Développeur : Westwood Studios, Inc.
Éditeur : Virgin Interactive, Inc.
Titres alternatifs : Lands of Lore : Chaos Na Tronie (Pologne), ランズオブロア (Lands of Lore : Kaosu no Gyokuza, Japon), 黑暗王座 (Chine)
Testé sur : PC (DOS) – PC-98
Version non testée : FM Towns
Disponible sur : Mac OS X (10.6.8), Windows (XP, Vista, 7, 8, 10)
Présent dans les compilations :
- Westwood 10th Anniversary (1995 – PC (DOS))
- tEMPtAtION (1996 – PC (DOS))
- Lands of Lore 1+2 (2011 – Mac OS X, Windows)
En vente sur : Gog.com (Mac OS X, Windows)
La saga Lands of Lore (jusqu’à 2000) :
- Lands of Lore : The Throne of Chaos (1993)
- Lands of Lore : Guardians of Destiny (1997)
- Lands of Lore III (1999)
Version PC (DOS)
Date de sortie : Août 1993 (version disquette) – Mars 1994 (version CD-ROM) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Allemand, anglais, français |
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x8) |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox |
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – MSCDEX : 2.2 – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s) Modes graphiques supportés : MCGA, VGA (320×200) Cartes sons supportées : AdLib/Gold, General MIDI, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro Installation sur disque dur requise (5Mo) |
Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu (version CD-ROM) :
En 1993, les studios Westwood étaient en pleine forme, merci pour eux.
En fait, décrire la société américaine comme « touchée par la grâce » serait plus proche de la réalité. Tout ce avec quoi Westwood entrait en contact semblait destiné à se transformer en or : leur excursion dans le domaine du jeu d’aventure avait accouché d’un Legend of Kyrandia qui était immédiatement parvenu à se créer une place au milieu des titres des deux géants qu’étaient Sierra Online et Lucasarts, et leur adaptation de Dune avait engendré rien de moins que le père fondateur de la stratégie en temps réel – excusez du peu !
Mais s’il était une catégorie de joueurs pour qui l’information n’avait rien de neuf, c’étaient bien les rôlistes. Personne parmi eux, en effet, n’avait oublié que Westwood – alors nommé Westwood Associates – avait marqué un grand coup en introduisant le genre du dungeon crawler sur PC avec Eye of the Beholder, ni que le studio avait publié l’un des titres les plus accomplis du genre avec Eye of the Beholder II. Et il se murmurait justement qu’en dépit de leur rachat par Virgin Interactive, les studios Westwood travaillaient sur une suite spirituelle à leurs deux titres de légende : un certain Lands of Lore, dont les premières images faisaient saliver les joueurs d’alors avec un secret espoir : celui de leur faire oublier définitivement le fiasco qu’avait constitué un Eye of the Beholder III privé du talent de l’équipe américaine…
Lands of Lore s’ouvre donc sur une de ces cinématiques made in Westwood chargées de vous en mettre plein la vue d’entrée de jeu, et autant dire que c’est réussi. Le scénario vous placera dans le royaume de Gladstone, menacé par la terrible sorcière Scotia, qui vient de mettre la main sur le Masque des Ténèbres, un artefact apte à lui faire changer d’apparence. Sachant qu’il sera le premier nom que Scotia cherchera à rayer de sa liste de gens à abattre, le roi Richard fait mander un aventurier afin d’aller quérir le Rubis de Vérité – seul outil apte à contrarier les plans de la sorcière – dans les territoires du sud. Bien évidemment, comme vous l’aurez déjà deviné, cet aventurier, ce sera vous – et les plans du roi Richard ne vont pas tout à fait se dérouler comme prévu.
La partie débute donc par le choix de votre héros : pas de création d’avatar, pas de groupe à former ; vous pourrez bel et bien contrôler jusqu’à trois personnages, mais vos accompagnateurs se joindront à vous en cours de jeu, et seront amenés à changer selon les événements. Les quatre « héros par défaut » qu’on vous propose se présenteront à tour de rôle, et un petit écran vous présentera leurs caractéristiques de base, histoire de bien comprendre que vous avez à faire à des archétypes : Ak’shel est tout désigné pour être un magicien, Michael compte avant tout sur sa force brute, Kieran est rapide et dispose de l’avantage d’avoir quatre bras (!), tandis que Conrad est le personnage le plus équilibré. Puis, une fois votre choix arrêté, l’aventure commence et autant le dire tout de suite : c’est la claque.
Les deux premiers Eye of the Beholder avaient déjà démontré une aptitude certaine de la part des studios Westwood pour réaliser des jeux très agréables à l’œil – une tendance qui n’avait été en rien démentie par le reste de leur production, bien au contraire. Mais difficile, aujourd’hui, d’aborder Lands of Lore sans parler de l’ambition démesurée que traduit sa réalisation : s’il fallait élire un maître absolu du pixel art, le titre de Westwood pourrait clairement y postuler, et avec de très sérieuses chances de remporter le titre suprême.
Dès vos premières minutes dans le château, vous pourrez mesurer le gouffre qui s’est creusé avec Eye of the Beholder II, pourtant lui aussi très ambitieux pour l’époque : ça foisonne de détails, on trouve des tableaux, des fontaines, des épées décoratives, des livres sur des présentoirs… Chaque personnage qui s’adresse à vous le fait avec son portrait affiché en plein écran – même les gardes du palais ! – et chaque rencontre donne lieu à de petites saynètes animées qui vous permettront de mesurer l’inquiétude des occupants du château face à la menace que représente Scotia, ou leur méfiance affichée face au soi-disant « héros » débarqué sur place. On est désormais très loin du concept du groupe isolé dans un donjon éloigné de tout : il y a des PNJs, des dialogues, des rencontres, des incidents et surtout un monde qui vous fait voyager plutôt que de vous garder sempiternellement enfermé sous terre. Et à ce niveau, la variété des décors pour laquelle on louait déjà les deux précédents dungeon crawlers de Westwood est devenu ici proprement hallucinante : c’est bien simple, vous découvrirez ici plus d’environnements en une heure de jeu que pendant toute la trilogie Eye of the Beholder !
Forêts, manoir en ruine, grottes, souterrains, mines, tours, donjons, marécages : faire la liste exhaustive des lieux traversés deviendrait presque laborieux tant le titre est décidé à constamment nous surprendre, et autant dire qu’après un Dungeon Master et son décor unique à base de pierre grise, il y avait de quoi être impressionné ! D’autant plus impressionné que la réalisation graphique du titre est, comme vous pourrez en juger sur les captures d’écran, à tomber à la renverse. Difficile d’en demander beaucoup plus à du VGA ! Pour ne rien gâcher, l’animation est largement à la hauteur, et les nombreux écrans animés où vous verrez s’agiter les différents intervenants sont parfois d’authentiques tableaux – sélectionner des images pour accompagner ce test a constitué une telle torture que j’ai décidé, pour la première fois, de proposer une galerie d’images avant le pavé de notes. Bref, c’est beau et on y croit à fond. Le pied.
Niveau système de jeu, Lands of Lore ne bouleverse rien. Westwood ne disposant plus de la licence Donjons & Dragons – restée dans les bagages de SSI –, le studio américain a donc décidé de revenir aux sources en s’inspirant du titre fondateur de FTL Games. Traduit en clair : oubliez les points d’expérience, c’est la pratique d’une arme, comme dans Dungeon Master, qui vous fera progresser dans une des trois catégories que sont guerrier, mage et voleur.
Cette progression est d’ailleurs clairement matérialisée par des barres, visibles dans l’inventaire, lequel vous affichera également vos gains ou vos pertes de caractéristiques à chaque changement d’équipement ; on appréciera. En revanche, plus question ici de « tricher » et d’espérer progresser en jetant des sorts dans le vide ou en lançant vos armes contre un mur : seuls vos coups au but vous feront avancer, ce qui pourra animer une tentation de vous spécialiser à l’extrême. Une idée à méditer : si le jeu s’évertue au maximum à vous proposer, en toute circonstance, un groupe qui puisse faire face à toutes les situations, il vous arrivera fréquemment de rencontrer des monstres qui ne sont sensibles qu’à un seul type d’attaque, voire à une arme en particulier (ah, les fantômes du niveau trois de la tour blanche…). Mieux vaut donc prendre le soin de conserver tous les objets insolites que l’on rencontre au fil du jeu pour éviter d’avoir des regrets plus tard : ceux qui se seront débarrassés de cet étrange crâne vert avant de pénétrer dans les mines d’Urbish comprendront de quoi je parle.
La prise en main est de toute façon simplifiée au maximum : les sortilèges et la boussole sont accessibles en permanence sans avoir à ouvrir une fenêtre (à partir du moment, bien sûr, où vous les aurez obtenus), de même que l’inventaire déroulant, commun à tous les personnages, et placé en bas de l’interface. Celui-ci dispose néanmoins d’une capacité limitée, ce qui pourra vous amener à méditer sur ce qui est sacrifiable parmi vos possessions – mieux vaut se souvenir où vous avez pu abandonner un objet pour éviter les regrets évoqués plus haut. Le jeu ne gère ni la nourriture ni la boisson, mais bien la lumière – par le biais d’une lanterne à remplir périodiquement d’huile. Bref, dans l’ensemble, l’accessibilité est si totale que même quelqu’un n’ayant jamais touché à un dungeon crawler ne devrait mettre qu’une poignée de minutes à maîtriser toutes les possibilités du titre.
Cette accessibilité a d’ailleurs son retour de bâton : sans être une promenade de santé, le titre ne devrait clairement pas poser beaucoup de problèmes aux vétérans du genre. Seules les mines d’Urbish et la tour blanche composeront les vrais morceaux de bravoure du jeu, qui a en plus la bonté de vous offrir à plusieurs reprises des sortilèges ou des objets importants que vous auriez pu laisser passer un peu plus tôt dans l’aventure. Mais pour un joueur méthodique qui prendra le temps de visiter méticuleusement chaque niveau, l’expérience devrait se montrer assez aisée, et surtout un peu courte.
Oh, dans l’absolu, le jeu ne lésine pas sur les donjons à parcourir, et pourrait sans doute rivaliser sans peine avec Eye of the Beholder II s’il n’avait pas inclus une petite gourmandise : la carte automatique. Celle-ci a en effet de multiples avantages, mais également un réel inconvénient : cartographier les différents niveaux était à la fois un des grands plaisirs, et surtout une des activités les plus longues du dungeon crawler. Or, non seulement cette carte vous fait gagner un temps considérable, mais elle a même la générosité de vous indiquer les interrupteurs cachés et les passages secrets, ce qui est peut-être un tantinet exagéré de sa part. Au final, le jeu se boucle en une dizaine d’heures là où il aurait largement pu en demander le double, ce qui est un peu dommage.
Pour continuer avec ces (légères) récriminations, un petit mot sur la réalisation sonore du titre. Oh, je vous rassure tout de suite : celle-ci, irréprochable, propose des voix digitalisées et la reconnaissance de la Roland MT-32. Les thèmes musicaux, de très bonne qualités, emploient des sonorités qui rappelleront souvent Dune II, du même développeur, et les bruitages sont aussi variés qu’irréprochables. Alors où est le problème ? Très simple : le programme d’installation du jeu ne vous autorise pas à utiliser une Roland MT-32 avec une Sound Blaster. Entre la musique superbe et les voix digitalisées de l’introduction, il faudra donc choisir !
Le problème est d’autant plus anecdotique que toutes les plateformes de vente en ligne proposent aujourd’hui le titre dans sa version CD-ROM, qui permet, elle, d’attribuer une carte sonore spécifique pour la musique, les voix et les bruitages, mais les nostalgiques de cette version disquette – la seule qui soit doublée en français – seront déçus d’avoir à passer par une bidouille leur imposant d’aller chercher le fichier de configuration de la version CD pour avoir le droit de bénéficier à la fois des voix et de la meilleure qualité sonore.
La version française, d’ailleurs, parlons-en, comme c’est la coutume en clôture de test. Celle-ci a été faite de façon très professionnelle, et même si les doubleurs français peuvent difficilement rivaliser avec les têtes d’affiche comme Patrick Stewart mobilisées pour la version originale, ils font le travail sans réel génie, mais avec sérieux – loin au-dessus, par exemple, de ce que proposait Dungeon Hack la même année. Les textes sont relativement bien traduits et je n’ai rencontré ni coquille ni faute d’orthographe, bref, les non-anglophones n’auront aucune excuse pour ne pas découvrir l’un des meilleurs dungeon crawler de sa génération. En revanche, les voix françaises ont complètement disparu de la version CD-ROM, remplacées par un doublage de la totalité des dialogues du jeu, mais en anglais sous-titré ; ceux qui voudront entendre les dialogues en français lors de l’introduction devront donc obligatoirement passer par la version disquette.
Vidéo – Quinze minutes de jeu :
Récompenses :
- Tilt d’or 1993 (Tilt n°121, décembre 1993) – Tilt d’or Micro Kids
- Tilt d’argent 1993 (ibid.) – Meilleur jeu de rôles
NOTE FINALE : 18/20 Débarqué avec une ambition à faire trembler les murs, et avec le savoir-faire d'une compagnie au sommet de sa gloire, Lands of Lore est bien plus que le jeu qu'Eye of the Beholder III aurait dû être : c'est tout simplement l'un des plus grands dungeon crawler à avoir jamais vu le jour. Prenant de la première à la dernière minute, dans un univers magnifique qu'on aurait rêvé d'explorer par le biais de spin-off – et qui donne parfois le sentiment de vivre The Legend of Kyrandia à la première personne, ce qui n'est pas un mince compliment – le titre de Westwood Studios côtoie les sommets avec une telle maestria qu'on ne sera que plus frustré de la relative facilité du jeu, et d'une brièveté en partie introduite par le fait de ne plus avoir besoin de dessiner les plans soi-même. Pour les vétérans comme pour les néophytes du genre, cela reste à n'en pas douter une expérience mémorable qui vaut encore largement la peine d'être vécue aujourd'hui. Vous ne le regretterez pas. CE QUI A MAL VIEILLI : – Trop simple, surtout pour ceux qui seront venus à bout d'Eye of the Beholder II. – Sans les plans à dessiner, le jeu devient un peu court
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Lands of Lore sur un écran cathodique :
Version PC-98
Développeur : Westwood Studios, Inc. |
Éditeur : StarCraft, Inc. |
Date de sortie : 10 décembre 1994 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Japonais |
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″ (x8) |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Version disquette japonaise |
Configuration minimale : – |
Vidéo – L’introduction du jeu (version 16 couleurs) :
Petite surprise pour cette itération PC-98 de Lands of Lore, qui sera arrivé au pays du Soleil Levant en pas moins de trois versions. Deux d’entre elles correspondent aux copies carbones des éditions disquette et CD-ROM traduites en japonais – avec une petite nuance : même si les doublages sont restés en anglais, une large portion du casting vocal a été modifiée (en moins bien) pour d’obscures raisons, ce qui signifie que vous n’entendrez cette fois pas Patrick Stewart.
Cette modification reste cependant moins surprenante que l’existence de cette fameuse troisième version… en seize couleurs ! Un vrai travail graphique a été réalisé pour l’occasion – on est très loin des teintes caractéristiques de l’EGA – et si le résultat est objectivement loin d’être vilain, évoquant un peu ce à quoi aurait pu ressembler une version Atari ST au sommet de sa forme, il demeure néanmoins assez loin du pixel art exceptionnel de la version 256 couleurs. Le genre de petite curiosité qui pourra attirer un certain public car, pour ce qui est des autres versions, vous aurez aussi vite fait de jouer à l’itération PC – jouable en français, elle.
NOTE FINALE : 17/20 (version 16 couleurs) – 18/20 (version 256 couleurs)
On n’aura a priori peu de raisons de se précipiter sur les versions japonaises de Lands of Lore, copies relativement fidèles des itérations occidentales (à part pour ce qui est du doublage) traduites en japonais. Mais pour les amateurs d’exotisme, l’existence d’une version 16 couleurs du jeu, par ailleurs loin d’être ridicule, pourra représenter une curiosité.