Super Tetris

Développeur : Sphere, Inc.
Éditeur : Spectrum Holobyte, Inc.
Testé sur : PC (DOS/Windows 3.x)AmigaMacintosh
Présent dans les compilations :

  • 3 in One : Macintosh Best Sellers Collection (1992 – Macintosh)
  • Hits for Six : Volume Nine (1994 – PC (DOS))
  • 5 Plus One : Pack 6 (1996 – PC (DOS))

La série Tetris (jusqu’à 2000) :

  1. Tetris (1984)
  2. Welltris (1989)
  3. Faces… tris III (1990)
  4. Tetris 2 + Bombliss (1991)
  5. Super Tetris (1992)
  6. Tetris 2 (1993)
  7. Tetris Battle Gaiden (1993)
  8. Super Tetris 3 (1994)
  9. Tetris Blast (1995)
  10. V-Tetris (1995)
  11. 3-D Tetris (1996)
  12. Tetris Attack (1996)
  13. Tetris Plus (1996)
  14. Tetris S (1996)
  15. Tetrisphere (1997)
  16. Tetris : The Grand Master (1998)
  17. Tetris DX (1998)
  18. Tetris 64 (1998)
  19. Magical Tetris Challenge (1998)
  20. Tetris 4D (1998)
  21. Sega Tetris (1999)
  22. The Next Tetris (1999)
  23. The New Tetris (1999)
  24. Kids Tetris (1999)
  25. Tetris with Carcaptor Sakura : Eternal Heart (2000)
  26. Tetris the Absolute : The Grand Master 2 (2000)

Version PC (DOS/Windows 3.x)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1 à 2 (en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette Windows émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)
Système de protection de copie par consultation du manuel

Versions Windows 3.x :
Processeur : Intel 8088/8086 – OS : Windows 3.0 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VGA
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La grande question de la succession à l’immense Tetris aura rapidement représenté une colle un peu plus coriace que prévu pour le studios occidentaux. Loin de générer immédiatement un genre à part entière composé de clones faciles à programmer, le titre d’Aleksei Pajitnov se sera révélé être un trop bon concept, de ceux qu’il est très délicat d’altérer sans les détruire dans le processus, et en dépit de son succès planétaire quasi-immédiat, la poule aux œufs d’or se sera révélée difficile à traire – je me comprends.

Du côté des américains de Spectrum Holobyte, les deux premières approches – pourtant hautement rationnelles – avaient fait chou blanc : Welltris, la suite officielle auréolée de la caution du créateur de la licence en personne, n’aura jamais ne fut-ce qu’égratigné le plébiscite atteint par son prédécesseur, quant à la piteuse tentative de Faces… tris III, elle aura achevé de démontrer qu’il ne suffisait pas de pondre n’importe quoi et de mettre le noms de Tetris dessus pour que ça se vende. Restait donc une troisième possibilité, un peu plus délicate car reposant par définition sur un subtil équilibre : proposer une suite avec suffisamment de nouveautés pour pouvoir être qualifiée comme telle, mais en restant suffisamment proche de l’inépuisable concept initial pour ne pas décontenancer les joueurs. Terrain glissant s’il en est, mais il aurait été dommage d’enterrer trop vite une licence aussi prometteuse, c’est pourquoi un certain Super Tetris finit bel et bien par se matérialiser au début de l’année 1992, deux ans après le fiasco d’un troisième épisode que tout le monde avait déjà oublié.

Le simple nom de Super Tetris est déjà intéressant en ce qu’il constitue tout un programme : ce n’est pas une suite, puis qu’il n’y a ni « 2 » ni « 4 » derrière (Face… tris III avait bien un numéro, mais c’était plus pour tenter piteusement de raccrocher le jeu à la saga que par réelle cohérence), c’est une version « Super » ; comprendre par là une version dopée du contenu initial. De fait, la partie solo repose une nouvelle fois sur un unique mode de jeu – il est toujours possible de choisir son niveau de départ et même de jouer avec une limite de temps, au hasard pour éviter d’être surpris par l’arrivée du patron à la fin de la pause déjeuner) – mais celui-ci n’est pas tout à fait le mode « illimité » qu’on avait toujours connu, et qui reste celui qui subsiste encore de nos jours.

En fait, Super Tetris est bel et bien une variante : quoi qu’il arrive, la moitié inférieure du plateau de jeu est systématiquement occupée par des lignes quasi-complètes, et l’objectif va être de faire disparaître un certain nombre de ces lignes pour pouvoir accéder au prochain niveau, où il faudra alors refaire la même chose avec des pièces tombant un peu plus vite. La première difficulté est donc que tout ce que le joueur « construit » au-dessus de ces lignes à éliminer ne sert pour ainsi dire qu’à le gêner : il n’est plus possible de jouer à Tetris à sa manière, toute la stratégie doit être orientée vers le ménage du bas de tableau, et c’est d’autant plus indispensable que le nombre de pièces alloué par le jeu – figuré par un compteur à gauche – est à présent limité. Le fait d’effacer une ligne a beau vous allouer deux pièces supplémentaires à chaque fois, le joueur sera doublement pénalisé de se placer dans une situation difficile – autant donc être prévenu : être mal engagé est devenu plus punitif encore dans cette version.

Le jeu introduit pourtant une idée originale, et pour tout dire assez gonflée, afin de laisser au joueur l’occasion de rattraper (une partie de) ses erreurs : les bombes. Concrètement, pour chaque ligne effacée, deux bombes viendront s’intercaler avant la prochaine pièce (si vous venez d’effacer quatre lignes, vous recevrez donc un ensemble de huit bombes) et permettront de détruire chacune le bloc avec lequel elle rentrent en collision.

Un très bon moyen, avec un peu de pratique, de se débarrasser précisément de ce qui gêne l’accès aux lignes inférieures, offrant ainsi une très originale gestion stratégique des erreurs – ou une optimisation sur mesure. Le programme y additionne également d’autre type de blocs – tous dans la partie inférieure – qui ajoutent une nouvelle fois un peu de piment : les éclairs détruisent toute la ligne à laquelle ils sont liés, les blocs explosifs font sauter tous les blocs alentours (ces deux types de blocs sont donc à activer spécifiquement avec des bombes), et les blocs affichant une ligne bleue permettent d’invoquer le Graal des combinaisons majeures : le tétrimino prenant la forme d’une ligne de quatre. Bref, de quoi renouveler un peu le jeu sans pour autant (trop) le trahir : le pied.

Jusqu’ici, le bilan est assez flatteur, et il ne fait que s’améliorer lorsqu’on jette un œil à la réalisation du jeu. Certes, on a par définition assez peu de temps pour s’intéresser aux illustrations qui décorent l’interface au fil d’une partie, mais il faut reconnaître que de ce côté-là, Sphere – qui a placé tout le jeu sous la thématique du cirque de Moscou, sans doute parce que c’était plus convivial que les chars russes envahissant l’Afghanistan – a mis le paquet. Dans sa version DOS, le jeu déploie toute la palette de 256 couleurs du VGA, et dans son itération Windows, il est même possible de jouer en SVGA – à savoir en 640×480 et 256 couleurs – ce qui n’était pas encore très courant en 1992.

Autant dire que la lisibilité est parfaite, même si on pourra se demander pourquoi le plateau en lui-même reste quoi qu’il arrive en 16 couleurs dans la version Windows. La musique, pour sa part, ne laisse entendre qu’une seule boucle par niveau avant de sombrer dans le silence, ce qui l’empêche de devenir fastidieusement répétitive. La jouabilité reconnait à peu près tout ce qui peut se brancher sur un ordinateur – clavier, joystick et souris –, ce qui est d’autant mieux que le titre compte un mode compétitif et un mode coopératif à deux joueurs, lesquels se limitent à jouer simultanément avec deux sets de pièces sur le même plateau plutôt que d’utiliser deux plateaux distincts. Des modes qui ont le mérite d’exister, mais qui sont encore très loin d’offrir les possibilités jouissives qu’allait imaginer la même année (mais d’abord uniquement au Japon, hélas) le deuxième opus des Puyo Puyo.

Le véritable problème de Super Tetris, cependant, est ce qu’on pourrait appeler une erreur de débutant : avoir oublié d’inclure Tetris. Car bien que les nouveautés soient intéressantes et que le nouveau mode de jeu puisse se révéler aussi addictif que l’ancien, les joueurs ne goutant pas les quelques limites de cette nouvelle approche – comme par exemple le fait d’être cantonné à la moitié supérieure du plateau quoi qu’il arrive, le fait que toute la construction soit désormais orientée vers la base ou encore une difficulté qui devient à peu près insurmontable dès que la vitesse augmente, c’est à dire dès le niveau six – auront de bonne raison de râler en constatant que le mode « illimité » de base tel qu’on l’a toujours connu n’est tout simplement pas disponible !

C’est sans doute là la dernière leçon qu’il restait à apprendre pour Spectrum Holobyte : il vaut mieux ajouter du contenu à un jeu comme Tetris que remplacer le contenu existant, car le public de destination du jeu – à savoir les fans de Tetris premier du nom – risque également d’être le moins réceptif aux nombreuses altérations de ce Super Tetris. Un paradoxe qui explique sans doute que cet épisode, pourtant objectivement bien pensé, ait une nouvelle fois échoué à égratigner le succès du titre original : à bien des niveaux, il offre à la fois trop et pas assez. Cela reste une curiosité un peu à part dans la série des Tetris, et une qui saura sans doute conquérir quelques curieux de nos jours – mais les fans irréductibles de la saga ? Ils feraient bien de se méfier : ce Tetris-là n’est pas forcément celui qu’ils aiment.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Après quelques expériences plus ou moins heureuses, Super Tetris a le mérite de revenir aux bases... du moins en apparence. Le titre de Sphere a des idées en stock – souvent bonnes, qui plus est, c'est indéniable ; son seul véritable défaut est de les imposer au joueur sans lui laisser l'opportunité de s'essayer au mode qui a toujours été le socle de la licence. Désormais cantonné à une sorte de « demi-plateau » pendant l'intégralité de la partie, le joueur a souvent l'occasion de se sentir à l'étroit, surtout dans les niveaux les plus rapides, et l'unique mode de jeu solo tend rapidement à dégager la même impression que ses deux modes multijoueurs : bien essayé, mais encore bancal. Un épisode un peu à part qui risque fort de ne pas plaire à tout le monde – à essayer.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un seul mode de jeu solo...
– ...et aucune possibilité de s'adonner au Tetris traditionnel
– Des modes multijoueurs qui ont le mérite d'exister, mais qui demeurent maladroits
– Une difficulté ingérable dans la deuxième moitié du jeu, pas du tout adaptée à la nouvelle approche

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Super Tetris sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Tous ces ajouts ne suffisent malheureusement pas à renouveler Tetris et ne font au final que disperser l’attention. La difficulté, modérée jusqu’au niveau 5, devient infernale au niveau (sic) 6 et 7, ce qui est assez désagréable. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°100, mars 1992, 14/20

Version Amiga

En 1992, le marché de l’informatique avait déjà bien changé, et on constatera rapidement que le bal des portages qui était encore la règle quelques années plus tôt ne se sera cette fois pas aventuré bien loin. L’Amiga, toujours un bon client pour le marché européen aura naturellement été servi – contrairement à l’Atari ST – et sa version de Super Tetris permet surtout de mesurer à quel point ses capacités graphiques commençaient à pâtir de la comparaison avec ce que proposait le VGA, surtout quand elles n’étaient pas très bien employées. On ne va pas dire que le jeu est devenu moche, mais les illustrations donnent l’impression d’être passées à travers un mauvais filtre aux teintes particulièrement mal choisies, et dans l’ensemble on ne retrouve pas le déluge de couleurs des versions sur PC – et naturellement, rien de la finesse de la version Windows. La bonne nouvelle étant que le contenu et la jouabilité, eux, n’ont changé en rien, mais Spectrum Holobyte aurait sans doute mieux fait de faire appel à des développeurs européens, plus à l’aise avec la machine, pour assurer la conversion.

NOTE FINALE : 14,5/20

En dépit d’un contenu et d’une jouabilité identiques à ceux des versions PC, Super Tetris ne brille pas exactement de mille feux sur Amiga, la faute à une réalisation graphique terne aux teintes délavées qui ne rend pas exactement justice au cirque de Moscou. Rien de rédhibitoire, mais il y avait mieux à faire.

Les avis de l’époque :

« Quant au jeu lui-même, je ne serai pas totalement de l’avis de Jean-Loup. Les bonus variés permettent une multitude de stratégies différentes. Certains choisiront de privilégier le score, d’autres la sécurité, d’autres encore l’accès au niveau suivant. le nombre limité de pièces, qu’il faut renouveler en complétant des lignes ou en récupérant les bonus correspondants apporte aussi un certain piment. Mais surtout les bombes gagnées à chaque ligne complétée introduisent une dimension très rare dans les jeux actuels : la gestion des erreurs. »

Jacques Harbonn, Tilt n°106, octobre 1992, 16/20

Version Macintosh

Dernier servi, le Macintosh fournit, comme souvent avec la machine d’Apple, une prestation solide. Ce qui n’empêche pas cette version de Super Tetris d’être techniquement légèrement inférieure à l’édition Windows, sa résolution en 512×384 restreignant sa fenêtre de jeu à une zone de 512×322 – encore assez loin, donc, des 632×434 de la fenêtre SVGA (qui nécessitait, certes, une très bonne carte graphique). Pour le reste, on retrouve le jeu pratiquement à l’identique, même si on pourra regretter qu’il soit impossible de jouer au joystick – et également, de façon plus surprenante, à la souris, le programme lui préférant un obscur périphérique commercialisé par Gravis ! Le multijoueur est pour sa part toujours présent, avec la possibilité de s’affronter par câble réseau conservée, et on hérite donc d’un portage qui ne devrait pas laisser les joueurs Macintosh écumer de jalousie devant la version PC.

NOTE FINALE : 15/20

Prestation sans surprise pour Super Tetris sur Macintosh, qui ne souffre pour ainsi dire que de la disparition du jeu au joystick et à la souris en plus d’une résolution légèrement inférieure à celle de la version Windows – mais cela reste très anecdotique dans ce dernier cas.

Fire and Forget

Développeurs : Alain Fernandes et Olivier Corviole
Éditeur : Titus France S.A.
Testé sur : Atari STAmigaAmstrad CPCPC (DOS)ZX Spectrum
Disponible sur : Antstream
Présent au sein de la compilation : High Energy (1990 – Amiga, Atari ST, PC(DOS))

La série Fire and Forget (jusqu’à 2000) :

  1. Fire and Forget (1988)
  2. Fire & Forget II (1989)

Version Atari ST

Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Écran couleur requis

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On a souvent l’occasion de disserter sur les mérites comparés des années 80, période pionnière où tout restait à défricher, ère enchantée où un adolescent plus ou moins boutonneux, tout seul dans son garage, pouvait programmer en quelques semaines un logiciel capable de le propulser vers la gloire ou, à défaut, vers le succès financier, vers l’autonomie et souvent vers sa propre entreprise. L’image est si rebattue qu’elle en est devenue une sorte de poncif, voire de mythe – combien de carrières pérennes auront réellement commencé dans un garage ? –, mais comme tous les clichés, elle s’appuie sur un fond de vérité. Quitte à évoquer ces obscurs qui font le jeu vidéo et dont la presse ne parlait jamais, trop occupée à aller interroger Peter Molyneux, les Bitmap Brothers et les autres noms clinquants qui faisaient immédiatement vendre du papier (en plus des jeux), il conviendrait de prendre le temps de se pencher sur une carrière aussi passionnante que celle d’Alain Fernandes.

Ayant débuté la programmation à l’âge de treize ans, terminé son premier jeu à quatorze et publié son premier jeu avant même d’avoir eu son bac, il aura commencé à travailler pour Titus dès la création de l’entreprise en 1985, et y aura travaillé sur la bagatelle de vingt-cinq projets sur quatorze ordinateurs différents en six ans – avant d’entamer un parcours professionnel englobant Loriciel, Ocean, Coktel Vision, Mindscape (pour n’en citer que quelques-uns !) et qui se poursuit encore aujourd’hui – les curieux pourront en apprendre plus directement sur sa page. Du vrai matériau pour une interview qui accompagnerait à merveille celle de Laurent Cluzel, avec qui il a travaillé sur Light Quest. Alain, si tu nous lis… Toujours est-il qu’en 1988, après avoir travaillé sur Crazy Cars, un titre ouvertement inspiré d’OutRun, c’est une nouvelle fois du côté de l’arcade qu’il sera allé chercher l’idée de son prochain jeu. De son propre aveu, prenez Buggy Boy, Spy Hunter et Spy Hunter II, et vous obtiendrez les bases de Fire and Forget – un nom qui devrait parler à énormément de joueurs de la période.

Le « scénario » (notez les guillemets) glorieusement étalé en cinq lignes dans le « manuel » du jeu (une feuille format A5 contenant les commandes pour les trois versions 16 bits du jeu, toute une époque…) est aussi stupide que génial : pour aboutir à la paix mondiale, rien de mieux qu’un véhicule tout-terrain futuriste surarmé envoyé péter la gueule à tous ceux qui ne sont pas des pacifistes !

L’idée va donc être de parcourir six zones de conflit – dans l’ordre de votre choix – afin de venir à bout de tout ce qui se trouvera sur votre route, littéralement, qu’il s’agisse de blindés, d’hélicoptères, de mines ou d’obstacles divers, sans oublier des tourelles placées sur le bas côté ; rien ne résistera à votre super canon – pardon, à votre lanceur de « missiles à propulsion tétranucléaire et guidage par fréquence vocale indécodable » (je n’invente rien !) – aux munitions illimitées. En fait, même le fait de se faire détruire ne sera qu’un contretemps, la seule véritable jauge de santé étant figurée par votre réserve de carburant, laquelle pourra être rechargée en passant sur un des cônes bleus ou verts faisant office de jerricans. Qu’elle arrive à son terme, en revanche, et ce sera le game over et l’aller simple au tableau des scores. Simple. Efficace.

Après avoir choisi un des trois niveaux de difficulté, le nombre de joueurs (nous y reviendrons) ainsi que le parcours, la partie se lance sous la forme la plus basique qui soit : un jeu de course en pseudo-3D, avec un canon pour détruire ce qui se trouve en face de votre véhicule. On règle sa vitesse en poussant le joystick vers le haut ou le bas, on tire avec le bouton, on ramasse le carburant en passant dessus, et tout contact avec n’importe quoi d’autre vaudra l’explosion de votre véhicule avant sa réapparition, arrêté, à l’endroit où il a connu son destin tragique quelques secondes plus tôt.

Il n’y a pas de carte, aucune indication de votre avancement dans des zones qui peuvent généralement être bouclée en une minute, aucun bonus ni power-up, deux types d’ennemis, trois types de décors. Cela semble peu ? Ça l’est, et pour tout dire, la jouabilité se résumant pour l’essentiel à foncer tout droit en tirant, votre seule marge de manœuvre consistera à choisir ou non de rouler un peu moins vite pour avoir davantage de temps pour anticiper et à apprendre la position des cônes de carburant par cœur pour être bien certain de ne pas les rater. L’inspiration de l’arcade est évidente : Fire and Forget est un jeu pensé pour des parties de cinq minutes, l’ennui étant que celles-ci, plutôt qu’une pièce de cinq francs, nécessitaient une machine à 6000 francs et un jeu à 300 francs pour pouvoir se matérialiser – un rapport qualité/prix qui nous rappelle à quel point les attentes en termes de contenu et de durée de vie ont eu l’occasion de changer en trente-cinq ans…

Histoire de densifier un peu les possibilités, le jeu est également doté d’un étonnant mode deux joueurs coopératif. Le deuxième larron prend alors les commandes d’une espèce de machine volante (dont il n’aura pas à régler la vitesse, celle-ci étant obligatoirement calquée sur celle de la voiture) et qui pourra lui aussi participer à l’action en tirant sur les adversaires. C’est atrocement limité, furieusement gadget, et cela achève surtout de démontrer à quel point la dimension « jeu de tir » du logiciel n’est finalement qu’un cache-misère pour camoufler un jeu de course lui-même atrocement limité. En gros on se retrouve avec Crazy Cars transformé en shoot-them-up, et si le concept aurait pu être intéressant avec un peu de réflexion et un minimum d’équilibrage – en gros, avec un soupçon de cette notion encore totalement inconnue en Europe qu’était le game design – il n’offre ici absolument rien qui aide le joueur à se sentir acteur de niveaux qui, pour l’essentiel, se résolvent tout seuls en bloquant le joystick vers le haut et en gesticulant au hasard avec le bouton enfoncé pendant toute l’opération.

Ça faisait peut-être illusion à l’époque (même si je soupçonne la presse française d’alors d’une large dose de chauvinisme intéressé tant la presse internationale, elle, était déjà moins emballée), mais aujourd’hui, on ne va pas se mentir : c’est juste OutRun en (nettement) moins bien, et le fait de tirer ne change pas grand chose de plus qu’il ne le ferait un an plus tard dans S.C.I. Bref, c’est le parfait avatar de ces jeux qu’on montrait aux voisins pour les épater avec notre Atari ST parce que quand même, ça allait vite et il y avait plein de couleurs, mais dont on avait fait le tour en deux parties et auquel on se forçait ensuite à rejouer parce qu’il avait quand même coûté bien cher… enfin, quand on l’avait acheté, bien sûr (toute une époque, bis). Autant dire un souvenir un peu jauni d’une époque un peu folle, de celle qu’on regarde avec les yeux embués de larmes perdus quelque part dans le lointain, mais d’un point de vue strictement ludique et à l’échelle du XXIe siècle, le constat est implacable : trop peu de choses et trop mal exécutées pour qu’on y consacre plus de cinq minutes.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 08/20

Fire and Forget est un jeu qui mérite assez bien son nom : dix minutes après l'avoir lancé, on l'a effectivement déjà oublié. Non que le titre imaginé par Alain Fernandes et Olivier Corviole soit particulièrement mauvais, mais disons qu'il correspond aux attentes de 1988 : un titre à la réalisation spectaculaire (pour l'époque) se limitant à foncer en tirant, avec une jouabilité ultra-limitée et un contenu anémique. Sur le plan purement technique, le programme n'aura pas mis très longtemps à être supplanté par des Lotus Esprit Turbo Challenge ou surtout par Vroom, et en termes d'action il a tout simplement trop peu de choses à offrir, que ce soit seul ou à deux, pour qu'on puisse prétendre y revenir. Bref, ce n'est même pas un jeu popcorn, c'est un jeu « sachet de cacahouètes apéritif » qui saura à peine combler votre appétit en attendant quelque chose de plus consistant. Bien essayé, mais insuffisant.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une jouabilité qui se limite à foncer en tirant...
– ...et une réalisation qui n'a même pas le courage d'offrir un décor différent par niveau
– Un mode deux joueurs coopératif tout aussi limité que le mode solo
– Trop peu de variété, à tous les niveaux

Ce à quoi peut ressembler Fire and Forget sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Fire and Forget est un bon shoot-them-up, rapide et violent. l’animation 3D rappelle étrangement celle de Crazy Cars, le précédent programme de Titus. Mais la ressemblance s’arrête là car l’esprit du jeu est différent. De bons graphismes et une animation rapide font de ce programme un shoot-them-up réussi. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°57, septembre 1988, 14/20

Version Amiga

Développeurs : Alain Fernandes, Olivier Corviole et Eric Caen
Éditeur : Titus France S.A.
Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Qui disait « Atari ST » en 1988 sous-entendait « Amiga également », c’était pour ainsi dire inévitable. On sera au moins reconnaissant aux responsables du portage de ne pas s’être contentés d’une bête conversion pixel perfect mais d’avoir pris le soin d’ajouter quelques couleurs à l’écran-titre ainsi qu’en jeu, où les dégradés du ciel, notamment, sont plus fins. Tant qu’à faire, le framerate est un peu meilleur. Les décors ne sont hélas pas plus variés, mais ils sont curieusement distribués différemment. La jouabilité, pour sa part, demeure toujours aussi limitée.

NOTE FINALE : 08,5/20

Pas de miracle pour cette version Amiga de Fire and Forget, qui tend à démontrer exactement les mêmes faiblesses que sa consœur sur Atari ST, mais qui affiche pour l’occasion des graphismes un chouïa plus colorés et des animations un tantinet plus fluides. Rien qui transfigure l’expérience de jeu, mais à tout prendre, cela reste la meilleure version pour découvrir le jeu.

Version Amstrad CPC

Développeur : Titus France S.A.
Éditeur : Titus France S.A.
Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec l’Atari ST, l’Amstrad CPC était l’ordinateur populaire en France (et souvent cruellement délaissé par les britanniques, qui pour leur part lui préféraient la fierté nationale qu’était le ZX Spectrum). Comme beaucoup de développeurs français, Titus aura donc pris soin de créer un portage à la hauteur de la machine, et il faut le dire : le résultat est très convaincant. Alors certes, on parle de Fire and Forget, donc le titre se limite toujours à foncer tout droit en tirant, mais dans ce domaine il présente une action fluide et une jouabilité qui répond au quart de tour, ainsi qu’une réalisation colorée qui ne souffre pas trop de la baisse de la résolution. Pour tout dire, en dépit de la disparition d’un mode deux joueurs relativement anecdotique, on s’amuse au moins autant que sur Atari ST ! Ce n’est peut-être toujours pas un logiciel auquel consacrer des jours, ni même des heures, mais à l’échelle du CPC en 1988, on comprend que ça pouvait avoir son petit effet.

NOTE FINALE : 08,5/20

Merci à Titus de nous rappeler avec Fire and Forget qu’un CPC bien employé était loin d’être une machine ridicule. C’est coloré, c’est lisible, c’est fluide – et c’est certes toujours aussi limité, d’autant que le mode deux joueurs a disparu, mais cela reste une occasion d’aller vite et de profiter d’un peu d’action nerveuse sur la machine d’Amstrad. De quoi tuer agréablement au moins dix minutes.

Version PC (DOS)

Développeur : Titus France S.A.
Éditeur : Titus France S.A.
Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 256ko
Mode graphique supporté : CGA
Carte son supportée : Aucune (haut-parleur interne)

En revanche, s’il était un système qui cartonnait ailleurs – et en particulier outre-Atlantique – tout en connaissant un succès plus mesuré en France en 1988, c’était bien le PC. Les nombreuses améliorations techniques de la très coûteuse machine mettaient souvent plusieurs mois, sinon plusieurs années, à se démocratiser sur le vieux continent, ce qui signifie que Fire and Forget aura visé des configurations qui correspondait plutôt à un PC de 1983, avec des graphismes en quatre couleurs et aucune carte son au menu (pour la défense de Titus, l’AdLib était alors encore quelque chose de très neuf paru à peine quelques mois plus tôt). Conséquence : comme on pouvait le craindre, le jeu qui ne tenait déjà que par sa technique devient ici un titre moche à peine capable de rivaliser graphiquement avec la version ZX Spectrum – oui, il se fait humilier dans tous les domaines par le CPC, mais à l’époque ça n’était même pas une surprise. Oh, et naturellement, le programme n’est pas ralenti – bloquez-le à 240 cycles sous DOSBox, sinon vous risquez de le regretter. Bref, une autre madeleine de Proust pour se rappeler à quel point personne n’avait envie de jouer sur un PC en France à cette époque.

NOTE FINALE : 07/20

Désormais limité à une réalisation en quatre couleur avec le haut-parleur interne du PC en guise de seul accompagnement sonore, Fire and Forget perd les quelques très maigres atouts dont il disposait sur les autre systèmes pour devenir un jeu à la fois moche, court et atrocement limité. C’était peut-être la norme sur la machine, en 1988, mais ça ne l’est plus aujourd’hui. À éviter.

Version ZX Spectrum

Développeur : Titus France S.A.
Éditeur : Titus France S.A.
Date de sortie : Septembre 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

Incontournable à l’échelle du marché britannique, le ZX Spectrum était nettement moins populaire en France, et cela se sent en découvrant ce portage de Fire and Forget qui ne présente aucun des points forts de la version CPC. Niveau graphique, il faudra composer avec trois couleurs à l’écran – c’est moins que sur PC, bravo pour la performance. Niveau son, c’est encore pire, avec un vague crépitement en guise de moteur. Le framerate est correct, mais le vrai problème est que la lisibilité est si catastrophique, avec des ennemis qui apparaissent à la dernière seconde et des tirs adverses à peu près impossibles à distinguer, qu’on ne sait pour ainsi dire JAMAIS pourquoi notre véhicule explose. Bref, on va se contenter d’oublier cette version.

NOTE FINALE : 06,5/20

S’il fallait trouver un mérite à la version ZX Spectrum de Fire and Forget, ce serait d’être parvenu à démontrer qu’on pouvait faire pire que la version PC. Pour tout le reste, difficile de trouver un intérêt à une version qui n’en a pas. Allez jouer à autre chose.

Alpha Waves

Développeur : Infogrames Europe SA
Éditeur : Infogrames Europe SA (Europe) – Data East Corporation (Amérique du Nord)
Titre alternatif : Continuum (Amérique du Nord)
Testé sur : Atari STPC (DOS)Amiga

La collection « Cristal » d’Infogrames :

  1. Welltris (1989)
  2. The Light Corridor (1990)
  3. Alpha Waves (1990)

Version Atari ST

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : Disquettes 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Protection de copie par grille codée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le jeu vidéo est un peu comme la grande salle d’un gigantesque palais : où que vous alliez, il y a forcément de l’écho.

On a déjà souvent eu l’occasion de se passionner à l’idée de trouver l’origine d’un genre, le père fondateur qui précède le père fondateur qui précède le père fondateur, et ainsi de suite. Le mieux, c’est qu’avec le temps, on semble toujours en trouver un nouveau ; un Alone in the Dark avant Resident Evil, un Project Firestart avant Alone in the Dark – et souvent, un obscur programme que tout le monde semble avoir oublié quelque part dans les années 80, voire dans les années 70, et qui avait eu la bonne idée avant tout le monde sans que personne ne semble s’en être aperçu sur le moment.

Dans le domaine de la plateforme, le jalon est en général simple à trouver : il suffit de chercher un épisode de Super Mario Bros. Ce n’est jamais le premier, le pionnier, mais c’est celui qui articule tout le reste et redéfinit le genre. Par exemple, pour ce qui est du passage à la 3D, l’emplacement chronologique de l’An I ne fait tout simplement aucun doute : juin 1996, Super Mario 64, un titre si extraordinairement fondateur qu’il aura balayé sans autre forme de procès les quelques tentatives – souvent objectivement ratées – qui l’avaient précédé. Dans l’inconscient collectif, c’est là que tout commence, et le reste est si anecdotique qu’il ne vaut même pas la peine d’être mentionné. Et pourtant, il est intéressant de se rendre compte que le concept de « jeu de plateforme en 3D temps réel » avait déjà trouvé une matérialisation dès 1990, et que la première pierre du monument aura été posée par Christophe de Dinechin et son équipe. C’est en effet au tout début de la décennie que la (trop) éphémère collection « Cristal » d’Infogrames, destinée à accueillir des logiciels ayant l’audace de sortir des clous, aura hébergé un titre qui aura marqué les (trop) rares joueurs à avoir eu l’occasion de poser les mains dessus : l’étrangement nommé Alpha Waves.

Le concept du jeu est pour ainsi dire celui du genre dans son ensemble : sauter de plateforme en plateforme pour atteindre la sortie. Pour l’occasion, le joueur est placé aux commandes d’un « module » dont il peut d’ailleurs choisir l’apparence – celle-ci étant vouée à ne pas dépasser une forme abstraite d’une poignée de polygones qui correspondait de toute façon à ce que la 3D de l’époque pouvait représenter de plus concret. Le terrain de jeu est un complexe de 256 salles, toutes composées d’un cube des mêmes dimensions, présentant parfois plusieurs sorties sur ses différentes faces.

Dans le mode « Arcade » du jeu, l’idée est de collecter les cristaux de lumières disséminés au sein du complexe tout en faisant face à une limite de temps ; chaque nouvelle pièce découverte ajoute une minute au compteur, et il est possible de trouver des bonus venant encore allonger le temps disponible – un score viendra également ajouter un objectif histoire de matérialiser les progrès du joueur d’une partie à l’autre. En mode « Emotion », le score et la limite de temps disparaissent : le joueur est alors libre de choisir sa zone de départ parmi les douze disponibles en fonction de leur nom et de son état d’esprit (chacune d’entre elles portant un nom onirique ou pseudo-mystique de type « rêve », « stimulation » ou « développement spirituel »), et l’idée est alors de visiter la zone concernée sans réel objectif autre que celui que s’imposera le joueur. Un moyen comme un autre de découvrir ce que le manuel du jeu présente comme une « réalité virtuelle » (mais n’est-ce pas là une définition s’appliquant à tous les jeux vidéo quels qu’ils soient ?)

À la grande question « comment jouer dans un espace en 3D ? », Alpha Waves aura en tous cas eu le mérite d’aboutir à une réponse très intelligente. Le jeu est intégralement jouable au joystick : l’axe horizontal contrôle à la fois votre module et la caméra placée par défaut immédiatement derrière lui, selon ce que l’on qualifierait aujourd’hui de « vue à la troisième personne » (il est également possible de passer à une vue subjective via les options, accessibles à tout moment grâce à la touche Echap), tandis que l’axe vertical, lui, ne contrôle que la caméra – votre fameux « module », pour sa part, étant voué à avancer ou à sauter droit devant lui grâce au bouton du joystick.

De fait, le terrain est en quelque sorte « balisé » : placé directement sur le sol, le module ne fait rien d’autre qu’y glisser ; il faut l’amener sur une des plateformes faisant office de trampoline pour qu’il puisse commencer à rebondir sur place et à acquérir l’inertie pour démarrer une succession de sauts apte à le guider de plateforme en plateforme. Parfois, certains accès seront verrouillés et demanderont d’aller dénicher un cube qui fera en quelque sorte office de clef. Tout le reste prendra la forme d’une exploration, méthodique ou non, qui demandera de parvenir à vaincre chaque salle présentant, à sa façon, un petit casse-tête d’adresse. Et c’est tout.

On pourrait arguer que le concept est basique, pour ne pas dire primitif, mais c’est en fait précisément ce qui fait sa force : en déguisant ses quelques maigres polygones en expérience mystique au cadre et aux mécanismes dépouillés, Alpha Waves a le mérite de proposer une expérience à la jouabilité intuitive – ce qui était encore loin d’être une évidence pour un genre que le logiciel venait pour ainsi dire de créer – sans même imposer son rythme au joueur grâce à la pertinence du mode « Emotion », bon prétexte pour lâcher la pression du chronomètre et explorer le contenu du jeu à sa manière.

Il n’y a pas d’objets idiots à collectionner, pas d’étoiles à débusquer, pas de passages secrets à trouver, et cette « pureté » dans l’approche est certainement l’aspect du jeu qui a le mieux vieilli : seules demeurent la jouabilité et la latitude laissée au joueur, et c’est tant mieux. Ici, on n’a pas besoin de ré-explorer la même galerie pour la trentième fois à la recherche du machin vicieusement planqué qui va permettre de débloquer l’accès au niveau suivant où la sorcière Bidule va nous donner pour quête de collecter cent bitoniaux pour faire sa potion, et parfois, ça fait plaisir. Cette approche directe est d’ailleurs si efficace qu’on en vient à regretter que les développeurs aient eu la mauvaise idée d’ajouter des ennemis volants aux patterns impossibles à anticiper qui viennent compliquer la tâche du joueur en se mettant dans ses pattes au pire moment, ce qui aboutit très souvent à un retour à la case départ et à une bonne trentaine de secondes de manœuvres pour espérer revenir là où on en était – ça, sincèrement, on aurait pu s’en passer. Une petite maladresse qui rappelle à quel point tout restait à défricher en la matière – et à quel point l’équipe de développement s’en sera magnifiquement tirée.

Évidemment, il faudra également composer avec quelques petites contraintes techniques qui nous rappellent à quel point le matériel de l’époque n’était absolument pas pensé pour la 3D polygonale, avec des baisses de framerate dès qu’il y a trop de choses à l’écran (c’est à dire souvent), quelques imprécisions dans les masques de collision des plateformes et une ambiance sonore qui se limite à quelques bruitages et à un petit jingle à chaque fois qu’on franchit une porte pour quitter une salle – pas de musique pour accompagner l’action, donc.

Des broutilles, tant le jeu fonctionne précisément dans son essence ; non, il n’y a aucune fioriture, pas de vie à ramasser, pas de bonus, pas de chaussures pour aller plus vite ou de canon pour dégommer les monstres, aucune réelle variété dans l’action, mais c’est dans cette obsession bornée à ne pas se disperser que le titre parvient à être l’expérience qu’il prétendait offrir – une expérience parfaitement inscrite dans son époque, mais n’est-ce pas très exactement ce qu’on tend à chercher via le retrogaming ? Il y a quelque chose d’addictif, de presque hypnotique dans cet Alpha Waves, et rien que pour cela il mérite d’être redécouvert ne fut-ce qu’une heure ou deux – pour se souvenir d’une époque plus simple où moins, c’était plus et où le véritable plaisir était souvent de s’égarer dans un concept qui se suffisait à lui-même pendant le temps qu’on était prêt à lui consacrer. Une approche qui nous manque un peu.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20


Six ans avant Super Mario 64, il y avait déjà un jeu de plateforme intégralement en 3D temps réel, il était l’œuvre de l'équipe de Christophe de Dinechin et il s'intitulait Alpha Waves. Au-delà de l'aspect profondément visionnaire du concept, ce qui fait mouche est précisément sa simplicité : sauter de plateforme en plateforme afin de rejoindre une des sorties, tout en explorant un environnement tentaculaire de 256 salles. Tout n'est pas parfait dans le meilleur des mondes, la faute a un framerate inconstant, à un certain manque de précision et à quelques idées qui n'étaient bonnes que sur le papier (les ennemis...), mais il faut reconnaître que le programme a quelque chose de stupidement addictif et que son esthétique dépouillée aurait plutôt tendance aujourd'hui à procurer un petit pincement : celui du souvenir de cette époque où l'informatique parvenait encore régulièrement à surprendre et à faire rêver. Clairement une expérience à (re) découvrir tant elle se révèle à la fois singulière et familière.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un framerate qui dégringole quand il y a un peu trop de choses à l'écran
– Pas de musique durant la partie
– Des ennemis volants qui viennent plomber une action qui aurait déjà été largement assez exigeante sans eux

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Alpha Waves sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Alpha Waves développe un jeu lent, onctueux comme un mal de mer sur le Titanic. L’animation est si souple et les visions 3D si chavirantes que l’on ne peut qu’accrocher à cette partie toute en finesse, à cette prise de tête infernale. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°89, avril 1991, 15/20

Version PC (DOS)

Développeur : Frédéric Raynal
Éditeur : Infogrames Europe SA (Europe) – Data East Corporation (Amérique du Nord)
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : Disquettes 3,5″ et 5,25″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Tandy/Pcjr
Protection de copie par grille codée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bien que techniquement un portage de la version Atari ST, Alpha Waves sur PC sera paru simultanément et aura même été envoyé à la plupart des rédactions plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant la version ST. Assuré par Frédéric Raynal (qui aura déclaré par la suite que c’est le travail sur ce jeu qui l’aura poussé à employer la 3D pour Alone in the Dark), ce portage est sans surprise très proche de la version ST (certaines éditions présentaient même les deux versions du jeu sur la même disquette), ce qui signifie également que même en VGA, les graphismes restent quoi qu’il arrive en seize couleurs.

On notera néanmoins trois différences avec la version originale : du côté de la réalisation, la plus évidente est que le framerate est plus stable et infiniment plus fluide sur un PC AT (laissez le cœur en « auto » sous DOSBox), ce qui a un impact direct sur la jouabilité, d’autant que – deuxième différence – l’inertie est également légèrement moins prononcée dans cette version. Si toutes les options sont présentes à l’identique, on bénéficie ici d’un petit bonus absent de la version ST, et qui constitue la troisième et dernière différence : la présence d’un thème musical en jeu, qui permet de bénéficier d’une atmosphère agréable et légèrement planante. Mises bout-à-bout, ces nuances permettent à cette version PC de se hisser au-dessus de sa consœur dans tous les domaines, ce qui fait d’elle la meilleure façon, aujourd’hui, de découvrir le jeu.

NOTE FINALE : 16/20

Plus fluide, plus jouable et n’étant plus condamnée à se pratiquer dans un silence de mort, cette édition PC d’Alpha Waves reste à coup sûr la meilleure façon de découvrir un jeu toujours aussi efficace en dépit de – ou grâce à – sa simplicité. Si vous souhaitez découvrir le jeu aujourd’hui, commencez clairement par cette version.

Les avis de l’époque :

« Alpha Waves développe un principe ludique très simple. C’est la souplesse de son jeu, de ses animations 3D, qui créent l’ambiance et l’intérêt de la partie. On se prend très vite à se pencher en avant ou à se cabrer sur sa chaise, comme si cela allait influencer la trajectoire du module ! Après quelques heures de jeu, les professionnels lanceront leur engin dans des vols rapider (sic) et dangereux. C’est le frisson assuré ! »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°84, décembre 1990, 17/20

Version Amiga

Développeur : Fabrice Decroix
Éditeur : Infogrames Europe SA (Europe) – Data East Corporation (Amérique du Nord)
Date de sortie : Mars 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Mode graphique : OCS/ECS
Protection de copie par grille codée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Autre passage indispensable pour Alpha Waves : l’Amiga qui, pour l’occasion, aura été la dernière machine servie. Assuré par Fabrice Decroix, ce portage s’inscrit lui aussi droit dans les clous de la version ST sans qu’on y retrouve les nuances ajoutées par la version PC : il n’y a donc plus de musique une fois en jeu, et le framerate est plus irrégulier et moins élevé que sur PC – assez équivalent à celui de la version originale. Sur un Amiga 1200, cette version se hisse pratiquement à la hauteur de la version PC, mais il faudra toujours composer sans la musique. On notera d’ailleurs que le thème de l’écran-titre, pour sa part, choisit d’adopter des sonorités électroniques assez agressives qui le rendent nettement moins planant que dans les autres versions, mais cela reste assez anecdotique. Pour le reste, rien n’a changé, et les amateurs de plateforme en 3D devraient trouver assez facilement leur compte ici.

NOTE FINALE : 15,5/20 (Amiga 500/600/1000) – 16/20 (Amiga 1200 ou ultérieur)

Techniquement très proche de la version ST, cette itération Amiga d’Alpha Waves en reprend exactement les forces et les faiblesses – sauf sur un Amiga 1200, où le framerate et la jouabilité se rapprochent alors énormément de ceux de la version PC. La seule vraie nuance sera alors à aller chercher du côté de la musique, qui ne se fera jamais entendre au-delà de l’écran-titre dans ce portage, mais cela n’impacte qu’assez peu l’expérience.

Mortal Kombat Trilogy

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Testé sur : PlayStationNintendo 64PC (DOS/Windows 9x)Saturn
Disponible sur : Windows
En vente sur : GOG.com (Windows)

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 10 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 1er décembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’affirmation est un tabou absolu, elle se murmure en cachette lorsque personne n’écoute, et le plus ignare des responsables marketing sait qu’elle ne doit jamais ô grand jamais être prononcée en public et à voix haute, en vertu du principe qui veut qu’on évite soigneusement de se fâcher avec son unique source de revenus. Il n’empêche que n’importe quel éditeur sur la planète doit souvent pousser un soupir en la formulant intérieurement : quoi qu’on en dise, les joueurs sont quand même chiants.

Non mais c’est vrai, quoi : on essaie de leur faire plaisir, et ça ne se passe quasiment jamais comme on le voudrait ; quand on leur offre la même chose, ils veulent quelque chose de différent, quand on leur offre quelque chose de différent, ils voulaient la même chose, et même quand on leur offre quelque chose de différent alors qu’ils voulaient effectivement quelque chose de différent, les changements ne sont pas ceux qu’ils attendaient. Quelles divas ! Cette leçon, Midway aura eu l’occasion de l’apprendre à la dure avec un Mortal Kombat 3 qui se sera rapidement attiré les foudres d’une bonne partie de sa base pour des modifications jugées un peu trop radicales dans son roster. Après avoir corrigé le tir avec un Ultimate Mortal Kombat 3 qui aura fait taire une partie de la grogne des joueurs – mais pas toute –, quelqu’un aura fatalement dû arriver à la conclusion imparable : le meilleur moyen de ne vexer personne, c’est encore de ne rien enlever. La série Mortal Kombat avait beau avoir accumulé une impressionnante collection de personnages en trois épisodes et demi, après tout, pourquoi se fatiguer à opérer un ménage que personne ne semblait solliciter ? Eurêka. Ainsi naquit le concept de Mortal Kombat Trilogy : le contenu de trois jeux en un, avec (pratiquement) aucun sacrifice ; la matérialisation d’une totale absence de prise de risque. Mais hé, puisque apparemment les joueurs ne voulaient de toute façon pas qu’on en prenne…

Quoi que son titre puisse laisser penser, Mortal Kombat Trilogy n’est donc pas une compilation ; on pourrait davantage parler d’ « anthologie », c’est un opus reprenant des éléments des trois précédents, et sur le plan technique, c’est même une simple mise à jour de Mortal Kombat 3. En termes de contenu, le roster du jeu est d’ailleurs est pratiquement un manifeste des intentions de cet épisode, puisqu’il intègre littéralement tous les combattants, y compris les boss et les personnages cachés, de la saga, en les rendant tous jouables au passage.

Pour la première fois, les fans pourront donc prendre le contrôle de Rain ou de Noob Saibot qui disposent désormais de leur propres mouvements, combos et fatalités, et non seulement les grands oubliés d’Ultimate Mortal Kombat 3 comme Rayden ou Johnny Cage signent leur grand retour, mais il même possible d’incarner plusieurs personnages dans une version « classique » où ils reprennent alors les sprites et les coup de Mortal Kombat ou Mortal Kombat II. Histoire de compléter le tableau en beauté, un nouveau personnage secret nommé « Chameleon » fait son apparition – et, fidèle à la tradition de la série, celui-ci est grosso modo un color swap de Reptile dans sa version Mortal Kombat premier du nom ; il est d’ailleurs remplacé par une femme ninja (cette fois orthographiée « Kameleon ») dans la version Nintendo 64 du jeu. Les modes de jeu, pour leur part, sont repris directement d’Ultimate Mortal Kombat 3, avec notamment le très populaire 2 vs. 2, et le tournoi qui fait figure de mode solo est cette fois divisé en quatre niveaux de difficulté, qui viennent s’additionner aux cinq modes de difficulté accessibles dans le menu des options. Et oui, le titre est toujours ridiculement difficile dès le mode le plus simple au bout d’une poignée de combats.

Sur le plan technique, Mortal Kombat Trilogy est le premier épisode à ne pas avoir été développé en premier lieu pour les salles d’arcade, ce qui lui vaut d’avoir été développé avec la très populaire PlayStation en tête… laquelle n’était pas forcément la machine la mieux armée de sa génération pour la 2D. 32 bits oblige, je vous rassure tout de suite : le résultat est très solide, et même si la résolution est plus basse que sur les bornes des opus précédents, la réalisation graphique comme sonore fait largement le travail sans qu’on se sente roulé dans la farine.

Le vrai problème, comme souvent avec le genre, vient plutôt du support CD-ROM et de ses chargements intempestifs qui viennent casser le rythme d’une expérience spécifiquement pensée pour enchaîner des combats très courts. De façon assez intelligente, le menu des options du jeu vous autorise donc à supprimer un maximum d’écrans de transition, comme celui présentant les personnages avant un combat, histoire de réduire l’attente au maximum – mais il ne sera alors plus possible d’entrer les fameux « Mortal Kombat Kodes » en prélude d’un affrontement. Un compromis qui en vaut bien un autre : l’esthétique du jeu à base d’acteurs filmés ne décrochera plus la mâchoire de quiconque aujourd’hui, mais le jeu est parfaitement dans les clous de la saga – une constatation qui se confirme d’ailleurs à tous les autres niveaux.

En effet, le principal reproche que l’on pourra adresser à ce Mortal Kombat Trilogy constitue paradoxalement son principal argument de vente : c’est littéralement l’addition de tout ce que les joueurs ont aimé dans la saga… et de rien d’autre. Certes, on notera l’apparition d’une jauge « Agressor » en bas de l’écran, et qui rend un personnage temporairement plus puissant et plus rapide lorsqu’elle est remplie, ce qui se produit en multipliant les assauts sur l’adversaire – une prime à l’attaque qui risque une nouvelle fois de pénaliser les joueurs débutants qui n’auront pour ainsi dire droit à aucun traitement de faveur : il n’y a rien qui ressemble à un mode d’entraînement, pas de liste des coups spéciaux ni même une ligne pour détailler le principe de combos ; et non, aucune de ces informations n’est disponible dans le manuel, il fallait tout découvrir par soi-même ou via les magazines de l’époque.

Autant dire qu’à ce tarif, mieux valait avoir du temps devant soi pour maîtriser les trente-sept personnages jouables, déclinaisons comprises, du jeu ! Les combattants ont beau avoir été retravaillés et rééquilibrés, on se doute que certains s’en tirent mieux que d’autres et que la profusion de combattants interdit tout espoir d’un titre réellement équilibré. Comme un symbole, toutes les arènes du jeu sont directement recyclées des épisodes précédents, elles aussi, avec parfois quelques changements cosmétiques, et la plupart d’entre elles proviennent de Mortal Kombat II et Mortal Kombat 3 – trois des décors du premier épisode sont manquants. Mais autant dire les choses, en-dehors des très timides ajouts susmentionnés, le jeu ne comporte pour ainsi dire strictement rien de neuf ; c’est, d’un bout à l’autre, du pur recyclage… et c’est finalement exactement ce que les joueurs demandaient depuis un an.

Il en résulte un statut un peu particulier : Mortal Kombat Trilogy est à bien des niveaux le titre « ultime » de la saga… pour les fans dévoués des trois premiers opus, et personne d’autre. Les néophytes seront littéralement ensevelis sous les personnages en se voyant très rapidement punis par le manque d’accessibilité du titre – pour toutes les raisons évoquées plus haut, de la difficulté qui monte rapidement en flèche à l’absence d’informations sur les coups spéciaux et le système de jeu – ce qui est quand même un peu dommage pour une série dont l’un des principaux points forts était originellement de ne pas être excessivement technique, et qui semblait se réserver quatre ans plus tard à des convertis de longue date prêts à composer sans broncher avec un bouton pour la parade et un autre pour la course et des adversaires qui peuvent littéralement vous pilonner à coups de combos d’un bout à l’autre du match sans même vous laisser le temps de toucher le sol (je n’exagère pas : le jeu est connu pour ses bugs qui permettent aux joueurs sachant les exploiter de produire des combos infinis) !

Bref, l’épisode de la réconciliation n’est pas exactement celui de l’ouverture, et il ressemble davantage à un fan disc destiné à contenter une communauté cimentée par la trilogie originelle. C’était son but, c’est sa philosophie, et cela explique sans doute sa popularité auprès de joueurs qui étaient déjà acquis à la série depuis longtemps. Les autres risquent sans doute de se retrouver perdus devant tous ces colors swaps de ninja ; autant se le dire : pour qui n’aurait pas envie de consacrer beaucoup de temps au jeu, Mortal Kombat Trilogy est un club privé réservé à une certaine élite. Si vous n’en faites pas partie… eh bien, vous risquez de ne pas vous sentir à votre place, et de déserter les lieux plus vite que vous ne le pensiez. Si le jeu n’en vaut pas la chandelle à vos yeux, le plus simple est probablement de découvrir la série via ses épisodes les plus récents – Mortal Kombat 11 ou le mal nommé Mortal Kombat 1 en tête. Sincèrement, personne ne vous en voudra.

Vidéo – Combat : Rayden vs. Reptile :

NOTE FINALE : 16,5/20

Pour se réconcilier avec des fans qui n'avaient pas forcément goûté aux divers choix opérés pour Mortal Kombat 3 et Ultimate Mortal Kombat 3, Midway Games aura choisi la solution de facilité : plus de coupes, plus de dissensions, on réintègre (pratiquement) tout le contenu des trois premiers opus et on emballe ! Le résultat a certes l'avantage de présenter un des rosters les plus impressionnants de la période, avec plus d'une trentaine de personnages jouables, mais il a aussi la faiblesse de recycler plus qu'il ne créé, et de sentir au moins autant le réchauffé que l'édition définitive. Si les fans de la licence auront de quoi se frotter les mains, heureux de pouvoir retrouver absolument tous les combattants qu'ils ont aimés, les néophytes se sentiront sans doute un peu perdus face à une difficulté toujours aussi immonde et une accessibilité qui n'a pas progressé d'un pouce. Un titre de connaisseurs, mais pas forcément la meilleure porte d'entrée dans l'univers de la saga.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté toujours aussi mal réglée
– Des temps de chargement à profusion
– Un mode entraînement ? Quelqu'un ?
– Très peu de nouveautés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mortal Kombat Trilogy sur un écran cathodique :

Version Nintendo 64

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Williams Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 14 mars 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 100Mb
Controller Pak supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’approche de la fin du millénaire, on pouvait commencer à s’attendre à trouver des versions relativement proches d’un jeu d’une machine à l’autre – pour ne pas dire à des portages pixel perfect, surtout en ce qui concernait des jeux en 2D. Mais les nuances existaient encore bel et bien, comme le prouve cette version Nintendo 64 de Mortal Kombat Trilogy. La première surprise n’est d’ailleurs pas la meilleure : le roster a rétréci en passant sur Cartouche. Sub-Zero, Goro et Kintaro ne sont plus jouables, les versions « MKI » et « MKII » de Raiden, Kano, Jax et Kung Lao ne sont plus accessibles, même via un cheat code, et Shaoh Khan et Motaro sont désormais à débloquer au lieu d’être disponibles d’office. Un choix un peu étrange, quand on sait que le nombre de personnages jouable constituait le principal point fort du jeu, mais c’est à prendre ou à laisser. On constate également de nombreuses erreurs dans l’attribution des voix des personnages lors des coups, et la disparition des décors Kahn’s Arena de Mortal Kombat II et The Bank de Mortal Kombat 3 – un décor exclusif fait néanmoins son apparition.

Cela commence mine de rien à faire beaucoup, alors cette version introduit également une petite nouveauté : un mode trois contre trois, à la King of Fighters, qui permettra de prolonger un peu le plaisir pour les joueurs maîtrisant plusieurs personnages. Au rang des meilleures nouvelles, la réalisation est solide : on ne compose plus avec l’effet de dithering du traitement de la couleur de la PlayStation, par exemple. Surtout, plus question ici de chercher à couper tous les écrans de transition, et pour cause : qui dit support cartouche dit qu’on ne doit plus composer avec des temps de chargement à rallonge, ce qui est un gain de confort indéniable. En revanche, on ne peut pas dire que le pad de la Nintendo 64 soit le mieux adapté pour les deux de ce type, et dans l’ensemble on peut comprendre qu’une partie de la presse de l’époque se soit étranglée devant le fait que cette version 64 bits soit au final plus faible que celles parues sur des machines théoriquement deux fois moins puissantes (ce qu’elles n’étaient pas). La concurrence n’étant pas féroce en la matière sur la console de Nintendo, les fans pourront rapidement arrêter leur choix, mais ceux qui voudraient la version ultime du jeu risque de ne pas goûter les nombreuses coupes de cette itération.

Ça bouge bien, mais on sent que la console pouvait encore faire bien mieux

NOTE FINALE : 16/20

Que l’on en attribue la responsabilité au support cartouche ou simplement à la fainéantise de Midway Games, le fait est que Mortal Kombat Trilogy sur Nintendo 64 doit composer avec des coupes qui ne s’imposaient pas et qui ne sont que très partiellement compensées par la présence d’un mode inédit et par l’absence de temps de chargement. Un bon rival à Killer Instinct Gold sur la même console, mais sans doute pas la version du jeu à privilégier de nos jours.

Version PC (DOS/Windows 9x)

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp.
Date de sortie : Décembre 1997
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément)* – 2 à 8 (à tour de rôle)
*Jeu par réseau local supporté (version Windows 9x uniquement)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joypad*, joystick
*Version Windows 9x uniquement
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel Pentium – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Carte son supportée : Sound Blaster

Version Windows 9X :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Fin 1997, on ne peut pas dire que les jeux de combat constituaient le centre des préoccupations de la plupart des joueurs PC – surtout quand tout ce qui était en 2D semblait déjà furieusement has been par rapport à ce que pouvaient afficher leurs cartes accélératrices 3D dernier cri. Ce qui explique pourquoi Mortal Kombat Trilogy sera arrivé sur l’ordinateur en trainant les pieds… et sous la forme d’un simple portage de la version PlayStation, ce qui était quand même un peu frustrant quand on se souvient que les machines de l’époque étaient déjà tout à fait capables d’afficher une résolution bien plus élevée que le 320×240 du titre, et surtout en plus de 256 couleurs – ce qui n’est pas le cas ici.

Passé cette déception, la bonne nouvelle est que le titre tourne comme un charme, qu’il n’y a plus trace du moindre temps de chargement sur un système puissant, et que le titre reconnait nativement les joypads dans sa version Windows 9x… qui est justement celle qui est en vente à l’heure actuelle plutôt que la version DOS, grâce à un petit programme appelé dxcfg apparemment créée par l’équipe de GOG et qui permet au jeu de tourner comme un charme sous Windows 10 sans sacrifier la moindre fonction ni avoir à se battre avec une machine virtuelle. Conséquence : vous pouvez brancher votre manette de Xbox series, ça ne posera aucun problème, et cela permet au programme d’offrir une expérience optimale – dommage que la réalisation ne se hisse pas à la hauteur de celle de la borne d’arcade d’Ultimate Mortal Kombat 3 et que les quelques nouveautés de la version Nintendo 64 n’aient pas fait le trajet jusqu’à cette itération, car pour le reste, c’est un sans faute.

NOTE FINALE : 16,5/20

Un peu paresseuse sur le plan de la réalisation – où elle ne parvient même pas à faire tout à fait aussi bien que la version PlayStation dont elle est pourtant directement tirée – la version PC de Mortal Kombat Trilogy est heureusement totalement irréprochable sur le plan de la jouabilité, et la disparition des temps de chargement constitue un bonus suffisamment bienvenue pour faire de cette version la meilleure de toutes d’une (très) courte tête. Un portage plus ambitieux aurait cependant pu faire encore mieux, dommage.

Version Saturn

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp. (Europe) – Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 11 avril 1997 (Europe) – 8 août 1997 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour la version Saturn, on retrouve à la barre l’équipe qui allait se charger la même année de la conversion sur PC ; on ne sera donc pas surpris de se retrouver, une fois de plus, face à un portage de la version PlayStation avec un contenu exactement identique.

Les rares nuances seront donc plutôt à aller chercher, une nouvelle fois, du côté de la technique : comme souvent avec la console de SEGA, les quelques effets de transparence (les ombre et les barres de vie, principalement) ont laissé la place à un dithering pas très esthétique, mais pour le reste les graphismes sont les mêmes que ceux de la version PC, ce qui signifie que les couleurs ne font pas apparaître le même effet de trame que sur PlayStation. Les chargements sont également légèrement plus rapides, ce qui compte dans un jeu où on va en rencontrer souvent. Pour le reste, la fluidité est irréprochable et la jouabilité inattaquable – autant dire que ceux qui voudraient du Mortal Kombat sur leur Saturn seraient bien inspirés de commencer directement par ici.

NOTE FINALE : 16,5/20

À quelques minuscules fioritures près, Mortal Kombat Trilogy sur Saturn fait globalement jeu égal avec une version PlayStation qui ne le devance que du côté des effets de transparence. Pour ce qui est du contenu comme de celui de la jouabilité, aucun reproche à faire, et les fans de la licence peuvent découvrir cette version sans aucun regret.

Das Boot : German U-Boat Simulation

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three-Sixty Pacific, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Megafortress / Das Boot / Aces of the Great War (1992 – PC (DOS))
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.11 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et Tandy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on aura eu l’occasion de le mentionner par ailleurs (au hasard ici), la toute fin des années 80 aura correspondu à une timide tentative de démocratisation de la part d’un genre extrêmement exigeant par nature : la simulation. Accolade avait contribué à montrer la voie, mais celle-ci était finalement tracée d’avance, selon le bon vieux précepte qui veut que « toucher un public plus large » = « augmenter les chances de vendre le jeu » = « brouzoufs » – les simulateurs « allégés » à la Ace of Aces ne constituaient après tout pas une nouveauté en soi, disons simplement que l’on pouvait attribuer leur simplicité davantage à des contraintes techniques qu’à un réel choix de game design.

Mais tiens, puisque l’on évoque Ace of Aces, figurez-vous que le jeu avait justement déjà été distribué par Accolade, et que son équipe de développement se nommait alors Artech. Quatre ans plus tard, celle-ci n’avait visiblement pas gonflé que son nom pour devenir Artech Digital Entertainments, mais aussi ses effectifs puisqu’en parallèle de Blue Max, elle travaillait également sur un autre type de simulateur, lui aussi très en vogue à l’époque : le jeu de sous-marins. Terrain plus miné qu’on pourrait le penser, puisque déjà largement occupé par des références comme Silent Service II ou Wolf Pack – d’ailleurs sortis eux aussi en 1990 –, élevant de fait le seuil d’exigence de joueurs pas forcément décidés à acheter trois simulateurs d’U-Boot en un an. Alors histoire d’augmenter les chances, autant en profiter pour avoir recours à un licence célèbre ; de toute évidence, celle d’À la poursuite d’Octobre Rouge était déjà prise, alors il aura fallu aller chercher un peu plus loin avec le long-métrage Le Bateau (titre original : Das Boot) de Wolfgang Petersen, lui-même tiré du livre de Lothar-Günther Buchheim romançant des missions que l’auteur avait vécu pendant la seconde guerre mondiale. Et voilà comment on se retrouve avec Das Boot, un jeu… qui entretient en fait pour seul lien avec le film et le roman de se dérouler dans un sous-marin.

En vertu de la philosophie visant à offrir aux joueurs impatients un peu plus d’action effrénée et un peu moins de réglages techniques pointus proprement incompréhensibles aux malheureux n’ayant pas encore compulsé les 350 pages de manuel écrit petit, le titre d’Artech commence par proposer de courtes missions d’entraînement qui ont l’avantage de faire également office de mini-jeux pour les capitaines pressés n’ayant pas envie d’écumer les océans pendant un quart d’heure à la recherche d’un convoi allié (nous aurons l’occasion d’y revenir).

On pourra donc apprécier ici la variété des séquences : tir sur avions de chasse et bombardiers depuis le canon anti-aérien placé sur le pont, tir sur cibles marines avec un canon lourd, tir de torpille depuis la surface ou sous l’eau, en visant alors avec le périscope plutôt qu’avec les jumelles, combat sous-marin entre submersibles, champ de mines, phase d’évitement de charges explosives, etc. De quoi constater que la jouabilité de ces scènes est très simple – on vise avec les flèches, on tire avec Espace –, que la 3D est particulièrement efficace pour un titre de 1990 (les effets volumétriques visibles sous l’eau, particulièrement novateurs pour la période, avaient décroché la mâchoire de la presse de l’époque), et que certaines d’entre elles privilégient d’ailleurs la poudre aux yeux au détriment de la profondeur (sans mauvais jeu de mot) au point de s’avérer très limitées, en particulier du côté des phases sous-marines. Mais au moins, le ton est donné : les joueurs qui voudraient de l’action pourront en avoir, et ils pourront même en avoir tout de suite.

Cependant, comme on peut s’en douter, le principe même de la simulation de sous-marin ne repose pas exactement, d’ordinaire, sur le fait d’aller canarder des avions ou des destroyers depuis le pont de son submersible. Das Boot propose donc fort logiquement cinq missions plus conventionnelles et surtout beaucoup plus consistantes, aux objectifs relativement variés mais qui tourneront principalement autour du fait de patrouiller, de repérer des convois et leur escorte et de s’efforcer de couler le tout avant de repartir en un seul morceau. L’occasion de configurer de nombreux réglages pour s’approcher (ou non) d’une vraie simulation historique, et de goûter enfin à tous les postes du sous-marin, dans un mode qui devient alors immédiatement plus complexe.

Un exemple valant mieux qu’un long discours, imaginons un début de mission typique vous plaçant au milieu de l’océan. Même si vous avez déjà reçu des objectifs en prélude du démarrage, il pourrait être intéressant de commencer par passer par la station radio, d’où vous pourrez recevoir les messages du commandement – à condition de les passer par un des trois systèmes de décryptage avant de les comprendre, ce qui ne nécessite jamais que d’appuyer sur la touche correspondante. Vous serez d’ailleurs régulièrement invité à faire des rapports ou à solliciter des ordres additionnels, ce qui nécessitera donc d’émettre à votre tour – en n’oubliant pas, naturellement, d’opter vous aussi pour une transmission cryptée, sans quoi vous risqueriez rapidement de recevoir un message goguenard de la flotte ennemie vous remerciant de communiquer votre position en clair avant d’envoyer son aviation se débarrasser de vous ! Ceci dit, il pourra également arriver que vous interceptiez une communication qui ne vous était pas destinée, et que vous parveniez à votre tour à la décrypter pour obtenir des informations cruciales sur les navires adverses – bref, un système original assez intelligemment intégré sans se révéler inutilement opaque.

On pourra d’ailleurs regretter que l’interface, dans son ensemble, échoue à maintenir ce seuil d’accessibilité : en effet, si tous les postes et les raccourcis permettant d’y accéder sont clairement affichés en permanence au bas de l’écran, une large partie des fonctions indispensables, elle, n’est accessible que via des raccourcis qui ne sont indiqués nulle part ailleurs que dans le manuel.

Imaginons par exemple que vous ayez envie de repérer un convoi ennemi, ce qui est quand même la base : on se doute que se contenter de rester à la surface en utilisant les jumelles n’est pas exactement la méthode optimale, mais c’est la seule accessible par le menu. Pour toutes les autres, il va falloir faire chauffer le clavier, qu’il s’agisse d’utiliser l’hydrophone (Alt + H), le détecteur radio (Alt + R), le radar de détection (Alt + B) ou le radar aérien (Alt + O). On notera également des fonctions permettant de gagner un temps considérable dans le feu de l’action, comme celle vous permettant de plonger directement à la profondeur idéale pour utiliser le périscope (Alt + P), celle permettant de remonter à la surface (Alt + S), ou encore celle permettant de pivoter le sous-marin dans la direction que vous êtes en train d’observer (Alt + F). Sans oublier celle qui pourra vous éviter de dégommer bêtement un navire de votre propre camp en prenant le temps de demander à vos collègues d’identifier une cible (Alt +I).

Ce recours systématique à des raccourcis à noter ou à apprendre par cœur est d’autant plus incohérent que, en dépit de ses meilleurs efforts, Das Boot n’est pas vraiment un titre réaliste. Déjà parce qu’il est difficile de penser que la marine allemande ait suffisamment confiance en ses U-Boots pour envoyer un seul d’entre eux dégommer non seulement un convoi, mais aussi son escorte de destroyers, un porte-avions au milieu, et même toute une division aérienne simplement avec deux canons et une vingtaine de torpilles !

On pourra d’ailleurs regretter que tout l’aspect de chasse « en meute » introduit par Wolf Pack n’ait pas fait le trajet jusqu’ici : votre sous-marin devra toujours tout faire tout seul, même quand il y a des alliés dans les parages, ce qui est aussi grotesque qu’irritant. Ensuite, si on comprend que l’idée est précisément de nous faire incarner tous les membres d’équipage, la valse permanente d’un poste à l’autre pour accéder à des fonctions qui ne sont accessibles que via un menu en particulier est aussi contraignante qu’elle est contre-intuitive : pourquoi ne peut-on désigner le cap et la vitesse du submersible que lorsqu’on est sur le pont et en surface, par exemple ? Quel est l’intérêt de nous doter de cartes si celles-ci ne montrent, quatre fois sur cinq, qu’une immense zone bleue ? Pourquoi doter tout le jeu d’un pendant arcade assumé avec des scènes d’action irréalistes et des armes qui ne s’enraillent jamais… mais en limitant les munitions, obligeant le joueur à passer dix bonnes minutes à se désengager et à parcourir la moitié de la carte afin d’aller rejoindre un navire de ravitaillement avant de repasser dix minutes à retourner sur place pour finir le travail ? Bref, est-on face à une simulation, à une « simulaction », à un jeu d’action maladroitement délayé pour se faire passer pour une simulation ? La question reste ouverte.

Elle est d’autant plus pertinente que Das Boot offre réellement de bons moments : il peut en effet être particulièrement satisfaisant de traquer les communications radio adverses pour essayer de localiser un convoi, d’en identifier les premiers éléments après une observation aux jumelles, et de passer en plongée pour faire pleuvoir la mort avec des torpilles d’autant plus faciles à tirer qu’il n’est même pas nécessaire de pivoter le sous-marin dans la direction visée au périscope – et même si c’était le cas, la commande Alt + F fait tourner instantanément votre submersible, comme s’il se téléportait. Mais c’est comme si, à trop hésiter entre la simulation et l’arcade, le jeu ne savait jamais réellement où placer ses curseurs et proposait au final un jeu d’action avec le rythme d’un simulateur – alors qu’il aurait mieux valu faire exactement l’inverse.

Après de longues minutes de traque, les affrontements se limitent à des combats brouillons et totalement irréalistes, et si on est souvent très heureux de couler une dizaine de navires et d’abattre autant d’avions, l’idée de passer dix minutes à glander pour ravitailler risque de pousser bien des joueurs à écourter une mission sitôt le premier assaut fini. Les scènes de tir sur avion faisant davantage penser, pour leur part, à une sorte de brouillon primitif de titres à la Incoming, on se retrouve au final avec une expérience déséquilibrée qui se montre agréable à jouer par séquences mais qui échoue à l’être sur la durée faute de cohésion dans le rythme – le type même de logiciel qu’on prend plaisir à lancer dix minutes de temps à autres, mais dont on ne finit jamais la moindre mission en dépit d’un contenu objectivement rachitique. Les amateurs de simulation lui préfèreront les références évoquées plus tôt, et les amateurs d’action risquent d’en faire le tour en quelques minutes ; ce qu’on appelle un entre-deux maladroit, qui explique peut-être que le titre soit si peu cité de nos jours. Comme quoi, ce n’est pas si facile que cela, en fin de compte, de viser un large public…

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20


Tout comme Blue Max : Aces of the Great War, développé par le même studio à la même période, Das Boot : German U-Boat Simulation entend entraîner l'austère simulation de sous-marin vers des eaux un peu plus accessibles au commun des mortels. Il n'y parvient certes qu'en partie, tanguant trop souvent entre des séquences de tir trop « arcade » et des séquences de navigation trop longues inutilement alourdies de changements de poste inutiles sans jamais s'approcher de la profondeur d'un Wolf Pack ou d'un Silent Service II, mais cela ne veut pas dire que l'expérience est désagréable – disons juste que l'aspect « simulaction » irréaliste se prête finalement assez mal à une chasse reposant sur la patience et sur l'observation silencieuse, et que c'est précisément l'aspect simplifié du jeu qui finit rapidement par composer sa principale limite. Il y a malgré tout largement matière à passer quelques heures à tenter de vaincre les cinq missions du programme, et même à être heureux d'y revenir de temps à autres, mais au final, il manque encore un petit quelque chose au titre pour réellement s'approcher de la cour des grands.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Énormément de raccourcis à mémoriser pour espérer accéder à des fonctions essentielles
– Des séquences d'action très limitées quel que soit le niveau de réalisme...
– ...et dans l'ensemble, un aspect « simulation » qui peine souvent à être crédible
– Seulement cinq missions
– Une gestion très fastidieuse du ravitaillement

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Das Boot sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« La simulation s’avère […] assez simple, peu d’options étant accessibles aux différents postes de votre U-Boot, ce qui risque de décevoir ceux qui sont passionnés par le réalisme ou la complexité des simulateurs. Ceux qui préfèrent l’action vont par contre se régaler ! »

Didier Latil, Génération 4 n°27, novembre 1990, 85%

« Les effets de couleur de ces vues sous-marines sont extraordinaires. On distingue à peine la silhouette du submersible ennemi qui s’approche de vous, prêt à larguer quelques salves. Toute la rédaction est restée muette d’admiration devant ce plan graphique… C’est dire ! […] Das Boot est un programme que vous devez posséder, ne serait-ce que pour ses graphismes et son animation, pour l’ambiance qu’il développe, une grande première sur PC. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°84, décembre 1990, 17/20

Version Amiga

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three Sixty Pacific, Inc. (Amérique du Nord) – Mindscape (UK) Limited (Europe)
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
*Optimisé pour 1Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme Blue Max, Das Boot aura été porté sur Amiga quelques mois après la sortie de la version PC, et comme Blue Max, il aura hélas laissé quelques plumes au passage. Pas du côté du contenu, bien sûr – ce qui est une bonne chose, car celui-ci n’était déjà pas énorme à la base – mais encore une fois, les graphismes et surtout le framerate souffrent beaucoup du passage d’un hardware à l’autre.

La palette de couleurs a bien évidemment rétréci au lavage ; ce n’est pas hideux, mais disons simplement que les dégradés du ciel ne font pas vraiment illusion, et que les effets de profondeur qui avaient tant décroché la mâchoire des journalistes de Tilt ne sont plus vraiment au programme ici. Ce ne serait pas une grosse perte si le tout n’affichait pas une nouvelle fois un framerate dépassant péniblement les cinq images par seconde pendant l’essentiel de la partie sur une configuration d’époque : bon courage pour parvenir à toucher un avion dans cette version. C’est fort heureusement moins pénalisant au moment de viser un navire ou un sous-marin avec une torpille, ces séquences se jouant rarement au dixième de seconde près, mais on dira simplement que cela ne rend pas service à un jeu qui étalait déjà quelques problèmes de rythme sur PC. Sans être idéales, les choses sont une nouvelle fois meilleures sur un Amiga 1200, où on peut alors espérer approcher les quinze images par seconde dans le feu de l’action. Rien de dramatique, mais le jeu reste indéniablement plus agréable à découvrir sur PC.

NOTE FINALE : 12/20 (Amiga 500/600/1000) – 13/20 (Amiga 1200 ou supérieur)

Comme son alter ego Aces of the Great War, Das Boot souffre sur Amiga d’un moteur un peu trop puissant pour le hardware de l’époque, qui rend les parties « arcade » plus fastidieuses qu’amusantes. Si les choses s’améliorent sur un Amiga 1200, la réalisation graphique n’en reste pas moins inférieure, et dans l’ensemble on n’a tout simplement aucune raison de lancer ce portage dès l’instant où on a accès à la version PC.

New York Warriors

Développeur : Synergistic Software, Inc.
Éditeur : Virgin Mastertronic Ltd.
Titre original : NY Warriors (États-Unis)
Testé sur : AmigaAmstrad CPCZX SpectrumPC (DOS)

Version Amiga

Date de sortie : Mai 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
*Existe en version optimisée pour 1Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’un des (nombreux) charmes du retrogaming et de l’indissociable nostalgie qui l’accompagne, c’est cette évocation récurrente et en partie idéalisée d’une époque « plus simple ». Tout est toujours plus simple, dans les souvenirs : les problèmes de l’enfance sont amortis par un cadre établi où les adultes avaient toujours toutes les réponses et où toutes les crises existentielles avaient généralement le temps d’être résolues pour l’heure du goûter. Le monde était chargé d’espoir, l’avenir vu par Retour vers le futur II avait l’air cool avec ses voitures volantes, nos parents étaient jeunes et fringants, notre premier amour n’avait pas encore eu trois enfants avec ce commercial rencontré à son bureau, et puis surtout : les jeux se jouaient avec deux boutons au maximum – époque bénie.

Pour les développeurs aussi, les temps étaient plus simples, particulièrement en Europe : des termes comme « lore », « narrative design » ou « game design » ne voulaient rien dire, et à la façon des chansonniers du début du siècle qui écrivaient régulièrement de nouvelles chansons sur l’air d’une ancienne, créer un jeu revenait souvent par commencer par décider lequel on allait plagier – ne rigolez pas, c’est comme ça que naissaient, et naissent encore, les différents genres. Un de ceux qui étaient encore particulièrement en vogue à la fin des années 80 était celui du Commando-like : le titre de Capcom, en dépit de – ou grâce à – son apparente simplicité, n’avait pas tardé à engendrer une longue série de clones, d’Ikari Warriors à Guerrilla War en passant par Heavy Barrel, Secret Command ou MERCS, pour n’en citer qu’une infime poignée, et même si le concept avait fini par parvenir à s’éloigner de la référence obligée à Rambo lâché dans la jungle avec des Smash T.V. ou des Alien Syndrome, l’originalité n’était que rarement de mise tant on n’en avait cure, au fond. On voulait des soldats en train de tout péter dans des niveaux en vue de dessus consistant très largement en un défilement vertical imposé, ça marchait très bien, et c’était là l’intégralité du cahier des charges de titres comme New York Warriors – et personne ne s’en plaignait. Des temps plus simples, vous dis-je.

Par exemple, pour le scénario, autant aller puiser directement dans la production cinématographique des années 80, voire des années 70. Rambo et sa jungle commençaient à être un peu surexploités ? Pourquoi ne pas aller chercher du côté de l’une des grandes peurs réactionnaires de la période, en mettant en scène une ville de New York livrée à la criminalité, passée entre les mains de gangs meurtriers – au point que l’un d’entre eux a carrément mis la main on-ne-sait-comment sur une ogive nucléaire ?

Allez hop, une louche des Guerriers de la nuit, une pincée de New York 1997, et voilà un prétexte comme un autre pour aller sauver la civilisation du futur du passé (tous ces jeux situaient toujours leur action « futuriste » à la fin des années 90 ou au début des années 2000, soit il y a déjà 25 ans… « temps plus simples », tout ça…) en tirant sur tout ce qui bouge. Une ville, un soldat (ou deux, si vous avez un ami), des centaines de méchants à occire : pourquoi se fatiguer à concevoir quelque chose de plus complexe que ça ? Une idée originale ? Mais pourquoi faire ? Les gens voulaient du Commando, on leur vendait du Commando – on n’allait quand même pas prendre le risque d’y ajouter un truc dont ils ne voudraient pas, non ? On tient donc là toute la substantifique moelle du titre de Synergistic Software : c’est juste un autre Commando-like, et ça ne fait jamais semblant de chercher à être autre chose. Et quelque part, rien que pour cette rafraichissante honnêteté, on aurait presque envie de le remercier – et tant pis si une partie de la presse de l’époque l’avait brutalement congédié sans même lui laisser une chance précisément parce qu’il n’était qu’un titre de plus au sommet d’une très, très longue pile.

À défaut d’être original, la vérité est qu’on attend surtout de New York Warriors qu’il soit efficace – tant qu’on s’amuse, le reste est secondaire, et puis les surprises ça ne fonctionne jamais qu’une seule fois. Sur le papier, on est en terrain plus-que-connu : avancer vers le haut de l’écran, tirer sur tout ce qui bouge, collecter les quelques armes offrant des tirs plus puissants et plus couvrants pendant un certain temps – autant dire la base.

Seule minime variation : quitte à également proposer un défilement horizontal, le titre offre aussi une (petite) composante exploration en laissant le joueur s’enfoncer dans des ruelles ou des couloirs qui peuvent se terminer en impasse et l’obliger à faire demi-tour pour trouver un autre chemin. Juste de quoi récompenser un peu la connaissance du niveau sans pour autant le transformer en fastidieux labyrinthe : un compromis sensé, sur le plan ludique. On remarque d’ailleurs rapidement que le logiciel américain fait visiblement le choix de s’intéresser à des notions totalement désertées par la plupart de ses collègues européens. Au hasard, l’équilibrage : non seulement il est possible de choisir son niveau de difficulté parmi quatre – chose encore extrêmement rare au sein des jeux d’action sur ordinateur à l’époque – mais on observe même une forme de progression d’un niveau à l’autre : lors des premières zones, les ennemis ne tirent jamais en diagonale, leurs projectiles sont plus lents, etc. On s’approcherait presque d’une notion de – j’ose à peine le dire – game design. Et ça, mine de rien, ça fait une grosse différence au milieu de la ludothèque de l’Amiga.

De fait, New York Warriors est un très bon exemple de jeu qui n’invente rien et ne cherche même pas à faire semblant d’avoir inventé quelque chose mais qui se débrouille relativement bien dans ce qu’il a choisi de faire. Certes, on ne peut pas dire que les environnements urbains du jeu transpirent la personnalité, mais les ennemis représentés d’une façon « cartoon » ont une certaine personnalité, le défilement est fluide, l’action est nerveuse et ne connait pratiquement aucun ralentissement alors que ça pète dans tous les sens, et la difficulté a même le culot d’être surmontable lorsqu’on joue dans les modes inférieurs.

Non seulement on s’amuse, mais on s’amuse même davantage que sur beaucoup de bornes d’arcade incroyablement frustrantes de la période, et le fait que le jeu s’efforce de proposer une jouabilité cohérente la majeure partie du temps plutôt que de se contenter d’empiler les ennemis par dizaines (même si cela lui arrive aussi, on ne va pas se mentir) fait quand même une grosse différence. Un peu à la manière de Gain Ground, on réalise fréquemment que prendre le temps de choisir son angle d’attaque plutôt que de foncer tout droit permet d’obtenir de très bons résultats, et qu’on n’est pas face à une de ces centaines de logiciels qui pullulaient alors et qui se contentait de placer la difficulté à fond pour que jamais personne ne parvienne à atteindre ne fut-ce que le niveau deux sous prétexte que ça faisait « arcade ». New York Warriors est un jeu qui respecte ses joueurs. Et étant donné à quel point c’est rare sur Amiga, cela mériterait presque une statue. Vous voulez vous éclater, seul ou à deux, avec un joystick à un bouton, un peu d’adrénaline et vingt minutes à tuer ? Alors laissez-lui une chance. Qui sait, vous découvrirez peut-être que vous étiez passé à côté d’un bon jeu que vous ne connaissiez pas.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14/20

Il n'aura peut-être pas inscrit son nom dans la légende, mais New York Warriors n'en est pas moins un des meilleurs Commando-like de la ludothèque de l'Amiga. En choisissant de ne jamais perdre de vue des éléments trop souvent totalement délaissés par la production de l'époque – notamment le fun, le paramétrage de la difficulté et l'équilibrage –, le titre de Synergistic Software parvient à offrir exactement ce qu'on venait chercher : de l'action nerveuse, suffisamment de variété pour avoir envie de voir la suite, un défilement fluide et la possibilité de s'éclater à deux. Alors certes, on aurait pu rêver que les curseurs soient placés encore un peu plus haut : un peu plus d'idées, un peu plus d'ennemis, un peu plus de surprises, un peu plus de folie – mais pour ce qui est de se défouler vingt minutes, ça fait parfaitement le café. Et parfois, c'est tout ce qu'on demande. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une action souvent confuse, surtout dans les niveaux de difficulté supérieurs
– Pas l'ombre d'une idée neuve
– Un certain manque de variété dans les environnements

Bonus – Ce à quoi peut ressembler New York Warriors sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« New York Warriors n’apporte rien de vraiment neuf. Mais au sein de la ludothèque micro, il se place en bonne position. Un jeu riche, graphiquement très soigné et difficile à vaincre. À voir ! »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°84, décembre 1990, 15/20

Version Amstrad CPC

Développeur : The Big Red Software Company Ltd.
Éditeur : Virgin Mastertronic Ltd.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko*
*Existe en version optimisée pour 128ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1990, un utilisateur de CPC devait souvent se contenter de petites joies simples, comme par exemple ne pas se retrouver avec un portage sur son ordinateur qui ne soit qu’une conversion pixel perfect de la version ZX Spectrum. À ce niveau, l’équipe de Big Red Software Company a accompli l’essentiel : même s’il est évident que les deux adaptations ont été réalisées dans le même moule, au moins le jeu tire-t-il un minimum parti des capacités graphiques de la machine d’Amstrad. Alors certes, la fenêtre de jeu est minuscule, ce qui a un impact sur l’action : on a rarement plus de trois adversaires à l’écran, ce qui est normal vu qu’on ne pourrait pas en faire tenir plus.

Cela tend à rendre le jeu beaucoup plus simple au début, où les premiers écrans traversés sont pour ainsi dire vides, mais les choses se compliquent dès l’instant où ça canarde dans tous les coins, car alors difficile d’anticiper quoi que ce soit avec notre personnage énorme coincé au milieu d’un timbre-poste… éventuellement avec un ami, car il est toujours possible de jouer à deux. La musique, un brin répétitive, est réservée aux 6128, faute de quoi il faudra se contenter des bruitages. Comme on peut s’en douter, toutes ces contraintes font qu’on a perdu pas mal de choses depuis la version Amiga, mais l’expérience n’en est pas déplaisante pour autant, disons juste encore un peu moins lisible et reposant davantage sur la mémoire. On remarquera d’ailleurs qu’on ne commence plus la partie qu’avec trois vie, désormais, et qu’il n’y a plus de choix de la difficulté. On est plus proche, en termes de rythme, d’un Secret Command, mais cela reste un titre solide à l’échelle du CPC. Sans doute pas de quoi y consacrer plus de dix minutes de temps à autres, surtout à l’heure actuelle, mais pour se défouler le temps de la pause café, ça fait parfaitement le travail.

NOTE FINALE : 11/20

Bien évidemment, New York Warriors sur CPC aura dû composer avec de nombreux sacrifices, notamment au niveau de la taille de la fenêtre de jeu qui donne un peu l’impression de vivre dans un 6M² à Paris. Néanmoins, le cœur de l’expérience a été plutôt bien préservé, avec une action qui reste nerveuse et surtout la possibilité de jouer à deux. À l’échelle de la machine, un programme qu’on n’aura pas de raison de bouder.

Version ZX Spectrum

Développeur : The Big Red Software Company Ltd.
Éditeur : Virgin Mastertronic Ltd.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Fuller, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

Avec la même équipe aux commandes, on se doute que New York Warriors sur ZX Spectrum va suivre une philosophie très similaire à celle de la version CPC. De fait, même si la résolution est ici un peu plus élevée, c’est surtout pour pouvoir faire tenir une interface qui vampirise pas loin d’un tiers de l’écran, et la fenêtre de jeu en elle-même est strictement monochrome. Pour ce qui est du son, les choses vont aller vite : il n’y en a pas, et aucune version ne semble avoir été développée pour les modèles à 128ko de RAM. Du côté des bonnes nouvelles, il est en revanche toujours possible de jouer à deux, le défilement est fluide et la jouabilité est bonne ; l’essentiel est donc parfaitement préservé. En fait, le jeu est même plutôt plus lisible dans cette version que sur la machine d’Amstrad ! Encore une fois, on se doute que le tout a pris un petit coup de vieux, particulièrement sur le plan de la réalisation, mais cela reste un run-and-gun parfaitement jouable à deux sur la machine de Sinclair, ce qui était exactement ce qu’on venait chercher. Du travail sérieux.

NOTE FINALE : 10,5/20

D’autres sacrifices en vue pour une version ZX Spectrum de New York Warriors qui renonce pour ainsi dire à la fois aux couleurs et au son, mais on n’en obtient pas moins le run-and-gun qu’on était venu chercher, jouable dans de bonnes conditions à deux. Pas de quoi en prendre plein les mirettes, mais pour ce qui est de s’amuser, le programme fait encore illusion.

Version PC (DOS)

Développeur : Arcadia Software, Inc.
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : EGA, Tandy/PCjr
Cartes sons supportés : AdLib, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, Tandy/PCjr

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au début des années 1990, on le sait, si le PC représentait déjà un marché majeur aux États-Unis, les choses étaient un peu différentes en Europe où la machine d’IBM passait encore loin derrière les ordinateurs plus populaires – c’est à dire virtuellement tous les autres – au moment de réaliser des portages.

Cette version de New York Warriors vient nous rappeler que les choses n’avaient pas encore vraiment changé à ce niveau en 1991 (la date de sortie du logiciel, paru de façon assez confidentielle, reste à prendre avec des pincettes), avec un titre qui ne reconnait même pas le VGA, et qui ne semble pas davantage au courant de l’existence de la Sound Blaster (mais au moins, l’AdLib est reconnue, ce qui n’était pas encore gagné). Encore pensé pour les modèles XT, le jeu s’affiche dans une fenêtre rabotée en 248×200, et si la musique est toujours là, pas question de profiter des bruitages en même temps. Comme on peut s’en douter, ce n’est pas très beau, et jouer dans de bonnes conditions va demander d’expérimenter un peu sous DOSBox puisque le jeu n’est sans surprise pas ralenti… mais dans des circonstances « idéales », force est de reconnaître que l’action peut s’avérer aussi nerveuse et aussi fluide que sur Amiga, ce qui n’était pas gagné d’avance. Alors un peu comme pour les autres portages, difficile d’y engloutir des heures alors que la concurrence en la matière est particulièrement vive sur une machine qui, elle, est toujours en vie trente-cinq ans plus tard, mais disons simplement que si on parvient à faire abstraction de la réalisation, on trouve ce qu’il faut pour s’amuser.

NOTE FINALE : 12/20

Comme trop souvent, New York Warriors sur PC n’était pas exactement pensé pour les machines de sa génération au moment de sa sortie, ce qui cantonne le jeu à un ersatz en seize couleurs et en plus basse résolution de la version Amiga – sans même parler des pertes sur le plan sonore. Au moins le jeu est-il toujours jouable à deux et même parfaitement fluide dans les conditions idéales, mais on dira que lancer cette version n’a vraiment de sens qu’à partir du moment où on ne veut pas découvrir le jeu sur Amiga.

Blue Max : Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three-Sixty Pacific, Inc.
Titre alternatif : Aces of the Great War (Amiga, Atari ST)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari ST
Disponible sur : Windows
En vente sur : GOG.com (Windows)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.11 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour les modes VGA et Tandy

Tout le monde aimerait savoir voler, mais tout le monde n’a pas nécessairement l’envie – sans même parler du temps ou des moyens – de consacrer des semaines, voire des mois ou des années, à apprendre à piloter un avion. De la même façon, ce n’est pas parce qu’on s’amuse sur un jeu de course qu’on a nécessairement envie de le complexifier au maximum en jouant avec une boîte manuelle et toutes les options de réalisme activées. Parfois, moins, c’est mieux.

Cela peut sembler évident aujourd’hui ou des notions comme l’accessibilité et le paramétrage de l’expérience sont au centre de l’expérience vidéoludique – on parle même de « casual gaming » – mais mine de rien, il aura pratiquement fallu attendre la fin des années 80 pour qu’un genre alors déjà « de niche », en l’occurrence celui de la simulation, commence à réaliser quelque chose qui avait jusqu’alors été à l’exact opposé de sa philosophie : « réaliste » ne signifie pas automatiquement « amusant ».

La société Accolade, notamment, aura commencé à se faire un nom via des Steel Thunder ou des Gunboat en commençant à étrenner un concept qu’on aura rapidement qualifié de « simulaction » : des titres où l’on veut bien piloter des jets, des hélicoptères, des tanks ou des bateaux, mais en se concentrant sur la partie fun (comprendre : celle où on tire sur tout ce qui bouge) sans avoir au préalable à consulter deux-cents pages de manuel pour avoir une chance de réussir péniblement un décollage au bout de quinze tentatives pour autant d’accidents mortels. L’idée n’aura pas tardé à faire du chemin : programmer un jeu moins complexe tout en visant un public plus large, cela ressemble fort à du gagnant-gagnant. Et les bonnes idées volant généralement par escadrilles, c’est sans doute totalement par hasard que MicroProse et Three-Sixty auront tous les deux publié le même mois deux programmes au pitch exactement similaire, à savoir une simulaction de combats aériens de la première guerre mondiale. Nous avons déjà eu l’occasion de voir ici Knights of the Sky, donc autant se pencher à présent sur Blue Max : Aces of the Great War.

Le jeu qui nous intéresse aujourd’hui va donc graviter autour de ce que l’on a tendance à retenir de l’aviation militaire en 1917, à savoir les dogfights endiablés menés par des biplans, des triplans et autres avions en bois, à une ère plus simple où il fallait compter sur de bons yeux plutôt que sur un radar et où le génie humain était déjà parvenu à concevoir une mitrailleuse synchronisée sur la vitesse de rotation des pales d’une hélice pour pouvoir tirer à travers sans casse.

Du côté du menu, Blue Max semble en tous cas ne commettre aucune faute : possibilité d’incarner les deux camps (même si parler d’«Alliés » et d’«Axe » pendant la première guerre mondiale comme le fait le jeu est pour le coup totalement anachronique), huit appareils pilotables au total (quatre pour la Triple-Alliance, quatre pour la Triple-Entente) avec leurs caractéristiques propres, plusieurs modes d’entraînement allant du simple vol libre au combat simulé pour se familiariser avec les commandes – lesquelles sont de toute façon très simples, et quasi-intégralement résumées sur un écran accessible en vol via la touche F9 – sans oublier les trois indispensables campagnes qui seront à accomplir sans faute, puisqu’en cas de décès votre pilote est automatiquement effacé (sauf si vous avez eu la bonne idée de faire une copie de sauvegarde du fichier au préalable, évidemment).

Plus surprenant : la présence d’un mode « stratégique » qui consiste… en un combat aérien au tour par tour, où les deux joueurs déplace leur avion d’hexagone en hexagone tout en paramétrant sa direction et son altitude. Un mode un peu gadget et manquant de profondeur, surtout parce qu’il reste limité à du un-contre-un (pourquoi ne pas diriger directement toute une escadre ?), mais on appréciera l’idée. Oh, et tant qu’à faire, n’oublions pas ce petit « plus » qui fait toujours plaisir : un mode deux joueurs en écran splitté, jouable aussi bien en compétitif qu’en coopératif. Oui, si le cœur vous en dit, vous pourrez tout à fait mener toute une campagne avec un ami à vos côtés, sans même avoir à dégainer un modem ou un câble série, et mine de rien cela restait assez exceptionnel en 1990.

Une fois en vol – littéralement, puisque chaque mission du jeu débute directement dans les airs, le décollage n’étant jamais géré – on se retrouve face à un modèle simple mais efficace : le clavier, le joystick ou la souris pour déplacer l’appareil et faire feu, une gestion (facultative) du vent et des nuages, des munitions limitées mais au nombre suffisamment généreux pour qu’il faille vraiment le faire exprès pour se retrouver à court, des informations essentielles (altitude, vitesse, dégâts encaissés) clairement affichées sans avoir à déchiffrer des jauges ou des cadrans, et vous voilà prêt à faire face aux forces adverses.

Seules les différentes vues et les actions de bombarder et de prendre une photo seront obligatoirement à aller chercher sur le clavier, et il ne sera pas question de compter ici sur des dégâts réalistes impactant le modèle de vol ni même sur des mitrailleuses qui s’enraillent : on est face à un titre très arcade, et qui fonctionne à ce niveau plutôt mieux que Knights of the Sky : Pas besoin ici de composer avec la vitesse des balles ni de devoir lutter pendant dix minutes pour parvenir à atteindre miraculeusement un avion de deux pixels qui virevolte comme un fou : les adversaires ont tendance à voler tout droit jusqu’à vous et les combats à être assez expéditifs dès l’instant où un ennemi est au milieu de votre viseur. Ce n’est peut-être pas très réaliste, mais bon sang, on a aussi le droit de trouver cela plus amusant sans se sentir coupable. En revanche, jouabilité simplifiée ou pas, une mission ne pourra se terminer qu’en étant prêt à poser son avion en rase-campagne – et du bon côté des lignes, lesquelles ne sont pas toujours faciles à identifier. La manœuvre demande un peu de maîtrise et de temps, ce qui est toujours moins amusant au bout de la quinzième fois (et personne n’aime planter sa campagne et perdre son pilote pour s’être posé un peu trop vite au terme d’une mission réussie), mais c’est bien là la seule concession au réalisme d’un titre qui offre ce qu’on était venu chercher : le plaisir de faire « tacatacatac » sur des vieux coucous en pirouettant follement dans les airs.

Histoire d’introduire un peu de variété, le programme est organisé autour de cinq types de missions : les patrouilles (abattre au moins un appareil ennemi), les missions de défense (empêcher un objectif allié d’être détruit), les bombardements (raser un bâtiment adverse à l’aide d’une bombe à lâcher minutieusement à la main), les reconnaissances (prendre un bâtiment en photo) et enfin les missions demandant de détruire un ballon adverse.

Le jeu ne comporte qu’une seule carte par mode de jeu (ce qui signifie que chaque campagne se déroule sur une seule et unique carte) ; celles-ci ne sont ni très variées ni très différenciables, mais le moteur de jeu a l’avantage de tourner comme un charme et de proposer une action fluide et des affrontements nerveux dès l’instant où l’ordinateur est équipé d’un processeur correct – ce qui, dans un XXIe siècle déjà bien entamé, ne devrait pas exactement être un problème à trouver. En résulte une expérience qui fournit exactement ce qu’on pouvait espérer… avec ses limites, malgré tout. Avec une jouabilité aussi basique, on se doute qu’il ne faut pas des semaines pour faire le tour de ce que le jeu a à offrir, et même si on peut se fixer l’objectif de boucler les trois campagnes avec les deux camps, il ne s’agit jamais que de reproduire les cinq mêmes types de missions sur les trois mêmes cartes. La possibilité de jouer à deux sur un même écran est fort heureusement très appréciable – aucun as de la grande guerre n’étant aussi jouissif à abattre que le petit frère ou le copain à grande gueule – et aide à donner une bonne raison de ressortir le titre de temps à autres histoire de décider qui va se coltiner la vaisselle ce soir. Rien de très marquant ni de révolutionnaire, mais quand on n’a pas envie de lutter pendant des semaines pour parvenir à dompter une simulation ultra-pointue, c’est vrai que ça fait toujours plaisir de pouvoir compter sur des titres à la Blue Max.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20


En choisissant de s'éloigner de la simulation pure pour assumer un tournant plus arcade, exactement comme un certain Knights of the Sky d'ailleurs paru au même moment, Blue Max : Aces of the Great War aura su préserver l'essentiel de ce qui fait l'intérêt des dogfights de la première guerre sans les réserver aux joueurs les plus patients et les plus adroits. Le résultat, s'il manque fatalement de profondeur et de variété, est néanmoins plutôt plus convaincant que ce qu'offre son concurrent direct, surtout grâce à la possibilité bienvenue de jouer à deux en écran splitté pour affronter un ami, pour mener une campagne en coopératif, voire même pour s'essayer à un surprenant mode stratégique qui risque cependant de ne pas dépasser le stade de la curiosité. Certes, on fait assez rapidement le tour du programme en dépit des trois campagnes et des deux camps jouables, mais on tient clairement le type de jeu auquel on peut revenir régulièrement pour une partie de cinq minutes sans avoir à déterrer le manuel pour se souvenir comment démarrer le moteur. Une approche qui n'a finalement pas si mal vieilli.


CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des atterrissages qui demanderont un peu de pratique pour éviter de saboter bêtement une mission gagnée...
– ...d'autant plus qu'en cas de crash, le personnage est automatiquement effacé !
– Très peu de moyens d'identifier la position de ses lignes...
– ...surtout quand les seules cartes du jeu sont à aller chercher dans le manuel, lequel n'est même pas fourni avec la version vendue en ligne !
– Un mode stratégique assez gadget

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blue Max sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Si The Blue Max (sic) ressemble à un simulateur de vol, ce n’est qu’une apparence, car il s’agit en fait d’un shoot-them-up réaliste. Le pilotage est réduit à sa plus simple expression et vous ne contrôlez que la direction, l’altitude et la vitesse de votre appareil. Les différentes missions commencent en vol. Vous n’avez pas le moindre décollage à effectuer, ni aucun atterrissage (NdRA : dans les faits, toutes les missions demandent d’atterrir). Cela fera sans doute grimacer les fans de simulateurs de vol, mais l’action est suffisamment prenante pour compenser cela. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 17/20

Version Amiga
Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeurs : Three Sixty Pacific, Inc. – Mindscape International Ltd.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
*Optimisé pour 1Mo

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Blue Max aura dû attendre quelques mois pour débarquer sur Amiga – perdant au passage une partie de son titre sur la boîte pour mieux la récupérer à l’écran-titre, les grands mystères du marketing. Il hérite pour l’occasion d’une petite animation au lancement absente de la version PC, mais pour le reste, le contenu reste strictement identique (à un détail près : il est ici impossible de définir le niveau de réalisme du pilotage). Graphiquement, on ne peut pas dire que la déperdition soit spectaculaire comparé aux 256 couleurs du VGA – les dégradés sont clairement moins fins et les détails moins nombreux, mais rien de vraiment dramatique. En revanche, vous risquez d’avoir tout loisir d’admirer la différence, car autant vous prévenir : sur un modèle « de base » de type Amiga 500/600/1000, le jeu se traîne au point d’en être à peine jouable. Même avec les détails au minimum, le framerate ne dépasse jamais les huit images par seconde, et en mettant tout à fond, là il ne dépasse carrément plus les quatre ! Heureusement, les choses vont tout de suite mieux sur un Amiga 1200, où on retrouve une action à peu près fluide sans pour autant pouvoir rivaliser avec ce qu’offraient les PC les plus puissants, naturellement. Mais étant donné que l’Amiga 1200 n’existait pas encore à la sortie du jeu, on comprend qu’une partie de la presse n’ait pas été franchement emballé par cette séance diapo qui ne pouvait même pas s’enorgueillir de son réalisme. Si vous n’avez pas un Amiga 1200 ou supérieur, fuyez !

NOTE FINALE : 08,5/20 (Amiga 500/600/1000) – 13/20 (Amiga 1200 ou supérieur)

L’expérience délivrée par Aces of the Great War sur Amiga dépendra grandement du modèle sur lequel le jeu est lancé : en-dessous d’un Amiga 1200, le framerate risque d’être si bas que le jeu en sera pratiquement injouable. Dans de meilleures conditions, le titre peut se hisser assez près de la version DOS, mais sans le matériel approprié, ce ne sera clairement pas un jeu vers lequel vous diriger. Vous êtes prévenu.

Version Atari ST
Aces of the Great War

Développeur : Artech Digital Entertainments, Ltd.
Éditeur : Three Sixty Pacific, Inc.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 1040 ST – RAM : 1024ko
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Après avoir vu le résultat d’Aces of the Great War sur Amiga, on avait de quoi se montrer inquiet pour l’Atari ST. Malheureusement, et comme on pouvait le craindre, le miracle n’aura pas eu lieu : en dépit du fait que le moteur de jeu n’emploie plus que seize couleurs, le framerate ne côtoie l’acceptable qu’en mettant tous les détails au minimum, et même sous cette forme on est encore très, très loin de l’expérience offerte par la version PC. Pour ne rien arranger, le jeu est donc devenu sensiblement plus moche (équivalent graphiquement parlant à la version EGA), le rendu sonore est inférieur, et l’expérience est empoisonnée de temps de chargement interminables. Bref, même si le programme pouvait encore faire illusion à une époque où on avait l’habitude de jouer à sept images par seconde, le constat est implacable : pour découvrir le jeu, ne commencez clairement pas par là.

NOTE FINALE : 08/20

On peut prendre le problème sous n’importe quel angle, mais la fluidité, ça compte, surtout quand elle impacte aussi dramatiquement la jouabilité. Condamné à se traîner lamentablement dans des décors qui ont perdu beaucoup de leur charme en seize couleurs, Aces of the Great War sur Atari ST se réservera aux joueurs les plus nostalgiques, les plus patients ou les plus masochistes.

Sliders

Développeur : Microïds
Éditeur : Microïds (France) – Palace Software, Ltd. (Royaume-Uni) – Titus (Amérique du Nord)
Testé sur : AmigaAmstrad CPCAtari STPC (DOS)

Version Amiga

Date de sortie : Décembre 1990 (France) – Septembre 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Une période où l’univers vidéoludique ne se divisait pas uniquement entre d’un côté les AAA en monde ouvert réalisés par des équipes de 800 personnes et de l’autre les rogue-lite, les deckbuilders et les Metroidvania en pixel art de la production indépendante.

Une ère qui avait encore cette magie de l’incertitude et de l’expérimental, et où il suffisait généralement d’un codeur et d’un graphiste, avec parfois un copain qui venait dépanner pour la musique, pour programmer un jeu en six mois, sur un coup de tête, sur une vision, ou encore mieux : sur une idée. Un siècle où Microïds, plutôt que de nous embarrasser avec des adaptations de Goldorak ou de Tintin qui nous fassent détourner les yeux avec pudeur, tentait des choses sans trop réfléchir, sans rester suspendu à des études de marché pour tenter de découvrir quelle licence grand public aller déterrer pour espérer enfin vendre quelque chose. Bref, des temps plus simples, plus purs, où en tout cas aimerait-on le croire au nom de cette nostalgie qui nous habite et qui veut nous convaincre que l’herbe était toujours un peu plus verte avant. Des temps où on voyait apparaître régulièrement des Sliders dans les magazines et dans les bacs, avec de belles boîtes en carton ou en plastique, plutôt que d’aller les dénicher au fin-fond des listes de jeux à moins de 4,99€ dans les offres promotionnelles de Steam. *Soupir*.

Mes excuses pour ce bref instant de mélancolie nostalgique que l’on pourrait qualifier de « moment vieux con » ; il y a des logiciels, de temps à autres, qui agissent comme de véritables voyages temporels. Si vous avez appartenu à l’ancienne génération, à celle qui traînait dans les salles d’arcades enfumées des années 80 au lieu d’être au collège ou au lycée, je peux déjà deviner la première chose que vous avez pensée en voyant les images de Sliders : « Ça ressemble à Marble Madness ».

Sans doute est-ce dû à cette vue isométrique présentant des reliefs couverts d’un quadrillage les mettant très bien en valeur, ou simplement à la présence de deux billes à l’écran, mais à la vérité cette similitude esthétique est une fausse piste : Sliders, quels que soient les airs qu’il se donne, est plus proche d’un jeu de football. Ou de hockey. En fait, le principe est limpide : chaque joueur commence sur une petite zone colorée représentant son « but » et a pour objectif d’aller chercher la balle et de la propulser quelque part au-dessus du but adverse. C’est tout. C’est un peu Kick Off en un contre un sans les ligne de touche, les fautes, les hors-jeu et toutes ces bêtises. Ou, pour prendre un exemple encore plus pertinent, cela ressemble énormément à Ballblazer en changeant la vue. En résumé, c’est exactement le type de programme dont on a compris tous les tenants et les aboutissants en une demi-seconde, mais qui va nécessiter davantage de temps avant d’être dompté.

Par essence, Sliders est un match ou une succession de matchs ; inutile de chercher un championnat, ou un tournoi, ou un mode « carrière » ou que sais-je encore : La sélection se limite au mode de contrôle (au clavier, à la souris ou au joystick), au mode de jeu (contre l’ordinateur ou contre un humain) et à la sélection d’une, de plusieurs ou de la totalité des douze arènes disponibles pour y affronter votre adversaire.

On notera néanmoins la présence d’un bouton « Data Disk » qui nous annonce que le jeu comptait accueillir des extensions – lesquelles n’auront au final jamais vu le jour – et surtout celui d’un menu de configuration extrêmement complet laissant au(x) joueur(s) la possibilité de paramétrer à peu près tous les aspects de la partie : durée, inertie, puissance des tirs… et d’autres notions plus obscures liées à la façon dont vos billes, en l’absence de mains ou de pieds, se saisissent de la balle : par aimantation. Une fois la balle « capturée », votre bille ne peut plus bouger, et sa seule action disponible est de viser et de projeter le ballon… laissant ainsi le temps à la bille adverse de venir le lui disputer en lui rentrant dedans ou, à défaut, en venant se placer sur la trajectoire du projectile afin de l’intercepter. Le reste du temps, la balle peut donc être attirée à distance par l’aimant… ce qui complique énormément les choses dès l’instant où les deux billes sont en train de chercher à le faire simultanément, les mécanismes d’attraction/répulsion rendant très difficile le fait de parvenir à immobiliser la balle et à s’en emparer.

En fait, le cœur du jeu est là : une espèce de match de hockey sur glace (à cause de l’inertie) en un contre un, où les duels deviennent rapidement confus tant il est difficile de deviner où va finir une balle tiraillée entre deux aimants. Les arènes fournissent juste de quoi pimenter les choses : des reliefs, pour commencer, mais aussi des tremplins, des plaques de glaces, des zones fléchées vous poussant dans une direction… Dommage que les environnement soient graphiquement toujours identiques, mais on appréciera le fait que la vue soit affichée dans une résolution assez élevée, en 320×270, qui offre une lisibilité parfaite et quelques moments de chaos ludique à deux.

Seul contre l’ordinateur, en revanche, le tableau est déjà moins rose : la prise en main demandera un vrai temps d’adaptation qui n’est certes pas très pénalisant entre deux joueurs de même niveau, qui seront très heureux d’apprendre ensemble, mais qui risque en revanche de se révéler particulièrement frustrant face à une intelligence artificielle qui, pour sa part, vous fera des misères dès le mode facile en vous humiliant sans effort pendant que vous cherchez encore à réussir à comprendre où est la balle. Autant vous prévenir : si vous n’avez pas les nerfs solides, il est possible que la première heure de jeu vous amène à prononcer à un volume beaucoup trop élevé des termes que vous préfèreriez normalement éviter d’employer devant vos enfants, votre famille, ou même devant vos voisins. Sliders est un jeu qui ne vous prend pas par la main, et c’est sa première grave erreur : servir de punchingball à une machine qui a tout compris dès le début pendant que vous êtes en train de chercher à tenir debout n’est pas l’expérience de jeu la plus ludique qu’on puisse concevoir – sauf à être masochiste.

Le vrai problème, cependant, celui-là même qui aura valu au titre un accueil critique assez tiède à peu près partout sauf dans les magazines français (sans doute pas du tout influencés par le fait que Microïds leur achetait des pages de publicité), c’est surtout qu’il n’y a simplement pas assez de profondeur dans le jeu pour justifier de passer une heure ou plus à lutter pour parvenir à avoir enfin une chance de livrer un match vaguement équilibré contre l’ordinateur.

Le contenu comme la jouabilité n’offrent aucun renouvellement, les arènes sont trop semblables et les modes de jeu pas assez nombreux, et même si le gameplay fait illusion un temps avec un ami, ce qui passait encore assez bien à l’époque de Kick Off commençait à apparaître comme un peu court face à des concurrents qui se nommaient désormais Kick Off 2 ou Speedball 2, et qui étaient simplement plus fun, plus accessibles et avec beaucoup plus de contenu. Une constatation qui ne s’est pas améliorée depuis : qui a encore envie de passer une heure à dompter un jeu pour s’amuser avec dix minutes ? Loin du petit jeu efficace face auquel on aurait pu se trouver, on compose donc avec une curiosité maladroite qui demande un investissement trop important pour ce qu’elle a à offrir au final. Parfait pour s’amuser dix minutes avec votre petit cousin le temps de lui faire découvrir l’Amiga, quoi.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 11/20 (seul) - 13/20 (à deux)

Sous ses faux airs de Marble Madness jouable à deux, Sliders dissimule en fait une expérience de jeu qui fait plutôt penser à une sorte de Kick Off sur glace avec des aimants. L'idée a le mérite d'être originale, on ne peut pas lui enlever ça, malheureusement entre une prise en main qui suivra une courbe d'apprentissage encore plus exigeante que celle du jeu de football de Dino Dini, un contenu solo qui se limite à affronter l'ordinateur et une difficulté globalement bien trop frustrante alliée à des situations trop vite confuses en cas de duels rapprochés, il faut bien reconnaître que c'est surtout entre deux joueurs de niveau équivalent que le programme dévoile un peu d'intérêt sur la durée, surtout avec les options de configuration pour pimenter les choses. Cela reste beaucoup d'investissement pour un maigre résultat, on pourra donc comprendre que le commun des mortels puisse décider de passer à autre chose au bout de cinq minutes – au hasard, pour retourner jouer à Speedball 2. Bien essayé, mais pas assez bien pensé.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un contenu solo qui se limite à jouer contre l'ordinateur
– Une prise en main qui risque de nécessiter beaucoup de temps...
– ...face à un ordinateur qui, pour sa part, se balade quel que soit le mode de difficulté
– Des situations rapidement confuses ou verrouillées lorsque les deux concurrents sont trop proches

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Sliders sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Sliders est un programme très soigné, qui présente une réalisation irréprochable. Le jeu est en plein écran lorsque vous êtes seul. À deux, chaque joueur dispose d’un écran centré sur sa boule. Dans ce cas, chaque écran dispose d’un scrolling multidirectionnel des plus fluides, ce qui est assez impressionnant. C’est vraiment du beau travail, d’autant que la jouabilité est tout aussi réussie. […] Sliders est aussi simple que passionnant, et c’est un plaisir d’y jouer avec un ami, entre deux parties de Kick Off. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 16/20

« Compétent, mais répétitif, peu inspiré et, pour beaucoup, susceptible de se révéler rigoureusement incontrôlable. Seulement amusant à deux, ou chacun a de fortes chances d’être aussi mauvais que l’autre. »

Amiga Power n°5, septembre 1991, 56/100 (Traduit de l’anglais par mes soins)

Version Amstrad CPC

Développeur : Microïds
Éditeur : Microïds
Date de sortie : Janvier 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au début des années 90, l’Amstrad CPC restait un ordinateur extrêmement populaire en France – même si on se doute que la plupart des joueurs en ayant les moyens avaient entamé depuis longtemps leur migration vers des systèmes plus puissants, Amiga ou Atari ST en tête. Sliders n’aura donc pas fait l’impasse sur le vaillant ordinateur 8 bits – contrairement à toutes les autres machines de la même génération – et aura bénéficié d’un portage très sérieux s’efforçant de coller au maximum à l’expérience originale. Le contenu, par exemple, est pour ainsi dire le même : des terrains de jeu aux options, rien n’a changé en-dehors de l’impossibilité de jouer à la souris ; sincèrement, on s’en remettra.

La résolution est bien évidemment infiniment plus basse que sur Amiga, mais cela n’a heureusement pas trop d’incidence sur la lisibilité ni sur la capacité du joueur à anticiper, et pour cause : le jeu tourne beaucoup plus lentement, ce qui laisse infiniment plus de temps pour préparer ses mouvements et compenser l’inertie. Ironiquement, c’est précisément cette limitation technique qui rend le jeu beaucoup plus facile à aborder que sur Amiga : même s’il faut se méfier des très, très longues secondes que peut prendre le fait de parvenir à accomplir un demi-tour après être parti un peu trop vite un peu trop loin, on a nettement moins l’impression de subir les événements que dans la version originale, et on trouve ses marques infiniment plus vite. Du coup, le mode solo se montre moins frustrant ici que dans la version originale, et le mode deux joueurs un peu plus équilibré. Évidemment, dès qu’on commence à modifier les options pour tenter d’accélérer le jeu, les choses peuvent se compliquer, mais plus besoin cette fois de passer dix minutes à tâtonner face aux réglages pour espérer configurer une expérience de jeu à peu près gérable pour le joueur lambda, et c’est quand même une très bonne chose. Du coup, on recommandera beaucoup plus volontiers le titre aux nostalgiques du CPC qu’à ceux de la machine de Commodore.

NOTE FINALE : 12/20 (seul) – 12,5/20 (à deux)

Parfois, moins, c’est mieux, et en offrant par contrainte une expérience plus lente, Sliders se révèle plus simple à prendre en main et à apprécier sur CPC. Cela signifie également que l’inertie pourra se révéler plus traitresse que jamais en mode deux joueurs et que l’action, moins chaotique, pourra également être un peu moins amusante contre un ami, mais à tout prendre le jeu est indéniablement plus agréable à découvrir sur la machine d’Amstrad, particulièrement en solo. Comme quoi…

Version Atari ST

Développeur : Microïds
Éditeur : Microïds (France) – Palace Software, Ltd. (Royauem-Uni)
Date de sortie : Août 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Optimisé pour la gamme STe
Protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Petite incongruité : l’Atari ST, ordinateur 16 bits chouchou des développeurs français (et de leur public : la France est l’un des pays où l’ordinateur d’Atari aura connu le plus grand succès), aura pour une fois dû se contenter d’un simple portage d’un jeu programmé pour Amiga. Si cela ne change bien évidemment rien au contenu (on remarque néanmoins que le jeu à la souris a disparu, tout comme sur CPC, dont cette version reprend d’ailleurs l’écran-titre), on se doute également qu’il ne sera pas question ici de disposer d’une fenêtre de jeu en 320×270 comme sur Amiga.

La fenêtre de jeu est donc naturellement plus petite et la visibilité un peu plus restreinte, ce qui est d’autant plus dommage que le jeu va toujours aussi vite. Remarque, il serait malvenu de reprocher à Microïds d’avoir accompli pour l’occasion ce que pratiquement aucun autre développeur n’aura fait (hélas), à savoir tirer spécifiquement profit du blitter des modèles STe pour offrir un des défilements les plus fluides qu’on ait jamais vu sur la machine d’Atari ! Malheureusement, cette louable prouesse technique signifie également que le titre est toujours aussi ridiculement frustrant en solo où on passe plus de temps à courir derrière la balle (et l’ordinateur) qu’à réellement participer au match. Encore une fois, c’est surtout à deux que le jeu dévoilera sa pleine mesure – et qu’il finira par se montrer rapidement répétitif, faute de variété dans les environnements et les règles. Bel effort, cependant.

NOTE FINALE : 10,5/20 (seul) – 13/20 (à deux)

On sera heureux de profiter avec Sliders d’un des (trop) rares titres à tirer pleinement profit des capacités du STe pour offrir un des jeux les plus techniquement aboutis dont on ait pu bénéficier sur la machine. Malheureusement, cette fluidité et cette rapidité éblouissantes ne sont pas forcément à verser au crédit de l’expérience de jeu, tout aussi frustrante que sur Amiga – et même davantage, réduction de la résolution oblige. Encore une fois, c’est surtout à deux que le titre dévoilera son intérêt – mais pour combien de temps ?

Version PC (DOS)

Développeur : Microïds
Éditeur : Microïds (France) – Palace Software, Ltd. (Royauem-Uni)
Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Sound Blaster
Protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les joueurs PC auront donc dû attendre près d’un an et demi avant de pouvoir s’essayer à Sliders. La raison, on s’en doute, trouve probablement une partie de son explication dans le hardware en lui-même : si les PC étaient déjà intouchables en termes de puissance processeur en 1992, aucun d’entre eux n’a jamais possédé de blitter, et parvenir à afficher un défilement fluide sur ce type de machine aura souvent représenté une colle pour une bonne partie des années 90. Sur le plan technique, le titre de Microïds représente donc une nouvelle fois un petit exploit : c’est parfaitement fluide… au prix de quelques sacrifices.

Le plus dommageable étant la disparition totale de la moindre forme d’interface une fois un match lancé : non seulement on n’a plus le droit à la barre pour signifier l’écoulement du temps, ni même à la flèche pour donner la direction de la balle, mais on n’a même plus le droit à l’affichage du score non plus ! En écran splitté, on peut également être amené à composer avec un tremblement de l’écran sur la partie inférieure (celle du deuxième joueur) très désagréable, ce qui aura carrément poussé les développeurs à ajouter un mode radar où le deuxième joueur évolue sous la forme d’un point se déplaçant sur une vue aérienne de la carte ! Regrettable, dans un jeu où l’intérêt provenait précisément du multijoueur… On remarquera également que le jeu ne se joue désormais plus qu’au clavier (?!) et que, si la résolution est toujours bloquée en 320×200 (un peu agaçant sur une machine qui pouvait afficher le double, mais encore une fois, on se doute que la fluidité du défilement avait ce prix), la vue a cette fois été franchement éloignée, ce qui permet enfin d’anticiper… à condition d’avoir de bons yeux. Malheureusement, le mode solo est toujours aussi pénible, et les nombreux sacrifices pour fluidifier le jeu à deux font que l’expérience n’est pas bien meilleure à deux. Comme quoi, la technique ne résout pas tout, surtout quand elle n’est pas totalement maîtrisée…

NOTE FINALE : 10,5/20 (seul) – 11,5/20 (à deux)

À force de rogner les angles pour préserver la fluidité de son défilement, Sliders sur PC finit par sacrifier trop de choses au bénéfice d’une vitesse qui ne lui rend de toute façon pas service et par offrir une expérience aussi désagréable en solo qu’en multijoueur. Certes, on appréciera que les développeurs aient ENFIN eu l’idée de reculer la vue, mais ralentir le jeu et diminuer l’inertie aurait été une bien meilleure idée.

Battle Chess 4000

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La série Battle Chess (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Chess (1988)
  2. Battle Chess II : Chinese Chess (1990)
  3. Battle Chess 4000 (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Janvier 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle, en local ou via modem ou câble null-modem)
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 SX – OS : PC/MS-DOS 3.1 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le propre de la prise de risques, c’est qu’elle est par définition, eh bien, risquée. On a tous connu cet étrange instant qui semble échapper au temps, figé quelque part dans les airs avec le sol si désespérément lointain, où le cœur s’emballe pendant que l’on se dit que l’on aurait peut-être mieux fait de réfléchir avant de sauter – et où le formidable gadin qui aura suivi nous aura invité, désormais, à préférer la sureté du plancher des vaches. C’est peut-être un peu la réflexion qu’auront conduit les studios Interplay après un Battle Chess II qui avait certes fait le pari osé de ne pas opter pour la solution de facilité, mais dont le succès n’avait vraisemblablement rien eu de comparable avec celui de son prédécesseur – et pour cause, tout le monde n’ayant pas forcément envie d’apprendre les échecs chinois juste pour regarder des personnages se battre entre eux.

Dès lors, on peut comprendre la tentation du retour en arrière et de la sécurité en livrant tout simplement ce que tout le monde attendait plus ou moins depuis le début: la même chose, mais en mieux. Justement, la technique avait énormément progressé en cinq ans, et les ordinateurs avaient désormais les moyens d’afficher des graphismes et des animations beaucoup plus ambitieux que ce que permettait un Amiga 500 – mais cela signifiait également que ce nouvel opus serait désormais réservé aux PC, voire aux PC bien équipés. Qu’importe : Battle Chess 4000 allait enfin permettre de revenir à un concept qui avait tant plu… sauf que les machines n’étaient pas les seules à avoir changé ; le public, lui aussi, commençait à se poser des questions plus pertinentes. Et la plus évidente d’entre elles se dessina déjà, à l’époque : mais au fond, quand on joue aux échecs, est-ce qu’on a vraiment envie de voir les pièces bouger ?

Pour une raison quelconque, celui qui aurait pu s’appeler Battle Chess III aura donc plutôt choisi Battle Chess 4000 – peut-être une façon d’acter la rupture avec le deuxième épisode. Cela lui aura visiblement donné l’idée de modifier un peu le thème médiéval du premier jeu, le plus convenu, pour opter pour quelque chose d’un peu plus dépaysant : un univers futuriste à la Flash Gordon. Ici, les pions sont des sortes d’extraterrestres évoquant un croisement contre-nature entre un fourmilier et sa pitance, les tours sont des robots géants à la Transformers, les cavaliers sont équipés d’un pistolet laser et les fous font appel à un bâton futuriste qui les dote de pouvoirs quasi-magiques.

Le tout est présenté dans un cadre de base militaire façon Étoile Noire, sur un échiquier parsemé d’étoiles, et le moins qu’on puisse dire est que le tout a de la personnalité – d’autant plus que le titre n’aura pas hésité à se présenter dans une version SVGA en 640×480 encore plutôt avant-gardiste en 1993, et qui tenait sur la bagatelle de sept disquettes haute densité (une version VGA, ne tenant elle que sur trois disquettes, aura également été mise en vente simultanément). Les unités, de toute évidence modélisées en 3D pré-calculée, ont l’avantage d’être détaillées, bien typées et immédiatement reconnaissables que ce soit de face ou de dos, et la lisibilité est globalement très bonne quand on joue sur le plateau 3D (mais une vue 2D est bien entendu disponible), soit autant de leçons qu’aurait mérité de tirer un machin comme Terminator 2 : Judgment Day – Chess Wars. Bref : c’est relativement beau, ça a du cachet, ça ne gène en rien la partie et ça a plutôt bien vieilli ; autant dire un bon départ.

À ce stade, je sens qu’une question est d’ores et déjà sur toutes les lèvres : le concept du jeu reposant sur le fait de voir nos divers pions se mettre joyeusement sur la gueule, l’effet de surprise joue-t-il toujours ? À ce niveau, on sera reconnaissant aux artistes de chez Interplay d’avoir réalisé que voir deux unités s’échanger des coups n’était pas (ou plus ?) intrinsèquement passionnant, et que chaque saynète mettant en scène un échange de pièces demandait de déployer un minimum d’imagination pour permettre au joueur d’être surpris ou amusé – en un mot : intéressé.

Dans le domaine, Battle Chess 4000 ne s’en sort vraiment pas mal, et si on se bidonne rarement comme on le ferait devant les meilleur Tex Avery, on a désormais droit à de véritables scénarios avec retournements de situation, tension dramatique et effets cartoon – sans oublier les références obligées comme le monolithe de 2001 L’odyssée de l’espace invoqué lorsque la reine prend un cavalier, et qui sort le grand jeu avec le thème d’Ainsi parlait Zarathoustra en fond, avant une conclusion… surprenante. Si on pourra regretter au passage que la réalisation sonore ait tiré un trait sur la Roland MT-32 et n’offre aucune gestion du standard General MIDI, le titre offre assurément ce qu’on était venu chercher grâce à ses graphismes et animations de qualité. Sauf qu’après trois épisodes aboutissant tous plus ou moins à la même conclusion, il était peut-être temps de poser enfin la question qui fâche : est-ce que les joueurs avaient encore réellement envie de regarder des pièces se battre sur un échiquier ?

Le truc, et on le constate rapidement aujourd’hui, c’est que quand on a envie de jouer aux échecs, c’est rarement pour être distrait toutes les vingt secondes – surtout quand on ambitionne de jouer à bon niveau ; c’est un peu comme un lâcher de vachettes au milieu d’un match de football professionnel. Se lancer dans une partie juste pour regarder des animations rigolotes, c’est par définition une approche de néophyte ou de joueur du dimanche – ce qui n’a rien de honteux (je suis moi-même un joueur d’échecs plutôt médiocre), mais qui fait aussi qu’on peut comprendre que le public visé par le jeu soit également le moins disposé à aller l’acheter au prix fort. Car fatalement, chaque type de prise de pièce aboutissant systématiquement à la même animation, on se lasse rapidement des échanges de pions qu’on aura déjà vu trente fois au bout de cinq parties et on finit par se débarrasser de la raison d’être du programme pour revenir aux fondamentaux : les échecs en eux-mêmes, en 2D, sans le strass et les paillettes qui se seront évaporés au bout d’une heure –tout simplement parce qu’ils gênaient.

Dans ce domaine, le titre s’appuierait (à en croire le magazine Tilt de l’époque) sur le moteur de Chess Player 2150 – une information que je ne peux ni confirmer ni infirmer mais qui me parait surprenante, ce jeu n’ayant été ni développé ni édité par Interplay – mais le fait est qu’il offre toute la panoplie d’options et d’évaluations d’un « véritable » jeu d’échecs tout en jouant vite et en se montrant nettement plus « prenable » à bas niveau que l’I.A. du Battle Chess originel. Peut-être même trop, en fait : dans les dix déclinaisons de difficulté du mode « faible », l’ordinateur déploie un comportement pas très cohérent qui ressemble un peu à ce que pourrait offrir une partie contre votre petit cousin de six ans qui était occupé à se curer le nez en fixant le mur pendant que vous lui expliquiez les règles et qui n’a pas encore bien saisi toutes les subtilités du jeu – ni la nécessité de réfléchir avant de déplacer une pièce. À haut niveau, il se débrouille heureusement bien mieux… sauf qu’il y a tellement de jeux d’échecs, à l’heure actuelle, qui sont capable de faire bien mieux que lui, que c’est finalement dans sa dimension la plus limitée – le coup de peinture – que le logiciel présente le plus d’intérêt aujourd’hui.

Battle Chess 4000 est donc typiquement le jeu qu’on sort aujourd’hui pour jouer aux échecs sans réellement jouer aux échecs, une sorte de mode fun inclus dans un jeu plus sérieux et qui est très bien pour réenchanter très ponctuellement une activité que l’on connait déjà par cœur juste le temps de quelques parties avant de devoir à nouveau renoncer parce qu’on a toujours autre chose de plus important à faire.

Du popcorn pour le cerveau qui passe d’autant mieux que le titre est aujourd’hui disponible à des prix nettement plus accessibles qu’à sa sortie et peut donc constituer un moyen comme un autre d’initier des enfants aux échecs de façon ludique sans se laisser intimider par l’austérité d’un échiquier ordinaire. Un bon moment, assurément, mais qui est voué à se révéler dramatiquement court, un apéritif avant un festin qui s’avèrera autrement plus mémorable – et auquel on ira s’adonner sur d’autres jeux. Bref, une approche qui faisait illusion en 1988, mais qui avait acquis la signification un peu trop littérale du terme « divertissement » cinq ans plus tard, et qui aura finalement scellé la mort irrémédiable et logique d’un concept qui ne tenait que par une forme de naïveté assez pure. Juste de quoi retrouver son âme d’enfant le temps d’une heure – avant de réaliser, dans un soupir fatigué, qu’on est décidément devenu un peu trop vieux pour ça.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Retour à la bonne vieille formule et aux échecs « traditionnels » pour un Battle Chess 4000 qui ne prend certes aucun risque, cette fois, mais qui s'efforce d'assumer son concept jusqu'au bout grâce à une réalisation inattaquable, à un univers visuel plus original et à des saynètes beaucoup plus imaginatives. En dépit de la relative solidité du moteur de jeu (qui fait malgré tout n'importe quoi à bas niveau), la question de la simple pertinence du concept reste posée : à partir du moment où on a l'intention de jouer aux échecs, pendant combien de temps a-t-on envie d'être distrait par des animations comiques, même bien pensées ? Au-delà d'une certaine curiosité qui pourra survivre pendant quelques parties, on en revient vite au plateau en 2D pour jouer à un jeu d'échecs comme on peut en trouver gratuitement des centaines – souvent plus performants – aujourd'hui, mais on pourra au moins apprécier le plaisir de s'être amusé pendant une heure ou deux à découvrir des gags qu'on ne connaissait pas. On s'en contentera.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une approche dont l'intérêt diminue en flèche au fil du temps
– Une intelligence artificielle qui fait n'importe quoi à bas niveau

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Chess 4000 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« On joue pour découvrir et admirer les animations. Une fois l’aspect découverte épuisé, il demeure un excellent jeu d’échecs capable de faire « toucher les épaules » à la plupart des joueurs. »

Jacques Harbonn, Tilt n°112, Mars 1993, 17/20

« Bien que Battle Chess 4000 paraisse posséder les qualités d’un vrai jeu d’échecs, je m’interroge quand même sur un point : quel public vise-t-il ? Est-ce un jeu d’échecs ou un jeu drôle ? Difficile de concilier les deux, non ? Dans un cas, l’animation déconcentre, dans l’autre on doit réfléchir pour assister aux combats délirants entre les pièces ! »

Morgan Feroyd, ibid.

Dark Sun : Shattered Lands

Développeur : Strategic Simulations, Inc.
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Disponible sur : Linux, Mac OS, Windows
Présent au sein des compilations :

  • Dungeons & Dragons : Ultimate Fantasy (1995 – PC (DOS))
  • Three Worlds of Official Dungeons & Dragons 2nd Edition Computer Games (1995 – PC (DOS))
  • Advanced Dungeons & Dragons Masterpiece Collection (1996 – PC (DOS))
  • Dungeons & Dragons : Dark Sun Series (2015 – Linux, Mac OS, Windows)

En vente sur : GOG.com (Linux, Mac OS, Windows), Steam.com (Linux, Mac OS, Windows)

La licence Dark Sun (jusqu’à 2000) :

  1. Dark Sun : Shattered Lands (1993)
  2. Dark Sun : Wake of the Ravager (1994)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel i386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sons supportées : AdLib/Gold, ARIA Chipset, General MIDI, General MPU-401 MIDI Devices, Gravis Ultrasound/ACE, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Roland Sound Canvas, Sound Blaster/Pro/16, Thunderboard
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1992, l’union autrefois idyllique entre Strategic Simulations, Inc. et la licence Donjons & Dragons commençait à sérieusement battre de l’aile.

Du côté de SSI, tout d’abord, l’enthousiasme initial qui avait entouré le triomphe critique et commercial de Pool of Radiance se sera fatalement essoufflé, la faute autant à un marché saturé de « Gold Boxes » (neuf jeux en cinq ans, sans même parler des « Silver Boxes » qui les accompagnaient) qu’à une baisse notable de la qualité de ces dernières, le poids des années se faisant de plus en plus sentir sur un moteur de jeu resté prisonnier des contraintes des ordinateurs 8 bits pour lesquels il avait été conçu – et qui commençait à faire sourire face à des productions de pointe à la Ultima VII. Conséquence : les ventes auront logiquement suivi la pente déclinante de l’intérêt des joueurs, et là où Pool of Radiance s’était écoulé à plus de 260.000 exemplaires à son lancement, The Dark Queen of Krynn, la dernière des « Gold Boxes », aura à peine dépassé les 40.000 copies vendues. L’embellie passagère provoquée par le succès d’Eye of the Beholder, dernier titre de la licence à avoir franchi le cap des 100.000 ventes, n’aura pas survécu au rachat de Westwood Studios par Virgin Games, et dans l’ensemble les résultats financiers n’avaient pas de quoi faire sourire les responsables du studio américain.

Pour être honnête, du côté de TSR – détenteurs de la licence Donjons & Dragons –, l’ambiance n’était pas meilleure, et pas seulement parce que les ventes des « Gold Boxes » étaient en chute libre ou que SSI avait échoué à porter la plupart de ses jeux sur consoles. La concurrence commençait également à se faire féroce sur le marché des jeux de rôles papier, et l’émergence de concurrents plus accessibles comme Vampire : La Mascarade et bientôt celle d’un certain Magic : L’Assemblée semblait prendre de court une firme dont la seule réponse était de sortir systématiquement des tombereaux de nouveaux modules et univers exclusifs, achevant de rendre la licence encore plus opaque et encore plus impénétrable aux yeux des néophytes.

L’accord qui unissait les deux compagnies devait prendre fin au 1er janvier 1993, et le moins qu’on puisse dire, c’est que SSI jouait beaucoup plus gros que TSR au moment de chercher à obtenir la prolongation dudit accord. Au terme de tractations intenses, celui-ci se trouva finalement étendu de 18 mois, mais à une condition : plus question pour SSI de se reposer sur le moteur agonisant des « Gold Boxes » ; il allait être temps d’embrasser la modernité, et surtout de développer un jeu dont les chiffres de vente retrouve les sommets atteints par Pool of Radiance, rien de moins. Le studio américain, parfaitement conscient d’être en train de jouer sa survie, investit donc plus d’un millions de dollars dans la conception d’un nouveau moteur de jeu, lequel accoucha de ce qui aurait dû être la tête de lance de la nouvelle fournée de jeux estampillés Donjons & Dragons : Dark Sun : Shattered Lands.

Le titre du jeu trahit d’ailleurs déjà la première exigence de TSR, qui aura imposé l’usage d’un de ses nouveaux univers flambants neufs histoire de le promouvoir plutôt que de se reposer sur la licence désormais sur-employée des Royaumes Oubliés. Entre donc l’univers vaguement post-apocalyptique de Dark Sun, monde vidé de sa force vitale par des magiciens surpuissants, et qui présente une esthétique qui a le mérite d’être relativement originale, tendance « Mad Max chez les elfes et les nains ».

Comme souvent avec Donjons & Dragons, cet univers s’accompagne également d’une surcouche de règles, de races et de spécificités qui pourront décontenancer jusqu’aux habitués de la licence principale – sans même parler des néophytes, qui risquent d’être perdus pour de bon. Ainsi, la création des quatre personnages qui formeront votre équipe demande désormais de composer avec des races aussi exotiques que des demi-géants, des Muls (croisements de nains et d’humains) ou des Thri-Keens, espèce insectoïde à six pattes ne pouvant s’équiper d’aucune forme d’armure. Les classes sont également chamboulées, d’abord parce que le rôle de soigneur échoie désormais aux druides tandis que les clercs doivent choisir un élément dans lequel se spécialiser, mais aussi et surtout parce que toutes les races et les classes disposent désormais de pouvoirs psioniques en plus de leur éventuelle magie – et pour ne rien arranger, bien qu’il n’en soit fait mention nulle part, le jeu est clairement pensé d’un bout à l’autre pour des combattants multi-classés, n’hésitez donc pas à donner à tous vos personnages une classe de guerrier ou de gladiateur à côté de leur classe principale, vous ne le regretterez pas. À peine formé, votre groupe sera catapulté dans le feu de l’action, ou plutôt dans l’arène, puisque la partie s’ouvrira dans la peau d’un groupe de gladiateurs retenus esclaves, avec un premier objectif clair : parvenir à se faire la malle pour aller découvrir le vaste monde.

Une très bonne occasion de découvrir ce fameux nouveau moteur de jeu qui respire, à bien des niveaux, l’inspiration évidente qu’était celui d’Ultima VII. Non seulement les graphismes sont des kilomètres au-dessus de ce que permettait le moteur des « Gold Boxes », avec des détails dans tous les sens et des personnages fidèlement campés à l’échelle, mais en plus les développeurs de SSI ont visiblement bien travaillé puisque le jeu est nettement moins gourmand que son modèle et qu’il offre aussi et surtout un système de combat en tour-par-tour nettement plus satisfaisant que les affrontements largement automatiques du concurrent de chez ORIGIN Systems, et qui permet de mettre à contribution la large panoplie de possibilités additionnelles dont nous avons à peine égratigné l’étendue au paragraphe précédent.

Un changement qui se ressent autant dans l’ergonomie désormais intégralement à la souris, puisqu’il est possible d’interagir avec pratiquement tous les objets et les êtres vivants présents à l’écran, que dans la philosophie générale où les conversations jouent désormais un rôle nettement plus important que dans les « Gold Boxes » qui tendaient à se limiter à une longue suite de combats. Le joueur peut désormais choisir comment répondre, se montrer agressif ou conciliant, tuer tout ce qui bouge ou bluffer, et la bonne nouvelle est que la plupart des quêtes sont dorénavant pensées pour pouvoir être résolues de plusieurs manières, depuis la plus directe – et généralement la plus brutale – jusqu’à la plus intelligente. Un gros changement d’approche – où l’influence des Ultima se fait une nouvelle fois sentir – qui permet enfin au joueur de faire du roleplay au-delà du choix de sa classe et de ses caractéristiques, ouvrant ainsi la voie aux jeux de rôles « modernes » à la Fallout.

Jusqu’ici, le menu est très alléchant, d’autant plus que la présentation est nettement plus soignée, et on pourrait penser que Dark Sun : Shattered Lands a absolument tous les arguments pour pouvoir prétendre au titre de « nouveau Pool of Radiance » qu’il cherchait si désespérément à atteindre. Dans les faits, il n’en est pas si loin, grâce notamment à ce nouveau moteur qui laisse enfin une place prépondérante à l’aventure et à l’expérimentation, mais comme souvent avec SSI les problèmes commencent plutôt à se manifester du coté de l’écriture et de celui de la finition.

Tout d’abord, on pourra par exemple regretter que le joueur soit en quelque sorte pris à froid en se faisant bombarder au milieu des combats dès les premières secondes de jeu sans même se voir offrir le temps de découvrir l’univers, les enjeux et l’interface, avec une pression constante sur les épaules puisque chaque repos l’approche du prochain combat d’arène, lequel s’avèrera chaque fois un peu plus difficile que le précédent – et sans même un marchand pour pouvoir s’équiper. Un peu raide, comme courbe d’apprentissage ! Dans le même ordre d’idées, le monde du jeu est assez mal introduit, on n’a aucune notion précise de sa géographie, de sa géopolitique ou des rapports de force en présence, et le scénario se limite finalement à unir une poignée de villages contre une grande armée dont on n’est même pas certain de bien comprendre qui la mène ni pourquoi elle veut massacrer tout le monde. Difficile de se sentir impliqué dans un univers où tout le monde ne semble se soucier que de son petit nombril et nous envoyer faire des quêtes se résumant à récupérer un truc ou à tuer un machin, et dans l’ensemble le charme qu’aurait dû représenter la découverte de ce monde original se limite un peu trop à parcourir de grands déserts vides où on ne trouve que trop rarement quelqu’un à qui parler en tuant les monstres qui se présentent en route. Une philosophie pas si nouvelle que ça, en fin de compte…

De la même façon, on sent encore une interface pas bien dégrossie, notamment parce que les possibilités sont loin d’être évidentes. Par exemple, il est parfois possible d’escalader un mur ou d’ouvrir un passage, sauf que rien ne distingue ces éléments interactifs des autres, et qu’on se retrouve trop souvent dans des situations où on « peut » faire des choses » mais où rien n’indique qu’on puisse le faire, et il faut un long moment pour découvrir la réelle étendue des possibilités d’action du jeu – et à quels endroits celles-ci se manifestent.

Par exemple, dès la première zone du jeu, on peut choisir de donner à boire à un prisonnier dans l’arène, encore faut-il avoir ramassé un pot, s’être trouvé en présence d’une réserve d’eau, et avoir sélectionné l’objet dans son inventaire avant d’en sortir et d’enchaîner les clics droits jusqu’à ce que l’objet sélectionné réapparaisse pour enfin l’utiliser sur l’abreuvoir afin de le remplir. On est très loin de l’interface hyper-intuitive d’Ultima VII… De fait, le jeu se montre souvent bavard et verbeux alors qu’il n’a pas grand chose à dire, la zone de jeu se limite à une quinzaine de régions dont on fait très vite le tour, et la durée de vie du programme atteint au final péniblement les dix heures (je ne sais pas où Tilt était allé chercher le chiffre d’une « petite centaine d’heures », mais on en est très loin !). En y ajoutant de nombreux bugs et autres soucis de pathfinding, les promesses entrevues lors des premières minutes de jeu peinent trop souvent à se matérialiser, et sans passer un mauvais moment on a un peu trop souvent l’impression que ce Dark Sun n’est que l’ébauche du jeu qu’il aurait pu être avec un peu plus de soin – et surtout, avec un peu plus de temps.

Le succès public n’aura d’ailleurs clairement pas été au rendez-vous : en dépit d’un très bon accueil critique, le jeu se sera péniblement vendu à 45.000 exemplaires – à peine plus que les ultimes opus des « Gold Boxes » à bout de souffle, et surtout péniblement un sixième des ventes atteintes par Pool of Radiance en son temps. Pas exactement l’objectif recherché pour un titre ayant nécessité des investissements massifs et dix-huit mois de développement…

Après de nouvelles âpres négociations entre TSR et SSI, l’accord d’exclusivité les liant aura finalement été prolongé jusqu’au 1er janvier 1995, après quoi la licence serait accessible à d’autres développeurs – et SSI, qui n’avait pour ainsi dire vécu que de l’exploitation de Donjons & Dragons depuis 1988, se sera efforcé d’essorer son précieux sésame avec ses dernières forces (Al Qadim, Dark Sun : Wake of the Ravager, deux épisodes de Ravenloft, Menzoberranzan, Deathkeep…) avant d’être contraint de retourner à ses premières amours et de retrouver, ironiquement, le succès avec un jeu de stratégie à l’ancienne, un certain Panzer General. Mais ceci est une autre histoire… Pour l’heure, les joueurs souhaitant découvrir une expérience un peu moins balisée et un peu plus organique que celle des « Gold Boxes » seraient bien inspirés de laisser une chance à ce premier Dark Sun certes imparfait, mais plus accessible et plus dépaysant que ses glorieux prédécesseurs tout en conservant les possibilités d’un système de combat largement célébré. Il ne fait peut-être pas mouche à tous les niveaux – et les « Gold Boxes » avaient l’avantage de présenter des possibilités mieux encadrées et mieux définies, en dépit de leurs lourdeurs – mais il demeure un des rares représentants de cette première vague de jeux de rôles « de transition » avant l’ère du CD-ROM et du multimédia, et il conserve le charme de la relative originalité de son univers. Ça vaut peut-être bien une deuxième chance, non ?

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20

Lancé comme le programme qui devait apporter un second souffle à la licence Donjons & Dragons et renouer avec le succès de Pool of Radiance grâce à un moteur de jeu revu de fond en comble, Dark Sun : Shattered Lands aura hélas échoué à atteindre son objectif dans les grandes largeurs et annoncé le terme de la tumultueuse relation entre SSI et TSR. C'est d'autant plus dommage que c'était clairement un pas dans la bonne direction, quelque part vers Ultima VII, avec une interface nettement plus accessible, une aventure ne se résumant plus à une longue suite de combats et une véritable ouverture dans les possibilités de mener à bien les diverses quêtes du jeu. Malheureusement, l'univers imposé de Dark Sun est assez mal mis à contribution, et dans l'ensemble le jeu laisse trop souvent l'impression d'évoluer dans le brouillard : un monde mal présenté, des environnements trop vides, des possibilités pas assez claires faute d'être convenablement encadrées, des règles trop complexes, des combats pas assez profonds, des enjeux trop nébuleux, sans oublier de nombreux bugs. Il en résulte une expérience un peu frustrante où le joueur catapulté dans le feu de l'action met beaucoup de temps à trouver ses aises, et où la liberté offerte agit souvent comme un obstacle plus que comme comme un apport à une aventure qui n'acquiert jamais tout-à-fait l'épaisseur dont elle voudrait se doter. Un bon jeu de rôles, mais sans doute pas celui qu'on attendait à ce moment-là.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des enjeux mal introduits et qui peinent à se montrer intéressants...
– ...tout comme l'univers, qui échoue à exister autrement que comme une suite de grands déserts
– Des combats qui se résolvent trop souvent au corps-à-corps après s'être lancé un sort de hâte
– Un système de jeu fidèle au support papier mais incluant beaucoup de nuances complexes et souvent inutiles
– De nombreux bugs et soucis de pathfinding

Note : Une bonne partie des informations et des chiffres de ce test proviennent de l’excellente série d’articles du site américain The Digital Antiquarian traitant de SSI et de l’histoire des « Gold Boxes » que j’invite les anglophones à aller découvrir d’urgence.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dark Sun : Shattered Lands sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Superbe. Shattered lands est tout simplement superbe. De fait, je le place directement au côté de Serpent Isle, parmi les meilleurs jeux de rôle en 3D isométrique. SSI a vraiment réussi à se renouveler ! Les graphismes sont beaux et très variés, la musique proche de la perfection et l’ergonomie originale bien conçue. Seule la durée de vie ne soutient pas la comparaison avec Serpent Isle : une petite centaine d’heures (c’est déjà pas mal)… »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°119, novembre 1993, 90%