu en bundle avec l’extension de mémoire AmiRAM.

Le jeu ne profite donc pas de la palette étendue de l’Amiga : la réalisation est restée en 16 couleurs, comme elle le restera d’une machine à l’autre au mépris des années. Niveau sonore, le jeu est cette fois en stéréo, et on entend désormais les monstres se déplacer – un gros plus pour l’ambiance. À noter également que le jeu aura été mis à jour au gré de ses sorties, jusqu’à aboutir à la version 3.6, laquelle corrige quelques petits détails énervants de la version ST. Ainsi, vous pouvez désormais boire directement aux fontaines sans avoir à remplir au préalable une gourde, et il est possible de cliquer sur les parois pour déceler les murs illusoires plutôt que de rentrer dedans (ce qui faisait du dégât). Bref, du peaufinage bienvenu.

NOTE FINALE : 18,5/20

À première vue totalement identique à la version ST, Dungeon Master sur Amiga profite en fait de toute une série de petites améliorations, particulièrement dans sa version 3.6, qui rendent l’expérience globalement plus agréable et plus immersive. Le fait d’entendre les monstres se déplacer autour de vous en stéréo rajoute à l’ambiance générale, et le titre est toujours aussi prenant. Une très bonne pioche, donc.

Version Apple IIgs

Développeur : FTL Games
Éditeur : FTL Games
Date de sortie : Mai 1989
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 2.1
Configuration minimale : RAM : 1Mo
On ne se sent pas dépaysés, hein ?

La nouvelle machine d’Apple aura disposé de sa propre version de Dungeon Master, avant d’être laissée à l’abandon pour ne pas faire d’ombre au Macintosh. Développée en parallèle de la version Atari ST, elle aura en fait disposé d’un clone exact de la version 3.6 sur Amiga, au pixel près. Seule petite nuance : l’existence d’un « Kid Dungeon », sorte de donjon d’initiation pour débutants, composé de trois niveaux, et accessible au lancement du jeu.

NOTE FINALE : 18,5/20

En 1989, Dungeon Master était toujours un grand jeu, et l’Apple II GS aura pu bénéficier d’une version identique à celle parue sur Amiga – et même enrichie d’un petit donjon simplifié supplémentaire. Le jeu est toujours aussi bon, mais dommage qu’il ne tire pas réellement parti des capacités de la machine d’Apple.

Version FM Towns

Développeur : FTL Games
Éditeur : Fujitsu Limited
Date de sortie : Novembre 1989 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dungeon Master est une saga qui aura connu une relation privilégiée avec le Japon, au point que Dungeon Master II sorte en priorité sur le marché japonais. Signe de cette relation (qu’on pourrait d’ailleurs plus largement étendre au jeu de rôle occidental des années 80), le portage du jeu sur les meilleurs systèmes domestiques de l’époque, à commencer par le FM Towns. Assuré par FTL eux-mêmes, ce portage est tout simplement une conversion fidèle à 99% de la version originale, à trois nuances près : quelques minuscules variations dans la taille de l’interface (qui ne changent rien à celle de la fenêtre de jeu) dans la version en japonais, la présence d’une vingtaine de thèmes musicaux au long du jeu (ainsi qu’à l’écran de lancement, où le thème sera repris plus tard sur la version PC), qui ont l’avantage d’offrir une ambiance un peu plus variée que le simple silence de mort, mais qui ne sont pas suffisamment marquants pour représenter une véritable plus-value à mes yeux (et surtout à mes oreilles). Disons simplement qu’on était en droit d’attendre quelque chose de plus pesant, de plus intrigant et de moins… je ne sais pas, neutre ? Enfin, pour ceux qui craignaient de devoir décrypter le jeu en japonais, vous serez heureux d’apprendre que la version anglaise est disponible sur le CD-ROM, via un exécutable dédié. Bref, la même chose, mais avec de la musique, pourquoi se plaindre ?

On se croirait sur Amiga ou sur Atari ST, mais avec de la musique sur la chaîne Hi-Fi

NOTE FINALE : 18,5/20

Dungeon Master sur FM Towns n’est vraiment pas grand chose de plus que le titre original traduit en japonais avec quelques thèmes musicaux, d’ailleurs assez inégaux, en bonus. Le titre étant également jouable en anglais, voici un très bon moyen de découvrir le titre de FTL Games en musique.

Version PC-98

Développeur : FTL Games
Éditeur : Victor Musical Industries, Inc.
Date de sortie : 9 février 1990 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Supports : Disquettes 5,25 et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Système : PC9801 VM/VX
On a perdu quelques couleurs, même si c’est très discret

Après le FM Towns, le PC-98 et le Sharp X68000 auront eu le droit à leur adaptation de Dungeon Master au cours de l’année 1990. Dans le cas qui nous intéresse ici, inutile d’espérer réentendre les thèmes musicaux présents sur CD-ROM : on en revient à l’exact équivalent de ce qu’on pouvait entendre dans la version originale. Graphiquement, et de façon assez curieuse (le PC-98 affichant 16 couleurs, exactement comme l’Atari ST), les graphismes sont un peu différents dans cette version. Traduit en clair : les monstres sont affichés dans une palette de couleurs plus réduite que sur les autres machines, et il n’y a plus dorénavant que trois niveaux d’éclairage. Si, dans l’absolu, cela ne dégrade pas dramatiquement l’expérience de jeu, le fait qu’à peu près toutes les autres versions fassent mieux sur le plan graphique, additionné au fait que ce portage soit exclusivement disponible en japonais, conduira le joueur lambda à ne pas se donner le mal de dénicher cette version.

NOTE FINALE : 17,5/20

Petite déception pour cette version PC-98 de Dungeon Master, qui affiche des lacunes graphiques, certes assez discrètes, qui n’existent pas dans les autres portages. Sachant que cette adaptation n’offre de toute façon rien qui sorte de l’ordinaire, et qu’elle n’existe qu’en japonais, on ne la recommandera qu’aux collectionneurs.

Version Super Nintendo

Développeur : FTL Games
Éditeur : JVC Musical Industries Europe, Ltd.
Date de sortie : 20 décembre 1991 (Japon) – Août 1992 (Europe) – Juin 1993 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction du jeu :

Dungeon Master se sera également autorisé une escapade sur console de salon, en 1991, sur Super Nintendo. La machine du plombier moustachu était alors en début de vie, et cela se sent en contemplant la réalisation du titre, plutôt décevante. La résolution de la 16 bits de Nintendo est en effet toujours aussi limitée, ce qui fait beaucoup de mal à la finesse des graphismes originaux, tandis que les couleurs, elles, ne semblent pas bénéficier de la palette étendue de la console. Traduit en clair, c’est moins beau que sur Atari ST, ce qui n’est pas complètement normal quand on sait de quoi la Super Nintendo est capable.

Consulter les statistiques des personnages vous demande désormais de jongler entre deux écrans

Du côté des ajouts, cette version a au moins le mérite de bénéficier d’une introduction qui aura la générosité de vous présenter le scénario sans avoir à lire tout le manuel. Bon, cela reste un simple pavé textuel avec une image dans le fond, mais on appréciera l’effort. On notera également que cette version est la seule à bénéficier d’un thème musical, hélas vite répétitif et retranscrivant assez mal l’atmosphère générale, pendant toute la partie. Les monstres, eux, font toujours du bruit et le jeu a le bon goût d’être en stéréo.

La vraie zone d’ombre, cependant, était constituée par la maniabilité au pad – pas encore de souris Super Nintendo, en 1991. Le titre fait le maximum à ce niveau, en vous laissant déplacer normalement le curseur, mais surtout en activant un mode déplacement d’une simple pression sur Select qui vous permettra alors de bouger en utilisant les flèches et les deux boutons de tranche. Cela demande un petit temps d’adaptation, et il reste assez délicat de parvenir à se battre en tournant autour des monstres, mais on pouvait difficilement faire mieux. On ne pourra que regretter que la version française n’ait jamais fait le trajet jusqu’à ce portage, en revanche.

La réalisation n’est pas inoubliable

NOTE FINALE : 15/20

Le portage de Dungeon Master sur Super Nintendo n’a pas été bâclé, c’est indéniable. La maniabilité au pad ne rivalisera jamais avec celle à la souris, mais elle a été très intelligemment pensée. La plus grosse déception se trouve plutôt au niveau de la réalisation, tout juste passable, qui ne rivalise vraiment pas avec ce qu’offraient les versions sur ordinateurs. Une curiosité, mais définitivement pas la version à privilégier pour découvrir le jeu.

Version PC (DOS)

Développeur : FTL Games
Éditeur : Psygnosis Limited
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25 et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette 3.4 européenne
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.3 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Disney Sound Source, FTL Sound Adapter, haut-parleur interne, Sound Blaster

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Cinq ans… Il aura fallu pas moins de cinq ans pour voir enfin Dungeon Master débarquer sur PC. L’attente avait été si longue, si insupportable, que la concurrence en avait profité pour s’infiltrer dans la brèche et pour proposer un concurrent très sérieux, à savoir la série des Eye of the Beholder qui non seulement avait doté le PC de « son » Dungeon Master, mais avait même fini par supplanter le maître en proposant une réalisation et un contenu à la hauteur de la nouvelle génération de machines en 256 couleurs. On pouvait donc s’attendre à ce que FTL Games cherche à se faire pardonner pour son retard, en proposant une version largement optimisée de son titre légendaire.

Perdu.

Le FTL Sound Adapter, uniquement commercialisé avec la version américaine du jeu (source : http://dmweb.free.fr)

Incroyable mais vrai : FTL Games aura tout simplement choisi de fermer les yeux sur cinq ans de production vidéoludique pour proposer une version en 16 couleurs globalement identique à celle parue sur Atari ST en 1987. En 1992 ! Certes, le titre profite de toutes les améliorations de la version 3.6 (encore heureux !), et récupère même pour l’occasion le thème musical de l’écran-titre (et uniquement celui-là) entendu sur FM Towns. C’est également la seule version à bénéficier d’une cinématique de fin, d’ailleurs pas très impressionnante, même à l’époque. Par contre, le titre est repassé en mono (!) et ne supporte pas la Roland MT-32… À noter d’ailleurs que le titre était vendu aux États-Unis avec un périphérique à brancher sur le port joystick et qui était censé améliorer la qualité sonore du jeu (le thème musical de l’écran-titre est ainsi plus long avec lui). Reste que les quelques ajouts purement anecdotiques n’auront pas empêché ce portage de subir un four à sa sortie, dépassé par une concurrence en pleine bourre : Lands of Lore allait sortir quelques mois plus tard. Sérieusement, dans quelle grotte les développeurs de FTL avaient-ils bien pu rester cachés pendant cinq ans ?

En 1992, le PC était capable de beaucoup, beaucoup mieux que ça

NOTE FINALE : 18,5/20

Si Dungeon Master sur PC est objectivement la meilleure version occidentale du titre – quoique d’assez peu – elle aura surtout souffert d’une date de sortie hallucinante, qui l’aura vue débarquer cinq ans après la version ST sur des machines qui avaient déjà eu l’occasion de faire tourner des élèves désormais bien supérieurs au maître. Le jeu de rôle informatique avait même eu le temps de vivre sa deuxième révolution avec la sortie d’Ultima Underworld. Prise en étau entre la saga des Eye of the Beholder et la sortie de Lands of Lore, cette version PC aura rapidement sombré dans l’anonymat, mais reste la plus agréable à jouer pour ceux qui souhaiteraient découvrir le titre aujourd’hui.

Les avis de l’époque :

« Pourquoi diable ont-ils attendu si longtemps pour produire cette version PC ? Ce jeu, qui aurait été un très grand jeu il y a seulement quelques mois, est maintenant un peu dépassé. Il pourra cependant intéresser les nostalgiques et les grands débutants. Un monument de l’histoire du jeu vidéo qui tente un come back… »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°106, Octobre 1992, 16/20

Dungeon Hack

Cette image provient du site http://www.mobygames.com

Développeur : DreamForge Intertainment, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Titre alternatif : ダンジョンハック (graphie japonaise)
Testé sur : PC (DOS)PC-98
Disponible sur : Linux (Ubuntu 14.04, Ubuntu 16.04, Ubuntu 18.04), Mac OS X (10.7.0+), Windows (XP, Vista, 7, 8, 10)
En vente sur : Gog.com (Au sein du pack Forgotten Realms : The Archives – Collection 3)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo
Mode graphique supporté : VGA (320×200)
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard
Mémoire requise : XMS* : 960ko – EMS : 960ko**
Imprimante supportée
*En-dessous de 960ko, le jeu tournera dans un mode où une large partie des éléments de décor ne sera pas affichée
**Requis pour les sons digitalisés

Vidéo – L’introduction du jeu :

N’importe quel rôliste de plus de trente-cinq ans vous le dira : la première grande révolution du genre, celle qui aura définitivement convaincu les joueurs des années 80 qu’ils étaient en train de s’enfoncer dans un donjon, se nommait Dungeon Master ; la toute première aventure à la première personne en temps réel, qui aura poussé bien des joueurs de l’époque à s’enfermer dans leur chambre ou leur garage pendant des semaines.

La création de personnage est très complète

Le titre de FTL aura bien évidemment inspiré une longue série de clones, parmi lesquels l’une des sagas les plus emblématiques ayant vu le jour sur PC sous l’égide de SSI, avec la deuxième édition des règles officielles de Donjons & Dragons en soutien : Eye of the Beholder. Mais on n’oubliera pas les Captive, les Black Crypt, les Bloodwych, les Chaos Strikes Back et autres Lands of Lore qui auront puisé leur inspiration du concept de base sans jamais le révolutionner en rien.

Les combats ne dépayseront pas les amateurs du genre

Jusqu’au jour où un petit malin aura eu une idée grandiose sur le papier : mélanger le principe de Dungeon Master avec celui de Rogue ou de NetHack. Traduit en clair ? Imaginez un générateur de donjons aléatoires dans lesquels vous pourriez vous promener sans fin, enterrant ainsi tous les titres du genre en proposant une expérience virtuellement inépuisable. Ajoutez-y le moteur d’Eye of the Beholder III (certains sprites en sont d’ailleurs directement repris), et vous obtenez Dungeon Hack, le tout premier rogue-like à la Dungeon Master !

Façonnez le donjon de vos rêves !

Le titre de SSI propose pour cela une interface très complète qui vous permettra de régler un à un les différents critères qui présideront à la création de votre aventure. La profondeur de votre donjon, tout d’abord (jusqu’à 25 étages !), mais aussi la fréquence des monstres rencontrés, des différents objets trouvés, la profusion de la nourriture, la présence ou non d’énigmes et de passages secrets – en tout, pas loin d’une vingtaine de modificateurs pour vous aider à vous façonner un donjon sur mesure. Et au cas où tout cela serait un peu complexe pour vous, ou si vous êtes simplement pressés de jouer, le jeu vous laisse également choisir parmi trois réglages pré-établis sous forme de niveaux de difficulté, de facile à difficile. À noter, par exemple, que le mode difficile intègre une mort permanente : si votre personnage meurt, votre partie est terminée et la sauvegarde effacée ! Et l’éditeur intègre également un code que vous pourrez transmettre à vos amis si jamais ceux-ci souhaitaient se frotter au même donjon que vous. Bref, du petit nouveau au vieux briscard, il y a en théorie de quoi faire plaisir à tout le monde.

Les interrupteurs ne sont jamais cachés très loin des portes qu’ils ouvrent

Histoire de visiter ce fameux donjon, il faudra bien évidemment commencer par créer un personnage – et juste un seul, ce qui constitue sans doute la première faiblesse du jeu. Là où tous les titres du genre vous permettaient de voyager en groupe, Dungeon Hack, lui, vous impose de partir seul. Vous pouvez pour cela sélectionner un des personnages pré-créés, ce qui n’a pas grand intérêt, ou bien en construire un selon un outil très complet qui vous permettra de la jouer réglo en retirant vos caractéristiques, ou bien de les éditer à loisir pour vous faire un bon gros bourrin avec 18 dans toutes les caractéristiques si cela vous chante. Il est possible de multi-classer votre personnage, et le jeu tiendra compte de la ou des classes de celui-ci au moment de façonner le donjon.

La carte automatique, une excellente trouvaille

Le niveau de votre avatar sera également adapté selon sa classe : un magicien commencera ainsi au niveau 5 là où la plupart des autres classes commenceront au niveau 3, histoire de lui permettre d’être un peu mieux armé contre l’opposition. Et si un bon vieux guerrier ne devrait pas rencontrer de problèmes majeurs en nettoyant les premiers étages, les choses pourraient devenir beaucoup plus compliquées pour lui au moment de rencontrer des créatures immunisées aux dégâts physiques. En résumé, chaque classe aura ses avantages et ses inconvénients, ce qui est une très bonne chose.

Une très bonne idée reprise d’Eye of the Beholder II : les clés qui ressemblent aux serrures qu’elles déverrouillent

Une fois la partie lancée, le jeu vous place directement en situation à l’entrée du donjon, avec une interface très inspirée d’Eye of the Beholder et qui a le mérite de vous afficher pratiquement toutes les informations importantes sur un seul écran. Votre personnage bénéficie d’un généreux inventaire de trente-six emplacements affiché sur la partie gauche de l’interface, d’une boussole, et surtout d’une carte automatique que vous pourrez afficher en plein écran d’un simple clic et qui constitue à n’en pas douter une des meilleures idées du jeu (Dungeon Hack était l’un des tous premiers dungeon crawlers à offrir ce principe).

Votre tableau de chasse ne devrait pas mettre très longtemps à s’allonger

Le reste de l’interface ne devrait dépayser personne, et pour cause : l’idée est précisément de proposer un environnement familier à tous les fans du genre. La faim et la magie sont gérées, et il vous sera bien évidemment possible de vous reposer histoire de vous refaire une santé ou de mémoriser vos sorts. En revanche, connaître les caractéristiques d’un objet se fera à l’usage : il est strictement impossible d’analyser un seul d’entre eux. Étant donné qu’un objet peut tout à fait être maudit, vous interdisant de le retirer après vous en être équipé, mieux vaut prendre l’habitude de sauvegarder souvent.

Certains monstres peuvent vous paralyser ou vous empoisonner

La première bonne nouvelle, au moment de débuter votre exploration, c’est le soin indéniable apporté à la réalisation, et particulièrement à la variété des décors rencontrés. Là où des titres comme Dungeon Master ne proposaient qu’un seul et unique cadre pendant toute l’aventure, et où la plupart des dungeon crawlers plus récents n’offraient que quatre ou cinq environnements, Dungeon Hack propose des dizaines de décors différents. Vieilles pierres, dalles de marbre, cavernes sombres, teintes rouges, vertes, bleues, dorées, tout y passe – avec son lot de tentures, candélabres, leviers, grilles, portes ornées, têtes de mort ; le jeu a l’excellente idée de chercher au maximum à empêcher la lassitude de s’installer, et y parvient très bien.

Les environnements sont très variés

On peut littéralement jouer des heures entières et continuer à découvrir de nouvelles ambiances – on appréciera l’effort. Les monstres, eux, sont un peu moins variés – surtout dans les premiers niveaux –, ce qui n’empêche pas Dungeon Hack de contenir plus d’une cinquantaine de créatures différentes. Vous pourrez même bénéficier d’un tableau de chasse tenant un compte précis du nombre de monstres tués depuis le début de votre aventure. Le contenu est réellement impressionnant, et tous les passionnés de Donjons & Dragons pourront passer de nombreuses heures à affronter un des bestiaires les plus variés du genre. L’ambiance sonore est également assez réussie, chaque type de grognement entendu vous informant de l’opposition que vous êtes en droit d’attendre. Il n’y a en revanche pas de musique, comme c’était souvent le cas pour les dungeon crawlers de l’époque. Comptez plusieurs dizaines d’heures pour faire le tour du contenu du jeu, avec notamment plusieurs boss finaux – largement de quoi rentabiliser le prix d’achat.

On appréciera le soin apporté à la réalisation

En fait, la principale faiblesse de Dungeon Hack tient plutôt au fait de n’avoir pas poussé son idée de départ jusqu’à sa conclusion logique. Si le générateur de donjons est très complet et permet d’offrir une expérience largement à la hauteur de ce que proposaient les titres de l’époque, pourquoi ne pas directement avoir intégré un éditeur de niveaux qui aurait permis aux joueurs de créer des donjons case par case ? On aurait certainement bénéficié là d’un outil majeur, l’un des premiers du genre, qui aurait probablement bénéficié d’un grand succès d’estime. Malheureusement, Dreamforge Intertainment aura fait le choix de s’arrêter à la génération procédurale, ce qui laisse un étrange goût d’inachevé à un jeu autrement très réussi. Là où on aurait pu rêver de devenir enfin un vrai maître de donjon, on devra se contenter d’être son assistant et de le laisser travailler à notre place. Dommage.

Cet appareil vous permettra de vous refaire une santé – si vous avez les moyens

Quelques mots, en conclusion, sur la version française : celle-ci a le mérite d’exister et de faire le travail très correctement, en dépit de quelques termes, notamment dans le tableau des scores, qui n’ont pas été traduits. L’introduction aura également été doublée dans la langue de Molière, avec un sous-jeu dans l’interprétation qui prêtera aujourd’hui à sourire. Qu’importe, le titre reste parfaitement jouable pour un non-anglophone, et c’est très exactement ce qu’on lui demande.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14,5/20 Dungeon Hack fournit très exactement ce que son titre laisse supposer : une expérience façon Rogue mais avec la jouabilité de Dungeon Master. Le jeu de Dreamforge Intertainment accomplit sa mission avec un grand sérieux, en proposant une customisation très complète du donjon et de son contenu, ainsi qu'une grande variété dans les environnements traversés et dans les adversaires rencontrés – et même son lot d'énigmes histoire de dynamiser le tout. Vaincre les donjons les plus longs et les plus difficiles constituera un véritable accomplissement qui vous demandera de monter un personnage de haut niveau. En revanche, l'impossibilité de concevoir directement le plan de ses propres donjons constituera, a posteriori, le plus grand manque d'un jeu qui n'a autrement pas grand chose à se reprocher, et qui restera comme l'un des représentants les plus ambitieux des dungeon crawlers à l'ancienne. Aujourd'hui encore, Dungeon Hack reste un titre unique en son genre, dont tous les vieux fans de Dungeon Master auraient tort de se priver. CE QUI A MAL VIEILLI : – On ne contrôle qu'un seul personnage – Un générateur de donjons, mais pas d'éditeur poussé – Des niveaux aléatoires, même bien organisés, n'égaleront jamais des niveaux pensés et créés pour être intéressants à parcourir du début à la fin – La deuxième édition des règles de Donjons & Dragons n'est pas forcément le système le plus adapté pour ce type de jeu.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dungeon Hack sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« La présence d’une multitude de détails parachève le tableau et bannit pour suffisamment longtemps tout impression de déjà vu. Mais c’est sans conteste les objets magiques et les armes qui font la force de Dungeon Hack : il y en a près de 250 ! Ajoutez à cela 50 monstres et vous comprendrez pourquoi la durée de ce soft est virtuellement infinie : ce n’est pas Dungeon Hack qui vous lassera, c’est vous qui vous en lasserez. »


Marc Menier, Tilt n°122, Janvier 1994, 86%

Version PC-98

Développeur : Dreamforge Intertainment
Éditeur : Right Stuff Corp.
Date de sortie : 31 mars 1995 (PC 9821) – 7 juillet 1995
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Supports : Disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme beaucoup de jeux de rôles occidentaux de la période, Dungeon Hack aura également fait un détour du côté des ordinateurs japonais – plus spécifiquement, du côté de la gamme PC-98 de chez NEC. Considéré sa date relativement tardive de parution, le jeu tire parti d’un hardware qui était fondamentalement très semblable à celui d’un PC, y compris du côté du système d’exploitation. Cela se ressent immédiatement : le titre est un clone accompli de la version VGA du jeu, et ses options musicales tirent parti de la Sound Blaster 16 comme des interfaces MIDI – mais je ne serais pas parvenu à cumuler les deux, ce qui signifie qu’en cas d’interface MIDI, les voix et les bruitages digitalisés ne sont plus à l’ordre du jour. Pour le reste, le logiciel reste très largement en anglais – l’interface n’a pas changé, et la cinématique d’introduction est, comme vous pouvez le voir, simplement sous-titrée en japonais. En revanche, les commentaires de votre personnage et le contenu des messages en jeu sont, eux, obligatoirement en japonais. De toute façon, même si cette version n’a pas grand chose à envier à l’originale, vous n’aurez objectivement aucune raison de de pas découvrir le jeu directement sur PC aujourd’hui.

Si vous trouvez que ça ressemble beaucoup au jeu sur PC, c’est normal

NOTE FINALE : 14,5/20

Tant pis pour les férus d’exotisme : Dungeon Hack sur PC-98 est à 99% le même jeu que sur PC, au pixel et à la note de musique près, la seule nuance reposant dans le fait qu’une partie de l’expérience ne sera accessible qu’aux joueurs capables de lire le japonais. Un portage accompli, donc, mais rien qui puisse pousser un joueur occidental à échanger sa machine contre un PC-98.