Développeur : SEGA Enterprises Ltd. Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. Titre original :新説夢見館 扉の奥に誰かが… (Shinsetsu Yumemi Yakata : Tobira no Oku ni Dareka ga…, Japon) Titres alternatifs :The Mansion of Hidden Souls (États-Unis), Mystery Mansion : Das Haus der verlorenen Seelen (Allemagne), La Mansión de las Almas Ocultas (Espagne) Testé sur :Saturn
Date de sortie : 2 décembre 1994 (Japon) – 1995 (reste du monde)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
L’élément-clef au moment d’espérer vendre une console aux joueurs, ce sont les jeux. Une constatation qui pourrait paraître évidente, mais qui n’aura visiblement jamais été totalement intégrée par SEGA, grand spécialiste mondial des lancements ratés aux line-up faméliques. Pour la défense de la compagnie japonaise, il est arrivé à bien d’autres qu’elles de lancer une machine sans une pléthore de grands jeux pour l’accompagner dans les semaines, voire dans les mois suivant sa sortie – et ce ne sont sans doute pas les possesseurs de PS5 ou de Xbox Series qui viendront dire le contraire…
Mais dans le cas de la Saturn, on pourrait disserter longuement de l’absence ô combien malvenue de Sonic au lancement (et, plus grave, de son absence tout court), et surtout du choix des exclusivités à mettre en avant pour vendre la machine. De toutes les licences 16 bits que SEGA aurait pu prolonger sur la nouvelle génération, ce fut ainsi l’assez confidentiel Yumemi : Mystery Mansion sur Mega-CD qui fut parmi les premiers titres à bénéficier d’une suite exclusive sur Saturn, avec pour le coup un investissement réel et une localisation dans plusieurs pays d’Europe avec traduction et doublage complet (le type de traitement dont on aurait aimé voir bénéficier tellement de jeux de rôles, Shining Force III en tête…). Ainsi la jeune 32 bits accueillit-elle Le Manoir des Âmes Perdues, un jeu d’aventure auquel SEGA croyait visiblement beaucoup, et je dois confesser d’entrée que je me demande encore pourquoi.
Premier imbroglio : le titre américain du jeu, identique à un article près à celui du premier épisode, aura conduit bien des joueurs et des journalistes de l’époque à penser que Le Manoir des Âmes Perdues était un simple remake du titre paru sur Mega-CD. Pour leur défense, bien que l’on se trouve en fait face à une suite, ce n’est pas immédiatement évident : on se retrouve en effet une nouvelle fois plongé dans un manoir perdu quelque part dans la forêt et dont la principale caractéristique est d’être peuplé par des papillons qui parlent.
Et histoire de bien enfoncer le clou, le manoir en question reprend très exactement le plan et l’esthétique du premier opus, seules quelques chambres ayant été modifiées – sachant que l’on parle d’une bâtisse comprenant en tout et pour tout neuf pièces plus le hall, on se surprend déjà à penser que l’équipe technique du jeu n’a pas dû se tuer à la tâche à aller récupérer les assets 3D du précédent épisode pour les afficher une nouvelle fois via des vidéos pré-calculées à peine plus belles qu’auparavant, le titre n’étant pas affiché en 3D temps réel comme on aurait pourtant pu s’y attendre.
L’intrigue, qui avait au moins le mérite d’être introduite (maladroitement) dans Yumemi : Mystery Mansion, part cette fois du principe que vous avez joué à l’épisode précédent (ce qui, vu ses ventes très confidentielles en occident, est déjà assez gonflé), en ne vous offrant aucune exposition ni aucune mise en contexte, et en vous larguant à l’entrée de la bâtisse sans la moindre idée de son histoire ni de ce que vous êtes censé y faire. En entrant dans la bonne pièce (ce qui sera le mécanisme essentiel du gameplay du jeu, mais nous y reviendrons), vous finirez par rencontrer l’ancien (maladroitement appelé « Elder », soit « ancien » en anglais, dans la VF), qui vous introduira les deux personnages que sont June (vous) et Mike avant de leur confier une mission visant à enquêter dans le manoir suite à un mauvais pressentiment de sa part causé par l’apparition d’une lune rouge. Une enquête qui devrait trouver sa résolution moins d’une heure plus tard, sans avoir jamais mis à contribution votre intellect d’une quelconque façon.
Comme pour le premier épisode, Le Manoir des Âmes Perdues n’est en effet pas tout-à-fait un jeu d’aventure au sens classique du terme : il n’y a pour ainsi dire aucune réelle « énigme » à l’intérieur. Votre « enquête » va en fait se limiter à visiter le manoir en allant parler à des personnages dont le visage apparaîtra alors en 3D (alors que ce sont censé être des papillons, mais on va dire que s’adresser à des faciès de lépidoptères en gros plan aurait sans doute été une expérience légèrement dérangeante), et votre seule interaction avec eux se limitera à deux mots, assignés chacun à un bouton du pad : « oui » et « non ».
Un livre capital dont vous ne pourrez bien évidemment pas lire une seule ligne
Même quand ceux-ci vous posent une question ouverte, ce qui offre des moments assez malaisants où on se retrouve face à des dialogues surréalistes de type : « Comment allez vous ? – Oui. » Vous allez donc globalement passer une heure à écouter des personnages assez mal doublés vous raconter leur vie en quelques secondes, en menant une enquête ultra-guidée consistant à visiter toutes les pièces une par une jusqu’à ce que vous rencontriez quelqu’un ayant quelque chose à dire, collectant parfois occasionnellement un objet auquel vous pourrez accéder via l’inventaire et qu’on vous expliquera systématiquement quand utiliser. Autant dire qu’on se trouve ici davantage face à un récit interactif que face à un jeu à proprement parler. Ce qui aurait malgré tout pu être le gage d’un bon moment si le scénario s’était révélé prenant et bien mis en scène. Malheureusement, c’est magistralement raté.
Chaque personnage vous raconte sa vie faite de clichés par le biais d’une suite d’écrans fixes. C’est beau comme une soirée diapo
Les jeux d’aventure commençaient à bénéficier, dans le courant des années 90, d’une qualité d’écriture qui signalait le passage à une certaine maturité – des titres comme The Beast Within étant largement à même de rivaliser avec de bons romans fantastiques ou policiers.
La plupart des environnements sont repris directement du premier opus
D’autres, comme Myst, étaient de véritable petits bijoux dans leur manière d’aborder la narration par l’exploration et par l’assemblage d’indices qui ne devenaient pertinents qu’à partir du moment où les joueurs étaient prêts à les voir. Autant dire qu’on on est très loin ici, où le récit cahote entre l’indigent, le grotesque, le convenu et le n’importe quoi (la séquence de fin, hallucinante). Très sincèrement, je me demande encore s’il m’était déjà arrivé d’être aussi profondément consterné par le déroulement d’une aventure au fil de la partie – au point de finir par me sentir insulté par l’extraordinaire bêtise de ce qui se déroulait sous mes yeux. Certes, Yumemi : Mystery Mansion ne transpirait déjà pas le génie à ce niveau, mais il parvenait au moins à entretenir une certaine curiosité de la part du joueur jusqu’à l’aboutissement du récit.
La fin du jeu bascule dans le n’importe quoi total
Ici, n’espérez absolument aucune forme de non-dit, de sous-entendu ou de finesse : à côté des dialogues débilitants du jeu qui auraient très bien pu être écrits par mon petit cousin de cinq ans, au milieu d’une intrigue si incroyablement dépourvue d’enjeux, d’épaisseur et de suspense qu’on pourrait la voir comme le fruit d’une improvisation menée au terme d’une soirée (trop) arrosée, même un jeu comme Dragon Lore donne la sensation de jouer à du Ingmar Bergman ! Sans même parler de chercher la plus infime cohérence : comment pouvez-vous avoir un inventaire, comment Mike a-t-il pu se voir prêter un livre, comment sa chambre a-t-elle pu être fouillée et ses meubles renversés alors que vous êtes tous des PAPILLONS qui ne devraient même pas avoir la capacité physique d’ouvrir les nombreuses portes du bâtiment ? Cela aurait encore fait sens dans le premier jeu, où vous incarniez un enfant, mais pour ce qui est d’avoir la moindre bribe d’explication ici, vous pourrez toujours compter sur LA solution du scénariste feignant: « c’est magique ! ».
Plutôt costauds, les papillons locaux !
Le tout n’est d’ailleurs pas aidé pas une version française mal traduite et très médiocrement jouée, mais même un travail de qualité n’aurait jamais réussi à sauver quoi-que-ce-soit parmi tant d’indigence. Je suis sûr qu’il doit exister quelque part sur Terre, comme c’est à peu près toujours le cas avec les œuvres indéfendables, des cercles secrets de défenseurs acharnés du titre prêts à m’expliquer avec des explications très élaborées que l’histoire du jeu révèle en fait un message extraordinairement profond sur le Japon d’après-guerre ou sur la condition humaine, mais à ceux-là je répondrai : on peut sans doute trouver des messages cachés derrière n’importe quel clip d’Arielle Dombasle, mais l’écriture, au bout d’un moment, c’est aussi un métier.
Quel ennui, mes aïeux…
Et si jamais vous cherchez à enseigner à quelqu’un comment porter un récit, comment créer du suspense, comment accrocher le spectateur et comment faire en sorte qu’il se sente impliqué, la réponse sera ici exactement la même dans tous les cas : pas comme ça. En conséquence, on se retrouve face à un micro-trip écrit avec les pieds où l’ennui ne se dissipe que pour laisser place à l’agacement, et on éteint la console en poussant un gros soupir et en se demandant par quel miracle SEGA a pu accepter de dépenser autant d’argent pour distribuer un machin pareil. Et de se poser une question cruelle : on jouait vraiment à ce genre de jeux, il y a 25 ans ?
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 08/20
Un an après Yumemi : Mystery Mansion, SEGA remettait le couvert avec Le manoir des âmes perdues sur Saturn. L'occasion de creuser enfin un peu l'univers esquissé dans le premier opus, mais hélas... Si le titre précédent parvenait encore à peu près à se rendre intrigant en dépit de ses très nombreuses maladresses, Le manoir des âmes perdues n'apparait comme rien d'autre que comme une sorte de redite assez grotesque. Non seulement le gameplay est toujours aussi limité (pour ne pas dire inexistant), non seulement l'aventure est toujours aussi courte, mais le scénario minable porté par des personnages atrocement creux aux dialogues incroyablement mal écrits donne le sentiment tenace d'avoir été rédigé par un enfant de six ans, avant de s'achever en eau de boudin dans un final incohérent et ridicule jusqu'à évoquer les plus belles heures des parodies des Inconnus. Difficile d'en retirer une autre sensation que celle d'avoir fait les frais d'une mauvaise blague pendant une heure et d'avoir envie d'éteindre la console en se sentant vaguement sale. Le mieux est probablement de laisser ce manoir et ses papillons s'évanouir une bonne fois pour toute de la mémoire des hommes. Si vous voulez vraiment jouer à un jeu d'aventure en 3D sur Saturn, allez plutôt essayer Myst.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une histoire toujours aussi courte...
– ...avec un gameplay encore plus limité...
– ... au service d'un scénario absolument pitoyable
– Une traduction française aux ras des pâquerettes, avec des doublages ratés
– On ne peut toujours pas passer les animations des déplacements...
– ...le mixage sonore est toujours raté...
– ...et on ne peut toujours pas afficher des sous-titres
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le manoir des âmes perdues sur un écran cathodique :
Développeur : Burst Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd. Testé sur :PC (Windows 9x) Disponible sur : Linux, Macintosh, Windows En vente sur :GOG. com
Version PC (Windows 9x)
Date de sortie : Novembre 1996
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je serai parvenu à isoler au moins deux points communs entre le marketing et l’humour : l’un comme l’autre reposent dramatiquement sur une science du timing ainsi que sur une certaine capacité à saisir l’air du temps. Deux aspects qui, mal maîtrisés, peuvent au contraire rapidement virer à la tragédie. Vous en voulez un exemple ? Alors laissez-moi vous raconter l’histoire d’un jeu auquel vous n’avez probablement jamais joué.
Mignonia est clairement un royaume qui mérite son nom
Octobre 1993. Le point-and-click est au sommet de sa gloire. Alors que toutes les rédactions journalistiques se battent pour savoir s’il faut récompenser Day of the Tentacle ou Simon the Sorcerer à l’issue d’un cru exceptionnel, on s’attelle déjà à accueillir Sam & Max en s’enivrant des possibilités annoncées par Myst. Bref, à ce moment précis, l’aventure est reine, elle place des étoiles dans les yeux des joueurs, et on est encore loin de se douter qu’elle est en fait à un tournant de son histoire qui correspond à l’amorce d’une longue agonie. À tel point qu’une des équipes internes de Virgin Interactive se dit que le moment est parfaitement choisi pour lancer un projet d’une ambition rare, mêlant acteurs réels et animation 2D comme l’avait si bien fait Qui veut la peau de Roger Rabbit ? cinq ans plus tôt.
Zanydu, terre étrangère
Et justement, pour bien s’inscrire dans une ère où le jeu vidéo commençait à prétendre pouvoir rivaliser avec le cinéma, quoi de plus parlant que d’aller chercher un acteur comme Christopher Lloyd, à l’affiche de ce même Roger Rabbit mais avant tout immortalisé par son rôle de Doc Brown dans Retour vers le futur ? Sur le papier, le succès est immanquable. Dans les faits, après avoir coûté la bagatelle de huit millions de dollars (un budget colossal pour l’époque), le jeu sera sorti en 1996 dans une indifférence polie, les joueurs étant alors massivement obnubilés par la 3D. Bide commercial, Toonstruck – car c’est le nom du projet en question – ne verra jamais la suite annoncée par sa fin ouverte entamer son développement, et aura au final largement contribué à mener Virgin Interactive Entertainment vers sa perte, sans doute pour être sorti deux ou trois ans trop tard par rapport au marché qu’il visait. Le timing et l’air du temps, je vous dis…
Prendre les commandes de Christopher Lloyd, ça ne se refuse pas !
Bien, mais nous sommes à présent dans un XXIe siècle largement entamé, loin des considérations commerciales de l’époque. Et la vraie question qui nous intéresse aujourd’hui est la suivante : Toonstruck mérite-t-il d’être joué ? Pour y répondre, commençons par nous pencher sur l’introduction, visible en ouverture du test.
On appréciera les personnages… hauts en couleur
On y découvre donc un loser incarné par Christopher Lloyd et nommé Marc Blanc (la blague de son nom original, Drew Blank, étant pour l’occasion rendue tant bien que mal en français), sommé de dessiner une énième cargaison de petits lapins mignons pour un show intitulé « Les amis de Dorothée » (on se doute que la référence vient de la VF) qui l’emploie depuis dix ans. Car Marc est un dessinateur sur le retour qui avait autrefois rêvé de devenir le nouveau Walt Disney grâce à son personnage, Flux Radieux… et qui se retrouve désormais dramatiquement en panne d’inspiration au moment de créer de nouveaux personnages sans âme pour respecter sa deadline placée au lendemain matin. Seulement voilà, un événement imprévu le transporte dans son propre univers animé, où il apprend qu’un personnage néfaste nommé fort logiquement Néfarius est en train de transformer les toons mignons en monstruosités à l’aide d’une machine nommée « perfidificateur ». Pour recevoir l’aide du bon roi Hilarius, Marc devra donc commencer par trouver les éléments permettant de bâtir un « mignonnificateur » afin de contrer les effets de la machine de Néfarius, avant de se voir accorder le moyen de rentrer chez lui.
Les passages animés sont légion, et ils sont souvent parfaitement délectables
Le jeu prend donc sans surprise la forme d’un point-and-click des plus classiques. L’interface est d’une simplicité à pleurer : votre curseur adoptera de lui-même la forme appropriée à chaque action sans que vous ayez besoin de lui indiquer la marche à suivre, un inventaire illimité fera rapidement son apparition en bas à gauche, et selon la philosophie popularisée par Ron Gilbert chez LucasArts, il est impossible de mourir ou de se retrouver irrémédiablement bloqué.
Il faudra apprendre à dénicher les indices partout !
On pourrait d’ailleurs penser que le côté « guidé » de l’interface pourrait rendre le jeu trop simple : rassurez-vous tout de suite, il n’en est rien. Car pendant la vingtaine, voire la trentaine d’heures que devrait vous demander le titre pour voir sa (longue) séquence de fin, il faudra surmonter des énigmes à la logique réelle mais pas toujours évidente, composer avec des situations loufoques, dompter quelques mini-jeux, aligner des dialogues bien évidemment absurdes, et comprendre des associations d’idées heureusement parfaitement rendues par une version française d’une qualité rare.
Un énorme travail a été réalisé du côté de la traduction
Commençons par le premier contact : la réalisation en SVGA est clairement difficile à prendre en défaut. Le jeu pullule de séquences animées intégrant Christopher Lloyd et dont la qualité d’animation professionnelle (très loin au-dessus de titres à la King’s Quest VII) fait réellement plaisir à voir.
Vous allez apprendre à haïr ce téléphone
Découvrir l’univers de Toonstruck revient à se déplacer entre trois mondes : Mignonnia, Perfidia et Zanydu, qui déploient chacun leur propre humour en ne résistant hélas pas toujours à la tentation de verser dans la facilité et dans le graveleux, mais avec néanmoins de très nombreux morceaux de bravoures dont certains devraient bien parvenir à vous faire vous bidonner à un moment ou à un autre. On est réellement face à un univers à mi-chemin entre Roger Rabbit et Cool World, et il est difficile de ne pas développer une affection réelle pour certains lieux ou personnages, ni de ne pas se féliciter de la qualité globale de l’écriture qui réserve quelques dialogues savoureux et authentiquement bien vus. Le tout bénéficiant d’ailleurs d’une version française de qualité professionnelle menée avec maestria, et qui mérite que je me penche sur elle pendant au moins quelques lignes.
Vous pourrez même aller jouer à la salle d’arcade ! C’était le bon temps !
Continuons donc en saluant l’évidence : la qualité du doublage. Première bonne nouvelle : on a mobilisé les professionnels, et on n’est pas allé chercher les plus mauvais. Christopher Lloyd retrouve Pierre Hatet, sa voix française jusqu’à 2015 (Pierre nous a hélas quittés en 2019), et son timbre hyper-caractéristique qui aura également habité des personnages comme Cortex ou le Joker est toujours un véritable régal à entendre.
Des mini-jeux sont également de la partie
Autour de lui, c’est une vraie équipe de choc, avec notamment Luq Hamet – qui lui avait déjà donné la réplique en doublant Michael J. Fox dans Retour vers le futur ou Roger Rabbit dans le film éponyme – dont les quadragénaires se souviendront comme de l’animateur interprétant tous les personnages du Hanna-Barbera dingue-dong sur Antenne 2 dans les années 90. Signalons également Richard Darbois (voix française d’Harrison Ford) dans le rôle de Néfarius, ou Daniel Beretta (voix française d’Arnold Schwarzenegger) dans celui d’un chien culturiste, sans oublier Gilbert Lévy (Les Simpson) dont vous pourrez entendre la voix dès l’introduction, dans le rôle du patron de Marc Blanc, avant de le retrouver à plusieurs reprises en jeu. Sans même mentionner Micheline Dax, Michel Elias ou Annabelle Roux – de très bons acteurs qui ont en plus le mérite d’être bien dirigés, ce qui fait que les erreurs d’intention sont rares et que chaque dialogue est généralement un aussi grand moment que ce qu’on était en droit d’espérer.
Marc Blanc est quelqu’un qui sait aussi se faire respecter
Il serait néanmoins criminel de ne pas évoquer la qualité de la traduction en elle-même, qui se met littéralement en quatre pour retranscrire les nombreux jeux de mot de la V.O. et même en placer de nouveaux au détour de la moindre phrase.
Dorothée et son côté « personnage des Kassos »…
Non seulement ceux-ci sont souvent excellemment trouvés, mais la localisation a même poussé le travail jusqu’à traduire les textes figurant dans le décor – le genre de luxe qui reste exceptionnel même aujourd’hui, où changer le texte d’une texture est pourtant infiniment plus facile que de redessiner une image ! Je confesse ainsi m’être esclaffé en lisant les grades de puissance de la machine à tester la force située dans la salle d’arcade, et m’être délecté de quelques uns des jeux de mot qui ne font certes pas tous mouche, mais l’effort est si considérable qu’on ne peut qu’applaudir. En y ajoutant une très bonne transcription des références culturelles (la simple présence d’une Dorothée devrait à ce titre être parlante, parmi des dizaines d’autres), on sent un travail fait avec amour par une équipe qui s’est vraiment creusé la tête, et ça fait plaisir. À ce niveau-là, le bilingue que je suis ne donnera pour une fois pas dans le pédantisme de mauvais aloi : jouez à Toonstruck en français, clairement !
Perfidia est un endroit à l’ambiance plus sinistre et à l’humour plus gras
Alors certes, tout n’est pas encore parfait dans l’univers animé du jeu : certaines énigmes sont tirées par les cheveux, d’autres sont franchement fastidieuses (ah, ce maudit téléphone à couleurs avec ses « numéros » à recomposer à chaque fois…), sans parler de celles qui ne sont tout simplement pas très inspirées (oh, un taquin, ça c’est original… ah, un jeu de mémoire, avec une séquence de pas moins de ONZE mouvements à retenir, super…).
Soyez ingénieux !
Dans l’ensemble, il peut arriver qu’on soupire à force de tourner en rond et de ne plus trop savoir quoi faire, comme c’est souvent le cas avec ce type de jeu. Mais bon sang, il y a tellement de bons moments, de dialogues savoureux, d’animations délectables et d’idées grandioses qu’on peut bien pardonner quelques passages plus convenus ou quelques gags ratés ! De fait, si vous aimez les jeux d’aventure, pour moi le verdict est clair : il faut avoir joué à Toonstruck. Vous ne vivrez pas nécessairement un rêve éveillé d’un bout à l’autre, surtout si l’humour ne prend pas, mais il sera difficile de ne pas déceler une bonne partie des qualités évidentes d’un titre qui risque de faire chauffer vos méninges à plusieurs reprises. Pour tous les amateurs de Roger Rabbit, des Tiny Toons, de Tex Avery ou de Christopher Lloyd, faire l’impasse sur le jeu serait encore plus regrettable, à moindre d’être vraiment hermétique au genre du point-and-click. Parce qu’on tient à coup sûr un logiciel qui serait à n’en pas douter entré définitivement dans la légende s’il était simplement sorti quelques années plus tôt. À découvrir, et je serais vraiment surpris que vous puissiez le regretter.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 17,5/20
Sorte d'équivalent vidéoludique de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, avec nul autre que Christopher Lloyd à l'affiche, Toonstruck est un jeu comme on n'en verra sans doute plus jamais, fruit d'une époque où une ambition sans limite se heurtait souvent aux cruelles contraintes de la réalité. Sorti à une période où les joueurs avaient largement déserté les point-and-click, le titre de Burst est passé tragiquement sous les radars d'un public qui le regardait déjà comme un vestige un peu dépassé de l'ancien monde. Pourtant, entre une réalisation inattaquable, un univers plein de charme, une aventure prenante, un humour qui fait souvent mouche et une version française de haute volée, Toonstruck est un logiciel qui mérite indéniablement une deuxième chance d'aller revendiquer sa place, vraiment pas très loin de titres comme Curse of Monkey Island ou Day of the Tentacle, et largement à la hauteur de jeux à la Discworld. Si vous êtes passé à côté à sa sortie - ou que vous n'en avez jamais entendu parler - alors laissez-vous tenter. Vous pourriez bien passer un très, très bon moment.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un humour qui tombe parfois dans la facilité, pour ne pas dire dans le lourdingue
– Quelques énigmes franchement fastidieuses (le concours des Trois Belges...)
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Toonstruck sur un écran cathodique :
Cette image provient du site https://www.mobygames.com
Développeur : The Illusions Gaming Company Éditeur : Crystal Dynamics, Inc. Testé sur :PlayStation – Saturn
Version PlayStation
Date de sortie : 31 octobre 1996 (Amérique du Nord) – Novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
La vie réserve décidément toujours des surprises. Le temps passe, les rides se creusent, les cheveux blanchissent, les dents jaunissent, et voilà qu’un matin on se dit, en se rasant pour la millionième fois, qu’on commence à vieillir et que plus rien ne peut nous surprendre.
Les méchants du jeu ont bien évidemment la tête de l’emploi
Et puis voilà que le cours des événements vient nous donner tort, une nouvelle fois, et nous rappeler à quel point on est bien peu de choses. Il aura donc fallu attendre 2021 pour que je découvre, moi, fan impénitent des Monty Python depuis ma plus tendre enfance, que Terry Jones, membre actif et réalisateur attitré de la troupe, avait scénarisé une série en dessin animé intitulé Blazing Dragons – malicieusement devenue Sacrés Dragons en référence à Sacré Graal dans la version française – à la fin des années 90. Et non seulement cette série dont je n’avais jamais entendu parler, et qui présentait une version un peu spéciale du mythe arthurien où les chevaliers de la table ronde – désormais carrée – étaient tous des dragons (face à des méchants bien humains, eux) avait été diffusée pendant deux ans sur Canal +, mais en plus, un jeu vidéo avait même été développé simultanément, avec une nouvelle fois Terry Jones en invité spécial.
Les décors ont de la gueule
Et là, qu’apprends-je ? Ce jeu vidéo, lui-même fort logiquement appelé Blazing Dragons, est un point-and-click développé par The Illusions Gaming Company, qui nous avait déjà délivré le très sympathique (et très surprenant) Scooby-Doo Mystery sur Mega Drive ! Et, fidèle à sa ligne de conduite, la compagnie britannique aura décidé de publier le jeu sur PlayStation et sur Saturn, et pas sur l’écosystème le plus naturel qui soit pour un point-and-click, à savoir le PC. Étrange obsession… qui n’aura d’ailleurs sans doute pas porté chance au titre, totalement disparu des radars depuis lors, et sans doute pas aidé par la publication, un mois après sa sortie, d’un certain Tomb Raider sur la même plateforme…
Amis du mythe arthurien, bonjour !
Le jeu reprend donc les grandes lignes du dessin animé, en nous présentant un royaume de Camelhot (blague intraduisible) peuplé de dragons et constamment harcelé par les humains du roi Georges et de son maléfique acolyte Mervin l’enchanteur.
Les explications sur les espèces en voie de disparition du royaume devraient provoquer un de vos premiers éclats de rire de la partie
Tandis que vous prenez les commandes de Flammèche, simple serviteur dont la présence au château royal n’est d’ailleurs jamais expliquée, voilà justement que le roi Artifur organise un grand tournoi dont le vainqueur héritera à la fois du royaume et de la main de la princesse Flamme, dont Flammèche est bien naturellement amoureux. Seulement voilà, n’étant pas chevalier – pas même un simple écuyer -, pas question pour notre héros de concourir, pas même quand le roi Georges en personne débarque à la table carré pour annoncer que son champion, le dragon noir, va participer au tournoi. Et avant de pouvoir ambitionner de devenir chevalier, de vaincre le dragon noir et d’épouser la princesse Flamme, Flammèche va devoir commencer par s’acquitter de la première mission confiée par le roi : nettoyer la vaisselle…
Selon une tradition bien établie, Flammèche devra bien évidemment infiltrer le royaume ennemi
On se retrouve donc dans un univers qui ne pourra qu’être familier aux connaisseurs de la geste arthurienne, fans de Kaamelott en tête. Le cadre et la situation de départ (le héros qui se réveille dans sa chambre) devraient immédiatement faire penser à une autre référence, partiellement vidéoludique celle-là : Discworld, dont le premier épisode avait justement vu le jour l’année précédente, et qui embarquait pour sa part un certain… Eric Idle, autre membre des Monty Python, au casting ! Une sorte d’inception vidéoludique…
Rien ne vaut une bonne scène de panique à l’ancienne
Du côté de l’interface, on retrouve les grandes lignes des titres de l’âge d’or : une fenêtre de jeu en plein écran, un sac pour figurer l’inventaire, et des actions basiques (se déplacer, parler, observer, prendre/agir) présentées via des icônes relativement parlantes et entre lesquelles vous pourrez passer très simplement via les boutons de tranche L1/R1. Votre héros se dirige pour sa part à la croix directionnelle, et si cela n’offre toujours pas le confort d’un maniement à la souris, cela reste néanmoins très naturel et ne devrait pas vous poser de souci – d’autant plus qu’on est une nouvelle fois dans la droite lignée de la philosophie initiée par Ron Gilbert avec Monkey Island : on ne peut pas mourir, on ne peut pas se retrouver irrémédiablement coincé. Seule mauvaise nouvelle : chaque changement d’écran s’accompagnera d’un chargement de deux à trois secondes ; en 1996, on n’était plus trop habitué à ça… Mais on sent immédiatement que Blazing Dragons veut aller se frotter aux meilleurs titres du genre, et la bonne nouvelle est qu’il a effectivement quelques arguments pour cela.
Le titre comporte sa dose de mini-jeux de type « chat-apulte », histoire de casser un peu la routine
À ce titre, il serait dommage de ne pas mentionner la réalisation du jeu, qui n’aurait certainement pas à rougir de la comparaison avec Discworld, justement, ni même avec la plupart des meilleurs jeux de LucasArts. Les yeux des joueurs de l’époque n’étaient peut-être obnubilés que par la 3D, mais pour les amateurs de pixel art actuels, difficile de faire la fine bouche : les décors sont finement dessinés, parfaitement mis en couleurs, les personnages sont très bien animés, et la réalisation sonore étant à l’avenant, on n’a vraiment aucun grief à adresser à l’équipe de développement de ce côté-là.
Quelques scènes cinématiques viennent illustrer les passages-clefs
Les quelques (rares) connaisseurs du dessin animé pourront être surpris du character design : on constatera en effet que les personnages présentés ici n’ont que peu de choses en commun avec leurs alter ego sur celluloïd. Sachant que la sortie du jeu a été repoussée pour coïncider avec celle de la série, on peut en déduire que les deux ont en fait été développés en parallèle, ce qui expliquerait par exemple qu’on voit ici des dragons à six pattes alors que les héros animés sont des bipèdes beaucoup plus conventionnels. Le tout a en tous cas un charme immédiat – même si on sent bien que la plupart des cinématiques animées qui agrémentent l’action ne sortent pas des studios Disney – et on a immédiatement envie de découvrir ce royaume, sa faune et ses énigmes.
Neuf ans avant Kaamelott, les chevaliers de la table carrée sont déjà des manches
À ce niveau-là, on sera heureux de retrouver un humour typiquement anglais que la V.F. aura d’ailleurs largement échoué à rendre (nous y reviendrons).
Comme dans Simon the Sorcerer, une carte magique vous permettra de vous rendre immédiatement où vous le souhaitez
Dans un univers riche en sous-entendus et en références aux contes (attendez-vous à recroiser Raiponce, le haricot magique, le joueur de flute d’Hamelin…), l’équipe de développement n’aura pas pu s’empêcher d’ajouter un psychiatre du nom de Sigmund Fraude, des paysans régicides avec un accent français (en V.O.), un joueur de cricket avec un accent indien (en V.O.), un syndiqué avec un accent écossais (en V.O.), des séquences de travestissement, des références sexuelles à peine voilées… et une large part d’humour pipi-caca en-dessous de la ceinture, où on ressentira pour l’occasion nettement moins la patte des Monty Python que celle de Benny Hill. Hé, l’humour anglais, c’est aussi ça…
Flammèche, dynamiteur de la monarchie
Si les dialogues ne sont pas excessivement nombreux (le jeu n’est pas extraordinairement long et vous devriez difficilement mettre plus d’une dizaine d’heures pour en venir à bout), ils sont bien écrits, avec quelques répliques qui font mouche et quelques commentaires bien vus. On n’est clairement pas au niveau de titres à la Curse of Monkey Island, mais on passe néanmoins un très bon moment, et on est toujours heureux de rencontrer un nouveau personnage pour profiter de nouveaux échanges absurdes. Pour ne rien gâcher, les énigmes sont globalement bien conçues, et aucune n’est suffisamment opaque pour nous amener à nous arracher les cheveux à cause de la fameuse « moon logic » qui infestait, au hasard, les logiciels made in Sierra Online. Bref, on est dans les clous… et peut-être même un peu trop dedans.
La réalisation est dans l’ensemble difficile à attaquer
Avec le recul, on peut imaginer quantité de raisons pour lesquelles Blazing Dragons sera passé relativement inaperçu à sa sortie : entre le déclin du point-and-click et le fait que les consoles 32 bits n’étaient sans doute pas les machines de prédilection pour accueillir un titre du genre, le pari était risqué d’emblée. Surtout, à une époque où on commençait à toucher à la quintessence du jeu d’aventure (entre Curse of Monkey Island, Discworld, Full Throttle, The Dig ou Grim Fandango, sans mentionner tous les jeux en FMV), on peut comprendre que les joueurs aient été suffisamment exigeants pour attendre un titre d’exception plutôt qu’un simple « bon jeu ».
Le chancelier s’affirme dès ses premières interventions comme le traitre d’opérette
En dépit de ses qualité évidentes, le titre de The Illusions Gaming Company manque encore un tantinet de personnalité, un peu d’ambition et un chouïa d’efficacité pour vraiment pouvoir rivaliser avec des titres qui faisaient au moins aussi bien dans à peu près tous les domaines, et qui étaient souvent beaucoup plus long (ce n’est sans doute pas vrai pour un logiciel à la Full Throttle, pour reprendre les exemples évoqués plus haut, mais Curse of Monkey Island ou Discworld sont facilement trois à quatre fois plus longs que Blazing Dragons). On est intéressé, charmé, titillé, mais jamais réellement conquis : ça fonctionne à presque tous les niveaux, mais quand on a déjà touché aux maîtres du genre, on sent juste qu’on est face à un élève très appliqué avec une certaine dose de talent, mais encore trop besogneux pour dévoiler réellement son génie. Certainement pas de quoi bouder le titre pour autant : si vous vous sentez sevré de bons point-and-click, il faudrait vraiment être masochiste pour faire l’impasse sur ce Blazing Dragons.
L’humour est souvent un peu convenu, mais ça fonctionne quand même
Quelques mots, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu. On va d’ailleurs aborder là une question qui touche à la traduction en général (qui est mon métier, cela tombe bien) et à la retranscription de l’humour. Les doublages du jeu – largement repris de ceux de la série animée, pour le coup – sont effectivement difficilement attaquables sur un plan purement technique : on a affaire à des doubleurs professionnels qui connaissent leur métier, et cela s’entend.
Le roi commence à devenir un peu gâteux !
En revanche, on sent bien dans la distribution la marque d’une tendance très française à vouloir offrir un doublage à destination des enfants sur un titre dont ce n’est pourtant de toute évidence pas le public cible, ce qui donne parfois des résultats… troublants. Flammèche, notre héros, est ainsi doublé avec un ton assez niais, échouant pour l’occasion à rendre le côté beaucoup plus mordant qui caractérisait en V.O. son personnage de serviteur qui doit apprendre à composer au quotidien avec le fait d’être traité comme un larbin dont l’opinion n’a aucune valeur. Loin d’être acide ou caustique, le héros est ici plaintif, geignard, monocorde, et une bonne partie de l’humour reposant sur sa répartie ne fonctionne tout simplement plus.
Une infiltration… subtile…
Une sensation qui se retrouve dans la traduction du jeu au sens large, ou on a souvent l’impression d’un ton qui se cherche, le cul entre deux chaises. La moitié du temps, on a l’impression d’être devant les Télétubbies, et puis tout à coup arrive un commentaire graveleux et/ou passablement ambigu (dès l’introduction, où les « joyaux de la couronne » sont devenus les « bijoux de famille »), comme ce passage où Brûleval évoque le fait de « casser du dragon noir » comme « bien français ». Un changement de ton souvent sorti de nulle part qui attise plus le malaise que la franche rigolade, et qui m’encourage à pousser les joueurs disposant d’une maitrise confortable de l’anglais à privilégier la V.O. du jeu en dépit de l’absence de sous-titres.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16,5/20
Décidément, The Illusions Gaming Company voulait vraiment développer des point-and-click sur console ! Après un Scooby-Doo Mystery qui allait braconner sur les terres de LucasArts, Blazing Dragons, lui, s'aventure plutôt sur celles de Discworld. Sans qu'on sache trop si le titre a été tiré du dessin animé Sacrés Dragons ou si c'est l'inverse, le fait est que le résultat, qui est carrément allé mobiliser Terry Jones himself, a quelque chose de franchement réjouissant ! Le jeu, qui multiplie les références à l'âge d'or du genre, ne se hisse peut-être pas tout à fait à leur hauteur, la faute à un déroulement un peu court, à des temps de chargement omniprésents et à un humour qui ne fait pas toujours mouche, particulièrement en français. Mais autant dire que sur une PlayStation plus habituée à l'action en 3D, Blazing Dragons demeure assez unique en son genre - ce qui explique d'ailleurs sans doute en grande partie qu'il n'ait pas davantage marqué les esprits, publié à une époque et sur une plateforme où les jeux d'aventure n'avaient pas exactement le vent en poupe. Si vous cherchez un point-and-click plaisant, efficace et très bien réalisé, ce serait vraiment un crime de ne pas laisser une chance à celui-ci. À découvrir !
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un temps de chargement entre chaque écran
– Une V.F. de qualité professionnelle, mais dont l'humour n'est clairement pas à la hauteur de la V.O.
– Un character design qui n'a en fait pas grand chose à voir avec celui du dessin animé
– Une maniabilité au pad qui ne rivalise clairement pas avec la souris
– Un peu court
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blazing Dragons sur un écran cathodique (PAL) :
Version Saturn
Développeur : The Illusions Gaming Company
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 31 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 15 novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Blazing Dragons n’aura donc pas daigné bénir le PC de sa présence, et aura préféré tenter sa chance sur une autre console 32 bits : la Saturn. Autant vous prévenir tout de suite : les différences entre les deux versions sont quasiment indécelables, et tiennent à de très légers détails : les temps de chargement m’ont par exemple semblé très légèrement plus longs dans cette version, et les vidéos moins bien encodées. Rien d’insurmontable : il faut vraiment jouer aux deux versions à la suite pour avoir une minime chance de déceler quoi que ce soit. On remarquera aussi que, par défaut, le changement d’action est attribué ici à A et C plutôt qu’aux boutons de tranches, mais puisque vous pouvez de toute façon modifier cela dans les options, aucune raison de râler. Même le nombre de sauvegarde est équivalent à ce qu’autorisait l’itération PlayStation ; bref, aucune raison de se précipiter sur une version plutôt qu’une autre.
La même chose, pratiquement au pixel près
NOTE FINALE : 16,5/20
À jeu semblable, observations identiques : Blazing Dragons est toujours un jeu très sympathique sur Saturn, et vu la rareté des point-and-click sur cette machine, vous auriez tort de bouder celui-ci.
Développeur : The Illusions Gaming Company Éditeurs : Acclaim Entertainment, Inc. – Sun Corporation of America Testé sur :Genesis
La licence Scooby-Doo (jusqu’à 2000) :
Scooby-Doo’s Maze Chase (1983)
Scooby-Doo (1986)
Scooby-Doo and Scrappy-Doo (1991)
Scooby-Doo Mystery (The Illusions Gaming Company) (1995)
Scooby-Doo Mystery (Argonaut Software) (1995)
The Haunted World of Scooby-Doo (1999)
Scooby-Doo! : Mystery of the Fun Park Phantom (1999)
Scooby-Doo! : Classic Creep Capers (2000)
Scooby-Doo! : Show Down in Ghost Town (2000)
Scooby-Doo! and the Hollywood Horror (2000)
Version Genesis
Date de sortie : Octobre 1995
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb Système de sauvegarde par mot de passe
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Il y a des choix qui interpellent. On n’a beau n’être avant toute chose que des joueurs, loin des considérations bassement marketing qui poussent telle compagnie à développer tel jeu sur tel support, on en est inconsciemment venu à intégrer certains principes. Pour donner un exemple parlant, parmi les milliers de titres figurant au sein des ludothèques des consoles 16 bits, l’un des derniers genres qu’on irait y chercher serait bien celui du point-and-click. Il faut dire que, comme son nom l’indique, cette sous-catégorie du jeu d’aventure aura connu l’essentiel de sa popularité sur des ordinateurs équipés de l’irremplaçable souris, et en particulier sur le PC qui aura eu, pratiquement dès ses débuts, une relation privilégiée avec le genre.
Le jeu a une patte qui a quelque chose de familier…
Sierra On-Line et Lucasfilm Games, les deux plus grands représentants du point-and-click, n’utilisaient-ils pas le PC comme machine de développement privilégiée ? Seulement voilà, en 1995, plusieurs choses commençaient à être en perte de vitesse, sous la pression cumulée de l’émergence de la génération 32 bits, du support CD-ROM et de la 3D temps réel. Le point-and-click, pour commencer, faisait de moins en moins recette. Et la Mega Drive, tout comme sa grande rivale de chez Nintendo, commençait naturellement à trembler sous les coups de boutoir de sa propre successeuse, la Saturn, et surtout de la PlayStation de Sony. Alors autant dire que quand The Illusions Gaming Company, société fondée par des anciens de Virgin spécialisée dans les licences de dessin animé (c’est d’ailleurs une adaptation de Beavis et Butt-Head qui aura raison d’elle, mais c’est une autre histoire), aura hérité de celle de l’antique Scooby-Doo (Scoubidou en VF), on s’attendait certes à beaucoup de choses… mais certainement pas à ce qu’elle développe un point-and-click exclusif pour la Mega Drive – ou plutôt, pour la Genesis, le jeu n’ayant jamais quitté le continent américain !
Nous sommes sur Mega Drive. Ça ne se devine pas immédiatement, n’est-ce pas ?
Pour ceux d’entre vous qui ne connaitraient pas Scoubidou, figurez-vous une équipe de sémillantes jeunes personnes voyageant dans un van de hippies et dont la destinée semble être de résoudre des affaires paranormales via la pure rationalité de l’enquête.
Comme toujours, votre équipe arrive au beau milieu des problèmes
Le vrai intérêt de cette équipe trop parfaite pour être intéressante, c’est bien entendu l’apport des deux trouillards de la bande : Shaggy (Sammy en VF) le grand échalas et surtout le chien Scoubidou, qui par leur maladresse et leur aptitude à plonger dans les ennuis en cherchant à les éviter composent la principale attraction d’épisodes suivant toujours le même schéma : un fantôme ou un monstre sème le chaos dans un endroit précis, avant que la fine bande ne découvre sa véritable identité et le déguisement et les trucages qu’il a employés pour se faire passer pour un phénomène occulte. Ce sera d’ailleurs exactement le programme de ce Scooby-Doo Mystery, qui propose pour l’occasion deux enquêtes : une dans l’hôtel de l’oncle de Daphné, bien évidemment construit sur un cimetière indien (référence !), et l’autre dans un parc d’attraction mis à mal par un clown diabolique. Vous incarnerez à chaque fois exclusivement Sammy, accompagné d’un Scoubidou qui ne fera souvent qu’acte de présence, et votre mission sera comme de bien entendu de vous retrouver à résoudre l’affaire tout seuls comme des grands alors que vous n’aspiriez qu’à rester à l’écart et en sécurité pour vous goinfrer tranquillement.
Toute la fine bande est peut-être au complet, mais tout le boulot sera pour vous
Dès les premiers instants, on ne peut manquer d’être frappé par deux aspects du jeu. Le premier est son interface à base de verbes, qui évoquera immédiatement les titres de l’âge d’or de Lucasfilm Games : que ce soit dans le choix des verbes en question, de leur police d’écriture, de leur couleur ou même de la présence d’un inventaire graphique activable via le bouton C, difficile de ne pas penser immédiatement à un titre comme Day of the Tentacle.
Pour un trouillard, Sammy est prêt à tous les sacrifices !
Sentiment encore renforcé par le fait que la première enquête se déroule dans un hôtel présentant bien des accointances avec le manoir de Fred Edison, à commencer par une cuisine où on aura l’occasion de décongeler un bloc de glace dans un four à micro-ondes – tiens, qu’est-ce que ça me rappelle ? On ajoutera d’ailleurs que la deuxième affaire, dans un parc d’attraction, connait elle aussi des passages qui évoqueront pour leur part Sam & Max, autre titre-phare de la firme de George Lucas, déjà par l’ambiance de fête foraine, mais aussi par certaines énigmes qui fleurent bon l’hommage, comme celle vous demandant de récupérer un objet via une séquence de saut à l’élastique. Bref, on ne peut s’empêcher de déceler comme un air de famille avec certains des titres les plus iconiques du genre – et cela se confirme d’ailleurs en partie via la réalisation.
La mise en scène est travaillée, et ça fait plaisir
Autant le dire tout de suite : pour ce qui est de l’univers graphique de son jeu, The Illusions Gaming Company ne s’est clairement pas foutu du monde. Je vous laisse observer les captures d’écran : difficile de ne pas croire, par moments, qu’on se trouve face à un jeu en VGA tournant sur un PC de la grande époque ! C’est certes un peu moins fin et un peu moins coloré que ce qu’offraient les ténors du genre sur la machine d’IBM, mais cela reste fondamentalement impressionnant pour une Mega Drive qui nous rappelle par là-même qu’elle pouvait faire largement aussi bien, si ce n’est mieux qu’un Amiga 500 dans le domaine.
Quelques scènes d’action très oubliables sont également de la partie
La patte de la série d’Hanna Barbera est immédiatement reconnaissable, parfaitement servie par des animations travaillées et une mise en scène loufoque, et on ne peut qu’être admiratif devant la composition de certains plans qui démontrent que l’équipe aux commandes avait du talent. Si le tout a l’inconvénient d’être un peu sombre (mais cela correspond à l’ambiance « horrifique pour de rire » du dessin animé), on reste bluffé par la plupart des écrans du jeu, et on en regrette d’autant plus que la musique s’avère nettement plus oubliable, et qu’elle se montre soit trop discrète (première enquête), soit trop répétitive (deuxième enquête). Les bruitages ne relèvent pas le niveau, avec quelques très rares voix digitalisées perdues au milieu de sons mats évoquant ce que pouvait sortir une AdLib.
La réalisation est difficile à attaquer
Au niveau du déroulement des enquêtes, les choses sont un peu différentes. La jouabilité au pad fait ce qu’elle peut, mais le jeu hurle tellement son désir d’être joué à la souris qu’on ne pourra s’empêcher de râler contre un curseur un peu lent et contre des manipulations qui prennent trois fois plus de temps que ce qu’elles auraient nécessité sur un ordinateur – surtout que le titre n’a même pas l’idée de tirer parti de la SEGA Mouse, qui aurait pourtant fait merveille !
L’ambiance est très bien rendue
Dans l’ensemble, les enquêtes sont assez courtes et reposent principalement sur une accumulation d’objets à ramasser et à employer au bon endroit. Rien d’insurmontable, même si la logique est parfois un peu absconse, mais de quoi vous amener à cogiter suffisamment longtemps pour vous garder occupé quelques heures. Certes, comment deviner qu’une des portes de l’étage de l’hôtel ne s’ouvre qu’après avoir essayé toutes les autres, ou qu’une même action doive parfois être menée plusieurs fois pour obtenir des résultats différents, mais dans l’ensemble on reste dans les clous du genre, et on en vient à regretter que le titre ne soit pas encore un tantinet plus ambitieux… ou tout simplement, qu’il n’ait pas vu le jour sur un support CD-ROM et sur un système 32 bits.
Là ! Un fantôme diabolique !
Mais paradoxalement, c’est précisément son statut d’exclusivité Mega Drive qui confère une large partie de son charme à ce Scooby-Doo Mystery qui peut se vanter de n’avoir strictement aucun équivalent sur la machine de SEGA. Il a ce caractère unique de logiciel pas tout à fait à sa place qui lui confère une sorte d’aura, comme si on exhumait une bêta de titre oublié issu des studios LucasArts.
Découvrez les complots cachés !
Pourquoi le jeu n’aura pas vu le jour sur un PC où il aurait certes été moins visible en raison d’une concurrence redoutable, difficile à dire, surtout quand on sent bien à quel point il y puise toutes ses références. Le fait est qu’en dépit de ses quelques défauts, à commencer par des énigmes globalement pas à la hauteur des meilleurs titres du genre (mais qui soutiendraient sans peine la comparaison avec des jeux à la Hook), le logiciel remplit parfaitement sa fonction en nous donnant le sentiment de participer à deux épisodes de la célèbre série – notamment grâce à des dialogues assez efficaces, et à deux héros parfaitement fidèles à eux-mêmes. Il y a souvent un côté maladroit, un côté « déplacé » dans un jeu qui donne presque le sentiment de s’être trompé de support, mais on est tellement bluffé de jouer à un jeu d’aventure sur Mega Drive qu’on a envie de tout lui pardonner et de lui laisser une place à part qui est objectivement celle qu’il mérite.
L’enquête approche de sa résolution!
Non, ce n’est pas le meilleur point-and-click qui soit, et il aurait certainement été accueilli assez tièdement sur un PC qui était alors encore en plein âge d’or du genre, et où les concurrents se seraient nommés Full Throttle, King’s Quest VII ou Les Chevaliers de Baphomet. Reste néanmoins un titre éminemment sympathique, et finalement transfiguré par sa présence sur une machine où il reste tragiquement seul en lice. À tous ceux qui se languissent de la grande époque du jeu d’aventure et qui chercheraient à dénicher un titre séduisant qui leur aurait miraculeusement échappé, je dirais : ne cherchez pas plus loin. Scooby-Doo Mystery est précisément le type de cadeau tombé du ciel qui risque de vous faire lâcher un long, très long soupir de nostalgie. Et ça, mine de rien, ça n’a pas de prix.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Un point-and-click qui est en même temps une exclusivité Genesis ? Inutile de se le cacher : Scooby-Doo Mystery est une anomalie, et c'est déjà ce qui fait une grande partie de son charme. Ce qui ne gâche rien, c'est que la réalisation graphique exceptionnelle pour la console couplée à une philosophie parfaitement conforme à celle de l'âge d'or de LucasArts (on ne peut pas mourir, on ne peut pas se bloquer) donne parfois l'impression de jouer à une sorte d'hommage déguisé à Day of the Tentacle ou à Sam & Max. Avouez qu'il y a pire, comme références ! De fait, la jouabilité au pad sonne contre-nature dans un titre qui hurle son besoin d'être joué à la souris, le système de mot de passe est une horreur, et on regrettera à la fois une durée de vie trop courte, une logique pas toujours limpide, et une réalisation sonore un peu trop en retrait. Mais si vous voulez découvrir un très bon jeu d'aventure auquel personne n'a jamais joué, voilà un sérieux candidat qui mérite à coup sûr une place de prestige. À découvrir d'urgence, pour les amateurs !
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Sauvegarde via un mot de passe de 50 caractères (!!!)
– Pas de reconnaissance de la Sega Mouse ? Sérieusement ?
– Un peu court
– Quelques énigmes qui ne reposent sur aucune logique...
– ...et quelques autres franchement tirées par les cheveux
– Des thèmes musicaux très oubliables, et des bruitages bien trop discrets
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Scooby-Doo Mystery sur un écran cathodique :
Développeur : Core Design Ltd. Éditeur : Eidos Interactive, Inc. Titres alternatifs :トゥームレイダース (Tomb Raiders, Japon), Tomb Raider I (Steam), 古墓奇兵 (Chine) Testé sur :PC (DOS, Windows 9x) – PlayStation – Saturn Disponible sur : N-Gage, PlayStation 3, PSP, PS Vita,Windows, Windows Mobile Présent au sein de la compilation :Tomb Raider 1+2+3 (Windows) En vente sur :Gog.com (Windows), Steam.com (Windows) L’extension du jeu :Tomb Raider : Version longue
La saga Tomb Raider (jusqu’à 2000) :
Tomb Raider (1996)
Tomb Raider II (1997)
Tomb Raider III : Les Aventures de Lara Croft (1998)
Tomb Raider : La Révélation Finale (1999)
Tomb Raider III : Le Dernier Artéfact (2000)
Tomb Raider : Sur les Traces de Lara Croft (2000)
Tomb Raider (Game Boy Color) (2000)
Version PC (DOS, Windows 9X)
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 22 novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick
Version testée : Version dématérialisée optimisée pour cartes graphiques 3Dfx émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : MS-DOS 5.0, Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s) Modes graphiques supportés : SVGA, VGA – API : Glide Cartes sonores supportées : Ensoniq Soundscape, Gravis UltraSound, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I/RAP-10, Sound Blaster/Pro/16
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Les amours interdites sont parfois la source des plus grandes idylles.
Cela a peut-être l’air un peu abstrait, pour ne pas dire pompeux, dit comme cela. Alors le mieux est sans doute de prendre un exemple concret. Celui de Core Design devrait faire l’affaire. La compagnie britannique fondée par des anciens de Gremlin Graphics aura en effet connu un destin peu courant entre sa création en 1988 et son rachat par Rebellion en 2006 : non seulement deux de ses plus grand succès lui auront été inspirés par une licence concurrente, mais ils auront même poussé le vice jusqu’à être inspirés par la même !
L’histoire se révèle via des vidéos mettant en scène une Lara très badass
Là où Lucasfilm Games avait fait du plus célèbre archéologue du septième art, j’ai nommé Indiana Jones, une des figures majeures du point-and-click, Core Design en aura fait une inspiration assumée de deux titres majeurs. Le premier, nommé Rick Dangerous, cachait à peine sa filiation derrière un aspect parodique, et surtout derrière un concept génial. Quant au deuxième, il aura été le point de départ d’une saga florissante toujours en vie de nos jours, et qui se porte même franchement mieux – au moins sur le plan vidéoludique – que son illustre inspirateur. En 1996, en remplaçant le (déjà) vieillissant héros par une plantureuse jeune femme à l’activité très similaire (elle a même l’Arche d’Alliance dans son manoir !), Core Design aura dynamité le monde du jeu vidéo avec un des pionniers de l’aventure/action en 3D : existe-t-il encore un joueur sur terre pour n’avoir jamais entendu parler de Tomb Raider ?
Qui aurait pu croire qu’il serait si grisant d’être égaré des kilomètres sous terre ?
Commençons donc par le commencement : vous êtes Lara Croft, aventurière intrépide à la renommée mondiale. Contactée par Jacqueline Natla pour aller récupérer un artefact ancien nommé le Scion, vous partez pour le Pérou et la tombe de Qualopec… où vous ne tarderez pas à découvrir, après quelques heures de périple, que votre employeuse ne vous a pas tout dit et a envoyé d’autres « archéologues » à la recherche d’autres fragments de la relique tout en cherchant à vous doubler.
Sans doute l’un des passages les plus célèbres du jeu…
Bien décidée à tirer les choses au clair, vous vous embarquez alors pour un monastère romain avant de visiter une cité souterraine égyptienne, sans vous douter que vos voyages pourraient vous conduire jusqu’à la mythique Atlantide elle-même. Et quitte à comprendre la nature et la fonction de ce fameux Scion, attendez-vous à visiter des vallées perdues, des tombeaux anciens et des ruines millénaires, où la faune locale vous sera invariablement hostile et où le surnaturel ne devrait pas tarder à pointer le bout de son nez…
Le jeu assume parfaitement sa troisième dimension et sait utiliser intelligemment la verticalité
Vous l’aurez compris : vous n’avez peut-être ni chapeau, ni fouet, mais aller récupérer des fétiches en or avant de prendre la fuite, poursuivi par un rocher en cavale, c’est votre métier ! Comme son comparse Rick, Lara multiplie les références et les hommages à Indiana Jones, en se voulant une incarnation moderne et féminine de l’aventurier qui passe beaucoup plus de temps sur le terrain que dans sa salle de classe. Un programme déjà ambitieux sur le papier, mais plus encore dans une 3D toujours balbutiante en 1996, année où le sémillant Super Mario 64 venait tout juste de voir le jour.
Faire de la varappe au-dessus des crocodiles : une journée comme les autres, pour Lara
Dès lors, l’autre inspiration évidente sera un jeu en 2D qui n’avait alors pas encore tenté le passage à la troisième dimension (et qui se ramassera à sa première tentative de le faire, trois ans plus tard) : courir au-dessus des pointes, sauter sur des corniches, se faufiler entre des lames mécaniques, se raccrocher au-dessus du vide à la seule force des bras… Cela ne vous rappelle rien ? Prince of Persia aura donné les clefs du gameplay, restait à adapter celui-ci en 3D et à y creuser une composante vitale pour une aventurière : l’exploration. Encore fallait-il défricher des mécanismes largement inexistants et offrir un level design à la hauteur – ce que Fade to Black, principal initiateur du genre, avait partiellement échoué à accomplir. Hors, coup de bol : c’est précisément à ce niveau que Core Design sera parvenu à toucher le génie du doigt.
Évidemment, il faudra réussir des sauts compliqués au-dessus du vide !
Du côté de la jouabilité, Lara peut marcher, courir, sauter, faire feu avec ses deux revolvers ou avec d’autres armes qu’elle pourra trouver en chemin, escalader des corniches, se suspendre, mais également regarder autour d’elle et pousser ou tirer des blocs.
Oups ! Grimper sur la main de Midas : mauvaise idée…
Autant de fonctions encore difficiles à faire tenir sur un joystick PC à l’époque ; de fait, une certaine raideur due à l’inspiration « prince-of-persiaesque » du titre rend sa maniabilité plutôt plus précise au clavier, surtout que la caméra est fixée derrière les épaules et qu’il ne sera pas question ici d’aller la déplacer à la souris. Si un léger temps d’adaptation est à prévoir pour les habitués des FPS modernes où faire cinq choses en même temps est devenu une routine relativement courante, le fait est qu’on prend vite ses marques et qu’on découvre les premiers niveaux avec d’autant plus de confort qu’il est possible de sauvegarder absolument n’importe quand. Dès lors, si un saut un peu scabreux vous fait peur, n’hésitez pas à assurer vos arrières – en cas de décès, votre seul recours sera un retour à la dernière sauvegarde, et tant pis pour vous si celle-ci remonte à plusieurs heures.
Une maladresse, et c’est la mort
Penser un univers en 3D, c’est une science. Il faut savoir composer avec la verticalité, glisser des indices aux joueurs quant à la direction à suivre sans pour autant lui mâcher le travail, inclure des lieux cachés, distiller une ambiance, et composer avec les limites techniques de 1996 en s’efforçant de les faire oublier. Et là, Core Design a visé juste ; si juste, en fait, qu’il n’aura jamais réussi à atteindre tout à fait le même niveau dans les suites qui n’auront pas manqué de voir le jour suite au succès planétaire du premier opus.
La tombe de Qualopec, une étape un poil convenue
Non seulement les niveaux sont excellemment agencés, avec quelques très rares étapes un peu plus convenues (la tombe de Qualopec) ou inutilement tarabiscotées (la citerne), mais surtout le titre parvient à distiller une ambiance absolument fabuleuse et à régulièrement vous surprendre, alignant des morceaux de bravoure devenus cultes comme le célèbre T-Rex du troisième niveau à une sensation d’isolement magnifiquement transmise par une suite d’excellentes idées. On ne voit jamais le ciel, On ne croise pratiquement jamais un être humain, et la bande sonore se compose intégralement de nappes d’ambiances formées de vents mugissants, de bruits d’eau coulant sur la roche ou d’échos lointains qui donnent toujours le sentiment que tout un monde s’étend autour de vous et que vous n’en apercevez que des bribes, isolé que vous êtes sous des tonnes de roches au cœur de cités perdues où personne n’a mis les pieds depuis des millénaires.
Quel pied, quand on trouve une architecture grandiose à la sortie d’une rivière souterraine !
Que l’on plonge du haut d’une cascade, que l’on aligne des épreuves aux noms de divinités anciennes, que l’on louvoie entre les crocodiles au fond d’un bassin ou que l’on escalade un Sphinx gigantesque à moitié enseveli par le sable, l’univers du jeu fait mouche, et on se surprend rapidement à jouer dans le noir avec le casque sur les oreilles pour se croire perdu quelque part dans une vallée oubliée en se demandant quelle forme prendra le prochain obstacle à venir se placer sur notre route.
La citerne vous demandera de jouer avec le niveau de l’eau
Cela pourrait devenir prévisible, cela pourrait devenir redondant, cela pourrait même devenir fastidieux – miraculeusement, cela fonctionne toujours, et chaque changement géographique est l’occasion de découvrir de nouveaux environnements et de nouvelles architectures dans un cadre qui sait se rendre crédible avec un à-propos qui laisse pantois. Rarement s’est-on senti aussi seul au monde, et en même temps captivé par les restes épars des civilisations perdues qui s’étalent sous nos yeux. Oui, il faut souvent aller chercher des clefs, actionner des leviers, regarder partout pour comprendre où aller – mais le tout est présenté de façon si ingénieuse qu’on en vient à trouver la dizaine d’heures nécessaire à l’accomplissement du jeu trop courte, beaucoup trop courte.
Le jeu sait varier ses décors au sein d’un même environnement
Pour brute qu’elle soit, la 3D texturée de 1996 accomplit d’ailleurs de véritables miracles. Le jeu s’en sortait déjà très bien en VGA, dans une réalisation qui était alors la copie quasi-conforme de ce qu’on peut apercevoir dans la version PlayStation, mais rares étaient ceux à disposer d’une machine assez puissante pour espérer jouer en 640×480.
Les rares humains que vous croiserez seront systématiquement des concurrents
Non seulement ce n’est évidemment plus un problème, mais Tomb Raider aura également vu le jour à l’époque où les premières cartes accélératrices 3D commençaient à montrer le bout de leur nez, offrant à la fois une action beaucoup plus fluide et des textures filtrées. C’est une version optimisée pour les cartes 3Dfx (qui ont disparu depuis longtemps) et tournant sous DOSBox en utilisant un Glide Wrapper qui est commercialisée aujourd’hui sur GOG.com (cela ne semble pas être le cas de la version vendue sur Steam, mais je n’ai pas poussé le vice jusqu’à acheter les deux versions pour vérifier). Cela permet de profiter de graphismes plus fins et de textures moins pixelisées, pour un rendu qui a globalement bien vieilli. Je me souviens que le jeu reconnaissait également certaines cartes Direct 3D à sa sortie : je l’avais découvert sur un PC équipée d’une Matrox Mystique, et j’avais alors pris une sacrée claque. De nos jours, l’ambiance additionnée à l’excellence du level design compensent très largement cette 3D anguleuse mais qui a conservé une large partie de son charme.
Plus on avance, et plus l’atmosphère côtoie l’étrange…
Je dois d’ailleurs avouer avoir complété le jeu pour la deuxième fois, presque vingt-cinq ans après sa sortie, avec un plaisir égal à celui de la première. Une fois la prise en main domptée (soit au bout de cinq minutes, dans le pire des cas), on est frappé par la fascination quasi-universelle que représente le fait de prétendre être un explorateur à la recherche des mondes perdus qu’on prétendait dénicher dans un coin isolé de la cour de récré ou au fond du placard lorsqu’on était enfant.
Si ça ce n’est pas un classique du genre…
On tourne parfois en rond, on se creuse les méninges, on jubile de découvrir enfin le mécanisme qui nous avait échappé, et on aborde la suite du programme avec une gourmandise jamais démentie tant chaque niveau réussit à nous proposer quelque chose de suffisamment dépaysant pour parvenir à nous surprendre dans la continuité. C’est sans doute là, bien plus que sa plantureuse héroïne, la vraie raison du succès mondial instantané qu’aura rencontré Tomb Raider : c’est non seulement un excellent jeu, mais c’est aussi une aventure aussi prenante, aussi efficace et bien plus longue que les épopées filmiques de l’archéologue qui l’a inspirée. Si jamais vous n’avez encore jamais posé les mains sur ce titre, accordez-vous le temps de vous laisser happer. Il y a des expéditions qu’on n’oublie tout simplement jamais.
De tous les obstacles, les chronométrés seront les plus délicats à franchir
Quelque mots, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu. Le doublage aura été confié à une équipe professionnelle, où la doubleuse de Lara Croft (Françoise Cadol, la voix française de Sandra Bullock) tire clairement son épingle du jeu face à des doubleurs masculins en surjeu. Rien de dramatique, mais de quoi briser un peu l’immersion.
Le jeu n’est jamais à court de surprises
Notons aussi quelques ratés dans la traduction, le plus célèbre intervenant dans la cinématique de fin du premier « monde » : alors que votre héroïne devait finir par les paroles « Thanks, I will » (soit, dans le contexte « Merci, c’est ce que je vais faire »), cela aura été traduit très littéralement en français pour devenir un « Merci, je vais » qui ne veut absolument rien dire ! Que l’équipe responsable du doublage ait enregistré la phrase telle quelle sans se poser de question en dit hélas assez long sur le professionnalisme des équipes d’époque, mais il vous sera de toute façon délicat d’en profiter, la version française n’étant plus disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 19/20
Parfois, un jeu débarque, vise juste à tous les niveaux et met tout le monde d'accord. Loin d'un simple succédané d'Indiana Jones, Tomb Raider est la première véritable aventure à la Prince of Persia en 3D mêlant exploration, énigmes, combats et habileté. Et quelle claque ! Entre un level design tirant magnifiquement parti de la troisième dimension et touchant parfois au génie et surtout une ambiance pratiquement indépassable, le titre de Core Design parvient à nous faire devenir l'aventurier – ou plutôt, l'aventurière – qu'on avait tous rêvé d'être en regardant les aventures de l'archéologue imaginé par Steven Spielberg et Georges Lucas. Perdu des kilomètres sous terre, dans des cités oubliées, à chercher des artefacts interdits en réveillant des créatures anciennes, on se laisse emporter pour une quinzaine d'heures dans une épopée comme on en a peu vécues depuis lors. Un vrai bijou que chaque joueur devrait prendre le temps de découvrir.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Pas de carte
– Une caméra pas toujours bien placée
– Maniabilité assez raide
– Quelques niveaux moins inspirés que d'autres
– Le bug du menu (version GOG.com)
Les avis de l’époque :
« Le cadre est ici magnifié par la 3D et non plus limité par elle. On est bien loin des balbutiements d’un Fade to Black. La liberté offerte au joueur est totale et le décor doté d’un relief n’ayant rien à envier à celui de notre héroïne (ce qui est déjà un exploit en soi). »
Thierry Falcoz, Génération 4 n°93, novembre 1996, 5/6
Version PlayStation
Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : Eidos, Inc.
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 25 novembre 1996 (Europe) – 14 février 1997 (japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)
Vidéo – L’introduction du jeu :
Tomb Raider ayant été publié simultanément sur PC, sur PlayStation et sur Saturn, avec sensiblement la même équipe aux commandes à chaque fois, on était en droit d’attendre des versions très proches avec des adaptations minimales. De fait, cette itération PlayStation est techniquement si proche de la version VGA initialement parue sous DOS (et donc pas de la version optimisée pour 3Dfx qui est celle actuellement vendue sur GOG.com) qu’on s’attend presque à trouver la copie conforme du jeu tel qu’on l’a connu sur PC.
Techniquement, comme souvent avec la PlayStation, c’est du solide
Plusieurs différences existent, néanmoins. Techniquement, le jeu est irréprochable et tourne comme un charme, même s’il est naturellement moins fin que la version 3Dfx, avec une résolution deux fois plus basse et des textures non filtrées. La réalisation fait toujours mouche en dépit de son âge, et la maniabilité au pad est très bonne à condition de bien se souvenir qu’on est ici aux balbutiements du genre, et qu’il ne faudra pas vous attendre à déplacer la caméra avec le stick droit ou à pouvoir vous diriger avec autant de naturel que dans les FPS dernière génération – comptez cinq à dix minutes d’adaptation.
Dommage qu’on ait perdu les nappes sonores dans cette version
La première surprise intervient du côté de la musique : les excellentes nappes d’ambiance qui accompagnaient la version PC ont ici totalement disparu, remplacées par des thèmes dynamiques qui se font généralement entendre lorsque des adversaires apparaissent. C’est dommage, car ces échos de vent mugissant ou d’eau clapotant contre la roche étaient cent fois plus efficaces que ces thèmes prévisibles, qui ont en plus l’inconvénient de vous annoncer à l’avance que des ennemis vont vous tomber dessus. Les différents animaux m’ont d’ailleurs parus sensiblement moins résistants dans cette version.
Évidemment, pas de filtre bilinéaire pour les textures ici
Sans doute une mesure de rééquilibrage, car la principale différence avec la version PC va bien évidemment se situer au niveau… de la sauvegarde. Plus question ici, en effet, de sauvegarder avant chaque saut si le cœur vous en dit : vous ne pourrez sauvegarder qu’entre les niveaux, et via des cristaux disséminés à des points stratégiques, et qui en plus d’être peu nombreux, ont en plus le tort d’être à usage unique. Autant dire que la philosophie globale s’en retrouve largement bouleversée : vous pouvez tout à fait mourir pour avoir raté un saut délicat et repartir un quart d’heure en arrière ! Dès lors, le défi est évidemment plus consistant et peut se révéler très frustrant, particulièrement lors de combats dans des endroits exigus où les faiblesses de la caméra risquent de vous poser de sérieux problèmes. Autant dire que si vous n’aimez pas refaire des séquences de dix minutes en boucle pour avoir raté une action ou entrepris un geste un peu trop vite, vous risquez de souffrir ! Ces détails mis à part, le contenu du jeu n’a évidemment pas bougé d’un iota, et même s’il faut désormais composer avec des temps de chargement au lancement des niveaux, l’expérience demeure globalement très satisfaisante. À vous de voir si la difficulté vous effraie, car si vous avez les nerfs fragiles, il sera peut-être plus sage de se diriger vers la version PC.
Les ennemis m’ont paru un peu moins coriaces
NOTE FINALE : 18/20
Tomb Raider est un jeu souvent associé à la PlayStation, et vu l’excellente réalisation du titre, on comprend facilement pourquoi. Sans parvenir à se hisser au niveau de la version optimisée pour cartes accélératrices sur PC, la technique est irréprochable et la jouabilité est très bonne une fois qu’on a pris le pli. Dommage que les nappes d’ambiance aient disparu, en revanche, et que le système de sauvegarde rende le jeu beaucoup plus exigeant, mais si vous êtes prêt à découvrir le jeu « à la dure », inutile de bouder cette version.
Version Saturn
Développeur : Core Design Ltd.
Éditeur : Eidos, Inc.
Date de sortie : 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire
Vidéo – L’introduction du jeu :
Sur le papier, la Saturn avait des arguments pour rivaliser avec la puissance de sa principale concurrente, à savoir la PlayStation. Dans les faits, rares auront été les développeurs aptes à tirer le meilleur du capricieux hardware de SEGA, et la comparaison entre un même jeu tournant sur les deux machines est très rarement à l’avantage de la Saturn. Une constatation qui s’appliquera également à Tomb Raider : si le jeu bénéficie des mêmes adaptations que sur la machine de Sony (plus de sauvegarde à tout va, plus de nappes d’ambiance), on sent que le moteur de jeu a laissé quelques plumes lors du transfert (il ne tire visiblement aucun parti du VDP2, le deuxième processeur de la console).
Ça tourne moins bien, mais ça tourne
Globalement, les graphismes sont moins fins, le jeu tourne plus lentement, il est moins fluide (avec quelques ralentissements dans les grandes salles), et surtout la qualité des textures se dégrade dramatiquement dès qu’on s’éloigne à plus de deux mètres d’une surface. Pour ne rien arranger, le gamma est trop sombre, et même en le réglant dans les options, on a toujours l’impression de jouer avec des lunettes de soleil. Rien de rédhibitoire pour autant – le jeu n’est pas devenu moche ni injouable – mais la déperdition reste sensible, particulièrement si vous venez tout juste de voir tourner une des autres versions. La qualité des bruitages, elle aussi, a baissé. Dit comme cela, cela semble commencer à faire beaucoup, mais le jeu est fort heureusement toujours aussi bon. À tout prendre, la Saturn n’est certes pas la meilleure machine sur laquelle découvrir le jeu, mais ceux qui n’auraient que cette version à portée de main devraient malgré tout passer un très bon moment.
La Saturn était capable de mieux que ça, mais peu de développeurs le savaient
À noter que selon certaines sources, que je vais prendre pour le moment avec des pincettes tant les aventures de Lara Croft sont désormais associées à la PlayStation dans la mémoire collective, Tomb Raider aurait bel et bien été publié en premier sur Saturn (certaines sources parlent du 24 octobre 1996, d’autres d’une sortie européenne bâclée pour arriver trois mois avant les autres, ce qui nous amènerait carrément en juillet 1996). Une hypothèse en partie corroborée par le fait que la Saturn n’ait pas bénéficié d’une version française intégrale du jeu, contrairement au PC et à la PlayStation. Prenez donc la date de sortie indiquée ici au conditionnel.
Le jeu est devenu plus sombre ; pensez à régler votre téléviseur en conséquence
NOTE FINALE : 17/20
Sans surprise, la Saturn tire la langue au moment de rivaliser avec la PlayStation, et ce Tomb Raider se situe clairement en-dessous de celui de la machine de Sony sur le plan technique. Cela ne suffit heureusement pas à dégrader irrévocablement l’expérience de jeu, et on s’amuse toujours autant, mais si vous voulez des textures plus précises ou un jeu plus fluide, mieux vaut vous diriger vers les autres versions.
Tomb Raider : Version longue
Titre original :Tomb Raider : Unfinished Business (Royaume-Uni) Titres alternatifs :Tomb Raider Gold (Amérique du Nord), Tomb Raider : Director’s Cut (Allemagne) Date de sortie : 17 février 1998 Testé sur : Macintosh, PC (DOS, Windows 9x) Disponible sur : Android, iPad, iPhone
C’est littéralement davantage de la même chose
Cas un peu particulier de cette extension qui n’en n’est pas tout à fait une : sortie quelques mois avant Tomb Raider III, cette édition sous-titrée « Version longue » dans la langue de Rabelais est, comme son nom l’indique, une version « regonflée » du titre original incluant quelques nouveautés. Du côté technique, en plus du jeu de base, on trouve sur le CD des patchs pour la plupart des cartes accélératrices 3D disponibles en 1998 histoire d’élargir encore un peu le public visé. À ce détail près, le principal intérêt de cette version réside dans les quatre niveaux inédits inclut en bonus : deux niveaux égyptiens envoyant Lara enquêter sur une mystérieuse statue dédiée à la déesse Bast et deux niveaux atlantes prenant place immédiatement après la fin de l’aventure originale (Lara commence ici directement sur la pente qui clôturait le jeu initial). Comme on peut s’en douter, pratiquement tout ce qui est utilisé ici, qu’on parle des environnements ou des monstres, était déjà présent dans le titre de base (même si on sera heureux de croiser les premiers extérieurs du jeu) – ce qui explique sans doute que cette « extension », si on peut l’appeler ainsi, n’ait jamais été vendue seule, le contenu additionnel pouvant être vaincu en moins de deux heures. À tout prendre, c’est toujours un ajout bienvenu, mais on notera que celui-ci n’est pas inclus avec la version vendue en ligne à l’heure actuelle, ce qui pourra le rendre difficile à dénicher. Il n’est donc probablement pas utile de remuer ciel et terre pour espérer le dénicher de nos jours, mais les joueurs ayant la chance de le posséder pourront au moins rempiler pour une ou deux séances de jeu supplémentaires.
NOTE FINALE : 16/20
Bonus sympathique plus que réelle extension, Tomb Raider : Version longue a le mérite d’offrir quatre niveaux supplémentaires qui n’introduisent certes absolument rien qu’on n’ait déjà vu dans le jeu de base, mais qui permettront de bénéficier de deux heures d’aventure en plus. Pourquoi se priver ?
Développeur : LucasArts Entertainment Company LLC Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC Titre original :Indiana Jones and the Infernal Machine (États-Unis) Titres alternatifs :Indiana Jones y la Máquina Infernal (Espagne), Indiana Jones und der Turm von Babel (Allemagne), Indiana Jones e la Macchina Infernale (Italie), Indiana Jones e la Máquina Infernal (Brésil), 印笫安那瓊斯之末日危機 (Chine) Testé sur :PC (Windows 9x) – Nintendo 64 Disponible sur : Windows En vente sur :Gog.com (Windows) – Steam.com (Windows)
La saga Indiana Jones (jusqu’à 2000) :
Raiders of the Lost Ark (1982)
Indiana Jones in the Lost Kingdom (1984)
Indiana Jones and the Temple of Doom (1985)
Indiana Jones in Revenge of the Ancients (1987)
Indiana Jones and the Last Crusade : The Action Game (1989)
Liens utiles :Patch pour passer de la version originale du jeu à la version française
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
À la fin du siècle dernier, la saga Indiana Jones était peut-être au point mort sur le plan cinématographique (La Dernière Croisade avait alors déjà fêté ses dix ans, et on ne se doutait pas encore qu’il faudrait en attendre pratiquement dix de plus pour voir apparaître un nouveau film), mais elle pouvait encore s’enorgueillir d’une certaine vitalité sur le plan ludique.
Une certaine conception de l’archéologie !
Riche de près d’une quinzaine de titres – la plupart naturellement tirés de la trilogie originelle – la longue série des adaptations avait laissé bien des souvenirs aux fans, un peu grâce à une dizaine de jeux d’action et beaucoup grâce à deux excellents point-and-Click développés par Lucasfilm/LucasArts eux-mêmes et dont le dernier représentant, Indiana Jones and the Fate of Atlantis, avait longtemps conduit les joueurs de l’époque à espérer retrouver l’archéologue dans une nouvelle aventure graphique.
Dr. Jones, I presume ?
Malheureusement, les modes passent et trépassent, et à l’horizon du XXIe siècle, le genre du jeu d’aventure commençait à être particulièrement moribond. C’était d’ailleurs LucasArts qui restait la compagnie la plus active pour le maintenir en vie, Grim Fandango ou Escape from Monkey Island étant deux des derniers représentants majeurs du genre avant un bon moment, et déjà la 3D et la maniabilité au pad ou au clavier avaient chassé le pixel art et l’interface à la souris qui accompagnaient l’âge d’or du genre.
Un vrai séjour touristique, avec la mort à chaque tournant
L’espoir de retrouver Indy n’était donc pas complètement mort… et de fait, en un sens, il était déjà revenu, mais pas sous la forme qu’on lui connait : en 1996, une fameuse pilleuse de tombes du nom de Lara Croft avait déjà emprunté tellement d’idées à notre archéologue qu’elle allait jusqu’à exposer l’Arche d’Alliance au milieu de son manoir ! Dès lors, le vent ayant tourné, LucasArts décida de le suivre : en 1999 sortit Indiana Jones et la Machine Infernale, qui n’était pas un jeu d’aventure au sens classique… mais bel et bien un clone assumé de Tomb Raider.
Indy est de retour, et sa place n’est clairement pas dans un musée !
Neuf ans avant Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, le jeu a déjà l’idée de situer son action après la guerre, en 1947, où notre héros s’adonne à ses habituelles acrobaties sur un site de fouilles américain avant d’être contacté par Sofia Hapgood (de Fate of Atlantis) qui travaille désormais pour la CIA et l’envoie enquêter sur une mystérieuse machine babylonienne liée à la Tour de Babel.
Dans les îles du pacifique, attendez-vous à nager
Bien évidemment, comme il faut toujours un antagoniste, ce sont désormais les soviétiques qui reprennent très exactement le rôle des nazis avec une improbable division de recherche occulte cherchant naturellement à mettre la main sur cette fameuse machine infernale et sur son potentiel de destruction. Autant le dire tout de suite : le scénario, caricatural, incohérent et manichéen, ne déplacera pas les foules et n’est là que pour servir de lien entre les diverses destinations (pas moins de dix-sept niveaux tout de même) sans réellement s’insérer dans la cohérence de la saga. Sauf à trouver parfaitement évident de visiter un monastère tibétain pour y soulever une cloche de plusieurs tonnes sous laquelle vous trouverez naturellement une petite vieille en parfaite santé qui vous remerciera en vous envoyant chercher une fleur…
Comme Lara Croft, notre archéologue est un athlète accompli
On l’aura bien compris : l’histoire n’étant qu’un prétexte, le cœur du jeu, ce sera avant tout de proposer du Tomb Raider repackagé en Indiana Jones. Et à ce titre, autant vous prévenir tout de suite : si vous êtes familier avec le maniement de Lara Croft, vous ne devriez pas mettre très longtemps à diriger l’archéologue qui dispose très exactement de la même palette de mouvement – courir, sauter, grimper, nager – et du même inventaire illimité avec les mêmes bonus, en ayant malgré tout la décence d’y ajouter son célèbre fouet pour jouer occasionnellement à Tarzan, où une craie qui ne sert à rien d’autre qu’à dessiner des grilles de morpion ou des personnages de Day of the Tentacle sur les murs (!).
Tous les passages obligés sont là, et c’est tant mieux
Si on regrettera à ce niveau une jouabilité d’une rare raideur nécessitant généralement d’être placé au millimètre pour accomplir la moindre action – et qui requerra en tant que telle un temps d’adaptation – au moins a-t-elle le mérite d’être précise, ce qui n’est hélas pas le cas du système de visée automatique qui vous imposera souvent d’échouer à viser un adversaire placé à dix mètres de vous. Mais dans l’ensemble, une fois ses marques prises, notre héros accomplit exactement ce qu’on attend de lui – à l’exception du fait qu’il soit visiblement un pilleur de tombes, lui aussi, puisqu’il se contente de vendre les trésors ramassés lors de ses fouilles pour pouvoir investir dans des trousses de soins ou des munitions à la fin de chaque niveau ! Blasphème ! Leur place est dans un musée !
Les russes seront cette fois les méchants par procuration
Si le titre de LucasArts s’efforce d’arriver avec ses propres arguments, il connait quelques faiblesses. Le moteur 3D du jeu, s’il rivalise sans peine avec celui de Tomb Raider III (et ce d’autant plus que la version dématérialisée vendue aujourd’hui permet de jouer facilement en très haute résolution et en 16/9e), connait aussi quelques ratés artistiques avec des environnements parfois trop vides, et surtout un Indy aux proportions grotesques avec une tête deux fois trop grosse.
Et évidemment, tous les poissons sont carnivores !
En revanche, on sera heureux d’entendre la réalisation sonore puiser dans les thèmes de la saga, et surtout notre Harrison Ford numérique s’exprimer par la voix de Richard Darbois, son doubleur officiel depuis Blade Runner. La version française n’étant hélas pas disponible à la vente au moment où j’écris ces lignes, il faudra vous reporter sur le patch partagé en début de test pour pouvoir l’entendre. La meilleure surprise vient néanmoins d’un des points les plus importants d’un jeu de ce type : le level design. Et celui-ci, faisant la part belle aux multiples puzzles, est vraiment très bon. Certes, il faudra souvent faire beaucoup d’allées-et-venues dans des zones où l’habileté sera de mise, et on court souvent le risque de tourner en rond faute d’objectifs clairs, mais le jeu propose fort heureusement, en plus d’une difficulté réglable, la possibilité d’afficher des indices sur la direction à suivre via une croix sur la carte du jeu – un bon moyen de cadrer vos recherches et de profiter d’une dizaine d’heures de jeu qui se révèlera largement plaisante, en dépit de quelques passages (le radeau, au hasard) plus frustrants que d’autres.
Qui n’avait pas pensé à Indy en jouant à Tomb Raider ?
À ce titre, Indiana Jones et la Machine Infernale atteint son objectif, à savoir rivaliser avec un Tomb Raider qui devait ironiquement déjà beaucoup de choses à l’archéologue.
Ah, les mécanismes anciens à activer en poussant des blocs…
Sans placer le curseur tout à fait aussi haut que le premier opus des aventures de Lara Croft – on ne retrouve jamais la formidable ambiance du titre de Core Design, à commencer par un sentiment d’isolement parfois étouffant qui parvenait à rendre plausible le volet fantastique du jeu – le logiciel peut largement prétendre faire jeu égal avec les épisodes suivants, et on peut encore se prendre très facilement au jeu aujourd’hui sans avoir jamais posé les mains dessus à l’époque. Le fait que l’exploration soit systématiquement récompensée par des trésors ou des bonus à débloquer est un plus indéniable. Certes, on aurait aimé un maniement plus fluide, une réalisation un peu moins datée, un scénario un peu mieux pensé, une atmosphère qui fasse un peu plus mouche, mais entre les poursuites en chariot de mine ou les sauts au-dessus de la lave, tout le cahier des charges est rempli avec bonheur, et on en viendra presque à regretter que les élans « laracroftiens » d’Indiana Jones se soient au final limités à deux épisodes. Pour tout dire, on signerait même volontiers pour un nouvel opus, c’est dire.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 16,5/20
Visiblement vexé qu'une vulgaire pilleuse de tombes soit venue braconner sur ses terres, le plus célèbre archéologue du monde sera parti reprendre son dû : Indiana Jones et la Machine Infernale n'est rien d'autre que la réponse de LucasArts au Tomb Raider de Core Design. À ce titre, si le logiciel ne parvient pas tout à fait à se hisser à la hauteur de sa rivale, et en particulier de l'extraordinaire ambiance du premier épisode, force est de reconnaître qu'il se défend malgré tout très bien. Certes, on regrettera un scénario incohérent qui n'a finalement que peu de rapport avec l'univers dont il est tiré, une jouabilité particulièrement raide, quelques ratés artistiques et une poignée de passages inutilement fastidieux, mais le très bon level design additionné au charisme de la licence aide à porter l'aventure avec bonheur pendant dix à quinze heures. Si vous n'avez jamais découvert cette aventure d'Indiana Jones et que vous êtes tombé amoureux de Lara Croft à un moment de votre vie, laissez-vous tenter.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une jouabilité souffrant d'une grande raideur
– Une visée rarement précise dès que l'adversaire est à plus de deux mètres
– Un scénario caricatural et manichéen...
– ...qui s'éloigne d'ailleurs parfois un peu trop de l'univers d'Indiana Jones
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Indiana Jones et la machine infernale sur un écran cathodique :
Version Nintendo 64 Indiana Jones and the Infernal Machine
Développeur : Factor 5 GmbH
Éditeur : LucasArts Entertainment Company LLC
Date de sortie : 15 décembre 2000 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 256Mb Système de sauvegarde par pile Expansion Pak supporté Rumble Pak supporté
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Indiana Jones et la Machine Infernale aura fait l’impasse sur la PlayStation, sans doute en raison de sa sortie tardive en 2000 – une date où la Nintendo 64 n’était d’ailleurs elle-même pas exactement au sommet de sa forme. En fait, non seulement le jeu n’aura été distribué qu’aux États-Unis sur cette plateforme, mais en plus il n’était disponible hors-location… qu’en le commandant directement auprès de LucasArts – ce qui rend cette cartouche particulièrement rare.
Ne vous attendez pas à une image aussi précise sur un téléviseur…
C’est d’autant plus dommage qu’on sent que Factor 5 n’a pas bâclé sa conversion, et parvient à tirer parti des qualités de la machine : graphiquement, la résolution est certes nettement plus basse et les textures moins fines que sur PC (l’Expansion Pak fera à ce titre une énorme différence), mais les ombres y sont bien mieux gérées. Les thèmes musicaux sont également plus nombreux et mieux compressés que sur PC. La jouabilité s’adapte excellemment bien au pad analogique de la Nintendo 64 (Factor 5 est pour l’occasion reparti de zéro en s’inspirant d’Ocarina of Time : pensez à utiliser la touche Z pour replacer la caméra derrière vous), et le jeu sauvegarde automatiquement votre progression au fil des niveaux… mais évidemment, plus question de faire une sauvegarde rapide avant chaque saut ici, et la difficulté est dès lors nettement plus élevée que sur PC. Des passages qui nécessitaient surtout de la patience comme celui du radeau risquent cette fois de vous obliger à recommencer de très nombreuses fois de très longues séquences, alors autant vous faire à l’idée. Dans l’ensemble, on a affaire à une très bonne adaptation qui fait mieux que rivaliser avec la version originale dans bien des domaines – la vraie difficulté restera néanmoins de parvenir à mettre la main dessus… d’autant que, pour ne rien arranger, le jeu est très difficile à émuler. Conseil : essayez Project64 version 3.0.
…Mais le titre se débrouille globalement très bien
NOTE FINALE : 17/20
Indiana Jones and the Infernal Machine sur Nintendo 64 est une excellente surprise, et un jeu qui aurait mérité d’offrir à la console un très bon concurrent à Tomb Raider si seulement il avait été mieux distribué. Le jeu est bien évidemment nettement moins fin que sur PC, et il est devenu plus difficile, mais entre l’éclairage dynamique et la jouabilité améliorée, Factor 5 a fait un superbe travail, et personne ne se sentira lésé en découvrant ce portage. Un jeu qui mérite clairement de figurer dans votre ludothèque… à condition d’en trouver une copie.
Spécificités techniques : Super System Card requise Système de sauvegarde par mémoire interne
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
Le sorcier maléfique qui avait rêvé d’invoquer le Béhémoth – et y était d’ailleurs parvenu – avait à peine été vaincu que déjà naissait la légende de Shadowgate et du héros qui allait devenir le roi Aronde. Son règne devait engendrer la « lignée des rois » et se traduire par une ère de prospérité.
Dans cette optique, le jeune prince Erik fut envoyé à travers le royaume pour parfaire ses connaissances et vivre au contact de ses futurs sujets… mais le jour de son dix-huitième anniversaire, le conseiller personnel de son père, Belezaar, l’informa que le roi venait d’être assassiné. Dévasté, Erik se mit en route pour regagner ses terres natales et rejoindre sa sœur Elizabeth, mais leurs retrouvailles furent de courte durée : à peine débarqué, le prince fut accusé d’avoir commandité la mort de son père et jeté dans les geôles du donjon. C’est pourtant bien à lui qu’il revient à présent de recouvrer sa liberté et de vaincre Belezaar afin de sceller une bonne fois pour toute la légende de Shadowgate…
Shadowgate, nous revoilà !
Six ans se sont écoulés depuis la sortie de ce qui doit rester comme le titre le plus célèbre jamais développé par ICOM Simulations. Alors que le genre du jeu d’aventure est en pleine apogée et connait ce qui restera a posteriori comme son âge d’or, la firme américaine décide d’offrir la suite que tout le monde attendait avec Beyond Shadowgate… sur PC Engine CD.
Le royaume est du genre hostile !
Une grosse surprise, tant le point-and-click était fermement associé aux ordinateurs plus qu’aux consoles, et un choix qui aura certainement valu à cette suite pourtant très attendue de sombrer rapidement dans l’oubli, cantonnée à une machine très marginale sur le marché américain et pratiquement inexistante sur le vieux continent. Une décision qui aura d’ailleurs sans doute participé au fait qu’ICOM Simulations ne publiera plus un seul jeu passé l’année 1993 avant d’être racheté, de changer de nom et finalement de fermer définitivement ses portes en 1998. Sic transit… En attendant, voici l’occasion de se re-pencher sur la suite d’un titre qui avait marqué les esprits, particulièrement sur NES, et de redécouvrir la forteresse qui lui donnait son nom – avec, cette fois, le monde qui s’étend autour.
Autant vous préparer : Beyond Shadowgare est un jeu où l’on marche beaucoup !
Pour ce faire, nouvelle surprise : Beyond Shadowgate prend la forme d’un jeu d’aventure/action. Traduit en clair, si le titre abrite bel et bien les fonctions de base d’un point-and-click, avec les actions sous forme d’icônes désormais résumées à observer, parler et prendre/agir, le prince Erik se contrôle pour sa part directement à la croix directionnelle et un bouton lui permet de s’accroupir tandis que l’autre lui servira… à frapper.
Une vieille amie que vous croiserez souvent
Un mécanisme dont vous risquez d’user assez régulièrement, les ennemis étant fréquents dès les premiers écrans du jeu, ce qui vous laissera l’occasion de réaliser que Beyond Shadowgate est, à l’instar du premier opus, un jeu où l’on meurt beaucoup. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de sauvegarder n’importe où et n’importe quand, et qu’il ne sera cette fois pas nécessaire de collectionner les torches pour espérer mener l’aventure à son terme. La mauvaise, c’est que les combats sont frustrants, sans intérêt, et que les plus difficiles interviennent en large majorité au tout début du jeu – une fonction inutile qu’on aurait autant aimé pouvoir désactiver, surtout que le titre a fort heureusement d’autres choses à offrir.
Parfois, utiliser vos poings vous fera faire des économies
La grande force de Beyond Shadowgate, comme son nom l’indique, c’est précisément de ne pas se cantonner à la célèbre forteresse – qui ne représentera d’ailleurs qu’une poignée d’écrans. Cette fois, c’est tout le royaume qui s’offre à vous : le donjon initial, bien sûr, mais aussi des grottes, des montagnes, des prairies, des forêts, des marécages, des villes, des gens à qui parler…
Parlez à tout le monde et ne négligez aucun conseil
En tout et à vue de nez, sans doute pas loin d’une centaine d’écrans qui risquent de vous garder occupés, le simple fait de parcourir l’univers d’un bout à l’autre en accomplissant tout ce que vous devez y faire vous prenant au grand minimum 1h30 – à condition, bien sûr, de savoir exactement quoi faire. Pour une première partie, attendez-vous à engloutir des heures à parcourir chaque écran, à fouiller partout, à interroger tout le monde… et à faire d’inutiles allées-et-venues, votre héros n’étant pas spécialement rapide et le jeu n’intégrant hélas aucune forme de voyage rapide. Les énigmes sont globalement cohérentes mais parfois franchement tirées par les cheveux, et mieux vaut prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’expérimenter méthodiquement pour avoir une chance de voir la fin. Fort heureusement, il n’y a pas une seule bonne façon de mener l’aventure, et vous n’êtes pas obligé d’avoir ramassé tous les objets ni d’avoir résolu toutes les énigmes pour venir à bout de Belezaar.
Certains écrans sont vraiment superbes
Votre promenade risque heureusement de s’avérer plutôt plaisante, notamment grâce à une réalisation visiblement effectuée à partir d’aquarelles scannées et qui tire magnifiquement parti des capacités graphiques de la PC Engine CD. Même si les artefacts graphiques sont nombreux et que tous les écrans ne sont pas forcément très soignés – on croise souvent des petits artefacts de couleur ou des perspectives ratées – certains décors sont vraiment bluffants, et la grande variété des paysages rencontrés, bien aidée par une réalisation sonore de qualité, aide à se sentir investi dans ce monde qu’on découvre à hauteur d’homme.
En route vers le combat final !
On est à ce titre des kilomètres au-dessus d’un programme comme Lure of the Temptress qui vous limitait pour l’essentiel à un village de quelques écrans : les graphistes d’ICOM Simulations n’ont pas chômé, et le jeu parvient à dégager une atmosphère assez magique qui fait plutôt mouche. On notera également qu’il a le bon goût de ne pas se prendre trop au sérieux (en dépit de quantités de morts très graphiques), avec des séquences très cartoon et même la possibilité de venir à bout du boss final à l’aide d’un jokari…
Oui, on peut même mourir en écoutant une petite vieille commenter son album photo !
Au final, la dernière vraie surprise est surtout que Beyond Shadowgate n’ait pas fait davantage de bruit à sa sortie. Il faut dire que ne paraître qu’aux États-Unis et sur une console qui était clairement la troisième roue du carrosse que formaient SEGA et Nintendo était indubitablement une mauvaise idée – et que le faire en 1993, année où les concurrents se nommaient Day of the Tentacle, Sam & Max ou Simon the Sorcerer, n’aura pas dû aider non plus.
Ramassez tout ce que vous trouvez, votre inventaire est illimité
Ce qui est véritablement dommage, car le titre est doté d’une personnalité propre et d’une atmosphère bien à lui qui le rendent assez unique en son genre, en particulier sur des consoles de salon où le genre du point-and-click n’aura jamais percé. Alors certes, il est parfois fastidieux, parfois limité, parfois injuste, mais il a assurément sa place dans une mémoire vidéoludique qui aura parfois retenu des titres infiniment inférieurs. Si, comme je le suspecte, vous n’en avez jamais entendu parler, alors le temps est peut-être venu de lui laisser une chance.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
NOTE FINALE : 14,5/20
Six ans après Shadowgate, ICOM Simulations prenait tout le monde par surprise en donnant enfin une suite à son titre phare avec Beyond Shadowgate... et en la réservant, en plein âge d'or du point-and-click sur PC, à la PC Engine CD. Le résultat est surprenant autant par la forme – un jeu d'aventure/action en vue de profil avec combats en temps réel – que par son ambition, et force est de reconnaître qu'il évite la plupart des écueils qu'on pouvait craindre pour proposer une aventure dépaysante et enchanteresse quelque part entre Lure of the Temptress (en beaucoup plus grand !) et King's Quest V. En dépit de quelques lenteurs et d'une surface de jeu impressionnante qui risque de vous condamner à consacrer beaucoup de temps à vous déplacer, la magie agit plutôt bien, et on se surprend à redécouvrir un charme un peu oublié qui nous amène à considérer le manque de notoriété du jeu comme une véritable injustice. Si vous aimez explorer et découvrir, laissez-vous surprendre, tentez votre chance, et vous ne le regretterez sans doute pas.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Des combats très limités et extrêmement punitifs qui n'apportent rien
– Quelques énigmes reposant plus sur l'expérimentation que sur la logique...
– ...et d'autres purement grotesques (arrêter un fleuve de lave avec un seau ?)
– Aucune possibilité d'afficher des sous-titres
– Énormément de terrain à couvrir, et pas de voyage rapide
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Beyond Shadowgate sur un écran cathodique :
Chez n’importe quelle société vidéoludique – et le constat était particulièrement vrai dans les années 80 – on n’agit pas toujours de façon purement rationnelle. Qu’il s’agisse de défricher un nouvel Eldorado ou d’avancer ses pions sur un marché porteur, le succès demande souvent de prendre des risques, voire, soyons fous, d’écouter son instinct. Cela aura sans doute participé en partie à la légende de SEGA, entreprise régulièrement apte à prendre le contrepied de ce qu’on attendait d’elle – en bien comme en mal.
Un écran sur lequel vous allez passer beaucoup de temps
De la collaboration avec Michael Jackson au lancement raté d’à peu près toutes ses consoles, la firme au hérisson aura parfois côtoyé l’improbable. Exemple avec le dessin animé japonais Zillion, diffusé au Japon à partir du 12 avril 1987, et sur lequel SEGA avait jeté son dévolu si vite qu’il en avait déjà tiré un logiciel alors que la série n’avait encore diffusé que quelques épisodes ! Un coup de foudre à double-sens : le contrat passé entre SEGA et Tatsunoko Production autorisait la firme à l’origine de la Master System à s’inspirer du design des armes de la série pour créer le Light Phaser, tandis qu’Opa-Opa, héros de Fantasy Zone, apparaitrait dans le dessin animé. Pas moins de deux jeux furent ainsi tirés de la série et commercialisés la même année… avant que SEGA ne change d’idée, l’anime ne rencontrant pas le succès escompté. Qu’importe : en 1987, alors que la console 8 bits de SEGA connaissait ses débuts en Europe, le monde entier aura pu découvrir ce fameux premier titre adapté du dessin animé éponyme : Zillion.
Zillion, une histoire d’exploration
Vous voici donc en 2387, débarquant sur une mystérieuse planète X pour déjouer les plans des Norsa (Nohza en japonais), race extraterrestre belliqueuse de la série. Vous, c’est J. J., héros du dessin animé et agent des White Knights (White Nuts), dont la mission ne va pour une fois pas se réduire à tuer tout le monde.
Vos compagnons auront pour principal mérite de vous offrir deux jauges de vie supplémentaires
En fait, vous allez même avoir du pain sur la planche : il vous faudra mettre la main sur cinq disques de données, faire sauter la base grâce à l’ordinateur central, parvenir à en ressortir avant la fin du compte à rebours, et tant qu’à faire libérer vos deux compagnons Apple et Champ qui ont bien évidemment trouvé le moyen de se faire capturer avant même que vous ne mettiez un pied au sol. Une mission ambitieuse, tout comme le jeu, qui risque d’ailleurs de vous tenir occupé au minimum plusieurs heures. Autant vous prévenir : prévoyez du papier, un crayon et de quoi faire une carte, car vous allez en avoir besoin. Et prenez d’ailleurs le temps de noter les codes indiqués en début de partie : comme vous allez vite le découvrir, rentrer des codes risque de représenter une large partie de votre activité…
Augmenter le niveau de votre arme fera office de clef pour ouvrir davantage de containers
De fait, après une très courte promenade à la surface de la planète, vous pénètrerez dans la fameuse base via un ascenseur. Une fois à l’intérieur, vous découvrirez un premier embranchement annonçant la structure semi-ouverte du jeu qui va vous encourager à explorer – et à cartographier – méticuleusement les lieux. Après une enfilade de couloirs, vous arriverez fatalement dans une des pièces qui constituent le cœur du programme. À l’intérieur : des containers, parfois des pièges et des ennemis, et sempiternellement un ordinateur avec un clavier composé de symboles étranges.
Le combat final est très loin de celui contre Mother Brain
Le principe est simple : les containers contiendront toujours quatre symboles qu’il vous faudra entrer dans l’ordinateur, dans l’ordre où vous les aurez découverts, pour débloquer un passage. Là où les choses se compliquent, c’est qu’entrer un code vous demandera de posséder un passe, qui sera « dépensé » si vous en faites n’importe quel autre usage que d’ouvrir ce fameux accès. Il vous faudra donc apprendre à faire des réserves pour les écrans où vous pourriez avoir un besoin vital d’employer plusieurs codes : par exemple, un pour désactiver les champs de force, un autre pour stopper les tapis roulants, un troisième pour désactiver les armes automatiques… Épuisez vos stocks, et vous serez condamné à retourner à votre vaisseau, qui vous autorisera également à vous soigner. Mais bien évidemment, plus vous avancerez dans la base, et plus effectuer des allers-et-retours se montrera fastidieux, mieux vaudra donc vous montrer méthodique pour éviter de perdre davantage de temps que celui d’un run « parfait », qui vous prendra déjà au minimum 1h30. Sans sauvegarde ni mot de passe. Voilà pour le gros problème.
Des bonus alléchants, mais si vous tombez, vous devrez vous téléporter très loin en arrière
Le truc, c’est qu’il va bien évidemment falloir apprendre à mettre son nez partout, et surtout à bien se souvenir des endroits où on n’aura pas pu tout ramasser, comme dans n’importe quel Metroidvania.
Profitez bien de l’extérieur, parce que vous n’êtes pas prêt de le revoir…
En effet, il existe plusieurs niveaux de containers, les plus avancés n’étant destructibles qu’en augmentant votre puissance de feu. Il vous faudra également dénicher des lunettes dévoilant les rayons lasers qui provoquent les alarmes, des bonus « Opa-Opa » qui augmentent votre niveau et par extension votre total de points de vie, sans oublier les fameuses disquettes et vos deux compagnons – autant dire qu’apprendre à connaître cette base va devenir une seconde nature, et que cela prendra toujours un temps infini, car les codes changent à chaque fois qu’on rentre dans une pièce ! Vous en viendrez donc à développer vos propres moyens mnémotechniques pour retenir les fameux symboles, ceux-ci étant bien plus complexes à utiliser que de bêtes lettres qui auraient pu remplir beaucoup plus efficacement la même fonction. Mais autant vous y préparer car, que cela vous plaise ou non, l’essence du jeu est là.
Le jeu comporte également son lot de passages secrets et de bonus cachés
Chaque pièce va ainsi rapidement représenter son propre mini-casse-tête qui vous demandera de réfléchir à ce que vous êtes prêt à sacrifier, entre votre santé et vos précieuses cartes, pour la franchir en subissant le moins de dégâts possible. En parallèle, vous tiendrez un plan précis de la base, histoire de noter les indispensables raccourcis qui vous aideront à sauver votre peau lors de la fuite finale évoquant, une nouvelle fois, celle de Metroid. Pour le reste, le titre va à l’essentiel : il n’y a, en-dehors du boss final, qu’un seul type d’ennemi décliné en quatre modèles, et qui va rapidement se montrer de plus en plus délicat à affronter sans casse, surtout si vous n’avez pas eu l’occasion d’augmenter votre puissance de feu.
Libérez un de vos amis !
L’exploration, la réflexion et la méthode sont les principaux leviers d’un logiciel qui ne cherche pour ainsi dire jamais à dévier de ce qu’il instaure : on « résout » une pièce, on passe à la suivante et ainsi de suite en essayant d’aller le plus loin possible et en s’efforçant d’optimiser le trajet pour les éventuelles parties suivantes. Autant dire que la magie peut se briser assez vite, surtout si le fait d’entrer un code ne représente pas à vos yeux un mécanisme ludique avéré. Pourtant, en dépit de l’aspect intrinsèquement répétitif de la chose, on peut ressentir une forme de fascination à l’idée de pousser les recherches un peu plus loin et d’accéder enfin à ce maudit ordinateur central, quitte à tout perdre pour avoir trop trainassé dans la dernière ligne droite. Les fans d’action ne seront clairement pas aux anges à ce niveau – surtout que le gameplay reste fondamentalement limité dans sa dimension tir/plateforme – mais pour les rôlistes, les aventuriers et les joueurs qui aiment se laisser embarquer dans des quêtes improbables jusqu’à une heure avancée de la nuit, le charme a déjà nettement plus de chances d’agir. Ce sera clairement une expérience à mener sur la durée – n’espérez donc même pas l’entreprendre si vous avez tendance à passer à autre chose au bout de dix minutes. Mais si vous commencez à vous prendre au jeu, alors vous pourriez bien, à votre tour, concevoir une sorte de relation privilégiée avec cette base et ses occupants. Une expérience avec ses limites et ses frustrations, mais qui peut valoir le détour.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 14/20
Tiré d'un anime que pratiquement personne ne connait hors du Japon, Zillion est un titre à la fois original, extrêmement ambitieux, fatalement embelli par les souvenirs et plus clivant qu'on ne le pense. Derrière un mécanisme d'exploration poussé qui fera immédiatement penser à Metroid, le logiciel use et abuse de la reproduction ad nauseam du même sempiternel procédé : détruire des containers, entrer un code, et recommencer dans la pièce suivante. Si le principe a de quoi vous garder occupé un bon moment dès l'instant où vous accrochez, le fait est qu'il peut également se révéler atrocement répétitif, la faute à un manque de variété dans les environnements traversés comme dans l'opposition rencontrée, et l'obligation de boucler la longue aventure en une seule fois n'arrange rien. Malgré tout, Zillion conserve inexplicablement un charme et une identité qui n'appartiennent qu'à lui et qui font qu'on se surprend encore à y engloutir du temps, curieux de venir à bout de cette fameuse base qu'on apprend à connaître comme sa poche. Un titre avec ses limites, mais suffisamment à part pour qu'il vaille la peine d'être (re)découvert.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Quelques mécanismes un peu obscurs lors des premières parties
– Le système de code par symboles, rapidement répétitif
– Une partie très longue à boucler sans sauvegarde ni mot de passe
– Beaucoup d'allers-et-retours
– Des sauts très rigides
– Obligation de prendre des notes
– Des alliés qui interviennent très tard dans l'aventure et qui ne servent pas à grand chose
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Zillion sur un écran cathodique :
Développeurs : Office I – SEGA AM7 R&D Division Éditeur : Data East USA, Inc. Titre original :Switch (Japon) Testé sur :SEGA CD Disponible sur : PlayStation 2
Version SEGA CD
Date de sortie : 23 avril 1993 (Japon) – 1993 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, Sega Mouse
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :
L’un des plus grands actes de la semi-tragédie qu’aura été le Mega-CD aura été avant tout de limiter la coûteuse extension à un « simple » lecteur CD-ROM. Certes, le support était encore suffisamment neuf, à l’époque, et suffisamment riche en promesses, pour qu’on se focalise principalement sur lui – particulièrement du côté du profane, pour qui les caractéristiques techniques de telle ou telle machine ne signifiaient souvent pas grand chose.
Les boutons : la base du concept vidéoludique. Mais vraiment la base.
Mais cela revenait à oublier que le périphérique intégrait également un processeur supplémentaire, de la RAM et des banques d’effets pour les sprites – de quoi doper efficacement une Mega Drive qui était déjà capable d’accomplir des merveilles sans aller puiser dans cette manne. Malheureusement, du côté des développeurs, on n’a bien souvent pas cherché à aller creuser au-delà du CD-ROM, et pour remplir l’imposante galette, la réponse fut trop souvent la même : la « FMV », aussi appelée « tiens, encore un titre composé à 90% de vidéos mal compressées ». Il n’y aura fort heureusement pas eu que des pseudo-films interactifs sur Mega-CD, mais il y en aura eu suffisamment pour qu’on tende à oublier les logiciels qui les entouraient. Et puis parfois, on extirpe de la masse un titre qui repose lui aussi sur la vidéo, mais qui ne ressemble tellement à rien d’autre qu’on se demande ce qu’on vient de dénicher, au juste. Une définition correspondant parfaitement à un OVNI comme Panic!.
Chez SEGA, il n’y avait que du carrelage : toute la moquette avait été fumée depuis longtemps
21st Century Schizoid Man
Stupeur et chaos : tous les appareils électriques du monde ont été contaminés par un mystérieux virus. Ne commencez pas à soulever des failles logiques dans cette situation de départ, vous allez très rapidement comprendre qu’on s’en fout.
Pour ceux qui tiendraient à tout voir, le jeu garde une trace de votre progression
La seule chose importante, c’est qu’alors que tout part en vrille, un jeune garçon malicieusement appelé Slap (pour « Slap the boy », qu’on pourrait donc traduire par « giflez le garçon », c’est important pour bien situer l’humour du titre) se retrouve aux commandes d’un nouveau logiciel qui devrait lui offrir les capacités de faire rentrer les choses dans l’ordre. Pourquoi ? Comment ? Ce n’est pas le sujet, et si vous n’avez toujours pas cerné la tonalité générale du titre, je vous conseille d’aller jeter un œil à la vidéo de l’introduction. Dépaysant, non ? De fait, ce scénario volontairement grotesque ne constituera rien de plus qu’un prétexte comme un autre pour vous placer devant ce qui sera l’essence du gameplay du jeu : appuyer sur des boutons au pif. Et non, ce n’est pas une blague.
Beaucoup de saynètes ne sont rien de plus que des animations ne racontant rien de précis
Le jeu ô combien improbable imaginé par Office I et par un des studios R&D de SEGA est assez… délicat à résumer. Disons donc que le jeune garçon que vous allez accompagner pendant tout le jeu, un gamin pas plus dégourdi que la moyenne, va passer son temps à se retrouver propulsé, sans rime ni raison, d’une situation à une autre : devant un ascenseur, face à sa maison, ou bien dans un musée ou sous une soucoupe volante ; ne cherchez pas de logique, il n’y en a pas et il n’y a pas besoin d’en avoir.
Oui, c’est bien un danseur mahori avec un bras mécanique
Une seule interface s’offrira à lui (et par extension à vous) : une télécommande avec des boutons ne vous délivrant jamais le moindre indice quant à leur fonction. Pressez-en un, et deux possibilités s’ensuivront : soit vous serez téléporté vers une autre scène (le jeu en compte plus d’une centaine), soit vous assisterez à une petite saynète bizarre et/ou humoristique avant d’être invité à retourner appuyer sur un autre bouton. Voilà pour le concept. Il n’y a pas de game over, il n’est pas possible de « perdre », et on peut de toute façon sauvegarder à n’importe quel moment via la touche Start – ce qui sera également le moyen de voir l’avancée de votre progression, découvrir tout le contenu du jeu semblant être le seul réel objectif du programme.
Le bizarre est également présent à fortes doses
Face à une approche aussi déstabilisante – on peut à peine parler de « jeu », puisque le « joueur » ne fait pour ainsi dire strictement rien d’autre que d’opérer un choix sans rien pouvoir anticiper de ses résultats – on se doute que l’intérêt du logiciel réside quasi-exclusivement dans sa capacité à vous fasciner ou à vous surprendre par le biais de ce qu’il a à vous montrer.
Ohohoh.
Et c’est là que la formule dévoile la nature de son pari ; chaque action entraîne une petite animation de quelques secondes que je classerai personnellement en quatre catégories : les scènes non-drôles où il se passe un truc absolument sans intérêt, les délires « à la Terry Gilliam période Monty Python » avec des collages absurdes et totalement décalés, des happenings sortis de nulle part qui ont de fortes chances de laisser très perplexe, et de l’humour pipi-caca. Ne cherchez pas un élément qui fasse avancer l’intrigue : ce soir, c’est décidé pour vous, on se risque sur le bizarre.
S’agirait-il d’un message caché ?
Si jamais tout cela vous parait encore un peu obscur (et ça se comprend), imaginez-vous en train d’apparaître devant les essais du projet Manhattan. Appuyez sur un bouton, et le champignon atomique sera remplacé par… un vrai champignon (oh oh). Essayez-en un autre, et ce qui apparaîtra sera cette fois une paire de fesse géante lâchant un pet cataclysmique (ah ah).
Le game design du jeu, allégorie
Parfois, des personnages apparaîtront à l’écran pour vous servir des discours complètement barrés (en anglais, œuf corse). En fait, la seule référence ludique qui me vienne à l’esprit quant à l’esprit et à l’humour du jeu serait un titre paru dix ans plus tard : Wario Ware, à la différence prêt que celui-ci avait bel et bien un jeu à offrir derrière son univers déjanté. Ici, la vraie question est surtout de savoir si l’on est véritablement autre chose qu’un spectateur face à une visionneuse de gags pas drôles – question encore compliquée par le fait que le degré d’appréciation de ce qui se passe à l’écran est éminemment subjectif, et qu’on peut autant imaginer passer une soirée alcoolisé à le découvrir avec des amis qu’une sorte de détestation épidermique en s’y essayant seul. Attribuer une note au logiciel est à ce titre un acte de foi : qu’évalue-t-on au juste, ici ? L’amusement ? Mais alors à destination de quel public ?
« Mon jeu est vivant ! »
Il existe un indéniable effet de curiosité qui, en fonction de votre patience et de votre capacité d’adhésion à l’humour du jeu, pourra s’étendre de quelques minutes à plusieurs heures. Mais soyons bien clair : une fois cette curiosité éteinte, le titre n’a strictement plus rien à offrir à un quelconque niveau. Et pourtant, on se dit que ce n’est finalement pas pire qu’une partie d’Inca II… Alors à vous de voir jusqu’à quel point vous serez prêt à suivre « Slap the boy » dans sa trajectoire bizarre : c’est étrange, c’est dérangeant, c’est parfois vaguement captivant… mais c’est surtout atrocement passif. Quel étrange programme.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 10/20
Autant trancher la question tout de suite : Panic! est à peine un jeu. Quelque part entre le concept improbable et le happening déstabilisant, le titre sorti des laboratoires de SEGA vous place avant toute chose dans le rôle du spectateur et de rien d'autre, sauf à considérer qu'il y ait une forme d'adresse ou de réflexion sous-jacentes dans le fait d'appuyer sur un bouton au hasard et d'en observer les conséquences. L'expérience qui en résulte dépendra grandement de vos attentes et de votre état d'esprit, et pourra louvoyer entre l'extrême perplexité et la fascination coupable, l'ennui consterné et le sourire poli, ou encore le malaise et l'indifférence. Logiciel clivant totalement inclassable et pratiquement impossible à noter, Panic! demeure avant toute chose une curiosité qui vous apprendra que le Mega-CD peut encore vous surprendre, mais quant à savoir s'il peut réellement être beaucoup plus que ça, disons que la question mériterait de faire l'objet d'un débat théologique.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un gameplay qui se limite à appuyer sur des boutons au hasard
– Passé l'effet de surprise, on s'ennuie ferme
– Un humour qui alterne entre le cryptique, le non-drôle et le pipi-caca
Version testée : Version disquette testée sur System 7.5
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 6.0.7 – RAM : 2Mo (4Mo sous Sytem 7.0 et ultérieur)
Les quêtes les plus universelles sont souvent les plus simples. On tend à l’oublier à l’ère de la culture du twist, du scénario déconstruit et du retournement de situation imprévisible, mais parfois, savoir où l’on va et comment se déroulera le trajet est plus efficace que tous les détours du monde. Dans le monde de l’enfance, on tend à se moquer d’être constamment le même chevalier à la recherche de la sempiternelle princesse : l’important, c’est le voyage.
L’interface, intégrée directement à l’OS, est très ergonomique
Et puisqu’un de nos plaisirs secrets semble être de voir le destin nous choisir pour sauver le monde, le royaume ou notre amour chevaleresque, comment ne pas repenser à ces périodes bénies où l’imagination était notre seule limite ? Face à nous, la porte d’une forteresse nécessairement imprenable où un sinistre sorcier ourdit son complot pour lâcher sur le monde un monstre maléfique, le terrible Béhémoth. Et comme dernier espoir de l’humanité, notre auguste personne, téléportée sur place par le magicien Lakmir pour accomplir ce dont personne ne parait capable : surmonter tous les pièges mortels de l’endroit et parvenir à vaincre le fléau qui nous menace tous. Le cœur s’accélère, l’adrénaline afflue, les poils se dressent : on prépare de quoi prendre des notes et on se lance à l’assaut d’une expédition qui ne nous laissera pas indemne : bienvenue à l’intérieur de Shadowgate.
Le jeu multiplie les références obligées, mais vous prendre pour Gandalf ne vous servira à rien ici
En 1987, le genre de l’aventure graphique était un domaine en pleine mutation, déjà bousculé par les premiers coups de boutoir de ce qu’on n’appelait pas encore le point-and-click – et pour cause, même la souris n’était pas encore un périphérique indispensable sur tous les ordinateurs. Si la série des King’s Quest était alors en pleine bourre, avec déjà trois épisodes au compteur, Lucasfilm Games n’avait même entamé sa relation privilégiée avec le genre (Zak McKracken ne verrait le jour que l’année suivante), et les titres marquants s’appelaient encore Deja Vu ou Uninvented – qui étaient justement les deux précédents jeux d’ICOM simulation.
Pensez à faire le ménage dans votre inventaire : la plupart des objets ne servent qu’une seule fois
Mais après avoir donné dans l’enquête puis dans l’aventure horrifique, le studio américain décida cette fois d’opter pour la quête médiévale-fantastique dans ce qui restera sans doute comme leur titre le plus célèbre. Et voilà comment, sans indice ni indication, le jeu s’ouvre abruptement après un bref écran-titre pour vous décrire la situation en quelques lignes et vous abandonner devant une porte fermée avec pour seule possession une torche allumée. Mine de rien, l’absence de grande cinématique ou de scène dramatique contribue également, à sa façon, à l’ambiance du jeu : on se sent aussi perdu que notre héros et, faute de contexte, la simple idée de faire demi-tour ne nous effleure même pas. Ainsi débute une visite qui risque de s’avérer de nombreuses fois fatale…
Vous allez vite apprendre à vous méfier de tout, y compris des jolies femmes en détresse
Shadowgate se présente via une interface entièrement à la souris qui était encore, comme on l’a vu, loin d’être une évidence en 1987, mais qui prenait tout son sens sur Macintosh. Toutes les informations sont présentes à l’écran en toute circonstance : une fenêtre à gauche présentera le contenu (limité) de votre inventaire, un écran sur la droite présentera les directions qui s’offrent à vous ainsi que l’occasion d’utiliser un objet sur vous-même via une zone poétiquement intitulée « thyself », la fenêtre de jeu est au milieu surplombée par des verbes de commande.
Voilà pour le cyclope, mais je ferais mieux de m’assurer qu’il a bien eu son compte
Qu’on le réalise ou non, on se retrouve ici face à une ergonomie très moderne et surtout très supérieure à la ligne de commande qui faisait encore office de règle dans le genre : Même le joueur n’ayant jamais approché une aventure graphique des années 80 de toute sa vie devrait ici trouver ses marques en quelques secondes à peine. Saisir un objet ou le déposer est également simplissime : un bête cliquer-glisser vous permettra d’empocher ou de déplacer à peu près n’importe quoi à l’écran, et n’importe quelle commande vous demandera de cibler directement à l’intérieur de la zone de jeu, ce qui signifie qu’il ne faudra pas hésiter à scruter le moindre pixel à la recherche d’une pierre mal scellée, d’un interrupteur secret ou d’un relief suspect sous un tapis. Autant dire qu’on se sent tout de suite à l’aise, et qu’on ne met que quelques instant à affronter la première difficulté du jeu, avec une porte verrouillée et aucune clef en vue. L’occasion d’assimiler la philosophie du titre, qui devrait rappeler des souvenirs à tous les joueurs ayant disserté pendant des heures de la meilleur façon de surmonter un obstacle lors d’une soirée jeu de rôles : réfléchir, expérimenter et regarder ce qui se passe.
Un écran que vous risquez de voir souvent…
La première leçon ne devrait pas tarder à vous arriver sous la forme du visage de la Faucheuse en personne accompagné d’un message de game over : Shadowgate est un endroit dangereux où on peut trouver la mort à pratiquement chaque écran. Ennemis, pièges, guet-apens, ponts trop fragiles pour supporter votre poids : tout y passe, et vous allez vite apprendre à sauvegarder très régulièrement et sous plusieurs noms. Un autre facteur viendra en effet compliquer la donne : que votre torche s’éteigne, et votre partie est finie.
Ouais… Le pont de droite, je le sens pas trop…
Sachant que le seul moyen d’allumer une torche est de trouver une flamme – et que la seule à votre disposition est généralement… la torche allumée que vous avez en main – vous allez vite devoir apprendre à faire des réserves sans pour autant encombrer votre inventaire, à ne pas abandonner vos torches n’importe où, et surtout à vous montrer très réactif au cas où la lumière commencerait à vaciller, faute de quoi… Bien évidemment, cela signifie aussi qu’on peut se retrouver condamné dans une partie très avancée faute de torches à disposition : préparez-vous donc à recommencer la partie depuis le début plusieurs fois, et tâchez de prendre des notes pour ne pas découvrir bêtement que vous avez totalement oublié comment franchir une épreuve vaincue quelques heures plus tôt…
Six sarcophages : prenez vos précautions avant de chercher à les ouvrir…
Cet aspect « épée de Damoclès » est d’ailleurs le principal tort d’un logiciel qu’on aurait bien aimé pouvoir parcourir à notre rythme, car la forteresse que l’on visite s’étend sur des dizaines d’écrans, et venir à bout du jeu sera une entreprise de longue haleine où on peut se retrouver bloqué pendant un bon moment face à l’éventail colossal de possibilités qui s’offre à nous. Les choses sont certes devenues un peu plus simples à l’âge d’internet et des solutions à la demande, mais je peux vous garantir que si vous choisissez d’affronter le jeu « à l’ancienne », alors vous pouvez réserver quelques semaines, voire quelques mois, avant d’espérer régler leur compte au Béhémoth et à son créateur.
Même le Sphynx est mobilisé contre moi !
Cela demandera surtout d’accepter des mécanismes qui reposent quasi-exclusivement sur l’expérimentation, quitte à tomber sur des situations franchement tirées par les cheveux : vous penseriez, vous, à adresser la parole à un rouleau de corde pour lui réciter un mot inscrit à proximité ? C’est surtout dans cette dimension que le titre a vieilli, plus que dans sa réalisation certes monochrome mais collant parfaitement à l’ambiance « seul dans le noir » qui est celle du jeu – on appréciera d’ailleurs la présence de bruitages digitalisés dont certains sauront vous faire sursauter au bon moment en se faisant brusquement entendre au milieu d’une longue phase de silence. Dans son aspect « aventure à la première personne », le logiciel sait se montrer immersif et peut encore facilement vous agripper aujourd’hui, surtout si vous êtes du genre à aimer aller au bout d’une expédition. Découvrez-le, et vous pourriez bien, à votre tour, vous bâtir des souvenirs pour les années à venir…
Vidéo – Dix minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13/20
Véritable héritier des fameux Livres dont Vous Êtes le Héros, Shadowgate est une aventure à l'ancienne très efficace, reposant sur des mécanismes éprouvés basés sur l'exploration méthodique et sur l'expérimentation convulsive de toutes les possibilités. Grâce à une interface très bien pensée et à une prise en main rapide, on renoue rapidement avec l'aspect quasi-hypnotique des jeux d'énigmes, étudiant chaque pouce de chaque écran pour y dénicher un passage secret, un levier dissimulé ou une pierre mal scellée. Et ça marche ! La mort a beau être présente à chaque tournant, la possibilité de sauvegarder n'importe quand permet au titre de n'être pas inutilement punitif, et on peut littéralement passer des semaines, sinon des mois, à tenter de percer le secret de Shadowgate et d'empêcher l'arrivée du Béhémoth. Si jamais vous cherchez à comprendre sur quel genre de logiciel on pouvait engloutir de longues soirées en jubilant à chaque découverte avant de trépigner à chaque nouvelle impasse, vous en trouverez ici un excellent représentant. Classique, mais très efficace.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– La pression constante du temps avec ces maudites torches, pas franchement nécessaire dans un jeu où on meurt déjà beaucoup – Prime à l'essai/erreur plus qu'à la logique – Quelques énigmes franchement fumeuses (parler à une corde ?!) – L'inventaire limité dans un jeu où on n'a aucun moyen de savoir quel objet va être utile
Version Amiga
Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Mindscape, Inc.
Date de sortie : 19 novembre 1987
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
D’accord, il y a plus de couleurs, mais on ne va pas dire que cela suffit à rendre les graphismes bluffants
Shadowgate ne se sera naturellement pas limité au Macintosh : le succès critique aidant, le jeu aura rapidement migré vers un autre système parfaitement adapté pour l’accueillir : l’Amiga. « Parfaitement adapté » car, de la même manière que l’interface du jeu était directement intégrée à l’OS du Mac, elle accomplit cette fois exactement la même chose avec le Workbench. Sans surprise, la principale – pour ne pas dire seule – nouveauté de cette version prend la forme de la couleur : ça change un peu du monochrome, mais les graphismes sont également moins fins, et on sent très bien qu’on a affaire ici à un jeu publié aux tout débuts de l’Amiga : non seulement ça n’est clairement pas plus impressionnant que ce que pouvait afficher un Atari ST, mais on est surtout à des kilomètres de titres comme Defender of the Crown. Savoir quelle version a le plus de cachet est avant tout une question de goût, mais je dois avouer une légère préférence pour la version Macintosh. Pour le reste, l’interface est toujours aussi efficace, les bruitages digitalisés sont toujours de la partie, et il m’a même semblé en entendre quelques nouveaux, ainsi qu’une marche funèbre lors de l’écran de game over. À ces détails près, le jeu est exactement identique à ce qu’il était sur Macintosh.
Le jeu a toujours autant de charme, malgré tout
NOTE FINALE : 13/20
Shadowgate sur Amiga effectue à peu près le parcours auquel on pouvait s’attendre, en gagnant en couleurs tout en perdant en finesse. L’interface, cette fois intégrée au Workbench, est toujours aussi efficace, et on parcourra le jeu avec le même plaisir que sur la machine d’Apple.
Version Atari ST
Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Mindscape, Inc.
Date de sortie : Février 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko Installation sur disque dur supportée
Tout fonctionne toujours aussi bien, et on ne s’en plaindra pas
Après l’Amiga, suite logique : Shadowgate débarque sur Atari ST. Aucune surprise au menu : le jeu est cette fois intégré au GEM, et il présente des caractéristiques très similaires à celles de la version Amiga, au détail près que la disposition de la fenêtre de jeu est cette fois plus fidèle à celle de la version Macintosh. Les bruitages digitalisés sont toujours de la partie, tout comme le thème musical joué au moment de la mort ; bref, on trouve exactement ce qu’on était venu chercher et on ne s’en plaindra pas.
NOTE FINALE : 13/20
Shadowgate sur Atari ST s’inscrit dans la droite lignée de la version Amiga, avec des graphismes en couleurs mais moins fins que sur Macintosh. Tout le reste étant exactement à la place où on l’avait laissé, aucune raison de bouder cette version.
Version PC (DOS)
Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Mindscape, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue :Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
D’accord, il faut aimer le cyan et le magenta, mais l’ambiance très sombre colle assez bien au jeu
Première colle avec la version PC de Shadowgate : cette fois, pas d’interface utilisateur standard sur la machine d’IBM. Les ordinateurs de la marque Amstrad embarquaient bien leur propre version du GEM, mais pour tout le reste, il fallait compter sur le MS-DOS et sur rien d’autre, on se doutait bien que Mindscape n’allait pas distribuer une version du jeu à l’usage exclusif des ordinateurs Amstrad. Inutile de revenir sur la machine qu’était le PC en 1988 : on ne s’attend pas à des étincelles… et on doit bien admettre que le travail a malgré tout été fait correctement. Certes, CGA oblige, il n’y a que 4 couleurs (et aucune gestion du mode composite), mais le jeu de base était de toute façon monochrome, alors le résultat n’est pas choquant. On notera d’ailleurs que la disposition choisie est celle de la version Amiga et pas celle des versions Atari et Macintosh, les mystères des portages… Bonne surprise, en revanche, non seulement le jeu gère la souris (qui était encore loin d’être un périphérique évident sur PC à l’époque), mais les bruitages digitalisés sont toujours de la partie, et leur qualité est restée aussi bonne que dans les autres versions ! Le thème mortuaire, lui, doit se contenter du haut-parleur interne, mais on s’en remettra. Bref, c’est peut-être très légèrement inférieur aux autres versions, mais cela reste très correct. Dommage malgré tout que le titre n’ait pas cherché à profiter de l’EGA et surtout de la haute résolution que celui-ci offrait.
Le même jeu aurait sans doute été très facile à porter vers l’EGA, mais tant pis
NOTE FINALE : 13/20
Portage sérieux pour ce Shadowgate sur PC, qui ne peut certes profiter ni de la palette étendue du ST ou de l’Amiga, ni de la finesse de la résolution du Macintosh, mais qui offre une version appliquée et tout aussi jouable que les autres. Dommage que l’EGA ne soit pas géré.
Version Apple IIgs
Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Mindscape, Inc.
Date de sortie : Novembre 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : –
Je vous laisse remonter pour comparer avec la version ST
Shadowgate aura fait l’impasse sur tous les ordinateurs 8 bits, mais l’Apple IIgs, lui, aura eu le droit à sa version du jeu. Une nouvelle fois, le bilan va être vite dressé : on se retrouve face à une version extrêmement proche de celle parue sur Atari ST. Les bruitages comme la musique sont toujours là, avec quelques bonus subtils (le jeu joue un court extrait d’une chanson de Jethro Tull si vous jouez de la flute), mais pour l’essentiel, c’est toujours très exactement le même jeu. Aucune surprise, donc.
NOTE FINALE : 13/20
Shadowgate n’aura décidément pris aucun risque en passant d’un ordinateur à l’autre, et cette version Apple IIgs est très exactement dans les clous de toutes celles qui l’ont précédée. Ni plus, ni moins.
Version NES
Développeur : Kotobuki System Co., Ltd.
Éditeur : Kotobuki System Co., Ltd.
Date de sortie : 31 mars 1989 (Japon) – Décembre 1989 (États-Unis) – 30 mai 1991 (Europe) – 11 juillet 1991 (France) – 3 janvier 1992 (Allemagne)
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb Système de sauvegarde par pile
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Signe du succès rencontré par Shadowgate – et de l’ambition qui en aura découlé – le titre aura tenté sa chance sur la très populaire NES. Et non seulement le jeu aura tracé sa route jusqu’en Europe, ce qui n’était pas gagné d’avance (bien qu’ICOM Simulations soit crédité au développement, le jeu a été développé au Japon), mais il aura même été localisé en allemand, en suédois… et surtout en français, chose assez rare pour être signalée – même les licences majeures comme Zelda n’avaient pas connu cet honneur sur NES ! Le jeu intègre en plus une puce de sauvegarde qui vous évitera de composer avec un système de mot de passe qui aurait probablement été imbuvable. Bref, ce qu’on appelle de bonnes bases.
Vous n’aurez plus besoin de faire de la place dans votre inventaire
Le jeu en lui-même suit fidèlement le déroulement de la version Macintosh, avec quelques adaptations mineures. Pour résumer, on pourra dire que le niveau de difficulté est devenu plus abordable ici : la gestion des torches est nettement moins problématique, l’inventaire n’est plus limité en taille, les sortilèges ne sont plus à usage unique… On meurt toujours beaucoup, mais il n’est plus possible dorénavant de se retrouver bloqué pour avoir employé un objet au mauvais endroit, ce qui est plutôt une bonne chose. L’interface met à contribution le pad de la même manière que la souris était employée dans les autres versions, et on trouve assez rapidement ses marques. Graphiquement, le jeu n’a pas franchement à rougir de la comparaison avec les versions informatiques (même si je continue de trouver que l’itération Mac avait plus de charme), mais il profite surtout de thèmes musicaux pour accompagner la partie dorénavant, ce qui est appréciable car la plupart des bruitages, eux, ont disparu. On se retrouve donc avec une version plus abordable du jeu qui a d’autant plus marqué les joueurs de l’époque que le titre était assez unique en son genre au sein de la ludothèque de la NES où les aventures graphiques n’étaient pas exactement légion. Aujourd’hui encore, ce portage a un charme certain – en particulier si vous ne parlez pas anglais, la VF faisant ici le travail sans génie mais sans bourde majeure. Une très bonne alternative.
La réalisation est au moins aussi efficace que sur les ordinateurs 16 bits
NOTE FINALE : 13,5/20
En s’adaptant intelligemment à la NES, Shadowgate aura également eu l’idée de se débarrasser de certains mécanismes inutilement frustrants. Cela est clairement à verser au crédit de cette version qui est également la seule à avoir bénéficié d’une localisation en français. Si les puristes préfèreront sans doute rester sur Mac et jouer avec une souris, tous les autres passeront a priori un meilleur moment sur ce très bon portage.
Version PC (Windows 3.1)
Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Viacom New Media
Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette testée sous Windows 3.1
Pas de problème, c’est plus joli, mais du coup on aurait apprécié une fenêtre de jeu plus grande
L’histoire de l’édition vidéoludique est souvent faite de curieuses décisions. En 1993, si le jeu d’aventure était un genre qui se portait très bien – on pourrait même parler d’un véritable âge d’or, l’année ayant accueilli des titres comme Day of the Tentacle, Hand of Fate ou encore Simon the Sorcerer ou Sam & Max – l’aventure graphique, elle, était largement passée de mode au profit du point-and-click. On pourra donc être surpris de voir Shadowgate revenir faire une incursion sur Windows 3.1 – peut-être pour faire un peu de promo à Beyond Shadowgate, sorti la même année, certes, mais sur une autre plateforme.
C’est plus fin et bien plus détaillé, mais l’interface de Windows casse un peu l’immersion
Cela pourrait presque paraître logique, au fond, tant l’environnement créé par Microsoft se prêtait à la perfection à un portage d’un jeu qui tirait parti de l’OS du Mac : On retrouve d’ailleurs exactement la même disposition que sur la machine d’Apple. Bonne nouvelle : le jeu est désormais en 640×480 et en 256 couleurs, et tous les écrans ont été redessinés, ce qui fait sans débat de cette version la plus belle de toutes. Les bruitages sont toujours de la partie et les rares thèmes musicaux sont de bien meilleure qualité qu’auparavant. En revanche, on aurait peut-être pu apprécier un peu plus d’ambition, six ans après la sortie du jeu, que celle menant à une simple refonte graphique. Au hasard, quelques thèmes d’ambiance, quelques animations, ou au minimum une fenêtre de jeu plus grande. En l’état, on a certes une version parfaitement fonctionnelle, mais on a aussi l’impression qu’elle aurait pu être encore bien supérieure. Tant pis : objectivement, cela reste la version à privilégier pour ceux qui voudraient découvrir l’expérience originale. Les autres seront peut-être plus à l’aise sur NES.
Dommage qu’on n’ait pas le droit à quelques animations
NOTE FINALE : 13,5/20
Le seul vrai défaut de cette itération Windows de Shadowgate, c’est surtout de n’offrir rien de plus qu’une refonte graphique à un jeu qui avait déjà fêté ses six ans. On aurait sans doute apprécié un peu plus d’ambition, ou une légère modernisation des mécanismes de jeu, mais en l’état, cela reste à n’en pas douter la meilleure version du jeu pour ceux qui ne voudraient pas goûter aux quelques adaptations opérées sur la version NES.
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb Système de sauvegarde par pile
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
En dépit de son nom pompeux (particulièrement en japonais, où il laisse croire à une suite), Shadowgate Classic n’est rien de plus qu’un portage du jeu original : portage de la version NES sur Game Boy Advance, et portage de la version Windows sur Palm OS et sur Windows Mobile. Sur la portable de Nintendo, le jeu s’en tire graphiquement plutôt bien – avec des couleurs mieux choisies que sur la console de salon – mais l’interface, qui oblige à faire défiler l’écran pour avoir accès à toutes les informations, est particulièrement lente. Tout le reste est exactement semblable aux versions testées plus haut.
C’est joli, mais on se sent vite à l’étroit
NOTE FINALE : 13,5/20
Revenu du fond des âges, Shadowgate Classic n’est qu’un portage qui ne dit pas son nom, et dont le seul véritable défaut est dû à la petitesse de l’écran des machines qui l’héberge. Pour tout le reste, absolument aucune surprise au menu.