Legend of the Sword

Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)
Disponible sur : Windows
Présent dans la compilation : Legend of the Sword Series (2019 – Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Legend of the Sword (jusqu’à 2000) :

  1. Legend of the Sword (1988)
  2. The Final Battle (1990)

Version Atari ST

Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 520 ST
Configuration minimale : Système : 520ST – RAM : 512ko
Protection de copie par consultation du manuel

Raconter une histoire, en jeu vidéo, c’est déjà toute une aventure. D’ailleurs, c’est même carrément devenu un métier – et on ne parle pas juste de rédiger un scénario mais bien de se pencher sur la narration dans son ensemble, qu’il s’agisse des éléments les plus flagrants (les cinématiques, les dialogues) mais aussi et surtout les plus subtils (les éléments de décor, les commentaires des PNJ, la manière de guider un joueur par le level design, le rythme, l’ambiance). À ce titre, comme le cinéma ou la bande dessinée avant lui – ou virtuellement n’importe quelle forme d’art –, le jeu vidéo aura dû apprendre à comprendre ses propres codes et à les perfectionner.

L’aventure graphique en tant que genre aura par exemple été un long voyage pour découvrir qu’elle pouvait – et devait – être bien plus qu’une simple aventure textuelle avec des images plaquées dessus, et que c’était toute l’interaction et la narration en elles-mêmes qui nécessitaient d’être repensées pour arriver à donner au joueur l’impression qu’il était réellement le héros de sa propre histoire. Et mine de rien, la tâche était loin d’être évidente. Si on se souvient de The Hobbit, par exemple, on a surtout en mémoire un titre qui ne racontait pas grand chose et ne permettait pas davantage et se révélait fondamentalement inaccessible à quelqu’un n’ayant pas lu le roman de Tolkien, faute de description, de dialogues, et tout simplement de matière. À l’autre bout du spectre, et au moment même où des Explora s’affairaient à se débarrasser totalement du texte – avec plus ou moins de succès –, il m’apparait important de citer un titre pas forcément très connu comme Legend of the Sword : un jeu qui aura visé juste en termes d’intégration du joueur au récit et en termes d’interaction. Et ça, quand on cherche à faire vivre une aventure, c’est juste fondamental.

L’histoire en elle-même est très classique – ce qui, en soi, n’est pas un mauvais point, assommer le joueur avec des dizaines de pages d’intrigue ultra-complexe n’étant pas toujours le meilleur moyen de l’aider à entrer dans un univers qu’il ne connait pas. Dans un monde médiéval-fantastique que l’on qualifiera de « lambda », débarque donc le maléfique sorcier Suzar, qui se révèle capable de faire sortir une armée de nulle part et de retourner les combattants les uns contre les autres grâce à ses pouvoirs télépathiques.

Pour ne rien arranger, il se révèle également invulnérable, protégé par un sortilège que ni lames ni flèches ne semblent pouvoir franchir. Au terme de la première bataille sur une île isolée, un seul survivant parvient à prendre la fuite : vous. Récupéré par un navire marchand après trois jours à dériver en mer sur un radeau de fortune, vous êtes conduit devant le roi qui vous charge de retourner, avec un groupe de volontaires, sur l’île où est apparu Suzar en quête de deux objets de légende apte à vaincre le sorcier : une épée et un bouclier magiques. Une mission qui, on s’en doute, laissera assez peu de marge d’erreur et demandera de faire preuve d’inventivité, de logique… et de composer avec vos compagnons qui, loin d’être forcément acquis à votre cause, sont souvent des roublards ou des mercenaires qui ne se bousculeront pas forcément pour obéir à vos ordres. Bref : il va falloir improviser et se montrer digne du statut de héros qu’on vous envoie revendiquer.

Une intrigue simple mais efficace, voilà un très bon point de départ pour vivre une aventure sans se demander qui on est et ce qu’on est censé faire – remercions donc Legend of the Sword de prendre le temps de nous dérouler les enjeux en deux pages au lancement du jeu là où un titre comme Explora par exemple se contentait de congédier les (rares) informations pertinentes dans le manuel du jeu. Premier bon point, qui devrait être évident mais ne l’était visiblement pas à l’époque : dès le départ, vous savez qui vous êtes, vous savez où vous êtes et vous savez ce que vous êtes censé faire – trois points qu’Explora, pour s’en tenir au même exemple, ne prenait tout simplement pas le temps d’éclaircir. La première bonne nouvelle est d’ailleurs que le jeu a pris le temps de se pencher sur un aspect fondamental : son ergonomie.

Comme dans la plupart des aventures graphiques, tout peut être accompli au clavier et à la ligne de commande, dans le titre de Silicon Software – c’est la base. Mais non seulement l’interpréteur syntaxique est ici puissant et très complet (on peut faire des phrases complexes en employant des virgules et des références aux instructions précédentes), mais aussi et surtout, de très nombreuses fonctions sont accessibles… via la souris, grâce à une interface très bien pensée où l’on dispose d’une rosace indiquant clairement les directions accessibles (ce que n’avait pas Explora… bon, je crois que vous commencez à comprendre l’idée), d’une carte très lisible et affichable en plein écran, d’une sélection de verbes d’action et de personnages et d’objets avec lesquels interagir… et même d’une option pour vous lister une partie des verbes reconnus, voire d’une fonction d’aide intégrée pour vous donner des indices (plutôt des conseils, mais quand même) ! Et histoire de peaufiner encore les choses, il est même possible de modifier la couleur du fond d’écran et celle du texte pour jouer dans les conditions qui vous paraitront les plus confortables – avoir déjà pensé à tout cela en 1988, c’est loin d’être anecdotique, et cela permet au jeu de se révéler nettement plus accessibles que beaucoup de ses contemporains.

Avoir une très bonne interface qui mette tout de suite le joueur à l’aise, c’est une chose, mais ça ne servirait pas à grand chose si l’aventure en elle-même était mal racontée et ne fonctionnait pas. À ce niveau, Legend of the Sword parvient heureusement à accomplir la synthèse que The Hobbit avait raté dans les grandes largeurs (surtout pour cause de contraintes techniques, mais ce n’est pas le sujet ici) en parvenant à offrir des descriptions détaillées et vivantes sans pour autant tomber dans la verbosité qui alourdirait quelques années plus tard la lecture d’un titre comme Wonderland, un peu bavard à force de chercher à singer Lewis Carrol.

Ici, tout y est : clarté, concision, ambiance, petits détails pour rendre les scènes vivantes… et puis toujours la béquille bienvenue de cette carte de jeu de rôle qui vous montre la région environnante et tous les chemins disponibles sans jamais vous donner la sensation d’être perdu. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais on sait toujours où on est et quelles sont les directions qui s’offrent à nous, et un simple passage par la commande « look » donne à chaque fois un inventaire assez précis des éléments avec lesquels il est possible d’interagir. Cela donne au jeu un côté Livre dont vous êtes le héros où on ne se sent jamais perdu en dépit des possibilités colossales, puisque non seulement il est possible de faire énormément de choses, mais le jeu a surtout le bon goût d’en reconnaître une large partie plutôt que de vous enfermer dans ce que vous êtes tenu de faire, et ça fait toute la différence – essayez de botter le train du capitaine du navire sur lequel vous commencez l’aventure, et vous comprendrez de quoi je parle.

Cela signifie aussi qu’il faut être capable de penser comme le demande un jeu qui vous laisse faire énormément de choses. Par exemple, si le titre comprend un nombre colossal de portes et de clefs pour les ouvrir, il faudra aussi être prêt à penser « hors de la boîte » et à songer à escalader une grille fermée pour aller l’ouvrir de l’autre côté, ou même à enfoncer une porte d’un bon coup d’épaule.

Dans le même ordre d’idées, si jamais le programme refuse que vous donniez un os à un chien parce que l’os est trop gros, mieux vaut avoir la présence d’esprit de simplement casser l’os en deux plutôt que de chercher une solution alambiquée qui vous aurait échappé. Même si le jeu est très loin d’être simple, beaucoup de situations peuvent être résolues de façon assez évidente dès l’instant où l’on pense bien à regarder partout (vous serez surpris du nombre de choses qu’on peut trouver en escaladant les arbres !) et à agir de façon logique. Il faudra, comme souvent, composer avec certaines lourdeurs comme la gestion de l’inventaire, mais on appréciera au moins qu’on puisse ici retrouver les objets laissés au sol exactement à l’endroit où on les a déposés (pas comme dans Explo… oui, bon, j’arrête), voire tout simplement les faire porter par nos compagnons de route.

Ces fameux compagnons, d’ailleurs, ont le bon goût de ne pas être de simples plots chargés de faire acte de présence. Comme on l’a vu, ils ont tous un nom et une personnalité, et s’ils peuvent se montrer précieux dans les coups durs, ils n’hésitent pas non plus à empocher des objets qui trainent, à lâcher des commentaires bien sentis (et bien écrits !), voire à s’opposer à vous le cas échéant et il faudra même être prêt à leur allonger une bonne droite pour leur rappeler qui commande si jamais l’un d’eux refuse de vous céder un objet dont vous estimez avoir davantage besoin de lui !

C’est une des grandes réussites du jeu – on est loin du Gandalf de The Hobbit qui ne vous adressait pas un mot de toute la partie, ou du Thorin qui n’existait que pour vous répéter de vous dépêcher cinq fois par minutes. Ici, on apprend à connaître les divers tempéraments sur le tas, et on acquiert le réflexe de distribuer les armes trouvées en cours de route aux autres membres du groupe afin qu’ils puissent se révéler utile en cas de bataille. Bref, pour le coup, on a vraiment l’impression de cheminer avec notre petite coterie de fortes têtes, et ça fait mine de rien une grosse différence.

Tout est-il parfait pour autant ? Non, sans quoi le jeu aurait une note supérieure : comme toujours avec les aventures graphiques, les possibilités d’action étant virtuellement illimitées et le terrain de jeu étant assez massif, il est très facile de passer à côté d’un indice ou d’un objet indispensable ou de se faire tuer à la suite d’un piège qu’on n’avait pas vu venir, et vaincre le jeu sans recourir à une solution nécessitera une persévérance à toute épreuve, et probablement plusieurs longues semaines de lutte.

On regrettera également une réalisation assez minimaliste, avec des vignettes décrivant l’action ne faisant que quelques dizaines de pixel de large, et l’absence de la moindre forme d’accompagnement sonore – on est, pour le coup, à l’opposé de la philosophie du Explora auquel j’ai si souvent fait référence au cours de ce test et qui axais, lui, toute sa narration sur les graphismes. Le bon côté, c’est qu’on se sent ici plus acteur que touriste, et qu’on ne se sent jamais abandonné loin de toute forme d’élément pertinent : on vit véritablement l’aventure via la narration plutôt que de chercher désespérément des bribes d’histoire en errant sans but dans des décors superbes. Cela demande certes d’être à l’aise avec l’anglais et d’avoir envie de passer beaucoup de temps à lire, mais ça marche, et ça marche même si bien qu’on en viendrait à se dire que le genre de l’aventure graphique aurait peut-être mérité de persévérer dans cette voie et de survivre en parallèle du point-and-click tant la forme a ses arguments qui auraient mérités d’être entendus. Il y a dans Legend of the Sword ce charme de l’imagination qui aide à donner à l’aventure une dimension qui aurait d’ordinaire nécessité des dizaines de disquettes de contenu pour être mise en scène visuellement, et qui lui permet d’avoir nettement mieux vieilli que des dizaines de ses contemporains qui avaient oublié (ou jamais considéré) les fondamentaux. Une très bonne surprise, qui mérite d’être redécouverte.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14/20

Legend of the Sword n'est peut être pas l'aventure graphique la plus originale qui soit, ni même la mieux réalisée, mais c'est sans doute une des plus ergonomiques, une des plus vivantes et une des mieux racontées ; une de celles qui se rapprochent le plus des fameux livres dont vous êtes le héros. Le terrain de jeu est vaste, l'épopée est longue et la progression loin d'être évidente tant les possibilités sont nombreuses et les solutions pas toujours limpides, mais pour peu qu'on se pique au jeu, on peut réellement prendre plaisir à tester tout ce qui nous vient à l'esprit – y compris les idées les plus loufoques – pour avancer pas à pas avec ses compagnons d'armes. On pense souvent à une partie de jeu de rôle papier avec un maître de donjon qui saurait rendre une partie vivante, et même s'il faudra une patience et une dévotion à toute épreuve pour espérer terminer le jeu sans avoir recours à une solution, l'escapade vaut clairement la peine d'être tentée, y compris pour ceux qui ne seraient pas des nostalgiques du genre. À découvrir pour revisiter ce côté « l'imagination est la seule limite » que les point-and-click ne pouvaient pas offrir.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des possibilités très étendues qui demandent souvent de tenter beaucoup de choses pour progresser...
– ...ce qui fait regretter que le programme ne se montre pas un peu plus souple quant aux solutions à apporter
– De nombreuses lourdeurs dans la gestion de l'équipement du groupe...
– ...surtout quand on n'a accès à aucune information claire sur l'état de forme de chacun
– Une réalisation assez minimaliste

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Legend of the Sword sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Legend of the Sword est un jeu aux graphismes moyens qui a le mérite d’être très captivant malgré tout. La présence de vos compagnons et vos rapports avec eux donnent un ton particulier au jeu. Le scénario comporte des arborescences qui laissent une certaine initiative au joueur. […] Bref, voilà un soft qui, malgré quelques imperfections, procure des moments passionnants. »

Dany Boolauck, Tilt n°57, septembre 1988, 16/20

Version Amiga

Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Août 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Protection de copie par consultation du manuel

L’Atari ST et l’Amiga étaient deux machines proprement indissociables dans la deuxième moitié des années 80, comme on aura déjà souvent eu l’occasion de le vérifier. Voir Legend of the Sword débarquer sur la machine de Commodore quelques semaines à peine après sa sortie sur celle d’Atari n’était donc pas exactement une surprise, pas davantage que le fait de constater que les deux versions sont virtuellement identiques au pixel près. Des couleurs supplémentaires ? Inutile d’en chercher : la palette est restée rigoureusement la même que sur Atari ST (allez, si, il y en a dans la barre de commande en haut de l’écran et dans les possibilités de configuration des couleurs de l’interface). Quant à l’aspect sonore, vu qu’il n’y a toujours ni bruitages ni musique… Reste l’aventure en en elle-même, qui est fort heureusement toujours aussi efficace dès l’instant où on mord au simple concept d’aventure graphique. Bref, rien de neuf, mais l’essentiel était de toute façon déjà là.

NOTE FINALE : 14/20

Constat aussi évident que limpide pour Legend of the Sword sur Amiga : c’est exactement le même jeu que sur ST, pratiquement au pixel près. Pour le reste, l’aventure a toujours autant de charme, dommage qu’on n’ait pas gagné quelques bruitages ou quelques musiques d’ambiance lors du transfert.

Version PC (DOS)

Développeur : Silicon Software
Éditeur : Rainbird Software
Date de sortie : Mars 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x2) et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA
Protection de copie par consultation du manuel

Les jeux d’aventure, on le sait, ont toujours été particulièrement à leur aise sur PC – une machine justement très adaptée aux grand écrans fixes sans aucun défilement. En 1989, Legend of the Sword ne pouvait certes compter que sur les seize couleurs de l’EGA – mais le jeu de base étant de toute façon déjà en seize couleurs, on devra juste composer avec des teints un chouïa plus criarde et avec des options de configuration de la page un tantinet moins étendues. Très honnêtement, la différence est à peine décelable, tant la version originale ne reposait déjà pas sur l’éclat de sa réalisation graphique, et on pourra se montrer heureux que cette version reconnaisse la souris – ce qui n’était pas encore une évidence à l’époque – et que les faiblesses sonores du hardware n’aient pour une fois aucun impact sur un jeu où il n’y a de toute façon jamais rien eu à entendre. Cette version étant à l’heure actuelle la seule disponible à la vente, on sera heureux de constater qu’elle n’a de toute façon pratiquement aucune raison de rougir de la comparaison avec les itérations ST et Amiga.

NOTE FINALE : 14/20

Aucun accident de parcours pour la version PC de Legend of the Sword, qui ne se différencie des itérations Atari ST et Amiga que par des teintes plus criardes. Cette version reste un excellent moyen de découvrir le jeu, d’autant plus qu’elle est toujours disponible à la vente.

The Bard’s Tale III : Thief of Fate

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titres alternatifs : Bard’s Tale III : The Thief of Fate (écran-titre – Apple II, Commodore 64), Bard’s Tale 3 (titre usuel)
Testé sur : Apple IICommodore 64PC (DOS)AmigaPC-98
Disponible au sein des compilations : The Bard’s Tale Trilogy (1989 – PC (DOS)), The Bard’s Tale Trilogy (2018 – Macintosh, Windows)
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows), Steam.com (Macintosh, Windows)

La saga Bard’s Tale (jusqu’à 2000) :

  1. La Geste du Barde : The Bard’s Tale (1985)
  2. The Bard’s Tale II : The Destiny Knight (1986)
  3. The Bard’s Tale III : Thief of Fate (1988)
  4. The Bard’s Tale Construction Set (1991)

Version Apple II

Date de sortie : Mars 1988 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : Apple II+ – RAM : 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Faut-il savoir suivre le sens du vent ?

Les années 80 auront représenté un véritable âge d’or à l’échelle du jeu de rôle, une période charnière où se seront bousculées les licences fondatrices encore régulièrement citées aujourd’hui comme des inspirations majeures : Ultima, Sorcellerie, Dungeon Master… sans oublier The Bard’s Tale, une saga célébrée qui filait bon train après son tabac initial (et mérité) de 1985. En fait, alors que celle-ci s’apprêtait à célébrer en 1988 son troisième épisode en trois ans, on l’imaginait déjà devenir une énième série à rallonge s’appuyant sur des mécanismes éprouvés, sans forcément réaliser que la trilogie initiale était appelée à en rester une pour trente longues années avec un quatrième opus qui ne verrait le jour qu’en 2018 (!), porté par la nostalgie d’une base de fans dévouée.

Pourtant, le développement d’un Bard’s Tale IV avait bel et bien été lancé dès 1988 mais, comme un symbole, celui-ci aura finalement changé de nom (et de système de jeu) pour devenir Dragon Wars. L’indice d’un besoin de renouvellement face à l’irruption de challengers de taille, par exemple les « gold boxes » menées par Pool of Radiance ? Signe des temps : dès 1988, justement, on pouvait lire un point de vue d’Eric Cabéria dans le magazine Tilt, se lamentant « [d’]une certaine fainéantise des développeurs qui après avoir fait un coup de maître se contentent de ressortir leur logiciel à intervalles réguliers en y adjoignant un numéro d’ordre (sensé évoquer la nouveauté) », et ce « alors que le marché du logiciel, lui, évolue avec des produits prodigieux tels que Dungeon Master (NdRA : Encore lui…) ». Et de pousser ce mini-coup-de-gueule lors du test, pourtant dithyrambique… de la version Amiga de The Bard’s Tale II. Quelques mois plus tôt, un certain The Bard’s Tale III : Thief of Fate avait déjà commencé à débarquer dans les étals. Avait-il réussi à injecter un peu de nouveauté dans une formule désormais presque trop bien rodée ?

À l’instar de Palpatine, Tarjan a trouvé le moyen de revenir, d’une manière ou d’une autre. Le dieu fou que votre équipe avait pourtant affronté et vaincu dans le château du baron Harkyn lors du premier épisode a carrément rasé la ville de Skara Brae, visiblement très en colère de n’avoir même pas été le grand méchant de cet opus inaugural.

Pour espérer le vaincre à nouveau, et tant qu’à faire pour de bon, il ne suffira pas de visiter les ruines de la ville, ni même d’explorer la région : cette fois, il faudra carrément parcourir le temps et l’espace pour visiter huit dimensions différentes, en quête d’objets et de combattants capable de renverser Tarjan. Un combat terrible, même pour les héros des deux premiers épisodes… que vous pourrez d’ailleurs importer, comme toujours, afin de vous éviter une laborieuse phase de grinding d’une bonne quinzaine d’heures afin de mettre votre groupe à niveau, car The Bard’s Tale III est pensé pour des aventuriers puissants, très puissants. Et cette fois, pas question de faire l’impasse sur le « donjon du débutant », pleinement intégré à une histoire devenue nettement plus linéaire, mais aussi mieux structurée : car votre récompense sera justement la possibilité de voyager d’une dimension à l’autre via une des deux nouvelles classes du jeu : le très puissant chronomancien.

Vous débutez donc l’aventure dans la campagne autour de Skara Brae, ou plutôt de ce qu’il en reste. Plus de guilde des aventuriers ici : votre périple commencera dans un camp de réfugiés situé à proximité d’une taverne, et le seul service disponible – le temple – sera à dénicher dans les environs. Pas de boutiques en vue (logique : tous les commerçants n’ayant pas pris la fuite sont morts), vos combattants commenceront donc tout équipés même si vous en créez de nouveaux, et un entrepôt sera disponible à l’entrée de la ville pour stocker ce que vous souhaiterez éventuellement vendre lorsque vous pourrez rejoindre une cité intacte dans une autre réalité.

Il faudra une nouvelle fois débusquer le comité d’examen (Review Board) désormais réduit à un unique membre, lequel vous confiera successivement toutes vos quêtes en vous décrivant à chaque fois les objectifs et en vous donnant les moyens de les atteindre. C’est lui qui propulsera directement tous vos magiciens au rang d’archimage à la conclusion du premier donjon (s’ils n’en sont pas déjà), et lui qui vous offrira l’opportunité d’en dépouiller un de la totalité de ses connaissances (mais pas de ses caractéristiques) pour en faire un chronomancien, donc, lanceur de sorts suffisamment puissant pour faire passer l’archimage pour un simple prestidigitateur en comparaison. Dans la deuxième moitié de l’aventure, ce sera la classe de géomancien qui sera disponible, encore plus puissante, et cette fois accessible à vos classes de corps-à-corps – à condition de renoncer à leurs spécificités, car on n’a rien sans rien. Des nouveautés bienvenues qui permettent au moins de corriger une des limites de The Bard’s Tale II en offrant enfin un timide axe de progression à un groupe déjà potentiellement (pratiquement) au sommet de sa puissance dès le début de la partie.

Histoire de mettre en valeur l’exploration qui est plus que jamais l’un des axes principaux du titre, cet épisode prend le parti d’y adjoindre un aspect « aventure » bien plus développé que dans ses prédécesseurs. Comprendre par là qu’il faudra souvent accomplir des actions précises pour espérer avancer, lesquelles apparaîtront souvent comme à peu près inaccessibles aux joueurs n’ayant pas pris le temps d’amasser les rares indices sibyllins éparpillés dans chaque dimension, lesquelles sont souvent composées d’une ville, d’une région peu étendue et de plusieurs donjons.

Par exemple, pour arriver au sommet de la tour de Valarian, dans le monde d’Arboria, vous aurez besoin d’avoir ramassé des glands au sol et de les avoir fait pousser grâce à une eau sacrée dénichée, elle, dans un palais de cristal situé sous les eaux d’un lac (lequel vous aura demandé, au passage, de trouver un moyen de respirer sous l’eau pour éviter de perdre des points de vie à chaque déplacement). L’ennui étant que le programme ne vous ayant jamais proposé de collecter le précieux liquide, il faudra avoir eu l’idée d’utiliser une des gourdes destinées à ce que votre barde puisse se rincer le gosier sans retourner en ville (autre nouveauté du jeu) pour en prendre – ce genre d’énigme, l’aventure en connait des dizaines, et pour les résoudre, mieux vaudra prendre le temps d’explorer la moindre case du moindre donjon en notant scrupuleusement chaque message – une tâche de longue haleine.

La bonne nouvelle, c’est que cet épisode aura décidé de revoir un peu l’équilibrage de sa difficulté. La progression est peut-être toujours loin d’être une balade de santé, mais il ne faudra plus composer ici avec les « Death Snare » du précédent épisode ni avec ces accumulations de pièges absurdes visant à rendre certains donjons proprement impossibles à cartographier.

Signe d’une volonté de mettre un peu d’eau dans le vin de votre barde : une carte automatique a désormais fait son apparition. Celle-ci se limite souvent à vous dévoiler le chemin que vous avez déjà parcouru – ce qui aura le mérite de ne plus vous demander de lancer des sorts de localisation à répétition pour dessiner vos plans – mais vous donne également parfois la carte complète d’un niveau, sans pour autant vous dévoiler l’emplacement des pièges… du moins, jusqu’à ce que vous puissiez commencer à employer certains des sortilèges du géomancien, qui pourra alors carrément vous donner la position de tous les pièges, téléporteurs et autres passages secrets d’un étage ! De quoi progresser un peu plus vite dans un jeu où il y a toujours énormément de terrain à couvrir et à cartographier… et toujours autant de monstres à combattre.

Problème : comment garder les combats pertinents dans un jeu où votre groupe est pensé pour atteindre rapidement – si ce n’est dès le début du jeu – une puissance délirante ? À cette question, The Bard’s Tale III aura hélas quelque peu échoué à trouver la bonne réponse, et les affrontements du jeu seront globalement à diviser en deux catégories : les rencontres insignifiantes contre des adversaires vite balayés quelle que soit leur puissance ou leur nombre et qui ne serviront à peu près qu’à vous faire perdre du temps et des points de magie (90% des combats), et celles contre les ennemis les plus problématiques du jeu : les lanceurs de sorts.

Non seulement ceux-ci sont en règle générale très difficile à approcher, vous bombardant d’attaques tandis que vous cherchez à arriver à portée de combat au corps-à-corps (quand ils ne vous repoussent pas quarante mètres en arrière !), mais surtout, comment croyez-vous que le programme a imaginé une parade face à l’extraordinaire puissance de vos propres magiciens ? De la pire des façons : en dotant les ennemis d’une capacité à résister à la magie – ce qu’ils font très bien, et en annihilant la totalité des dégâts qu’ils auraient dû recevoir. Conséquence : les combats les plus difficiles du jeu… se limitent à prier pour que vos sortilèges atteignent leur but pendant que les sorts adverses n’atteindront pas le leur, et que votre voleur caché dans l’ombre progresse par incréments de dix mètres pour aller placer un coup critique. Autant le dire : c’est aussi rébarbatif que frustrant.

C’est d’autant plus dommage que, dans son scénario et son déroulement, le jeu est plus efficace et se tient mieux que son prédécesseur. L’exploration est vraiment intéressante, et on est toujours heureux de découvrir une nouvelle dimension et ses enjeux, avec ses petits micmacs temporels ici représentés par le personnage d’Hawkslayer, ses énigmes et ses monstres. On peut même affronter des robots ou des soldats nazis ! Certes, tout le monde ne sera pas forcément ravi de composer avec une progression parfois opaque, mais à l’ère d’internet et de toutes ses réponses à portée de main, on n’est bloqué que parce qu’on le veut bien. L’épopée se laisse donc vraiment suivre avec un plaisir certain… quelque peu écorné par ces combats à répétition qui finissent par devenir assommants sans rien apporter, faute de mécanismes obligeant à réellement réfléchir à la façon de les approcher.

C’est la plus grosse limite d’un titre qui aurait largement pu s’avérer supérieur à l’excellent premier épisode… si seulement il avait été pensé dès le départ pour un nouveau groupe, plutôt que de s’obstiner à nous faire cheminer avec des personnages qui n’ont plus aucune marge de progression depuis au moins deux jeux. On tient d’ailleurs là à un errement qu’on aura déjà eu l’occasion d’évoquer avec les logiciels adaptés de Donjons & Dragons : il y a un moment où la montée en puissance, axe primordial du jeu de rôle, n’a tout simplement plus aucun intérêt, et nous faire incarner des personnages qui sont déjà au sommet de leur art est à peu près aussi idiot que de faire débuter l’aventure dix minutes après avoir tué le grand méchant. Dès lors, si les fans d’exploration trouveront matière à remplir des carnets entiers de plans détaillés, les joueurs peu friands des jeux de rôle « à l’ancienne » souffleront et pesteront à force d’enchaîner des combats qui vont de la simple gêne à la pure corvée. Un vrai bon programme avec ses morceaux de bravoure, mais qui souffre réellement, pour le coup, de ce « III » dans son titre. On comprend donc un peu mieux que la saga soit restée une simple trilogie pendant si longtemps : il était peut-être simplement temps de dire au revoir à nos héros d’autrefois et de passer la main…

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20

Pour un troisième épisode particulièrement ambitieux, The Bard's Tale III : Thief of Fate s'efforce de corriger une partie des faiblesses du précédent volet en offrant une aventure certes beaucoup plus linéaire mais également plus prenante et mieux équilibrée et en réinjectant un peu de nouveauté dans le système de jeu via les deux nouvelles classes de magicien. Le résultat montre encore quelques errements, notamment lorsqu'il tente d'offrir des ennemis aptes à résister à votre groupe hyper-puissant – sans parler de la longue phase de grinding à laquelle n'échapperont pas les joueurs démarrant une nouvelle équipe –, mais il fonctionne dans l'ensemble un peu mieux. Avec un aspect « aventure » mieux intégré et une composante « exploration » mieux recentrée, sans oublier des donjons nettement moins ridiculement punitifs, le titre souffre encore de la surabondance d'affrontements devenus soit viscéralement frustrants, soit profondément sans intérêt, mais les huit dimensions à visiter offrent suffisamment de renouvellement pour que ceux qui acceptent de composer avec des mécanismes quelques peu datés puissent espérer mener l'épopée à son terme. Un bon épisode de conclusion.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une bonne vingtaine d'heures de grinding à prévoir dans le premier donjon pour les nouveaux groupes
– De très nombreux combats qui n'offrent souvent que peu de résistance à votre groupe surpuissant...
– ...ou bien qui en offrent trop et pour de mauvaises raisons
– Un aspect « aventure » souvent opaque...
– ...et qui ne trouve sa résolution qu'en explorant chaque case de chaque donjon du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Bard’s Tale III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« En guise de conclusion, disons que Bard’s Tale III ne déçoit pas, c’est même exactement le contraire. Les différentes améliorations apportées au jeu et la qualité du scénario font de ce logiciel l’un des meilleurs de ce printemps 1988 avec Ultima V. »

Dany Boolauck, Tilt n°55, juin 1988, 17/20

Version Commodore 64

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1988
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″ (x3)
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour cet épisode, le Commodore 64 hérite d’une retranscription assez fidèle de la version proposée sur Apple II – on pourrait presque dire « trop » tant la réalisation graphique est décevante, avec rarement plus de quatre couleurs à l’écran et absolument aucun effort pour tenter de tirer parti de la palette de la machine, qui était pourtant capable d’afficher de très jolies choses.

L’aspect sonore se limite une nouvelle fois aux morceaux joués par votre barde, même si le bon côté est que ceux-ci ne souffrent plus d’une interruption à chaque déplacement comme sur la machine d’Apple. Niveau jouabilité, le seul grief est qu’on soit condamné à se déplacer avec les touches I, J, K et L, le joystick étant visiblement voué à prendre la poussière. Pour tout le reste, on se retrouve avec une expérience de jeu très semblable à celle de l’Apple II, avec des chargements pas trop envahissants mais des changements de disquette plus nombreux, la faute à l’alternance entre les deux faces. Rien de rédhibitoire, cependant, et les joueurs décidés à découvrir le troisième épisode de la saga sur la machine de Commodore ne devraient pas avoir à s’en mordre les doigts.

NOTE FINALE : 15/20

Porté sur Commodore 64, Bard’s Tale III n’y offre qu’une retranscription assez paresseuse et techniquement pas très impressionnante de la version originale sur Apple II. En dépit des quelques lourdeurs due principalement au hardware, l’expérience de jeu devrait toujours satisfaire les fans des deux premiers opus.

Les avis de l’époque :

« Face à la première version du jeu, Bard’s Tale III profite d’un plus vaste terrain d’action et surtout d’un scénario plus complexe. Le jeu reste cependant assez classique : l’équipe participe à de nombreux combats, collecte de l’or et de l’expérience pour mener une à une les diverses missions qui constituent la quête. Les deux seuls reproches que l’on puisse faire à ce soft concernent d’une part le manque d’effet sonore (sic) de l’aventure, d’autre part l’impossibilité de manier la lutte au joystick. Malgré ces défauts, The Bard’s Tale III est l’un des meilleurs jeux de rôle animés disponibles sur C 64. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°57 (HS), Septembre 1988, 14/20

Version PC (DOS)

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA composite, EGA, MCGA, Tandy/PCjr
Cartes sons supportées : AdLib, haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
Pour accéder aux options de configurations, ajoutez la lettre « t » derrière l’exécutable à la ligne de commande

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il aura donc fallu attendre la fin de l’année 1990 pour commencer à voir The Bard’s Tale III arriver sur les ordinateurs 16/32 bits – une bien longue attente, mais tel était alors le lot commun des amateurs de jeux de rôle ayant imprudemment abandonné leur Apple II ou leur Commodore 64. Comme on pouvait s’y attendre, inutile d’espérer bénéficier de plus de seize couleurs à l’écran, et même si le résultat est loin d’être impressionnant il reste infiniment plus coloré et plus lisible que sur les ordinateurs 8 bits.

La meilleure surprise est plutôt à aller chercher du côté du son : avec la gestion de l’AdLib et surtout de la Roland MT-32, les compositions de votre barde ont tout de suite plus de cachet, et on peut entendre toute la différence dès l’écran-titre. Il est toujours possible de jouer à la souris, même si les raccourcis claviers vont beaucoup plus vite, et on pourra se contenter de choisir les sorts dans une liste plutôt que de les taper manuellement à chaque fois (mais c’est une nouvelle fois plus long quand on doit faire le tri au milieux des dizaines de sortilèges de son archimage). Évidemment, plus question ici d’être empoisonné par des changements de disquette ou des temps de chargement à rallonge, ce qui fait une grosse différence – bref, un bon moyen de découvrir le jeu pour ceux qui auraient juré de ne pas lancer le remaster de 2018.

NOTE FINALE : 15,5/20

Agréablement dépoussiéré par les capacités du hardware – et notamment par une réalisation sonore tirant enfin parti des cartes sons –, The Bard’s Tale III délivre sur PC une expérience à la fois plus ergonomique et plus confortable que sur les versions 8 bits. Si on regrettera qu’aucun épisode de la trilogie n’ait jamais bénéficié des 256 couleurs du VGA, le résultat se laisse néanmoins parcourir avec plaisir.

Les avis de l’époque :

« L’ergonomie est moins bonne que dans BT II (c’est un comble !) : par exemple, quand vous vouliez lancer un sort dans BT II, le programme vous proposait un menu intermédiaire pour le choix de la classe de sort, puis affichait une liste des sorts disponibles en toutes lettres (NdRA : ce n’était vrai que dans la version Amiga ; dans la version PC, il fallait inscrire le sort manuellement, comme dans les versions 8 bits). Avec BT III, rien de tout cela : tous les sorts sont mélangés et représentés sous forme d’abréviations. […] Autre mauvais point : les monstres sont nombreux, très nombreux ! Même s’il est en général possible de fuir, cela ralentit fortement la progression, sans augmenter l’intérêt du jeu. La souris est toujours aussi mal utilisée. Ces critiques n’empêchent pas Bard’s Tale III d’être un très grand jeu. »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 17/20

Version Amiga

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les possesseurs d’Amiga auront donc dû attendre pas loin de trois longues années pour pouvoir enfin mettre la main sur Bard’s Tale III (la machine de Commodore avait hébergé le deuxième épisode dès Juillet 1988), et pour être honnête, on est quand même en droit de se demander ce qui aura bien pu justifier une si longue attente – en-dehors du fait que l’Amiga était un tout petit poisson au regard du marché américain.

Car là, pour le coup, l’ergonomie a bel et bien reculé : les sorts se limitent désormais à une liste d’abréviations sans aucun tri possible, et à haut niveau parvenir à lancer celui qui nous intéresse peut être une véritable gageure. C’est la seule lourdeur introduite par une gestion de la souris une nouvelle fois réduite à un doublon inutile, car pour ce qui est de la réalisation, les graphismes de l’Amiga font mieux (comprendre : plus coloré) que ceux de la version PC. Les choses sont plus serrées du côté de la musique, la puce Paula n’étant pas complètement à la hauteur du rendu d’une Roland MT-32, mais dans les deux cas cela reste assez anecdotique : même si le titre est un tout petit peu plus beau, l’expérience de jeu est exactement identique à celle de la version PC, qui a de toute évidence servi de modèle pour ce portage. À vous de voir si les teintes de l’EGA vous agressent ou non les pupilles et si vous préférez ou non le rendu sonore de la Roland MT-32, car pour le reste, c’est strictement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Prise de risques minimale pour cette version Amiga de The Bard’s Tale III, de toute évidence portée directement depuis la version PC – ce qui implique quelques pertes en termes de confort depuis The Bard’s Tale II sur la même machine. On gagne bien quelques couleurs, et l’expérience reste globalement agréable, mais pas de quoi se relever la nuit – surtout si on a le remaster à portée de main.

Les avis de l’époque :

« La version Amiga dispose de graphismes excellents, aux animations convaincantes. En revanche, le jeu se déroule sans bruitage ni musique d’accompagnement (NdRA : Il y a bien de la musique, en l’occurrence les morceaux joués par votre barde), alors que c’est justement l’un des points forts de l’Amiga ! La souris est correctement gérée et l’ergonomie satisfaisante, bien loin toutefois d’un Dungeon Master, Captive et autre Eye of the Beholder. Un excellent jeu de rôle cependant, varié et difficile à souhait. »

Jacques Harbonn, Tilt n°90, mai 1991, 17/20

Version PC-98

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 21 octobre 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’image de ce qui se produisait en sens inverse pour les productions nippones, les joueurs japonais étaient toujours les derniers servis lorsqu’il s’agissait d’accueillir les titres occidentaux. The Bard’s Tale III aura donc mis pas moins de quatre ans et demi à arriver sur PC-98, pour fournir une version qui, pour l’essentiel, est un calque à peine mise à jour de la version PC commercialisée deux ans plus tôt.

Au menu, donc : réalisation en seize couleurs où pas une teinte n’a bougé, et une résolution qui n’a changé que pour la police du texte (lequel est désormais, faut-il le préciser, intégralement en japonais). niveau musical, ce n’est pas très emballant non plus, puisqu’il faut se contenter du rendu du processeur sonore, d’ailleurs assez mal exploité, de la machine, ce qui ressemble beaucoup à ce que pouvait produire le haut-parleur interne de la machine d’IBM, mais avec davantage de vibrato (peut-être est-il possible de configurer le jeu pour tirer parti d’une carte son, mais si c’est le cas, je n’y suis pas parvenu). En guise de compensation, on bénéficie d’un écran-titre animé et de pas grand chose d’autre. Fort heureusement, cela ne change pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même, mais on dira simplement que même en parlant japonais, découvrir le titre via cette version n’apporte strictement rien.

NOTE FINALE : 15,5/20

Sorte de « version PC traduite en japonais avec les textes en haute résolution », l’itération PC-98 de The Bard’s Tale III n’a objectivement que peu de raisons de déplacer les foules dès l’instant où l’on a accès à n’importe quelle autre version 16/32 bits, mais elle assure l’essentiel. On s’en contentera.

Explora III : Sous le signe du serpent

Développeur : SARL Infomédia
Éditeur : 16/32 Diffusion SARL
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)

La série Explora (jusqu’à 2000) :

  1. Explora : « Time Run » (1988)
  2. Explora II (1989)
  3. Explora III : Sous le signe du serpent (1990)

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Du point de vue des joueurs, une série de jeux vidéo doit fonctionner un peu comme un escalier : chaque marche doit être plus haute que la précédente, et on attend de la dernière qu’elle corresponde au sommet. Traduit en clair, et pour prendre un exemple qui corresponde exactement à la situation qui nous intéresse aujourd’hui : après un deuxième opus qui avait su brillamment élever tous les curseurs à la grande joie des fans du premier épisode, on attendait de l’inévitable Explora III (et des éventuelles suites à venir, lesquelles n’auront, comme on le sait maintenant, jamais vu le jour) qu’il vienne représenter un nouveau palier dans le domaine de l’aventure graphique : plus beau, plus jouable, plus long, plus passionnant.

La mission était certes ardue, mais le genre de l’aventure au sens large étant alors au mieux de sa forme – et littéralement aux portes de son âge d’or – on pouvait se permettre de nourrir de grands espoirs quant aux épopées rendues possible par un thème aussi vaste et aussi inépuisable que celui du voyage temporel. Alors quand Explora III fut fort logiquement annoncé, et qu’il s’afficha pour l’occasion avec le sous-titre « Sous le signe du serpent », laissant miroiter une intrigue captivante tournant autour d’une mystérieuse secte dotée de pouvoirs fantastiques, inutile de dire que l’enthousiasme des joueurs était à son comble. Pourtant, malgré l’engouement attendu (pour ne pas dire « convenu ») de la presse francophone pour ce nouvel épisode, les lecteurs les plus attentifs ne pouvaient s’empêcher de déceler une certaine retenue, des signaux contradictoires qui semblaient sous-entendre que, peut-être, cette nouvelle aventure ne correspondait pas complètement à celle que les joueurs attendaient. « Balivernes », pensèrent les optimistes avant de lancer le jeu et de débuter une enquête qui s’annonçait grandiose… et qui ne le fut pas.

L’histoire d’Explora II partait d’un prétexte on-ne-peut-plus simple : trouver le carburant nécessaire à la machine à voyager dans le temps pour regagner son époque. Ici, les choses sont un peu plus complexes, puisqu’il n’est originellement même pas question de voyage dans le temps – comme un symbole, la machine qui donne son nom à la série est aux abonnés absents pendant une très large partie de l’aventure. Le joueur incarne cette fois un nouveau personnage, qui se trouve être un écrivain au succès modéré en train de traverser une angoisse de la page blanche, cinq ans avant que Gabriel Knight ne connaisse une situation similaire au cœur de son château bavarois au début de sa deuxième aventure.

Alors qu’il doit composer avec un ultimatum de son éditeur, sa vie bascule un soir alors qu’il entend son nom au journal télévisé… et le manuel du jeu, qui contient 95% de l’intrigue, ne vous en dit pas plus. Autant vous prévenir : vos premières informations risquent de ne se présenter que lors de vos premiers game over, au moment où la police débarquera chez vous pour vous inculper de meurtre et vous incarcérer – ayant ainsi au moins le mérite de vous informer de ce qui se passe, quelque chose qui n’arrivera pas souvent au fil de l’aventure. Explora III va en effet prendre la forme d’une longue errance, et comme on va le voir, celle-ci ne se révèle peut-être pas tout à fait à la hauteur de la passionnante enquête que ses créateurs rêvaient de programmer.

Abordons rapidement ce qui a évolué en bien pour ce troisième opus : son interface. Déjà très ergonomique dans le deuxième opus, celle-ci a encore connu une simplification salutaire, qui se limite fondamentalement à trois icônes accessibles dans le coin inférieur droit de l’écran : observer, prendre, et utiliser.

Déposer un objet se fait désormais via l’inventaire, lequel est toujours limité en taille, et celui-ci n’est à présent accessible que lorsque vous êtes chez vous ou dans un lieu donné et pas en transit dans les rues de la ville – c’est important, nous aurons l’occasion d’y revenir. Après quelques tâtonnements, une nouvelle fois, le temps de maîtriser les subtilités de la chose, on est rapidement à l’aise, et on peut commencer à explorer le t… ah non, petite anicroche dans le programme attendu : il n’y a plus de voyage dans le temps. Ou plutôt si : il y en aura bel et bien un et pas un seul de plus, lequel se déroulera… à une minute de la conclusion de l’aventure. Incroyable mais vrai : « Explora », la machine à explorer le temps, va prendre la poussière pendant 99% de l’aventure, laquelle se résumera donc pour l’essentiel à parcourir les rues d’une ville imaginaire ressemblant furieusement à Paris. Sacré dépaysement, hein ?

En étant un poil grinçant, on pourrait d’ailleurs dire que le seul véritable voyage temporel du jeu nous ramène deux ans en arrière, en plein dans les maladresses du premier opus qu’Explora II avait si bien su corriger. On se souvient que le côté « monde ouvert » de la première aventure se traduisait surtout par une tendance à parcourir de grandes zones sans jamais savoir où on avait le droit d’aller, avec pour seul bénéfice de pouvoir se faire bouffer par un tigre au détour d’une case de jungle semblable à toutes les autres ou de finir noyé au fond d’un lac.

Explora III choisit ici de reprendre le concept en l’étendant cette fois à toute une ville, qu’il va falloir parcourir en long en large et en travers, mètre par mètre, écran par écran. Outre le fait que le terrain de jeu soit intrinsèquement moins intéressant que de parcourir la préhistoire ou la Grèce antique, le vrai problème est que tous ces déplacements ne servent fondamentalement qu’à faire la jonction entre une petite poignée de lieux intéressants qu’il va falloir commencer par découvrir au milieu de toutes ces rues. Pour vous donner un petit indice quant à la nature du premier et plus gros problème du game design, mentionnons ici que l’arrêt de bus le plus proche de votre appartement, celui qui servira de point de départ à la quasi totalité de vos expéditions, se situe à une distance correspondant à pas moins de… quatorze écrans. Quatorze écrans à traverser un par un (avec un temps de chargement en prime) à chaque fois, et souvent dans les deux sens car vous serez régulièrement appelé à retourner chez vous – ne fut-ce que parce que, comme on l’a vu, l’inventaire n’est pas accessible lorsque vous vous déplacez en ville.

Si vous voulez déposer un objet pour faire de la place dans votre inventaire (et perdre définitivement l’objet en question car oui, ce mécanisme idiot est toujours en place), il faudra donc vous coltiner trois à quatre bonnes minutes de clics convulsifs jusqu’à votre immeuble, le tout dans des rues où il ne se passe rien – strictement rien. Comprendre par là qu’il n’y a aucun objet à ramasser, aucune interaction prévue en-dehors de la possibilité de retirer de l’argent à un distributeur : 95% du temps de jeu consiste donc en du pur remplissage, à ne rien faire de plus utile que d’écouter le lecteur de disque bosser, lui. Réalisant que cela n’était pas très vivant, les développeurs auront donc cru utile d’égayer les écrans via quelques animations… complètement débiles et totalement hors de propos. Vous vous baladez dans la ville, et vous croisez tarzan en slip ou un éléphant rose avec des ailes dans le dos : un humour à peu près à la hauteur des jeux de mots niveau « blague Carambar » qui composent les noms des rues du jeu (« Paul Istirène », hoho, « Marc Hassain », haha) et qui met totalement à côté de la plaque dans une intrigue de meurtre qui glisse ainsi vers sa propre parodie !

Le truc, c’est que non seulement l’essentiel du jeu se limite à aller d’un bout de la ville à l’autre – le plus souvent totalement au pif, faute du moindre objectif clair – mais qu’en plus il faudra souvent tout recommencer, les occasions de perdre étant aussi nombreuses qu’arbitraire (vous rentrez chez vous et vous tombez sur la police, vous retirez de l’argent et vous vous faites tuer…), et surtout l’essentiel des intrigues reposant sur un mécanisme particulièrement infect : le temps.

Chaque déplacement fait en effet avancer la pendule située en bas à droite de l’écran et il est bien entendu établi que certains événements ne peuvent se produire qu’à une heure donnée, sans quoi ce ne serait pas drôle. Devinez quoi : un objet totalement indispensable à la résolution de l’intrigue ne peut être obtenu qu’en étant présent à un coin de rue précis, à une heure donnée, et à regarder un passant comme on en a croisé des centaines repasser dans l’autre sens en s’étant fait coffrer par un CRS. Chance de dégotter l’objet sans avoir consulté une solution au préalable ? Autour de 0,01%… Dans le même ordre d’idées, un hôpital psychiatrique est présent en jeu. Comme il s’agit d’un bâtiment parmi des dizaines, vous aurez pu juger qu’il n’était sans doute pas utile de chercher à y pénétrer après qu’on vous ait signifié à l’interphone que l’établissement ne recevait pas de visiteur – et qu’on vous l’ait répété une deuxième fois au cas où vous auriez eu l’idée saugrenue d’insister. Eh bien le secret pour entrer est bien sûr… de sonner une troisième fois ! Y’a pas à dire, c’est de l’énigme de haut niveau comme on l’aime…

Le vrai drame de l’histoire, cependant, est précisément qu’il n’y en a pas. Ou plutôt, on en distingue quelques bribes via des indices sibyllins à grappiller par-ci par-là, mais il ne faudra cette fois pas compter sur les dialogues digitalisées pour faire avancer l’intrigue. On n’a jamais le droit à la base de la base d’un jeu comme celui-ci, à savoir de l’exposition : aucune explication, très peu de dialogues pour clarifier les choses, rien qui vienne éclaircir le mystère – lequel se résout, comme tout le reste, dans une opacité totale.

Ne vous attendez même pas à ce que le grand méchant vous fasse un monologue final, comme dans tous les James Bond, pour vous expliquer ses motivations : votre seule action face à lui, après l’avoir rencontré depuis deux secondes, sera de lui balancer un cocktail Molotov à la gueule et de signer ainsi la fin de l’aventure ! On termine donc « l’enquête » en ne sachant absolument rien de pertinent sur cette mystérieuse secte, sur ses motivations ni sur le pouvoir qui lui permet de se transformer en serpent, quant à savoir pourquoi il faut voyager dans le temps pour aller la chercher, alors là ! Bref, on est dans le brouillard d’un bout à l’autre, on est constamment puni sans aucune raison valable, et à la fin on n’a rien compris et on ne s’est pas amusé une minute. Un fameux bilan, pour ce qui devait être l’apogée de la trilogie…

On ne va pas se mentir : on sent bien, au fil des minutes qui s’égrène, qu’Explora III a été développé trop vite pour son bien, et qu’Infomédia n’était sans doute pas au mieux de sa forme à ce moment-là : ce sera d’ailleurs le dernier jeu développé par le studio. Difficile de dire ce que ses créateurs auront cherché à faire : tirer un trait sur le mécanisme du voyage temporel pour nous plonger dans la routine de la vie parisienne et nous proposer de passer des heures à aligner les trajets entre la banque et le métro doit représenter une des idées les plus stupides de tous les temps, et les joueurs ne gardent d’ailleurs globalement pas un très bon souvenir d’une aventure qui aura mis à côté d’à peu près toutes les attentes qu’on pouvait nourrir vis-à-vis d’elle.

Sauf à être extraordinairement méthodique et dévoué, on souffle et on lâche l’aventure bien avant d’en avoir vu le terme, la faute à des mécanismes absurdes et sans intérêt (je ne vous ai pas encore évoqué le labyrinthe final dans les égouts de Paris, dont la résolution exige un trajet nécessitant de parcourir au minimum CENT-DIX ÉCRANS ??). Rien n’a été pensé, considéré, équilibré, et le simple fil conducteur de l’histoire est éparpillé jusqu’à priver le joueur de toute récompense ou de toute curiosité vis-à-vis d’une intrigue si nébuleuse qu’on n’a même pas l’idée de lui décrire ne fut-ce que la situation de départ – comme si c’étaient les scénaristes qui, face à l’angoisse de la page blanche, avaient tout improvisé à la dernière minute. En résulte une fin amère en queue de poisson, une farce dont l’humour n’a pas fait rire grand monde et une machine à voyager dans le temps qui aura fini abandonnée dans un musée. Un assez bon symbole, au fond, d’une aventure qui s’est mal terminée.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 09/20

À trop prendre de risques, il arrive qu'on s'égare, et le fait est qu'Explora III : sous le signe du serpent est un jeu qui donne l'impression de ne pas trop savoir ce qu'il veut être, quelque part entre enquête confuse, exploration stérile, intrigue incompréhensible et difficulté insurmontable – oh, sans oublier un humour de blague Carambar qui amène parfois à se demander si la seule véritable farce n'est pas exercée à l'encontre du joueur. Maladroit dans son approche, qui consiste à passer 95% du temps de jeu à aller d'un point A à un point B en traversant des dizaines d'écrans où il n'y a rien à voir ni à faire, le titre se perd et s'essouffle jusqu'à réserver le thème normalement central du voyage temporel aux deux dernières minutes de l'aventure, avant une fin qui n'explique ni ne résout rien. Bref, un dernier épisode aussi déstabilisant que décevant, épitaphe peu flatteur pour la trilogie d'Infomédia. À réserver aux vrais, aux purs mordus de l'aventure graphique.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une notion de voyage dans le temps totalement reléguée au second plan
– Une aventure qui ne semble jamais tout à fait décider si on fait face à une enquête ou à sa parodie...
– ...et dont le scénario est, dans l'ensemble, totalement opaque
– Énormément d'allers-et-retours fastidieux dans des rues où il ne se passe rien
– Une gestion du temps qui ajoute encore une couche d'arbitraire à une difficulté déjà énorme
– Toujours énormément d'occasions de mourir ou d'être bloqué sans avoir la moindre chance de l'anticiper
– Et puis évidemment il faut un labyrinthe, hein !

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora III sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Explora III est […] une enquête, qui change complètement de ce qu’on a l’habitude de voir, et qui décevra forcément ceux qui s’attendaient à trouver le même état d’esprit que dans les premiers épisodes. […] Si vous êtes sensible à une certaine forme d’humour et que vous soyez (sic) un passionné des mystères à résoudre, vous vous amuserez certainement avec Explora III. »

Kaaa, Joystick n°11, décembre 1990, 87%

« Le scénario est intéressant mais souffre de deux défauts. Tout d’abord, les morts violentes et imprévisibles sont fréquentes (vous prenez de l’argent à un distributeur et un voleur vous tue ; vous fouillez une poubelle et vous vous faites agresser par un clochard, etc.). Ensuite, il faut souvent revenir chez soi au début pour prendre connaissance des dernières nouvelles. Et, si les décors des rues sont très variés, il n’y a en revanche rien à y glaner le plus souvent. »

Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 15/20

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme les deux épisodes précédents, Explora III aura naturellement eu le droit à son adaptation sur Amiga (il est d’ailleurs possible que cette version soit en fait sortie quelques semaines après la version Atari ST ; comme souvent, les dates de parution mentionnées dans le pavé technique sont à prendre avec des pincettes).

On aurait pu espérer des illustrations tirant parti de la palette de la machine, comme dans Explora II, mais le fait est que si l’interface a gagné quelques couleurs (et est devenue plus imposante au passage), le reste des graphismes n’a pour ainsi dire pas bougé. Au rang des curiosités, on remarquera que le curseur de la souris est devenu énorme dans cette version, ce qui ne le rend hélas pas plus précis, mais pour le reste l’interface comme le déroulement du jeu n’ont pas changé d’un iota. Si, tant qu’à faire, on sera naturellement heureux de profiter d’une réalisation sonore un (tout petit) peu plus agréable, les faiblesses de l’aventure sont hélas restées exactement les mêmes, et on ne conseillera cet ultime opus qu’aux joueurs ayant juré de mener la trilogie jusqu’à son terme.

NOTE FINALE : 09/20

Explora III : Sous le signe du serpent est peut-être un chouïa mieux réalisé sur Amiga sur le plan sonore, mais ça ne change malheureusement pas grand chose à l’expérience de jeu en elle-même. Dans une aventure qui se limite pour l’essentiel à errer dans des rues parisiennes peuplées d’éléphants roses et de fakirs sur leur tapis volant, on s’ennuie ferme.

Version PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Au début des années 90, le PC était peut-être en train de se muer lentement en machine de jeu aux États-Unis, mais en Europe, il en était toujours au même point : en seize couleurs, et avec aucune carte son. Même si plusieurs indices indiquent que cette version a été réalisée à partir de l’itération Amiga – au hasard, la taille de l’interface ou encore celle du curseur, plus imprécis que jamais – il faudra ici se contenter de seize couleurs et pas une de plus – et pas question de bénéficier d’un mode haute résolution non plus, cette fois. Le résultat, comme toujours, offre des teintes beaucoup plus criardes que sur Amiga ou sur Atari ST, mais cela ne devrait pas choquer outre mesure les habitués de l’EGA. En revanche, on pourra se montrer surpris que certains détails aient disparu alors que la résolution n’a pas bougé (par exemple, on ne voit plus de lettre dépasser d’une boîte aux lettres dans le hall). Pour ce qui est de l’aspect sonore, les choses vont aller vite : il n’y en a pas – pas un bruitage, pas le plus infime « bip », rien du tout ! Autant dire que ces quelques pertes n’aident pas le jeu à se montrer plus agréable à parcourir, et qu’on réservera une nouvelle fois cette version DOS aux nostalgiques et à personne d’autre.

NOTE FINALE : 08,5/20

Austérité obligatoire pour Explora III : Sous le signe du serpent sur PC. Avec des graphismes cantonnés à l’EGA basse résolution et une réalisation sonore réduite à néant, l’expérience déjà pas folichonne sur Atari ST et Amiga est encore inférieure ici. Sans doute pas la meilleure façon de découvrir un jeu qui a déjà pas mal de choses à se faire pardonner.

Explora II

Développeur : SARL Infomédia
Éditeurs : 16/32 Diffusion SARL (France) – Psygnosis Limited (Amérique du Nord, Europe)
Titre alternatif : Chrono Quest II (International)
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)

La série Explora (jusqu’à 2000) :

  1. Explora : « Time Run » (1988)
  2. Explora II (1989)
  3. Explora III : Sous le signe du serpent (1990)

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Demandez à n’importe quel auteur de science-fiction (au hasard : moi) et vous obtiendrez sans doute toujours à peu près le même commentaire : le thème du voyage temporel est virtuellement inépuisable. Entre la variété des ères et des cadres, la multitude de séquences historiques célèbres et de personnages qu’il n’est même pas nécessaire de présenter, les petites phrases, les grands drames, les questions auxquelles personne n’aura jamais la réponse, c’est un peu comme une énorme boîte à bonbons dans laquelle il n’y a qu’à puiser avec gourmandise.

Ajoutez-y les paradoxes temporels et autre incongruités scientifiques, sortes de machine à produire des retournements de dernière page, et vous obtiendrez l’équivalent du cheat code des scénaristes en manque d’inspiration. Autant dire qu’Explora avait à peine eu le temps de débarquer dans les étals et dans les rédactions qu’il était déjà établi que les développeurs d’Infomédia disposaient d’une matière plus ou moins inépuisable pour transformer l’aventure graphique qui avait enthousiasmé les joueurs en une longue série sans même avoir à se creuser les méninges pour imaginer des situations intéressantes. On sent d’ailleurs que la réflexion n’aura pas duré des semaines au moment d’établir les bases scénaristiques d’Explora II : après être parvenu à mettre la main sur l’assassin de son oncle à la fin du premier opus, qu’est-ce qui pouvait bien pousser le héros (et donc le joueur) à repartir dans le temps ? Réponse imparable : au moment de retourner dans le « présent » de 1922, la machine temporelle connaît un dysfonctionnement, et notre aventurier malgré lui se retrouve donc coincé à une ère et à un endroit inconnus en quête de ce qui sert de carburant à Explora : des métaux, lesquels vont bien évidemment le balader à travers quantité de périodes différentes avant qu’il ne puisse parvenir à rentrer chez lui. Simple. Efficace.

Quelques esprits pointilleux pourront faire remarquer que même un point de départ aussi simple soulève une ou deux questions pertinentes, comme par exemple de savoir ce qu’est devenu le domestique que vous vous étiez donné tant de mal à dénicher quelques mois plus tôt, mais qu’importe : le prétexte est valide, la mission est claire, et tout le monde n’attend que de savoir si ce deuxième épisode parvient à faire au moins aussi bien que son prédécesseur. Une chose est rapidement sûre, cependant : l’équipe de développement aura remis le couvert avec une ambition indéniable, et même si personne n’attendait alors de révolution majeure dans une formule qui marchait déjà très bien, cela n’aura pas empêché Marc Fajal, Michel Centelles et leurs confrères de revoir un peu leur copie, quitte à prendre quelques risques dans la manœuvre.

Il suffit d’ailleurs de poser un œil sur l’interface dès les premières secondes de la partie pour réaliser qu’un grand nettoyage a été réalisé au sein des innombrables icônes à la signification pas toujours très claire qui permettaient au joueur d’interagir avec le monde. Désormais, il ne reste plus que quatre actions : prendre, déposer, observer et utiliser. Une simplification salutaire qui permet enfin de se concentrer sur l’essentiel, et que l’on retrouve d’ailleurs à d’autres niveaux. Les déplacements ? Oubliez la rosace, ses huit directions et cet aspect « monde semi-ouvert » où il était impossible d’établir où l’on pouvait aller sans expérimenter méthodiquement toutes les possibilités ; désormais, les mouvements se limitent à « avancer » et « reculer ». C’est peut-être plus limité, mais c’est aussi infiniment plus ergonomique, et on ne peut que saluer l’équipe d’Infomédia d’avoir eu la clairvoyance de comprendre, à une époque où c’était encore loin d’être une évidence, que parfois, moins, c’est mieux.

Ceci dit, prétendre que l’on peut faire moins de choses dans Explora II que dans le premier épisode serait largement mensonger. Les différentes ères à visiter sont peut-être plus petites (rarement plus de trois ou quatre écrans, parfois un seul), mais elles sont également beaucoup plus nombreuses : treize au total. Et si la narration en elle-même est toujours très limitée, la possibilité de discuter avec divers personnages pour glaner des informations ou faire avancer l’intrigue a cette fois été intégrée, et en mettant les petits plats dans les grands.

Jugez plutôt : non seulement les conversations offrent des options de dialogue, mais les personnages qui vous répondent le font via des voix digitalisées, lesquelles vous seront interprétées par des comédiens du Théâtre de la Rencontre ! L’occasion de contester l’affirmation selon laquelle Sierra On-Line aurait été la première compagnie à engager des acteurs professionnels pour réaliser les doublages de ses jeux, même s’il s’agit ici vraisemblablement d’acteurs semi-professionnels et que leur contribution se limite à une poignée de phrases. Quoi qu’il en soit, la réalisation est une nouvelle fois à la hauteur, et Fabien Begom n’ayant pas chômé pour proposer des environnements détaillés bénéficiant parfois d’animations (une nouveauté comparé au premier opus), l’écrin semble à la hauteur des espoirs placés en lui. Seul petit regret dans ce concert de louanges : il n’y a toujours pas de musique à l’exception de quelques jingles très ponctuels, et cette fois s’essayer à la version internationale n’y changera rien.

Mais que vaut l’aventure en elle-même ? Comme dans Explora premier du nom, le récit à proprement parler est limité à sa portion congrue : l’objectif est de trouver des objets métalliques, de les ramener à votre machine à voyager dans le temps pour découvrir où ils vous enverront – et surtout d’établir dans quel ordre il faudra explorer les destinations qui s’offrent à vous, chaque voyage étant un aller simple. Les personnages auxquels vous avez le droit de parler constituent plus des énigmes à part entière que des pourvoyeurs d’indices, et il est toujours extrêmement facile d’être bloqué ou de trouver la mort ; préparez-vous donc à faire de nombreuses sauvegardes et sous plusieurs noms si vous voulez avoir une chance de mener l’aventure à son terme. En-dehors de beaucoup d’énigmes qui ne reposent que sur l’expérimentation tous azimuts, on remarquera plusieurs détails quant à la narration en elle-même.

Déjà, pour une raison quelconque, le voyage temporel est ici strictement limité à un contexte européen puisant abondamment dans la mythologie gréco-romaine, avec en guise de plat de résistance un long passage dans une France de Louis XIII débordant de références aux Trois mousquetaires et un passage plus tardif par la chanson de Roland qui donnent à l’épopée un caractère très franco-français qui aura probablement laissé pas mal de joueurs à l’international perplexes. « French touch » oblige, on note également un recours à un érotisme léger gravitant autour des personnages de Milady et de Circée, qui pourra vous valoir la vision d’une paire de seins, une scène d’amour torride (mais pudiquement hors-champ) ou encore la possibilité de finir transformé en cochon (ça vous apprendra à jouer au malin !). Dans l’ensemble, la progression se fait donc toujours largement dans le brouillard sans pouvoir compter sur le moindre indice, mais le fait que les possibilités aient été « recentrées » permet de se sentir un peu moins perdu lorsque l’on commence à se demander quoi faire.

Il en résulte néanmoins une aventure qui, en dépit de la modernité de sa technique et de son interface, est toujours pleinement inscrite (on pourrait presque dire « engluée ») dans les mécanismes de l’aventure à l’ancienne. Quitte à voir autant de choses, on aurait bien aimé passer un peu plus de temps sur chaque écran et avoir davantage de personnages à rencontrer que la petite poignée avec laquelle on est autorisé à échanger deux phrases. Les voix digitalisées, c’est chouette, mais un peu plus de matière dans les dialogues plutôt que de consacrer toutes ces données aux fichiers sonores, ça aurait été bien aussi…

On aurait également apprécié de véritables énigmes plutôt que cette chasse aux objets et l’expérimentation en guise de seul recours (comment deviner qu’une clef trouvée sur une porte à une époque donnée va rouvrir une autre porte plusieurs siècles plus tard ?), mais dès l’instant où l’on accepte les ficelles de l’aventure graphique et leurs inévitables limites, Explora II est à n’en pas douter un des meilleurs représentants du genre, un des plus agréables à parcourir et un des plus simples à prendre en main. Oui, c’est une longue balade avec beaucoup d’impasses, et qui se finit sans tambour ni trompette ni même un vague message de félicitations par un écran repris du premier opus sur lequel on a rajouté les mots « The end » ; c’est un peu court, jeune homme ! Mais dans tous les cas, il y réside encore une partie de ce savoir-faire, de ce culot et de cette naïveté qui faisaient le charme de la production vidéoludique de la fin des années 80. Jouer à Explora II, c’est un peu comme croiser un bon ami : rien de ce qu’il pourra dire ou faire ne risque de nous surprendre et il radote un peu parce qu’on le connait par cœur, mais hé, ça fait quand même plaisir de le revoir.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14/20

Après un premier épisode encourageant, Explora II était attendu au tournant pour parvenir à reproduire l'aventure temporelle en la renouvelant sans pour autant la trahir. La bonne nouvelle, c'est que l'équipe d'Infomédia aura su prendre les bons risques pour offrir un jeu techniquement toujours aussi réussi mais en se montrant à la fois plus ergonomique, plus varié, plus cohérent et mieux écrit. En résulte un parcours plaisant où il faudra certes une nouvelle fois beaucoup expérimenter – et beaucoup échouer – mais qui respire l'ambition, avec ses dialogues doublés, ses animations et sa dizaine d'époques à visiter. Le tout pourrait bénéficier d'encore un peu plus de chair, d'un peu plus de profondeur et d'un peu moins d'opacité dans le déroulement, mais à l'échelle de 1989, c'était clairement le haut du panier. Le logiciel restant agréable à découvrir, et étant bien évidemment intégralement en français, il serait dommage de ne pas l'essayer. L'aventure graphique à son sommet.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Toujours quelques énigmes particulièrement tirées par les cheveux...
– ...et un déroulement qui nous laisse dans le flou d'un bout à l'autre de l'aventure
– Une fin très décevante

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« La réalisation est particulièrement soignée. Les dessins sont superbes, très colorés et parfois animés. Dans certaines scènes, bruitages ou paroles digitalisés complètent l’ambiance. Le scénario est très ardu et je gage qu’il vous faudra de nombreuses heures pour venir à bout de cette nouvelle aventure copieuse à souhait. »

Jacques Harbonn, Tilt n°65, avril 1989, 17/20

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme son prédécesseur, Explora II sera d’abord sorti sur Atari ST avant d’être suivi, une poignée de mois plus tard, par la version Amiga (et, pour la première fois, par la version DOS). On sera heureux de constater que ce portage ne se sera pas limité à une simple reprise du code original en modifiant juste le thème musical de l’écran-titre : les développeurs d’Infomédia ont une nouvelle fois mis le temps à contribution pour peaufiner cette itération, et si les nouveautés ne sont plus à aller chercher du côté de l’interface, déjà très bonne, ils se situent bel et bien du côté de la réalisation. Côté sonore, le rendu est naturellement meilleur (une quasi-constante dans la lutte entre l’Amiga et l’Atari ST), même si on ne peut pas dire que la différence soit renversante non plus.

En revanche, on remarquera que les illustrations du jeu ont été retouchées pour bénéficier de la palette étendue de la machine. Encore une fois, ce n’est pas toujours spectaculaire (une teinte en plus par-ci par-là, comme dans le village de la première ère où le rideau de la hutte à droite de l’écran est devenu rouge), mais le résultat reste appréciable et se ressent parfois vraiment sur certains écrans. Même la fenêtre de jeu semble mieux fignolée, avec un logo « Explora II » qui vient remplacer les flèches de déplacement lorsque vous ne pouvez pas progresser dans une direction. Bref, sans métamorphoser en rien l’expérience, cette itération reste un tout petit peu plus agréable à parcourir que la version ST, alors si vous hésitez entre les deux versions, autant opter pour celle-ci.

NOTE FINALE : 14,5/20

Cela se joue à quelques détails, mais le fait est que l’itération Amiga d’Explora II est globalement un peu mieux réalisée et un peu mieux finie que son alter ego sur Atari ST. Vraiment pas de quoi lancer sa copie originale du jeu à la poubelle dans un accès de rage, mais à tout prendre, c’est bel et bien sur la machine de Commodore qu’on trouve la meilleure version du jeu.

Les avis de l’époque :

« Explora II version Amiga offre au joueur un contexte sonore et graphique de grande qualité. […] On ne souffre pas ici des nombreux changements de disquette qui pouvaient gêner le joueur Atari (NdRA : il est probablement fait référence ici à une version ST tenant sur des disquettes simple face, la version double face tenant sur une disquette de moins que la version Amiga et ne nécessitant pas de changements intempestifs). […] Explora II séduira tous les aventuriers de l’imaginaire. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°69, septembre 1989, 17/20

Version PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le premier Explora avait un temps été annoncé sur PC, mais quelles qu’en aient été les raisons, le portage n’avait finalement jamais vu le jour. Pour Explora II, cette fois, l’adaptation aura bel et bien été réalisée – « avec les moyens du bord », serait-on tenté de dire, tant la machine d’IBM n’était pas encore tout à fait équipée pour être une machine de jeu en 1989, surtout en Europe où le VGA et la carte son AdLib étaient encore des vues de l’esprit plus que des phénomènes manifestes. Signe des temps, cette version est d’ailleurs la seule à être jouable au clavier, la souris n’étant appelé à devenir un périphérique commun sur PC qu’autour de la sortie de Windows 3.0.

Niveau sonore, c’est le haut-parleur interne qui s’y colle, pour un rendu honnête mais qui reste naturellement à des années lumière de ce qu’étaient capables de produire l’Amiga et l’Atari ST. Le choix le plus surprenant est cependant à chercher du côté des graphismes, où on aurait pu s’attendre à un simple changement de palette depuis la version ST (qui n’employait que seize couleurs, comme l’EGA), mais on se retrouve dans les faits avec d’un côté une version CGA en noir et blanc et de l’autre une version EGA en seize couleurs, toutes les deux en haute résolution. Enfin, pour être plus précis, la version EGA affiche une interface en basse résolution et une fenêtre de jeu en haute résolution ; le résultat est tout à fait correct sans qu’on puisse affirmer pour autant que le gain en finesse représente une véritable plus-value : ça reste bien moins coloré que dans les autres versions, même s’il faut juger du rendu sur un écran cathodique pour se faire une idée de la véritable valeur du procédé, où le résultat est alors tout de suite plus convaincant qu’avec l’image hyper-précise des écrans actuels. Reste qu’en dépit des efforts déployés, cette version reste techniquement inférieure aux deux autres – elle s’avère même moins précise, prendre un objet demandant souvent un clic au pixel près. Autant dire que si découvrir le jeu sur PC n’est pas une corvée, ce n’est pas l’option conseillée dès l’instant où on a accès aux autres versions, tout simplement mieux réalisées.

NOTE FINALE : 13,5/20

On peut prendre le problème dans n’importe quel sens, Explora II sur PC est simplement un peu moins agréable à parcourir que sur Amiga et Atari ST, la faute à une réalisation graphique et surtout sonore qui, sans être honteuse, se révèle tout simplement inférieure. À moins d’avoir prêté serment de ne jouer que sous DOS, le mieux est peut-être d’aller découvrir le jeu sur une autre machine.

Bonus – À titre de comparaison, voici ce que peut offrir le rendu du mode EGA haute résolution sur divers écrans cathodiques :

Explora : « Time Run »

Développeur : SARL Infomédia
Éditeurs : 16/32 Diffusion SARL (France) – Psygnosis Limited (Amérique du Nord, Europe)
Titre alternatif : Chrono Quest (International)
Testé sur : Atari STAmiga

La série Explora (jusqu’à 2000) :

  1. Explora : « Time Run » (1988)
  2. Explora II (1989)
  3. Explora III : Sous le signe du serpent (1990)

Version Atari ST

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le temps : voilà bien un concept central, et pourtant tragiquement sous-exploité, dans l’histoire vidéoludique. Il fait parfois office de mécanisme de gameplay à part entière, comme dans l’excellente trilogie des Sables du Temps, qui autorise carrément à « rembobiner » l’action pour revenir quelques secondes en arrière, histoire de retenter ce saut crucial au terme d’une séquence serrée sans avoir à revenir au dernier point de passage – un système désormais employé dans d’autres types de jeux comme les Forza Horizon.

On a également pu le ralentir à la Matrix, comme dans le fameux « bullet time » de Max Payne, mais le thème du voyage temporel, curieusement, fait nettement moins recette que d’autre tropes régulièrement en vogue comme le très pratique personnage amnésique qui « réapprend » l’univers en même temps que le joueur. À la fin des années 80, il aura en tous cas fait la (brève) renommée d’Infomedia, une société française fondée en 1986, et dont le nom n’est plus associé aujourd’hui qu’à une trilogie gravitant autour d’une machine à voyager dans le temps : Explora. Trois aventures graphiques, à la fin de l’ère où le concept était encore pertinent, et où le genre aura commencé à délaisser ce périphérique encombrant qu’était le clavier pour lui préférer ce petit dispositif qui accompagnait les Macintosh, les Atari ST et les Amiga (et encore trop rarement les PC) : la souris. Et puisque l’on parle de voyage temporel, qu’est-ce qui avait le plus de chance d’attirer le regard des joueurs en 1988 ? Une aventure dépaysante, une réalisation irréprochable, et puis tant qu’à faire, des cadeaux à gagner (mécanisme commercial totalement disparu depuis lors en ce qui concerne les jeux vidéo) : voilà exactement tout ce qu’Explora : « Time Run » avait à offrir, ce qui lui aura réservé une place particulière dans les souvenirs des joueurs.

1922. Votre père, inventeur de génie (et visiblement fortuné, à en croire le château de la Loire dans lequel débute l’aventure), a été assassiné par son propre majordome (« lutte des classes powaaa ! »). Comble de malheur, ce dernier a trouvé le moyen de vous faire porter le chapeau, avant de prendre la fuite via un véhicule qui lui garantissait de ne pas avoir la police à ses trousses : la propre machine à voyager dans le temps de votre géniteur.

Dès lors, pour espérer lui mettre la main dessus et prouver votre innocence, une seule voie s’ouvre à vous : remonter sa piste, à travers les âges, en suivant le même chemin que lui, sans trop vous demander pour quelle raison il a si généreusement laissé derrière lui les morceaux de la carte perforée qui ouvriront l’accès à sa destination finale. Ni sans chercher à comprendre par quel miracle la machine est toujours présente dans le château en 1922 alors qu’elle se déplace physiquement à chaque voyage temporel, et qu’elle devrait être coincée quelque part à l’époque où est resté le majordome. Mais hé, c’était aussi cela, 1988. On n’avait pas une équipe de scénaristes pour se pencher sur les incohérences les plus flagrantes : on était là pour faire une aventure avec sa dose de clins d’œil à H.G. Wells,et c’était très bien comme ça. Alors ne commencez pas à être bêtement cynique : cette relative insouciance dans tous les domaines, c’était aussi cela, le grand charme des années 80.

Explora, c’est donc une aventure graphique, soit un genre alors encore à l’apex de sa popularité avant que le point-and-click – à qui il venait si généreusement d’ouvrir la voie – ne vienne l’inviter à prendre congé. La bonne nouvelle, c’est que le genre en question aura introduit en même temps que l’usage de la souris (que Dejà Vu en soit à jamais remercié) une ergonomie qui a infiniment mieux vieilli que l’éternel recours au clavier et à l’interpréteur syntaxique qui auront scellé le sort de l’aventure textuelle – en même temps qu’ils l’auront trop souvent limité à la langue anglaise.

Explora est un jeu qui se joue entièrement à la souris grâce à une interface située à droite de l’écran, et ça fait une énorme différence. Certes, il faudra sans doute quelques minutes, malgré tout, pour assimiler le sens des icônes inutilement nombreuses et à la signification parfois exagérément opaque – certaines n’ont d’ailleurs absolument aucun usage de toute la partie – mais on retrouve rapidement les fondamentaux : ramasser un objet, le déposer, observer, interagir avec l’inventaire, interagir avec l’environnement. L’ensemble se dompte assez vite et ne trahit vraiment son âge que par quelques lourdeurs, comme un pointeur qui vous demande souvent de cliquer au bon endroit au pixel près (agaçant), une interaction qui vous laisse parfois intervenir dans les vues rapprochées qui s’ouvrent lorsque vous observez un objet de près, et parfois non (inconsistant), et puis des déplacements qui se font via une rosace placée en bas à droite de l’écran mais qui n’a jamais l’exquise politesse de vous indiquer quelles sont les directions qui s’offrent à vous et lesquelles vous sont refusées (ce qui est particulièrement problématique lorsque le jeu commence à vous lâcher dans un environnement ouvert). Bref, tout n’est pas encore idéal, mais l’essentiel est là.

Évidemment, qui dit « aventure graphique » dit « graphismes », et c’est dans ce domaine que les illustrations réalisées par Fabien Begom auront tout de suite fait mouche. Quitte à explorer le temps de la préhistoire au XXVe siècle, on a envie de profiter du voyage, et à ce niveau le titre a plutôt bien rempli son office, tirant merveilleusement parti des seize couleurs affichables de la machine dans un domaine où seuls des titres bien plus tardifs, à la Maupiti Island, parviendraient réellement à le supplanter – et encore, pas sur chaque écran.

Certes, il n’y a absolument aucune animation, mais on ne pourra qu’apprécier la variété des dizaines de décors qui dépeignent les six époques auxquelles se déroule le jeu (et les six lieux, puisque vous visiterez l’Inde, l’Égypte ou le Mexique) et qui donnent envie de découvrir la suite du programme avec une réelle gourmandise. Dommage que le tout se fasse dans un silence seulement entrecoupé de quelques bruitages : pour entendre de la musique, il faudra se tourner vers la version internationale (en anglais) nommée Chrono Quest, avec nul autre que David Whittaker à la baguette, et un thème musical différent par ère visitée. Mais dans l’ensemble, l’emballage comme l’interface ont plutôt bien vieilli, et on entre dans l’aventure bien plus facilement qu’avec beaucoup de ses contemporaines.

L’aventure, justement, est sans doute l’aspect du jeu le plus inscrit dans son époque – comprendre par là, celui qui accuse le plus son âge. Bien avant que Ron Gilbert ne signe son manifeste sur les jeux d’aventure et ne vienne donner un coup de pied dans la fourmilière en même temps qu’ouvrir l’âge d’or du point-and-click « non bloquant et non mourant » (les retardataires pourront trouver les détails dans le test de The Secret of Monkey Island), la philosophie du genre était plutôt de mettre tous les bâtons possibles et imaginables dans les roues du joueurs. À ce titre, Explora n’est pas le plus punitif des titres du genre, mais cela ne l’empêche pas de composer avec de très nombreux mécanismes qui vous vaudront, dès l’instant où vous n’aurez pas une solution sous la main, de devoir sauvegarder et recommencer le jeu très régulièrement.

D’abord parce qu’on a souvent l’occasion de trépasser, que ce soit en ratant une marche dans des escaliers obscurs à cause d’un briquet qui vient de nous lâcher, en croisant un tigre au milieu du Bengale ou en apprenant un peu trop tard que notre héros ne sait pas nager. Ensuite et surtout parce que notre inventaire est limité à onze objets, qu’il sera plein pendant 95% de la partie, et que non seulement on n’a aucun moyen de savoir quel objet nous sera indispensable par la suite (conseil : conservez l’os. Et la bouteille. Oh, et les gants), mais aussi et surtout parce que déposer un objet ailleurs qu’à l’endroit où vous l’avez ramassé vaudra d’en perdre la trace définitivement – mécanisme d’autant plus énervant que même des titres plus anciens comme Mindshadow autorisaient à abandonner et à récupérer des objets n’importe où en les affichant systématiquement à l’écran. Ce mécanisme semble parfois pouvoir être contourné, mais bon courage pour comprendre où vous êtes censé cliquer pour récupérer un élément qui n’apparait nulle part à l’écran dans un jeu où chaque action doit être effectuée au pixel près. L’aventure à beau être assez courte (une demi-heure en ligne droite), devoir tout recommencer depuis le début pour avoir été contraint de jouer à la loterie en sacrifiant un objet indispensable vingt minutes plus tôt n’est pas plus agréable ici que cela ne l’était dans Shadowgate.

Même avec les bons objets, les énigmes ne sont pas toujours très cohérentes et reposent souvent sur l’essai/erreur, le pompon revenant à ce temple maya ne s’ouvrant qu’à 13H précise, et auquel vous aurez de très fortes chances d’arriver autour de 13H15, ce qui vous vaudra de cliquer sur l’icône permettant l’écoulement du temps… par incréments de deux minutes. Oui, cela fait déjà potentiellement plus de 700 clics pour arriver à la bonne heure… et encore faut-il la connaître ! Car naturellement, la progression est d’autant plus délicate que la narration, elle, est pour ainsi dire inexistante. Très peu de descriptions, pratiquement aucun dialogue : difficile de trouver des indices quand le programme est bien décidé à ne vous en donner aucun, et c’est d’autant plus dommage que tout ce qui aurait pu venir donner un peu d’épaisseur à l’univers ou simplement à l’histoire (les motivations du majordome ?) est tragiquement absent.

Il en va d’ailleurs parfois de même pour la simple cohérence : en quoi est-il nécessaire de porter des gants pour serrer la main à un lépreux, sachant que la maladie ne se transmet de toute façon pas par contact cutané ? Il faudra donc accepter de progresser à l’aveugle, en n’ayant jamais un objectif clair ni le plus subtil indice quant à la suite des événements. C’est à la fois le charme de l’approche – ce côté « personne ne vous prendra jamais par la main » – et son aspect le plus frustrant, car une fois bloqué, le seul recours est de tenter tout et n’importe quoi au mépris de toute forme de réflexion – ou d’aller consulter une solution. C’est là toute la faiblesse de l’aventure graphique à l’ancienne mais, pour être honnête, Explora figure clairement dans le haut du panier grâce à son univers qui se suffit à lui-même, à sa réalisation agréable et à sa relative ergonomie. Peut-être pas de quoi convertir les joueurs ayant fait leurs classes avec les premiers point-and-click de l’âge d’or, comme Indiana Jones and the Last Crusade, mais une très bonne porte d’entrée néanmoins pour comprendre ce qui pouvait retenir un joueur pendant des nuits entières devant son Atari ST en 1988. Une autre forme de voyage temporel, quoi.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20

Explora : "Time Run" peut se vanter de figurer parmi les jalons les plus intéressants dans la transition entre l'aventure graphique et le point-and-click. Plus dépaysant et plus ergonomique que Deja Vu, moins punitif que Shadowgate, le titre des français d'Infomedia parvient (presque) à faire oublier les multiples scories d'une époque où les morts brutales, les impasses et les énigmes opaques étaient la norme grâce à un univers qui pousse effectivement à l'exploration, très bien mis en valeur par une réalisation à la pointe de ce que l'année 1988 avait à offrir. C'est toujours un jeu que l'on devra recommencer de très nombreuses fois pour espérer le finir sans une solution, mais avec un charme indéniable qui fait regretter le peu d'indices, de dialogues, ou tout simplement de matière pour donner chair à une intrigue cantonnée au manuel du jeu. Clairement un représentant de la (très) vieille école, mais dans son domaine, cela reste un des plus réussis. Si vous voulez découvrir à quoi ressemblait le monde vidéoludique avant Indiana Jones and the Last Crusade ou The Secret of Monkey Island, voici une bonne porte d'entrée.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Jeu d'aventure à l'ancienne : énormément d'occasions de mourir ou d'être irrémédiablement bloqué...
– ...notamment à cause d'un inventaire limité à onze éléments dont on ne peut tout simplement jamais deviner lesquels s'avèreront pertinents
– Une interface qui nécessite souvent de cliquer au bon endroit au pixel près
– Quelques énigmes franchement opaques
– Pas de musique passé l'écran-titre dans la version originale française

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Explora sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Complet et complexe, Explora se distingue par la qualité de sa réalisation et une grande facilité d’accès. Divisé en trois parties, l’écran propose sur la droite une fenêtre de commandes où diverses icônes sont présentes. Le symbolisme de ces dernières est parfois contestable, mais avec un peu d’habitude… […] Il est cependant d’ores et déjà acquis que la qualité globale d’Explora devrait lui assurer un beau succès et qu’il marque l’avènement d’une nouvelle société d’édition française. Bon vent ! »

Mathieu Brisou, Tilt n°55, juin 1988, 17/20

Version Amiga

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Chercher à dissocier l’Atari ST de l’Amiga était pratiquement une vue de l’esprit, en 1988 : qui disait développer sur l’un signifiait quasi systématiquement développer en parallèle sur l’autre. Explora n’aura pas fait exception à cette règle, et comme souvent, les différences entre les deux versions sont assez subtiles. Graphiquement, les illustrations n’ont pas changé d’un pixel (ce qui signifie : seize couleurs et pas une de plus), et la réalisation sonore est également à peu identique, même si le thème de l’écran principal est plus net et laisse entendre moins de souffle. Une fois en jeu, il n’y a toujours pas de musique – du moins, pas dans la version française, comme sur ST. Pour le reste, on remarquera que l’interface a été légèrement simplifiée, avec des résultats contrastés (bon courage pour découvrir quelle icône correspond à la fonction remplie auparavant par la loupe), et que la résolution légèrement plus élevée (320×240 contre 320×200) permet d’afficher du texte en bas de la fenêtre de jeu plutôt que de le faire là où se tenait l’inventaire, ce qui ne change objectivement pas grand chose. Pour le reste, le déroulement de l’aventure n’a bien évidemment pas changé, ce qui signifie qu’on hérite d’un match nul entre l’Amiga et l’Atari ST.

NOTE FINALE : 13,5/20

À quelques minuscules retouches près, la version Amiga d’Explora : « Time Run » fait globalement jeu égal avec une version Atari ST qu’elle ne cherche pas à perfectionner. Les joueurs désirant de la musique devront une nouvelle fois se lancer sur la version internationale, et pour le reste l’aventure se parcourt toujours avec un certain plaisir à condition d’adhérer à la philosophie du jeu d’aventure de la vieille école.

Quest for Glory II : Trial by Fire

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x5) et 3,5″ (x9)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, Tandy/PCjr, VGA (16 couleurs)
Cartes sons supportées : AdLib, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine l’écran de fin de Quest for Glory s’était-il affiché qu’il était établi qu’un deuxième épisode était déjà sur les rangs : on avait même le droit à son titre en avant-première, et ceux qui auraient eu envie de chercher à deviner dans quel cadre il pourrait bien tenir place disposaient déjà de plusieurs indices très parlants – au hasard, le fait que le personnage à peine décrété héros soit présenté en train de voyager en tapis volant, accompagné d’Abdulla et de ses amis kattas.

Pour être honnête, l’apparition d’une suite était peut-être même promise dès l’écran-titre, tous les logiciels de Sierra contenant le mot « Quest » étant voués à devenir des séries à rallonge, et ce n’étaient pas King’s Quest, Space Quest ou Police Quest qui allaient prétendre le contraire (ni Leisure Suit Larry, mais bon, celui-là ne fait jamais rien comme tout le monde). Il faut dire que, plus encore que tous les autres jeux d’aventure de la compagnie américaine, la (nouvelle) saga imaginée par Corey et Lory Ann Cole se prêtait particulièrement bien à des épisodes à répétition, ne fut-ce que pour assumer la montée en puissance permise par la partie « jeu de rôle » comme le proposaient, au hasard, les « golden boxes » de SSI à la même période. Bref, Quest for Glory II : Trial by Fire était en route, ce n’était un secret pour personne, et il sera arrivé pile au moment où on était en droit de l’attendre : un an après le premier opus, et juste pour les fêtes de Noël. Mais du haut de ses quelques neuf disquettes 3,5″ (basse densité,certes), il annonçait aussi clairement l’arrivée d’un élément qu’on sentait encore un peu embryonnaire dans Quest for Glory I : l’ambition.

Désormais, c’est officiel : vous êtes un héros – ou tout du moins, celui de Spielburg, ce qui n’est déjà pas mal, mais vous maintient encore au rang d’une célébrité du cru. À peine avez-vous eu le temps de vous adonner aux agapes locales que déjà le marchand Abdulla – auquel vous aviez permis de récupérer ses richesses dérobées par les brigands – vous emmène avec Shameen et Shema, les deux kattas, vers leur cité natale : Shapeir, joyaux de l’orient, et véritable catalogue assumé et revendiqué de tous les clichés gravitant autour des Mille-et-une nuits.

Il semblerait en effet que la glorieuse cité doive composer avec ses difficultés propres : l’Émir Arus Al-Din a disparu, et voilà que les élémentaires de la région commencent à faire des leurs. Il se pourrait que quelque chose ou quelqu’un conspire à de sombres projets, mais cela, ce sera à vous de le découvrir – en créant un nouveau personnage, ou en reprenant celui du premier opus avec ses statistiques et ses possessions, ce qui vous évitera largement d’avoir recours à une quelconque phase de grinding, mais nous y reviendrons. Les joueurs les plus observateurs noteront en tous cas l’apparition de deux nouvelles caractéristiques : la communication, qui jugera de vos compétences sociales (mieux vaudrait donc apprendre à dire bonjour et à respecter le protocole), mais aussi l’honneur, qui en plus de juger de votre probité pourra éventuellement vous ouvrir la voie vers une classe cachée accessible à partir de l’épisode suivant : le paladin.

Pour l’heure, le plus urgent est de s’atteler à la découverte de l’apport le plus notable de Quest for Glory II : son cadre, et plus précisément la tentaculaire ville de Shapeir. Là où le premier opus proposait un bourg tenant sur une poignée d’écrans pour réserver l’exploration à la campagne environnante, cet épisode opte pour le parti inverse : le désert y représente plutôt un à-côté, le gros morceau revenant à la ville en elle-même… laquelle fera office, à sa façon, de protection de copie.

En effet, vous allez vite réaliser que la cité orientale est constituée de dizaines de ruelles que l’on parcourt dans une vue immersive à la troisième personne mais dans lesquelles il est très facile de se perdre, et où aller d’un point A à un point B peut vite prendre beaucoup de temps. Votre première mission, pour éviter que la visite locale ne se transforme en une laborieuse corvée au bout de quelques jours, sera donc de commencer par trouver l’emplacement du bureau de change local pour échanger l’or de Spielburg contre les dinars et les centimes locaux, avant d’aller acheter au marchand baratineur Alichica une très pratique boussole et une non moins pratique carte magique qui fera alors office de voyage rapide en vous permettant de vous rendre en un clic à n’importe quel endroit déjà visité. Une excellente idée, qui vient d’ailleurs s’inscrire dans une philosophie générale où beaucoup des erreurs de jeunesse du premier épisode ont été intelligemment corrigées.

Par exemple, la gestion du temps est ici nettement moins contraignante, puisqu’il suffit de retourner à l’auberge de vos amis à n’importe quel moment pour pouvoir dormir une heure, ou jusqu’en soirée (très pratique pour les voleurs, donc) ou jusqu’au matin – le tout pour pas un rond puisque vous êtes hébergé gratuitement et que le repas est compris si vous avez la bonne idée de venir vous mettre les pieds sous la table le soir. Le système de combat a également été revu et approfondi : les neufs touches du pavé numérique ont désormais une fonction précise, et certains ennemis sont plus sensibles à certains types d’attaques.

Le magicien gagne de nouveaux sorts qui commencent à le rendre vraiment efficace en combat – il peut également s’atteler à trouver le mystérieux WIT et à gagner encore de nouvelles aptitudes en passant ses épreuves – et le voleur, pour sa part, pourra dégotter quelques missions lucratives en employant le signe de reconnaissance de sa guilde auprès des personnes appropriées. Bref, la dimension « jeu de rôle » autorise une nouvelle fois une certaine rejouabilité, chaque classe ayant accès à ses activités propres – même si la classe de guerrier est incontestablement la plus limitée et la plus décevante à ce niveau. Conseil : si vous voulez réellement profiter du jeu, concoctez-vous un voleur capable de lancer des sorts et vous devriez voir et vivre beaucoup plus de choses qu’avec un guerrier certes très doué pour le combat, mais comme on va le voir ceux-ci demeurent de toute façon assez rares dans cet épisode – pour ne pas dire largement facultatifs dès l’instant où vous n’avez pas besoin d’aller récupérer de l’argent ou de monter vos statistiques.

L’essentiel de l’activité de la première partie du jeu consistera donc à apprivoiser la ville de Shapeir, à faire connaissance avec tous ses services, à débusquer les personnages les plus exotiques et les mieux cachés, et à poser les bonnes questions aux bons interlocuteurs lorsque les problèmes vont commencer à apparaître. Car contrairement au premier épisode, qui vous laissait gérer les choses à votre rythme, le tempo est ici en partie dicté par le jeu, avec des élémentaires qui vont commencer à faire leur apparition dans les rues de la ville à partir d’un jour donné, et qui vous demanderont à chaque fois de trouver comment les vaincre dans un délai de deux ou trois jours, faute de quoi la partie ne pourra pas être gagnée.

Une légère pression finalement assez simple à contourner dès l’instant où vous prenez l’habitude de sauvegarder régulièrement – au hasard au début de chaque journée – et qui vous laissera d’autant plus de temps pour monter votre personnage que, comme on l’a déjà mentionné, les combats sont tout aussi facultatifs ici qu’ils l’étaient dans le premier opus – seul le guerrier doit avoirs des affrontements obligatoires, et encore, je n’en ai compté que deux, et ceux-ci étaient d’une facilité confondante. C’est d’ailleurs précisément à ce niveau que Quest for Glory II peine à trouver son équilibre : à chercher à présenter une aventure qui puisse convenir autant aux personnages surentrainés importés du premier opus qu’aux nouveaux venus, le titre échoue à trouver un défi à la mesure de tout le monde.

La conséquence la plus dommageable en est cette obligation de suivre le tempo dicté par le jeu : tant que l’on a des endroits à explorer et des personnages à découvrir, on n’a pas matière à s’ennuyer, mais une fois qu’on commence à attendre que les choses se produisent faute de pouvoir les déclencher, le temps peut commencer à paraître long. En fait, quand on sait à peu près ce qu’on a à faire (et surtout à qui parler pour obtenir les bonnes informations, ce qui risque de tourner systématiquement autour des deux ou trois mêmes personnages), on peut littéralement passer la moitié du jeu à dormir à l’auberge pour faire avancer les événements ! Le pécule avec lequel on commence le jeu est largement suffisant pour acheter tout ce dont on peut avoir besoin sans s’obliger à aller déambuler dans le désert à la recherche de monstres, d’autant que les pilules de soins seront ici largement inutiles précisément parce que les combats le sont aussi.

Conseil : faites plutôt une réserve de dagues chez le forgeron si vous êtes un guerrier ou un voleur. Les énigmes reposent, sur l’essentiel, en la capacité à avoir retenu les informations obtenues lors des dialogues, et on se retrouve donc davantage face à un jeu d’enquête demandant de poser beaucoup de questions que face à la rencontre entre l’aventure et le jeu de rôle qui nous avait été vendue. L’aspect « monde virtuel » a toujours beaucoup de charme, et l’aventure connait de nombreux morceaux de bravoure, mais on ne peut s’empêcher de penser que le titre tend largement à mettre de côté ses compétences et ses statistiques pour nous propulser dans un jeu d’aventure plus traditionnel, ce qui est un peu la négation de sa philosophie. D’ailleurs, les différentes classes n’offrent finalement que peu de nuances dans l’approche du jeu : qu’on ouvre une porte en la crochetant avec un voleur, en la forçant avec un guerrier ou en utilisant la magie avec un lanceur de sorts, le résultat sera fondamentalement le même. C’est pourquoi, en dépit de ses nombreuses améliorations, il est également possible que ce deuxième épisode déçoive précisément ceux qui s’étaient éclatés sur le premier et qui risquent de voir la magie s’effriter en constatant, une fois de plus, que leurs possibilités sont définies par leur classe bien plus que par leurs précieuses compétences et que la montée en puissance et les diverses aptitudes ne servent au final pas à grand chose. Un jeu agréable et intéressant, à coup sûr, mais pas tout à fait celui qui nous avait été promis.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Du côté des fans :

À ceux que la réalisation en EGA et l’interface à la ligne de commande effraieraient, Le studio AGD Interactive, spécialisé dans les remakes des jeux d’aventure Sierra (et en particulier de la série King’s Quest) aura apporté une réponse en 2008, avec un remake de Quest for Glory II en VGA s’inspirant très largement du remake (officiel, celui-là) du premier épisode, et que vous pourrez trouver (gratuitement) à cette adresse. Au menu, et comme pour son modèle, une réalisation intégralement refaite en 256 couleurs, une refonte sonore, une interface à la souris ainsi que des quêtes et dialogues additionnels. Pour faire bonne mesure, il est également possible de garder la possibilité d’entrer les sujets de conversation manuellement, et le joueur aura le choix entre la navigation d’origine et des rues simplifiées pour éviter au néophyte n’ayant pas le plan de la ville sous la main de se perdre. Il est également possible d’automatiser les combats en donnant des instructions à son personnage ; bref, un très bon moyen de dépoussiérer et d’approfondir l’expérience originale sans la dénaturer. Une excellente porte d’entrée pour les nouveaux venus – ou pour ceux qui n’auraient pas envie de revenir à l’ancienne formule après avoir goûté au premier opus dans sa version de 1992.

NOTE FINALE : 15,5/20

Fièrement annoncé dès l'écran de fin du premier opus, Quest for Glory II : Trial by Fire vient prolonger les aventures du héros de Spielburg dans un univers oriental aussi archétypal qu'intrigant. Le système de jeu a gagné en maturité, en profondeur et en confort, à l'image des combats, et tout fonctionne un peu mieux qu'auparavant... du moins, jusqu'à un certain point. En dépit des nombreuses possibilités offertes aux trois classes – et à l'émergence de possibilités inattendues – on ne peut s'empêcher de penser que l'aspect jeu de rôle reste cruellement sous-exploité et que la montée en puissance des caractéristiques de notre personnage s'affiche davantage comme un moyen de passer le temps en attendant de faire avancer une intrigue inutilement étirée sur plus de deux semaines que comme une réelle nécessité – surtout à partir du moment où les affrontements sont aussi rares. C'est bien simple, avec un héros importé, on peut passer la moitié du jeu à dormir à l'auberge ! Ce problème de rythme est d'autant plus dommageable que le reste fonctionne et donne vraiment envie de poursuivre la saga, en espérant la voir gagner encore en épaisseur et en possibilités. Pas encore tout-à-fait le titre qu'on était en droit d'espérer, mais les amateurs du premier épisode n'auront aucune raison d'hésiter à rempiler.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une navigation en ville contraignante au début du jeu
– Une progression de l'intrigue dans le temps qui fait qu'il n'y a parfois rien d'autre à faire que d'attendre d'être arrivé à la bonne journée
– Une interface (semi) textuelle en bout de course...
– ...et toujours aucune version française

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« L’atout le plus fantastique de QfG II réside sans doute dans la variété et l’originalité des lieux et des personnages. Dès le début, vous entrez dans l’ambiance : vous êtes logés (et nourris) dans l’auberge que tiennent les Kattas, qui ont une dette envers vous (voir l’épisode précédent). Cela vous permet d’assister à une danse du ventre, ou à une séance de poésie avec un sage, et quand vous rentrez le soir, votre hôte vous salue (avec les salamaleks (sic) d’usage). »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°86, janvier 1991, 18/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Contrairement à son prédécesseur, Quest for Glory II n’aura eu le droit qu’à une unique portage (et aucun remake officiel), et c’est l’Amiga qui aura eu l’honneur de l’héberger. Comme on pouvait s’y attendre – et comme souvent avec les productions américaines – inutile d’espérer un réel travail d’adaptation : le jeu est une bête transcription du code de la version PC, ce qui signifie que les graphismes en EGA n’ont pas bougé d’un pixel. Côté sonore, sans être tout-à-fait à la hauteur de ce que pouvait offrir une Roland MT-32, la puce Paula s’en sort une nouvelle fois très bien. En revanche, et comme pour le premier opus, sur une configuration standard le jeu est ici considérablement plus lent que sur une configuration PC moyen-de-gamme de l’époque : le personnage avance à deux à l’heure, il y a quinze secondes de chargement entre chaque écran, et le simple fait de faire le vingt mètres qui séparent l’auberge de la place centrale risque ici de vous prendre deux bonnes minutes. traverser la ville à pied doit demander à peu près autant de temps que de traverser le centre-ville de Paris ! Ajoutez-y la joie de composer avec la valse des sept disquettes du jeu, et vous comprendrez pourquoi il vaut mieux éviter de découvrir le jeu sur un Amiga 500, sauf à être d’une patience à toute épreuve. Les choses sont heureusement nettement plus supportables sur un Amiga 1200 doté d’un disque dur, mais mieux vaut bien être conscient de la nature de l’expérience avant de se lancer sur une configuration inférieure.

NOTE FINALE : 15,5/20 (Amiga 1200 ou supérieur) – 13/20 (modèles antérieurs)

Comme son prédécesseurs, Quest for Glory II délivre sur Amiga une prestation quasi-identique à celle livrée sur PC – à condition d’avoir le processeur, la mémoire et le disque dur nécessaires. Sur une configuration moins musclée, le jeu se traîne à un stade où parcourir la moindre rue vous laissera le temps d’aller faire un café. Soyez prévenu.

Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titre original : Hero’s Quest : So You Want to Be a Hero (première édition – Amérique du Nord)
Titres alternatifs : Quest for Glory : So You Want to Be a Hero (écran-titre), クエスト・フォー・グローリィ: So You Want to be a Hero (Japon)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari STPC-98
Également testé : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake)
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Quest for Glory (jusqu’à 2000) :

  1. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (1989)
  2. Quest for Glory II : Trial by Fire (1990)
  3. Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero (Remake) (1992)
  4. Quest for Glory III : Wages of War (1992)
  5. Quest for Glory : Shadows of Darkness (1994)
  6. Quest for Glory V : Le souffle du dragon (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1989 (première édition) – 1990 (réédition sous le nom Quest for Glory)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ (x10) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, IBM Music Feature Card, Game Blaster (CMS), haut-parleur interne, MPU-401 MIDI, Roland MT-32/LAPC-I, Tandy/PCjr
*640ko requis pour la version PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Un doux rêve aura traversé l’univers du jeu de rôle informatique à peu près depuis ses débuts : celui de fournir, via un ordinateur, une expérience aussi proche que possible de celle qu’on obtenait entre amis autour d’une table. La grande force du concept original de jeux comme Donjons & Dragons ou Tunnels & Trolls, les deux pionniers en la matière, c’était que les règles et l’univers n’étaient qu’un cadre : les joueurs n’avaient aucune limite précise quant aux actions qu’ils pouvaient entreprendre, et qu’ils décident d’aller interroger un modeste paysan ou de forcer une porte, c’était au maître du donjon d’improviser et d’offrir une réponse (de préférence pertinente) à leurs tentatives.

Les possibilités étaient virtuellement illimitées – et l’idée qu’un jeu vidéo puisse les reproduire était aussi grisante qu’irréaliste, les premiers programmes informatiques ayant déjà du mal à gérer toutes les règles sans qu’en plus on leur demande de gérer tout un univers dans quelques kilo-octets de données. Le temps passant – et la technique progressant – les jeux de rôle eurent de plus en plus de latitude pour s’éloigner des simples tableaux de caractéristiques qui les résumaient à leurs débuts : la saga Ultima aura ouvert la porte à une notion d’exploration en monde ouvert et à des dialogues par mots-clefs, Dungeon Master aura représenté une avancée formidable en termes d’immersion. Mais on attendait toujours ce jeu où on aurait l’impression de pouvoir faire un peu ce qu’on veut sans l’ordre qu’on veut et de la façon qui nous convient ; celui où on serait notre propre héros avec nos propres méthodes, quitte à entreprendre des choses stupides juste pour juger des conséquences. Jouer un rôle, littéralement. À ce niveau, on ne mesure peut-être pas assez bien l’impact qu’aura représenté un titre a priori aussi simple que Quest for Glory.

D’emblée, tout est dans le (sous-)titre : Alors comme ça, vous voulez être un héros ? La question semble d’autant plus étrange que non seulement on est toujours, par définition, le « héros » d’un jeu vidéo, mais qu’en plus Quest for Glory s’inscrit ouvertement dans une longue série de sagas d’aventure de Sierra – d’ailleurs toutes définies comme des « quêtes » : King’s Quest, Space Quest, Police Quest… – employant le même moteur et offrant, a priori, à peu près les mêmes possibilités.

Première nouveauté, cependant : c’est à nous qu’il appartiendra de nommer notre protagoniste (lequel sera forcément un homme) ; une première dans un jeu Sierra. Et histoire d’introduire immédiatement la dimension « rôlistique » du jeu, on sélectionnera également sa classe parmi les trois classiques que sont le guerrier, le magicien et le voleur, avant d’aller lui attribuer des points de caractéristiques et de décider de la répartition de ses aptitudes. En effet, notre personnage sera amené à se battre et aura donc des appétences pour le combat, la parade ou l’esquive, mais il pourra également lancer des sorts (même s’il n’est pas magicien), être furtif et crocheter des portes (même s’il n’est pas voleur), escalader des obstacles ou faire usage de précision dans ses lancers. Bref, première anomalie dans un jeu d’aventure traditionnel : notre personnage pourra être amené à réussir ou à rater des actions en fonction de ses capacités, et pas en fonction de ce qui avait été scripté dans le programme. Ce qui signifie également – et c’est là que les choses deviennent d’autant plus intéressantes – qu’il pourra être amené, selon ses compétences, à résoudre une même situation de plusieurs manières. Eh bien vous allez rire, mais cela, en 1989, c’était encore loin d’être courant – surtout dans un genre aussi balisé.

Mais le meilleur moyen de s’en rendre compte est sans doute de débuter la partie. Justement, notre héros (en herbe) arrive dans la petite ville de Spielburg, coupée du monde pour l’hiver à cause d’une avalanche, et qui semble avoir affaire à bien des tracas, à commencer par un groupe particulièrement actif de bandits de grands chemins, une sorcière nommée Baba Yaga, et même une malédiction frappant le baron local et ayant entraîné la disparition de ses deux enfants.

Tout cela, vous allez le découvrir en allant parler au shérif de la ville, à votre arrivée, puis à tous les autres personnages, via un système de dialogue à la ligne de commande qui n’est finalement pas très éloigné de celui qu’on employait déjà dans Ultima IV. Vous vous souvenez de tous les services – l’auberge, le forgeron, le guérisseur, la boutique de magie – auxquels vous aviez accès via une simple liste textuelle dans Sorcellerie ? Eh bien ici, vous allez pouvoir les visiter physiquement, vous entretenir avec les marchands, les questionner quant aux affaires qui agitent la ville, et même parcourir les rues et visiter – à vos risques et périls – la taverne mal famée du coin. Il y a un panneau avec des quêtes, dans la guilde des aventuriers, mais rien ne vous empêche de réveiller le maitre de guilde juste à côté pour lui demander des détails ; autant de choses qui paraissent presque banales aujourd’hui mais en 1989, il n’y avait pas d’Elder Scrolls ou d’Ultima VII pour nous donner le sentiment de vivre ce genre d’épopée comme si on y était, et le jeu de Sierra aura indéniablement fait partie des premiers à avoir installé une passerelle aussi visible et aussi importante entre le jeu de rôle et l’aventure – de quoi rendre les choses un peu plus tangibles et un peu moins austères.

Ceci dit, tout ceci ne serait finalement que de l’habillage un peu vide de sens si les aptitudes de votre personnages se limitaient à des statistiques de combat. Seulement voilà, quitte à être un voleur, par exemple, pourquoi ne pas profiter de l’obscurité (le jour et la nuit sont gérés) pour aller crocheter quelques portes et vous servir dans les maisons locales, histoire de mettre un peu d’argent de côté pour aller acheter le coûteux équipement ou les non moins coûteuses potions de soin du jeu, par exemple ? C’est possible – il y a peut-être même une guilde des voleurs pour ceux qui savent chercher, allez savoir !

Autre exemple : une guérisseuse vous a demandé de retrouver son alliance, à laquelle elle tient beaucoup, et vous avez de bonnes raisons de suspecter la pie installée sur l’arbre devant sa masure d’être la coupable. Allez-vous tenter d’escalader ledit arbre pour inspecter son nid ? Allez-vous ramasser des pierres et les jeter sur ledit nid pour espérer le faire tomber ? Ou bien allez-vous tout simplement utiliser un sortilège pour le faire venir jusqu’à vous ? Les trois possibilités sont viables, et vous avez même la possibilité de vous faire la main puisque, à l’instar de Dungeon Master, il suffit d’utiliser une compétence pour la faire progresser ; si vous n’avez pas eu de succès à votre première tentative d’escalader l’arbre, vous en aurez sans doute davantage à la quinzième… Un système gratifiant qui permet de sentir la montée en puissance à chaque action, mais qui « nivèle » également un peu l’expérience, puisque dès l’instant où vous aurez eu la bonne idée de doter votre personnage d’un peu de compétence dans tous les domaines, il pourra exceller partout simplement en répétant mécaniquement une action donnée à un endroit donné. Si vous voulez diriger le héros « ultime » et bénéficier de toute l’expérience du jeu, un conseil : créez un voleur, et dotez-le de capacités en magie. Il aura un peu de mal au début, mais à la fin, il sera invulnérable.

D’ailleurs, on n’a même pas encore eu l’occasion d’aborder un autre aspect pourtant important dans un jeu de rôle : le combat. En se baladant dans la région autour de Spielburg – un terrain de jeu d’une cinquantaine d’écrans – notre héros sera amené à croiser des ennemis et à les affronter (ou à fuir, il y a même une commande pour courir si vous préférez éviter l’escarmouche). Le jeu passe alors dans une vue à la troisième personne (certains combats scriptés se dérouleront exceptionnellement de profil) pour offrir une séquence d’action où le personnage pourra être dirigé avec les flèches et ainsi attaquer (flèche du haut), esquiver (flèches latérales) ou parer (flèche du bas, et seul le guerrier est équipé un bouclier). Lancer des sortilèges nécessitera de passer par la ligne de commande (raccourci : CTRL-C), et même un magicien devra apprendre à faire usage de son épée.

Le résultat manque de profondeur et vos chances étant de toute façon définies par vos caractéristiques davantage que par votre habileté, et les combats étant un peu trop rapides dès l’instant où vous jouez sur un 286 ou supérieur (ou sur ScummVM), l’essentiel de l’action risque de se limiter à laisser la flèche du haut appuyée et à attendre de voir ce qui se passe (et à jeter des sortilèges de temps à autre). La récompense en sera la progression de vos précieuses aptitudes, et il ne faudra pas très longtemps pour que vous puissiez congédier sans trop d’efforts des adversaires qui vous mettaient la misère deux heures plus tôt. Le grinding est possible, mais pas réellement utile dans le sens où l’opposition ne fera que devenir encore un peu plus coriace dès l’instant où vous atteindrez les mille points d’expérience (des monstres redoutables qui n’apparaissaient que la nuit commenceront alors à être présent également en journée), et surtout que le jeu ne comporte à ma connaissance qu’un seul et unique combat obligatoire, lequel n’est même pas spécialement difficile pour un personnage « moyen ». Et encore, peut-être est-il possible de le contourner via la furtivité. Bref, si la dimension « gros Bill » ne vous parle pas plus que ça, il est fondamentalement possible d’aborder le programme comme un jeu d’aventure traditionnel.

À ce niveau, il faudra, comme toujours avec les jeux Sierra, prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’explorer divers endroits à diverses heures du jour ou de la nuit pour espérer faire des rencontres importantes. Il y a finalement assez peu d’énigmes dans Quest for Glory, et la plupart peuvent être surmontées en ayant la bonne idée d’interroger méthodiquement tout le monde et de prendre des notes – comme on l’a vu, il y a pratiquement toujours une façon d’éviter le combat, ce qui fait que Fallout n’aura pas été le premier titre du genre qu’on pouvait escompter finir sans affronter quiconque.

La dimension « visite de la région » est d’autant plus plaisante que les artistes de Sierra commençaient à être capables de très jolies choses avec l’EGA, et la région fait juste la bonne taille pour qu’on la visite avec plaisir et en craignant pour sa vie lors des longues expéditions sans jamais mettre plus de deux minutes à la traverser de bout en bout. L’ambiance sonore bénéficie également grandement de la gestion des cartes sonores (Sierra aura été l’un des pionniers en la matière), et même si la musique se fait rarement entendre, on pourra profiter des chants d’oiseaux et de différents bruitages « atmosphériques » au fil de l’aventure. On explore, on combat, on discute, on s’équipe, on expérimente… on n’est finalement vraiment pas loin d’une sorte de proto-Daggerfall, à une échelle nettement plus réduite, et le mieux est que ça fonctionne encore très bien.

Certes, l’interface au clavier est souvent contraignante (maîtrise élémentaire de l’anglais obligatoire), il manque quelques options de confort (faire avancer l’écoulement du temps, au hasard), les différents mécanismes manquent de profondeur, il y a très peu d’équipement, les combats sont limités, la région est vite parcourue, il n’y a qu’une poignée d’ennemis différents… mais c’est aussi précisément dans sa dimension initiatique que l’aventure fonctionne : on assimile très vite les possibilités, on est heureux de faire nos expériences et on est authentiquement fier de lever la malédiction qui pèse sur la vallée de Spielburg – même en étant d’ordinaire totalement allergique aux jeux Sierra. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Quest for Glory aura été si bien reçu à sa sortie : à son niveau, c’était sans doute la tentative la plus ambitieuse et la plus intelligente d’aborder un jeu de rôle de façon immersive sans avoir à passer des dizaines d’heures dans une pile de manuels – un lointain ancêtre de Skyrim ou de The Witcher 3, en quelque sorte. Une escapade qui vaut la peine d’être entreprise aujourd’hui encore, et qui donne envie de voir comment se poursuivront les aventures de celui qu’on s’est donné tant de mal à aider à devenir un héros.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Note : Si jamais vous vous demandez pourquoi le logiciel à été publié dans les mêmes régions sous deux titres différents, sachez que la raison en est, disons, « juridique ». En effet, le titre original d’Hero’s Quest aura été jugé beaucoup trop proche de celui du jeu de plateau publié par MB, HeroQuest (que les visiteurs du site connaissent probablement déjà). Sierra aura donc préféré opter pour une réédition avec un nouveau titre (qui sera ensuite resté celui de la totalité de la saga) plutôt que d’aller discuter de la chose devant un tribunal.

NOTE FINALE : 15,5/20

Quest for Glory aura représenté l'une des premières manifestations d'un des nombreux fantasmes de joueur des années 80 : l'inéluctable rencontre entre l'aventure et le jeu de rôles. Le résultat profite du savoir-faire de Sierra pour offrir à la fois ce qu'on espérait y trouver, à savoir un monde vivant où chaque classe de personnage trouvera manière à jouer à sa façon, et les inévitables scories de l'époque – comprendre : une certaine lourdeur dans l'interface et dans le déroulement ainsi qu'un manque de profondeur à bien des niveaux. Cependant, la fragile alchimie fonctionne, et on prend authentiquement plaisir à mener l'enquête autour de la ville de Spielburg tout en montant en puissance et en ayant, pour une fois, plusieurs façons d'approcher des énigmes rarement trop complexes, en profitant notamment d'une réalisation charmante. Les vieux de la vieille trouveront rapidement leurs marques, mais même les néophytes pourront trouver un certain charme à l'aventure – même s'ils préfèreront sans doute commencer directement par le remake en VGA. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une interface toujours lourdement basée sur la ligne de commande...
– ...d'où la nécessité d'un niveau correct en anglais
– Des combats très limités...
– ...et une partie « jeu de rôles » qui manque globalement d'épaisseur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Quest for Glory sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Étant habitué aux excellents jeux d’aventure de chez Sierra On-Line, j’avais fondé de gros espoirs sur Hero’s Quest, un soft mêlant aventure et jeu de rôle. Mais j’étais loin de me douter que ce jeu serait aussi merveilleux, aussi prenant et aussi important. »

Dider Latil, Génération 4 n°17, décembre 1989, 95%

« Pour ma part, je commence à me lasser de ce type d’aventure, surtout depuis que des titres comme Zak Mac Kraken (sic), Indiana Jones ou encore les Voyageurs du temps envahissent les puces de mon micro… »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°74, janvier 1990, 14/20

Version Amiga

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme la quasi-totalité des jeux d’aventure américains de l’âge d’or du genre, Quest for Glory aura été développé sur PC – mastodonte écrasant à l’échelle du marché américain, quoi qu’on ait pu penser de ses qualités ludiques – reléguant les autres ordinateurs 16/32 bits (nettement moins populaires outre-Atlantique qu’ils ne l’étaient en Europe) au rang de seconds couteaux bénéficiant de simples portages. Pour dire les choses plus vite, on a ici affaire à une version Amiga qui est visuellement identique au pixel près à celle parue sur PC : seize couleurs et pas une de plus, et même si les teintes ne sont pas à 100% identiques à celles de l’EGA, mieux vaut bien placer deux captures d’écran côte-à-côte pour avoir une chance de déceler la nuance. Cependant, le résultat sur PC était déjà objectivement très bon, on ne va donc pas trop se griffer le visage, d’autant que le rendu sonore n’a pas trop à rougir de la comparaison avec ce que pouvait offrir une Roland MT-32, lui non plus. En revanche, lancé sur un Amiga d’époque, le titre vous permettra également de redécouvrir à quel vitesse tournait un jeu d’aventure sur un PC pré-80286 : comptez facilement quinze secondes de chargement entre deux écrans, ce qui rend la phase d’exploration et de grinding nettement plus chronophage. Le problème peut facilement être contourné en lançant le jeu sur un Amiga plus « costaud », mais les amateurs de ce rythme très particulier d’une époque où on avait une excellente raison de savourer chaque écran seront heureux de retrouver cette sensation. Cette lenteur prend également tout son sens lors des combats, où tenter de parer et d’éviter les assauts ennemis redevient cohérent puisque l’on a enfin le temps d’anticiper les attaques adverses. Pour le reste, pas de surprise : le déroulement est exactement identique à celui de la version originale, et il est toujours aussi sympathique.

NOTE FINALE : 15,5/20

Porté à l’identique sur Amiga, Quest for Glory y délivre une expérience similaire, qui se révélera cependant infiniment plus lente sur les modèles de base. Si cela peut être corrigé avec une configuration plus puissante, gardez en tête que les combats sont également plus jouables à cette vitesse.

Les avis de l’époque :

« Comme à l’accoutumée chez Sierra On Line (sic), le scénario est superbe et la réalisation sans reproche. de quoi passer de longues journées devant votre ordinateur. »

Duy Minh, Joystick n°7, juillet-août 1990, 92%

Version Atari ST

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Interface MIDI supportée
Installation sur disque dur supportée

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Débarqué sur Atari ST, Quest for Glory/Hero’s Quest y aura reçu exactement le même traitement que pour la version Amiga : un transfert pixel perfect de la version PC. On peut même dire que le portage est encore plus proche de l’original ici, puisque le titre reconnait l’interface MIDI et, par extension, la Roland MT-32, ce qui lui permet d’offrir exactement la même expérience que sur un PC d’époque – comprendre : un PC doté d’un processeur 8088 ou 8086, car le jeu est aussi lent que sur Amiga. Une nouvelle fois, cela rend les combats un peu plus jouables tout en rendant l’exploration nettement plus laborieuse, et je n’ai pas eu l’occasion (ni le matériel) de constater si oui ou non le jeu était compatible avec un modèle de type Falcon, attendez-vous donc à revivre l’expérience à l’ancienne, avec une très large rasade de café entre chaque écran. Mais si c’est précisément ce que vous espérez retrouver, vous serez aux anges.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme sur Amiga, Quest for Glory sur Atari ST nous rappelle à quelle vitesse tournait un jeu d’aventure sur une machine de cette génération : nettement moins vite que sur la suivante. En résulte une nouvelle fois une expérience qui contraindra le joueur à patienter une quinzaine de secondes entre deux écrans tout en lui laissant enfin bénéficier de la portée « stratégique » des combats. À vous de voir si cette perspective vous attire.

Version PC-98

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line Japan, Inc.
Date de sortie : 12 avril 1991 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x3)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : Système : PC-9801 – RAM : 640ko
Carte son supportée : Roland MT-32/LAPC-I

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme beaucoup de ses concurrents (principalement américains), Sierra On-Line aura tenté à plusieurs reprises sa chance sur le marché japonais – ce qui était d’autant plus facile sur la gamme PC-98 de NEC que les ordinateurs concernés tournaient sous MS-DOS. Dans l’absolu, c’est d’ailleurs à une sorte de version PC « étendue » que l’on a affaire ici ; « étendue » car elle dispose d’options graphiques (possibilité de jouer en huit couleurs au lieu de seize) et sonores (reconnaissance de la plupart des cartes sons compatibles) propres aux machines concernées. Dans les conditions optimales, on se retrouve donc… eh bien, avec le clone de la version PC EGA avec une Roland MT-32, au petit détail près – mais qui risque de faire une grosse différence – que le titre est désormais intégralement en japonais. Yep, même les instructions à la ligne de commande ! Autant dire que sauf à être un joueur japonais disposant de l’équipement (et du clavier) approprié, cette version sera à réserver aux collectionneurs, mais pour le reste, pas de problème, c’est exactement le même jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme tous les autres portages du jeu, Quest for Glory sur PC-98 n’est pas grand chose de plus qu’une retranscription parfaite de la version DOS originale – mais intégralement traduite en japonais, ce qui la réserve de fait aux joueurs étant plus à l’aise avec cette langue qu’avec l’anglais. Quant à la question de la vitesse, elle sera ici tranchée par la puissance du processeur.

Le remake : Quest for Glory I : So You Want to Be a Hero

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Version non testée : Macintosh
Disponible sur : Windows
Présent dans les compilations : Quest for Glory : Anthology (PC (DOS, Windows 9x, Windows 3.x)), Quest for Glory : Collection Series (PC (DOS, Windows 3.x)), Quest for Glory 1-5 (Windows)
En vente sur : GOG.com (Windows), Steam.com (Windows)

Au tout début des années 1990, Sierra aura commencé à entreprendre une série de remakes commerciaux de ses plus grands titres. Toutes les principales sagas de la firme – King’s Quest, Space Quest, Leisure Suit Larry, Police Quest et donc Quest for Glory – auront eu droit à leur coup de polish qui permettait de mesurer à quel point le hardware du PC avait progressé en seulement quelques années. Au menu : refonte graphique, refonte sonore, mais aussi et surtout refonte de l’interface ; dès 1991, les remakes auront commencé à bénéficier de toutes les améliorations introduites dans King’s Quest V, et la modification était suffisamment drastique pour inviter bien des joueurs à repasser à la caisse afin de redécouvrir des jeux qu’ils avaient aimés dans une version « nouvelle génération » qui représentait vraiment un gain impressionnant tant en réalisation que de confort de jeu. Quoi qu’il en soit, cette frénésie de remake se sera rapidement interrompue, probablement parce qu’il n’y avait pas assez de joueurs désireux de racheter des jeux qu’ils avaient acquis parfois quelques mois plus tôt – ni assez de nouveaux venus décidés à redécouvrir les origines d’une saga – pour justifier les coûts de production. Quest for Glory aura d’ailleurs constitué le tout dernier de ces remakes – ce qui n’empêche pas ces versions remaniées de figurer aujourd’hui dans toutes les compilations mises en vente, tant elles ont indéniablement mieux vieilli, aux yeux des néophytes, que les versions qui les avaient précédées.

Version PC (DOS)

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA (640×200), MCGA, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Disney Sound Source, Game Blaster (CMS), General MIDI, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, PS/1 Audio Card, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy DAC (TL/SL)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À peine deux ans et demi séparent Quest for Glory de son remake – indice ô combien parlant de la rapidité délirante à laquelle avait avancé la technologie dans le laps de temps. Pour le joueur, la première évidence se fera sur le plan graphique : désormais en 256 couleurs, les graphismes ont été intégralement refaits à partir d’aquarelles scannées pour les décors, avec des portraits animées qui s’affichent lors des discussions, un système de combat désormais présenté dans une vue isométrique et des monstres parfois modélisés à partir de créatures en pâte à modeler animées en stop motion.

Rien à dire : il y a des petits détails dans tous les sens, et même si on pourra parfois trouver certains décors un peu vide, le bond qualitatif est indéniable. Du côté du son, le progrès est moins évident tout simplement parce que le titre original tirait déjà parti de la Roland MT-32, mais on pourra désormais bénéficier de toute une sélection de cartes et de la gestion du standard General MIDI. Pas de problème : ça a de la gueule. L’avancée la plus impressionnante n’est peut-être pas à aller chercher du côté de la réalisation, malgré tout ; l’interface, désormais à base d’icônes, a été revue pour être intégralement jouable à la souris, et ça fait une énorme différence. Plus besoin de s’échiner à entrer des ordres au clavier, ce qui est déjà une bonne chose, mais l’autre bonne nouvelle est que les sujets de conversation apparaissent désormais sous forme de liste, vous interdisant ainsi d’en manquer un, ce qui simplifie drastiquement la phase d’enquête.

Les combats ont également été rééquilibrés pour être à la fois un peu plus faciles et pour davantage reposer sur l’habileté. Désormais, quelle que soit la vitesse de votre processeur, parer et esquiver restera une possibilité pertinente, d’autant plus que l’interface, parfaitement jouable à la souris, l’est toujours au clavier. Le déroulement du jeu en lui-même n’a pas changé, même si certains éléments ont été mis en avant (difficile, par exemple, de rater l’oiseau dans son nid en arrivant sur l’écran de la hutte de la guérisseuse, dorénavant), et seuls certains easter eggs faisant référence à d’autres jeux Sierra ont été modifiés pour être remis au goût du jour – du travail de pro, on vous dit ! Le résultat est que le jeu exige une courbe d’apprentissage un tout petit peu moins raide pour être approché, et qu’un néophyte devrait assez rapidement trouver ses marques – à condition de parler anglais, naturellement. Un très bon moyen de découvrir le titre aujourd’hui, surtout si vous êtes allergique à la ligne de commande.

NOTE FINALE : 16/20

Il s’en était passé, des choses, en deux ans et demi ! Totalement dépoussiéré, avec des graphismes en 256 couleurs, des combats plus équilibrés et surtout une interface intégralement à la souris, Quest for Glory fait peau neuve et se laisse découvrir encore plus facilement qu’avec la version de 1989. Pour ceux qui se demanderaient par où commencer, difficile de se tromper avec cet excellent remake.

Wonderland : Dream the Dream…

Développeur : Magnetic Scrolls
Éditeur : Virgin Games, Inc. (Amérique du Nord) – Virgin Mastertronic Ltd. (Europe)
Titre alternatif : Wonderland (Amérique du Nord)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari ST
Version non testée : Acorn 32 bits
Présent dans la compilation : Fantastic Worlds (Amiga, Atari ST, PC (DOS))

Version PC (DOS)

Date de sortie : Octobre 1990 (version disquette) – Juillet 1992 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25″ (x9) et 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules, MCGA, SVGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sons supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I
Système de protection de copie par consultation du manuel

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

À l’instar du cinéma muet bien longtemps avant lui, le jeu d’aventure textuel était voué à disparaître un jour ou l’autre devant l’inéluctable avancée de la modernité. C’était presque établi dès sa création ; c’était la marche du destin, l’évolution naturelle, la prochaine étape que tout le monde avait mentalement coché : l’intrusion – et la prise de pouvoir – de l’image. À la fin des années 80, devant la popularité sans cesse croissante des King’s Quest ou des Maniac Mansion puis de la génération montante du point-and-click, la messe était dite : en dépit de ses évolutions, le genre qui s’était déjà transformé en « aventure graphique » était voué à passer la main et à disparaître.

Seulement voilà : à l’époque du cinéma, déjà, il y avait des Charlie Chaplin pour réussir sans heurts la transition du muet vers le parlant, et puis des Buster Keaton qui, en dépit de leur extraordinaire habileté, ne savaient tout simplement pas comment prendre le train en marche. Comme son genre de prédilection, Magnetic Scrolls – qui avait passé l’essentiel de son existence, débutée en 1984, à développer des aventures graphiques comme Myth ou The Guild of Thieves – allait devoir vivre sa mutation ou disparaître. Comme un symbole, le studio britannique aura fait un peu des deux : racheté par MicroProse en 1992, il aura achevé son parcours en travaillant sur The Legacy – un jeu de rôle – avant de se fondre dans la maison mère et de disparaître. Sa dernière œuvre en tant que structure indépendante ? Wonderland : Dream the Dream…, une aventure graphique – encore – que beaucoup considèrent comme son magnum opus.

N’importe qui ayant quelques notions d’anglais – et autant vous prévenir, mieux vaudra en avoir, et des solides – l’aura sans doute déjà compris : Wonderland, c’est le Pays des Merveilles visité par la jeune Alice, qu’il n’est pas plus nécessaire de présenter que Don Quichotte ou Frankenstein. Le jeu va d’ailleurs entreprendre de suivre l’intrigue du premier des deux livres publié par Lewis Carroll (comprendre que De l’autre côté du miroir ne sera pas traité ici) d’une façon assez fidèle, les réels enjeux n’apparaissant, dans le meilleur des cas, qu’au terme d’un quart d’heure de jeu, lorsqu’Alice rencontre le fripon des cœurs qui l’enverra, cette fois, voler les tartes de la reine à sa place.

L’objectif est donc plus de suivre assez librement le fil du roman (la mort étant ici remplacée par le réveil d’Alice), et à ce titre une connaissance au moins parcellaire de l’ouvrage constituera un énorme avantage, pas nécessairement pour vaincre les énigmes du jeu mais au moins pour avoir une chance d’aborder les plus obscures – mais nous y reviendrons. Comme le livre, l’aventure vidéoludique se terminera par le procès d’Alice, lequel demandera non seulement d’avoir collecté de nombreux objets clefs pas faciles à dénicher, mais également de se souvenir où et dans quel ordre ils auront été ramassés… Fort heureusement, la possibilité de sauvegarder n’importe quand laissera au moins au joueur la possibilité de retenter sa chance en cas d’erreur – mais croyez-moi, pour en arriver là sans faire appel à une solution, mieux vaudra de toute façon être très bon car le jeu est long et il est loin d’être facile.

Commençons par le commencement : une aventure graphique, c’est généralement beaucoup de texte, quelques images et un interpréteur syntaxique qui fait office d’unique interface avec l’univers du jeu. À ce titre, on pourra déjà apprécier les possibilités offertes par Wonderland, qui non seulement peut s’afficher en haute résolution (comprendre : en 640×480) et en seize couleurs, avec un rendu très convaincant (même si les illustrations sont rarement assez grandes pour occuper davantage qu’un coin de l’image dans ce mode), mais il offre même des gourmandises assez surprenantes pour le genre, à commencer par des thèmes musicaux qui se feront entendre ponctuellement.

La plus grande innovation est cependant à aller chercher du côté de l’interface à la souris, et surtout de la structure en fenêtres – littéralement « à la Windows« , ou à la MacOS, ou à n’importe quelle forme d’interface graphique du genre – qui permet de disposer à son goût (et de redimensionner) les nombreuses possibilités offertes par le programme. Car il n’y a pas que des images et du texte, dans Wonderland : le jeu peut également afficher une très pratique carte se mettant à jour au fur-et-à-mesure de votre avancée dans les très nombreux environnements du jeu, un inventaire de vos possessions figurées sous forme d’icônes avec leur nom en-dessous, une boussole pour vous déplacer au cas où les habituels raccourcis clavier figurant les directions cardinales ne vous suffirait pas, et même une fenêtre affichant tous les objets avec lesquels il est possible d’interagir à un emplacement donné ! Bref, le logiciel s’efforce de dissiper l’extraordinaire flou des possibilités auquel les joueurs d’aventures graphiques étaient trop souvent confrontés, et c’est indéniablement un des représentants du genre face auquel un joueur du XXIe siècle peut se sentir le plus rapidement à l’aise.

Les deux autres bonnes nouvelles, c’est que l’écriture est à la fois copieuse et de qualité – le titre tenait sur la bagatelle de cinq disquettes 3,5″, ce qui est colossal pour un jeu reposant principalement sur le texte, et cela se ressent dans les très longues descriptions reprenant fidèlement le style du roman dont abuse le programme. Le bon côté, c’est qu’on se sent rarement, pour ne pas dire jamais, perdu en n’ayant aucune idée d’où on se trouve et des chemins qu’il est possible d’emprunter.

En revanche, cet anglais victorien très littéraire pourra facilement laisser sur le carreau les joueurs n’étant pas parfaitement à l’aise avec la langue de Lewis Carroll, d’autant que les termes anciens et rarement usités y abondent – conseil : même si vous avez un très bon niveau en anglais, gardez un dictionnaire ou l’onglet d’un site de traduction ouverts à portée de main. Ensuite, on ne pourra que saluer la puissance et la polyvalence de l’interpréteur syntaxique, capable de comprendre des phrases très complexes (on peut par exemple ramasser une boîte et l’ouvrir dans la même action en écrivant « take box and open it », l’interpréteur comprendra à quoi le « it » fait référence), et les possibilités qu’il offre : on peut par exemple lui demander d’aller directement à un endroit précis sans avoir à reparcourir toute la carte écran par écran. En revanche, l’interpréteur ne pourra rien pour lever le côté opaque de plusieurs des énigmes du jeu, et c’est là que Wonderland va immanquablement commencer à se faire des ennemis.

Le truc, c’est que comme beaucoup d’aventures graphiques, le titre de Magnetic Scrolls demande souvent de comprendre exactement ce que le programme attend de vous pour espérer progresser – ce qui, dans un univers aussi absurde que celui de d’Alice au Pays des Merveilles, est loin de toujours couler de source. Comprendre que la touche d’un piano peut servir de clef en jouant sur le double-sens anglais du mot « key » est une chose, mais un joueur n’est pas nécessairement censé deviner qu’il doit commencer par immobiliser des chaises dansantes, grimper sur l’une d’elles et boire une potion qui le fait rétrécir pour pouvoir aller en ramasser une !

Et comme souvent, le problème est qu’il est ici inenvisageable de procéder par élimination : l’univers du jeu est gigantesque, facilement composé d’une centaine de lieux, chaque maison y comprend plusieurs pièces, elles-mêmes comportant de nombreux meubles et objets, et les possibilités sont si étendues qu’on peut vraiment se trouver bloqué sans espoir de progression si on n’a pas une solution à portée de main. Le jeu regorge de portes et de clefs dès les premières minutes, alors on n’aura pas forcément le réflexe de réfléchir à ramasser un cintre dans un placard à balai, d’aller le coincer dans un étau à l’autre bout du jeu pour en faire un fil-de-fer droit et ensuite l’utiliser pour pousser une clef dans une serrure et la faire tomber sur un journal avant de ramasser le tout. Et parfois, la seule chose à faire est d’attendre – littéralement, en employant la commande dédiée « wait ». Il existe une scène particulière dans le jeu où la seule chose à faire est de l’employer 39 fois de suite ! C’est là tout le drame du genre – si on ne comprend pas exactement ce qu’on doit faire et où, alors la partie est fichue. Et pour ne rien arranger, le nombre d’actions à réaliser est particulièrement copieux, lui aussi, et le programme ne tolèrera pour ainsi dire aucun oubli !

Il en résulte une aventure qui peut se révéler particulièrement frustrante pour ceux qui voudraient la résoudre « à l’ancienne » sans avoir la patience indispensable. Wonderland, comme la plupart des aventures graphiques, est un jeu qu’on explore petit-à-petit, ou chaque nouveau lieu est une récompense et chaque énigme résolue un triomphe – exactement le genre de logiciel qu’on lance une heure tous les soirs pour voir si de nouvelles idées pour progresser se font jour, et lesquelles sont pertinentes.

L’univers est d’autant plus agréable à parcourir qu’il est, comme on l’a vu, abondamment détaillé, mais les amateurs de logique pure aimant une direction et des objectifs clairs risquent de s’arracher les cheveux en se sentant lâchés dans un monde gigantesque où il faut trouver des dizaines d’aiguilles au sein d’une centaine de bottes de foin. C’est là le charme du jeu, et sa limite : lorsqu’on commence à être fatigué d’errer d’écran en écran sans savoir quoi faire et que relire patiemment toutes les descriptions ne donne rien, la magie finit fatalement par s’évaporer. Néanmoins, on tient incontestablement avec Wonderland l’un des représentants les plus accomplis, les plus ergonomiques et les mieux écrits du genre, et les joueurs n’ayant pas d’accointances particulières avec les aventures textuelles et/ou graphiques mais curieux de découvrir le genre pourraient trouver ici une excellente porte d’entrée vers un univers très vaste où il est certes trop facile de se perdre mais où on peut également accepter de le faire avec un certain plaisir.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20

À la fois conclusion et apogée de l'ère des aventures graphiques, Wonderland : Dream the Dream... est un assez bon résumé de tout ce qu'on peut aimer et de tout ce qu'on peut détester dans le genre. Jouissant d'une réalisation particulièrement soignée et d'une interface irréprochable offrant à peu près tout ce qu'on pouvait attendre en la matière, le titre de Magnetic Scrolls ne doit pas moins composer avec toutes les scories des aventures textuelles, à commencer par une incapacité absolue à progresser si on ne fait pas très exactement ce que le programme attend de nous, et tant pis si la logique du jeu est aussi cryptique que celle de l'univers qui l'abrite. Il en résulte un voyage particulièrement exigeant et souvent très frustrant tant on se demande par quel miracle on était censé deviner telle ou telle action, mais la fidélité de la retranscription des récits de Lewis Carroll et la qualité de l'écriture confèrent au logiciel un cachet particulier qui donne envie de s'accrocher. Joué à l'ancienne, le voyage peut durer des mois – à condition d'avoir la patience, le dévouement et le niveau en anglais nécessaire. Sans doute un O.V.N.I. encore un peu déconcertant pour les enfants du point-and-click, mais un bon point de départ pour les curieux.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une progression qui attend souvent des actions aussi complexes que spécifiques...
– ...et dont beaucoup sont atrocement opaques
– Un univers gigantesque dans lequel on peut très vite perdre le compte des objets et des endroits importants
– Un très bon niveau d'anglais requis

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Wonderland sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Waow ! Si vous me passez l’expression. Tout ce qu’un joueur passionné d’aventure a toujours cherché dans un jeu se trouve ici, réalisé sans bavures ni défauts : scénario, bien sûr, mais aussi graphismes propres à coupe la chique à Tweedle Dum (ou Tweedle Dee ?), son à décoiffer un Chapelier Fou et animations qui laisseraient rêveuse la Reine Rouge en personne. »

Cyrille « Moulinex » Baron, Joystick n°11, Décembre 1990, 96%

« Par rapport aux autres jeux d’aventure textuelle, Wonderland apporte un confort et un plaisir de jeu accrus. Dommage que les auteurs n’aient pas poussé leurs perfectionnements dans le domaine de l’interactivité. Donc un petit bravo à Magnetic Scrolls, mais peut mieux faire ! Je recommanderais ce jeu uniquement aux anglophones confirmés, amateurs du genre. »

Dany Boolauck, Tilt n°86, janvier 1991, 15/20

Version Amiga

Développeur : Magnetic Scrolls
Éditeur : Virgin Games, Inc. (Amérique du Nord) – Virgin Mastertronic Ltd. (Europe)
Date de sortie : Juin 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
*Possibilités étendues pour les modèles à 1Mo

Par son système de multi-fenêtrage, Wonderland était un logiciel qui se prêtait merveilleusement, comme des Shadowgate avant lui, au portage sur les interfaces graphiques de l’Amiga et de l’Atari ST (on ne pourra d’ailleurs que se montrer surpris qu’il n’ait jamais tenté sa chance sur Windows). Sur la machine de Commodore, le jeu a en tous cas le mérite de proposer – chose ô combien inhabituelle sur la machine – le choix du mode graphique, entre la haute résolution monochrome, la basse résolution en seize couleurs… et le meilleur des deux mondes, à savoir la haute résolution en seize couleurs, à condition d’avoir assez de mémoire pour se faire. Dans tous les cas, mieux vaudra se préparer à de longues secondes de patience à chaque déplacement, même sans afficher les graphismes, ce qui risque de rendre l’expérience un poil laborieuse dans la deuxième partie du jeu où il faudra souvent être prêt à traverser des dizaines d’écrans à la suite, même en abusant des options de déplacement instantané. la musique s’est également montrée si discrète dans cette version que j’en viens à douter de sa simple présence – il n’y a d’ailleurs plus d’écran-titre ni de thème pour l’accompagner non plus. Dans l’ensemble, l’expérience est donc plutôt plus limitée et plus contraignante que sur un PC moyen-de-gamme de l’époque, même sur un Amiga 1200, et ce sera une donnée à prendre en compte pour ceux qui n’aime pas attendre dix secondes entre chaque pavé de texte.

NOTE FINALE : 12,5/20

Porté sur Amiga, Wonderland révèle les mêmes qualités que sur PC – à condition d’avoir assez de mémoire – mais oblige en revanche à composer avec des temps de chargement rédhibitoires dès l’instant où on le découvre sur un modèle d’époque. Une donnée à prendre en compte pour éviter d’avoir à mobiliser des soirées entières juste pour réussir à traverser le Pays des Merveilles.

Version Atari ST

Développeur : Magnetic Scrolls
Éditeur : Virgin Mastertronic Ltd. (Europe)
Date de sortie : Juin 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face (x4) et simple face (x8)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette 1.27 testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko*
Écran monochrome supporté
Installation sur disque dur supportée
*1Mo requis pour l’installation sur disque dur

Sur Atari ST, les choses se compliquent encore un peu pour Wonderland. Déjà, inutile d’espérer profiter d’un mode haute résolution en seize couleurs : ce sera soit la basse résolution en seize couleurs (en 320×200, donc encore moins lisible que sur Amiga où le même mode tournait en 320×256), soit la haute résolution en quatre couleurs. Dans les deux cas, non seulement on se sentira forcément plus à l’étroit que sur Amiga ou sur PC, mais pour ne rien arranger, les temps de chargement sont loin d’être meilleurs : il faut parfois compter plus de vingt secondes pour passer d’un écran à un autre ! Les choses s’améliorent un peu en installant le jeu sur disque dur et en décompressant les graphismes, opération qui prend quand même une bonne demi-heure, mais il ne faudra toujours pas s’attendre à voir le jeu filer comme le vent pour autant. On ne peut s’empêcher de se dire que ce système de multi-fenêtrage était quand même une très mauvaise idée s’il était si gourmand en mémoire, mais le fait est que cette version du jeu sera une fois de plus à réserver aux joueurs les plus patients.

NOTE FINALE : 12/20

Désormais privé d’un véritable mode haute résolution en couleurs, Wonderland sur Atari ST doit une fois de plus composer avec des temps de chargement proprement assommants, même dans des conditions optimales (c’est à dire avec l’installation maximale sur un disque dur). Même si cela ne dénature pas pour autant l’expérience, on ne pourra que conseiller aux joueurs désirant découvrir le titre aujourd’hui de le faire plutôt sur un PC moderne.

9 lives

Développeur : Frames
Éditeur : Atari Corporation
Testé sur : AmigaAtari ST

Version Amiga

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tandis que l’on redécouvre, au fil d’un temps libre devenu si rare, ces jeux vidéo qui ont (en partie) jalonné notre enfance, il arrive occasionnellement au milieu de ces brefs instants de bonheur qu’une réalisation amère se dessine : et si la nostalgie avait quelque peu enjolivé nos souvenirs ?

Ah, ça, tous les rétrogamers ont fatalement en mémoire des instants de bruyante communion entre amis autour d’une console ou d’un CPC à l’heure du goûter, voire de soirées familiales devant un logiciel que toute ou une partie de la famille cherchait à vaincre – des images d’autant plus émouvantes qu’elle sont nimbées de l’aura d’une période où nous étions plus jeunes, nos rêves moins cadenassés et nos espoirs illimités, et d’ailleurs d’une façon inexplicable même le ciel paraissait plus bleu à l’époque. Mais parfois, la réalité cruelle vient sonner à la porte en dissimulant dans son dos une grosse matraque, et tandis qu’on relance un de ces logiciels qui avait enchanté nos après-midi, on découvre avec un petit pincement désagréable qu’en fait, il n’était pas si bon que ça, ce fameux jeu. C’est finalement parfaitement cohérent : le jeu vidéo a beaucoup évolué en quarante ans, et il est normal que des logiciels n’ayant pas profité des trois ou quatre dernières décennies d’expérience dans le game design apparaissent aujourd’hui… disons, plus « maladroits ». C’est ainsi que parfois on redécouvre des Brat ou des 9 Lives pour lesquels (une partie de) la presse de l’époque ne tarissait pas d’éloges, et qu’on se surprend à penser : « on était réellement capable de jouer à des trucs comme ça, à l’époque ? »

Le cas de 9 Lives, déjà, est un peu particulier : dès le premier écran, on pourrait facilement deviner la date de sortie du jeu tant le programme respire la philosophie 8 bits transférée telle quelle sur les ordinateurs 16 bits. Les aventures de Bob Cat, matou matois parti miauler sa passion ardente à sa dulcinée pour la découvrir enlevée par un savant fou et se mettant en route pour libérer sa mie et ses congénères également retenus prisonniers dans la foulée trahissent une réalisation, un level design et une approche générale qui auraient été comme des poissons dans l’eau sur un Commodore 64 ou un ZX Spectrum – comprendre que l’influence des références japonaises sur console y est minimale.

On sent immédiatement un soin certain dans les diverses animations du personnage principal, que ce soit lorsqu’il s’ébroue en sortant de l’eau (car oui, c’est un chat qui nage) ou lorsqu’il fait un regard caméra et un petit signe de main avant de chuter jusqu’à sa perte tel le premier Will E. Coyote venu quand il tombe dans le vide. Ce genre de petits détails n’était pas encore très courant dans la production du tout début des années 90, où l’on avait pourtant déjà pu apercevoir des animations léchées avec des titres comme Prince of Persia – il faut se souvenir comme tout le monde s’esbaudissait de voir Mickey Mouse mouliner des bras pour garder son équilibre au bord d’une plateforme dans Castle of Illusion, la même année. Bref, il y a dans ce 9 Lives un (tout petit) côté dessin animé qui tendait à pousser certains magazines, principalement du côté de la presse anglo-saxonne, à lui pardonner des errements qui étaient pourtant déjà parfaitement visibles à l’époque.

Le premier, le plus flagrant, celui qui risque de vous sauter aux yeux en même temps qu’à la gorge, c’est sa maniabilité. Ou, pour être plus précis, son système de saut. 9 Lives n’est pas un titre à la Super Mario Bros. où l’on saute avec le bouton, lequel sert ici à attaquer à l’aide d’une pelote de ficelle (autre détail qu’on adorait à l’époque). En fait, chaque bond doit être minutieusement préparé en poussant le stick vers le bas, ce qui remplit une jauge d’impulsion figurée à droite de l’interface, avant d’enclencher le saut en lui-même en poussant le stick vers le haut.

Ça n’a peut-être l’air de rien dit comme ça, mais ce mécanisme, en plus d’être anti-naturel au possible (vous en connaissez beaucoup, des jeux de plateforme où l’action de sauter peut nécessiter jusqu’à trois secondes ?) implique à la fois une courbe de progression aussi fastidieuse qu’inutile tout en augmentant dramatiquement la difficulté de la moindre séquence basée sur le timing. Alors certes, au bout d’une heure ou deux de pratique, on finit par avoir suffisamment de bouteille pour être capable de jauger par avance de la portée et de la hauteur des sauts du félin, ce qui aurait pu faire basculer le programme dans la catégorie « sympathique si on lui laisse un peu de temps ». Malheureusement, il s’avère que cette maniabilité problématique n’est que la racine d’un problème plus large : l’équilibrage, en 1990, la plupart des studios européens ne savaient même pas ce que cela pouvait bien vouloir dire.

Car autant vous prévenir tout de suite : neuf vies, c’est vraiment très peu pour espérer voir ne fut-ce que le quart d’un des quatre niveaux que le jeu vous demandera de parcourir. À peu près tout ce qui pourrait venir vous pourrir l’existence répond présent, et souvent de la façon la plus agaçante possible : des ennemis absolument partout ? Check.

Des ennemis dont vous ne pouvez jamais vous débarrasser définitivement, mais que vous pouvez simplement incapaciter pour une poignée de secondes, vous plongeant dans une urgence permanente pour la moindre action à entreprendre ? Check aussi. Des niveaux tentaculaires avec six chats à libérer, et des clefs à collecter pour ouvrir leurs cages et les passages y menant ? Allez, tant qu’à faire. Un défilement par à-coups jamais centré sur le héros, hérité de ce qu’on a pu découvrir de pire en la matière sur Atari ST et qui fait qu’on ne voit pratiquement jamais où on va atterrir, transformant tous les sauts du jeu en saut de la foi ? Évidemment qu’on a ça ! Et puis pour bien enrober tout ça, il faut la pire idée de toutes : des pointes mortelles partout, dans tous les sens, qui surgissent sans prévenir et qui viendront sys-té-ma-ti-que-ment punir de mort le moindre saut raté, dès les premiers écrans du premier niveau.

La conséquence immédiate est que 9 Lives figure parmi les titres les plus difficiles auxquels j’aie jamais joués – et sans me vanter, j’en ai quand même parcouru pas mal. Même avec des vies et la santé illimitées, on peut facilement passer dix bonnes minutes à retenter trente fois une séquence de saut avant de la franchir tant certaines ne laissent absolument aucune marge d’erreur, ni dans la précision ni dans le timing. Et si au moins on ne devait pas composer avec cette maniabilité à la gomme !

Mais le vrai problème de fond, c’est surtout que strictement rien n’invite à surmonter ces niveaux interminables pour découvrir la suite du programme : il n’y a aucune variété dans l’action, très peu de nuances dans les décors (les égouts du deuxième niveaux semblent composés de tuiles prises directement dans le premier), tous les ennemis se comportent exactement de la même manière, et au final il y a de très fortes chances qu’on ait reposé définitivement le joystick au terme de cinq minutes de souffrance en se demandant combien d’êtres humains auront poussé le masochisme jusqu’à s’imposer de vaincre ne fut-ce que le premier niveau du jeu. On en vient également à se souvenir pourquoi le piratage fonctionnait aussi fort, à l’époque : il y avait des logiciels qui ne méritaient tout simplement pas qu’on les découvre autrement qu’au cœur d’une pile de disquettes échangées le jour même avant d’aller rejoindre, après une courte période d’essai, la boîte à chaussures sur l’étiquette de laquelle une main infantile avait inscrit une mention parlante : « jeux chiants ». C’est ta place, 9 Lives.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 08/20

9 Lives est un cas d'école du logiciel auquel tout le monde trouvait énormément de charme et de qualités au moment de sa sortie, en 1990, et qu'on observait avec une perplexité mêlée d'effroi deux ans plus tard en se demandant comment on avait bien pu faire pour tolérer de jouer à une abomination pareille. Une réalisation correcte et un chat bien animé ne pèsent objectivement pas lourd face à une des jouabilités les plus mal pensées de toute l'histoire du jeu de plateforme ni face à la difficulté immonde qui en résulte : survivre dix minutes peut déjà demander des jours d'entraînement, alors boucler quatre niveaux interminables remplis de monstres infects que l'on ne peut qu'immobiliser temporairement et même pas détruire... Le vrai problème étant que même en versant dans le masochisme assumé, il n'y a simplement rien dans le titre, pas une once de variété ni la plus infime molécule de surprise, qui puisse justifier qu'un joueur s'accroche pour voir la suite du programme. À essayer pour bien réaliser ce à quoi on était (parfois) prêt à jouer il y a trente-cinq ans.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un mécanisme de saut atroce, immonde, abject, pouah, caca
– Une difficulté insurmontable, injuste, sadique, épuisante, beurk
– Un level design pensé comme une souffrance qui pourrait composer à elle seule un des cercles de l'enfer
– Un défilement par à-coups et une vue qui ne suit jamais correctement l'action, avec des sauts de la foi à profusion

Bonus – Ce à quoi peut ressembler 9 lives sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« De bons graphismes ne remplaceront jamais le gameplay. On a beau glousser devant les animations au début, ça ne dure qu’un temps. Et une fois qu’on a écarté cela, malheureusement, il ne reste pas grand chose à sauver derrière. »

Adam Waring, Amiga Format n°18, janvier 1991, 64% (traduit de l’anglais par mes soins)

Version Atari ST

Développeur : Frames
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

9 Lives fait partie de ces jeux qui auront été développés conjointement et par la même équipe sur Amiga et sur Atari ST. Au moins, cela coupe court au suspense : les deux versions sont rigoureusement identiques, du premier pixel à la dernière note de musique. Ce qui signifie également, hélas, que la jouabilité très particulière et l’équilibrage déficient n’ont subi aucune altération, eux non plus, et que le titre a toujours aussi peu de chance que captiver quiconque au-delà des masochistes amateurs de jeu insurmontables. Mais pour ceux qui voudraient lui donner sa chance et venir m’expliquer dans les commentaires que bon, d’accord, le jeu a des faiblesses mais il n’est pas SI mauvais que ça, eh bien ils pourront le faire sur cette version sans que cela fasse une différence notable.

NOTE FINALE : 08/20

Strictement identique à la version parue simultanément sur Amiga, cette itération Atari ST de 9 Lives en conserve donc les quelques qualités et les très nombreux défauts. Un bon moyen de ne pas faire de jaloux parmi les amateurs fanatiques de jeux de plateforme indéfendables.

Les avis de l’époque :

« Le challenge est difficile, tant par la complexité du labyrinthe que par la précision des sauts. le jeu est intéressant, et il ne manquait pas grand chose pour en faire un hit. »

Jacques Harbonn, Tilt n°86, janvier 1991, 14/20

Switchblade II

Développeur : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Testé sur : AmigaAtari STLynx
Disponible sur : Antstream, BlackBerry

La série Switchblade (jusqu’à 2000) :

  1. Switchblade (1989)
  2. Switchblade II (1991)

Version Amiga

Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Un éditeur, au fond, c’est un peu comme un joueur accroc lâché au milieu d’un casino : tant qu’il gagne, il estime qu’il n’a aucune raison d’arrêter de jouer. Quand un jeu a du succès, on lui donne une suite, ça ne fait bien souvent même pas débat – on pourrait même aller jusqu’à présenter la décision comme étant la plus rationnelle, oubliant au passage qu’une suite exige exactement le même travail de réflexion et de conception que celle de l’opus qui l’a précédé, sous peine de mettre à côté précisément ce qui aura fait le succès du premier épisode.

Mais tout ça, c’est presque du charabia technique, pour une section marketing : ce qui marche une fois est voué à marcher deux fois, donc il suffit de remettre le couvert et de compter les billets. Par exemple, quelle argument rationnel opposer au développement d’une suite au très sympathique Switchblade ? Visiblement, pas l’absence de son créateur, Simon Phipps, qui était déjà très occupé avec ses propres projets, au hasard Wolfchild ou Thunderhawk – de son propre aveu, le premier épisode avait été développé sur son temps libre, denrée qui n’existait plus vraiment pour lui au début des années 90. Cela n’aura pas arrêté Gremlin Graphics Software, qui aura tout simplement mobilisé une autre équipe pour créer Switchblade II, avec une mission simple (sur le papier) : proposer la même chose en mieux.

De fait, on n’aura même pas droit ici à une introduction pour nous présenter le scénario comme dans le premier épisode : le héros est le même, l’objectif également (retrouver les fragments de la fameuse épée qui donne son nom au titre), et même le bosse final ne semble pas avoir changé. On pourrait même aller jusqu’à présenter le premier niveau du jeu comme une relecture assumée du précédent opus : on retrouve l’extérieur nocturne, l’entrée dans le complexe souterrain, les couloirs, les robots, les passages secrets, la vue qui se dévoile une fois une porte franchie et pas avant…

Mais cette fois, on sent bien que l’ambition a été revue à la hausse : le minuscule sprite original a désormais laissé la place à un héros bien plus imposant et finement dessiné, l’animation est plus nerveuse et plus détaillée, il y a désormais un défilement et plus d’action, et notre héros gagne une sorte de canon bionique à la Cobra qui lui permettra à la fois de tirer sur les ennemis à distance dans la limite de ses munitions, mais également de mettre à contribution l’une des (rares) nouveautés du titres : les boutiques. Accessibles à chaque niveau (à condition de les trouver), ces échoppes mettront à votre disposition bonus de soins, munitions, power-up, armes alternatives (comme le très pratique napalm, extrêmement efficace contre les boss) et même conseils quant à la direction à suivre en échange de la monnaie sonnante et trébuchante lâchée par les ennemis à leur mort. Un bon moyen d’introduire un peu de stratégie, un soupçon de gestion et un chouïa de variété dans un titre qui démarre bien mais qui dévoile hélas rapidement quelques faiblesses dommageable.

La première, c’est le rythme. Parcourir un niveau ouvert et labyrinthique, c’est une chose, le faire pendant vingt minutes en tournant en rond à essayer de détruire tous les murs pour découvrir le passage menant au boss, c’est étirer inutilement une expérience qui, pour le coup, n’est pas grand chose de plus qu’un clin d’œil excessivement longuet au premier Switchblade.

Ce n’est pas tant qu’on s’ennuie, mais au bout du trentième couloir, l’absence de variété dans l’opposition et les décors et le caractère profondément agaçant du piège pratiquement inévitable que constituent ces pointes qui sortent du sol commencent à se manifester de façon criante, tout comme la constatation que le fait que le premier niveau soit également le moins original et surtout le plus long du jeu, et de très loin, trahit déjà une approche assez lacunaire du level design. Ceci dit, même si on s’agace un peu de se dire qu’il faudra reparcourir tout ce cirque à chaque partie pour espérer voir la suite (bon courage pour dessiner des plans), la maniabilité est bonne, la réalisation graphique à la hauteur, et la promesse d’avoir enfin d’autres environnements à découvrir (la grosse faiblesse du premier épisode) est largement suffisante pour pousser à s’accrocher un peu et à atteindre le deuxième niveau. Où se manifeste alors le deuxième problème : vous vous souvenez de toute ce qui a fait la force du jeu jusqu’ici, son mélange d’exploration et d’action, la joie de découvrir une cache d’arme dissimulée derrière un mur et de concevoir une route optimale pour la deuxième partie – soit absolument tout ce qui fonctionnait déjà dans Switchblade premier du nom ? Eh bien, dès le deuxième niveau, le programme décide tout simplement de balancer tout cela à la poubelle.

Approche assez gonflée : sur les six niveaux du jeu, les cinq derniers font donc le choix de tirer un trait sur le game design hérité du premier épisode pour ne plus laisser la place qu’à deux modèles : le grand niveau ouvert où il faut trouver dans quelle direction aller pendant un quart d’heure, et le grand couloir où la direction est claire, et qui se résout généralement en moins de cinq minutes.

L’exploration ? À quoi bon, quand de toute façon il n’y a pratiquement rien à trouver, plus aucun passage secret, et que tous les bonus dont vous pourriez avoir besoin seront accessibles dans les boutiques (vous autorisant même à faire un peu de farming, au cas où passer un quart d’heure dans le même niveau ne vous suffirait pas) ? Incroyable mais vrai : après avoir fait miroiter un gameplay donné pendant sa première partie, le logiciel choisit de s’en débarrasser pour les cinq sixièmes restants, et verse dans le jeu d’action pataud avec tout ce qu’on n’a jamais aimé dans la production occidentale : l’équilibrage inexistant, les ennemis qui surgissent de n’importe où et les niveaux qui ne font que reproduire les mêmes section ad nauseam sans jamais offrir la moindre variété dans les situations, les pièges, les approches ou les ennemis. On voulait Switchblade II, et on se retrouve avec Death Trap. Remboursez !

C’est d’autant plus frustrant qu’en dépit de ses longueurs, le premier niveau fonctionne très bien, et qu’on sera finalement plutôt heureux de le reparcourir à la recherche de passages qui auraient pu nous échapper – exactement comme dans le premier Switchblade. Mais une fois ce cap franchi, l’idée est plutôt de progresser le plus vite possible pour se débarrasser de niveaux où il n’y a rien à voir ni à découvrir et aller affronter des boss ultra-limités à un pattern. Comme si, lui-même conscient d’avoir un peu trop étiré ses débuts, le jeu faisait le choix de précipiter tout le reste pour compenser !

Il n’en devient certes pas catastrophique pour l’occasion, loin de là, le petit problème étant que le joueur actuel n’est plus celui de 1991, et qu’il lui est très facile d’accéder à un monde qui dépasse de très loin la simple ludothèque de l’Amiga. Et des jeux d’action/plateforme capables de rivaliser avec Switchblade II, sur console – particulièrement sur la génération 16 bits – il y a en a des wagons entiers ! Dès lors, une fois évacuée toute nostalgie pour la machine et pour cette époque bénie où nous étions jeunes et remplis d’espoirs envers l’avenir, ne reste qu’un jeu sympathique comme on en a vu des centaines : amusant une demi-heure, peut-être un peu plus selon vois affinités, mais qui se délite et s’essouffle ensuite. Bien essayé, mais insuffisant.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20

Switchblade II apparait comme un énième représentant de tout ce qu'on pouvait reprocher à la production occidentale du début des années 90 : une jouabilité correcte et une réalisation agréable qui tentent de faire oublier un game design qui se délite jusqu'à l'ennui. Dans des niveaux qui tendent à s'étirer et à se débarrasser progressivement des quelques bonnes idées du jeu, l'équilibrage déficient ne participe hélas pas à faire oublier l'aspect fondamentalement fastidieux d'un logiciel qui aurait grandement gagné à rester sur les bases de son premier quart d'heure – et sur celles du premier épisode. En l'état, on s'amuse au début, avant que les passages secrets et l'exploration ne s'effacent définitivement au profit d'une action morne et sans surprise. Divertissant à faibles doses, mais vraiment pas au niveau pour prétendre à rivaliser avec l'essentiel de ce que pouvait offrir le genre sur console.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des niveaux qui s'étirent jusqu'à rendre l'exploration sans intérêt
– Un équilibrage au pif total
– Aucune variété dans l'action
– Une large dose de sauts de la foi et de pièges inévitables

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Switchblade II sur un écran cathodique :

Version Atari ST

Développeurs : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Date de sortie : Juin 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1991, le marché commençait à se montrer suffisamment exigeant pour que l’ère des versions Amiga et Atari ST se réduisant à de simples clones touche à sa fin. La machine d’Atari commençait à accuser son retard technologique – et le manque de soutien de la gamme STe – avec des portages qui avaient de plus en plus de mal à rivaliser avec ceux de la machine de Commodore. Ceci dit, Switchblade II fait plutôt partie des logiciels qui s’en seront bien sortis en la matière : le rendu sonore, par exemple, n’a pour une fois pas trop à rougir de la comparaison avec l’Amiga, même si la musique « crache » ici nettement plus que chez le rival de toujours. Graphiquement, le ST a toujours été moins « agile » que son concurrent en termes de changements de résolution, et le jeu est donc affiché en 320×200 là où la version Amiga l’était en 320×256. Conséquence : la vue est plus rapprochée, ce qui conduit à encore davantage de sauts de la foi, d’autant plus que la vue tend à être placée n’importe comment. Le défilement est également plus saccadé que sur Amiga, et le jeu est globalement moins fluide – rien qui le rende injouable, je vous rassure tout de suite, mais le titre est clairement encore un peu moins confortable à jouer, et il ne corrige hélas aucun des errements de la version originale. Reste donc un jeu très honnête mais qui, comme sur Amiga, retombe dramatiquement une fois le premier niveau vaincu.

NOTE FINALE : 12,5/20

D’accord, Switchblade II fait un peu moins bien sur Atari ST que sur Amiga, mais dans l’ensemble il s’en tire malgré tout assez bien. En dépit d’une réalisation sonore réussie, on regrettera surtout une vue plus rapprochée et un framerate plus poussif qui viennent dégrader légèrement une expérience de jeu qui s’en serait bien passée.

Version Lynx

Développeurs : Gremlin Graphics Software Limited
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Août 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

De toutes les consoles sur lesquelles Switchblade II aurait pu tenter sa chance, il aura donc opté pour la Lynx – mouvement commercialement risqué, mais au moins la concurrence y était-elle nettement moindre que sur les autres systèmes. Pour l’occasion, sans renier en rien sa jouabilité, le jeu de Gremlin Graphics Software en aura profité pour revoir un des points qui laissaient à désirer dans son itération originale : le level design.

La bonne nouvelle, c’est que les niveaux, désormais divisés en « sections » sont nettement moins labyrinthiques qu’auparavant – ce qui ne les rend pas nécessairement moins courts, le premier niveau s’étirant par exemple sur pas moins de quatre sections, avec le boss au terme de la troisième (oui, ne me demandez pas pourquoi), mais qui a l’avantage de moins donner la sensation de tourner en rond sans trop savoir où on va. L’autre bon côté, c’est que ce level design a également été revu en fonction de ce que la console peut afficher, ce qui signifie qu’il n’y a plus ici de sauts de la foi en dépit de la résolution très limitée de la machine – et la réalisation s’en sort globalement très bien, même s’il faut aimer les sprites de quatre pixels de haut. Du côté des moins bonnes nouvelles, le gameplay est toujours aussi dénué de variété, et le jeu n’a pas renoncé à certaines de ses mauvaises habitudes, comme par exemple ces cochonneries de pointes à peu près impossibles à anticiper. On est moins frustré, le déroulement est plus cohérent, mais la dimension exploration/passages secrets est cette fois quasi-absente dès le début, ce qui fait qu’il faudra une nouvelle fois être très patient pour espérer voir la fin d’un jeu qui ronronne extrêmement vite. À l’échelle de la console, ce n’est toutefois clairement pas un mauvais ajout à la ludothèque, et à certains niveaux on pourra même considérer cette cartouche plutôt supérieure à la version Amiga. Pas si mal.

NOTE FINALE : 13,5/20

En débarquant sur Lynx, Switchblade II aura eu la bonne idée de revoir son level design et de corriger certaines de ses faiblesses en termes de rythme et de jouabilité. Si cela aide l’expérience à se montrer moins frustrante et mieux équilibrée, cela ne tempère en revanche pas sa répétitivité ni son manque absolu de renouvellement. Le jeu fonctionne peut-être un peu mieux, mais il manque toujours d’ambition et de folie. Très correct pour les amateurs du genre, mais les autres risquent d’avoir leur compte avant d’en voir le bout.