Nightmare Creatures II

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Konami Corporation
Testé sur : PlayStationDreamcast

La licence Nightmare Creatures (jusqu’à 2000) :

  1. Nightmare Creatures (1997)
  2. Nightmare Creatures II (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 24 mai 2000 (Amérique du Nord) – 8 septembre 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le truc avec le jeu vidéo, c’est que parfois, on ne sait pas. La constatation pourrait d’ailleurs sans doute s’appliquer à n’importe quelle forme de média : il y a des succès que l’on constate, mais que l’on ne s’explique pas forcément. Nightmare Creatures est un assez bon candidat pour correspondre à cette définition ; car enfin, qu’est-ce qui avait bien pu pousser ce beat-them-all somme toute banal et répétitif, d’ailleurs accueilli plutôt tièdement par une presse vidéoludique pas très impressionnée, à s’écouler à plus d’un million et demi d’exemplaires ? Une question que l’équipe de chez Kalisto, qui tenait là son plus grand tabac, a fatalement dû se poser – quand on tient une potentielle licence capable de remplir les caisses et d’assurer la survie d’un studio sur la durée, on fait rarement l’impasse dessus.

Il y avait sans doute matière à réfléchir ; à réaliser, par exemple, que ce qui représentait l’unique originalité du titre à sa sortie – à savoir son ambiance horrifique – était peut-être devenu un peu moins neuf trois ans plus tard, après la sortie de cinq épisodes de Resident Evil (sans compter les Director’s Cut) et d’un épisode de Silent Hill, sans même mentionner les Parasite Eve et autres titres ayant contribué à faire de l’horreur un thème comme un autre au sein du jeu vidéo. Qu’importe : sur le papier, le marketing avait déjà trouvé la formule magique ; Nightmare Creatures II allait constituer la rencontre entre Tomb Raider et Resident Evil – une licence à succès qui en rencontre deux autres, imparable ! Ajoutez Rob Zombie pour faire la musique dans les bagages, et l’affaire est dans le sac. Dans les faits, ce deuxième opus n’aura jamais approché le succès de son prédécesseur, et les rocambolesques projets d’adaptation filmique n’auront jamais atteint le stade de la production. Les causes en sont nombreuses, mais ce qui transparait en filigrane, c’est surtout le sentiment d’un jeu qui devait être fait mais que personne à Kalisto ne semblait vraiment avoir envie de faire – en tous cas, c’est ce qu’on est invité à croire en constatant le manque absolu d’idée, de prise de risque ou simplement de soin que représente cet épisode. Incroyable mais vrai : ce qui aurait dû être le projet phare d’une équipe surmotivée ressembla au final à un jeu de commande sans inspiration réalisé en urgence par un studio tiers – et scella de fait la mort de la licence, en dépit d’un épisode sur smartphone en 2003… un an après la faillite de Kalisto.

Pour commencer, on aurait pu penser que Nightmare Creatures II allait creuser un peu son univers et ses personnages : raté. Déplacée en 1934, l’action voit donc le grand méchant du premier opus, Adam Crowley, revenir – sans qu’on sache jamais par quel miracle ni même pourquoi. Cette fois, c’est un certain Wallace, grand brûlé torturé par des démons intérieurs et ancien membre du « cercle » du premier épisode (on n’en saura là encore jamais plus), qui décide de se lancer à la poursuite du magicien et surtout de Rachel, la femme qu’il aime. Et c’est tout.

On pourra déjà regretter que l’intrigue ultra-convenue ne s’étale une nouvelle fois quasiment que pendant les écrans de chargement (où elle oublie d’être sous-titrée une fois sur deux, un assez bon indice du manque de soin mentionné plus haut), mais elle parvient même l’exploit à se transformer en véritable repoussoir de par son manque absolu de cohérence et de profondeur. Le meilleur exemple en étant le fameux personnage de Rachel, que notre héros retrouve à la moitié du jeu… ce qui se traduit par une cinématique de dix secondes où les deux protagonistes n’échangent pas un mot, avant de… se séparer pour continuer la route chacun de leur côté ! Quelle belle histoire ! La demoiselle n’agira d’ailleurs que comme une sorte de fil rouge jamais mis à contribution (elle n’a pas un seul mot de dialogue de tout le jeu, c’est pratique, ça permet d’éviter d’engager une actrice pour la doubler), parfait symbole d’une narration bouche-trou qui ne sert qu’à relier tant bien que mal des niveaux n’ayant souvent aucun rapport entre eux. Ne soyez donc pas surpris de voir Wallace entrer dans une crypte pour déboucher sur… un biplan qui lui permet de s’envoler vers Paris, ou arriver dans une station de métro après avoir soulevé une pierre tombale de trois-cents kilos au fin-fond d’un cimetière ; le fameux « plan diabolique de Crowley en lui-même ne sera jamais détaillé, on sait juste qu’il veut « détruire Paris » sans jamais dire pourquoi ni comment. Bref, la narration n’a ni queue ni tête et ne parvient même pas à matérialiser des enjeux qui étaient déjà plus détaillés dans Super Mario Bros. Ça commence mal.

Ceci dit, on ne va pas se mentir, le scénario n’était déjà pas exactement le point fort du premier épisode, qui semblait déjà ne considérer son intrigue que comme une façon créative d’égayer ses temps de chargement. C’était avant toute chose un beat-them-all limité et ultra-linéaire qui ne tenait que par la nervosité induite par le système d’adrénaline et par la relative variété de niveaux assez court. Comment, donc, imaginer sa suite ? Eh bien en en faisant un beat-them-all tout aussi limité et ultra-linéaire avec des niveaux et des combats interminables, dans des environnements qui se ressemblent tous et face à des ennemis dont les variations se comptent sur les doigts des deux mains, pardi !

Le déroulement est assez facile à résumer : on avance dans un grand couloir, on tombe sur un monstre (généralement introduit par une cinématique impossible à passer de dix secondes, pour la tension dramatique vous comprenez…), on passe une minute à le tuer et on recommence – avec parfois DEUX monstres, mais jamais trois parce qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses. Évidemment, on pourrait penser qu’un déroulement aussi balisé aurait invité Kalisto à soigner son système de combat aux petits oignons… mais dans les faits, entre l’imprécision des attaques, le fait que le jeu ne comporte en tout et pour tout que DEUX combos (lesquels ne sortent d’ailleurs qu’environ une fois sur quinze) et que les patterns ennemis soient hyper-limités, chaque affrontement prend plus ou moins la même forme : on bloque, on enchaine deux attaques, rincez, répétez. Même les affrontements contre deux adversaires ne changent rien : seul celui qui est verrouillé par la caméra vous attaque (et honnêtement, vu l’étroitesse de la plupart des salles et la difficulté de manœuvrer contre un seul ennemi, ce n’est sans doute pas plus mal). Quelques power-up permettent d’écourter les affrontements à coups de fusil ou d’attaques magiques, et des fatalités… les rallongent, puisqu’il faudra alors se fader une animation impossible à passer de dix secondes pour disposer d’un adversaire à qui il ne restait de toute façon que 10% de sa vie. Ajoutez-y les indispensables bonus de soins, et vous aurez tout le contenu du jeu. Pour cinq à six heures. Sérieusement.

Le tout respire la paresse autant que le manque d’inspiration, et il est absolument hallucinant que des testeurs aient pu s’essayer au jeu pendant plus d’une demi-heure et se dire : « nickel, ça fonctionne comme un charme ». Le pire étant qu’on sent qu’avec quelques retouches – un inventaire avec différentes armes, des environnements plus ouverts, un système de combat plus précis et plus technique – on pouvait assez facilement obtenir, à défaut d’un jeu génial, une sorte de proto-Dark Souls tout-à-fait honnête. Au lieu de cela, on hérite d’un jeu-couloir rythmé avec les pieds où tout, du game design au level design, sent l’approximation et le pif total.

Déclarer vouloir s’inspirer de Tomb Raider, c’est une chose, mais le titre de Core Design disposait de niveaux semi-ouverts excellemment conçus et tirant magnifiquement parti de la verticalité, avec des énigmes efficaces et des combats objectivement mieux fichus. Ici, quelle meilleure façon d’égayer un long couloir avec un croisement tous les cent mètres qu’en imposant un backtracking fastidieux pour aller chercher des clefs et autres rouages histoire de pouvoir avancer ? Parce que c’est vrai que tout le monde aime les labyrinthes aquatiques à réaliser avec une réserve d’oxygène limitée, les éléments indispensables planqués derrière un passage secret, les points de sauvegarde essaimés toutes les vingt minutes et les monstres qui réapparaissent pour vous occuper – c’est tellement amusant ! Les éléments interactifs sont parfois si peu clairs qu’on peut se retrouver dans une impasse sans avoir la moindre idée d’où on est censé aller – ce qui, dans un couloir, est toujours vexant – et bien évidemment, il n’y aucun système de carte ni aucune fonction pour observer autour de vous – on n’est jamais que dans un jeu de l’an 2000 en 3D, voyons, personne n’avait pensé à ça !

En fait, non seulement le titre semble parfaitement s’accommoder de dérouler à peu près tous les poncifs déjà éculés du genre sans y apporter la moindre trouvaille (attendez-vous à bouffer du cimetière, des catacombes, des maisons abandonnées, des cryptes et des rues désertes d’un bout à l’autre – sans oublier les égouts, toujours très important les égouts), mais il donne même parfois le sentiment de carrément chercher à troller le joueur.

Par exemple, imaginez un dernier niveau vous demandant d’escalader la Tour Eiffel, qu’est-ce qui pourrait être plus drôle… que de vous demander, une fois à mi-hauteur, de RETOURNER TOUT EN BAS pour ouvrir une porte que vous ne pouviez pas débloquer plus tôt, avant de REMONTER AU SOMMET (avec les monstres réapparus en route), le tout… juste pour pouvoir ouvrir, avec un pied de biche, une grille que n’importe qui d’autre aurait simplement démonté avec la hache qui ne quitte jamais le personnage principal ! En y ajoutant des boss qui ne sont pas grand chose de plus que des ennemis ordinaires avec une jauge plus longue (à part l’avant-dernier, qui est une saloperie demandant de réussir en boucle les fameux combos qui ne sortent qu’une fois sur quinze), des environnements inlassablement coincés dans les teintes gris-marron-vert-noir (parce qu’évidemment TOUT LE JEU se déroule une nouvelle fois de nuit, avec impossibilité d’y voir à plus de dix mètres de distance) et une action qui ne se renouvèle absolument jamais, à aucun niveau, et vous comprendrez qu’on finisse par trouver le temps long bien avant d’avoir atteint la fin d’une aventure pourtant assez courte.

En fait, c’est exactement comme si l’équipe de développement avait produit une démo technique de cinq minutes avec trois pièces et un unique combat et que quelqu’un chez Konami leur avait dit « c’est parfait, étirez-moi ça sur cinq heures et ça part à la distribution ». En-dehors d’une réalisation assez solide pour la console, il n’y a vraiment pas grand chose à sauver dans ce qui reste une suite de combats hyper-limités se résolvant mal et toujours de la même façon sans aucune subtilité pendant ce paraît être une éternité.

Cela ressemble furieusement à un jeu que personne ne voulait faire, à destination d’un public que personne n’avait cherché à cerner, sans manifester la plus infime curiosité à l’égard du reste de la production de l’époque – laquelle avait pourtant placé les curseurs à des niveaux stratosphériques comparé à ce qui est présent ici. Un titre sans scénario, sans réel game design, avec de grands couloirs tous pareils qu’il faudra souvent reparcourir plusieurs fois – mais attention, hein, avec des textures soignées et une résolution élevée. Autant dire quelque chose qui, selon votre degré de patience et d’exigence, pourra faire illusion entre dix minutes et une heure avant de commencer à saturer de ré-affronter le même ennemi pour la 853ème fois. À réserver aux vrais mordus de la licence – et des jeux qui ne demandent jamais de changer sa façon de jouer quelles que soient les circonstances. Parce que bon, aussi, des fois, c’est précisément pour ne pas avoir à réfléchir qu’on joue.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20

Comment développe-t-on la suite d'un jeu sans idée ? Avec encore moins d'idées ! Forme de redite de Nightmare Creatures dans le même cadre et avec les mêmes mécanismes, Nightmares Creatures II n'a hélas jamais l'idée de creuser ses personnages et son univers, de peaufiner un peu l'écriture ou simplement d'avoir autre chose à offrir que les éternels mêmes couloirs contre les éternels mêmes monstres dans les éternels mêmes environnements (Oh, une crypte ! Ah, un cimetière ! Oh ben tiens, des égouts, si je m'attendais à ça !) – et d'étirer la chose sur cinq à six très fastidieuses heures de jeu qui en paraissent le triple. Un problème de rythme résultant grandement de combats trop limités, d'une exploration sans intérêt, d'une histoire non-existante et d'une atmosphère qui était déjà éculée en 2000. Faute de séquences vaguement marquantes, le titre de Kalisto n'est pas grand chose de plus qu'un long jeu-couloir qui étire au-delà du raisonnable (et de l'ennui) l'équivalent de dix minutes de gameplay. Vraiment pas de quoi se relever la nuit.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des niveaux beaucoup trop longs pour ce qu'ils ont à offrir, avec une dose de backtracking particulièrement fastidieux
– Des combats répétitifs qui ne se renouvèlent jamais...
– ...et aux mécanismes bien trop limités
– Un scénario qui ne fait même pas semblant d'exister
– Des boss insignifiants et aussi peu marquants que le reste du jeu...
– ...à part l'avant-dernier, totalement infranchissable si vous ne savez pas exécuter à la perfection et en boucle l'un des deux seuls combos du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Nightmare Creatures II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Un titre à l’ambiance sinistre qui essaie de jouer sur deux tableaux à la fois (Tomb Raider et Resident Evil), mais qui du coup n’excelle dans aucun des deux genre. Il souffre en outre d’une réalisation beaucoup trop inégale. »

Jeuxvideo.com, 29 septembre 2000, 11/20

Version Dreamcast

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Konami Corporation
Date de sortie : 9 juin 2000 (Amérique du Nord) – 29 septembre 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : GD-ROM
Contrôleurs : Arcade Stick, joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Jump Pack supporté
VGA Box/Cord supporté
VMU supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quelle qu’ait été l’ambition initiale des développeurs de chez Kalisto, Nightmare Creatures II n’aura pas exactement multiplié les portages : un simple détour par la Dreamcast et la messe était dite, les chiffres de vente se révélant sans doute assez décevants. Et qu’offre pour l’occasion cette fameuse version 128 bits ? Eh bien exactement la même chose que sur PlayStation, mais avec une résolution plus élevée et des effets 3D mieux rendus. Les modes de jeu et les options sont restés strictement les mêmes, à l’exception du choix d’activer ou non le filtrage bilinéaire, et la jouabilité comme le contenu étalent les mêmes limites que sur la console de Sony, mais en un tout petit peu plus lisible quand même. Autant dire que c’était vraiment le minimum attendu, que ça ne tire absolument pas parti des capacités de la machine et que ce n’était certainement pas le jeu à acquérir en priorité sur sa Dreamcast, surtout avec Resident Evil 3 et Code : Veronica disponibles à la même période. Décevant et oubliable.

NOTE FINALE : 12/20

« La même chose que sur PlayStation en un tout petit peu plus lisible » est sans doute le meilleur résumé d’une version Dreamcast de Nightmare Creatures II qui ne cherche jamais à être autre chose qu’un simple portage, au sens le plus strict et le plus limité du terme. Dommage qu’aucun des dizaines de problèmes qui infestaient la version originale n’ait été corrigé pour l’occasion.

Les avis de l’époque :

« J’ai de nombreux problèmes avec Nightmare Creatures II. Commençons avec ce qui doit être le pire de tous : la monotonie absolue de l’action. Malgré le système de combo et les power-up, Kalisto est à des kilomètres d’être parvenu à rendre les combats intéressants ou ludiques, ce qui est un crime très sérieux pour un jeu basé quasi-entièrement sur le combat. »

Wheat, PlanetDreamcast.com, 17 septembre 2000, 4/10 (traduit de l’anglais par mes soins)

Vagrant Story

Développeur : Square Co., Ltd
Éditeur : Square Co., Ltd. (Japon) – Square Electronic Arts L.L.C. (Amérique du Nord) – Square Europe, Ltd. (Europe)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : PS Vita, PlayStation 3, PSP

Version PlayStation

Date de sortie : 10 février 2000 (Japon) – 16 mai 2000 (Amérique du Nord) – 21 juin 2000
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (3 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La fin des années 90 aura correspondu, pour Square Soft, à une forme d’âge d’or au sein d’une période déjà faste pour le genre du J-RPG dans son ensemble. Porté par le succès planétaire des trois épisodes « canoniques » de Final Fantasy sortis sur PlayStation – et qui figurent, aujourd’hui encore, parmi les plus célébrés de la licence –, le studio japonais semblait alors aligner les succès et les chefs d’œuvre comme des perles, ne côtoyant jamais même de loin tout ce qui pouvait ressembler à de la médiocrité. De Xenogears à Parasite Eve, de Bahamut Lagoon à Super Mario RPG, de Legend of Mana à Front Mission 3 – pour n’en citer qu’une infime partie –, Square Soft était tout proche d’un état de grâce comme on n’en avait connu qu’au sein des plus grandes licences de Nintendo, et qui paraissait vouer à mener la compagnie sur le toit du monde vidéoludique.

Puis vint le premier grain de sable dans l’engrenage : Vagrant Story.

Sur le papier, difficile d’imaginer autre chose qu’un triomphe pour le jeu imaginé par Yasumi Matsuno, qui s’était déjà fait un nom grâce à Tactics Ogre et Final Fantasy Tactics, et qui hériterait quelques années plus tard de rien de moins que de la direction de Final Fantasy XII. La presse était plus qu’élogieuse – le magazine japonais Famitsu lui ayant même décerné la note maximale, chose rarissime –, saluant à la fois le système de jeu, la réalisation de haute volée et le scénario aux accents shakespeariens s’éloignant des univers traditionnels de la firme, et l’ambition était palpable, avec une distribution internationale et une localisation en allemand et en français – privilège d’ordinaire réservés aux licences les plus prestigieuses. Mais le résultat, lui, peut être qualifié de bide : avec seulement 300.000 exemplaires vendus au Japon et 200.000 aux États-Unis, il n’est même pas certain que le titre ait atteint le million d’unités. Il aura certes dû composer avec la concurrence de Final Fantasy IX, ce qui n’aide jamais, mais le fait est là : faute d’avoir trouvé son public, Vagrant Story sera à jamais resté un one shot sans lendemain, un titre isolé qui ne sera jamais devenu une licence à part entière – même si de nombreux éléments le rattachant au monde de Final Fantasy XII auront fait surface par la suite. Joyau injustement méconnu ? C’est l’avis de beaucoup de joueurs, mais la réalité est peut-être plus simple encore : à force de cultiver sa différence et de s’efforcer de ne ressembler à rien d’autre, Vagrant Story était peut-être tout simplement (roulement de tambours)… un jeu de niche.

Pour commencer, il y a le scénario, au sein duquel on sent immédiatement la patte de Matsuno : plongé d’entrée de jeu au sein d’une situation géopolitique complexe ressemblant furieusement à une guerre de religions et mettant en scène des personnages très peu présentés, au sein d’un contexte confus avec des motivations floues et des enjeux pas très nets, le joueur lambda peut facilement se sentir submergé par les quelques vingt minutes de cinématiques pratiquement non-interactives sur lesquelles s’ouvre l’aventure.

Un récit avec peu d’explications claires et beaucoup de retournements sortis de nulle part qui cherche à ne jamais mâcher le travail de déduction du joueur – sur le papier, c’est louable, dans les faits, comme on va le voir, ce qui débute comme une situation intrigante avec beaucoup de questions ne livre au final pratiquement aucune réponse et demande, pour en tirer quelque chose, un investissement temporel à la hauteur de celui du reste de l’aventure. Résumons donc en disant qu’il s’agira ici d’incarner Ashley Riot, agent d’élite d’une sorte de police secrète médiévale, envoyé enquêter sur la mise à sac du manoir du Duc Bardorba par une mystérieuse secte religieuse baptisée Müllenkamp. Une intervention qui va l’amener à rencontrer le chef de la secte, Sydney, et à poursuivre son périple au sein de la ville millénaire de Lea Mundis, terre étrange reliée au continent uniquement par le biais de ses catacombes. Voilà pour le point de départ.

L’essence du jeu va être de parcourir ces fameuses catacombes et la ville en elle-même, ce qui prendra la forme d’un périple très majoritairement mené sous terre, dans un gameplay hybride tenant à la fois de l’Action-RPG et du dungeon crawler et enrichi d’éléments venus de la stratégie – un mélange détonnant, et surtout suffisamment complexe pour avoir pu laisser pas mal de joueurs sur le carreau.

L’aventure, linéaire lors de ses premières heures, ne va pas tarder à révéler un monde ouvert où les allers-et-retour seront légion, et de nombreuses portes ou coffres ne pouvant être déverrouillés que grâce à des sceaux ou des clefs accessibles parfois beaucoup plus tard, mieux vaudra prendre l’habitude de consulter régulièrement la carte… et de prendre des notes, sur le côté, pour bien se souvenir de l’emplacement des endroits auxquels on risque d’être appelé à revenir. Une liberté contrôlée avec un retour de bâton, car le joueur n’a jamais un objectif clair ni une direction indiquée pour le guider : le jeu, qui prend déjà facilement plus d’une quinzaine d’heures à être bouclé en ligne droite en sachant parfaitement où aller, peut facilement demander le double pour être vaincu, d’autant que les passages labyrinthiques abondent (cette maudite forêt et ses lucioles !) et que la difficulté ne tarde pas à monter en flèche, le gameplay exigeant de maîtriser énormément d’éléments peu ou mal expliqués – et laissant très peu de place à l’erreur.

Il faut dire que le système de combat est à lui seul un véritable morceau de bravoure. Les premiers affrontements sont déjà déstabilisants à cause de la rencontre entre le temps réel et l’arrêt de l’action lorsque votre personnage s’apprête à frapper – ce qui est plutôt une bonne chose – mais l’amalgame entre un mécanisme de timing extrêmement précis permettant d’enchaîner des attaques à condition de savoir exactement à quel moment les faire (ce qui sera rapidement indispensable) et quantité de données stratégiques a de quoi laisser sur le carreau à la fois les fans d’action limpide et les stratèges qui ne s’attendaient pas à pratiquer Dance Dance Revolution au milieu des affrontements.

Car au-delà du timing, les combats mettent surtout en jeu un nombre hallucinants de facteurs qu’il faudra impérativement prendre en compte pour éviter de sévères (et mortelles) déconvenues : chaque adversaire est sensible à certains types de dégâts (contondant, perçant, tranchant), à certains éléments (feu, glace, lumière…), et non seulement il faudra commencer par cerner ces faiblesses (via sortilège ou expérimentation) mais en plus, cela change selon la partie de son corps – car oui, il est possible de cibler indépendamment chaque membre de chaque ennemi ! Ce qui signifie que la portée de vos armes et de vos sortilèges aura également son importance, mais ce n’est pas tout. Qui dit variété des vulnérabilités dit que vous avez également tout intérêt à emporter avec vous un arsenal varié vous permettant de faire face à toutes les situations… ce qui nécessitera non seulement de dénicher de nouvelles armes et armures, mais également d’en façonner d’autres grâce à des forges un peu trop rares pour leur propre bien et n’autorisant généralement que l’association entre des éléments précis – ce qui signifie que forger l’arme de vos rêves pourra nécessiter non seulement de farmer les éléments pour la réaliser, mais également de revenir à la bonne forge pour le faire, et naturellement les adversaires réapparaissent et il est impossible d’accéder à des déplacements rapides avant la deuxième moitié, voire le dernier tiers, du jeu !

Ne comptez pas en profiter pour grinder : le jeu n’a pas de système d’expérience à proprement parler, seuls les boss donnent accès à des artefacts permettant d’augmenter vos caractéristiques, le reste des rencontres ne servira qu’à faire progresser vos armes, jusqu’à une certaine limite. C’est d’ailleurs là qu’intervient à mon sens une des plus grosses maladresses du jeu : dans un titre où un joueur a tout intérêt à employer diverses armes et à expérimenter à chaque rencontre (on peut mourir très facilement, même face à des ennemis ordinaires), on aurait pu penser qu’il bénéficierait d’un inventaire illimité, ou à défaut relativement généreux. Perdu !

Ashley ne peut jamais transporter plus de huit armes à la fois, et se faire surprendre les poches pleines lui imposera d’abandonner définitivement le loot surnuméraire. Son seul recours ? Aller entreposer son équipement dans des réserves… qui ne sont disponibles que dans les forges et auprès de certains points de sauvegarde, ce qui nécessite souvent de retourner des dizaines d’écrans en arrière pour espérer mettre de côté des équipements indispensables ! Pas exactement le pic de l’ergonomie… Le sommet de la lourdeur est cependant atteint pendant la forge en elle-même, car votre inventaire limité vous imposera de repasser plusieurs fois par le contenu de votre réserve pour aller chercher les éléments nécessaires, or chaque accès à la réserve se traduit également… par un accès à la carte mémoire, accompagné d’une vingtaine de secondes de chargement à chaque fois. Conséquence : on peut facilement passer un bon quart d’heure, dont la moitié à regarder la peinture sécher, lors des séquences de forge. Autant dire que les joueurs impatients risquent de vite avoir envie de passer à autre chose.

Le truc, c’est que chaque qualité du jeu semble toujours contrebalancée par une maladresse ou un choix discutable. La 3D par exemple, est magnifique, avec des architectures et des ambiances parfois réellement bluffantes (l’équipe artistique est allée prendre des photos en France)… mais alors pourquoi passer facilement 80% du temps de jeu dans des souterrains grisâtres qui se ressemblent tous ? Pourquoi une telle exigence dans les combats, qui peuvent se transformer en véritables épreuves d’endurance si le matériel employé n’est pas le bon ? Pourquoi mettre autant de temps à laisser le joueur se téléporter vers les points de sauvegarde qu’il a déjà visité, alors que cette faculté aurait pu être offerte d’emblée ?

Et puis il me faut revenir sur le scénario, qui a force de se vouloir cryptique et profond finit par devenir involontairement parodique et par ne rien raconter du tout. Tout d’abord, si quelqu’un a compris quoi que ce soit à l’intrigue, aux motivations des différents protagonistes, à ce qu’ils cherchent à accomplir au-delà du vague poncif de la conquête du monde et à leurs histoires personnelles : félicitations. Sincèrement. Personnellement, j’avais déjà lâché l’affaire bien des heures avant une cinématique de fin à laquelle je n’ai – et j’ai quelque honte à l’avouer – strictement rien compris d’un bout à l’autre.

À force de délivrer des interprétations contraires et des explications ésotériques via des dialogues qui se veulent profonds mais le sont à peu près autant que les discussion météorologiques des petites vieilles en bas de l’escalier, le titre donne parfois la cruelle impression d’être en train de participer à un sketch des Inconnus de type Ça te barbera. C’est presque un exercice de style dans l’art de ne strictement rien dire avec des airs pénétrés et de grands effets dramatiques, tout en laissant au joueur le sentiment d’être un peu con pour avoir échoué à saisir les mille-et-une subtilités qui étaient cachées là, secrètement, en interprétant bien toutes les significations insoupçonnées de phrases comme « passe-moi le sel, Rosenkrantz » – car oui, autant balancer des noms tirés tout droit d’Hamlet, ça nourrira bien les prétentions intellectuelles de la chose. Excusez-moi, hein, je ne suis qu’un modeste écrivain bac+5, je n’ai sans doute pas les armes pour saisir tout le génie de l’histoire – mais je serais quand même curieux d’entendre les interprétations des passionnés qui seront parvenus à tirer quoi que ce soit de ce gloubiboulga.

Au-delà de ces quelques appréciations fatalement subjectives (aurez-vous saisi que l’intrigue du jeu n’a causé en moi qu’un profond ennui qui m’aura souvent poussé à lutter pour ne pas interrompre les cinématiques ?), le sentiment dominant reste celui d’un jeu avec énormément de qualités, mais qui pouvait difficilement espérer rencontrer le succès sous cette forme. « Profond » ne doit pas automatiquement signifier « inutilement complexe », « exigeant » n’est pas forcément le synonyme de « punitif », et « monde ouvert » gagnerait à ne pas se traduire par « allées-et-venues laborieuses entre des points de sauvegarde souvent placés à des kilomètres les uns des autres ».

C’est clairement un titre qui ne fait absolument rien pour mettre le néophyte à l’aise, et son scénario n’étant pas plus accessible que le reste du game design, on comprend tout à la fois qu’il ait été boudé par les masses et qu’il soit parvenu à fédérer une communauté restreinte qui apprécie son absence totale de compromis. C’est un logiciel qui peut agripper un certain type de public de la même manière qu’un Hearts of Iron agrippe un fan de stratégie de pointe : si ça « clique », c’est le coup de foudre. En revanche, il y a fort à parier que le joueur lambda venu avec l’aspiration de découvrir un titre plus conventionnel risque de déchanter lors des premiers pics de difficulté, tant il y a un véritable investissement à fournir pour espérer profiter de ce que l’expérience a à offrir. Avec le recul, c’était assez culotté de la part de Square d’espérer un succès international pour un OVNI aussi atypique, aussi difficile à aborder et aussi exigeant. Mais hé, quand on voit le succès de la série des Dark Souls, on se dit que sur ce coup, le studio japonais a peut-être eu un tout petit peu trop d’avance.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

À la fois célébré par la presse et boudé par les joueurs à sa sortie, Vagrant Story est un animal étrange, un improbable melting pot d'idées et d'influences qui en font aujourd'hui encore un des titres les plus difficiles à classer au sein de la production de Square Soft. Mélange d'action-RPG et de dungeon crawler saupoudré d'artisanat et de mécanismes originaux, le logiciel fascine par sa réalisation sublime autant qu'il intrigue par son scénario pour le moins confus, avant de placer le joueur face à un gameplay exigeant, un difficulté frustrante et un déroulement qui côtoie un peu trop le fastidieux à force de multiplier le backtracking, les allées-et-venues sans aucune direction claire et les errances sans jamais la plus minime manifestation d'un objectif. La qualité objective du système de jeu ne suffira pas nécessairement à captiver les joueurs laissés sur le carreau par une intrigue incompréhensible, une mise en scène minimaliste et une surabondance de combats basés sur le timing autant que sur l'équipement, mais il y a indéniablement un jeu très prenant qui peut se révéler derrière d'inutiles couches de lourdeurs et quelques maladresses. Un jeu de niche par excellence au bide commercial finalement assez logique mais qui mérite aujourd'hui de rencontrer le public auquel il se destine.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une difficulté qui ne pardonne pas
– Énormément d'allées-et-venues dans un univers labyrinthique où les points de sauvegarde sont souvent très éloignés les uns des autres...
– ...et où il est impossible de se téléporter avant la deuxième moitié du jeu
– Un système d'artisanat bien conçu mais inutilement pénalisé par un inventaire à la taille extrêmement restreinte...
– ...et des manipulations alourdies par des temps de chargement à rallonge à chaque accès à la carte mémoire
– Une surabondance de souterrains qui se ressemblent tous, avec très peu d'extérieurs
– Des combats qui reposent sur un timing extrêmement précis
– Un scénario qui, à force de se vouloir profond et cryptique, finit par ne rien raconter du tout

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Vagrant Story sur un écran cathodique :

Baldur’s Gate II : Shadows of Amn

Développeur : BioWare Corporation
Éditeur : Interplay Entertainment Corp. (Amérique du Nord, Europe) – SEGA Corporation (Japon)
Titres alternatifs : Baldur’s Gate II : Schatten von Amn (Allemagne), Bode zhi Men 2 : Anmu de Yinying (Chine), Baldur’s Gate II : Cienie Amn (Pologne)
Testé sur : PC (Windows 9x) & Macintosh
Disponible sur : Windows
L’extension du jeu : Baldur’s Gate II : Throne of Bhaal
Présent au sein des compilations :

  • Baldur’s Gate II : Shadows of Amn + Throne of Bhaal (2002 – Linux, Macintosh, Windows)
  • Black Isle Compilation Part Two (2004 – Windows)
  • Baldur’s Gate : Inclus 4 Jeux (2006 – Windows)
  • Ultimate Dungeons & Dragons (2006 – Windows)
  • Dungeons & Dragons : Anthology – The Master Collection (2011 – Windows)

Le remaster du jeu : Baldur’s Gate II : Enhanced Edition (2013 – Android, iPad, iPhone, Linux, MacOS X, Windows)

La série Baldur’s Gate (jusqu’à 2000) :

  1. Baldur’s Gate (1998)
  2. Baldur’s Gate II : Shadows of Amn (2000)

Version PC (Windows 9x) & Macintosh

Date de sortie : Version PC :
24 septembre 2000 (Amérique du Nord) – 29 septembre 2000 (Italie, Royaume-Uni) – 24 octobre 2000 (Allemagne) – 3 novembre 2000 (France)
Version Macintosh :
Octobre 2001 (Amérique du Nord) – 6 novembre 2001 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 6 (via câble null-modem, internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais, polonais, portugais, suédois
Supports : CD-ROM, DVD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée française testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel Pentium II – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : DirectX : 7.0 – VRAM : 4Mo – Résolutions : 640×480, 800×600 – Couleurs : 16, 24 ou 32 bits
Configuration sonore : DirectSound3D, Dolby Surround, EAX

Version Macintosh :
Processeur : PowerPC 7xx/Power PC G3 – OS : MacOS 8.6 – RAM : 128Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configuration graphique : Résolutions : 640×480, 800×600 – Couleurs : 16, 24 ou 32 bits

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On a forcément une certaine pression sur les épaules, quand on est le fils du messie.

D’accord, on pourrait m’opposer que les termes employés sont un peu forts, mais je les maintiens : Baldur’s Gate, comme on l’a vu, aura été le miracle qui sera parvenu à ranimer le RPG occidental, alors plus que moribond, à la fin des années 90. Pratiquement du jour au lendemain, Donjons & Dragons était redevenu pertinent, et voilà que l’Infinity Engine qui avait offert une nouvelle jeunesse au genre donnait soudain vie à des Icewind Dale ou à des Planescape Torment.

Comme un symbole, l’année 2000 est également celle qui aura vu débarquer un certain Diablo II, rappelant qu’il existait un public qui était tout sauf « de niche » pour prendre plaisir avec des mécanismes de progression et de développement de personnage dès l’instant où on savait comment les utiliser. Bref, tout à coup, le jeu de rôle était à nouveau en pleine forme, et il commençait même à donner des idées aux autres genres – avant, comme trop souvent, de trébucher sous l’effet des projets mal menés cherchant à suivre le sens du vent (hello Pool of Radiance : Ruins of Myth Drannor) et de retourner à sa léthargie cyclique en attendant le réveil sous l’impulsion de la prochaine sensation (au hasard : The Elder Scrolls IV : Oblivion). Toujours est-il qu’alors que rien ne le laissait espérer deux ans plus tôt, le jeu de rôle aura quitté le XXe siècle en fanfare et par la grande porte, avec un titre qui demeure aujourd’hui encore un véritable jalon en la matière : Baldur’s Gate II : Shadows of Amn. Un pic, un modèle, une consécration… et peut-être la fin d’un modèle qu’il était finalement assez difficile de surpasser avant que Baldur’s Gate III ne vienne passer un nécessaire coup de chiffon vingt ans plus tard. Mais justement, le simple fait que ce coup de chiffon ait pris deux décennies dit déjà beaucoup de chose sur le monument que représente toujours Baldur’s Gate II.

Suivant la grande tradition occidentale du jeu de rôle, le titre prend place à la suite de la conclusion du premier épisode – quelques mois à peine plus tard, pour être précis. Votre groupe d’aventuriers, qui a manifestement pris la peine de poursuivre le chemin ensemble au terme de ses aventures au sein de la Côte des Épées, n’aura visiblement pas eu le loisir de jouir très longtemps de son statut flatteur pour aller se faire inviter dans les soirées fastueuses : l’aventure commence dans une cage, alors que vous êtes tombé dans une embuscade et qu’un individu de toute évidence très puissant semble manifester un intérêt particulier pour votre personne et pour les longues séances de torture qu’il vous impose.

Tandis qu’un mystérieux groupe vient attaquer le complexe où vous êtes retenu prisonnier, vous offrant l’opportunité de regagner votre liberté, de très nombreuses questions ne vont pas tarder à se bousculer : qui est cet homme qui s’en est pris à vous ? Que cherchait-il à accomplir ? Pourquoi aura-t-il également accordé une attention particulière à Imoen ? Les assassins qui sont venus le défier étaient-ils des alliés ou des ennemis ? Beaucoup de réponses qui vont hélas devoir attendre, car tandis que vous regagnez la surface pour vous découvrir à Athkatla, capitale de la région d’Amn, l’intervention de sorciers appelés les « mages cagoulés » vous apprend que l’usage de la magie sans autorisation est interdit en ville, ce qui conduit à la fois votre tortionnaire et Imoen à être emmenés dans un lieu secret en guise de sanction. Désormais lâché dans un lieu inconnu avec quelques uns de vos compagnons, il va être temps de mener l’enquête à votre façon pour retrouver votre amie… ou votre ennemi, ou les deux, en fonction de vos choix et de votre tempérament.

Très bon point de départ donc, avec un adversaire dont on ne sait rien mais qu’on a déjà toutes les raisons de retrouver, ne fut-ce que pour lui demander des explications – et pour laver l’honneur de vous être fait humilier comme des bleus par un homme seul… mais l’est-il vraiment ? Il est bien évidemment possible – et même conseillé – d’importer son personnage de Baldur’s Gate, mais un nouveau héros pourra également profiter des nouvelles races et nouvelles classes (les amateurs de corps-à-corps apprécieront ainsi sans doute l’ajout des demi-orques, qui peuvent d’entrée monter leur force à 19).

Dans les deux cas, une nouveauté intéressante sera accessible : les classes spécialisées. Imaginons par exemple que vous ayez un guerrier : que diriez-vous d’en faire un tueur de magicien, dont chaque attaque sur un lanceur de sorts augmente les chances d’échec de lancer de ce dernier, ou bien encore un kensai, spécialiste du combat à deux armes dont le TACO baisse d’un point tous les trois niveaux ? Évidemment, chaque avantage est contrebalancé par un inconvénient (le kensai, par exemple, ne peut porter aucune armure), mais le fait de bénéficier de ce type de spécificités pour chaque classe du jeu permet de pousser encore un peu plus loin la personnalisation. On notera d’ailleurs que les magiciens pourront à présent invoquer un familier (seul le personnage contrôlé par le joueur a cette capacité), et chaque classe de personnage pourra avoir accès, à un stade de l’aventure, à un domaine personnel qui pourra lui rapporter or et quêtes additionnelles. Tout un programme.

Quoi qu’il en soit, l’interface n’a pratiquement pas changé, mais cela n’empêche pas le jeu d’avoir connu quelques optimisations salutaires. Le pathfinding, par exemple, a fait des progrès considérables – bien aidé par le fait que les personnages puissent désormais se « pousser » les uns les autres – et se battre dans un couloir n’a plus rien à voir avec le cauchemar que cela pouvait représenter dans Baldur’s Gate. Les projectiles peuvent désormais être empilés par groupe de quarante plutôt que de vingt, il est enfin possible d’acheter les objets par « lots » plutôt qu’un par un, et de nombreux réceptacles dédiés au stockage – bourses pour ranger les pierres précieuses, étuis pour ranger les parchemins, etc. – rendent la gestion de l’inventaire bien plus confortable.

Un forgeron a également fait son apparition pour vous permettre de créer des objets magiques particulièrement puissants, à condition de lui amener les éléments nécessaires – de quoi donner une très bonne raison de fouiller en-dessous de la moindre pierre. La réalisation, pour sa part, a connu un gain sensible dans la qualité – et le niveau de détail – de la modélisation des environnements, et pas uniquement parce qu’il est désormais possible d’augmenter la résolution en 800×600, voire au-delà au prix de quelques bugs d’affichage. Il suffit de poser les yeux sur la moindre fontaine ou le plus petit bâtiment d’Athkatla pour réaliser que la région bénéficie d’un style architectural propre qui côtoie souvent le magnifique, et on aura également l’occasion de se régaler en découvrant le royaume des Sahuagins, les cavernes des Tréfonds Obscurs où les forêts de la région, tout en bénéficiant cette fois d’une reconnaissance des cartes 3D qui permet au jeu d’afficher des effets de transparence et de sortilèges bien plus convaincants qu’auparavant. Bref, même si les joueurs d’alors se montraient parfois dédaigneux vis-à-vis d’une 2D qui n’avait plus la cote, le bilan avec vingt-cinq ans de recul est que la réalisation a nettement mieux vieilli que celle de la plupart des jeux en 3D de la période. On prend réellement plaisir à visiter chaque rue de chaque écran, et ça, ça n’a pas de prix.

Ceci dit, le fait de placer tout le début de l’aventure (soit facilement une vingtaine d’heures) en grande majorité dans les divers quartiers de la gigantesque ville d’Athkatla (dont la taille n’a rien à envier à celle de la Porte de Baldur) introduit aussi une différence de taille dans la philosophie du jeu. Là où Baldur’s Gate vous laissait explorer les dizaines de zones qui constituaient la Côte des Épées à votre goût et à votre rythme, sa suite opte pour un déroulement un peu plus linéaire, et souvent rendu plus dirigiste par vos fameux compagnons – au point, parfois, de donner le sentiment de vous mener à la baguette sans vous laisser le temps de souffler.

Rien ne valant un bon exemple, partons d’une situation standard : votre groupe va avoir besoin de beaucoup d’argent pour une raison que je vous laisse découvrir, et le premier lieu pour trouver des quêtes sera La Couronne de Cuivre, une auberge des bas-quartiers. Entre autre personnalités fleuries, vous aurez notamment l’occasion d’y rencontrer Nalia, une voleuse/magicienne qui vous demandera de l’aide pour libérer le château de sa famille, apparemment envahi par des trolls (ce qui fait du jeu, au passage, une des premières adaptations de Donjons & Dragons où il est enfin possible – et même obligatoire – de brûler les trolls avec du feu ou de l’acide pour les vaincre). Pas bégueule, vous acceptez (avec probablement des dizaines d’autres quêtes dans la musette), et vous vous dirigez vers les portes de la ville pour pouvoir vous mettre en route vers le château en question. Mais patatras ! Voilà qu’en chemin, vous tombez sur un homme en train de se faire agresser. Vous le sauvez (vous n’avez pas trop le choix, ses agresseurs n’étant pas décidés à vous laisser passer sans rien dire), et vous vous retrouvez alors avec un blessé sur les bras, qu’il faut emmener d’urgence au siège des Ménestrels.

Bon, cela devient votre nouvelle priorité (sans quoi il meurt), vous changez donc de route pour vous diriger vers les quais, où se situe le siège en question. Tant qu’à faire, vous en profitez pour explorer un peu la ville, et faites un détour par l’auberge pour vous refaire une santé après le combat… Ah mais pas de bol, là vous croisez un esclavagiste qui reconnaît Jaheira et décide de lui lancer une malédiction, diminuant ses caractéristiques, et vous obligeant à vous pencher d’urgence sur la question ! Bon, mais il vous reste encore le blessé à déposer chez les Ménestrels… et avec tous vos détours, Nalia s’impatiente et finit par quitter le groupe pour vous attendre devant le château familial, et vous voilà avec un groupe incomplet et un personnage maudit alors que vous n’êtes encore qu’au tout début de l’aventure et que la moindre rencontre dans les rues mal famées d’Athkatla peut signer votre perte ! Pas vraiment le meilleur moyen de découvrir tranquillement la région…

L’ennui, c’est que tous vos compagnons tendent à fonctionner exactement de cette façon le temps que vos résolviez leur quête personnelle, ce qui fait qu’on passe facilement les cinq ou six premières heures du jeu à courir dans tous les sens juste pour réussir à maintenir son groupe uni !

Cette avance à marche forcée est d’autant plus désagréable qu’on passe énormément de temps en ville et qu’on finit par avoir vraiment envie de changer d’air, mais on visite finalement assez peu la nature à l’échelle du jeu, et à force d’enchaîner les donjons et les souterrains obscurs, on sature parfois de l’ambiance relativement claustrophobe du jeu qui tranche dramatiquement avec les grandes balades au soleil du premier épisode. La continuité vous force elle aussi un peu la main – il est ainsi dommage que le jeu semble considérer que vous avez fait équipe avec Khalid et Jaheira – ou avec Imoen, d’ailleurs – dans le premier opus, même quand cela n’a pas été le cas. Tant qu’à faire, le niveau de difficulté a encore monté d’un cran, et le programme n’a plus aucun tabou pour vous faire affronter des dragons ou de puissantes liches quitte à vous proposer de faire face à une créature immunisée aux armes en-dessous de +4 à un stade de l’aventure où il vous est pratiquement impossible d’en détenir une seule !

Autant dire que les joueurs n’étant pas très à l’aise avec Donjons & Dragons vont devoir consacrer un paquet de temps à bien considérer les possibilités de chaque sortilège, car la plupart des lanceurs de sorts adverses sont bardés de boucliers magiques et de sorts de protection qui exigent des parades précises pour avoir une chance de les dissiper, et vous allez également pouvoir juger de l’efficacité de vos propres défenses face aux cochonneries que sont les flagelleurs mentaux ou les ombres des roches, qui peuvent facilement vous faire perdre le contrôle de vos personnages – ou les retourner contre vous – pendant de longues minutes. Oh, et vous allez également apprendre à détester les vampires, qui nécessiteront de trouver leur cercueil après les avoir vaincus pour pouvoir en venir définitivement à bout. Bref, préparez-vous à cogiter et à optimiser tout votre petite coterie, car vous n’irez pas loin en vous contentant de laisser tout le monde attaquer automatiquement en regardant ce qui se passe.

Ces quelques contraintes pourront assommer les néophytes – qui auront vraiment tout à gagner à commencer par le premier épisode – mais il faut reconnaître que l’aventure est une nouvelle fois particulièrement addictive. Même si l’écriture du jeu n’atteint pas la qualité de celle de Planescape Torment (mais qui y sera jamais parvenu ?) et que les choix laissés au joueur sont souvent assez cosmétiques, on appréciera de pouvoir choisir de véritables embranchements au sein de l’aventure, et dès l’instant où l’on apprécie Donjons & Dragons, on est face à un véritable rêve éveillé qui n’a été surpassé dans le domaine… que par Baldur’s Gate III.

Là où le système de jeu de Donjons & Dragons tend d’ordinaire à montrer ses limites à ce niveau de puissance – les classes de corps-à-corps, par exemple, ne progressant plus guère au-delà du niveau 10 – l’inclusion des classes spécialisés et des nombreux nouveaux sortilèges aide à garder les affrontements pertinents, et le scénario étant véritablement intéressant à suivre, les heures succèdent aux heures au point de découvrir régulièrement qu’on a passé beaucoup plus de temps sur le jeu que ce qu’on avait initialement prévu d’y consacrer. Baldur’s Gate II reste un jeu de rôle à l’ancienne, demandant un certain degré d’investissement et de connaissances des règles pour réellement prendre du plaisir, mais une fois qu’on commence à prendre ses marques, cela reste un des meilleurs représentants du genre – et son aura encore intacte un quart de siècle après sa sortie en reste le meilleur témoignage. Pour faire simple ? Si vous avez apprécié Baldur’s Gate, ne vous posez même pas de question et lancez Baldur’s Gate II –  assurez-vous juste d’avoir du temps devant vous. Beaucoup de temps.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 19/20

La mission de Baldur's Gate II : Shadows of Amn était à la fois très simple et particulièrement complexe : reprendre tout ce qui avait fait la force de Baldur's Gate, et en tirer quelque chose d'encore meilleur. L'équipe de BioWare y est parvenu en corrigeant par petites touches (presque) toutes les lourdeurs du premier opus et en déplaçant l'action dans un univers plus complexe, plus sombre et plus mature où tout parvient à devenir encore un peu plus intéressant. L'Amn présente un cadre superbe magnifié par une 2D qui a excellemment vieilli et le système de Donjons & Dragons a habilement été mis à jour pour se hisser au niveau des enjeux, chaque combat plus dantesque que le précédent, chaque quête mieux écrite, dans une histoire où l'on a pour une fois de vraies raisons de s'intéresser aux motivations de notre adversaire. En dépit d'un contenu parfois trop touffu qui fait l'erreur de tirer le joueur dans tous les sens à la fois, l'aventure sera restée comme une des plus marquantes du genre jusqu'à la sortie de sa suite, vingt ans plus tard. Mieux qu'un monument : un jalon.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des compagnons qui tendent à imposer leur rythme au début de l'aventure, soit au moment précis où on aimerait pouvoir découvrir le jeu tranquillement
– Une composante exploration en net retrait comparé au premier épisode
– Des combats qui commencent à devenir difficilement accessibles pour tous ceux qui ne sont pas des spécialistes de Donjons & Dragons

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Baldur’s Gate II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Je sais ce que vont dire les mauvaises langues : graphisme un peu désuet, goût de déjà vu, Baldur’s Gate II n’innove pas assez… Certes, mais essayez-le, pour voir. Moi, j’y suis entré comme dans du beurre, tout pareil que dans le premier, et je crois bien que je vais être obligé de le finir (désolé pour ceux de la rédaction qui voulaient la version) pour dormir en paix. […] Pour moi, c’est le meilleur jeu de rôle sur PC. »

Stéphane Prince, Génération 4 n°138, octobre 2000, 5/6

Développeur : BioWare Corporation
Éditeur : Interplay Entertainment Corp. (Windows) – MacPlay (Macintosh)
Titres alternatifs : Baldur’s Gate II : Der Thron des Bhaal (Allemagne), 博德之门2 : 巴尔的王座 (Chine), Baldur’s Gate II : Tron Bhaala (Pologne)
Testé sur : PC (Windows 9x) & Macintosh
Date de sortie : 22 juin 2001 (PC) – Décembre 2003 (Macintosh)
Disponible sur : Linux, MacOS X, Windows

Les joueurs venus à bout de Baldur’s Gate II auront rapidement eu l’occasion de remarquer que le titre se terminait sur une fin ouverte qui tendait à annoncer que les choses n’étaient pas encore tout à fait terminées pour votre personnage et ses compagnons. L’hypothèse n’aura mis que quelques mois à se confirmer : comme son nom l’indique, Throne of Bhaal entend bien terminer le récit de l’enfant de Bhaal une bonne fois pour toute, en le confrontant au reste de la progéniture du Seigneur du Meurtre et en le plaçant face au choix d’assumer ou non son héritage pour devenir un dieu… ou juste une légende.

Ce qui signifie donc qu’on ne se trouve pas ici face à une extension de contenu se déroulant en même temps que l’aventure principale, comme l’avait été Tales of the Sword Coast, mais bel et bien face à la suite et à la fin de Shadows of Amn – et de tout le diptyque initié par le premier opus par la même occasion. L’occasion de reprendre notre fine équipe surentraînée exactement là où on l’avait laissée et de la propulser dans une sorte de sanctuaire privé qui fera office de camp de base et de hub vers le reste du jeu, lequel sera centré autour de la ville de Saradush et du siège qu’est en train d’y mener une puissante armée menée par un autre enfant de Bhaal, ainsi qu’autour d’une jeune femme nommé Mélissanne qui servira de fil conducteur pendant l’essentiel de l’aventure. De quoi rempiler pour facilement une dizaine d’heures, d’autant que l’extension présente également un donjon nommé la tour de garde et remplissant un peu le même objectif que la tour de Durlag dans Tales of the Sword Coast : une zone totalement facultative riche en combats et en énigmes pouvant mener à un combat final particulièrement exigeant – et fournir quantité de matériel magique, cela va de soi.

La mauvaise nouvelle, on s’en doute, c’est que l’opposition va désormais être particulièrement relevée : votre statut d’enfant de Bhaal ne va pas vous attirer beaucoup d’amis, surtout pendant que vos frères et sœurs sont littéralement en train de mettre la région à feu et à sang pour se disputer le trône.

La bonne nouvelle, c’est que votre groupe commence à pouvoir faire face à virtuellement n’importe quoi, d’autant qu’il est désormais possible d’atteindre le niveau 40 – un statut quasi-divin dans Donjons & Dragons, ce qui tombe bien puisque c’est précisément l’enjeu ici. Si cela ne changera pas grand chose pour les classes au corps-à-corps, qui pourront néanmoins bénéficier de nouvelles aptitudes à débloquer à chaque niveau – comme toutes les autres classes, une nouveauté de cette extension – les magiciens pourront se régaler avec des sorts de niveau neuf qui commencent à vraiment tout nettoyer du sol au plafond dans plusieurs dimensions à la fois ! Une nouvelle classe de lanceur de sorts, l’Entropiste, est d’ailleurs disponible – car oui, il est également possible de commencer l’extension avec un personnage de niveau adapté plutôt que d’avoir à refaire tout le jeu de base, de quoi éviter de courroucer les joueurs ayant effacé leurs sauvegardes entretemps.

Absolument tout ce qui faisait la force de Baldur’s Gate II est conservé, optimisé, amélioré, avec un rythme nettement mieux maîtrisé : on passe beaucoup moins de temps à réaliser des allées-et-venues pour faire quinze quêtes à la fois, et le fait d’avoir un camp de base qui concentre quelques uns des services essentiels – à commencer par un diablotin qui fera office de forgeron en vous laissant l’opportunité de façonner des équipements proprement exceptionnels – permet d’aller plus vite à l’essentiel, d’autant qu’on peut s’y téléporter à chaque instant et revenir là où on était auparavant sans avoir à retraverser toute la région à chaque fois.

Il sera également possible de convoquer tous vos compagnons passés (sauf ceux qui sont morts), et même quelques ennemis, afin de vous faire le groupe de vos rêves, ce qui ne sera pas de trop pour faire face à quelques affrontements dantesques – mais vu la puissance que vous pouvez atteindre, cette fois, vous n’aurez aucune excuse ! L’histoire, bien qu’assez prévisible, se laisse suivre avec plaisir, et on est vraiment heureux de pouvoir découvrir de nouvelles zones aux commandes d’une coterie qui a tout ce qui lui faut pour se faire respecter quoi qu’on lui lance au visage, fut-ce toute une armée ennemie. Une sorte de fin en apothéose qui permet de boucler tous les arcs qui le nécessitaient et d’emmener enfin notre héros à la conclusion satisfaisante de son aventure. Autant dire une extension indispensable pour tous ceux qui ont apprécié l’aventure de base, ce qui tombe bien car elle est désormais vendue par défaut avec Baldur’s Gate II. Que du bonheur.

NOTE FINALE : 18/20

Vouée à clore une fois pour toutes l’aventure initiée depuis Baldur’s Gate, Throne of Bhaal est une extension merveilleusement efficace qui parvient à corriger les ultimes faiblesses de Baldur’s Gate II pour offrir un récit intense et bien rythmé riche en combats légendaires et en décisions lourdes de sens. C’est, à tous les niveaux, une forme de fan service à destination des inconditionnels du titre original, car l’aventure en elle-même est sans doute un peu trop courte, un peu trop prévisible et un peu trop écrasée par la puissance du groupe du joueur pour constituer un prolongement incontournable, mais pour tous ceux qui ont suivi avec passion les aventures de leur personnage depuis son départ de Chateau-Suif, c’est tout simplement une conclusion indispensable.

Cool Boarders Pocket

Développeur : UEP Systems, Inc.
Éditeur : SNK Corporation
Titre alternatif : クールボーダーズ ポケット (graphie japonaise)
Testé sur : Neo Geo Pocket Color

La série Coolboarders (jusqu’à 2000) :

  1. Coolboarders (1996)
  2. Coolboarders 2 (1997)
  3. Coolboarders 3 (1998)
  4. Coolboarders 4 (1999)
  5. Snow Surfers (1999)
  6. Cool Boarders Pocket (2000)
  7. Coolboarders 2001 (2000)

Version Neo Geo Pocket Color

Date de sortie : 24 février 2000 (Japon) – 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On tend facilement à l’oublier, mais la légendaire lutte des constructeurs qui se sera tenue à la fin du siècle (et du millénaire) dernier n’aura pas opposé que Sony, Nintendo, SEGA et bientôt Microsoft. Un autre concurrent se démenait, encore porté par l’aura exceptionnelle qui nimbait une machine pourtant vieille de deux générations : SNK et sa Neo Geo. Il faut dire que la houleuse question de la transition vers la 3D aura pour le moins été mal négociée par la société japonaise, et qu’il y a de fortes chances que personne ne se souvienne de la très éphémère Hyper Neo Geo 64, obsolète dès sa sortie et n’ayant reçu le soutien d’aucun éditeur tiers, qui succédait elle-même à une Neo Geo CD qui n’avait pas exactement déplacé les foules face à la génération 32 bits.

Qu’on se le dise : en 2000, la nouvelle console de SNK s’intitulait Neo Geo Pocket Color… et succédait, là encore, à une version noir et blanc s’étant farouchement rétamée à son lancement, maladroitement placé, il est vrai, une semaine après celui d’une certaine Game Boy Color. On ne va pas se mentir : la version couleur n’aura pas exactement marqué les esprits, elle non plus, concassée entre le géant Nintendo et la timide émergence de la WonderSwan Color au Japon, mais cela n’aura pas empêché quelques développeurs – et pas des moindres, si l’on se rappelle que la machine aura même hébergé une aventure de Sonic the Hedgehog – de venir tâter la température afin de juger si la petite console avait ou non un avenir. Cette question aura, hélas pour SNK, été assez vite tranchée, mais cela n’aura pas empêché UEP Systems de prendre le temps de venir proposer un épisode de sa série phare avec Cool Boarders Pocket – épisode qui sera d’ailleurs l’un des derniers, la licence, alors passée entre les mains d’Idol Minds pour ses versions de salon, n’étant plus exactement au sommet de sa forme face à une concurrence qui se sentait pousser des ailes. Un double adieu, donc, pour le studio japonais – qui signait également là son dernier jeu… et le moins qu’on puisse dire, c’est que les histoires d’amour finissent mal, en général.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore la série des Coolboarders, autant vous renvoyer directement aux tests de tous les épisodes directement sur le site, mais on résumera simplement en disant qu’il s’agit d’une des pionnières dans le genre des jeux de sport dits « extrêmes », permettant non seulement de chausser les crampons d’un snowboard mais aussi et surtout de réaliser des tricks – et d’en faire un axe important de son gameplay – trois ans avant que la saga des Tony Hawk’s Skateboarding n’ait opportunément une idée similaire avec une planche de skate.

On pouvait donc s’attendre à la retranscription d’un concept similaire sur la petite console portable… sauf qu’avec seulement deux boutons et des capacités techniques correspondant à celles d’une console 8 bits, on se doutait également qu’il allait falloir trancher dans le vif pour ne garder de l’expérience que sa substantifique moelle. De fait, vous pouvez d’ores et déjà oublier les tricks : Cool Boarders Pocket se limite désormais à de la pure descente, et celle-ci étant à présent proposée dans une simple vue isométrique en 2D, la seule manière de la pimenter un peu aura été d’en faire une sorte de parcours d’obstacles où votre snowboardeur (ou snowboardeuse, le choix étant offert au lancement de la partie) devra éviter les ours, loups, rochers, promeneurs et autres gouffres béants pour espérer atteindre l’arrivée en un seul morceau – vingt courses, d’une durée moyenne d’une minute trente, au total. À ceux qui trouveraient cela un peu léger, un mode « Survival » permet également de dévaler une pente virtuellement illimitée, le but étant de tenir le plus longtemps (ou, pour être précis, d’aller le plus loin) possible. Voilà donc pour tout le contenu de la cartouche : deux modes de jeu, tous solo, aucun tournoi, pas de concurrents, pas de tricks. Au moins une pile permettra-t-elle de conserver les temps, mais on sent quand même qu’on est face à un programme dont on qualifiera poliment l’ambition de « mesurée ».

Reste donc le jeu en lui-même : une pente, votre surfeur en haut à droite, un défilement forcé (il n’y a aucun moyen de contrôler la vitesse de votre personnage), un bouton pour sauter et des cochonneries à éviter pour éviter de vider votre réserve de vie avant d’être parvenu jusqu’à la ligne d’arrivée. Sur le papier, cela a le mérite d’être simple – au point qu’on puisse en venir à se poser la question « comment rater une approche aussi basique ? » Oh, de bien des manières, à coups sûr, mais UEP Systems aura choisi la plus frontale : en se plantant lamentablement sur l’équilibrage.

Comment saboter un jeu reposant quasi-intégralement sur l’anticipation et les réflexes ? Eh bien en le faisant aller trop vite : quand la fenêtre de jeu consiste en un écran de moins de sept centimètres de diagonales, quelle meilleure approche que de ne laisser au joueur qu’une fenêtre d’action n’excédant jamais ô grand jamais le dixième de seconde ? Conséquence : soit vous êtes un jedi, et vous devriez passer un bon (mais court) moment sur Cool Boarders Pocket. Soit vous êtes un vrai être humain vivant dans un vrai monde qui existe pour de vrai, auquel cas votre seul recours sera la mémoire – ou à la rigueur de jouer sous cocaïne, ce que je vous déconseille – car il n’existe de toute façon aucune option pour impacter la vitesse ou la difficulté. Le premier parcours sera d’ailleurs à ce titre un très bon galop d’essai : stupidement dix fois plus difficile que la descente numéro 2, il sera un bon moyen de juger de votre résistance nerveuse en mesurant à quelle distance de la fenêtre du quatorzième étage aura atterri votre console portable au terme de trente essais infructueux qui se seront systématiquement terminés par une énième gamelle contre un sapin ou un skieur ou au fond d’un gouffre, et le tout pour aboutir à chaque fois à un écran de game over en moins d’une minute. Ah ça, y’a pas à dire, si vous aimez justement occuper vos week-ends à clouer vos testicules sur la table basse, vous allez passer un super moment ! En revanche, si vous n’êtes pas un masochiste patenté, il y a de fortes chances que vous regrettiez qu’UEP Systems ait fermé ses portes avant que vous n’ayez eu l’opportunité de leur écrire une lettre remplie de termes forts pour bien leur faire mesurer l’étendue de votre désarroi.

Disons les choses crûment : si toute la ludothèque de la Neo Geo Pocket Color avait ressemblé à ce Cool Boarders Pocket, non seulement la console n’aurait probablement pas survécu plus de deux semaines, mais la fin de sa commercialisation aurait provoqué des manifestations de joie spontanée dans les rues des villes de toute la planète.

Le plus navrant, c’est surtout d’échouer à trouver un quelconque axe de rédemption à un jeu dont on se demande encore par quel miracle il a pu nécessiter une équipe de développement de plus de vingt personnes ; résumons : contenu minable, jouabilité ratée (le personnage ne saute que lorsqu’on lâche le bouton après avoir préparé l’impulsion, quelle superbe idée quand on a littéralement 0,1 seconde pour prendre sa décision et agir !), équilibrage boiteux, aucune option de configuration, réalisation quelconque – ah, y’a pas à dire, ils ont fait fort ! Alors si par miracle votre conception du fun englobe le fait d’apprendre chaque parcours par cœur pour pouvoir les enchaîner à la perfection, je veux bien concevoir qu’il y ait un tout petit peu de temps à consacrer à un titre qui, même en offrant une expérience moins frustrante, n’aurait objectivement pas eu de quoi mobiliser plus de dix minutes de votre attention. En l’état, mon conseil est plutôt de rendre un dernier hommage à SNK et à UEP Systems en oubliant que ce jeu existe. Croyez-moi, tout le monde s’en portera mieux.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 08/20

Comment retranscrire les tricks, le fun et la technicité de la série Coolboarders sur une console portable comme la Neo Geo Pocket Color ? Avec Cool Boarders Pocket, UEP nous livre la réponse : mal. Désormais transformé en simple parcours d'obstacles à grande vitesse, le jeu nous rappelle à quel point proposer un titre reposant sur l'anticipation éclair sur un écran de moins de sept centimètres est, dès le départ, un mauvais concept. Condamné à se rétamer trente fois par minute faute d'avoir des réflexes surhumains ou une mémoire d'éléphant, on finit fatalement par trouver le temps long, et le verdict est implacable : on ne s'est jamais amusé. Avec une énorme dose de patience, on peut trouver à la cartouche un certain charme dans la catégorie bien ciblée des parties de moins de deux minutes, mais soyons clair : si vous n'êtes pas un masochiste assumé, le mieux est certainement d'en rester éloigné définitivement.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Une fenêtre de jeu qui interdit toute forme d'anticipation, dans un jeu où c'est pour ainsi dire la clef du gameplay
– Aucune variété d'un parcours à l'autre
– Trop peu de contenu
– Aucune option de configuration

Bonus – Ce à quoi ressemble Cool Boarders Pocket sur l’écran d’une Neo Geo Pocket Color :

Final Fantasy IX

Développeur : Square Co., Ltd.
Éditeur : Square Co., Ltd. (Japon) – Square Electronic Arts L.L.C. (Amérique du Nord) – Square Europe, Ltd. (Europe)
Titres alternatifs : Finalnaja Fantazija 9 (Russie), Zuizhong Huanxiang 9 (Chine)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation Now, PSP, PS Vita, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox One, Xbox Series
En vente sur : Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Steam.com (Windows), Square-Enix Boutique (Windows), Xbox.com (Windows, Xbox One, Xbox Series)

La saga Final Fantasy (jusqu’à 2000) :

  1. Final Fantasy (1987)
  2. Final Fantasy II (1988)
  3. Final Fantasy III (1990)
  4. Final Fantasy IV (1991)
  5. Mystic Quest Legend (1992)
  6. Final Fantasy V (1992)
  7. Final Fantasy VI (1994)
  8. Final Fantasy VII (1997)
  9. Final Fantasy Tactics (1997)
  10. Final Fantasy VIII (1999)
  11. Final Fantasy IX (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 7 juillet 2000 (Japon) – 14 novembre 2000 (Amérique du Nord) – 16 février 2001 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (pendant les combats uniquement)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : DualShock, Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

L’arrivée de la – déjà longue – série des Final Fantasy sur la génération 32 bits n’aura pas seulement correspondu à la fin de la collaboration, jusqu’ici immaculée, qui liait la licence et Square à Nintendo ; elle aura correspondu à un spectaculaire changement de statut. Pratiquement du jour au lendemain, la saga dont à peine une poignée d’épisodes avait atteint les États-Unis – et aucun l’Europe – se sera tout-à-coup transformée à la fois en succès planétaire et en fer-de-lance de l’intérêt nouveau que les occidentaux semblaient soudain porter au genre du J-RPG, auquel ils avaient jusque là été hermétiques.

En fait, l’ascension de la popularité de la série aura été si rapide que quelques années à peine après la sortie de Final Fantasy VII – le déclencheur du succès planétaire – on commençait déjà à trouver des vieux briscards un peu partout sur le globe pour se lamenter d’avoir vu la licence « s’égarer » de s’être éloignée de ses racines avec un Final Fantasy VIII qui démarrait en bluette pour adolescents avant de finir en récit de science-fiction à rebondissements tout en remettant dangereusement en cause certains des fondamentaux du système de combat.

Une ouverture au grand public à qui l’on reproche d’avoir ratissé un peu trop large, et d’avoir au final mécontenté tout le monde : un grand classique en la matière, mais qui n’en enfanta pas moins une réflexion de la part des développeurs pour se demander si un bon vieux retour aux sources ne pourrait pas avoir quelque chose de salutaire, histoire de rassembler tout le monde autour de ce qui avait fait la force de la série dès ses débuts : un monde plus magique, une intrigue plus simple, un groupe revenant aux classes originales, et juste les bonnes idées aux bons endroits pour réenchanter le tout. La pression était d’autant plus colossale que Final Fantasy IX s’annonçait comme le dernier chapitre de la génération qui avait propulsé la saga à un autre niveau, un ultime adieu avant ce qui devrait être un nouveau départ sur PlayStation 2, une sorte de jalon qui devrait à la fois réconcilier tout le monde et marquer durablement les esprits. Pari gagné : le titre est encore régulièrement cité aujourd’hui, près de vingt-cinq ans après sa sortie, comme un des opus préférés des joueurs.

Tout commence comme un rêve… ou plutôt par un rêve. Un frêle esquif ballotté sur des flots déchaînés, une tempête qui fait rage, à peine le temps d’apercevoir le visage d’enfant d’une petite fille, et l’instant d’après, retour au réel : Alexandrie, ville médiévale majestueuse dans le palais de laquelle se trouve l’enfant entraperçue et devenue la princesse Grenat, désormais âgée de seize ans.

Au-dessus des rues grouillantes d’animation – un grand événement est sur le point de prendre place – plane une improbable machine volante digne de Miyazaki ; à son bord se trouve un groupe de voleurs dont la mission est placée d’emblée : enlever la princesse. Au niveau du sol, un (très) jeune magicien noir vient découvrir la ville à l’occasion du grand événement en question : une pièce de théâtre intitulée « Je veux être ton oisillon », pour laquelle il a obtenu un billet… qui se révèle être faux. Plus loin, dans les loges royales, alors que la princesse ne semble guère avoir la tête aux festivités, le chef de la garde veille : jusqu’au bout, il sera prêt à donner sa vie pour respecter sa mission et protéger la famille royale. Tous les éléments sont en place pour une pièce en trois actes qui, on s’en doute, va largement déborder ce cadre initial et signer le départ d’une aventure longue d’une trentaine d’heures en ligne droite, au sein de laquelle ne tardera pas à émerger un antagoniste appelé Kuja au milieu d’un univers empruntant beaucoup de choses aux précédents opus (en particulier le premier, le IV et le V) dans une sorte de grande citation… à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage ?

Quoi qu’il en soit, le jeu prend le parti de nous faire incarner successivement les principaux personnages jouables un à un, le temps de placer l’intrigue, de découvrir le cadre et de matérialiser les enjeux. Un très bon moyen d’installer l’univers et de découvrir le véritable héros, un jeune garçon avec une queue de singe nommé San Gok…errr, Djidane, et si ce nom vous évoque étrangement un coup de boule dans le plexus en finale de coupe du monde, dites-vous bien que ça n’aurait été que plus vrai avec son nom japonais : Zidane… Engagé dans rien de moins qu’un kidnapping royal au début de l’aventure, on ne met néanmoins pas très longtemps à réaliser que la tonalité générale est plutôt légère, pour ne pas dire enfantine, à l’image des personnages affichant régulièrement des traits poupins et des corps infantiles.

Même si l’histoire va rapidement aborder des thématiques assez sérieuses, la guerre et la mort en tête, il ne faut pas s’attendre ici à de la Dark Fantasy à la Final Fantasy Tactics ; Final Fantasy IX s’assume comme un royaume de conte de fées où les passages les plus sombres ne véhiculent rien de plus traumatisant qu’une certaine mélancolie. Sans être bêtement idyllique, l’univers du jeu ne se départit pratiquement jamais d’un élément qui concourt indéniablement à son charme : le merveilleux, parfaitement retranscrit pour l’occasion par une réalisation qui a excellemment vieilli dès l’instant où on n’est pas choqué par les gros pixels. Dès les premières secondes, le récit croule, comme son prédécesseur, sous les cinématiques de haute volée – qui reviendront très régulièrement au fil des quatre CD du jeu – et dévoile ses rues, ses forêts, ses marécages et ses donjons via des centaines sinon des milliers d’écrans représentant autant d’illustrations absolument sublimes. À Alexandrie comme à Lindblum, on se surprend à faire du tourisme pour apprécier le plus infime détail d’un monde qui a rarement été aussi tangible et aussi chargé de magie ; le monde du jeu est un endroit dont l’on se dit parfois bêtement que l’on aimerait bien rester y vivre tant, même dans ses moments les plus tragiques, il dégage souvent cette sensation d’être chaleureux et accueillant. Et comment ne pas évoquer les sublimes thèmes musicaux de Nobuo Uematsu, qui nous prennent aux tripes dès les premiers instants et nous transportent si loin qu’on en oublie parfois de revenir ? Final Fantasy IX est superbe, mais en dépit de son cadre de conte de fées a priori assez générique, il parvient surtout à dégager une personnalité que peuvent lui envier bien des épisodes plus tardifs ayant cherché à être originaux – et ayant misérablement échoué.

Le système de jeu a également le bon goût de ne pas reproduire la plupart des errances de Final Fantasy VIII, qui à force de tenter trop de choses avait fini par se rater sur une partie de son game design. Ici, on est finalement très proche des mécanismes de Final Fantasy VII (il y a même un équivalent des Limit Break, appelé « Transe », qui permet ici de débloquer des attaques plus puissantes pendant un temps donné ), avec une nuance assez bien vue : toutes les compétences, actives comme passives, s’apprennent désormais… via l’équipement. Armes, armures, accessoires ; chaque objet ouvre ici l’accès à une panoplie de talents qu’un personnage pourra apprendre définitivement après avoir gagné un certain nombre de points de compétences gagnés via les combats, exactement comme les points d’expérience, et qu’il pourra ensuite choisir d’activer ou de désactiver à sa convenance en respectant un plafond de points attribuables qui ira en augmentant au fil de ses montées de niveau.

Un système très malin qui fait qu’un équipement n’est jamais totalement « obsolète » tant qu’il peut encore enseigner quelque chose à quelqu’un, et qui permet également d’adapter assez facilement son équipe aux spécificités d’un combat particulièrement ardu : cette attaque « toxique » qui vous avait fait tant de dégâts sera certainement moins problématique en activant la compétence qui immunise aux dégâts de poison, et mieux vaudra prendre le temps de ne pas laisser passer les pièces d’équipement les plus rares pour ne pas laisser filer les magies et les Chimères (les invocations du jeu) les plus puissantes. Les combats en eux-mêmes reprennent exactement les mécanismes devenus canoniques de la série, avec la jauge ATB, les effets d’état et l’importance des éléments (on peut détruire un mort-vivant en le soignant), avec toujours la même efficacité, et c’est tant mieux ; à ce niveau-là, le tir a été très bien corrigé. On hérite même d’une variation du Tetra Master, le jeu de cartes du précédent opus, pour obtenir une sorte de « jeu dans le jeu » sans que cela ait une quelconque influence sur le reste.

Devant cette avalanche de louanges, on ne peut que se demander si on ne tiendrait pas un des meilleurs J-RPG de tous les temps – et on n’en est de fait sans doute pas loin, ne fut-ce que grâce à la qualité et à l’ambition de la réalisation évoquée plus haut, au service de mécanismes certes classiques, mais parfaitement satisfaisants sous cette forme. Un tableau idyllique qui n’en comporte pas moins quelques zones un peu plus polémiques, à commencer par un scénario qui met énormément de temps à décoller… pour aboutir à un dernier acte confus où, à force de retournements et d’explications verbeuses et pas franchement limpides, on finit par ne plus trop comprendre les motivations profondes des « méchants » en-dehors de l’éternel rengaine du « Kuja = vraiment vilain même si quelque part il a une douleur secrète ».

Surtout, ce scénario en mèche longue tend à entretenir un problème plus profond sans doute lié en grande partie à la débauche technique étalée par le titre : son rythme. Pour dire les choses simplement, Final Fantasy IX est un jeu lent, à tous les niveaux. Dans son histoire, comme on l’a vu, mais aussi dans sa simple structure : à force d’aligner de longues phases de visite/exploration à parcourir des dizaines d’écrans peuplés de personnages très bavards ayant très rarement quelque chose de réellement intéressant à dire et de les alterner avec de longues phases de successions de combats, le logiciel côtoie par séquences le fastidieux, au hasard lors des débuts des premier et troisième CD où on a parfois le sentiment que certains passages s’éternisent pour pas grand chose. Un sentiment encore renforcé par l’ajout d’ « Active Time Events », des saynètes (heureusement optionnelles) qui cassent encore davantage le rythme en ne racontant jamais rien de très passionnant, elles non plus, ou par le temps infini que mettent les combats à démarrer en tentant de camoufler les temps de chargement derrière une mise en scène forcée. À force de mettre des petites animations partout, on finit par s’agacer de voir un Mog mettre deux secondes à faire une pirouette avant de nous laisser sauvegarder, et on regrettera qu’il soit toujours impossible d’interrompre une cinématique, surtout lorsque celle-ci intervient avant un combat difficile et que cela fait par conséquent quinze fois qu’on la voit – une erreur de game design qui aurait dû être corrigée deux épisodes plus tôt, et qui ne le serait pas avant Final Fantasy XII.

Si le programme déborde une nouvelle fois de chasses aux trésors, d’emplacements secrets à trouver grâce à des chocobos qu’il faudra encore faire progresser et de quêtes secondaires, le « end game » n’en demeure pas moins un peu décevant, faute de missions vraiment marquantes ouvrant l’accès à des équipements vraiment puissants – pas de matéria des Chevaliers de la Table Ronde ici, pas davantage que d’Armes Ultimes encore plus puissantes que le boss final à aller affronter – les boss secrets restent relativement rares, et le plus intéressant d’entre eux est carrément caché dans le dernier donjon.

On peut également perdre bêtement l’accès à beaucoup des meilleurs sortilèges du jeu simplement pour n’avoir pas été prévenu qu’une partie du matériel ne serait plus accessible au-delà de la fin du troisième CD – pensez donc à bien mener toutes vos explorations avant d’aborder le CD quatre. Autant de petites anicroches qui empêchent au logiciel de pouvoir clore de façon irrévocable le débat visant à établir l’identité du meilleur opus de la saga, qui divise encore les fans avides de sang occupés à se battre en rangs serrés entre partisans de Final Fantasy VI, de Final Fantasy VII, de Final Fantasy IX et de Final Fantasy X – ce qui est assez révélateur de l’impact de la série dans ce qui restera comme sa période la plus faste. Loin de ces querelles de clochers, reste un jeu parfois imparfait mais qui n’en est pas moins superbe, habité d’une atmosphère qui fait mouche, de cette magie que l’on a de plus en plus de mal à retrouver de nos jours dans les yeux des joueurs blasés ; un voyage tantôt poétique, tantôt mélancolique vers un monde trop vite abandonné derrière nous et auquel on se surprend à revenir, « barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé » pour citer Francis Scott Fitzgerald. C’est surement cela, au fond, la nostalgie.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20

Succès planétaire, conclusion de la trilogie 32 bits qui restera pour beaucoup comme le point culminant de la série, épisode opérant le grand écart entre le retour aux sources et une ambition délirante servie par des moyens démesurés – il y aurait beaucoup de choses à dire sur Final Fantasy IX, mais ce qu'il en reste un quart de siècle plus tard tient avant tout en un mot : magie. Il y a quelque chose d'à la fois beau, de léger et parfois d'étrangement mélancolique qui se dégage du titre de Square, et pas uniquement à cause de ses nombreuses passerelles avec les épisodes précédents et de la musique (sublime) de Nobuo Uematsu ; la direction artistique dans son ensemble distille un merveilleux qui fait mouche en dépeignant un univers dont chaque écran est une véritable oeuvre d'art, au point de véhiculer cent fois plus de choses qu'un scénario qui ne trouve jamais réellement son rythme de croisière. Le jeu est habité de la lenteur des adieux, de cette respiration propre aux grandes épopées qui se fixent dans les mémoires, et sans être forcément le meilleur opus d'une saga où les chefs d’œuvre sont légion, il est peut-être, avec Final Fantasy X, celui qui se « vit » le plus. Un voyage qu'on peut refaire à plusieurs étapes de sa vie en y redécouvrant quelque chose de neuf à chaque fois. Magistral.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un rythme global assez lent qui tranche avec les productions modernes...
– ...avec notamment de grosses baisses de rythme au début du premier et du troisième CD...
– ...et des cinématiques impossibles à passer, même quand on les a déjà vues cent fois
– Un scénario trop classique au départ, et qui semble ne plus trop savoir quoi raconter sur la fin

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Final Fantasy IX sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Difficile d’émettre une quelconque critique envers ce neuvième volet qui s’impose sans aucun doute comme le plus abouti de la série. Une expérience magique dont il serait vraiment dommage de se priver. »

Romendil, Jeuxvideo.com, 8 février 2001, 18/20

Coolboarders 2001

Développeur : Idol Minds, LLC
Éditeurs : Sony Computer Entertainment America Inc. (Amérique du Nord)
Titre alternatif : Cool Boarders 2001 (graphie alternative)
Testé sur : PlayStation
Disponible sur : PlayStation 2

La série Coolboarders (jusqu’à 2000) :

  1. Coolboarders (1996)
  2. Coolboarders 2 (1997)
  3. Coolboarders 3 (1998)
  4. Coolboarders 4 (1999)
  5. Snow Surfers (1999)
  6. Cool Boarders Pocket (2000)
  7. Coolboarders 2001 (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 24 octobre 2000 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le drame du statut de pionnier, c’est ce point de bascule où l’on passe du stade du précurseur, annonceur d’un avenir qui chante, à celui de vestige du passé. Être une force motrice qui ouvre la voie en inspirant les autres, c’est une chose, mais il arrive fatalement que les générations lancées à la poursuite du maître en viennent à le dépasser et à lui ravir son héritage pour l’emmener encore un peu plus loin – ce qu’on appelle un passage de témoin, c’est la base.

Seulement voilà : dans le jeu vidéo, tout va très, très vite, et il peut arriver qu’un éclaireur soit invité à débarrasser le plancher parce qu’on est déjà en train de construire une autoroute sur la piste qu’il n’avait même pas fini de suivre – la série des Coolboarders étant un exemple assez parlant de cet état de fait. En effet, quatre ans à peine après avoir inauguré le genre des jeux de sports « extrême » en mélangeant intelligemment course, glisse et un système de tricks dont personne n’avait jamais rien eu l’idée de faire depuis celui, très embryonnaire, de 720°, la série débutée par UEP Systems (partis entretemps développer Snow Surfers sur Dreamcast) commençait à être un peu… disons, prise en tenaille. Dans le domaine des jeux de glisse, des MTV Sports : Snowboarding ou des 1080° Snowboarding étaient déjà en train de la dépasser en riant, et pour ce qui est des tricks, comment ne pas mentionner l’arrivée en fanfare d’un certain Tony Hawk’s Skateboarding qui sera instantanément devenu le nouveau modèle du genre ? L’avenir de la licence, encore rieur deux ans plus tôt, commençait déjà à sentir furieusement le sapin ; comme un aveu, Coolboarders 2001 n’aura d’ailleurs été commercialisé qu’en Amérique du Nord, là où son prédécesseur avait encore eu le droit à une sortie internationale en Europe et au Japon. Il faut dire aussi que le propre éditeur de la série, Electronic Arts, avait sans doute d’autres plans puisqu’à peine deux jours après cet épisode appelé à rester le dernier, l’éditeur allait justement mettre en vente un concurrent plus que redoutable : SSX sur PlayStation 2. Sic transit gloria mundi, comme aurait dit le roi Loth, sauf que ma phrase à moi veut bel et bien dire quelque chose.

Loin de ces peu réjouissantes perspectives d’avenir, Coolboarders 2001 aura en tous cas eu pour première mission de chercher à corriger certains des errements récurrents observés dans les épisodes précédents. Spoiler alert : il n’y sera que partiellement parvenu, notamment parce qu’il aura décidé d’assumer jusqu’au bout la philosophie plaçant les tricks au cœur de l’expérience : les fans de vitesse peuvent tout de suite prendre leur snowboard à leur cou, s’ils n’ont pas envie d’aligner les 360° ou les double saltos à chaque saut, ils devront se contenter du menu minimal : un seul parcours dans chacune des trois différentes catégories d’épreuves.

« Gates » correspond à ce qui ressemble le plus à une course ordinaire : un parcours vous opposant à deux concurrents et où il faut emprunter des portes de slalom tout en descendant le plus vite possible, les portes bleues devant être franchies en effectuant un trick pour être comptées comme valides. « Checkpoint » reprend les mêmes tracés, mais le joueur concourt cette fois seul, et l’objectif est de remporter un maximum de points en effectuant des tricks tout en respectant la limite de temps entre chaque point de passage. Enfin, le pipe permet de faire un maximum de figures en se concentrant cette fois exclusivement sur le score – même si le temps reste limité. Autant dire que ce contenu extrêmement limité au lancement est le plus gros point noir du jeu, et que pour bien profiter des réelles nouveautés que nous n’avons pas encore abordées, mieux vaudra souscrire à son mode principal : un mode « Carrière » par ailleurs assez bien fichu.

Ici, l’idée est de se créer un avatar, de customiser son sexe, son apparence et sa planche (laquelle n’a aucun effet sur sa jouabilité), et de remplir différents objectifs dans les types d’épreuves susmentionnés afin de débloquer l’accès à des « challenges », lesquels déboucheront autant sur de nouvelles épreuves que sur une amélioration de certaines des caractéristiques de votre snowboardeur. La plupart de ces objectifs demandent d’arriver en tête, de réaliser un certain nombre de points, ou d’accomplir certaines « séquences » : des tricks à réaliser à des endroits bien particulier et généralement très spectaculaires, comme au-dessus d’un ravin où en partant en glissade sur certaines structures particulièrement risquées.

Il pourra donc une nouvelle fois être intéressant de bien connaître le tracé de pistes suffisamment ouvertes pour vous laisser une vraie marche de manœuvre afin de bien savoir quand tenter ses meilleurs mouvement, d’autant que la difficulté ne met pas très longtemps à monter en flèche pour qui ne maîtrisera pas l’essentiel des tricks. Fort heureusement, le mode « Trickmaster », qui va justement vous présenter les tricks en question et vous demander de les réaliser un à un, est intégré dans le mode « Carrière » (tout comme d’autres modes additionnels) et vous donnera une excellente occasion de vous faire la main, d’autant que certains enchaînements peuvent se révéler particulièrement délicats à sortir – généralement par manque de temps avant la réception. Car pour le reste, il faut souligner l’accessibilité idéale de la jouabilité : le personnage se contrôle très aisément, il répond au doigt et à l’œil, et il ne faut qu’une poignée de tentatives pour parvenir à sortir sans heurts les tricks les plus simples, avec lesquels on peut déjà obtenir beaucoup de points. Bref, quitte à vous imposer les tricks avec le couteau sous la gorge, le titre a la bonne idée de les rendre simples à exécuter, et il est assez facile de boucler un parcours sans avoir fini le nez dans la poudreuse dès l’instant où on parvient à tempérer ses ardeurs et à ne pas céder à la tentation de transformer un 720° réussi en 1080° raté.

Histoire de capitaliser encore un peu sur ce système de tricks, le jeu intègre une nouveauté autrement plus intéressante que son fichu système de combat, toujours aussi nul, et fort heureusement toujours désactivable : les dix authentiques snowboardeurs figurant au roster du jeu, incluant des noms comme Travis Parker, Barrett Christy ou Todd Richards, ne sont pas là que pour la frime ni pour fournir du contenu en plus à débloquer : chacun d’entre eux est fourni avec un mouvement « signature » qui lui est propre et dont la méthode d’exécution vous est gracieusement fournie dans le menu principal, et qui peut surtout rapporter énormément de points en parvenant à le sortir (et oui, rassurez-vous, ces mouvements seront également accessibles à votre avatar en mode « Carrière »).

Le tout est très jouable, s’aborde très facilement (c’est sans conteste le titre le plus accessible de la licence), et pour ne rien gâcher le moteur graphique est ici au sommet de sa forme, avec des riders dont la modélisation commence à s’approcher de ce qu’on voyait en parallèle sur la génération suivante et des décors détaillés avec une distance d’affichage très correcte. Au rang des regrets, en dépit des courses de nuit avec de magnifiques éclairages colorés, l’esthétique manque encore de variété, et surtout pourquoi avoir supprimé le multijoueur à quatre ? Fort heureusement, on peut toujours jouer à deux, mais ce n’était peut-être pas le moment de se priver d’une des meilleures options du jeu…

Quoi qu’il en soit, si on peut comprendre que la presse de l’époque n’ait pas eu envie de couvrir de fleurs un épisode qui aura pris trop peu de risques (et qui débarquait au moment précis où tout le monde n’avait d’yeux que pour la génération suivante – et pour SSX), il faut bien reconnaître, une fois la tête froide et les passions retombées, que cet opus n’en est pas moins le meilleur de la série, et également la porte d’entrée la plus adaptée pour les débutants.

Certes, il faudra, comme pour les deux précédentes itérations, obligatoirement souscrire aux tricks – c’est littéralement la clef de tout le gameplay du jeu – mais une fois l’idée acceptée, on passe réellement un bon moment sur un logiciel exigeant pour de bonnes raisons sans jamais être bêtement injuste. On ne va pas se mentir : les joueurs commençant à saturer d’aligner les Coolboarders et espérant quelque chose d’un peu différent n’y trouveront clairement pas leur compte ; on est là devant le perfectionnement d’une formule éprouvée et absolument pas face à une table rase pour repartir sur des bases neuves. Mais cela n’empêchera pas ceux qui savent pertinemment ce qu’ils viennent chercher de le trouver sous une forme plus maîtrisée que jamais, et de rempiler avec grand plaisir – ne fut-ce que pour faire des adieux définitifs à une série qui aura connu une trajectoire à la James Dean, montée trop haut pour s’éteindre trop vite.

Vidéo – Course libre : Gates 1 :

NOTE FINALE : 16,5/20

Dès le début, Coolboarders 2001 partait perdant : face à une concurrence de plus en plus décomplexée, dans un genre désormais phagocyté par les Tony Hawk's Skateboarding et sur une génération en fin de vie, le titre d'Idol Minds n'aura abordé aucune révolution, pas la moindre prise de risque, pour au final ne délivrer qu'une copie retouchée des précédents épisodes. Jamais surprenante, l'expérience n'en est pas moins un des plus accessibles et une des plus complètes de la série, avec un mode carrière bien pensé et une réalisation irréprochable, mais le tout manque encore un chouïa de variété et se réserve une nouvelle fois aux amateurs de tricks, seul moyen d'accéder à 90% du contenu du jeu. Un mauvais logiciel ? Clairement pas, et sans doute la meilleure porte d'entrée dans la saga pionnière du genre, mais pour les joueurs ayant déjà écumé plusieurs des opus antérieurs et commençant à attendre quelque chose d'un peu plus neuf il est clair que la formule, même perfectionnée, arrive en bout de course. Une sortie trop propre pour un épisode trop sage.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Plus de possibilité de jouer à quatre
– Un mécanisme de combat toujours sans intérêt
– Des décors plus variés que dans Coolboarders 4, mais manquant encore de folie
– Un contenu totalement verrouillé par la maîtrise des tricks...
– ...laquelle prendra un peu de temps, car les objectifs sont élevés et loin d'être faciles à atteindre

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Coolboarders 2001 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Le dernier jeu de snowboard de 989 Studios États-Unis a pour principale qualité de gommer les défauts de Cool Boarders 4 (sic). Mais surtout, il ajoute à la série la dose de challenge qui manquait depuis le troisième volet. Le gameplay reste identique, même si une plus grande souplesse est à noter. Le mode « carrière » constitue le véritable intérêt du jeu, grâce à ses défis aussi nombreux que variés. Cool Boarder 2001 (sic) place la barre encore un peu plus haut dans le secteur des jeux de snowboard. »

Karim Benmeziane, Gamekult.com, 2 novembre 2000, 7/10

« Cool Boarders 2001 (sic) est un jeu médiocre de plus et, par séquences, une plaie. Néanmoins, il a ses bons moments et pourra facilement vous occuper une heure ou deux. À la location, ce jeu a de quoi offrir une soirée de divertissement, mais à l’achat, il vaut peut-être une manette cassée et 50 balles foutues à la poubelle. »

Game Revolution, novembre 2000, 42/100 (traduit de l’anglais par mes soins)

Need for Speed : Porsche 2000

Développeur : Electronic Arts Canada
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre original : Need for Speed : Porsche Unleashed (Amérique du Nord)
Testé sur : PC (Windows 9x)PlayStation

La série Need for Speed (jusqu’à 2000) :

  1. Road & Track Presents : The Need for Speed (1994)
  2. Road & Track Presents : The Need for Speed – Special Edition (1996)
  3. Need for Speed II (1997)
  4. Need for Speed II : Special Edition (1997)
  5. Need for Speed III : Poursuite infernale (1998)
  6. Need for Speed : Conduite en état de liberté (1999)
  7. Need for Speed : Porsche 2000 (2000)

Version PC (Windows 9x)

Date de sortie : 22 mars 2000 (Amérique du Nord) – 24 mars 2000 (France) – 27 Mars 2000 (Allemagne) – 31 mars 2000 (Royaume-Uni)
Nombre de joueurs : 1 à 8 (par internet, modem ou réseau local)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, suédois
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joystick, joypad, souris, volant
Périphériques à retour de force supportés
Version testée : Version CD-ROM testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium MMX – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Configurations graphiques : API : Direct3D, Glide – DirectX : 7.0a – Résolutions : 640×480 à 1024×768
Liens utiles : Patch de compatibilité avec les systèmes modernes

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

À la fin du dernier millénaire, la série des Need for Speed était progressivement passée en quelques années du rang de « killer app de la 3DO » à un statut de véritable institution pour les joueurs PlayStation et PC, quelque part entre le rendez-vous annuel incontournable et le benchmark de luxe pour étrenner sa dernière carte accélératrice tout en goûtant l’efficacité d’une licence qui n’aura jamais fait l’erreur de basculer du côté de la simulation plutôt que de celui de l’accessibilité.

Du côté des joueurs, le cahier des charges pour chaque futur épisode était clair : davantage de la même chose, en plus beau, en plus long, en plus fun ; mais il faut bien reconnaître que la barre devenait de plus en plus difficile à relever pour les développeurs, qui sentaient confusément que le moment où la saga allait être accusée de tourner en rond sans l’embryon d’une idée neuve était voué à s’approcher – au hasard, à la seconde précise où la réalisation technique ne suffirait plus à combler toutes les attentes. Mine de rien, la prise de risque s’avérait d’autant plus délicate que les joueurs, quoi qu’ils en disent, n’aiment pas les surprises : on se souvient à quel point Need for Speed II sera longtemps resté comme le mouton noir de la licence pour avoir osé mettre entre parenthèses certaines des bonnes idées du premier opus – qui allaient, en réaction, devenir des acquis de la série. Alors quand Electronic Arts annonça un partenariat avec Porsche pour développer un jeu exclusivement centré sur la célèbre firme allemande, la question ne manqua pas d’émerger : Need for Speed : Porsche 2000 allait-il être l’épisode du renouveau, celui de la trahison, ou bien le parfait équilibre entre tout ce qui marchait déjà enrichi de quelques apports bien sentis ?

En dépit des très nombreuses avancées technologiques qui avaient déjà eu lieu depuis que Ridge Racer et Daytona USA avaient arrêté les bases de ce qu’allait être le genre de la course en 3D, la plus spectaculaire progression observée depuis le milieu des années 90 – et notamment depuis l’irruption d’un concurrent de taille nommé Gran Turismo – portait un autre nom : le contenu. L’ère des jeux de course articulés autour de trois circuits et d’une poignée de voitures était bien terminée, et les joueurs commençaient à nourrir des prétentions autrement plus ambitieuses au moment de dépenser leur argent durement gagné que de composer avec des courses simples et un mode « Time trial » à refaire en boucle.

Première constatation : Porsche 2000 s’ouvre avec un contenu un peu chiche – quatre circuits, une poignée de voitures – que l’éventail des options de configuration disponibles (mode miroir, mode inversé, présence ou non du trafic) aide certes à rendre un peu plus consistant mais qui nous révèle surtout que cette version PC aura cédé à une tendance déjà bien ancrée dans les itérations PlayStation de la saga : celle du contenu à débloquer. Pour ce faire, on pourra commencer par étrenner un mode « Pilote d’essai » qui fera en quelque sorte office d’entraînement scénarisé : pour gravir les échelons au sein des techniciens de la célèbre firme, il va falloir accomplir une série de défis de plus en plus relevés qui seront une excellente occasion de se familiariser avec la jouabilité du titre. Laquelle se veut d’ailleurs un peu plus réaliste que d’habitude, afin de mieux retranscrire les sensations des très nombreux véhicules – plus d’une soixantaine – que le joueur va être amené à pouvoir piloter au fil du jeu (nous y reviendrons). Quoi qu’il en soit, cette mise en bouche sera un très bon moyen de s’assurer d’être armé des réflexes essentiels pour pouvoir attaquer LE gros morceau du jeu : le mode « Évolution ».

Derrière ce nom pompeux se cache en fait un programme suffisamment ambitieux pour donner une raison d’être au partenariat avec Porsche : celui de couvrir plus de cinquante ans d’histoire de la firme, depuis les voitures de l’immédiat après-guerre jusqu’aux modèles les plus récents du siècle dernier (on parle d’un jeu paru en 2000, comme son nom l’indique). Rassurez-vous, l’idée ne sera pas de vous installer devant un tableau noir pour vous questionner sur les dates et la mécanique, mais bien de reprendre le format du mode carrière de Conduite en état de liberté tout en l’étalant sur trois périodes historiques données.

Le concept est simple : chaque « ère » de la firme est composée de cinq ou six championnats courts, composée de deux à trois course au début avant de proposer des formats un peu plus longs par la suite, et engageant généralement des gammes spécifiques de voitures, ce qui vous obligera à investir l’argent gagné sous formes de primes au terme de vos courses pour acheter et améliorer de nouveaux véhicules. L’élément central de votre activité sera en effet le garage qui contiendra votre collection sans cesse croissante de Porsche de toutes les époques, et où il vous sera possible de paramétrer les réglages de vos bolides, de les réparer après une course heurtée (car les dégâts sont gérés), mais aussi et surtout de les améliorer grâce à une large sélection de pièces détachées qui aideront à booster les performances de vos précieux engins. Chaque « ère » terminée débloquera trois nouveaux circuits dont une variation du seul parcours situé en ville, celui de Monte Carlo, qui offrira à lui seul pas moins de cinq tracés différents à terme. Ces circuits (étrangement tous situés en France, sauf deux portant des noms génériques allemands) deviendront ensuite accessibles dans tous les autres modes de jeu, dont le multijoueur.

Le menu semble copieux, et de fait il faudra bien compter cinq ou six heures de jeu avant d’avoir accès à l’essentiel du contenu du titre – et encore bien davantage pour espérer débloquer toutes les voitures. Du côté de ce qui fera immédiatement consensus : la réalisation. Quoi qu’on puisse penser de la 3D de l’an 2000, le fait est que Porsche 2000 en est un des représentants les plus aboutis, et qu’à peu près tout ce que pouvait afficher une carte accélératrice de la période est présent à l’écran, parfois avec de très bons résultats, notamment lors du circuit de Monte Carlo où les éclairages nocturnes conservent un cachet certain.

Les courses de rallye en extérieur semblent souvent plus vides au niveau des décors, mais elles ont l’avantage de proposer de nombreux chemins alternatifs et autres raccourcis qui font qu’il vaut mieux prendre le temps de considérer le tracé de la course pour avoir une idée de ce que pourra être le trajet idéal. Bien évidemment, les raccourcis les plus avantageux sont aussi les plus difficiles d’accès, et chercher à s’aventurer dans les petites ruelles ou au travers d’un sentier de forêt à fond les ballons demandera une maîtrise technique certaine pour ne pas finir encastré dans le décor et perdre au final bien davantage de temps qu’on en aura gagné – avec en plus la douloureuse des réparations à régler en fin de course. Mais dans l’ensemble, les trajets sont assez bien vus et recèlent juste ce qu’il faut de petits coups de poker à tenter dans les situations désespérées pour s’avérer particulièrement jouissifs en multijoueur.

Au rang de ce qui fera un peu moins plaisir, il est justement temps d’aborder un des plus grands manques dudit mode multijoueur, justement : les courses-poursuites. On peut comprendre que Porsche n’ait pas forcément eut envie de mettre ses voitures en scène comme celles de fugitifs pourchassés par les forces de l’ordre, mais il s’avère que l’un des modes iconiques de la série – particulièrement depuis Need for Speed III – est ici purement et simplement absent, ce qui est d’autant plus dommageable que c’était l’un des modes les plus prenants à plusieurs, et même en solo.

On se retrouve donc cantonné à la bonne vieille course plan-plan où les joueurs connaissant les tracés par cœur mettront une minute dans la vue aux néophytes, et c’est à prendre ou à laisser. On pourra également regretter que les premiers véhicules du jeu se traînent, dans un louable soucis de réalisme, ce qui fait que les premières courses donnent vraiment le sentiment de rouler au ralenti – pour un jeu de course, c’est quand même dommage, même si les choses s’améliorent rapidement et que la vitesse redevient tout à fait satisfaisante à partir du deuxième tiers de la campagne. Reste la question de la conduite qui se veut réaliste et qui échoue à l’être, sauf à croire que les véhicules de la célèbre marque souffriraient tous d’un grave problème de survirage aboutissant systématiquement à une perte de contrôle dès l’instant où le pilote ferait l’erreur d’assumer le réflexe naturel de contre-braquer, ce qui lui vaudrait alors systématiquement de partir en tête-à-queue quel que soit le modèle et sa vitesse. Un détail quelque peu énervant qui peut heureusement être corrigé à force de tâtonnements dans les réglages, mais sachant que la moindre collision peut facilement vous faire perdre une bonne quinzaine de secondes, autant dire qu’on s’agace parfois d’avoir le sentiment de contrôler des caisses à savon plutôt que des voitures de luxe.

Ces quelques écueils empêchent à mon sens Porsche 2000 de pouvoir s’affirmer sans discussion comme le meilleur épisode de la pentalogie originale – même s’il faudra de toute façon lui reconnaître a minima qu’il n’en est vraiment pas loin. On aurait pu apprécier de ne pas avoir à débloquer les circuits, ou au moins de démarrer avec une sélection un peu plus large, mais cela reste assez subjectif à une ère où le contenu à débloquer commençait à représenter une norme établie.

La réalisation a forcément pris un petit coup de vieux – la 3D a fait beaucoup de progrès en 25 ans, et la faiblesse des textures transformées en bouillie par l’omniprésent filtrage bilinéaire est sans doute un des aspects les plus reconnaissables de cette période. Néanmoins, le mode solo reste sans discussion l’un des plus solides des cinq premiers opus, et si le multijoueur est un peu moins satisfaisant, on se doute que ceux qui s’y essaieront aujourd’hui le feront principalement par nostalgie de cette ère du réseau local où s’éclater à huit demandait de se réunir dans une pièce, chacun avec sa tour, son écran et ses périphériques, pour passer des week-end dantesques au grand désespoir des familles. Tout n’est pas parfait, et la conduite est sans doute l’aspect qui fait le moins illusion aujourd’hui, mais on n’en hérite pas moins d’un des meilleurs jeux de course du XXe siècle à l’échelle du PC, un dans lequel on peut encore facilement engloutir plusieurs heures dès l’instant où l’on commence à se laisser happer.

Vidéo – Course : Monte Carlo 1 :

NOTE FINALE : 18,5/20

le cinquième épisode de la saga des Need for Speed surprend peut-être peu, mais il ne déçoit pas beaucoup non plus. Cette fois intégralement orienté autour de la célèbre marque allemande, Need for Speed : Porsche 2000 appuie sur les points forts habituels de la saga (réalisation de pointe, jouabilité accessible, multijoueur par internet ou en réseau local) tout en variant les modes de jeu et en épaississant le contenu : avec une soixantaine de véhicules customisables à piloter et quatorze courses à parcourir, sans oublier les options en pagaille (mode reverse, miroir, trafic...), il ne manque que les courses-poursuites avec la police pour offrir à la pentalogie originale son magnum opus. Certains diront que la durée de vie est artificiellement allongée par la nécessité de débloquer le contenu et que le multijoueur a pris du plomb dans l'aile – et ils n'auront pas nécessairement tort. Reste qu'en solo, c'est toujours aussi efficace, à condition d'accepter l'expérience dans son ensemble avec ses quelques lourdeurs. Parfait ? Non, toujours pas, mais on reste dans le sommet du panier de ce que le XXe siècle a pu offrir en la matière.



CE QUI A MAL VIEILLI :

– Seulement quatre circuits disponibles au départ, avec plusieurs heures de jeu à prévoir avant d'en débloquer de nouveaux
– Plus de courses-poursuites avec la police...
– ...ce qui pénalise hélas un multijoueur dont c'était l'attraction principale
– Une conduite un peu flottante qui réserve parfois de mauvaises surprises dans les virages

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Need for Speed : Porsche 2000 sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeurs : Eden Studios – Étranges Libellules S.A. – Equinox Digital Entertainment
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : 24 mars 2000 (Amérique du Nord) – 23 juin 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 – 1 à 4 (avec le PlayStation Multitap)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, italien, suédois
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, NeGcon
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 à 3 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Petit détail d’importance au moment d’aborder Porsche 2000 sur PlayStation : bien que portant le même nom et assumant exactement la même philosophie que l’épisode développé et publié simultanément sur PC, il ne s’agit pas d’un portage du même jeu.

En fait, et pour clarifier les choses, on pourrait dire qu’il s’agit globalement du même menu, avec les mêmes modes de jeu, mais que le cuisinier n’est pas le même – en l’occurrence, c’est l’équipe lyonnaise d’Eden Studios qui aura hérité du bébé, avec l’aide d’une autre équipe lyonnaise, celle d’Étranges Libellules. Face à la cuisine américaine, privilégiez la cuisine française ! Vous n’aurez d’ailleurs sans doute que peu de raisons de le regretter, car comme on va le voir, cette production franco-française s’est très bien débrouillée avec les ingrédients qu’on lui a confiés.

Première bonne surprise : les modes de jeu. Non seulement tout ce qui était disponible sur PC (mode « Évolution » et mode « Pilote d’essai » inclus) est toujours présent – à l’exception du multijoueur en réseau local, naturellement, même si on remarquera qu’on peut malgré tout jouer à quatre en écran splitté – mais en plus, cette version corrige même certains manques, puisque la poursuite signe son grand retour, accompagnée d’un mode « Fanion » (sorte de capture du drapeau) assez mal fichu en solo mais déjà plus ludique entre humains !

Mine de rien, le principal point faible de la version PC (la faiblesse du mode multijoueur) est ici compensé en beauté, même si on pourra regretter que le mode « Poursuite », justement soit aussi limité : la course se finit dès l’instant où la voiture de police touche celle des fugitifs. Le mode « Évolution » propose sensiblement les mêmes possibilités que sur PC, moins celle d’acheter des pièces pour customiser et améliorer nos petits bolides, mais on remarquera une latitude accentuée dans le choix de l’ordre des épreuves – et dans celui de leur difficulté. Les circuits sont complètements différents de ceux de la version PC (même si certains portent les mêmes noms), et s’ils sont dans l’ensemble bien conçus, ils font nettement moins la part belle aux raccourcis et aux routes alternatives que sur Windows (ce qui ne veut pas dire que ceux-ci n’existent pas).

En revanche, ils ressemblent cette fois enfin aux régions dont ils portent le nom (et ne sont plus limités à la France et à l’Allemagne, désormais, puisque l’Écosse, le Japon ou les États-Unis répondent présents), et même s’il s’agit toujours de versions de carte postale, ça fait quand même plaisir. Autre petit détail bien vu : la musique s’adapte cette fois à l’ère historique traitée, ce qui fait que la bande sonore évoluera depuis du rock des années 40 jusqu’à du hip-hop contemporain. En revanche, au rang des pertes, de nombreuses options de configuration ont sauté, ce qui signifie par exemple qu’il n’est plus question de rouler au milieu de la circulation ici alors qu’il s’agit normalement d’une des marques de fabrique de la série.

L’autre bonne surprise, c’est que les programmeurs et les artistes français sont parvenus à développer un moteur 3D qui peut revendiquer avec une certaine fierté d’être le meilleur de la saga sur PlayStation, et probablement un des tout meilleurs de la console toutes catégories confondues. Évidemment, c’est nettement moins fin que sur PC, les textures sont plus grossières et il y a un peu de clipping dans l’affichage du décor ; par contre, on évite également l’aspect « soupe de pixel » du filtrage bilinéaire, la distance d’affichage est excellente, et surtout, la sensation de vitesse est encore bien meilleure que sur PC !

Le jeu va vite dès les premiers modèles, cette fois, et c’est carrément décoiffant – j’irais même jusqu’à dire que ça va parfois trop vite – avec la dernière génération de voitures. Plus besoin de passer une heure à enchaîner des courses qui se trainent avant d’arriver dans le vif du sujet, et ça fait quand même une grosse différence. Je vous laisse observer les images : ça a vraiment de la gueule pour la période et la machine concernées, et si vous voulez voir à quelle vitesse ça bouge, de nombreux extraits de gameplay sont disponibles dans la vidéo de l’écran-titre à l’ouverture du test de cette version. En résumé : c’est beau, c’est jouable, le contenu est au moins aussi bon – et même parfois meilleur – que sur PC et le multi est un des meilleurs de la console en ce qui concerne les jeux de course. Dommage, en revanche, qu’il faille tirer un trait sur la circulation et que les modes de jeu additionnels soient aussi décevants. Les courses deviennent également réellement difficiles à bord des véhicules les plus rapides, multipliant les angles droits et les épingles à cheveux à des vitesses qui demandent des réflexes surhumains pour ne pas finir dans le décor. Bref, ce n’est pas encore parfait, mais cela reste un titre extrêmement solide qui peut composer une alternative tout à fait valable à la version PC du jeu – et j’avoue avoir un peu de mal à cerner pourquoi une partie de la presse s’était acharnée sur le titre à sa sortie en en faisant le mouton noir de la série jusqu’à critiquer son moteur graphique pour des raisons qui m’échappent. Vous savez quoi ? Dans le doute, essayez-le.

NOTE FINALE : 18,5/20

Need for Speed : Porsche 2000 sur PlayStation réussit à affirmer sa personnalité propre comparé à la version PC, et propose à la fois une réalisation et un contenu solides tout en ne visant pas toujours juste dans ses possibilités, notamment à cause de courses mal pensées pour les voitures les plus rapides et de modes « Poursuite » et « Fanion » qui auraient mérité un peu plus de réflexion. Cela reste néanmoins un des meilleurs jeux de course de la console, particulièrement à plusieurs.

Bionic Commando : Elite Forces

Développeur : Nintendo Software Technology Corporation
Éditeur : Nintendo Co., Ltd.
Testé sur : Game Boy Color
Disponible sur : 3DS

La série Bionic Commando (jusqu’à 2000) :

  1. Bionic Commandos (1987)
  2. Bionic Commando (NES) (1988)
  3. Bionic Commando (Game Boy) (1992)
  4. Bionic Commando : Elite Forces (2000)

Version Game Boy Color

Date de sortie : Janvier 2000 (Amérique du Nord, Australie)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Sur le papier, l’idée de donner une héritière à la Game Boy, écrasant succès de Nintendo n’ayant jamais réellement eu à souffrir de la concurrence de la Game Gear, de la Lynx, ni même de la WonderSwan ou encore de la Neo Geo Pocket, avait toutes les caractéristiques d’une décision facile. Dans les faits, à une époque où la Nintendo 64 ne fonctionnait pas très fort, largement abandonnée par les éditeurs tiers qui lui préféraient tous la PlayStation, et alors que Nintendo venait justement de connaître un des pires bides de son histoire avec… le Virtual Boy, qui se voulait précisément un successeur à la petite console portable, les choses n’étaient peut-être plus tout-à-fait aussi évidentes pour une firme japonaise qui venait de perdre sa position dominante à l’échelle mondiale en un temps record.

Lancer une Game Boy Color avec quelques couleurs en plus avait beau ressembler à une décision logique autant qu’évidente, restait encore à trouver le moyen d’embarquer des joueurs qui, pris au milieu de la frénésie des générations 32 et 64 bits, commençaient à revoir leurs exigences à la hausse, eux aussi. Dès lors, l’idée de déterrer de vieilles licences pour attirer le chaland avec ce qu’il connaissait déjà ressemblait à un mouvement pas (trop) risqué, ce qui explique peut-être que la licence Bionic Commando, qui gisait alors dans la glace depuis pas moins de huit ans, vit soudain apparaître un nouvel épisode que personne n’attendait baptisé Elite Forces. Une suite d’ailleurs peut-être plus risquée qu’elle n’en avait l’air, si l’on considère que l’épisode n’aura, contrairement à ses prédécesseurs, jamais atteint l’Europe…

Dans les faits, imaginez deux pays en guerre, un ancien membre des services secrets appelé Joe disparu, la menace d’un projet ancien nommé « Albatros » qui ressurgit avec derrière lui la menace de la fin de l’humanité tout entière… Oui, ça ressemble trait pour trait au scénario du premier opus, à tel point qu’on pourrait parler de remake plus que de suite ; cela a le mérite d’annoncer la couleur d’entrée de jeu : n’attendez aucune prise de risque, ni même quoi que ce soit de fondamentalement neuf.

Dans les fait, Elite Forces, c’est Bionic Commando qui fait du Bionic Commando en reprenant exactement la même structure semi-ouverte, les alternances entre séquences en vue de profil et séquences en vue de haut comme dans l’épisode NES, sensiblement les mêmes armes et les mêmes power-up, et même le déroulement consistant à détruire des réacteurs gardés par des boss n’a pas évolué d’un micron – pas plus, bien sûr, que l’indispensable bras biomécanique qui remplace une nouvelle fois le mécanisme de saut. Bref, on a ré-invoqué le même scénario, les mêmes mécanismes et les mêmes personnages, tout en « recadrant » un peu le tout (ne vous attendez pas à voir débarquer Hitler dans cette version), pour offrir ce que les joueurs attendaient a priori, à savoir : exactement la même chose. Ce qu’on appelle un cahier des charges de sécurité.

Une fois la console en mains, on constatera néanmoins l’apparition de certaines nouveautés, dont la plupart demeurent néanmoins essentiellement cosmétiques. Par exemple, il est possible d’incarner un homme ou une femme, ce qui ne change strictement rien sinon l’apparence de votre avatar, mais au moins cela a-t-il le mérite de mettre en valeur le soin apporté aux animations et la présence de ce qui devrait constituer l’attraction principale, à savoir la couleur elle-même.

Les décors se veulent variés, ce qu’ils parviennent à être en dépit de l’alternance entre les éternels environnements urbains/souterrains/de type « jungle » ; on appréciera d’ailleurs l’apparition de cadres « égyptiens » venant (enfin !) apporter un peu de renouvellement à l’univers du jeu. Dans l’ensemble, on regrettera quand même des sprites qui prennent énormément de place à l’écran, pénalisant un peu l’anticipation, et un cadre qui n’a décidément vraiment pas évolué depuis les deux premiers épisodes, au point d’en reprendre des passages entiers. Parmi les minimes idées neuves, notons ces séquences où vous pourrez atteindre des cibles lointaines à l’aide de votre fusil de snipers pour en retirer des bonus de soins en contrepartie ; un mécanisme qui n’apporte pas grand chose de neuf, qui casse un peu le rythme, et qui doit être utilisé moins de cinq fois dans toute la partie – autant dire que ceux qui espéraient des surprises risquent d’être les plus déçus de tous, tant le jeu n’en a vraiment aucune à offrir à un quelconque niveau.

Est-ce à dire qu’il en est devenu mauvais ? Certes non : la formule était efficace pour de bonnes raisons, et celles-ci n’ont pas changé. Comme toujours, la difficulté, qui devrait être le repoussoir absolu, est au contraire le principal intérêt du titre : la deuxième moitié de l’aventure (suffisamment longue pour justifier une pile de sauvegarde) nécessitera une maîtrise absolument parfaite de votre grappin, avec de nombreuses occasions de reprendre un niveau depuis le début en cas d’infime erreur.

Même si le titre est devenu un tout petit peu plus accessible (ou bien est-ce moi qui m’améliore ?) que ses prédécesseurs, il demeure largement assez exigeant pour vous demander de longues heures de pratique avant de venir à bout d’un boss final sans surprise, aussi convenu que le reste, et d’un ultime niveau empruntant d’ailleurs une large partie de sa structure à l’épisode paru sur Game Boy. Bref, c’est toujours aussi efficace, mais ça sent souvent le recyclage à un tel niveau qu’on ne sait plus toujours si on est vraiment en train de s’essayer à un nouveau jeu ou simplement en train de repiquer pour un « best of » des deux premiers opus… sans les meilleures séquences. Autant dire que ceux qui commenceraient à avoir leur compte avec le commando bionique ne changeront sans doute pas d’avis avec cet épisode, qui peut en revanche constituer une assez bonne porte d’entrée pour ceux qui auraient un peu peur à l’idée de se lancer sur les très exigeantes versions NES ou Game Boy. Dans tous les cas, il y a indéniablement de bons moments à passer sur un jeu qui demeure très efficace – dommage que la surprise ne joue plus et que la visite soit largement devenue guidée.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Bionic Commando : Elite Forces peut bien se parer du nom qu'il veut, à la vérité il ne s'agit pas de grand chose de plus que d'un remake de Bionic Commando premier du nom sur NES... avec aucune idée neuve au programme. Alors certes, la réalisation tire bien parti de la machine, le tout est un peu mieux équilibré et peut-être un poil mieux rythmé que ses prédécesseurs, mais entre l'absence total du moindre power-up ou mécanisme original, un déroulement qui commence à être très convenu à force d'être recyclé et un final en pétard mouillé faute de surprise, on a surtout l'impression d'avoir affaire à une version plus calibrée, plus sage et beaucoup plus prévisible d'un jeu qui avait largement fait ses preuves. Toujours sympathique, mais on comprendra que les joueurs ayant eu leur compte au terme des deux premiers opus n'aient pas forcément envie de repiquer pour une nouvelle fournée de la même chose.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des sprites qui prennent vraiment BEAUCOUP de place à l'écran – Des thèmes musicaux qui tendent à devenir répétitifs – Un niveau et un boss finaux décevants – Pratiquement rien qu'on n'ait déjà vu à l'identique dans un des épisodes précédents

Bonus – Ce à quoi ressemble Bionic Commando sur l’écran d’une Game Boy Color :

Die Hard Trilogy 2 : Viva Las Vegas

Développeur : n-Space, Inc.
Éditeur : Fox Interactive, Inc.
Titres alternatifs : Jungla de Cristal Trilogia 2 : Viva Las Vegas (Espagne), Duro de Matar Trilogia 2 : Viva Las Vegas (Brésil)
Testé sur : PlayStationPC (Windows 9x)

La licence Die Hard en jeu vidéo (jusqu’à 2000) :

  1. Die Hard (Activision) (1989)
  2. Die Hard (PC Engine) (1990)
  3. Die Hard (NES) (1991)
  4. Die Hard 2 : Die Harder (1992)
  5. Die Hard Arcade (1996)
  6. Die Hard Trilogy (1996)
  7. Die Hard Trilogy 2 : Viva Las Vegas (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 29 février 2000 (Amérique du Nord) – 31 mars 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : GunCon, Justifier, Hyper Blaster, joypad, PlayStation Mouse
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En termes de jeu à licence, comme on aura eu l’occasion de le voir, Die Hard Trilogy avait pris un peu tout le monde par surprise.

À presque tous les niveaux d’ailleurs : personne n’attendait plus une adaptation d’un quelconque volet de la trilogie – encore moins de la trilogie complète – en 1996, personne ne pensait qu’elle prendrait réellement la forme de trois jeux distincts réunis en un seul, et le plus important : pratiquement personne n’osait espérer qu’elle se révèle aussi efficace ni aussi amusante. Bref, c’était vraiment le diable hors de la boîte au bon moment, et l’événement avait un caractère d’autant plus unique que, par définition, il ne pourrait pas y avoir un deuxième Die Hard Trilogy avant très longtemps – pour une raison évidente : l’absence d’une deuxième trilogie de films à adapter (douze années allaient séparer Une journée en enfer de Retour en enfer, et aux yeux d’une bonne partie des fans, les épisodes suivant le troisième sont à peu près aussi clivants que le sont les derniers Indiana Jones ou les derniers Star Wars).

Du moins, ça c’était ce que disait la simple logique. Du côté des commerciaux de Fox Interactive, les choses se présentaient d’une façon un peu différente : Die Hard Trilogy avait rencontré un vrai succès critique et commercial, donc il aurait été stupide de laisser le filon se tarir. Pas de films à adapter ? Et alors ? La licence Die Hard, ça n’était jamais que Bruce Willis affrontant des terroristes dans des actionners bourrés d’explosions et de fusillades, donc ça ne devait vraiment pas être compliqué d’inventer un épisode de plus.

Ça ne fait toujours pas une trilogie ? Qu’importe : les trois gameplay, eux, seraient toujours présents à l’identique, et tant pis s’ils n’employaient à présent qu’un seul et unique moteur ; le joueur moyen ne verrait de toute façon probablement pas la différence. Et histoire de faire bonne mesure, Probe Entertainment ayant entretemps disparu de la circulation pour devenir Acclaim Studios, c’est le studio n-Space qui allait s’occuper du bébé : la suite que personne n’attendait alors… à aucun niveau. Taillé en pièces à sa sortie par une presse qui le voyait comme une tentative paresseuse et techniquement dépassée de capitaliser trop tard sur le succès du premier opus alors même que tous les regards étaient déjà tournés vers la nouvelle génération et les FPS de l’ère post Half-Life, Die Hard Trilogy 2 : Viva Las Vegas n’aura pas fait grand bruit et aura quelque peu sombré dans les limbes de l’histoire vidéoludique comme une sorte de souvenir un peu honteux que tout le monde aurait cherché à oublier.

Pourtant, pourquoi regretter la reprise d’une formule qui avait fait ses preuves ? Dès le lancement, Die Hard Trilogy 2 annonce la couleur, en reprenant très exactement les trois gameplay qui avaient fait la spécificité du premier épisode : Le TPS, le rail shooter et la conduite. C’est d’ailleurs de cette « trilogie » qu’il est réellement question, le jeu ne présentant qu’un seul et unique scénario qui peut désormais être découvert via le mode « Ciné » ; celui-ci représentant une aventure continue alternant les trois types de séquences tout en racontant l’histoire par le biais de scènes cinématiques.

On ne va pas se mentir : ce scénario expédiant John MacClane à Las Vegas pour y rejoindre son vieil ami Kenny Sinclair propulsé directeur de la prison de Mesa Grande n’est qu’un vague prétexte pour envoyer le dur-à-cuire d’une mission à l’autre à la recherche de terroristes bien évidemment russes sans la moindre forme de suspense ou de construction narrative. Si l’intrigue ne fascinera personne, elle a au moins le mérite de mettre à contribution Patrick Poivey, la voix française de Bruce Willis, pour offrir au héros le timbre et la répartie qui font sa popularité. Pour ceux qui ne verraient de toute façon pas grand intérêt à placer un (tout petit) peu de chair sur l’action, il est toujours possible de profiter des trois « jeux » séparément – certains niveaux ne sont d’ailleurs accessibles que de cette façon. Enfin, le mode « entrainement » porte bien son nom et vous permettra de vous faire la main sans craindre un trépas prématuré au bout de vingt secondes.

La partie TPS est, comme dans le premier opus, la plus variée et la plus intéressante. Elle offre d’ailleurs sensiblement les mêmes possibilités (seules les roulades ont disparu), mais elle s’efforce d’y ajouter des mécanismes (leviers, clefs, caméras de sécurité) et des objectifs qui aident à apporter un peu de renouvellement à l’action.

Cela reste assez basique, et la jouabilité montre exactement les mêmes limites qu’auparavant, mais le fait qu’il soit désormais possible de sauvegarder au terme de chaque niveau aide à faire passer la pilule de passages nettement plus ardus de type boss ou séquence à boucler en temps limité. Le moteur graphique est également un peu meilleur, le vrai regret étant que la distance d’affichage est restée aussi restreinte, la vieille ficelle consistant à placer toute l’action du jeu de nuit ne se justifiant pas vraiment quand on se déplace à l’intérieur de bâtiments éclairés, mais quoi qu’il en soit, cette phase est largement à la hauteur de celle du premier épisode et se montre même plus intéressante sur la durée – tant qu’on ne s’attend pas à découvrir un Max Payne ou un titre à la pointe de ce que pouvaient offrir la technologie et la jouabilité de l’époque.

Il n’y a pas grand chose à dire sur la phase de tir, en-dehors du fait qu’elle souffre particulièrement d’être jouée au joypad, la faute à un manque de précision du curseur qui va toujours trop vite pour pouvoir parvenir à s’arrêter avec précision sur des masques de collision rachitiques. Le level design pèche ici un peu, les adversaires ayant tendance à toujours surgir aux mêmes endroits, mais la formule demeure raisonnablement efficace – surtout avec un pistolet optique.

La partie conduite, quant à elle, est nettement moins frustrante et s’efforce d’offrir des objectifs plus variés, avec des phases de poursuite, des séquences de course pure, et d’autres en environnement ouverts où il faudra aller chercher des bombes grâce au radar pour ensuite les amener jusqu’à un point donné en temps limité. Une nouvelle fois, le moteur de jeu ne boxe clairement pas dans la même catégorie qu’un Gran Turismo, et la jouabilité manque atrocement de finesse dans les virage, mais cela reste plutôt une amélioration par rapport à ce qu’offrait Die Hard Trilogy en la matière, où parvenir à survivre cinq minutes était déjà un exploit. Bref, on ne peut pas dire que le jeu croule sous les prises de risques – c’est même exactement l’inverse – mais, à tout prendre, on retrouve exactement ce qu’on était venu chercher sous une forme qui fait au moins aussi bien.

Certes, c’est du déjà fait, déjà vu, mais vous remarquerez qu’à aucun moment ce test ne se sera étendu sur la supposée nullité de ce que le titre a à offrir. Le fait est que Die Hard Trilogy 2 est typiquement le genre de jeu qu’il est beaucoup plus simple d’apprécier aujourd’hui, quand on sait ce qu’on vient chercher sans accorder une importance démesurée à une réalisation fatalement dépassée ni à une jouabilité qui a forcément pris un petit coup de vieux, qu’à une époque où il représentait juste un jeu qui n’avait pas beaucoup d’arguments à opposer aux ténors du genre : il y avait de meilleurs TPS, de bien meilleurs jeux de conduite, et le moteur 3D d’une PlayStation en fin de vie commençait vraiment à sentir la naphtaline face à ce que montraient la Dreamcast, la PlayStation 2 ou n’importe quel PC équipé d’une carte accélératrice.

Au moment de sa sortie, le jeu était has-been : trop peu, trop tard pour rester pertinent quatre ans après un Die Hard Trilogy qui avait su employer des ingrédients qui paraissaient encore frais au moment de sa commercialisation. À l’ère du retrogaming, où le pinacle de la 3D et de la jouabilité de 2000 est de toute façon relégué à un passé révolu, on se montrera nettement moins sévère avec un jeu qui n’invente certes ni ne transcende rien – mais ce n’est de toute façon plus exactement ce qu’on vient chercher avec des logiciels de plus de vingt ans d’âge. Pour les amateurs d’action « à l’ancienne », c’est à dire assez dirigiste, assez lourde au maniement, mais efficace dans sa simplicité et son accessibilité, on s’amuse à (re)lancer ce Die Hard Trilogy 2 quelles que soient ses limites. Si vous avez aimé le premier opus, vous n’avez pour ainsi dire aucune raison de bouder celui-ci, même s’il commencera à se montrer un tantinet redondant. Ce n’est pas un chef d’œuvre, mais bon sang, c’est quand même très loin d’être un navet.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Là où Die Hard Trilogy avait représenté une formidable prise de risques que tout le monde avait célébrée et appréciée à sa juste valeur, sa suite directe sera apparue comme son exact opposé : un titre opportuniste et parfaitement dans les clous que personne n'attendait et qui s'était fait descendre en flammes à sa sortie, congédié comme une mauvaise redite alors même que la nouvelle génération de consoles pointait le bout de son nez. Quoi qu'il en soit, quelles qu'aient été les attentes d'un joueur en 2000, avec le recul d'un retrogamer recherchant simplement un jeu d'action varié et efficace, Die Hard Trilogy 2 : Viva Las Vegas ne méritait certainement pas tant de haine. Oui, c'est une redite évidente de son prédécesseur, avec un scénario sorti de nulle part pour enrober le tout et la voix de Patrick Poivey en renfort pour faire bonne mesure. Et alors ? C'est légèrement plus accessible, au moins aussi amusant et parfois même un peu plus jouable que ce que proposait son prédécesseur, même si on pourra regretter l'imprécision des phases en vue subjective dès l'instant où on n'a pas un pistolet optique sous la main. Au final, c'est exactement ce qu'on pouvait en espérer, et c'est toujours pratiquement aussi efficace, même si la surprise ne joue plus. Si jamais vous n'aviez pas eu votre compte avec le premier épisode, foncez sans vous poser de question : ça n'invente peut-être rien, mais parfois ce n'est tout simplement pas ce qu'on en attendait de toute façon. À redécouvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Toujours aucun moyen de régler la difficulté – Trois gameplay qui ne sont en fait que trois angles de vue différent du même moteur – Une caméra qui passe à travers les murs en mode TPS... – ...Un manque frustrant de précision au pad dans les séquences à la première personne... – ...et globalement, une distance d'affichage trop réduite

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Die Hard Trilogy 2 sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 9x)

Développeur : n-Space, Inc.
Éditeur : Fox Interactive, Inc.
Date de sortie : Mars 2000
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick, souris, volant
Retour de force supporté
Version testée : Version CD-ROM émulée sous PCem
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium II – OS : Windows 95 – RAM : 32Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4x (600ko/s)
Configuration graphique : API : Direct3D, Glide – RAM vidéo : 4Mo – DirectX : 6.1 – Résolutions supportées : 320×240, 640×480, 800×600
Configuration sonore : A3D, EAX

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme le premier opus, Die Hard Trilogy 2 aura fait un détour par le PC – où il n’aura pas été mieux accueilli que sur console. En 2000, il était à peu près établi que n’importe quel joueur qui se respectait possédait une carte accélératrice ; le jeu reconnait donc deux des principaux standards en vogue à l’époque, ce qui lui permet de tourner comme un charme et à une résolution plus élevée que sur PlayStation. Bon, on sent bien qu’il n’évolue pas vraiment dans la même cour qu’un Half-Life, pourtant sorti deux ans plus tôt, et il n’y a plus vraiment d’excuses pour la distance d’affichage, qui aurait facilement pu être doublée ou triplée.

La bonne nouvelle, c’est que le fait que les sprites soient nettement plus rares permet à cette version de bien mieux s’en tirer que sa prédécesseure, où la haute résolution révélait toutes les limites de la 3D plutôt que de la transcender. La jouabilité est également meilleure, et entièrement configurable, même s’il faudra jouer sous Windows 98 pour que le jeu repère plus de quatre boutons sur votre éventuel joystick/joypad. En revanche et sans surprise, le titre ne tournera jamais sur les dernières versions de Windows, et il vous faudra probablement une machine virtuelle de type PCem pour avoir une chance de profiter de l’émulation graphique. Encore une fois, on peut comprendre que les joueurs de l’époque n’aient pas été franchement ébahis par cette version, mais pour le joueur qui cherche un jeu d’action défoulant et plus simple d’accès que les titres modernes, il y a toujours matière à s’amuser – à condition de parvenir à faire tourner le jeu. Une curiosité.

NOTE FINALE : 16/20

Die Hard Trilogy 2 ne restera pas dans les annales comme un trésor méconnu de la ludothèque du PC, mais pour tous ceux qui recherchent le charme plus simple de ces jeux d’action décomplexés qui ne faisaient plus recette en 2000, il reste largement aussi efficace que des titres façon Shadow of the Empire. Mieux vaudra être à l’aise avec les machines virtuelles pour réussir à le faire tourner dans des conditions optimales, en revanche.

RR64 : Ridge Racer 64

Développeurs : Namco Limited – Nintendo Software Technology Corporation
Éditeur : Nintendo of Europe GmbH
Titres alternatifs : Ridge Racer 64 (titre usuel), 山脊赛车64 (graphie chinoise)
Testé sur : Nintendo 64

La série Ridge Racer (jusqu’à 2000) :

  1. Ridge Racer (1993)
  2. Ridge Racer 2 (1994)
  3. Ridge Racer Revolution (1995)
  4. Rave Racer (1995)
  5. Rage Racer (1996)
  6. Ridge Racer Type 4 (1998)
  7. RR64 : Ridge Racer 64 (2000)
  8. Ridge Racer V : Arcade Battle (2000)

Version Nintendo 64

Date de sortie : 14 février 2000 (Amérique du Nord) – 7 avril 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 4
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 256Mb
Système de sauvegarde par pile
Rumble Pack supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Considérons un instant, si vous le voulez bien, deux trajectoires parallèles.


D’un côté, la série des Ridge Racer de Namco, si intrinsèquement liée à la PlayStation depuis ses débuts que le premier opus de la série avait même été le tout premier titre développé pour la console de Sony, laquelle aura ensuite hébergé tout le reste de la saga en exclusivité (hors arcade) avec un succès qui avait de quoi faire bien des envieux.

De l’autre, une Nintendo 64 sérieusement en fin de vie en 2000, balayée commercialement (comme toutes les autres, pourrait-on dire) par la PlayStation, délaissée par les éditeurs tiers qui n’avaient aucune envie de développer sur des cartouches, sur le point de recevoir le coup de grâce avec la sortie de la PlayStation 2 cette même année. Qu’est-ce qui peut bien unir ces deux parcours aux antipodes ? Une incongruité : deux semaines à peine avant la sortie de Ridge Racer V sur PS2, Namco aura soudain décidé d’accorder à la Nintendo 64 son épisode exclusif de la série, logiquement nommé Ridge Racer 64. Pourquoi renoncer à l’exclusivité chez Sony, pourquoi à ce moment, pourquoi sur une machine à l’agonie qui croulait sous les jeux de course ? Seules les huiles de Namco doivent avoir la réponse à cette question. Ce qui compte, c’est que les joueurs de Nintendo, eux, auront enfin eu le droit à leur épisode exclusif à eux, et qu’ils espéraient bien voir leur console achever son cycle de vie en apothéose.

Dans les faits, Ridge Racer 64 est autant un épisode exclusif qu’une sorte de best of des quelques cinq épisodes l’ayant précédé.

La bonne nouvelle, c’est que le menu est a priori un peu plus copieux que ce à quoi nous avait habitués la saga jusqu’ici à l’exception notable de Ridge Racer Type 4 : Un mode principal qui prendra la forme d’un grand prix vous proposant de boucler les neuf circuits du jeu avant de recommencer dans leur version « inversée », une course libre pour se lancer tout de suite dans l’action, un time trial pour améliorer vos temps, sans oublier une des gourmandises qui faisait la renommée de la console : un mode multijoueur à quatre en écran splitté, avec confrontation, jeu en équipe – la totale. Histoire d’en remettre encore une couche, le titre comporte désormais pas moins de 25 voitures différentes aux caractéristiques propres, à déverrouiller via le mode grand prix évoqué plus haut, et qui demanderont cette fois, pour être réellement accessibles, d’affronter leur pilote via le dernier mode du jeu appelé Car attack. Un bon moyen de multiplier encore les occasions de concourir et de doter le titre d’un contenu assez conséquent pour enterrer, au moins sur le papier, tout ce qu’avaient pu offrir les épisodes précédents.

Comme souvent, la réalité est un peu moins enchanteresse que la théorie : les fameux neuf circuits (nombre qui commençait à représenter le minimum vital de ce qu’on était en droit d’attendre du contenu d’un jeu de course en 2000) sont en fait autant de variations des trois mêmes environnements, partageant donc une large partie de leur tracé avec d’autres courses se déroulant au même endroit.

Pour ne rien arranger, cinq de ces neuf circuits sont repris directement des épisodes précédents de la saga – ce qui ne devait certes pas trop déranger les joueurs N64 de l’époque, qui n’avaient encore jamais eu accès à un opus de la série, mais qui devrait moins faire plaisir aux joueurs ayant déjà eu l’occasion de s’essayer à la série sur PlayStation. On pourra également arguer que le fait d’avoir à « gagner » les véhicules pas moins de deux fois, d’abord en les débloquant avec le grand prix puis en allant faire la course contre eux en mode Car attack ressemble surtout à un moyen de rallonger la sauce en nous donnant un prétexte pour reparcourir les mêmes circuits encore et encore, mais même si on aurait pu espérer mieux en la matière, le contenu demeure suffisamment conséquent pour que le titre ait de quoi occuper un joueur une dizaine d’heures, voire plus si affinités.

La physique si particulière du titre n’a d’ailleurs pas beaucoup changé – attendez-vous donc à partir en dérapage dès que vous faites l’erreur de lâcher l’accélérateur.

Si cette conduite « arcade » peut être modulée par le choix de votre véhicule (une voiture avec beaucoup d’adhérence vous autorisant à piloter de manière un peu plus réaliste), on regrettera en revanche que vos adversaires, eux, soient visiblement aux commandes de bulldozers déguisés en bolides de course : il est pour ainsi dire impossible de leur couper la route, puisqu’il continueront de toute façon tout droit en vous virant sans ménagement de leur trajectoire sans être ralentis en rien pendant que vous perdrez de précieuses secondes ! Bon courage pour les doubler lorsqu’ils conduisent en ligne serrée en vous bloquant toute la largeur de la piste, ce qui arrive d’autant plus souvent que les circuits les plus difficiles comprennent des sections très étroites où il est déjà ardu de ne pas percuter les murs en conduisant seul. Une façon maladroite et assez mal pensée de gonfler la difficulté, qui vous interdit toute forme de conduite intelligente cherchant à tirer parti de leurs faiblesse : vous devrez éviter les véhicules adverses, point barre. Un peu décevant, à l’aube du nouveau millénaire…

Ce qui est certain, c’est que la réalisation graphique ne parviendra toujours pas à trancher la question consistant à décider qui de la PlayStation ou de la Nintendo 64 avait le meilleur hardware : le titre est techniquement réussi, avec des véhicules très détaillé, une animation fluide en toute circonstance (même si le framerate baisse fort logiquement lorsque l’on joue à plusieurs), et surtout aucune trace de cet atroce brouillard qui aura abîmé tant de jeux incapables d’assumer leur clipping – lequel est de toute façon invisible ici, preuve que les équipes de développement connaissaient leur boulot.

De ce côté-là, rien à dire : on est clairement dans le haut du panier de la machine… lequel ne semble pas supplanter Ridge Racer Type 4, qui présentait certes des textures plus granuleuses (pas de filtre bilinéaire sur la machine de Sony), mais dont les décors semblaient également un peu moins vides – et dont les ombrages paraissaient plus convaincants. Dans tous les cas, les joueurs sachant ce qu’ils viennent chercher – à savoir un jeu de course typé arcade et jouable à plusieurs avec suffisamment de contenu en mode solo pour occuper un joueur plus de dix minutes – ne devraient clairement pas renâcler devant le jeu. Ce n’est peut-être pas tout-à-fait aussi bon que Mario Kart 64 en termes de fun, ni tout-à-fait aussi bluffant techniquement que Ridge Racer Type 4 à sa sortie, mais cela reste un bon moyen de passer un très bon moment, en particulier pour les fans de la saga. Rien de révolutionnaire, mais ce n’est plus vraiment ce qu’on cherche en s’essayant à ces jeux de nos jours, non ?

Vidéo – La première course du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Pour son arrivée en 2000 sur une Nintendo 64 en fin de vie, on attendait de Ridge Racer 64 une sorte d'apothéose qui vienne clore avec éclat la page de la génération finissante. Dans les faits, en dépit d'une réalisation technique très solide et notamment d'un multijoueur à quatre particulièrement bienvenu, on ne peut congédier l'idée d'un léger retour en arrière, sur à peu près tous les plans, comparé à Ridge Racer Type 4. Malgré ses neuf circuits – qui sont en fait autant de variations des trois mêmes environnements, eux-mêmes largement recyclés des épisodes précédents – et de son contenu à débloquer (25 véhicules, les courses en mode « reverse »), le titre de Namco s'affirme comme une redite assumée des forces comme des faiblesses de la saga sans la moindre prise de risques. Une cartouche qui reste heureusement très agréable à jouer pour peu qu'on accroche au concept du dérapage à tout va ; pas tout à fait celui qu'on attendait en 2000 alors que Ridge Racer V s'apprêtait à s'élancer sur PlayStation 2, mais de quoi passer quelques heures agréables.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des sensations de course arcade toujours aussi irréalistes... – ...avec des adversaires qui peuvent se contenter de foncer tout droit en vous virant automatiquement de leur route – Pas assez de circuits – Une vue extérieure toujours aussi mal fichue

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ridge Racer 64 sur un écran cathodique :