Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero

Développeurs : Avalanche Software LLC – Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Testé sur : PlayStationNintendo 64

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 1er octobre 1997 (Amérique du Nord) – 1er décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’un des secrets de la fortune, c’est de savoir diversifier ses actifs.

Attendez, ne paniquez pas. Je sais que vous êtes déjà en train de vérifier par quel miracle vous avez atterri par mégarde sur la page d’Alternatives Économiques ; ce n’est pas le cas. Pour adopter un langage plus terre-à-terre, on pourrait dire qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Ah, zut, maintenant vous avez l’impression d’être en train de lire Bécassine. Prenons plutôt un exemple concret, voulez-vous ?

Dans le courant des années 90, Midway Games avait imaginé une série de jeux de combat nommée Mortal Kombat et jouissant d’un beau succès dans les salles d’arcade puis dans les salons grâce à son gore transgressif. Les épisodes auront alors naturellement commencé à s’enchaîner à un rythme régulier, et les chiffres de vente ne faisant que croître, Midway Games se dit que cela était bon et continua à empiler les suites. Approche alors la fin du siècle, et voilà que la belle unanimité qui semblait entourer la saga commence à se fissurer un peu quelque part autour de Mortal Kombat 3, et que le genre du jeu de combat en lui-même commence à devenir ultra-concurrentiel, pour ne pas devenir dangereusement saturé. Quitte à capitaliser sur sa licence sans lasser les joueurs, l’éditeur américain eut alors l’idée de se lancer dans une série de spin-off servant à la fois à développer le background des personnages récurrents de la série et d’explorer d’autres systèmes de jeu – après tout, Mario lui-même avait réussi à lancer une très belle licence de karting, alors pourquoi pas eux ?

Cette nouvelle sous-série devait s’intituler Mortal Kombat Mythologies, et le premier opus devait ouvrir la route en narrant les aventures de Sub-Zero, le ninja amateur de froid, avant les événements de Mortal Kombat premier du nom. Inutile de faire durer le suspense : tièdement accueilli à la fois par la presse et par les joueurs, qui ne lui auront visiblement pas réservé l’accueil escompté, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero sera resté un one shot sans lendemain dont l’insuccès aura tué dans l’œuf la série qu’il était censé initier. Le titre semble depuis lors n’être devenu que le carburant de youtubeurs grinçants cherchant des jeux imparfaits à martyriser, ce qui lui aura au moins évité de sombrer totalement dans l’oubli. La grande question est : Midway se sera-t-il planté à ce point-là ?

Certes, Mortal Kombat a beau être l’un des rares jeux de combat à avoir présenté un semblant de lore et de scénarisation au-delà de l’éternel « tournoi d’arts martiaux pour venger son père », on va dire que mettre l’accent sur l’histoire de personnages dont la caractérisation tenait en une ligne était déjà un pari risqué sur le papier. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero s’ouvre sur une intrigue assez bateau où le héros, le guerrier éponyme de l’école Lin Kuei – et n’allez surtout pas lui dire que c’est la même chose qu’un ninja ! – est envoyé dans un temple shaolin pour récupérer une mystérieuse carte des éléments pour un non moins mystérieux sorcier nommé Quan Chi.

Sa mission (qui fait l’objet du premier niveau du jeu) terminée, Sub-Zero est cette fois envoyé chercher un mystérieux (oui je sais, le mot revient beaucoup) médaillon pour Quan Chi, sans se douter que cette aventure finira par l’envoyer dans le netherrealm pour empêcher la résurrection du dieu Shinnok, et il est bien le seul à n’avoir rien vu venir tant le scénario est cousu de fil blanc et tant Quan Chi se balade littéralement avec un panneau « traitre » autour du cou. Tout cela narré via des vidéos en live action, comme on dit maintenant, qui nous aideront surtout à nous rappeler que chercher à raconter une histoire quand on n’a ni les acteurs, ni les décors, ni les costumes, ni les moyens, ni le talent pour le faire est toujours une mauvaise idée. Les « acteurs », qui se trouvent en l’occurrence être les modèles choisis pour effectuer les digitalisations des personnages, atteignent un tel niveau de nullité dans le jeu que dire qu’ils jouent comme des pieds reviendrait à leur rendre un grand hommage. John Turk, qui tente d’incarner Sub-Zero et qui était un bodybuildeur bien avant d’être un comédien, semble ainsi faire un effort particulier pour ne jamais sortir de sa pose de Big Jim, les bras à moitié pliés le long du corps, et son incapacité à exprimer une quelconque expression au-delà de « Mon dieu mais qu’est-ce que je fous là » sera la source de nombreux fous-rires. Mention spéciale à Richard Divizio dans le rôle de Quan Chi, qui parvient presque à sauver son personnage du marasme, pourtant pas aidé par une mise en scène indigente, un éclairage dégueulasse et des dialogues ineptes. Au moins l’encodage des vidéos est-il de très bonne qualité – on se raccroche à ce qu’on peut.

Bon, bref, on se doute que ce n’est pas l’histoire qui va nous maintenir rivé au siège, alors qu’en est-il du jeu ?

Dans ce domaine, le titre montre une certaine ambition, puisqu’il prend la forme d’un jeu d’action/plateforme en vue de profil en 2.5D à la Pandemonium!, mais en conservant tout le système de combat de la série principale (poing/pied bas/haut, blocage, course) tout en y ajoutant un bouton d’action, un autre pour… se retourner (on aura l’occasion d’y revenir) et même un inventaire où viendront s’amasser bonus de soins, tablettes contenant de précieux indices et clefs dont la recherche constituera généralement l’objectif principal de chacun des huit niveaux du jeu. Et au cas où tout cela ne suffirait pas encore, le game design inclut également un aspect RPG, votre personnage gagnant de l’expérience au fil des combats (car il va y en avoir un paquet, comme on peut s’en douter), laquelle lui permettra de débloquer de nouvelles attaques spéciales correspondant dans les grandes lignes à la panoplie de coups développée par le personnage dans le premier épisode de la série. Un sacré menu, hein ? De quoi occuper au minimum une heure et demie, le temps de terminer le jeu en ligne droite, mais vu la difficulté du titre, attendez-vous vraisemblablement à y passer un peu plus de temps que cela en dépit d’une sauvegarde automatique au début de chaque niveau.

Sur le papier, tout cela pourrait fonctionner à merveille – on n’est finalement pas à des kilomètres d’un Castlevania : Symphony of the Night qui mélangeait lui aussi de nombreux mécanismes, mais qui avait la bonne idée de les présenter dans un environnement ouvert à la Metroid plutôt que dans des niveaux linéaires comme c’est le cas ici. Une fois la manette en mains, les choses ne tardent pas à se compliquer, la faute à une accumulation de petites maladresses qui font que le joueur ne passe généralement pas le bon moment qu’il était en droit d’espérer.

En premier lieu, il y a la maniabilité : proposer un jeu de plateforme avec la jouabilité d’un jeu de combat est une assez mauvaise idée, et on a très vite l’occasion de s’en rendre compte. On a déjà des flashbacks de l’ère Amiga/Atari ST où sauter nécessitait de pousser le joystick vers le haut, ce qui n’a jamais été bon signe, et le fait que le programme ne semble jamais parvenir à décider si votre personnage se retourne automatiquement pour faire face à un ennemi ou si vous devez le lui indiquer vous-même a exactement le résultat qu’on pouvait craindre : celui de passer 80% du temps à tourner involontairement le dos à nos ennemis et de s’exploser à un magnifique coup entre les omoplates, lequel pourrait en plus dramatiquement écourter la partie au cas où Sub-Zero aurait eu le malheur de se trouver au bord d’un précipice, ce qui arrivera souvent. Car autant le dire : faute d’idées, le level design aime les pièges mortels et les précipice sans fond. Mieux que ça : il les adore.

Son plus grand défaut reste cependant son incapacité totale à prendre le joueur par la main pour lui expliquer quelque chose avant de le lâcher dans la nature. Quelques petits exemples : dès le tout premier niveau, vous allez suivre le seul chemin qui s’offre à vous en avançant vers la droite… avant de vous faire réduire en pulpe de ninja au bout de vingt mètres par un bloc descendant depuis le plafond, et que vous aurez eu 95% de chance de ne pas voir en regardant bêtement devant vous plutôt que vers le haut. Et hop, une vie en moins.

Le pire, c’est que même en connaissant la position de ces pièges, le timing est si serré que les éviter est très délicat, et la solution ne vous est donnée que via une tablette fort stupidement placée au milieu du niveau : il faut en fait se baisser devant le bloc et faire une balayette pour l’activer avant de passer… Ah, ça commence fort ! Dès le deuxième niveau, absolument tous les sauts se font au-dessus du vide (donc, un seul échec = couic), et le troisième y ajoute même le sadisme de préciser que certains précipices dissimulent en fait des bonus… mais vu que le seul moyen de le savoir est de plonger dedans au prix d’une vie, autant dire qu’on n’a pas trop envie de tenter volontairement l’expérience. Dans le même ordre d’idées, il arrive fréquemment qu’on ne sache pas quoi faire ou où aller faute d’avoir eu le réflexe de consulter son inventaire pour regarder la description d’une clef – et encore, à condition d’avoir trouvé la clef en question, sans quoi on pourra goûter aux joies du backtracking, et évidemment c’est toujours plus amusant quand c’est dans un niveau labyrinthique comme le temple de l’eau !

Le pire, c’est que même les combats en eux-mêmes sont souvent opaques. Passons rapidement sur le menu fretin qui a pour principal défaut de se limiter aux trois ou quatre même sprites pendant l’ensemble de la partie pour se pencher sur les combats de boss, lesquels reposent souvent sur l’exploitation d’un point faible à découvrir à tout prix en se faisant étaler pendant cinq minutes pour le reproduire ensuite ad nauseam. Mais le vrai problème est qu’on n’a jamais aucun indice, et que cela vire parfois au n’importe quoi : très bon exemple avec le deuxième boss, qui reste dans les airs et vous attaque avec le vent.

Il est déjà pénible à toucher, mais imaginez maintenant que vous venez de remporter le combat… qui se termine alors par le boss revenant des morts pour invoquer une tornade, laquelle vous aspire aussitôt avant de vous déchiqueter ! Une cinématique ? Ah non, vous êtes bel et bien mort et vous devez recommencer le combat depuis le début… il est déjà particulièrement stupide de se faire punir après avoir REMPORTÉ une bataille, surtout aussi tôt dans le jeu, mais la solution va vous laisser pantois : sitôt le combat gagné, il faut courir à l’extrémité gauche de la zone de combat (et pas à droite, ne me demandez pas pourquoi) et vous accroupir… pour découvrir que votre personnage s’agrippera alors automatiquement au décor pour ne pas être aspiré sans qu’aucune animation ne le laisse deviner ! ET COMMENT J’ÉTAIS CENSÉ DEVINER CA, EINSTEIN ?! L’ennui, c’est qu’une large partie du jeu est de cet acabit, et qu’il faut souvent découvrir empiriquement ce que le jeu attend de vous, d’où de nombreux passages bloquants pour de très mauvaises raisons. L’abondance de commandes ne rend d’ailleurs pas exactement service, elle non plus (j’ai mis un quart d’heure à trouver comment actionner un ascenseur, voyons si vous parviendrez à faire mieux). Oh, et pour affronter le boss final, vous DEVEZ obligatoirement être au niveau maximal. Et si vous n’y êtes pas? Eh bien, pas de retour en arrière pour grinder, c’est le game over. Sérieusement.

Le pire, c’est que quand le jeu se décide à arrêter de nous tuer gratuitement pour des raisons stupides, eh bien il remplit au fond plutôt bien son office. La jouabilité est un peu raide et pas toujours assez précise, mais il suffit de ne pas chercher à aller trop vite ; la réalisation a son charme même si le manque de variété se fait rapidement sentir au sein d’un même niveau, et le défi peut être tempéré grâce à un menu des options qui vous laisse vous distribuer un généreux nombre de vies et de continues, voire baisser la difficulté (mais comme vous n’aurez de toute façon accès qu’à la moitié du jeu en-dessous du mode normal…).

Midway oblige, on peut de toute façon entrer des mots de passe pour aller directement au niveau qui nous intéresse, voire s’attribuer des objets ou se rendre invincible, on ne sera donc pas obligé de suer sang et eau pour avoir le droit de venir à bout d’un jeu finalement assez court comparé à la moyenne de l’époque. Est-ce pour autant un bon jeu ? Je pense qu’on a assez d’éléments pour établir que non. Un mauvais alors ? Hmm, disons plutôt un jeu maladroit, qui aurait certainement pu être vraiment sympathique avec un tout petit peu plus de soin. Avec de la patience, on a quand même envie de progresser pour voir la suite, ce qui est plutôt bon signe, mais on se retrouve un peu trop souvent face à un goulet d’étranglement faute de savoir comment surmonter une situation donnée. En fait, la meilleure chose à faire aurait sans doute été de se débarrasser de l’encombrante licence Mortal Kombat et de faire un programme plus traditionnel sans les mécanismes de jeu de combat qui n’apportent pas grand chose, ce qui aurait permis au passage de ne pas s’attirer la colère de fans qui n’étaient de toute façon pas venus chercher un jeu de plateforme. Reste un petit logiciel correct qui peut faire illusion mais qui attirera surtout les amateurs de curiosités et de vidéos nanardesques. Oh, allez, aux âges que l’on commence à atteindre, de temps en temps, ça change.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13/20

Autant le préciser d'entrée aux nombreux lecteurs attirés par la réputation détestable dont jouit le jeu : non, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero n'est pas le désastre que l'histoire (et les youtubeurs) en ont fait : c'est plus simplement un titre accumulant trop de défauts et pas assez de bonne idées pour mériter de démarrer une série de spin-off de Mortal Kombat à part entière. Ce qui aurait pu se révéler comme une sorte de Pandemonium! dans lequel on aurait jeté des composantes de vs. fighting, de beat-them-all, d'exploration et de RPG laisse plutôt la sensation d'un die-and-retry qui ne sait pas trop ce qu'il veut être, au service d'une histoire qu'il est bien difficile de prendre au premier degré, desservi par une jouabilité qui a littéralement le cul entre quatre chaises. Cela entraîne de nombreux passages frustrants pour de mauvaises raisons dans un logiciel qui, en dépit de tout ce qu'il cherche à réunir, manque paradoxalement de variété, mais on est à des années-lumière de ce que le genre a pu produire de pire en la matière ; disons plutôt face à ce qu'aurait pu donner un Castlevania : Symphony of the Night s'il avait été mal pensé. Une curiosité qui n'a rien d'inoubliable, mais qui ne mérite clairement pas tant de haine.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un scénario sans intérêt servi par une mise en scène grotesque et un jeu d'acteur ridicule
– Des séquences de combat avec un bouton dédié à l'action de se retourner ? Sérieusement ? On en est encore là ?
– Des ennemis qui tendent à réapparaître de nulle part, avec une caméra qui ne suit pas toujours l'action
– De nombreux combats reposant sur des mécanismes opaques sous peine de mort...
– ...une difficulté globalement hyper-punitive, même dans le mode le plus aisé...
– ...et tant qu'à faire, la moitié du jeu n'est de toute façon accessible qu'à partir du mode normal...
– ...et il faut même grinder pour avoir le droit d'atteindre le boss final !

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Cela ressemble à une excellente idée : prendre un personnage populaire de Mortal Kombat et développer son background à travers un jeu d’action/aventure. Malheureusement, cela a été conçu aussi mal que possible. Déjà, c’est ridicule à regarder : les personnages sont digitalisés comme dans les autres jeux MK, mais leurs animations sont horribles. La jouabilité est atroce – vous avez un bouton pour vous retourner, mais vous vous retournez souvent automatiquement pendant les combats, vous laissant alors sans défense. Les niveaux sont mal pensés, avec des pièges mortels qui s’abattent sans aucun avertissement, des plateformes mobiles qui reposent intégralement sur la chance pour parvenir à atterrir dessus, et des segments où vous devez faire des sauts de la foi depuis le bord d’une corniche en priant pour que tout se passe bien. […] Globalement, MK Mythologies est un des jeux les plus mal conçus et les plus agaçants des vingt dernière années. Énorme bouse. »

Ed Lomas, Computer and Video Games n°193, décembre 1997, 1/5 (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Nintendo 64

Développeurs : Avalanche Software LLC – Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Date de sortie : 8 Décembre 1997 (Amérique du Nord) – Janvier 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 132Mb
Controller Pak et Rumble Pak supportés

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En dépit de son abondant recours à la vidéo, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero aura fait le choix d’aller tenter sa chance sur Nintendo 64 où la concurrence, il est vrai, s’avèrerait sans doute un peu moins nombreuse que sur la machine de Sony. Sans surprise, il l’aura fait sans le plus timide effort de tenter de tirer parti des capacités de la machine, ce qui fait que cette version sent le portage charcuté à plein nez.

Le ton est d’ailleurs donné d’entrée : il n’y a plus d’introduction, pas même un pavé de texte, toutes les transitions ont été rabotées, et la narration en elle-même se limite à des captures vidéos directement tirées de la version PlayStation avec le verbatim des dialogues en-dessous. Certes, cela permet au moins d’échapper à l’abominable jeu d’acteur de ces séquences, mais en termes d’ambition narrative, on se croirait sur console 16 bits. Pour ce qui est du jeu en lui-même, le gameplay et la difficulté n’ont pas changé, mais on en peut pas dire qu’on sente un gain quelconque dans la réalisation. Certes, le dithering de la PlayStation a disparu, mais le tout parait encore plus pixelisé, d’autant que la résolution (désormais en 320×228) a trouvé le moyen de diminuer dans la manœuvre. Les fameuses capacités 3D de la console ? Désolé, on n’avait pas le temps, adressez-vous à Mario pour les plaintes ! Reste donc un jeu qui conserve tous les défauts de la version originale en ajoutant en plus une mise en scène mutilée. Rien de surprenant à ce que les joueurs de l’époque ne se soient pas sentis transportés par l’enthousiasme.

NOTE FINALE : 12,5/20

Transposé le plus paresseusement du monde sur Nintendo 64, Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero y tire un trait sur ses vidéos et sur le peu d’ambition de sa mise en scène tout en ne faisant même pas semblant de tirer parti des capacités graphiques de la console. C’est littéralement la version PlayStation coupée et (mal) transposée telle quelle, donc si vous souhaitez réellement découvrir le jeu, autant aller voir du côté de la machine de Sony.

Les avis de l’époque :

« Grosse daube ? Sympa ? A vrai dire, mon cœur balance entre les deux. Je ne suis pas complètement satisfait, mais je ne peux pas dire que je sois complètement déçu. Certes, le jeu est indigne de la N64. Pourtant, ce titre apporte un nouveau souffle à la série des MK. Les programmeurs ont fait un effort pour nous changer des jeux de combat. En fin de compte, je désapprouve ce titre, qui n’a rien à faire sur ce support. Pourtant, certains fans vont sans doute y trouver leur bonheur. »

Stéphane Belaiche, Game Play 64 n°5, mars-avril 1998, 70/100

Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers

Développeurs : TNS Co., Ltd. – Infinitive Ventures, Inc.
Éditeur : Kotobuki System Co., Ltd. (Japon, Europe) – Kemco U.S.A., Inc. (Amérique du Nord)
Testé sur : Nintendo 64

La série Shadowgate (jusqu’à 2000) :

  1. Shadowgate (1987)
  2. Beyond Shadowgate (1993)
  3. Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers (1999)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 9 juin 1999 (Amérique du Nord) – 13 août 1999 (Japon) – Septembre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, néerlandais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 128Mb
Système de sauvegarde par Controller Pak

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il y a des séries de jeux vidéo qui ont le chic de ne jamais apparaître là où on les attend.

Shadowgate, par exemple, aura toujours suivi une route un peu particulière. Débuter sur Macintosh n’était déjà pas nécessairement banal, à une ère où le PC était en train de s’imposer comme la machine de prédilection dans le domaine de l’aventure – on pourra arguer que la souris de la machine d’Apple aura certainement pesé lourd pour cet héritier de Déjà Vu et d’Uninvited au rang de pionnier du point-and-click, mais cela aurait aussi bien pu le pousser vers l’Amiga ou l’Atari ST et, comme un symbole, c’est sur NES que le titre aura le mieux fait étalage de sa spécificité.

Peut-être est-ce cette étonnante découverte qui aura poussé la saga à poursuivre sa route sur TurboGrafx CD, de toutes les machines, dans une version certes surprenante mais qui aura également semblé sonner le glas de la licence, égarée sur une console mal vendue à destination d’un public trop limité. Et pourtant, en 1999, cinq ans et une génération plus tard, la série signait son retour… sur console, encore une fois, et pas sur celle que tout le monde attendait en occident : là où l’Europe et les États-Unis n’avaient d’yeux que pour la PlayStation et pour la Dreamcast, Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers aura fait le choix, comme son nom l’indique, de la Nintendo 64. Un mouvement déroutant, une fois de plus, qui annonçait sans doute de lourds changements – après tout, ICOM Simulations n’était plus aux commandes, remplacé par un studio japonais, et le genre de l’aventure tel qu’on l’avait connu était alors en pleine crise, pour ne pas dire à l’agonie. Allait-on donc avoir affaire à un clone de Tomb Raider qui eut été d’autant mieux accueilli que la licence de Core Design n’aura jamais fait le trajet jusque sur la console de Nintendo ? Perdu : décidément bien décidée à assumer sa différence, c’est bel et bien sous la forme d’une aventure « à l’ancienne » que la série sera venue clore son histoire (du moins à l’échelle du XXe siècle, car elle est encore en vie de nos jours, à tel point qu’un Shadowgate II aura même vu le jour le 14 février 2025, moins de six mois après un Beyond Shadowgate n’ayant rien à voir avec le jeu du même nom évoqué plus haut et développé par l’équipe originale).

L’histoire cherche a priori à repartir d’une page plus ou moins blanche : bien des années, sinon des siècles, après les aventures décrites dans les deux premiers épisodes, l’histoire est devenue légende, et les exploits du passé ont peu à peu glissé dans le folklore, puis dans l’oubli.

Shadowgate, autrefois forteresse d’un sorcier maléfique, est par la suite devenue une académie de magie dirigée par un nommé Lakmir, avant de n’être plus grand chose d’autre qu’un repaire de voleurs et de chercheurs de trésors, heureux de piller ses ruines en quête d’artefacts magiques. Ils n’auront cependant jamais pu s’attaquer aux quatre tours qui s’érigent autour du bâtiment principal, demeurées magiquement fermées depuis des décennies, mais les choses pourraient changer tandis qu’atterrit dans les geôles de la citadelle un halfling nommé Del, capturé après une embuscade sur la caravane à bord de laquelle il voyageait, et qui va à présent devoir trouver un moyen de s’enfuir. Comme vous l’aurez déjà deviné, c’est lui que vous allez incarner dans ce nouvel opus, et votre mission va rapidement devenir de percer une nouvelle fois à jour tous les secrets de Shadowgate pour contribuer à sauver, une fois de plus, le royaume.

Première surprise, donc : Shadowgate 64 assume parfaitement sa filiation en acceptant d’entrée de n’être « qu’un » jeu d’aventure à la première personne. Pas de séquences de plateforme à attendre ici, aucun combat à mener, pas de boss géant ni de bonus cachés à collectionner : c’est bel et bien votre intellect, et non votre habileté, qui va être mis à contribution ici. Le récit débute dans votre petite cellule, ce qui a l’avantage de limiter vos possibilités d’action sur le moment et de vous permettre de faire connaissance avec l’interface.

Le stick analogique dirigera votre vue, les boutons jaunes serviront pour les déplacements, A vous fera accéder à l’inventaire, Z permettra de se baisser et R affichera la carte – à condition de l’avoir trouvée. La jouabilité, un peu différente de celle à laquelle les standards du FPS nous ont habitués depuis lors, pourra nécessiter un léger temps d’adaptation, mais pour le reste, on se croirait presque aux commandes d’une version 3D du premier opus – ou plutôt de sa version NES, car deux des mécanismes les plus datés de la version Macintosh, à savoir la gestion des torches et l’inventaire limité, n’ont pas cours ici. Les mécanismes sont donc clairs d’entrée de jeu : explorer chaque recoin, fouiller derrière chaque meuble, ramasser absolument tout ce qui traîne, et surtout, surtout, lire tous les livres qui se présentent et parler à tout le monde. Car les indices sont aussi nombreux que le jeu est vaste – et croyez-moi, mieux vaudra les consulter très régulièrement, voire prendre des notes et dessiner des plans, pour avoir une infime chance de venir à bout du logiciel sans avoir recours à une solution.

La bonne nouvelle, c’est que le jeu prend le temps de se mettre en place, que ce soit au niveau de son récit ou de son game design. Ainsi, si les premières minutes de jeu sont globalement très linéaires, votre rayon d’action ne tarde pas à aller en s’élargissant – accroissant ainsi à la fois vos possibilités et la difficulté du jeu au fur et à mesure que vous avancez.

L’histoire, très simple au départ, ne tarde pas à développer et à puiser abondamment dans le lore de la saga (et du premier opus en particulier), et si le premier tiers du jeu se fait en rencontrant très peu d’êtres vivants – à l’exception de l’esprit de Lakmir, qui viendra régulièrement vous servir de « guide » à coups de messages cryptiques au lieu de vous dire directement où aller – on se retrouvera ensuite à visiter le village jouxtant la citadelle et à rencontrer les habitants du cru, ainsi qu’à parler à de très nombreux fantômes via un anneau dont c’est la fonction et qui sera la clef de bien des énigmes. Bref, l’aventure prend le temps de vous mettre à l’aise et de titiller votre intérêt avant de commencer à réellement étaler son univers et ses enjeux, et c’est une très bonne chose.

Le jeu a également la bonne idée de mettre sa 3D à contribution à la fois pour dissimuler certains de ses objets – pensez bien à regarder partout, y compris au sol et au plafond – ainsi que pour mette en scène son univers. Certes, les graphismes ont vieilli, c’est globalement un peu grisâtre, et le flou est assez prononcé quand on joue sur le hardware d’origine ; on pourra également regretter que le terrain de jeu soit à ce point morcelé en toute petites zones séparées par des portes, mais le support cartouche a au moins le mérite de nous débarrasser des temps de chargement.

L’aspect le plus fascinant du logiciel, cependant, reste sa volonté de coller au maximum à l’atmosphère et à la philosophie du premier épisode tout en se débarrassant de ses lourdeurs les plus fastidieuses – mais pas de toutes. Shadowgate 64 est un récit qui respire les aventures graphiques de la fin des années 80 : n’espérez pas ici pouvoir choisir des options de dialogue réjouissantes à la Secret of Monkey Island ni bénéficier d’un scénario haut en couleurs et riche en rebondissements : votre personnage a rarement l’occasion de participer aux conversations autrement qu’en répondant par oui ou par non, l’histoire se dévoile par petites touches qui sont à aller quérir dans les journaux et autres parchemins plus que via des cinématiques extrêmement rares, et rien ne cherche jamais à être spectaculaire ni à en mettre plein la vue : c’est une exploration lente et méticuleuse qui vous attend, et la moindre avancée vous demandera d’expérimenter et de beaucoup consulter vos notes… et éventuellement de mourir, souvent, mais ce n’est objectivement pas un gros problème dans un titre où l’on peut de toute façon sauvegarder n’importe quand.

Il en résulte un programme qu’on n’osait plus attendre en 1999, et qui n’était clairement pas celui que le commun des mortels espérait alors, mais qui a le mérite d’être exactement ce qu’il cherchait à être : le prolongement du Shadowgate paru dix ans plus tôt sur NES (davantage que sa version de base sur Macintosh), avec le même rythme et les mêmes possibilités, mais avec une réalisation remise au goût du jour, un déroulement un tantinet moins opaque et un peu moins punitif, une écriture un peu plus développée et des énigmes un peu plus encadrées – notamment grâce aux très nombreux indices écrits.

C’est un très bon candidat aux longues soirées méditatives à chercher à progresser lentement en se déplaçant dans un terrain de jeu qui peut parfois finir par se montrer un peu fastidieux, en dépit de l’existence de raccourcis intelligemment placés, et c’est aussi typiquement le type de programme qu’on ne s’attendait pas à trouver sur Nintendo 64 – ce à quoi il doit une partie de son charme. Oui, certaines énigmes sont tirées par les cheveux, certains passages sont retors, surtout vers la toute fin, le récit et les enjeux ne sont pas toujours limpides – mais en cela aussi, finalement, le jeu est fidèle à son modèle. Si vous savez exactement ce que vous venez chercher, vous serez agréablement surpris par la découverte des quatre tours de Shadowgate ; dans le cas contraire, l’expérience se tente, à condition d’être armé de la patience nécessaire à un authentique jeu d’aventure de la vieille école. Car c’est paradoxalement dans son approche légèrement anachronique, pour ne pas dire datée, que le titre a le mieux vieilli : un hommage inattendu à une ère alors pas si ancienne que cela mais que tout le monde semblait déjà avoir oublié. Cela vaut bien la peine qu’on la ressorte de la poussière aujourd’hui.

Vidéo – L’introduction et quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20

On pourra arguer que Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers est un peu, à l'instar de son prédécesseur direct, un titre qui n'est pas sorti sur le bon système ni à la bonne période, mais le fait est qu'il parvient à être ce qu'on n'attendait plus en 1999 : un authentique jeu d'aventure « à l'ancienne » en 3D. Là où on anticipait un énième clone de Tomb Raider, le titre de TNS fait le choix de ne pas chercher à moderniser son concept avec d'inutiles combats ou séquences de plateforme pour rester centré sur l'exploration, la recherche et la réflexion. Surprise : cela offre un déroulement finalement assez fidèle à celui du premier opus, mais en (un peu) plus logique et en nettement moins frustrant : fini de composer en permanence avec la pression du temps et avec les limites de l'inventaire. Il en résulte un titre composant avec les scories du genre – beaucoup de temps à tourner en rond lorsqu'on a raté quelque chose ou qu'on ne sait pas quoi faire – mais qui parvient à affirmer sa patte et son atmosphère propre pour installer son récit sans accomplir de réelle faute de goût. Ce n'était sans doute pas tout-à-fait le game design que les joueurs attendaient au moment de la sortie du jeu, mais pour les amateurs d'aventure, c'est une vraie bonne surprise à déterrer à un endroit où on ne l'attendait pas ; un peu datée, un peu frustrante, un tantinet maladroite, mais finalement cohérente tout en restant inattendue. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Beaucoup d'allées-et-venues dans un environnement où on peut facilement rater quelque chose ou finir par se perdre...
– ...surtout avec une carte (si jamais on la trouve !) aussi mal fichue
– Une jouabilité au pad qui décontenancera les habitués du FPS

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shadowgate 64 sur un écran cathodique :

Mortal Kombat Trilogy

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Testé sur : PlayStationNintendo 64PC (DOS/Windows 9x)Saturn
Disponible sur : Windows
En vente sur : GOG.com (Windows)

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 10 octobre 1996 (Amérique du Nord) – 1er décembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

L’affirmation est un tabou absolu, elle se murmure en cachette lorsque personne n’écoute, et le plus ignare des responsables marketing sait qu’elle ne doit jamais ô grand jamais être prononcée en public et à voix haute, en vertu du principe qui veut qu’on évite soigneusement de se fâcher avec son unique source de revenus. Il n’empêche que n’importe quel éditeur sur la planète doit souvent pousser un soupir en la formulant intérieurement : quoi qu’on en dise, les joueurs sont quand même chiants.

Non mais c’est vrai, quoi : on essaie de leur faire plaisir, et ça ne se passe quasiment jamais comme on le voudrait ; quand on leur offre la même chose, ils veulent quelque chose de différent, quand on leur offre quelque chose de différent, ils voulaient la même chose, et même quand on leur offre quelque chose de différent alors qu’ils voulaient effectivement quelque chose de différent, les changements ne sont pas ceux qu’ils attendaient. Quelles divas ! Cette leçon, Midway aura eu l’occasion de l’apprendre à la dure avec un Mortal Kombat 3 qui se sera rapidement attiré les foudres d’une bonne partie de sa base pour des modifications jugées un peu trop radicales dans son roster. Après avoir corrigé le tir avec un Ultimate Mortal Kombat 3 qui aura fait taire une partie de la grogne des joueurs – mais pas toute –, quelqu’un aura fatalement dû arriver à la conclusion imparable : le meilleur moyen de ne vexer personne, c’est encore de ne rien enlever. La série Mortal Kombat avait beau avoir accumulé une impressionnante collection de personnages en trois épisodes et demi, après tout, pourquoi se fatiguer à opérer un ménage que personne ne semblait solliciter ? Eurêka. Ainsi naquit le concept de Mortal Kombat Trilogy : le contenu de trois jeux en un, avec (pratiquement) aucun sacrifice ; la matérialisation d’une totale absence de prise de risque. Mais hé, puisque apparemment les joueurs ne voulaient de toute façon pas qu’on en prenne…

Quoi que son titre puisse laisser penser, Mortal Kombat Trilogy n’est donc pas une compilation ; on pourrait davantage parler d’ « anthologie », c’est un opus reprenant des éléments des trois précédents, et sur le plan technique, c’est même une simple mise à jour de Mortal Kombat 3. En termes de contenu, le roster du jeu est d’ailleurs est pratiquement un manifeste des intentions de cet épisode, puisqu’il intègre littéralement tous les combattants, y compris les boss et les personnages cachés, de la saga, en les rendant tous jouables au passage.

Pour la première fois, les fans pourront donc prendre le contrôle de Rain ou de Noob Saibot qui disposent désormais de leur propres mouvements, combos et fatalités, et non seulement les grands oubliés d’Ultimate Mortal Kombat 3 comme Rayden ou Johnny Cage signent leur grand retour, mais il même possible d’incarner plusieurs personnages dans une version « classique » où ils reprennent alors les sprites et les coup de Mortal Kombat ou Mortal Kombat II. Histoire de compléter le tableau en beauté, un nouveau personnage secret nommé « Chameleon » fait son apparition – et, fidèle à la tradition de la série, celui-ci est grosso modo un color swap de Reptile dans sa version Mortal Kombat premier du nom ; il est d’ailleurs remplacé par une femme ninja (cette fois orthographiée « Kameleon ») dans la version Nintendo 64 du jeu. Les modes de jeu, pour leur part, sont repris directement d’Ultimate Mortal Kombat 3, avec notamment le très populaire 2 vs. 2, et le tournoi qui fait figure de mode solo est cette fois divisé en quatre niveaux de difficulté, qui viennent s’additionner aux cinq modes de difficulté accessibles dans le menu des options. Et oui, le titre est toujours ridiculement difficile dès le mode le plus simple au bout d’une poignée de combats.

Sur le plan technique, Mortal Kombat Trilogy est le premier épisode à ne pas avoir été développé en premier lieu pour les salles d’arcade, ce qui lui vaut d’avoir été développé avec la très populaire PlayStation en tête… laquelle n’était pas forcément la machine la mieux armée de sa génération pour la 2D. 32 bits oblige, je vous rassure tout de suite : le résultat est très solide, et même si la résolution est plus basse que sur les bornes des opus précédents, la réalisation graphique comme sonore fait largement le travail sans qu’on se sente roulé dans la farine.

Le vrai problème, comme souvent avec le genre, vient plutôt du support CD-ROM et de ses chargements intempestifs qui viennent casser le rythme d’une expérience spécifiquement pensée pour enchaîner des combats très courts. De façon assez intelligente, le menu des options du jeu vous autorise donc à supprimer un maximum d’écrans de transition, comme celui présentant les personnages avant un combat, histoire de réduire l’attente au maximum – mais il ne sera alors plus possible d’entrer les fameux « Mortal Kombat Kodes » en prélude d’un affrontement. Un compromis qui en vaut bien un autre : l’esthétique du jeu à base d’acteurs filmés ne décrochera plus la mâchoire de quiconque aujourd’hui, mais le jeu est parfaitement dans les clous de la saga – une constatation qui se confirme d’ailleurs à tous les autres niveaux.

En effet, le principal reproche que l’on pourra adresser à ce Mortal Kombat Trilogy constitue paradoxalement son principal argument de vente : c’est littéralement l’addition de tout ce que les joueurs ont aimé dans la saga… et de rien d’autre. Certes, on notera l’apparition d’une jauge « Agressor » en bas de l’écran, et qui rend un personnage temporairement plus puissant et plus rapide lorsqu’elle est remplie, ce qui se produit en multipliant les assauts sur l’adversaire – une prime à l’attaque qui risque une nouvelle fois de pénaliser les joueurs débutants qui n’auront pour ainsi dire droit à aucun traitement de faveur : il n’y a rien qui ressemble à un mode d’entraînement, pas de liste des coups spéciaux ni même une ligne pour détailler le principe de combos ; et non, aucune de ces informations n’est disponible dans le manuel, il fallait tout découvrir par soi-même ou via les magazines de l’époque.

Autant dire qu’à ce tarif, mieux valait avoir du temps devant soi pour maîtriser les trente-sept personnages jouables, déclinaisons comprises, du jeu ! Les combattants ont beau avoir été retravaillés et rééquilibrés, on se doute que certains s’en tirent mieux que d’autres et que la profusion de combattants interdit tout espoir d’un titre réellement équilibré. Comme un symbole, toutes les arènes du jeu sont directement recyclées des épisodes précédents, elles aussi, avec parfois quelques changements cosmétiques, et la plupart d’entre elles proviennent de Mortal Kombat II et Mortal Kombat 3 – trois des décors du premier épisode sont manquants. Mais autant dire les choses, en-dehors des très timides ajouts susmentionnés, le jeu ne comporte pour ainsi dire strictement rien de neuf ; c’est, d’un bout à l’autre, du pur recyclage… et c’est finalement exactement ce que les joueurs demandaient depuis un an.

Il en résulte un statut un peu particulier : Mortal Kombat Trilogy est à bien des niveaux le titre « ultime » de la saga… pour les fans dévoués des trois premiers opus, et personne d’autre. Les néophytes seront littéralement ensevelis sous les personnages en se voyant très rapidement punis par le manque d’accessibilité du titre – pour toutes les raisons évoquées plus haut, de la difficulté qui monte rapidement en flèche à l’absence d’informations sur les coups spéciaux et le système de jeu – ce qui est quand même un peu dommage pour une série dont l’un des principaux points forts était originellement de ne pas être excessivement technique, et qui semblait se réserver quatre ans plus tard à des convertis de longue date prêts à composer sans broncher avec un bouton pour la parade et un autre pour la course et des adversaires qui peuvent littéralement vous pilonner à coups de combos d’un bout à l’autre du match sans même vous laisser le temps de toucher le sol (je n’exagère pas : le jeu est connu pour ses bugs qui permettent aux joueurs sachant les exploiter de produire des combos infinis) !

Bref, l’épisode de la réconciliation n’est pas exactement celui de l’ouverture, et il ressemble davantage à un fan disc destiné à contenter une communauté cimentée par la trilogie originelle. C’était son but, c’est sa philosophie, et cela explique sans doute sa popularité auprès de joueurs qui étaient déjà acquis à la série depuis longtemps. Les autres risquent sans doute de se retrouver perdus devant tous ces colors swaps de ninja ; autant se le dire : pour qui n’aurait pas envie de consacrer beaucoup de temps au jeu, Mortal Kombat Trilogy est un club privé réservé à une certaine élite. Si vous n’en faites pas partie… eh bien, vous risquez de ne pas vous sentir à votre place, et de déserter les lieux plus vite que vous ne le pensiez. Si le jeu n’en vaut pas la chandelle à vos yeux, le plus simple est probablement de découvrir la série via ses épisodes les plus récents – Mortal Kombat 11 ou le mal nommé Mortal Kombat 1 en tête. Sincèrement, personne ne vous en voudra.

Vidéo – Combat : Rayden vs. Reptile :

NOTE FINALE : 16,5/20

Pour se réconcilier avec des fans qui n'avaient pas forcément goûté aux divers choix opérés pour Mortal Kombat 3 et Ultimate Mortal Kombat 3, Midway Games aura choisi la solution de facilité : plus de coupes, plus de dissensions, on réintègre (pratiquement) tout le contenu des trois premiers opus et on emballe ! Le résultat a certes l'avantage de présenter un des rosters les plus impressionnants de la période, avec plus d'une trentaine de personnages jouables, mais il a aussi la faiblesse de recycler plus qu'il ne créé, et de sentir au moins autant le réchauffé que l'édition définitive. Si les fans de la licence auront de quoi se frotter les mains, heureux de pouvoir retrouver absolument tous les combattants qu'ils ont aimés, les néophytes se sentiront sans doute un peu perdus face à une difficulté toujours aussi immonde et une accessibilité qui n'a pas progressé d'un pouce. Un titre de connaisseurs, mais pas forcément la meilleure porte d'entrée dans l'univers de la saga.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté toujours aussi mal réglée
– Des temps de chargement à profusion
– Un mode entraînement ? Quelqu'un ?
– Très peu de nouveautés

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mortal Kombat Trilogy sur un écran cathodique :

Version Nintendo 64

Développeur : Midway Games, Inc.
Éditeur : Williams Entertainment, Inc. (Amérique du Nord) – GT Interactive Software Corp. (Europe)
Date de sortie : 14 novembre 1996 (Amérique du Nord) – 14 mars 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 100Mb
Controller Pak supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’approche de la fin du millénaire, on pouvait commencer à s’attendre à trouver des versions relativement proches d’un jeu d’une machine à l’autre – pour ne pas dire à des portages pixel perfect, surtout en ce qui concernait des jeux en 2D. Mais les nuances existaient encore bel et bien, comme le prouve cette version Nintendo 64 de Mortal Kombat Trilogy. La première surprise n’est d’ailleurs pas la meilleure : le roster a rétréci en passant sur Cartouche. Sub-Zero, Goro et Kintaro ne sont plus jouables, les versions « MKI » et « MKII » de Raiden, Kano, Jax et Kung Lao ne sont plus accessibles, même via un cheat code, et Shaoh Khan et Motaro sont désormais à débloquer au lieu d’être disponibles d’office. Un choix un peu étrange, quand on sait que le nombre de personnages jouable constituait le principal point fort du jeu, mais c’est à prendre ou à laisser. On constate également de nombreuses erreurs dans l’attribution des voix des personnages lors des coups, et la disparition des décors Kahn’s Arena de Mortal Kombat II et The Bank de Mortal Kombat 3 – un décor exclusif fait néanmoins son apparition.

Cela commence mine de rien à faire beaucoup, alors cette version introduit également une petite nouveauté : un mode trois contre trois, à la King of Fighters, qui permettra de prolonger un peu le plaisir pour les joueurs maîtrisant plusieurs personnages. Au rang des meilleures nouvelles, la réalisation est solide : on ne compose plus avec l’effet de dithering du traitement de la couleur de la PlayStation, par exemple. Surtout, plus question ici de chercher à couper tous les écrans de transition, et pour cause : qui dit support cartouche dit qu’on ne doit plus composer avec des temps de chargement à rallonge, ce qui est un gain de confort indéniable. En revanche, on ne peut pas dire que le pad de la Nintendo 64 soit le mieux adapté pour les deux de ce type, et dans l’ensemble on peut comprendre qu’une partie de la presse de l’époque se soit étranglée devant le fait que cette version 64 bits soit au final plus faible que celles parues sur des machines théoriquement deux fois moins puissantes (ce qu’elles n’étaient pas). La concurrence n’étant pas féroce en la matière sur la console de Nintendo, les fans pourront rapidement arrêter leur choix, mais ceux qui voudraient la version ultime du jeu risque de ne pas goûter les nombreuses coupes de cette itération.

Ça bouge bien, mais on sent que la console pouvait encore faire bien mieux

NOTE FINALE : 16/20

Que l’on en attribue la responsabilité au support cartouche ou simplement à la fainéantise de Midway Games, le fait est que Mortal Kombat Trilogy sur Nintendo 64 doit composer avec des coupes qui ne s’imposaient pas et qui ne sont que très partiellement compensées par la présence d’un mode inédit et par l’absence de temps de chargement. Un bon rival à Killer Instinct Gold sur la même console, mais sans doute pas la version du jeu à privilégier de nos jours.

Version PC (DOS/Windows 9x)

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp.
Date de sortie : Décembre 1997
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément)* – 2 à 8 (à tour de rôle)
*Jeu par réseau local supporté (version Windows 9x uniquement)
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joypad*, joystick
*Version Windows 9x uniquement
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows
Configuration minimale : Version DOS :
Processeur : Intel Pentium – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Carte son supportée : Sound Blaster

Version Windows 9X :
Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Fin 1997, on ne peut pas dire que les jeux de combat constituaient le centre des préoccupations de la plupart des joueurs PC – surtout quand tout ce qui était en 2D semblait déjà furieusement has been par rapport à ce que pouvaient afficher leurs cartes accélératrices 3D dernier cri. Ce qui explique pourquoi Mortal Kombat Trilogy sera arrivé sur l’ordinateur en trainant les pieds… et sous la forme d’un simple portage de la version PlayStation, ce qui était quand même un peu frustrant quand on se souvient que les machines de l’époque étaient déjà tout à fait capables d’afficher une résolution bien plus élevée que le 320×240 du titre, et surtout en plus de 256 couleurs – ce qui n’est pas le cas ici.

Passé cette déception, la bonne nouvelle est que le titre tourne comme un charme, qu’il n’y a plus trace du moindre temps de chargement sur un système puissant, et que le titre reconnait nativement les joypads dans sa version Windows 9x… qui est justement celle qui est en vente à l’heure actuelle plutôt que la version DOS, grâce à un petit programme appelé dxcfg apparemment créée par l’équipe de GOG et qui permet au jeu de tourner comme un charme sous Windows 10 sans sacrifier la moindre fonction ni avoir à se battre avec une machine virtuelle. Conséquence : vous pouvez brancher votre manette de Xbox series, ça ne posera aucun problème, et cela permet au programme d’offrir une expérience optimale – dommage que la réalisation ne se hisse pas à la hauteur de celle de la borne d’arcade d’Ultimate Mortal Kombat 3 et que les quelques nouveautés de la version Nintendo 64 n’aient pas fait le trajet jusqu’à cette itération, car pour le reste, c’est un sans faute.

NOTE FINALE : 16,5/20

Un peu paresseuse sur le plan de la réalisation – où elle ne parvient même pas à faire tout à fait aussi bien que la version PlayStation dont elle est pourtant directement tirée – la version PC de Mortal Kombat Trilogy est heureusement totalement irréprochable sur le plan de la jouabilité, et la disparition des temps de chargement constitue un bonus suffisamment bienvenue pour faire de cette version la meilleure de toutes d’une (très) courte tête. Un portage plus ambitieux aurait cependant pu faire encore mieux, dommage.

Version Saturn

Développeur : Point of View, Inc.
Éditeur : GT Interactive Software Corp. (Europe) – Midway Home Entertainment, Inc. (Amérique du Nord)
Date de sortie : 11 avril 1997 (Europe) – 8 août 1997 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (simultanément) – 2 à 8 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour la version Saturn, on retrouve à la barre l’équipe qui allait se charger la même année de la conversion sur PC ; on ne sera donc pas surpris de se retrouver, une fois de plus, face à un portage de la version PlayStation avec un contenu exactement identique.

Les rares nuances seront donc plutôt à aller chercher, une nouvelle fois, du côté de la technique : comme souvent avec la console de SEGA, les quelques effets de transparence (les ombre et les barres de vie, principalement) ont laissé la place à un dithering pas très esthétique, mais pour le reste les graphismes sont les mêmes que ceux de la version PC, ce qui signifie que les couleurs ne font pas apparaître le même effet de trame que sur PlayStation. Les chargements sont également légèrement plus rapides, ce qui compte dans un jeu où on va en rencontrer souvent. Pour le reste, la fluidité est irréprochable et la jouabilité inattaquable – autant dire que ceux qui voudraient du Mortal Kombat sur leur Saturn seraient bien inspirés de commencer directement par ici.

NOTE FINALE : 16,5/20

À quelques minuscules fioritures près, Mortal Kombat Trilogy sur Saturn fait globalement jeu égal avec une version PlayStation qui ne le devance que du côté des effets de transparence. Pour ce qui est du contenu comme de celui de la jouabilité, aucun reproche à faire, et les fans de la licence peuvent découvrir cette version sans aucun regret.

Paperboy (Nintendo 64)

Développeur : High Voltage Software, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Testé sur : Nintendo 64

La licence Paperboy (jusqu’à 2000) :

  1. Paperboy (Arcade) (1985)
  2. Paperboy 2 (1992)
  3. Paperboy (Nintendo 64) (1999)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 31 octobre 1999 (Amérique du Nord) – Novembre 1999 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 96Mb
Controller Pak et Rumble Pak supportés
Système de sauvegarde par Controller Pak

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Qu’est-ce qui pousse une licence à revenir à la vie ?



Il peut arriver qu’un créateur ou une équipe de développement aient envie de remettre leur ouvrage sur le métier, emballés par un projet auquel ils croient, surtout quand le succès public a été au rendez-vous pour le premier épisode – mais, à l’instar de Frankenstein et de sa créature, la décision vient souvent de plus haut, d’un dieu obscur nommé « marketing » avec des chiffres plein son bureau, et qui a décrété qu’il y avait encore de l’argent à faire en trayant une licence jugée porteuse, parce qu’au fond c’est toujours à ça qu’on en revient : la rentabilité.

À ce délicat exercice des prédictions, difficile de dire qui avait jugé que lancer un Paperboy 2 en 1992, à une époque où le premier opus était solidement rangé dans des cartons dont personne ne semblait jusqu’alors avoir envie de le sortir, était une bonne idée. Le jeu n’avait alors pas suscité un grand enthousiasme, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il avait été accueilli assez fraichement, et on pensait en avoir définitivement fini avec une licence dont les belles années semblaient définitivement appartenir au passé.

On avait tort.

Flash forward en 1999. Alors que les avancées technologiques semblent être sur toutes les lèvres, que ce soit avec les cartes accélératrices 3D toujours plus puissantes sur PC ou la génération 128 bits qui commence déjà à taper à la porte avec la Dreamcast, une curieuse mode commence à poindre le bout de son nez : le retrogaming.

Voilà que les joueurs semblent soudain redécouvrir les vieux succès de l’arcade et leur trouver une fraîcheur insoupçonnée, et tout à coup des Frogger ou des Battlezone commencent à réapparaitre dans des versions modernisées (on ne parle pas encore de « remaster », à l’époque) – et mieux encore, à se vendre comme des petits pains. S’avisant soudain qu’il y a de l’argent (facile) à se faire, Midway décida d’aller puiser dans un catalogue d’autant plus généreux que la compagnie américaine avait récupéré trois ans plus tôt, via Time Warner Interactive, tous les titres édités par Atari. Et au milieu des nombreuses compilations de bornes d’arcade, l’idée se dessina fatalement : et pourquoi ne pas directement proposer une version mise à jour de Paperboy pour la Nintendo 64 ? Eurêka. Le projet fut lancé.

Le principe de base n’a pas changé : prendre les commandes d’un livreur de journaux (ou d’une livreuse) à vélo et lui faire distribuer la presse en lançant les précieuses éditions directement dans la boîte à lettres ou sur le pas de la porte de ses précieux abonnés. Le jeu d’origine et son game design commençant quand même un peu à dater, plus question ici de jouer uniquement pour le score : il s’agira ici de parcourir plusieurs quartiers, de plus en plus difficiles, pour contenter un nombre prédéfini de clients.

Le jeu est toujours « sur des rails » dans le sens où il n’est pas question ici de décider de votre parcours de livraison dans une zone en monde ouvert, du moins pas au début : le défilement est imposé, et même si la 3D offre une certaine marge de manœuvre à votre héros, il ne sera pas toujours possible d’espérer faire demi-tour en cas de maison ratée : l’alternative sera de refaire un deuxième tour de manège avant l’écoulement du temps limite – et en essayant de ne pas se rater, cette fois. Le jeu tend heureusement à vous lâcher un peu la bride dans les niveaux plus avancés, mais dans l’ensemble, cette « liberté » n’apporte de toute façon pas grand chose dans des environnement trop restreints pour que l’exploration trouve son sens. Les voisins fous et autres chiens enragés sont toujours de la partie, et ils pourront à nouveau être neutralisés à l’aide d’un simple journal ; c’est même recommandé, car certains d’entre eux lâchent une pièce spéciale en étant touchés, et cumuler trois de ces pièces sur un même niveau ouvrira l’accès à un stage bonus… sur lequel je ne saurais m’étendre, ma console ayant bêtement planté au moment d’y accéder, mais qui ressemble a priori au fameux terrain vague qui clôturait les rues de la version arcade.

Les possibilités n’ont d’ailleurs pas (trop) évolué depuis la borne de 1985 : il est désormais possible de sauter (ce qui ne sert pas à grand chose) et de ramasser plusieurs bonus permettant d’augmenter votre vitesse, de vous faire décoller plus haut ou même de vous transformer en monstre (l’équivalent de l’invincibilité), mais c’est là encore rarement utile.

Des boss ont également fait leur apparition, qui vous demanderont un minimum de réflexion pour espérer les vaincre, et il est possible de boucler chaque quartier plusieurs fois pour desservir plus d’abonnés à chaque fois et ainsi débloquer les futurs quartiers du jeu. Le moteur 3D n’est certes pas éblouissant mais il a la bonne idée d’opter pour un aspect « cartoon » qui, bien que limité (on trouvait déjà ça moche à l’époque), a assurément mieux vieilli que si l’esthétique s’était voulue réaliste – et dans l’ensemble la jouabilité est très bonne et se maîtrise en une poignée de secondes. Bref, en dépit de doutes compréhensibles, la plupart des gros écueils qui guettaient cette adaptation (portage ? Remake ?) semblaient évités avec brio. Alors où est le piège ?

Le vrai problème du jeu a un nom, et celui-ci est « équilibrage ». Traduit en clair, ce Paperboy a tous les ingrédients pour être très sympathique, mais il les assemble mal, et cela accouche au final d’un titre beaucoup trop court et surtout ridiculement facile. Un tour de quartier standard se bouclant en environ deux minutes, et le jeu ne comptant qu’une quinzaine de quartiers, on peut très facilement faire le tour d’à peu près tout ce que le programme a à offrir en moins d’une heure, même en s’efforçant de refaire les quartiers en boucle.

Les niveaux ont beau devenir plus longs, plus ouverts et plus peuplés au fur et à mesure de l’avancée du programme, la très généreuse jauge de vie du héros fait que la principale difficulté doit consister en le fait de dénicher d’autres stocks des précieux journaux qui lui servent de munitions, ce qui n’est quand même pas grand chose. Et l’un dans l’autre, on a toujours l’impression que les hostilités se terminent précisément au moment où les choses commençaient à devenir intéressantes – il manque vraiment un mode de jeu proposant quelque chose de plus ambitieux que des niveaux qui se résolvent en un tour de main. Ce n’est pas qu’on s’ennuie, c’est surtout qu’on n’a pas le temps de s’amuser ! En dépit de ses efforts, la cartouche échoue à offrir une véritable raison de retourner écumer les quartiers à la recherche de bonus à dénicher ou d’objets à collectionner, ce qui fait qu’une fois l’aventure bouclée, les raisons d’y revenir ne se manifestent tout simplement pas. Bref, sans passer un mauvais moment, on ne congédie jamais tout-à-fait la sensation de s’être essayé à une formule à laquelle il manque quelque chose, et on finit par congédier un titre qui n’a pas su aller au bout de ses idées. Frustrant.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13/20 On ne va pas se mentir : après un deuxième opus qui sonnait déjà comme l'épisode de trop, c'est avec une certaine appréhension qu'on lance ce Paperboy version Nintendo 64 pour découvrir... un titre mieux fichu qu'il en a l'air, fidèle à l'esprit de la borne originale tout en étendant les possibilités et dont le potentiel est palpable d'un bout à l'autre. Malheureusement, un cruel manque d'ambition additionné à une difficulté à peine anecdotique, à une jouabilité trop dirigiste et à des niveaux bien trop courts cantonnent l'expérience à une promesse qui ne se matérialise jamais. C'est d'autant plus frustrant qu'avec un équilibrage mieux pensé, davantage de contenu et des bonus mieux exploités, il y avait vraiment matière à passer un moment sympathique, mais en l'état, la cartouche épuise ses possibilités en moins d'une heure avant de retourner amasser la poussière dans une étagère d'où on ne la ressortira que très occasionnellement. Dommage. CE QUI A MAL VIEILLI : – Des niveaux qui se bouclent beaucoup trop vite – Une difficulté aux abonnés absents – Un déroulement qui peine à lâcher la bride du joueur – Des bonus affreusement sous-exploités

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Paperboy sur un écran cathodique :

Doom 64

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Éditeur : Midway Home Entertainment, Inc.
Testé sur : Nintendo 64
Disponible sur : PlayStation 4, Stadia, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox Cloud Gaming, Xbox One, Xbox Series
En vente sur : GOG.com (Windows), Nintendo eShop (Switch), Steam.com (Windows), Xbox.com (Xbox One & Series)

La série Doom (jusqu’à 2000) :

  1. Doom (1993)
  2. Doom II (1994)
  3. Doom 64 (1997)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 4 avril 1997 (Amérique du Nord) – 1er Août 1997 (Japon) – 2 décembre 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 64Mb
Controller Pak supporté
Système de sauvegarde par mot de passe ou via Controller Pak

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Lorsqu’on évoque la fameuse « révolution 3D » qui aura correspondu à la fois à la naissance du FPS en tant que genre à part entière, à l’essor de la génération 32 bits du côté des consoles et à celui du PC en tant que pure machine de jeu, on pense rarement à y inclure directement la Nintendo 64.

Le titre n’hésite pas à puiser dans les ambiances sombres, mais n’en abuse pas pour autant

Il faut dire que la console 64 bits aura débarqué tardivement, à un stade où la révolution susnommée était déjà engagée depuis plusieurs années – à tel point, d’ailleurs, que la PlayStation avait eu le temps d’asseoir sa position dominante sur la génération en cours, plongeant pour la première fois de son histoire une console de salon de Nintendo dans la position de l’outsider n’approchant jamais le succès de sa principale rivale. Son hardware, censé être révolutionnaire, n’aura objectivement jamais vraiment pu étayer cette affirmation – en revanche, c’est bel et bien du côté de la jouabilité en 3D que Nintendo aura à tout jamais imprimé sa patte grâce à des jeux aussi révolutionnaires que Super Mario 64 ou Ocarina of Time. Comme un symbole, à une époque où le monde vidéoludique – et le genre du FPS en particulier – avait déjà bien changé, c’est bien celui que l’on considère comme le principal initiateur du genre, le légendaire Doom, qui aura fini par se décider à faire une apparition sur la nouvelle console qui avait bien du mal à être dans le vent. Mais, celle-ci ne faisant décidément rien comme tout le monde, plutôt que d’héberger une sorte de compilation optimisée des deux premiers opus comme cela avait été le cas sur PlayStation puis sur Saturn, aura bel et bien hérité d’une version 100% exclusive (du moins jusqu’à une période récente), fort logiquement nommée… Doom 64. Ça sonne encore mieux que Doom 3.

Viens dire bonjour à papa !

Le titre tient à la fois de la suite (le « scénario », et vous noterez les guillemets, vous envoyant chercher une sorte de reine des démons occupée à relever les créatures que vous aviez si patiemment tuées), du spin-off (après tout, ce n’est ni Doom ni Doom 3, c’est Doom 64) et du remaster, le moteur du jeu n’ayant plus grand chose à voir avec celui de l’épisode paru sur PC en 1993.

La mobilité permanente sera la clef de la plupart des combats

Pourtant, la volonté de filiation est évidente : les monstres sont restés exactement les mêmes – le boss final étant l’unique créature à n’être jamais apparue dans aucun des deux opus précédents – tout comme les armes (à une inédite près, nous y reviendrons) et la jouabilité. Seulement, les sprites ont été intégralement redessinés, la 3D est moins primitive, et l’ambiance générale bénéficie surtout de magnifiques éclairages qui changent totalement l’atmosphère du jeu – bien aidé, en ce sens, par une musique qui aura abandonné les riffs de guitare électrique pour tomber dans des sonorités plus glauques, mais aussi plus prévisibles. Si le résultat « trahit » parfois un peu le matériau de base (on ne retrouve pas tout-à-fait la formidable nervosité qui définissaient assez bien les deux premiers épisodes lorsqu’on les pratiquait sur un PC rapide), il faut reconnaître qu’il est globalement un peu plus varié et un poil plus surprenant que celui de ses modèles, et qu’il louvoie parfois vers des ambiances évoquant davantage Quake ou même Hexen. La meilleure nouvelle, cependant, est surtout que le framerate est d’une stabilité totale quel que soit le nombre d’ennemis à l’écran et que le pad de la Nintendo 64 se prête déjà assez bien à la jouabilité d’un jeu de ce type, même si on peut aujourd’hui regretter l’absence d’un deuxième stick pour la vue. On peut de toute façon configurer soi-même l’attribution des boutons pour se faire un maniement sur mesure.

C’est un poil moins nerveux, mais ça fonctionne toujours aussi bien

Tout ceci est déjà très positif, mais les joueurs actuels – qui peuvent désormais facilement lancer Doom dans des version en ultra-haute résolution ajoutant plus ou moins de friandises graphiques – sont en droit de se demander comment a vieilli un jeu dont la technique faisait sans doute davantage illusion en 1997 qu’à l’ère des cartes graphiques à 16Go de RAM.

Les décors ont parfois un petit côté Quake

La réponse est : très bien, grâce au véritable apport de cette itération : les niveaux en eux-mêmes. Loin de se contenter de simples resucées ou variations des épisodes originaux, les équipes de Midway auront en effet crânement décidé de débarquer avec leurs propres créations originales, et elles auront eu raison : le fait est qu’elles n’avaient visiblement aucun complexe à nourrir vis-à-vis des employés d’id Software dans le domaine ! En dépit de mécanismes usés jusqu’à la corde et consistant systématiquement à trouver la bonne clef ou le bon interrupteur avant de découvrir ce qu’ils peuvent bien ouvrir, l’ensemble est merveilleusement équilibré, ni trop linéaire ni trop ridiculement alambiqué, pour qu’on puisse parfois tourner en rond pendant dix minutes sans pour autant être tenté de jeter l’éponge faute de comprendre ce qu’on attend de nous.

…et offrent souvent des rendus assez originaux pour la sage

Le game design ne repose pratiquement jamais sur l’accumulation de monstres – sauf pendant un combat final particulièrement éprouvant – et même si les « codes » du genre sont parfaitement respectés (si vous voyez une arme généreusement offerte en plein milieu d’une grande pièce, attendez-vous à être entouré de monstres deux secondes après l’avoir ramassée), on a toujours authentiquement hâte de découvrir la suite du programme. La campagne du jeu a déjà largement de quoi occuper une dizaine d’heures, et sans doute bien plus si on cherche à dénicher des niveaux secrets d’ailleurs souvent très bien fichus, et dans lesquels on pourra dénicher… des symboles venant augmenter la puissance de l’unique arme originale du jeu, une sorte de canon-laser organique employant des cellules d’énergie.

Les atmosphères sont plus variées que dans les opus originaux

Bref, le curseur a été très intelligemment placé exactement là où il le fallait entre le respect de la philosophie originale et sa légitime trahison, ce qui fait qu’on a immédiatement le sentiment d’être en train de jouer à Doom tout en parvenant encore à être intéressé par le déroulement du jeu.

Le boss final ne laisse pas le droit à l’erreur !

Évidemment, le fait de ne pouvoir sauvegarder qu’entre les niveaux (et encore, à condition d’avoir le Controller Pak, sans quoi il faudra avoir recours aux mots de passe en seize caractères) rend le déroulement d’autant plus exigeant, surtout face à des boss tout-à-fait capables d’occire votre héros en une seule attaque, mais la magie originelle s’est finalement très bien transmise à cet opus qui se révèle au moins aussi efficace que ses prédécesseurs. En fait, j’irais même jusqu’à en faire le meilleur épisode de la saga au moment de sa sortie, s’il ne manquait pas une petite gourmandise qui aura pourtant fait des merveilles sur la machine de Nintendo : le multijoueur. Ah, jouer en coopératif à deux sur le même écran, ou en deathmatch à quatre, ça aurait eu de la gueule – comme un certain GoldenEye allait d’ailleurs se charger de le prouver une poignée de mois plus tard.

À l’assaut d’une forteresse médiévale…

Malheureusement, il faudra se contenter d’une excellente campagne solo – sans doute la meilleure de la série – à laquelle les récentes rééditions sur Windows et les systèmes modernes auront d’ailleurs ajouté une campagne « bonus » de sept niveaux déblocable une fois le jeu terminé. Une petite déception pour un titre qui demeure néanmoins une acquisition obligée pour les fans de Doom, et probablement pour tous les amateurs de FPS à l’ancienne qui pourront profiter ici d’une expérience parmi ce que les mécanismes classiques auront pu produire de meilleure. À découvrir, et vite !

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 18/20 Doom 64 aurait pu n'être qu'un excellent portage du titre original, voire des deux premiers opus, offert dans un emballage subtilement rehaussé – exactement comme cela avait été le cas sur PlayStation deux ans plus tôt ou sur Saturn la même année – mais il aura préféré être une sorte de suite spirituelle proposant une trentaine de niveaux entièrement originaux dans un moteur remis au goût du jour, au point parfois d'évoquer parfois davantage celui de Quake que celui du titre original. Le pari était risqué, presque sacrilège, surtout quand on constate que le jeu a dû sacrifier une partie de l'hyper-nervosité qui avait fait sa force en même temps que sa bande son aux sonorités hard rock – mais le mieux est qu'il est parfaitement gagné. Grâce à un level design absolument parfait et à une esthétique qui ne trahit jamais le matériau d'origine, subtilement transcendée par des éclairages qui font mouche, le titre de Midway Home Entertainment se révèle largement digne de son inspirateur et procure même une expérience plus variée, mieux équilibrée et plus prenante que celle de Doom II. Avec un mode multijoueur, on aurait certainement tenu une cartouche capable d'aller chatouiller jusqu'à GoldenEye, mais en l'état, on tient à n'en pas douter l'un des tout meilleurs FPS de la machine, et une alternative de première ordre aux versions informatiques. Si vous appréciez Doom, ne vous posez même pas la question : foncez !

CE QUI A MAL VIEILLI : – Pas de multijoueur – Un rythme moins soutenu et une action globalement moins nerveuse que dans la version originale – Une maniabilité au pad pas encore optimale – Un combat final vraiment relevé

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Doom 64 sur un écran cathodique :

Banjo-Kazooie

Développeur : Rare Limited
Éditeur : Nintendo of Europe GmbH
Titres alternatifs : Dream (titre de travail), Banjo Kazoo (titre préliminaire modifié pour cause de copyright), バンジョーとカズーイの大冒険 (Banjo to Kazooie no Daibōken, Japon)
Testé sur : Nintendo 64
Disponible sur : Switch, Xbox 360, Xbox Cloud Gaming, Xbox One

La série Banjo-Kazooie (jusqu’à 2000) :

  1. Banjo-Kazooie (1998)
  2. Banjo-Tooie (2000)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 31 mai 1998 (Amérique du Nord) – 17 juillet 1998 (Europe) – 6 décembre 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 128Mb
Système de sauvegarde par pile
Rumble Pak supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au moment d’évoquer la ludothèque de la Nintendo 64 – surtout si l’objectif est d’en mentionner les titres marquants – deux noms sont appelés à revenir à peu près systématiquement.

Celui de Nintendo, pour commencer, qui, en dépit de quelques très mauvaises décisions (le choix du support cartouche restant certainement comme la pire), aura néanmoins miraculeusement réussi à sauver sa console de la déroute face à l’écrasante domination de la PlayStation grâce à l’extraordinaire qualité de ses licences maisons, de Super Mario 64 à Ocarina of Time – qui auront (re)défini une large partie des attentes en termes de gameplay en 3D à elles toutes seules, tout en marquant l’histoire vidéoludique au fer rouge. Quant au deuxième, je ne pense pas prendre beaucoup de risques en avançant celui de Rare ; le studio britannique, fort d’une relation privilégiée avec la firme japonaise au moins depuis Donkey Kong Country, aura pour ainsi dire représenté le boss final de la production des éditeurs tiers sur la machine, et aura démontré avec des titres comme GoldenEye 007 qu’il n’était pas exactement composé de manches, lui non plus, quand il s’agissait d’apporter sa pierre à l’édifice de la révolution 3D. Et en 1998, comme un défi, il aura décidé d’aller chasser directement sur les terres du roi en développant Banjo-Kazooie, une cartouche qui ambitionne de lorgner sans aucun complexe en direction de celui qui s’était affirmé comme le maître absolu en la matière, l’immense Super Mario 64.

On sent d’ailleurs que l’histoire n’a pas été l’axe de travail prioritaire : faute de princesse à sauver, les deux héros du jeu – qui auront d’abord été un garçon accompagné de son chien à l’époque où le titre était encore un projet sur Super Nintendo baptisé Dream, puis un lapin avec un chien, puis un ours avec un chien avant que l’on se décide pour un ours avec un oiseau – vont donc partir à la recherche de la sœur de Banjo, enlevée par une sorcière appelée Gruntilda si jalouse de sa beauté qu’elle en aura carrément piqué le scénario de Castle of Illusion dans la manœuvre.

Qu’importe : bien décidés à se lancer à sa poursuite, Banjo l’ours et Kazoo l’oiseau entrent dans le repaire de la sorcière, qui se trouve justement fonctionner exactement comme le château de Peach dans Super Mario 64 – sans doute une coïncidence – mais en beaucoup plus tortueux. Pour parcourir les quelques neuf mondes du jeu, figuré par – tiens donc – des tableaux, nos héros devront collecter des ét… euh, des pièces de puzzle, qui leur permettront de compléter les toiles inachevées et ainsi de débloquer l’accès aux prochains niveaux – il y a dix de ces étoiles par monde, sans compter celles qui peuvent être dénichées directement dans le château de Gruntilda. Mais pour parcourir le domaine de la sorcière, il faudra également collectionner les notes de musique – cent par niveau. Et puis trouver les crânes de Mumbo, qui débloqueront des transformations en animaux qui ouvriront des accès secrets. Et puis trouver les taupinières de la taupe Bottles, qui apprendront de nouvelles techniques à l’ours et à son amie. Et puis trouver des oiseaux. Et des plumes. Et des œufs. Et des plumes dorées. Et…

Si vous n’avez pas connu cette époque magique du jeu de plateforme en 3D où LE mécanisme vidéoludique perçu comme indispensable et indépassable était d’aller dénicher des milliards d’objets plus ou moins utiles dans tous les sens, mieux vaut vous préparer psychologiquement. Comme son modèle, Banjo-Kazooie est en effet un jeu où l’exploration méthodique est un mécanisme bien plus central encore que la plateforme ou l’affrontement avec les quelques ennemis épars du jeu, qui représentent rarement une réelle menace.

Les neuf mondes de la cartouche sont en effet rarement gigantesques, mais ils savent vous le faire oublier grâce à un level design très bien ficelé où chaque centimètre carré de terrain vaut la peine d’être exploré, et qui permet au jeu de nécessiter au moins une dizaine d’heures pour en voir le bout – et sans doute encore bien plus pour espérer le finir à 100%. Les univers présentés ne sont pas très originaux – un monde de glace, un désert, une plage, un cimetière, vous voyez l’idée – mais ils sont d’autant mieux mis en valeur que l’aventure déborde littéralement d’idées, de mini-jeux, d’énigmes bien agencées, de passages secrets vicelards et de quêtes secondaires nécessitant de faire marcher un minimum ses méninges. Grâce à la panoplie d’actions très étendue de nos deux héros, qui peuvent marcher, courir, voler, escalader les pentes les plus raides et se balader dans les zones les plus toxiques avec l’aide des techniques et des bonus adéquats, on tourne parfois un peu en rond, on se demande parfois pendant un long moment où peut bien être cette fameuse pièce de puzzle qui nous manque et comment l’atteindre – voire où peut bien se situer le prochain niveau – mais on ne s’ennuie absolument jamais ; mieux, on a les pires difficultés à reposer la manette tant on a envie de voir la suite. Et ça, c’est quand même très bon signe.

En fait, le simple fait que le titre puisse réellement prétendre à rivaliser avec Super Mario 64 témoigne déjà de l’état de grâce dans lequel évoluait Rare à l’époque. La réalisation est magnifique pour la machine – et a mille fois mieux vieilli que les dizaines de titres de la ludothèque perpétuellement égarés dans un brouillard destiné à masquer le cliping – l’humour fait mouche, le jeu sait placer ses personnages et ne jamais nous faire oublier la présence de Gruntilda, qui intervient ponctuellement (et en vers, s’il vous plaît !) pour nous sortir ses vannes sans interrompre l’action.

C’est tellement efficace que même les joueurs les plus hermétiques à la collecte tous azimuts se surprendront à passer beaucoup plus de temps qu’ils ne l’avaient imaginé à aller récupérer ce piaf ou cette note de musique qui leur manquent, juste pour le plaisir d’avoir enfin compris comment accéder à cette ultime corniche ou à l’intérieur de cette dernière demeure qui les avaient nargués depuis si longtemps. Ce qui ne veut pas dire que le jeu soit parfait : la caméra, notamment, vous offrira quelques moment particulièrement frustrants lorsque le titre vous demandera de courir sur une corniche étroite – parfois en temps limité, tant qu’à faire. Et autant collecter des machins dans tous les sens peut avoir une certaine vertu ludique, mais on était vraiment obligé de repartir de zéro pour tout sauf les pièces de puzzle à chaque fois qu’on perd une vie ou qu’on quitte le niveau ?

Quelques défauts qui feront souffler – sauf que, curieusement, on n’éteint jamais la console. Toutes les composantes du jeu fonctionnent, au point qu’on ne regrette même pas l’absence de boss en-dehors de Gruntilda, et toute la séquence finale du grand quiz jusqu’aux crédits (deux fois !) vient conclure en beauté une aventure qui remplit sa mission avec une efficacité rarement égalée. Banjo-Kazooie, c’est un jeu qui sera parvenu à regarder Super Mario 64 dans les yeux sans rougir, et à figurer au rang des monuments de la ludothèque de la machine. Découvrez-le aujourd’hui, et le plaisir sera à peu près le même qu’à l’époque. Sincèrement, vous ne le regretterez pas.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20 À l'époque où le studio Rare était au sommet de sa gloire – et portait à lui seul une bonne partie de la ludothèque de la Nintendo 64 – il se sera lancé un défi absurde : se lancer à l'assaut de l'Everest inaccessible qu'était Super Mario 64. Banjo-Kazooie est le fruit de cette ambition sans borne, et le mieux, c'est qu'il n'est vraiment pas loin d'atteindre son objectif. D'accord, le titre n'invente pour ainsi dire rien, et pousse la logique de la collecte d'objets jusqu'à un point qui confine au grotesque – mais entre la réalisation qui tire le meilleur de la console et un level design particulièrement inspiré, le constat est implacable : on ne s'ennuie pas une seule seconde de la dizaine d'heures que réclamera le jeu pour être vaincu. Oui, la caméra trahit son âge et les environnements auraient pu être un poil plus originaux, mais il y a tellement d'idées dans le jeu qu'on n'a qu'une seule envie : tout explorer, tout dénicher, et aller découvrir la suite ! Un monument du genre, et définitivement une cartouche à posséder impérativement sur Nintendo 64.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des objets à collectionner, partout, tout le temps, dans tous les sens... – ...et le pire, c'est qu'il faudra retourner les chercher en cas de vie perdue ou de niveau quitté ! – Une caméra qui fait ce qu'elle peut mais qui reste très « XXe siècle »

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Banjo-Kazooie sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« En fait, Banjo-Kazooie est une bien agréable surprise en cette période de vache maigre pour la N 64. B-K, meilleur jeu de plates-formes, toutes machines confondues ? En tout cas, on n’en est pas bien loin. »

Kendy, Joystick n°96, septembre 1998, 88%

RR64 : Ridge Racer 64

Développeurs : Namco Limited – Nintendo Software Technology Corporation
Éditeur : Nintendo of Europe GmbH
Titres alternatifs : Ridge Racer 64 (titre usuel), 山脊赛车64 (graphie chinoise)
Testé sur : Nintendo 64

La série Ridge Racer (jusqu’à 2000) :

  1. Ridge Racer (1993)
  2. Ridge Racer 2 (1994)
  3. Ridge Racer Revolution (1995)
  4. Rave Racer (1995)
  5. Rage Racer (1996)
  6. Ridge Racer Type 4 (1998)
  7. RR64 : Ridge Racer 64 (2000)
  8. Ridge Racer V : Arcade Battle (2000)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 14 février 2000 (Amérique du Nord) – 7 avril 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 4
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 256Mb
Système de sauvegarde par pile
Rumble Pack supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Considérons un instant, si vous le voulez bien, deux trajectoires parallèles.


D’un côté, la série des Ridge Racer de Namco, si intrinsèquement liée à la PlayStation depuis ses débuts que le premier opus de la série avait même été le tout premier titre développé pour la console de Sony, laquelle aura ensuite hébergé tout le reste de la saga en exclusivité (hors arcade) avec un succès qui avait de quoi faire bien des envieux.

De l’autre, une Nintendo 64 sérieusement en fin de vie en 2000, balayée commercialement (comme toutes les autres, pourrait-on dire) par la PlayStation, délaissée par les éditeurs tiers qui n’avaient aucune envie de développer sur des cartouches, sur le point de recevoir le coup de grâce avec la sortie de la PlayStation 2 cette même année. Qu’est-ce qui peut bien unir ces deux parcours aux antipodes ? Une incongruité : deux semaines à peine avant la sortie de Ridge Racer V sur PS2, Namco aura soudain décidé d’accorder à la Nintendo 64 son épisode exclusif de la série, logiquement nommé Ridge Racer 64. Pourquoi renoncer à l’exclusivité chez Sony, pourquoi à ce moment, pourquoi sur une machine à l’agonie qui croulait sous les jeux de course ? Seules les huiles de Namco doivent avoir la réponse à cette question. Ce qui compte, c’est que les joueurs de Nintendo, eux, auront enfin eu le droit à leur épisode exclusif à eux, et qu’ils espéraient bien voir leur console achever son cycle de vie en apothéose.

Dans les faits, Ridge Racer 64 est autant un épisode exclusif qu’une sorte de best of des quelques cinq épisodes l’ayant précédé.

La bonne nouvelle, c’est que le menu est a priori un peu plus copieux que ce à quoi nous avait habitués la saga jusqu’ici à l’exception notable de Ridge Racer Type 4 : Un mode principal qui prendra la forme d’un grand prix vous proposant de boucler les neuf circuits du jeu avant de recommencer dans leur version « inversée », une course libre pour se lancer tout de suite dans l’action, un time trial pour améliorer vos temps, sans oublier une des gourmandises qui faisait la renommée de la console : un mode multijoueur à quatre en écran splitté, avec confrontation, jeu en équipe – la totale. Histoire d’en remettre encore une couche, le titre comporte désormais pas moins de 25 voitures différentes aux caractéristiques propres, à déverrouiller via le mode grand prix évoqué plus haut, et qui demanderont cette fois, pour être réellement accessibles, d’affronter leur pilote via le dernier mode du jeu appelé Car attack. Un bon moyen de multiplier encore les occasions de concourir et de doter le titre d’un contenu assez conséquent pour enterrer, au moins sur le papier, tout ce qu’avaient pu offrir les épisodes précédents.

Comme souvent, la réalité est un peu moins enchanteresse que la théorie : les fameux neuf circuits (nombre qui commençait à représenter le minimum vital de ce qu’on était en droit d’attendre du contenu d’un jeu de course en 2000) sont en fait autant de variations des trois mêmes environnements, partageant donc une large partie de leur tracé avec d’autres courses se déroulant au même endroit.

Pour ne rien arranger, cinq de ces neuf circuits sont repris directement des épisodes précédents de la saga – ce qui ne devait certes pas trop déranger les joueurs N64 de l’époque, qui n’avaient encore jamais eu accès à un opus de la série, mais qui devrait moins faire plaisir aux joueurs ayant déjà eu l’occasion de s’essayer à la série sur PlayStation. On pourra également arguer que le fait d’avoir à « gagner » les véhicules pas moins de deux fois, d’abord en les débloquant avec le grand prix puis en allant faire la course contre eux en mode Car attack ressemble surtout à un moyen de rallonger la sauce en nous donnant un prétexte pour reparcourir les mêmes circuits encore et encore, mais même si on aurait pu espérer mieux en la matière, le contenu demeure suffisamment conséquent pour que le titre ait de quoi occuper un joueur une dizaine d’heures, voire plus si affinités.

La physique si particulière du titre n’a d’ailleurs pas beaucoup changé – attendez-vous donc à partir en dérapage dès que vous faites l’erreur de lâcher l’accélérateur.

Si cette conduite « arcade » peut être modulée par le choix de votre véhicule (une voiture avec beaucoup d’adhérence vous autorisant à piloter de manière un peu plus réaliste), on regrettera en revanche que vos adversaires, eux, soient visiblement aux commandes de bulldozers déguisés en bolides de course : il est pour ainsi dire impossible de leur couper la route, puisqu’il continueront de toute façon tout droit en vous virant sans ménagement de leur trajectoire sans être ralentis en rien pendant que vous perdrez de précieuses secondes ! Bon courage pour les doubler lorsqu’ils conduisent en ligne serrée en vous bloquant toute la largeur de la piste, ce qui arrive d’autant plus souvent que les circuits les plus difficiles comprennent des sections très étroites où il est déjà ardu de ne pas percuter les murs en conduisant seul. Une façon maladroite et assez mal pensée de gonfler la difficulté, qui vous interdit toute forme de conduite intelligente cherchant à tirer parti de leurs faiblesse : vous devrez éviter les véhicules adverses, point barre. Un peu décevant, à l’aube du nouveau millénaire…

Ce qui est certain, c’est que la réalisation graphique ne parviendra toujours pas à trancher la question consistant à décider qui de la PlayStation ou de la Nintendo 64 avait le meilleur hardware : le titre est techniquement réussi, avec des véhicules très détaillé, une animation fluide en toute circonstance (même si le framerate baisse fort logiquement lorsque l’on joue à plusieurs), et surtout aucune trace de cet atroce brouillard qui aura abîmé tant de jeux incapables d’assumer leur clipping – lequel est de toute façon invisible ici, preuve que les équipes de développement connaissaient leur boulot.

De ce côté-là, rien à dire : on est clairement dans le haut du panier de la machine… lequel ne semble pas supplanter Ridge Racer Type 4, qui présentait certes des textures plus granuleuses (pas de filtre bilinéaire sur la machine de Sony), mais dont les décors semblaient également un peu moins vides – et dont les ombrages paraissaient plus convaincants. Dans tous les cas, les joueurs sachant ce qu’ils viennent chercher – à savoir un jeu de course typé arcade et jouable à plusieurs avec suffisamment de contenu en mode solo pour occuper un joueur plus de dix minutes – ne devraient clairement pas renâcler devant le jeu. Ce n’est peut-être pas tout-à-fait aussi bon que Mario Kart 64 en termes de fun, ni tout-à-fait aussi bluffant techniquement que Ridge Racer Type 4 à sa sortie, mais cela reste un bon moyen de passer un très bon moment, en particulier pour les fans de la saga. Rien de révolutionnaire, mais ce n’est plus vraiment ce qu’on cherche en s’essayant à ces jeux de nos jours, non ?

Vidéo – La première course du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Pour son arrivée en 2000 sur une Nintendo 64 en fin de vie, on attendait de Ridge Racer 64 une sorte d'apothéose qui vienne clore avec éclat la page de la génération finissante. Dans les faits, en dépit d'une réalisation technique très solide et notamment d'un multijoueur à quatre particulièrement bienvenu, on ne peut congédier l'idée d'un léger retour en arrière, sur à peu près tous les plans, comparé à Ridge Racer Type 4. Malgré ses neuf circuits – qui sont en fait autant de variations des trois mêmes environnements, eux-mêmes largement recyclés des épisodes précédents – et de son contenu à débloquer (25 véhicules, les courses en mode « reverse »), le titre de Namco s'affirme comme une redite assumée des forces comme des faiblesses de la saga sans la moindre prise de risques. Une cartouche qui reste heureusement très agréable à jouer pour peu qu'on accroche au concept du dérapage à tout va ; pas tout à fait celui qu'on attendait en 2000 alors que Ridge Racer V s'apprêtait à s'élancer sur PlayStation 2, mais de quoi passer quelques heures agréables.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des sensations de course arcade toujours aussi irréalistes... – ...avec des adversaires qui peuvent se contenter de foncer tout droit en vous virant automatiquement de leur route – Pas assez de circuits – Une vue extérieure toujours aussi mal fichue

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ridge Racer 64 sur un écran cathodique :

Automobili Lamborghini

Développeur : Titus France SA
Éditeur : Titus France SA
Titre alternatif : スーパースピードレース64 (Super Speed Race 64, Japon)
Testé sur : Nintendo 64

Version Nintendo 64

Date de sortie : 30 novembre 1997 (États-Unis) – 12 décembre 1997 (Europe) – 29 mai 1998
Nombre de joueurs : 1 à 4
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Controller Pak et Rumble Pak supportés

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À force d’aborder la fameuse « French Touch » au fil de ces pages, le retrogamer néophyte pourra être arrivé à la conclusion que la production vidéoludique française du siècle dernier était exclusivement l’œuvre d’espèces de fous géniaux dont l’unique activité était de déverser sur le monde des Captain Blood, des Another World ou des Alone in the Dark chaque fois qu’il leur prenait l’envie de se réveiller le matin avec une idée forcément géniale. Cela reviendrait à éclipser l’écrasante majorité de la profession, plus pragmatique, parmi laquelle il conviendrait d’évoquer des entreprises comme Titus.

Parvenir à survivre vingt ans (le studio aura déposé le bilan en 2004) sans aucun hit planétaire à son actif (les plus anciens se souviendront de Crazy Cars ou de Fire & Forget, mais rien qui ait véritablement bouleversé le paysage de l’époque), cela démontre mine de rien une certaine forme de compétence. Quitte à sombrer, également, dans l’opportunisme quand la situation s’y prête : Titus, c’est aussi Les Aventures de Moktar, tiré d’une insupportable chanson de l’insupportable Lagaf, ou encore Un Indien dans la ville, et tant d’autres jeux très oubliables, parce qu’il faut bien manger, ma bonne dame. C’est surtout, vers la fin de sa vie, l’ignoble Superman sur Nintendo 64 qui aura réussi à entrer dans la légende, lui, comme l’une des pires cartouches de toute la ludothèque de la machine, voire au-delà. Autant dire que quand on évoque un jeu de course développé par Titus sur Nintendo 64 en 1997 et nommé Automobili Lamborghini, le joueur du XXIe siècle tend à froncer les narines par anticipation.

Pourtant, sur le papier, le menu est d’autant plus alléchant que la Nintendo 64 ne croulait alors pas exactement sous les bons jeux de course, à un Mario Kart 64 près, surtout comparé à la foule qui se pressait sur la PlayStation concurrente : pas moins de six courses (soit le double de ce que s’étaient osbtinés à offrir les cinq premiers opus rattachés à la saga Ridge Racer, par exemple), huit véhicules, deux modes de difficulté, plusieurs modes de jeu (arcade, championnat, course simple, time trial) – et, en guise de cerise sur le gâteau, un mode multijoueurs à quatre en simultané.

Il y a même un menu des options autorisant quelques petites gourmandises, comme le fait que tous les véhicules à l’exception de celui en tête bénéficient d’un gain de vitesse afin de rééquilibrer les choses. Quoi qu’on en dise, Titus ne s’est clairement pas foutu du monde à ce niveau-là, et Automobili Lamborghini peut d’ores et déjà se vanter d’être un titre offrant réellement de quoi y passer du temps, avec même un mode miroir à débloquer dans un championnat qui peut offrir des courses assez longues et la gestion de l’arrêt au stand en prime. Bref, si la réalisation et la jouabilité ont le bon goût de suivre l’ambition dévoilée par le contenu, on commence à se dire qu’on pourrait peut-être tenir, en fin de compte, un jeu de course particulièrement solide.

Niveau réalisation, pour commencer, le titre de Titus n’a clairement pas à rougir. Les environnements sont certes parfois un peu vide, mais les véhicules sont correctement modélisés, la sensation de vitesse est bien rendue, la musique dynamise l’action sans rien révolutionner, et on notera surtout l’absence de clipping intempestif ainsi qu’un recours limité à certains circuits (ainsi qu’au mode multijoueur) du fameux effet de brouillard qui aura fait tant de mal à la console.

Bref, le jeu assure l’essentiel, à savoir tourner vite et bien en rappelant au passage que la machine de Nintendo pouvait afficher quelque chose d’un peu plus fin que les amas de gros pixels qui servaient de textures aux systèmes concurrents. Niveau jouabilité, les choses sont un peu plus délicates ; pas de quoi casser sa manette en deux, mais mieux vaut savoir que parmi les véhicules disponibles à la sélection (et pour lesquels aucune caractéristique ne vous est jamais affichée), tous n’offrent pas exactement les mêmes sensations, et que même si la conduite est clairement à ranger dans la catégorie « arcade », certains modèles tiennent vraiment de la caisse à savon, donnant le sentiment de peser 25 grammes. On pourra donc passer quelques dizaines de minutes à dompter le maniement, le temps de trouver une voiture avec laquelle on se sentira plus facilement à l’aise (conseil : choisissez le mode semi-analogique dans les options) – après quoi, la magie finira par opérer et on s’amusera assez rapidement.

Il n’y a peut-être pas des milliers de choses à voir sur le bas côté, mais cela permet de limiter le clipping

En fait, sans prétendre aucunement au génie, Automobili Lamborghini est tout simplement le type de jeu qu’on attendait sur Nintendo 64 en 1997, à savoir un jeu solide et correctement réalisé qui ne soit pas développé directement par Nintendo. Oui, la maniabilité aurait pu être un peu plus fine, les collisions mieux gérés, les environnements un peu plus détaillés – n’empêche qu’en tant que pur jeu de course, ça fonctionne, c’est largement à la hauteur de ce que pouvaient proposer bien des studios plus huppés à la même période, et le mode multijoueur à quatre est clairement un gros plus.

Ça n’est peut-être ni Mario Kart 64 ni F-Zero X, mais c’est un constat qu’on pourrait appliquer à tout le reste de la ludothèque de la machine, et ça n’empêchera jamais de passer un bon moment dès l’instant où on est près à lâcher un peu les monstres sacrés de la console pour aller découvrir autre chose. Un bon moyen de se souvenir que Titus a aussi fait des bons jeux, mine de rien, et qu’il serait un peu dommage de résumer leurs deux décennies d’existence à un adaptation ratée d’une licence de super-héros. Quoi qu’il en soit, si vous avez envie d’écraser l’accélérateur avec des amis pendant quelques semaines, vous pouvez clairement tenter votre chance sur ce jeu.

Vidéo – La première course du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Certains joueurs pourraient être tentés de ranger hâtivement Automobili Lamborghini dans la case des jeux de course de seconde zone simplement parce qu'il a été développé par Titus, auteurs du catastrophique Superman sur la même plateforme. Ce serait une erreur, car sans aller chatouiller les références du genre, la cartouche développée par la société française propose assurément une réalisation et un contenu qui tiennent la route par rapport à ce qui était disponible en 1997. Certes, la conduite est un peu flottante et certains modèles sont de vraies caisses à savon qui ne rendent pas exactement hommage à la marque dont le titre tire sa licence, mais entre les six circuits, la possibilité de jouer à quatre et des modes de jeu permettant de proposer une durée de vie tout-à-fait décente, il y a là largement matière à donner des leçons à pas mal de jeux de course sur PlayStation, et pas nécessairement les plus obscurs. Si vous cherchez un titre à la conduite arcade mieux réalisé et un peu plus exigeant que Cruis'n USA, il serait idiot de faire l'impasse sur celui-ci entre deux parties de Mario Kart 64.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des collisions un peu trop systématiquement à votre désavantage – Des sensations de conduite parfois limite, surtout avec certains modèles – Des environnements bien rendus mais un peu vides

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Automobili Lamborghini sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Lamborghini (sic) ouvre la difficile voie des jeux de course à la « Ridge Racer » pour N64. Et on découvre un jeu de course qui se démarque par une réalisation graphique exemplaire. Pas un bug d’affichage, pas un scintillement. On fait dans le « clean » chez Titus, et ça marche. Certes, le jeu est assez froid […], mais bon, les sensations de conduite sont très agréables et le challenge est à la hauteur. N’est-ce pas le plus important ? »

Spy, Consoles + n°70, novembre 1997, 90%

1080° Snowboarding

Développeur : Nintendo EAD
Éditeur : Nintendo of Europe GmbH
Titres alternatifs : TenEighty Snowboarding (graphie alternative), テン・エイティ スノーボーディング (graphie japonaise)
Testé sur : Nintendo 64

Version Nintendo 64

Date de sortie : 28 février 1998 (Japon) – 1er avril 1998 (Amérique du Nord) – 9 octobre 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Allemand, anglais, français, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 128Mb
Kit Vibration N64 supporté
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec le recul, on peut l’affirmer avec une certaine objectivité : Nintendo n’aura pas toujours pris que des bonnes décisions. En fait, au milieu des années 90, le succès planétaire de la Super Nintendo aura commencé à s’effacer quelque peu devant les retards, les mauvaises décisions et les flops – catégorie dans laquelle le Virtual Boy avait déjà représenté une fameuse perte, tout comme le choix du support cartouche pour la Nintendo 64 qui aura fait fuir à toutes jambes la grande majorité des éditeurs.

Heureusement, là où une compagnie comme SEGA n’aura pas toujours su capitaliser sur ses licences les plus porteuses pour surmonter les périodes de vaches maigres (on se souvient à quel point l’absence d’un épisode exclusif de Sonic aura plombé la Saturn), Nintendo, eux, auront toujours su s’appuyer sur des équipes internes capables de mettre dans le mille avec une régularité qui confine au génie. Or, justement, en 1998, c’est un groupe mené par Shigeru Miyamoto en personne qui aura été chargé une énième fois de venir boucher les trous béants de la ludothèque de la console pour offrir un jeu de sport qui puisse tenir la dragée haute à ce que la PlayStation avait à offrir dans le domaine – c’est à dire beaucoup. Et devinez quoi ? Ils y seront parvenus. Encore.

1080° Snowboarding vous place donc, comme son nom l’indique, sur un snowboard. Quel que soit le mode de jeu choisi (nous allons y revenir), vous débuterez systématiquement par le choix de votre joueur puis de sa planche, l’occasion de découvrir de très nombreuses caractéristiques qui seront appelées à jouer un rôle par la suite : la vitesse, l’endurance, la technique, ou encore l’équilibre (la planche a ses attributs propres) , tout aura une importance comme vous devriez le réaliser au moment de lancer une course.

En mode « Challenge » (qui fera un peu office de mode principal, puisqu’il vous permettra de débloquer, au cours de trois séries de courses de plus en plus difficiles, chacune des huit pistes du jeu), vous pourriez par exemple être tenté de privilégier avant toute chose un snowboardeur rapide. Ceci dit, vous feriez par-là même peut-être une erreur : le snowboard se pratiquant sur des terrains plutôt accidentés (ce qui est encore plus vrai ici où il ne sera pas rare d’utiliser une voiture ou le toit d’un chalet en guise de tremplin), vous allez vite apprendre que votre capacité à vous réceptionner sans heurts risque de se montrer vitale : la jauge de dégâts présente en haut à gauche se remplira à chaque gadin, et une fois celle-ci pleine, ce sera l’abandon, la perte d’une vie et le retour au début de la course – soit exactement la même chose que si vous n’arrivez pas en tête, ce mode se disputant en tête-à-tête contre un adversaire contrôlé par l’I.A.

S’il sera possible de participer à des contre-la-montre pour peaufiner vos meilleurs temps sur chacune des pistes, de se lancer dans un mode tournoi où il faudra alors passer à droite ou à gauche de portes à la façon d’un slalom, ou même d’affronter un joueur humain histoire d’entretenir une saine rivalité, on n’a encore abordé ici que l’aspect le plus arcade (et le plus accessible) du jeu.

L’existence d’un mode « figures » va en effet correspondre ici à votre capacité à enchaîner des tricks – ce qui n’est pas trop complexe, notamment grâce à la présence d’un mode « entrainement » vous enseignant comment les réaliser – et surtout, à le faire sans vous vautrer à la réception, ce qui risque d’être déjà beaucoup plus délicat, un gadin signifiant la perte immédiate des points que vous aurait rapporté la figure. Apprendre à sauter au bon endroit et au bon moment, et savoir optimiser son angle au moment de toucher le sol, auront donc de quoi vous occuper un bon moment, car je vous promet qu’il faudra plus qu’une poignée de minutes pour être capable de réaliser le fameux « 1080° » du titre ! De quoi jouer à une version hivernale de Tony Hawk’s Skateboarding avant l’heure, puisque la célèbre licence d’Activision ne verrait le jour que l’année suivante. Autant dire de la matière, et de quoi passer de nombreuses heures.

Il serait cependant criminel de ne pas mentionner la réalisation du jeu. Le hardware de la Nintendo 64 aura posé de nombreux problèmes aux développeurs, en particulier à cause du manque de mémoire sur les cartouches – on se souvient de l’effet de brouillard permanent qui sera devenu une marque de fabrique pas très glorieuse de la console pour masquer le clipping.

Rien de tout ça ici : je vous laisse regarder les captures d’écran et la vidéo de clôture, 1080° Snowboarding est un titre qui nous rappelle que la N64 était tout-à-fait capable de faire au moins aussi bien, si ce n’est mieux que la PlayStation, en matière de 3D. Lens flare, effets de reflets, éclairages colorés, le tout avec un framerate remarquablement stable, on est clairement face au haut du panier de 1998, où seul un PC bien équipé pouvait espérer prétendre à mieux – on est même plus proche de ce qu’affichaient les meilleures bornes d’arcade de la période. À comparer, par exemple, à ce qu’offrait un Coolboarders 3 la même année. La bande son façon hard rock est un peu moins mémorable, mais le jeu a en tous cas relativement bien vieilli, et il est difficile de trouver des logiciels du XXe siècle qui puissent le regarder de haut sur le plan de la réalisation. Bref, c’est beau, c’est jouable et c’est amusant, que demande le peuple ?

On pourrait répondre à cette question en profitant de plus de vingt ans de recul, pour signaler par exemple qu’il est un peu dommage que le mode deux joueurs se limite purement à la course, et qu’il ne soit pas possible de faire un concours de tricks avec un ami pour une autre raison que pour se la jouer au milieu d’un saut.

On regrettera d’ailleurs que le mode « figures » se déroule exclusivement sur des pistes de vitesse, alors que disposer de l’équivalent d’un half-pipe pour enchainer les mouvements – comme le propose le mode « entraînement » – aurait sans doute été plus adapté. Et puis tant qu’à faire, on n’aurait pas non plus craché sur quelques pistes en plus, même si huit était déjà un chiffre très généreux pour la période (combien d’épisodes aura-t-il fallu à la série Ridge Racer pour offrir plus de trois circuits ?). Voire sur un mode à quatre joueurs… Un regard de joueur du XXIe siècle, habitué à un contenu nettement plus copieux, mais même au titre de simple « jeu d’arcade » auquel on s’adonne par sessions de dix minutes sans trop se pencher sur les tricks, 1080° Snowboarding demeure un titre merveilleusement efficace. Si vous souhaitez voir ce que la console de Nintendo avait dans le ventre – ou simplement passer un bon moment sur un bon jeu de snowboard – il serait dommage de faire l’impasse dessus.

Vidéo – La course de Crystal Lake :

NOTE FINALE : 17/20 En période délicate, Nintendo aura toujours pu compter sur l'inexplicable magie de ses équipes internes. À une époque où la guerre contre la PlayStation était déjà perdue depuis bien longtemps, 1080° Snowboarding se sera imposé autant comme une démonstration technique chargée de rappeler ce que la Nintendo 64 avait sous le capot que comme un des meilleurs jeux de glisse de sa génération, au moins jusqu'à SSX. Grâce à un savant équilibre entre une prise en main arcade accessible et des figures bien plus techniques, le titre parvient à trouver le juste milieu entre le fun immédiat et l'intérêt à moyen-terme en proposant une expérience à laquelle on est toujours heureux de revenir – et même à s'annoncer comme un des précurseurs de la série des Tony Hawk. Un peu plus de contenu et des épreuves aux approches plus tranchées n'auraient pas été malvenus – sans parler d'un mode deux joueurs où les figures auraient un intérêt autre qu'esthétique – mais en l'état, si vous cherchez un jeu de sport à posséder absolument sur la machine de Nintendo, voici un candidat sérieux.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Mode deux joueurs limité à la course de vitesse – Quelques courses en plus n'auraient pas été de trop... – ...tout comme des épreuves davantage concentrées sur la technique pure... – ...et pourquoi pas, tant qu'à faire, un mode quatre joueurs

Bonus – Ce à quoi peut ressembler 1080° Snowboarding sur un écran cathodique :

Mario Kart 64

Développeur : Nintendo EAD
Éditeur : Nintendo of Europe GmbH
Titres alternatifs : マリオカート64 (graphie japonaise), 马里奥卡丁车64 (graphie chinoise), Mario Kart R (titre préliminaire)
Testé sur : Nintendo 64
Disponible sur : Switch, Wii, Wii U
En vente sur : Nintendo eShop

La série Mario Kart (jusqu’à 2000) :

  1. Super Mario Kart (1992)
  2. Mario Kart 64 (1996)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 14 décembre 1996 (Japon) – 12 février 1997 (États-Unis) – 24 juin 1997 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 4
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne
Cartouche de 96Mb
Controller Pak supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À son lancement japonais en juin 1996, la Nintendo 64 annonçait un changement de paradigme, mais ce n’était sans doute pas celui qu’avait espéré la firme japonaise. Reine quasi-incontestée de l’ère 16 bits ayant très bien résisté aux coups de boutoirs inattendus de sa grande rivale la Mega Drive, la Super Nintendo avait dû composer avec l’apparition de la génération 32 bits en général et avec celle de l’écrasante PlayStation en particulier, et au moment de passer la main à sa petite sœur censée impressionner tout le monde avec ses 64 bits, les choses n’étaient déjà pas aussi roses que prévu.

Accumulant les retards, laissant le champ libre à une concurrence en pleine bourre, lancée avec un line-up famélique, plombée par son choix anachronique du support cartouche et par le manque d’éditeurs tiers en découlant, la Nintendo 64 sera apparue en position de faiblesse dès son lancement – ce qui, considéré l’extraordinaire puissance commerciale de Nintendo encore deux ans auparavant, avait de quoi sonner l’alarme. Faute de Capcom ou de Konami (trop occupés à développer chez Sony) pour tirer la machine vers le haut, Nintendo dut se résoudre à employer son habituelle arme secrète pour sauver la baraque : ses licences maisons. Juste après un Super Mario 64 qui aura révolutionné l’approche du gameplay en 3D et avant un Ocarina of Time qui apparaitrait à jamais comme la principale raison de posséder une Nintendo 64, Mario Kart 64 débarqua pour les fêtes de Noël 1996 japonaises afin de permettre aux joueurs de découvrir la suite d’un titre extrêmement populaire sur Super Nintendo, et accessoirement afin d’indiquer que les quatre ports manettes disponibles en façade sur la console n’étaient pas là que pour faire joli.

Comme on peut le deviner, le titre reprend l’approche et les mécanismes qui avaient déjà fait le succès de Super Mario Kart. On retrouve une nouvelle fois un roster de huit personnages, et pas un de plus, où on remarquera d’ailleurs que Koopa Troopa et Donkey Kong Jr. auront laissé leur place, respectivement à Wario et à Donkey Kong senior. Les différents pilotes ont une nouvelle fois des caractéristiques qui leur sont propres, et si on regrettera à nouveau que celle-ci ne soient pas affichées sur l’écran de sélection, elles ne correspondent plus aux « paires » observées dans le précédent titre ; dorénavant, les différents héros sont répartis en trois catégories de poids : léger (Peach, Toad et Yoshi), moyen (Mario et Luigi) et lourd (Wario, Donkey Kong et Bowser).

En fonction de leur catégorie, les karts des pilotes concernés connaîtront donc quelques nuances dans leur maniabilité, dans leur perte de vitesse en cas de hors-piste, dans leur facilité à acquérir un boost en cas de glissade (nous y reviendrons), ainsi que dans leur capacité à résister aux collisions adverses – car cette fois, il n’y aura plus de pièces pour vous servir d’assurance-vie. Les joueurs lassés de ne pas jouer avec les mêmes règles que les concurrents dans le premier opus seront en effet heureux d’apprendre que désormais, tout le monde est à la même enseigne – ce qui veut dire que les ennemis utiliseront exactement les mêmes armes que vous en étant soumis aux mêmes contraintes. Cela n’empêche pas l’I.A. de continuer à tricher pour s’efforcer, autant que possible, de garder les choses « intéressantes » d’un bout de la course à l’autre (ce qui signifie donc qu’elle triche aussi parfois en votre faveur), mais désormais, on a enfin le sentiment de participer à une course où on ne sera pas puni d’avoir suivi la trajectoire idéale sous prétexte que les autres karts la suivent aussi.

Justement, la conduite en elle-même n’a pas connu de bouleversements majeurs depuis Super Mario Kart ; tout juste notera-t-on que le système de « power slide » a ici été sensiblement peaufiné jusqu’à vous permettre de terminer vos dérapages en boost, inaugurant ainsi le mécanisme de snaking qui encouragera les joueurs les plus expérimentés à passer la grande majorité de leurs courses en dérapages contrôlés pour une efficacité maximale.

En revanche, si tout le contenu est cette fois disponible immédiatement (quatre championnats de quatre courses chacun en 50, 100 ou 150cc, plus l’inévitable mode « battle »), on remarquera aussi que son contenu est légèrement en baisse (plus que seize courses, pour ceux qui savent faire les maths) et qu’il n’y a donc plus rien à débloquer (à l’exception du mode miroir, accessible en remportant tous les championnats en catégorie 150cc). La bonne nouvelle, c’est que les courses tirent bien parti du nouveau moteur 3D, avec des raccourcis, des sauts, des conceptions plus verticales et une maniabilité irréprochable, démontrant au moins d’entrée de jeu que la Nintendo 64 n’avait pas à rougir de la comparaison avec la PlayStation en termes de puissance de calcul – et au moins, ici, pas de « brouillard » disgracieux pour cacher les polygones dans le lointain. Si certains circuits sont moins inspirés que d’autres (le labyrinthe de Yoshi’s Valley, l’interminable Rainbow Road), on appréciera quelques nouveautés bienvenues (la circulation dans Toad’s Turnpike, les nouveaux bonus), et surtout l’introduction du mode quatre joueurs qui fait une énorme différence, l’expérience déjà excellente à deux devenant alors carrément jouissive. Pour ne rien gâcher, les performances techniques restent solides en toutes circonstances, avec un framerate qui ne descend jamais sous les 20 FPS à quatre joueurs, le jeu ayant alors l’intelligence de supprimer certains éléments de décor afin de soulager le processeur.

En y ajoutant l’inusable Time Trial et le combat en arène qui composera une nouvelle fois le clou du mode multijoueur (on regrettera l’absence d’arènes un peu plus grandes, néanmoins), on se retrouve donc avec un épisode très satisfaisant à plusieurs, et moins frustrant que le premier en solo.

Néanmoins, le contenu relativement limité (on fait très vite le tour des seize courses) additionné à l’absence d’enjeu (pas question ici de s’acharner à finir un championnat pour débloquer le suivant) font que l’expérience risque peut-être de s’essouffler un peu vite pour les joueurs n’ayant pas la chance d’avoir un à trois amis/petits-frères/passants ramassés dans la rue pour profiter du plat de résistance qu’est le multijoueur. En termes de fun, c’est inattaquable, et on tient sans débat possible l’un des touts meilleurs titres de la machine à plusieurs (avec les inusables Mario Party), mais les débats feront sans doute rage pour déterminer la valeur exacte de cette version comparé à toutes celles qui ont suivi (et même à celle qui l’a précédée, certains joueurs ne tolérant aucune concurrence au premier Super Mario Kart). Dans tous les cas, cela reste une expérience très abordable qu’on pourra découvrir avec un plaisir pratiquement égal, et une cartouche à posséder sur Nintendo 64. On dira ce qu’on voudra, mais sur le plan ludique, les équipes de Nintendo tendent à connaître leur boulot.

Vidéo – La première course du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 (seul) - 18,5/20 (à plusieurs) Il aura fallu attendre quatre ans et une nouvelle génération de machines pour qu'elle voie le jour, mais la suite de Super Mario Kart aura largement tenu ses promesses. Mario Kart 64 capitalise très intelligemment sur les points forts du premier opus en proposant un multijoueur de très haute volée, un moteur 3D solide et un level design imaginatif pour offrir le meilleur jeu de course sur Nintendo 64 et une des cartouches les plus fun de toute la ludothèque de la machine. Si le solo est devenu moins frustrant que celui de son prédécesseur, on regrettera en revanche qu'il pèche un peu du côté du contenu et que l'I.A. soit bien décidée à passer toute la série à tricher - mais si jamais vous cherchez un titre de plus de vingt-cinq ans d'âge sur lequel on puisse toujours s'amuser immédiatement, seul ou avec un groupe d'amis, inutile de chercher plus loin. Pour tous les fans de la licence comme pour les néophytes qui souhaiteraient la découvrir, une valeur sûre.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un contenu un peu chiche en solo... – ...d'autant qu'il n'y a cette fois pratiquement rien à débloquer – Quelques courses moins inspirées que les autres – Une I.A. qui triche toujours

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Mario Kart 64 sur un écran cathodique :