Chikyū Kaihō Gun ZAS

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Développeur : T&E Soft, Inc.
Éditeur : T&E Soft, Inc.
Titre original : 地球解放軍ジアース ZAS (graphie originale, Japon)
Titre alternatif : ZAS (écran-titre)
Testé sur : Game Boy

Version Game Boy

Date de sortie : 18 décembre 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb

Avec le temps, la Game Boy aura connu un succès commercial que les rivaux de Nintendo n’auront pu que lui envier, ayant souvent échoué à comprendre la véritable force de la petite console portable. La Lynx ou la Game Gear auront en effet fait l’erreur, en choisissant de donner dans la surenchère technique, de prendre la forme de mastodontes dont l’appellation « portable » pouvait déjà être sujette à débat, avec des titres rarement pensés spécifiquement pour le support, et une autonomie si pitoyable qu’elle aura sans doute participé à la fortune des marchands de piles. Gunpei Yokoi avait visé juste à tous les niveaux, et ce qui aurait pu passer pour un simple jouet aura même initié bien des récalcitrants aux plaisirs coupables du jeu vidéo.

On peut quand même tirer de bien belles choses d’une Game Boy, en creusant un peu

Le problème, bien sûr, restait de savoir quel type de jeu offrir sur une machine dotée de 8ko de RAM et équipée d’un écran de 4,7 x 4,3cm. En dépit de l’ingéniosité réelle des développeurs, qui auront su offrir à la console une ludothèque impressionnante, on ne pouvait pas trop miser sur l’esbroufe au moment de commercialiser un jeu sur Game Boy. Ce qui explique sans doute que des concepts ayant fait fureur en arcade, comme les impressionnants shoot-them-up de la fin des années 80 et du début des années 90, n’aient pas vraiment fait florès sur la petite machine. Et pourtant, en jeu vidéo plus encore qu’en religion, les miracles existent.

Chaque niveau comporte son ou ses mini-boss

Prenez l’exemple de T&E Soft. Avez-vous déjà entendu parler de cette société japonaise ? Il y a fort à parier qu’à côté de cadors comme Capcom ou Konami, le nom échoue à vous évoquer un titre majeur. Il faut dire qu’en-dehors de la très dispensable série des Hydlide, le studio sera principalement resté cantonné sur le marché nippon où il aura offert assez peu de logiciels méritant de faire le trajet jusqu’en occident. À part peut-être une bizarrerie comme Chikyū Kaihō Gun ZAS (que je vais juste appeler ZAS à partir de maintenant, si ça ne vous fait rien) qui doit être l’un des shoot-them-up les plus impressionnants programmés sur Game Boy. Comme quoi…

Votre placement sera la clé d’à peu près tout le jeu

Passons rapidement sur le scénario ; la terre est menacée, je ne sais pas par qui vu que je ne parle pas le japonais, mais ça ne m’a jamais empêché de faire feu avec un vaisseau spatial. ZAS est donc un shoot-themp-up à défilement vertical vous embarquant dans cinq niveaux se bouclant en un peu moins d’une demi-heure ; ce n’est pas très long, mais cela correspond assez bien au côté nomade de la machine. On remarquera dans les options la possibilité de choisir son niveau de départ entre les quatre premiers : prenez cela comme une fonction d’entraînement, le cinquième et dernier niveau n’étant de toute façon accessible qu’en ayant bouclé les quatre autres. Il sera également possible de choisir sa difficulté, ce qui est assez bienvenu, le jeu n’étant par défaut pas spécialement facile. Après quoi, on lance la partie, et on admire le travail.

Les boss sont de beaux bébés et vous demanderont un minimum de jugeote

La lisibilité, on s’en doute, aura été un tracas récurrent sur l’écran minuscule, monochrome et non-rétroéclairé de la Game Boy. T&E Soft sera visiblement parvenu à trouver une manière intelligente de contourner le problème, en affichant un plan en parallaxe plus clair que l’autre afin de donner un effet de profondeur jamais vu sur la petite console.

Combat dans un labyrinthe !

Je vous laisse observer le résultat sur les captures d’écran : c’est quand même sacrément bien fichu. La technique repose en fait sur un effet de clignotement dont le seul défaut est qu’elle peut rendre le jeu assez délicat à émuler – ce qui est d’autant plus gênant que le titre est très difficile à trouver sous sa forme physique. Mais pour peu que vous puissiez poser les yeux sur le logiciel dans des conditions optimales, c’est assez bluffant, et cela démontre une nouvelle fois à quel point quelques bidouilles de programmation peuvent décupler les capacités d’une machine.

Le décor sera souvent un ennemi à part entière

En terme de gameplay, ZAS ne fait pas dans la démesure, mais il est parfois bon de savoir où s’arrêter. La plus grande partie des possibilités sera incarnée par deux satellites venant se placer de part et d’autre de votre astronef, et que vous pourrez, au choix, rattacher à votre carlingue ou au contraire éloigner par simple pression du bouton A.

Le boss final vous réserve une surprise qui vous obligera à jouer finement

Séparés, vous toucherez une zone plus large, alors que groupés, vous bénéficierez d’un tir plus puissant. Il s’agit du seul véritable power-up du jeu avec un bouclier capable d’absorber un coup et quelques bonus de score. On pourrait croire que cela limite franchement l’intérêt du jeu, mais l’essentiel de la difficulté du titre reposera principalement sur votre science du placement plus que sur votre puissance de feu : obstacles en tous genres, labyrinthes, éléments de décor dynamiques ; tout cela sera en œuvre pendant toute la partie pour vous forcer à être constamment en mouvement et vous apprendre à louvoyer entre les tirs, les adversaires, les pièges et les murs pour espérer parvenir jusqu’au boss, faute de quoi le moindre pixel de travers signifiera votre mort et le retour au dernier checkpoint – mais sans perdre votre power-up. Sans être insurmontable, le jeu peut s’avérer coriace par séquences, particulièrement dans ses derniers niveaux, et mieux vaudra tirer parti de tous vos continues – et rester bien concentré – pour espérer le finir sans connaître précisément le déroulement de chaque stage.

Ici, il faudra se frayer un chemin dans une membrane destructible

Au final, la variété est de mise, on passe un bon moment tout en découvrant ce dont la Game Boy est capable, et on ne peut qu’apprécier l’intelligence d’un titre qui ne cherche jamais à en faire trop – sans quoi on aurait probablement eu à faire à un cafouillis illisible ou aux trois-quarts injouable.

C’est quand même vraiment bien fichu

Au lieu de quoi, ZAS est intelligemment articulé autour d’un défi bien conçu reposant autant sur vos réflexes que sur votre capacité d’observation, et on ne se sent jamais condamné à mort pour avoir perdu l’essentiel de sa puissance de feu au milieu du niveau comme c’est les cas dans la plupart des ténors du genre – n’est-ce pas, R-Type ? Bref, sans être estomaqué comme on pouvait l’être face à une borne d’arcade, on est néanmoins scotché à sa Game Boy d’un bout à l’autre de la partie, et ça, c’est bien l’essentiel. De quoi donner une belle leçon à bien des studios de développement plus cotés.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15/20 Programmer un shoot-them-up sur Game Boy est loin d'être une évidence, mais à ce titre, Chikyū Kaihō Gun ZAS s'en tire si bien qu'on ne peut que pester que le jeu de T&E Soft n'ait jamais daigné quitter le Japon. Loin de se limiter à une prouesse technique, pourtant déjà assez bluffante, le titre a la bonne idée de proposer d'un bout à l'autre une expérience de jeu taillée sur mesure pour la console portable en choisissant de coller aux fondamentaux plutôt que de pêcher par excès d'orgueil. Le résultat constitue à n'en pas douter un des tous meilleurs programmes du genre sur Game Boy, et une bonne occasion de découvrir de quoi la petite console était capable lorsqu'une équipe compétente choisissait de se donner un peu de mal. Du très bon boulot, à découvrir si jamais vous avez la chance de parvenir à mettre la main sur une copie du jeu. CE QUI A MAL VIEILLI : – Très peu de power-up ; le gameplay ne repose à l'évidence pas sur la montée en puissance de votre vaisseau – Un sélecteur de niveau qui ne sert pas à grand chose puisqu'il faudra de toute façon partir du début pour accéder au niveau cinq

Bonus – Ce à quoi ressemble ZAS sur l’écran d’une Game Boy :

Summer Carnival ’92 : Recca

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Développeur : KID Corp.
Éditeur : Naxat Soft
Titre original : Summer Carnival ’92 烈火 Recca (graphie japonaise originale)
Titre alternatif : Summer Carnival 92 烈火 (écran-titre)
Testé sur : Famicom
Disponible sur : 3DS
En vente sur : Nintendo eShop

Les jeux du Summer Carnival :

  1. Seirei Senshi Spriggan (1991)
  2. Summer Carnival ’92 : Alzadick (1992)
  3. Summer Carnival ’92 : Recca (1992)
  4. Summer Carnival ’93 : Nexzr Special (1993)

Version Famicom

Date de sortie : 17 juillet 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

RetroArchives.fr a beau s’attacher à tester des jeux commerciaux – à savoir, des titres généralement réalisés par des équipes professionnelles et distribués et vendus par le biais des circuits légaux, excluant de fait les mods, hacks et autres projets de fans – cela n’empêche pas de rencontrer, de temps à autres, quelques surprises. De fait, jusqu’à une récente apparition sur le Nintendo eShop, il y a fort à parier que le joueur lambda n’ait tout simplement jamais entendu parler de Summer Carnival ’92 : Recca.

Si vous aimez l’action, vous allez être servi !

Le titre en lui-même a déjà quelque chose de déstabilisant : un carnaval ? Qu’espérer trouver sur la cartouche, alors, une compilation de mini-jeux ? Non, le Summer Carnival en question était en fait une compétition organisée par Naxat Soft au Japon et reposant chaque année sur des shoot-them-up généralement développés spécialement pour l’occasion ! Inutile donc de pleurer votre inculture si vous n’aviez encore jamais entendu parler du jeu testé aujourd’hui : non seulement il n’était, jusqu’à sa re-parution sur 3DS, jamais sorti du Japon, mais il y avait même été distribué en très petites quantités ! Pourquoi, alors, s’attacher à présenter un programme aussi ciblé et, jusqu’à il y a peu, aussi confidentiel ? Pour une raison très simple : Recca, comme on se contentera de l’appeler à présent, est sans débat possible l’un des plus grands accomplissements technique de la NES. Rien que ça.

D’entrée de jeu, le ton est donné : ceci est un titre NES. Ça calme.

Le titre de KID Corp repose sur des mécanismes simples : un bouton pour tirer (en autofire, et encore heureux !), le relâcher vous permettra de charger un tir qui fera office de smart bomb. Select vous permettra de régler la vitesse de votre vaisseau, ce qui s’avèrera très rapidement indispensable (certains boss sont totalement infranchissables si votre astronef ne va pas précisément à la bonne vitesse pour les affronter).

La quantité d’éléments que le jeu parvient à afficher sans ralentir est proprement hallucinante

Pour le reste, votre montée en puissance se fera par le biais de deux types de power-up : Les lettres bleues vous permettront de choisir votre tir principal (tir frontal, tir en cône, tir à tête chercheuse…) et les lettres rouges définiront le comportement des espèces de petits satellites qui pourront parfois vous accompagner, et qui peuvent parfois arrêter certains tirs. Augmenter la puissance de votre tir principal est possible, mais cela vous demandera de bien faire attention à reprendre la lettre correspondante ; pour cela, il suffit d’attendre, puisque la nature du bonus change à chaque seconde, mais vu la frénésie de l’action, croyez-moi, attendre constituera un luxe que vous pourrez rarement vous offrir.

Des effets de distorsion ? On a ça aussi, ma bonne dame !

L’action, justement, parlons-en. Recca est paru en 1992, à une époque où la NES était en fin de carrière. Le moyen d’offrir à la console de Nintendo un chant du cygne digne d’elle, les programmeurs commençant à être sérieusement rodés vis-à-vis de la machine. Et là, on peut carrément parler d’apothéose : dès les premières secondes de jeu, ce sont littéralement des dizaines de sprites qui se jetteront sur vous à une vitesse totalement délirante – le jeu tourne à un petit 60FPS de moyenne, tranquillement, sur du hardware 8 bits, et ce alors que la Super Nintendo elle-même est connue pour rencontrer les pires difficultés à faire tourner un shoot-them-up sans ralentissements !

Et un boss qui lâche des trous noirs qui vous attirent ou vous repoussent, ça vous tente ?

Mais le véritable exploit repose précisément sur la pléthore d’ennemis à l’écran : rappelons-nous qu’afficher plus de quelques sprites en même temps était une des principales limites de la NES, à tel point que la conversion de Gradius, par exemple, avait fait le choix de limiter le nombre de tirs et de satellites pour soulager le processeur de la console. Six ans plus tard, en tous cas, on en était visiblement très loin : il y a des tirs et des adversaires partout, dans tous les sens, tout le temps, classant clairement le jeu dans la catégorie du manic shooter (le jeu est d’ailleurs parfois considéré comme le tout premier représentant du genre, avant Batsugun ou DonPachi) sans l’ombre du plus minuscule ralentissement ! De quoi littéralement humilier des dizaines de titres similaires sur consoles 16 bits !

Le combat final sera peut-être court, mais croyez-moi il va être intense !

En revanche, autant dire que ça clignote encore plus frénétiquement qu’une guirlande de Noël épileptique, mais le programme parvient malgré tout à rester lisible en toute circonstance, loin des errements à la R-Type sur Master System, par exemple. C’est tout simplement renversant ! Et histoire d’en remettre une couche, Recca se permet même des effets de distorsion très poussés que n’aurait pas renié le Mode 7 de sa petite sœur, ainsi qu’une pléthore de défilements parallaxes. Il y a de quoi se prendre à rêver de ce à quoi aurait pu ressembler la ludothèque de la machine si tous les programmeurs l’ayant approchée avaient atteint ce niveau de maîtrise. Si vous voulez savoir de quoi votre NES est capable, commencez donc par là !

Le jeu enchaîne pratiquement sans discontinuer les boss de belle taille

En revanche, gardez bien à l’esprit que Recca est un shoot-them-up pensé pour la compétition. Traduit en clair : le jeu est extrêmement dur, et espérer en voir le bout vous demandera un entrainement régulier et des nerfs à toute épreuve tant le titre est exigeant.

Aborder un boss sans une stratégie réfléchie est souvent suicidaire

Si le jeu ne comporte a priori que quatre stages, ceux-ci vous demanderont au grand minimum une bonne quarantaine de minutes d’efforts, ce qui devrait correspondre à une perte de poids de votre part tant vous n’aurez jamais une demi-seconde de répit. Et au cas où vous n’auriez pas encore votre compte, il existe même sept stages supplémentaires, encore plus difficiles (!), accessibles si vous poussez le bouton Reset à la conclusion de votre première aventure. Ajoutez-y des modes Time Attack et Score Attack, au cas où vous souhaiteriez vous placer dans les mêmes conditions que les compétiteurs, et vous allez vite réaliser que vous en aurez pour des mois avant de prétendre avoir fait le tour du jeu.

Au cas où vous n’auriez pas eu votre compte, il y a même un mode encore plus difficile !

Naturellement, ce gameplay hyper-exigeant ne fera pas que des heureux, et les joueurs occasionnels risquent de jeter un coup d’œil par simple curiosité avant de prendre la fuite à toutes jambes. Les retrogamers à la recherche de la perle rare pourront en revanche sabrer le champagne, en découvrant un titre auquel ils auraient certainement rêvé de s’essayer au moment de sa sortie – mieux vaudra s’en remettre au Nintendo eShop, cependant, car autant dire que trouver une copie physique du jeu à un prix vaguement abordable aujourd’hui est totalement hors de question. Mais si jamais vous rêvez de voir enfin ce que votre NES a réellement dans le ventre, et d’en profiter pour découvrir l’un des shoot-them-up les plus impressionnants jamais publiés sur une machine strictement 8 bits, ne cherchez pas plus loin. En termes vidéoludiques, on appelle ça le Graal.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Quand KID corp décide de montrer ce que la NES a dans le ventre, cela donne Summer Carnival '92 : Recca ; un manic shooter à l'action frénétique, à la difficulté inimaginable et à la réalisation renversante. En dépit des limitations techniques évidentes de la vaillante console 8 bits, la machine de la firme au plombier se sort les tripes pour afficher des dizaines de sprites à l'écran à une rapidité ébouriffante qui aurait de quoi donner de sérieux complexes à bien des titres parus sur Super Nintendo. Mieux vaudra avoir des réflexes surhumains et des nerfs d'acier, car le titre n'est pas franchement conçu pour autoriser l'erreur, mais les fans de scoring devraient trouver ici l'un des titres les plus marquants de tout le catalogue de la NES. Vous n'en aviez jamais entendu parler ? Profitez de sa réapparition sur le Nintendo eShop pour découvrir que votre antique console de salon peut encore vous surprendre. Et préparez-vous à en baver... CE QUI A MAL VIEILLI : – Jeu pensé dès le départ pour être punitif – Difficulté de compétition. Attendez-vous à souffrir – Énormément de clignotements – Vitesse ahurissante qui demande des réflexes à la hauteur – Habillage minimal : pas de d'histoire, pas d'intro, aucune cinématique

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Recca sur un écran cathodique :

Battleship : The Classic Naval Combat Game (Use Corporation)

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Développeur : Use Corporation
Éditeur : Mindscape, Inc.
Titre original : 海戦ゲーム NavyBlue (Kaisen Game : Navyblue, Japon)
Testé sur : Game BoyGame Boy Color

Version Game Boy

Date de sortie : 22 décembre 1989 (Japon) – 18 novembre 1992 (États-Unis) – 11 novembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 512kb
Système de sauvegarde par mot de passe

On a déjà évoqué en ces pages l’émergence concomitante à la sortie de la Game Boy d’une question extrêmement intelligente à laquelle aura été donné énormément de réponses stupides : quels types de jeux offrir sur une console portable ? Qui dit nouveau concept dit, en principe, nouvelles approches, mais comme souvent lorsqu’il s’agit avant tout de proposer un produit à destination d’un marché, beaucoup d’éditeurs comme de développeurs ne se seront pas embarrassés très longtemps à méditer sur la chose.

Une fois votre cuirassé abattu, c’est une partie de votre arsenal qui disparaîtra avec lui

Les deux réponses les plus évidentes auront donc naturellement été les plus récurrentes lorsque le concept de « console portable » était encore frais : soit proposer exactement la même chose que sur les autres machines, en l’adaptant vaille que vaille aux capacités de la Game Boy, soit partir du principe qu’une telle machine était conçue pour des séances courtes, et offrir des « petits » jeux aptes à divertir pour une poignée de minutes. On ne sera pas surpris d’apprendre que la deuxième approche aura généré, au fil des ans, des dizaines de compilations extrêmement oubliables de jeux de cartes, de dames, d’échecs et autre activités d’ordinaire réservées aux longs dimanches chez mamie. Et quitte à essorer ce qu’on n’appelait pas encore le « casual gaming » jusqu’à la moelle, pourquoi ne pas également aller chercher du côté… de la bataille navale ?

Des navires, des canons, des casseroles, des gamelles et des bidons

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, c’est exactement ce que désigne le terme anglophone Battleship : les bonnes vieilles bagarres à coup de coordonnées qu’on se livrait, étant enfant, sur les cases de nos cahiers d’école pour tromper l’ennui en cours de maths (oui, rappelez-vous qu’on parle aussi d’une époque où les téléphones portables, et à plus forte raison les smartphones blindés d’applications, n’existaient pas). Le principe, pour les extraterrestres qui ne le connaîtraient pas ? Une grille de 8×8 cases – une grille par joueur, naturellement – sur laquelle chaque participant dispose ses navires, reconnaissables à leur taille : le sous-marin fait une case, la frégate deux, le destroyer trois et le cuirassé cinq. Le but du jeu est très simple : détruire les navires du camp opposé, en tirant à l’aveugle sur une des 64 cases de la grille adverse et en attendant avec anxiété de connaître le résultat de votre tir (à savoir : « à l’eau » 90% du temps, « touché » en cas de coup au but et « coulé » lorsque vous venez de rayer un navire de la carte maritime).

Si vous voulez vous faire respecter, sortez très vite la très grosse artillerie !

Comment cela se traduit-il sur Game Boy ? Eh bien par un unique mode de jeu (deux en comptant le multijoueur, mais nous y reviendrons plus tard) : une espèce de super-campagne de douze niveaux, chacun divisé en quatre stages, et vous proposant invariablement de reproduire le schéma décrit dans le paragraphe précédent. Remportez un stage, et vous gagnerez à la fois un mot de passe et le droit de continuer, en cas de défaite, ce sera le game over. Simple.

Le radar sera un bon moyen de dénicher les navires les plus petits

On commence donc par placer ses navires (en les faisant éventuellement pivoter à l’aide du bouton B) avant de lancer la partie proprement dite et de savoir lequel des deux joueurs a davantage de chance que l’autre (parce que, soyons honnête, c’est principalement sur ce critère que se joue le jeu, l’aspect psychologique de type « ce sagouin serait bien du genre à placer son sous-marin ici » ne s’exprimant pas franchement lorsque l’on joue contre une machine). Chaque tir sera accompagné d’une petite animation histoire de vous montrer le résultat de votre tir, avant d’observer la tentative de votre adversaire – oui, ça prend du temps, oui, on s’en lasse très vite et non, il est impossible de la passer, ce qui est tout aussi désagréable que l’absence de la moindre forme de paramétrage de la partie. Une grille plus grande ? Un handicap ? Un mode de jeu alternatif ? N’espérez rien de tout ça ici : vous resterez coincé sur vos 64 cases jusqu’à ce que mort (ou, plus vraisemblablement, ennui) s’en suive.

Dans les derniers niveaux, caser tous vos navires pourra devenir un véritable casse-tête

Comme n’importe qui s’étant essayé au concept plus de dix minutes dans sa vie l’aura vraisemblablement réalisé, c’est aussi répétitif que stratégiquement limité. C’est pourquoi le titre d’Use Corporation aura au moins eu l’idée d’ajouter deux types de subtilités par rapport au jeu « papier » : les armes secondaires et les navires en plus. Dans le premier cas, votre tir de base (qui ne couvre naturellement qu’une seule case à la fois) peut être remplacé, en fonction de vos réserves, soit par un tir multiple, soit par un tir à la zone d’effet plus large, soit par l’emploi de radars qui vous permettront tous, selon leur taille, de couvrir plusieurs cases à la fois (jusqu’à neuf pour les plus perfectionnés). Le truc, c’est que ces armements ne sortent pas de nulle part : ils sont tirés par vos précieux navires. Impossible, donc, d’espérer faire usage d’un sonar si vous avez déjà perdu votre sous-marin, ou de tirer les munitions de votre cuirassé s’il git par deux-cents mètres de fond.

Votre arsenal répondra toujours au même besoin : atteindre davantage de cases

Si cela semble parfaitement cohérent sur le papier, cela se traduit hélas par une faiblesse stratégique évidente, qui vous pousse à utiliser vos armes les plus puissantes le plus rapidement possible, faute de quoi vous risquez de ne jamais avoir l’occasion de les tirer. Non que cela change grand chose – on n’a pas réellement de raison valable de garder ses munitions pour plus tard, l’intérêt étant toujours de couvrir le maximum de cases le plus vite possible pour augmenter nos chances – mais cela rajoute encore une couche de hasard supplémentaire dans un jeu qui n’en avait pas besoin. Imaginons par exemple que votre ennemi détruise votre sous-marin dès son premier tir (oui, ça arrive et c’est très désagréable) : vous voilà alors privé de sonar pour le restant de la partie, ajoutant un second coup dur au premier, et vous pénalisant d’autant plus que votre adversaire, lui, aura toujours accès au sien ! Bref, on ne joue pas toujours à armes égales, et le hasard étant le juge de paix définitif, autant dire que les joueurs malchanceux risquent de passer beaucoup de mauvais moments.

Un message que vous serez appelé à voir souvent…

Le jeu viendra également compléter, au fil des niveaux, votre flotte via l’ajout d’un porte-avions de pas moins de huit cases que vous aurez par conséquent énormément de mal à protéger plus de quelques tours, et qui contient une part importante de vos meilleures armes – raison de plus pour les utiliser en vitesse. Si l’idée de développer votre arsenal et votre flotte au fil des parties est la bienvenue, dommage qu’elle ne se produise qu’à chaque niveau – soit tous les quatre stages – parce qu’on finit quand même très rapidement par trouver le temps long ; bon courage pour s’accrocher jusqu’au 48e stage ! Rien de ce qui est proposé ne révolutionne le principe de base (on vise des cases, point barre), et autant dire que ceux ne mordant pas plus que ça au concept (ou ayant accès à quelques millions de jeux de stratégie ou de plateau plus pointus) passeront très vite à autre chose, faute d’avoir grand chose d’autre que leur chance à mettre à contribution. C’est bien simple, à titre d’exemple : rien que le mini-jeu nommé Car Bomb présent dans Sam & Max et pastichant le concept était déjà pratiquement plus riche en possibilités que ce titre vendu au prix fort à sa sortie ! Cela trahit à coup sûr un manque d’ambition certain, pour ne pas dire une paresse assez honteuse.

On peut carrément envoyer l’aviation!

Reste alors le multijoueur – à condition d’avoir un ami avec le jeu, une Game Boy et le câble Game Link puisqu’il est impossible de jouer à tour de rôle sur la même console. Ça fait quand même beaucoup de matériel très couteux à dégainer pour prétendre jouer à un jeu praticable, rappelons-le, sur une simple feuille de papier – et il y a fort à parier que, quitte à avoir tout cela sous la main, vous ayez de toute façon également des jeux bien plus intéressants à pratiquer à plusieurs, ne fut-ce que le Tetris vendu avec la console. Bref, sans être fondamentalement catastrophique, le gameplay ne surprend pas, le jeu ne se renouvèle pas, et ce qui peut se montrer amusant quelques dizaines de minutes selon votre patience risque quand même de montrer très rapidement ses limites. Vous voilà prévenu.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 10,5/20 À la question « Peut-on se contenter de programmer l'antique jeu de bataille navale avec un minimum d'adaptations avant de le vendre au prix fort ? », Battleship : The Classic Naval Game n'aura eu strictement aucun scrupule à répondre par l'affirmative. En dépit d'une poignée de bonus n'apportant pratiquement aucune valeur stratégique à un concept reposant principalement sur la chance (on ne fait jamais que viser plus de cases à la fois), le logiciel d'Use Corporation se contente de proposer très exactement le jeu que les écoliers de ma génération auront parfois pratiqué sur leurs cahiers : donner des coordonnées et attendre de voir si on a touché quelque chose. Si le principe reste ludique à petites doses, dommage qu'il doive se contenter de cette conversion extraordinairement paresseuse qui aura à peine cherché à apporter une molécule de sang neuf au genre. Durée de vie : dix minutes. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un seul mode de jeu – Aucune option de configuration – Impossible de jouer à deux sur une seule console – Peu d'idées – Impossible de passer les animations – Réalisation fonctionnelle, sans plus – Un ajout d'arme ou de navire tous les cinq niveaux, ce n'est pas assez

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battleship sur l’écran d’une Game Boy :

Version Game Boy Color

Développeur : Use Corporation
Éditeur : Majesco Sales, Inc.
Date de sortie : Mai 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe
La grille de jeu est indéniablement plus agréable en couleurs

Dix ans après sa version Game Boy, Battleship débarquait sur la petite sœur, la Game Boy Color. Sans surprise, on se retrouve – comme c’était alors souvent le cas – avec un jeu extrêmement proche de la version originale, mais cette fois en couleurs. La bonne nouvelle, c’est que de ce côté-là le boulot a été bien fait : de nombreux écrans ont été redessinés, et le jeu ne se contente pas de passer de gros aplats dégueulasses sur la version monochrome ; c’est indéniablement beaucoup plus agréable à l’œil. En revanche, et même si cela est très difficile à vérifier, l’intelligence artificielle m’a eu l’air de tricher sur cette version : déjà en employant davantage d’armes secondaires que moi dès le premier niveau, ce qui n’était pas le cas dans la version originale, ensuite en semblant parfaitement savoir où se trouvait mes navires dès le début de la partie. Afin de découvrir si j’étais devenu paranoïaque, je suis allé confronter mon expérience à celle des autres joueurs, et nombreux sont ceux qui ont eux aussi le sentiment que l’IA est truquée : elle fait preuve d’une précision plus que suspecte en début de partie avant de commencer à faire n’importe quoi pour vous laisser une chance lorsque vous avez pris trop de retard. En l’absence d’un programmeur sous la main, difficile de corroborer cette théorie, mais disons simplement que le titre semble pouvoir se montrer… bien plus frustrant que l’original. Ce détail mis à part, on retrouve le jeu à peu près dans l’état où on l’a laissé, alors à vous de voir si vous avez envie de vous faire votre propre avis sur l’I.A.

Dans un jeu reposant principalement sur la chance, à quel point l’IA triche-t-elle ?

NOTE FINALE : 10,5/20

Battleship sur Game Boy Color ne déçoit assurément pas sur le point où on l’attendait le plus, à savoir la réalisation : c’est plus beau, plus travaillé et plus lisible que sur Game Boy. En revanche, l’I.A. suspecte et clairement avantagée par rapport à vous ne fait certainement pas grand chose pour rendre le mode solo plus sympathique, et sachant qu’on joue rarement à la bataille navale pour sa réalisation, difficile de recommander cette version au détriment de l’originale.

Wolfenstein 3D

Développeur : id Software, Inc.
Éditeur : Apogee Software, Ltd.
Titres alternatifs : Wolfenstein 3-D (Shareware), Wolfenstein 3D : Third Encounter (Macintosh)
Testé sur : PC (DOS)JaguarMacintoshPC-98Super Nintendo3DO
Version non testée : Acorn 32 bits
L’extension du jeu : Spear of Destiny
Disponible sur : iPhone, iPad, Macintosh, Playstation 3, Windows, Windows Apps, Xbox 360, Xbox One
En vente sur : Gog.com (Windows), Steam.com (Windows)

La série Castle Wolfenstein (jusqu’à 2000) :

  1. Castle Wolfenstein (1981)
  2. Beyond Castle Wolfenstein (1984)
  3. Wolfenstein 3D (1992)

Version PC (DOS)

Date de sortie : 5 mai 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Disney Sound Source, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Remonter aux sources du genre qu’on en est venu à appeler, à force de changements sémantiques, le FPS – pour First Person Shooter (littéralement : « jeu de tir à la première personne », au cas où votre anglais laisserait vraiment à désirer) – revient d’abord à aller fouiller dans les balbutiements de la 3D texturée sur PC. « Au commencement était Wolfenstein 3D » dit parfois la légende – en se fourrant dramatiquement le doigt dans l’œil, comme souvent dans le cas du mythe.

« Au commencement était Ultima Underworld » , tentera le rôliste averti – et il sera déjà davantage sur la bonne piste, le titre de Blue Sky Productions étant une source d’inspiration majeure pour l’équipe d’id Software, même s’il y a débat (je laisserai les curieux consulter la page Wikipedia d’Ultima Underworld à ce sujet) – mais dans tous les cas, ce n’était pas un jeu de tir à proprement parler. En revanche, une chose est sûre : dès les premiers pas du genre avec un certain Hovertank en 1991, on trouve déjà deux noms : John Carmack et John Romero. Lesquels, avant de devenir mondialement célèbres grâce à Doom, développeront un autre FPS pour la compagnie américaine Softdisk Publishing, nommé Catacomb 3-D, avant de se lancer dans le jeu que tout le monde connait et qui nous intéresse aujourd’hui : Wolfenstein 3D – le premier grand succès d’une longue série.

Un prétexte en valant bien un autre, le titre d’id Software décide de rebondir sur le concept de l’antique Castle Wolfenstein, qui avait fait ses armes sur les ordinateurs 8 bits onze ans auparavant. Vous voici donc placé dans la peau de l’espion allié B. J. Blazkowicz, prisonnier de la forteresse nazie qui donne son nom au jeu, et bien décidé à reconquérir sa liberté avant d’aller régler son compte à Adolf Hitler en personne. Bien évidemment, pas question de furtivité dans cette version (même si cela avait été envisagé au début du développement) : vous avez un pistolet, des munitions, et vous êtes bien décidé à vous en servir, quitte à faire tomber le IIIe Reich pratiquement à vous tout seul. Et franchement, comment dire non ?

Du fait de son statut originel, Wolfenstein 3D est divisé en épisodes – naturellement tous disponibles aujourd’hui à la vente, le concept du shareware étant quelque peu tombé en désuétude. Le premier vous demandera de vous enfuir de la forteresse, le deuxième vous enverra combattre un savant fou occupé à créer des soldats-zombis, le troisième vous enverra régler son compte au führer sans lui laisser le temps de se suicider, et les trois derniers épisodes feront office de « préquelle » en vous mettant aux prises avec de nouvelles forteresses. Le concept ne change de toute façon jamais : neuf niveaux, un boss, des clés, des bonus et des passages secrets, autant dire la base.

De fait, l’amateur moderne de FPS devrait immédiatement trouver ses marques, et pour cause : un bouton pour tirer, un bouton pour « actionner » (les portes, les passages secrets ou la sortie du niveau), un autre pour le déplacement latéral (ou strafe) : difficile de faire plus simple. Il est impossible de sauter, de se baisser, de regarder vers le haut ou vers le bas, et il suffit de passer sur un objet pour le ramasser, vos clefs ouvrant automatiquement les portes correspondantes. Le jeu ne contient que quatre armes en tout, en comptant votre petit couteau : un pistolet, une mitrailleuse et une gatling, et toutes les armes à feu emploieront le même type de munitions, dont le nombre maximal est d’ailleurs fixé à 99. Ne cherchez pas de subtilités comme une valeur d’armure ou un moyen de dépasser les 100% de vie, il n’y en a pas.

Si la simplicité de l’approche du jeu est ainsi son principal point faible (on explore, on tire, on collecte), c’est aussi paradoxalement sa grande force. Proposer une expérience de jeu basique ne lui interdit pas d’être efficace, et progresser précautionneusement au sein d’un labyrinthe en gardant un œil sur sa santé et ses munitions est un principe qui a largement fait ses preuves. On sait tout de suite ce qu’on a à faire, on ne s’embarrasse pas à suivre des cinématiques ou une histoire dont on se fout royalement : on reste en vie, on tue du nazi et on gère ses munitions, et c’est parfaitement suffisant.

Non seulement c’est déjà beaucoup plus amusant qu’on pourrait le croire, biberonnés que l’on est par près de trente ans d’évolution du genre, mais le titre a même l’excellente idée de comporter une composante scoring en vous proposant de collecter des trésors, bien souvent dissimulés derrière des passages secrets, histoire de gagner des points. Sachant que votre score final dépendra à la fois du nombre de trésors collectés, du nombre d’adversaires tués, du nombre de passages secrets trouvés mais aussi du temps réalisé pour terminer le niveau, autant dire que les fanas de speedrunning devraient largement trouver matière à s’occuper. Les autres seront sans doute parfaitement heureux de débrancher leur cerveau pour revenir aux bases absolues du genre – et piquer quelques crises de nerfs face à des boss totalement increvables qui peuvent littéralement vous atomiser en une demi-seconde.

Du côté de la réalisation, Paul Neurath prétend se souvenir que John Carmack aurait affirmé, en voyant tourner la démonstration du premier prototype d’Ultima Underworld, être capable de concevoir un algorithme de mapping des textures plus rapide. Si le titre d’id Software est effectivement plus rapide, ce n’est pas franchement un exploit : très loin des nombreuses capacités de celui de Blue Sky Productions, le moteur de Wolfenstein 3D va à l’essentiel : pas de pentes, pas de reliefs, pas de gestion de la lumière, pas de moteur physique, et le sol comme le plafond se limitent à un simple aplat de couleur ; difficile de faire moins gourmand !

Cela n’empêche pas le titre de parfaitement accomplir sa mission, même si le manque de variété des textures pourra faire largement autant tiquer le joueur moderne que le côté pour le moins minimaliste des graphismes du jeu. Un manque de variété qui se retrouve d’ailleurs hélas à tous les niveaux : exception faite du boss, le premier épisode du jeu ne compte ainsi que trois types d’ennemis différents ! Auxquels le deuxième épisode rajoute des soldats zombis, et le troisième des officiers très rapides, on aurait quand même aimé avoir un peu plus de chair à canon à se mettre sous la dent. Niveau sonore, le jeu se contente du minimum, avec gestion de l’AdLib, de la Sound Blaster et, curieusement, de la Disney Sound Source, et rien d’autre. La musique se limite à un simple thème d’ambiance une fois passé l’écran-titre, et les bruitages font le travail, avec notamment quelques digitalisations en (mauvais) allemand histoire de mettre un peu de vie.

Au final, même si le concept finit fatalement par s’essouffler au bout de sept ou huit heures faute de la moindre forme de renouvellement, on sera surpris de passer encore un excellent moment sur ce Wolfenstein 3D qui n’offre aucune fioriture et se contente d’aller à l’essentiel, mais le fait à la perfection.

La jouabilité est irréprochable, le level design fonctionne à merveille, le titre est rarement injuste et on appréciera même les premiers efforts pour tenter de rendre certaines pièces reconnaissables à l’aide d’éléments de mobiliers afin de donner l’impression qu’on est en train de se balader dans une cuisine ou un dortoir. Alors oui, la réalisation pourrait être largement plus accomplie, les environnements et les adversaires plus variés, le contenu plus riche, les armes plus nombreuses… Mais on peut aussi être parfaitement heureux de trouver ce qu’on était venu chercher, sans la moindre forme de surprise, et de jouer à une partie de cache-cache mortelle avec les nazis le temps d’une ou deux soirées à décompresser après une dure journée de travail. Parfois, c’est très exactement ce qu’on demande aux jeux vidéo, et on est très heureux que cela fonctionne encore.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Avec le temps, la légende aura fait de Wolfenstein 3D le tout premier first person shooter (ce qu'il n'est pas), voire le premier titre en 3D texturée (ce qu'il est encore moins), ainsi que le père spirituel de Doom (ce qu'il est, cette fois). Cet impressionnant pédigrée plus ou moins fantasmé aura parfois encouragé les nostalgiques à en faire un jeu extraordinaire, colossal, indépassable, là où sa principale force est précisément la fantastique simplicité de son concept : un labyrinthe, un fusil, des ennemis à tuer, des bonus - et strictement rien d'autre. Entièrement focalisé sur l'action, le joueur actuel peut encore passer un très bon moment sans jamais ressentir le besoin de rebrancher son cerveau, ce qui, parfois, est une bonne chose. Et quand on cherche un moyen de souffler un peu au terme d'une longue journée de travail, on trouve peut-être ici un des titres idéaux. Une valeur sûre. CE QUI A MAL VIEILLI : – Seulement quatre armes, un seul type de munitions, très peu d'adversaires différents : l'essentiel et rien d'autre – Le côté labyrinthique ne plaira pas nécessairement à tout le monde, surtout en l'absence de carte – Des boss qui peuvent littéralement vous descendre en une demi-seconde – Très peu de subtilité(s) – Franchement répétitif au bout de quelques heures

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Wolfenstein 3D sur un écran cathodique :

Spear of Destiny

Développeur : id Software, Inc.
Éditeurs : FormGen, Inc. (Amérique du Nord) – Psygnosis Limited (Europe)
Date de sortie : 19 septembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″
Testé sur : PC (DOS)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Étant donné le succès fulgurant de Wolfenstein 3D, on ne sera pas surpris d’apprendre qu’une extension aura rapidement été mise sur les rails, et développée par la même équipe que le jeu de base en à peine deux mois. Comme surenchérir sur l’assassinat d’Hitler était une mission vouée à l’échec, l’extension se déroule une nouvelle fois avant le jeu à proprement parler, dans une mission qui vous enverra récupérer la lance ayant percé le flanc du Christ, et qui aurait, selon la légende, le pouvoir d’assurer la victoire éternelle à celui qui la possède – et la mort immédiate à celui qui la perd.

On se relance donc, cette fois, dans un seul – et long – épisode, divisé en trois missions, pour aller récupérer cette fameuse lance. Au menu ? Strictement la même chose que dans le jeu de base, plus un nouveau type d’adversaire (encore un soldat), un nouveau type de bonus (une caisse de munitions), quelques types de textures en plus pour les décors (plus quelques nouveaux boss, quand même), quelques nouveaux thèmes musicaux. Et à part ça ? Rien de neuf : on enchaine toujours les niveaux, il n’y a pas l’ombre d’une nouvelle arme ou d’un nouveau mécanisme, et on n’est au final pas franchement surpris que cette extension ait été développée aussi vite. Évidemment, la difficulté en a profité pour augmenter en flèche, les niveaux étant plus labyrinthiques que jamais, les ennemis plus nombreux, et chaque croisement ayant de fortes chances de vous placer directement entre deux adversaires. Autant dire que les joueurs n’ayant pas eu le courage de terminer les six épisodes du jeu original faute de renouvellement n’auront pour ainsi dire aucune raison de donner sa chance à Spear of Destiny. Les mordus de Wolfenstein 3D, pour leur part, seront certainement ravis de replonger pour quelques heures – et ils auraient torts de se priver, l’extension étant de toute façon vendue par défaut avec le jeu sur les sites en ligne.

Version Jaguar

Développeur : id Software, Inc.
Éditeur : Atari Corporation
Date de sortie : Septembre 1994 (Amérique du Nord, Europe) – 15 décembre 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Bien qu’étant principalement connu pour son itération PC, Wolfenstein 3D ne sera pas resté cantonné sur la machine d’IBM. Signe des temps, c’est l’éphémère console 64 bits d’Atari, la Jaguar, qui aura été l’une des premières machines à profiter de son adaptation. Je dis « adaptation », car cette version n’est pas un simple calque du jeu paru sur DOS. Au rang des qualités, on remarquera l’apparition d’un briefing plus détaillé que les quelques lignes de la version shareware, une interface en plein-écran, des graphismes plus fins et plus détaillés (c’est particulièrement visible sur les ennemis et sur les armes, qui ne sont plus limitées à une simple bouillie de pixels), des bruitages et des voix digitalisées de meilleures qualité (le « Achtung ! » que lâchent les adversaires à chaque fois qu’ils vous voient devient assez vite énervant), des musiques remixées, ainsi que deux nouvelles armes : un lance-flamme et un lance-roquette.

Il est également enfin possible de posséder plus de 99 munitions, la vie peut monter au-delà de 100, et une carte est enfin disponible. Au rang des défauts, le jeu ne comporte plus « que » trente niveaux, repris directement de la version PC et de Spear of Destiny dans des versions simplifiées, ce qui n’est peut-être pas plus mal si l’on considère qu’il n’est plus possible de sauvegarder. Le jeu a de toute façon été rééquilibré : les adversaires sont plus nombreux, mais ils font moins mal. Dans l’ensemble, et en dépit de la déplorable manette de la Jaguar, on passe un bon moment qui ferait presque regretter que la console d’Atari n’ait pas connu un meilleur destin. Cette version a indéniablement son charme, mais on regrettera l’amputation de contenu.

NOTE FINALE : 15/20

Petite surprise que cette adaptation de Wolfenstein 3D sur Jaguar, qui se donne la peine d’être plus accomplie techniquement que sur PC. Si le jeu est mieux réalisé et tout aussi rapide, on regrettera néanmoins que près de la moitié de son contenu soit passé à la trappe, en dépit d’ajouts bienvenus, et que la jouabilité soit moins agréable au pad. Si vous avez un exemplaire de la console d’Atari sous la main, c’est en tous cas à n’en pas douter un des jeux à posséder dessus.

Version Macintosh

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : MacPlay
Date de sortie : Octobre 1994
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette comprenant à la fois Second Encounter et Third Encounter
Configuration minimale : Processeur : PowerPC – OS : Mac OS 6.0

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Vu la proximité du hardware entre le PC et le Macintosh (certains pourraient même dire que le Mac n’est pas grand chose de plus qu’un PC avec un système d’exploitation différent), on pouvait s’attendre à ce que Wolfenstein 3D, porté sur la machine d’Apple, se contente d’être un bête clone au pixel près de la version DOS et passer à autre chose. Mais id Software, s’avisant probablement qu’on était déjà en 1994, et que le monde vidéoludique avait entretemps vu débarquer des mastodontes comme Doom ou Heretic, décida donc de procéder à un petit dépoussiérage encore plus prononcé que sur la version Jaguar. Traduit en clair : le jeu passe en haute résolution, des textures aux sprites en passant par l’interface, et ça fait quand même un bien fou. Pour ne rien gâcher, pour peu que vous ayez la chance de trouver l’édition « ultime » parue sur CD en 1995, vous bénéficierez non seulement des 60 niveaux de la version PC (renommés Third Encounter pour l’occasion), mais aussi… des 30 niveaux des version Jaguar et Super Nintendo (baptisés, cette fois, Second Encounter). On pourra rétorquer que ces 30 niveaux étant des versions remaniées des 60 premiers, on assiste donc à une certaine forme de redite, mais difficile de bouder sur du contenu supplémentaire. Pour ne rien gâcher, on profite également d’une musique qualité CD et de bruitages améliorés ; bref, on ne se moque pas de nous et ça fait plaisir.

NOTE FINALE : 16/20

Loin du bête portage à l’identique auquel on aurait pu s’attendre, Wolfenstein 3D sur Macintosh débarque au contraire avec le contenu de toutes les autres versions, de la musique CD et des graphismes en haute résolution. Si cela ne métamorphose pas une expérience de jeu qui reste de toute façon datée par rapport à la production actuelle, c’est néanmoins l’occasion de redécouvrir le jeu avec un peu plus de confort. On aurait tort de se priver.

Version PC-98

Développeur : Infinity Co., Ltd.
Éditeur : Imagineer Co., Ltd.
Date de sortie : 18 Novembre 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais/japonais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tandis qu’approchait le milieu des années 90, un constat s’imposait : la gamme propriétaire de NEC ressemblait de plus en plus à un PC occidental tout à fait banal. Cela se sent d’ailleurs au niveau des portages, qui s’avèrent généralement être de simples conversions pixel perfect de la version occidentale, le plus souvent traduit en japonais. Ici, on sent bien que l’équipe de développement ne s’est pas tuée à la tâche : non seulement c’est la copie conforme de la version PC originale en termes de réalisation et de contenu, mais il n’y a pas eu un grand souci d’harmonisation au moment d’intégrer les nouvelles options de configuration dans l’interface : il y a tout simplement des menus en japonais en plein milieu des menus en anglais. Dans le même ordre d’idée, on sent bien que tirer parti de la puce FM de la machine est ici une gageure : si vous voulez du son, il faudra une Sound Blaster, point barre ! Bref, de la conversion un peu à la truelle pour ce qui est du confort de l’utilisateur, mais à ce détail près, c’est toujours exactement le même jeu que sur PC, jusqu’aux cris en allemand.

NOTE FINALE : 15,5/20

Comme c’était déjà plus ou moins devenu la norme au moment de sa sortie, Wolfenstein 3D à la sauce PC-98 n’est rien de plus que la transposition pixel perfect de la version PC du jeu, avec quelques menus de configuration en japonais tassés au pied au milieu de l’interface (restée en anglais) du jeu. Autant dire que l’acquérir aujourd’hui n’a de sens que pour les collectionneurs.

Version Super Nintendo

Développeur : Interplay Productions, Inc.
Éditeur : Imagineer Co., Ltd.
Date de sortie : 10 février 1994 (Japon) – Mars 1994 (Amérique du Nord) – Juin 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joypad, souris Super Nintendo
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Plus surprenant, Wolfenstein 3D aura également débarqué sur la console 16 bits de Nintendo. Surprenant car, en dépit de quelques affinités avec la 3D comme s’étaient chargés de le démontrer des jeux comme StarWing, on se souvient que la Super Nintendo et son processeur tiraient rapidement la langue au moment de faire tourner des adaptations comme celle de Wing Commander. Connaissant en plus la politique de la firme japonaise vis-à-vis de la censure, autant dire qu’on se demandait comment un jeu consistant à tirer sur des nazis à la première personne allait bien pouvoir s’en tirer.

Et la réponse est : mieux que ce qu’on aurait pu craindre. Certes, histoire de soulager le processeur, la résolution a été très sérieusement réduite : autant dire qu’on a l’impression que notre bon vieux Blazkowicz est soudain frappé de myopie, tant tout ce qui se trouve à plus de cinq mètres de vous se réduit à une bouillie de pixels. Et comme si ça ne suffisait pas, l’image n’est même pas en plein écran, avec des bandes noires de tous les côtés (coupées sur les captures d’écran, mais que vous pourrez voir dans la vidéo)… Ceci dit, force est d’admettre que ce choix assez radical permet également au jeu de tourner de manière relativement fluide, entre dix et quinze images par seconde, ce qui est d’autant plus admirable que non seulement il n’y a aucune puce Super FX à se mettre sous la dent ici, mais qu’en plus le Mode 7 n’est même pas employé. Tout ce que vous voyez tourner le fait donc uniquement grâce à un processeur de moins de 4Mhz, ce qui résume assez bien la performance. La jouabilité est d’autant plus satisfaisante que le titre a la bonne idée d’employer les boutons de tranche du pad pour faire les pas de côté. Cette adaptation reconnait d’ailleurs également la souris, ce qui est sympathique mais n’apporte pas tout le confort souhaité quand on n’a pas la possibilité d’employer un clavier à côté. La musique est très correcte et les bruitages très efficaces, surtout que l’on n’a pas perdu les voix digitalisées.

En terme de contenu, le jeu est l’équivalent de la version Jaguar, il n’y a donc plus que 30 niveaux au compteur. Et surtout, la censure Nintendo est passé par là : oubliez toutes les références au nazisme, mais aussi la moindre forme de goutte de sang. Autant dire que dans un titre dont une partie du charme reposait sur le côté bêtement transgressif, c’est quand même dommage. Reste un logiciel sympathique auquel on n’aura aucune raison de s’essayer dès l’instant où on a une autre machine de salon sous la main, mais qui reste une adaptation honnête à défaut d’être renversante.

NOTE FINALE : 13/20

Wolfenstein 3D sur Super Nintendo aura opté pour plusieurs choix assez radicaux. Si la censure bête et méchante n’était pas franchement indispensable, les sacrifices opérés sur les graphismes pénalisent certes un peu la jouabilité, mais permettent à l’expérience de rester fluide et agréable. Vu le peu de concurrence dans le domaine du FPS sur la machine de Nintendo, cela reste une curiosité appréciable pour peu que l’on ait pas une machine plus coûteuse pour faire tourner le jeu.

Version 3DO

Développeur : Logicware, Inc.
Éditeur : Interplay Productions, Inc.
Date de sortie : 19 octobre 1995 (Amérique du Nord) – Novembre 1995 (Europe) – 15 décembre 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Autre habituée des classements des éphémères consoles qui auraient pu connaître un meilleur sort, la (bien trop chère) 3DO aura également eu droit à son adaptation – id Software avait apparemment un faible pour les machines qui ne se vendaient pas, au point de les avoir privilégiées au détriment de la PlayStation, mais je m’égare. Dans tous les cas, c’est bien une copie (presque) conforme, non pas de la version PC, mais bien de la version Mac de Wolfenstein 3D : cela tombe bien, c’était la meilleure. On retrouve donc les 90 niveaux, la musique CD, et même la possibilité de sauvegarder – que du bonheur. Seule la résolution est restée équivalente à celle de la version PC (mais les sprites et les textures n’en sont pas moins nettement plus fins). La maniabilité au pad est également bien meilleure que sur Jaguar, à tel point qu’on ne voit pas trop ce qu’on pourrait reprocher à cet excellent portage qui doit assurément figurer dans la ludothèque de n’importe lequel des (rares) possesseurs de 3DO.

NOTE FINALE : 16/20

Nouvelle infidélité de Wolfenstein 3D, qui décide une nouvelle fois d’offrir une adaptation meilleure en tous points que l’originale sur PC, sur 3DO cette fois. Vu le destin tragique de la machine, il est évidemment assez difficile de se procurer cette version aujourd’hui, et c’est bien dommage, car c’est la meilleure à égalité avec celle parue sur Mac.

The Legend of Prince Valiant (NES)

Développeur : Ocean Software Ltd.
Éditeur : Ocean Software Ltd.
Titre alternatif : Little Lancelot (États-Unis)
Testé sur : NES

La licence Prince Valiant (jusqu’à 2000) :

  1. The Legend of Prince Valiant (NES) (1992)
  2. The Legend of Prince Valiant (Game Boy) (1992)

Version NES

Date de sortie : Décembre 1992 (États-Unis, Europe)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dans la bande dessinée comme dans n’importe quelle forme d’art, il y a les références intemporelles, et il y a les autres. Aux yeux du néophyte français, il y a de fortes chances que Prince Vaillant, titre francisé du Prince Valiant créé par Harold Foster, n’évoque pas grand chose. Il faut dire qu’en dépit de sa vitalité impressionnante aux États-Unis, où la série se poursuit depuis ses débuts en 1937 (!), la longue histoire du prince de Thulé se sera montré nettement moins active en France où, en dépit de rééditions du côté de chez Soleil Productions, on ne peut pas franchement dire qu’elle soit durablement entré dans l’imaginaire collectif.

Autant placer les plateformes sur trois niveaux de profondeur différents, c’est tellement plus lisible !

Cela n’aura manifestement freiné en rien les ardeurs d’Ocean Software, qui vit dans le jeune prince une occasion de récupérer une licence porteuse… mais visiblement pas trop, puisque le jeu n’est même pas sorti sous le nom de Prince Valiant aux États-Unis ! Le titre aura en tous cas visiblement inspiré la société britannique, qui n’aura pas hésité à la décliner en deux versions extrêmement différentes – l’itération Game Boy allant carrément chercher du côté de la gestion et de la stratégie, ce qui lui vaudra un test à part. Du côté de la version NES, on trouve également un mélange de gameplay assez disparate, mais tâchons déjà de commencer par le commencement.

Rien ne vaut un bon niveau die-and-retry, surtout quand on n’a que trois vies !

Le grand niais sur la boîte du jeu, avec sa pose de Prince de BN© et son brushing impeccable (probablement tiré, d’ailleurs, de la série animée), est donc bien évidemment celui qui vous allez incarner pendant toute la partie. Votre mission ? Trouver Camelot – le Graal attendra, on n’a après tout jamais entendu parler d’un chevalier de la Table Ronde appelé « Prince Vaillant », il doit bien y avoir une raison pour ça. Un scénario certes étrange – on peut imaginer que l’imposant château du roi de Bretagne ne soit pas spécialement difficile à trouver – mais qui ne fait que reprendre la trame de la série d’origine. Vous allez donc parcourir cinq niveaux, entrecoupés d’écran textuels chargés de narrer une histoire sans queue ni tête (vous trouvez un squelette de viking, et en tirant sur la flèche plantée dans son armure, vous tombez dans une grotte. Euh, OK ?) jusqu’à parvenir à mener votre quête à bien. Rien de très complexe.

Combat acharné contre un, heu, truc ?

Le cœur du jeu, ce sont avant tout des séquences de plateforme que l’on pourrait diviser en deux catégories. La première, que je surnommerais personnellement « Un level design ? Pourquoi faire ? » se cantonne à avancer vers la droite jusqu’à la fin du niveau, en sautant au-dessus de gouffres et de pièges, et en lançant des shurikens (?!) sur vos ennemis. C’est extrêmement basique et pas franchement passionnant, mais ça a le mérite d’être à peu près jouable sans être trop frustrant puisque le titre a le bon goût de vous doter d’une généreuse barre de vie et qu’il arrive fréquemment que les adversaires lâchent des bonus de soin.

Apparemment, toute cette orgie visuelle était trop gourmande pour la NES : il y a constamment une bande noire à gauche de l’écran

On pourra également affronter des boss de quinze pixels de haut aux patterns hyper-prévisibles, mais ça brise (un tout petit peu) la monotonie qui s’installe au bout de vingt secondes. Probablement conscient des faiblesses de ce premier niveau, le jeu décide donc, à partir du troisième, d’opter pour la seconde catégorie : le niveau labyrinthique. À vous la joie de franchir des portes partout et, histoire de décupler le potentiel ludique, le titre décide alors que votre jauge de vie ne sert plus à rien et ne met sur votre route que des obstacles qui vous tuent tous un un seul coup. Encore mieux : le niveau semble bugué, et n’étant jamais parvenu à ouvrir une porte en dépit du levier situé à côté, j’ai dû me résoudre à employer un cheat code pour voir le reste du jeu ! Le cinquième et dernier niveau, lui, cumule toutes les, heu, bonnes idées des deux que nous venons d’évoquer en proposant un labyrinthe avec des clés et des ennemis. On pense parfois à Pitfall en beaucoup moins bon, parfois à une sorte d’ersatz de Willow version arcade. Que du bonheur.

À vous la version médiévale d’Operation Wolf ! Bon, on s’ennuie un peu…

« Attends une minute », vous entends-je objecter, « tu évoques cinq niveaux et tu n’en as présenté que trois ! » Eh oui car, petite surprise, les trois niveaux de plateforme sont entrecoupés de deux séquences plus originales qui prennent la forme d’un… rail shooter. Vous allez donc promener un curseur au milieu de la forêt du niveau deux pour tirer à l’arbalète sur des brigands, ou bien régler une mire au niveau quatre pour faire feu sur des bateaux à l’aide de vos canons. Soyons honnêtes : c’est très, très basique, mais ça a au moins le mérite de diversifier un peu une expérience de jeu qui en avait dramatiquement besoin.

Oui, les adversaires sont juste une version à peine redessinée de votre sprite

Le vrai problème, c’est qu’il est assez difficile, même avec toute la bonne volonté du monde, de trouver des raisons objectives de passer du temps sur Prince Valiant. Le jeu est trop court, trop dur, et jamais assez intéressant pour qu’on parvienne à congédier cette petite voix intérieure qui nous rappelle avec insistance qu’on pourrait être en train de jouer à autre chose. Pour ne rien arranger, la réalisation, qui serait passée pour à peine correcte en 1987, a facilement cinq ans de retard.

Si vous êtes parvenu à ouvrir la grille à droite, félicitations

Se retrouver devant ces grandes surfaces vides aux couleurs baveuses avait déjà quelque chose de furieusement anachronique à la sortie du jeu – paru, rappelons-le, en 1992, soit l’année de la distribution de la Super Nintendo en Europe. La musique s’en sort un peu mieux, dommage qu’elle soit atrocement répétitive. Mais surtout, comment s’empêcher de penser en enchainant des séquences sans saveur ni idée qu’on a déjà joué à un milliard de jeux semblables et mieux exécutés, y compris d’ailleurs sur la même plateforme ? Le titre d’Ocean fait plus penser à une armature de jeu qu’à un produit terminé : il manque de l’ambition, de l’idée, du liant, du talent… de tout. Vous n’aurez même pas le droit à un écran de fin, pour peu que vous poussiez le masochisme jusque là. On a parfois l’impression d’assister à du game design de 1985 ! Bref, autant dire que ce n’est certainement pas Prince Valiant qui participera à redorer le blason d’Ocean Software. À peine essayé, à peine oublié.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 09,5/20 En dépit de quelques choix originaux dans son déroulement, Prince Valiant est un jeu atrocement générique qui peine à manifester ne fut-ce qu'une bribe de personnalité. Sans être catastrophique, le titre d'Ocean Software doit tout simplement faire face à la concurrence de milliers de logiciels semblables face auxquels il semble n'avoir pratiquement rien à opposer, ni une réalisation honteuse pour un jeu paru sur une NES en fin de vie, ni un level design mort né, ni une difficulté incohérente, ni même une licence méconnue - le néant. Reste un petit titre trop difficile, trop plat et oubliable en une poignée de secondes, dont le seul argument de vente restera qu'on a déjà vu bien pire sur la console de Nintendo. Ça fait quand même léger. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un level design indigent – Seulement cinq niveaux – Une réalisation qui aurait déjà fait tiquer cinq ans plus tôt – Une difficulté réglée n'importe comment

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Prince Valiant sur un écran cathodique :

Axelay

Cette image provient du site https://www.thecoverproject.net

Développeur : Konami Co., Ltd.
Éditeur : Konami, Inc.
Titres alternatifs : アクスレイ (graphie japonaise), 엑서레이 (Corée)
Testé sur : Super Nintendo
En vente sur : Nintendo eShop (Wii U)

Version Super Nintendo

Date de sortie : 11 septembre 1992 (Japon) – Septembre 1993 (Amérique du Nord) – 30 septembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb

Vidéo – L’introduction du jeu :

On tendrait presque à l’oublier tant la compagnie japonaise est parvenue à se faire un nom dans pratiquement tous les domaines, mais Konami était également une société célèbre, dès les années 80, pour la qualité de ses shoot-them-up.

Le choix des armes est globalement sous-exploité

Il faut dire que quand on comporte, dans son catalogue, des sagas aussi célèbres que Gradius ou Parodius, il y a de quoi avancer des arguments très pertinents face aux autres séries marquantes de l’époque, qu’elles s’appellent R-Type ou Thunder Force. Alors quand Konami sort un shoot-them-up en exclusivité sur Super Nintendo (suivant ainsi la loyauté indéfectible qui avait lié la compagnie à Nintendo pendant toutes les années 80 – les choses allaient changer pendant les années 90), on a envie de se frotter les mains et de regarder ce que l’une des machines à succès de l’époque a bien pu nous concocter cette fois.

Axelay, un jeu qui en a dans le ventre

Un système solaire menacé par une race extraterrestre, un ultime vaisseau envoyé faire ce que le reste de l’armée n’est pas parvenu à faire… Ce n’est pas du côté du scénario qu’Axelay innove, même si on pourra apprécier la présence d’une cinématique d’introduction très soignée, ce qui était loin d’être la règle à l’époque, en particulier pour un shoot-them-up.

Mieux vaudra être très mobile, sous peine de mort

Le titre de Konami vous place, sans surprise, aux commandes d’un vaisseau surarmé qui devra vaincre un n-ième empire du mal au terme de six niveaux revisitant des thèmes très familiers. Son arsenal se limitera, à l’origine, à trois types de tir, que vous pourrez choisir en préambule de chaque niveau. Votre arsenal s’enrichissant au terme de chaque mission réussie, c’est au final au sein d’une panoplie de pas moins de huit armes différentes que vous pourrez vous équiper – ce qui fait d’ailleurs regretter que ce choix ne soit pas disponible dès le début du jeu, l’ultime pouvoir n’étant ainsi accessible que pour les deux derniers niveaux. Toujours est-il que, confronté à une sélection imposée au lancement de la partie (on n’a de toute façon que trois tirs), on se lance en attendant de voir ce que le jeu à en réserve pour nous.

On retrouve des idées directement importées de Nemesis, comme ces obstacles à détruire

C’est d’ailleurs dès le décollage qu’Axelay a deux surprises à nous offrir. La première, c’est qu’à choisir entre les deux standards de l’époque, à savoir le défilement vertical et le défilement horizontal, le titre de Konami aura tout simplement opté pour les deux !

Évidemment qu’il y aura des vaisseaux géants !

Exactement comme Thunder Force II près de quatre ans avant lui, Axelay alterne entre les deux styles, proposant trois niveaux verticaux et trois niveaux horizontaux – offrant ainsi une approche sensiblement différente selon l’angle choisi. Parler de « défilement vertical » n’est peut-être pas tout à fait honnête, ceci dit : la deuxième surprise du jeu est en effet le recours au célèbre Mode 7 de la Super Nintendo pour générer un effet de profondeur en pseudo-3D. L’objectif est clairement d’en envoyer plein les yeux, le titre étant d’ailleurs une véritable démo technique de l’encore toute jeune console 16 bits : zooms, rotations, distorsions, transparence ; tout y passe, histoire de bien montrer ce que la machine de Nintendo a dans le ventre !

Le décor sera souvent un ennemi redoutable

Soyons honnête : l’effet de pseudo-3D employé dans ces niveaux peine aujourd’hui à faire illusion ; on a surtout l’impression de voler en rase-motte au-dessus d’un cylindre qui se déroulerait sous notre vaisseau. Plus gênant : cette vue inhabituelle handicape quelque peu la précision de vos tirs dirigés vers le fond de l’écran, et surtout elle semble imposer au jeu un rythme assez lent, pour ne pas dire paresseux, qui tranche radicalement avec la frénésie des références de l’époque – une sorte d’anti-Thunder Force IV, si vous préférez.

Les stages horizontaux sont les moins originaux, mais les plus jouables

Il en résulte une expérience un peu déstabilisante, où l’adrénaline laisse la place à une concentration extrême, le jeu pouvant se montrer assez exigeant et les niveaux étant surtout assez longs – ce n’est pas Blood Money, mais on aurait quand même largement voté pour davantage de niveaux plus courts. Les environnements font certes des efforts pour évoluer, parfois au sein d’un même niveau, mais à ré-explorer les sempiternels environnements biomécaniques et autres planètes volcaniques, on a parfois l’impression de jouer à un milliardième clone de R-Type ce qui, cinq ans après la sortie du hit de Irem, commençait à devenir un peu lassant.

Le jeu comporte plusieurs passages un peu plus originaux, mais que l’univers semble redondant…

Fort heureusement, Axelay a aussi bien des arguments en sa faveur, à commencer par sa réalisation – moins tape à l’œil que ce qu’elle ambitionnait, certes, mais qui reste quand même sans difficulté dans le haut du panier de la console. Les boss, en particulier, sont massifs et superbement animés, et il arrive fréquemment que les stages à défilement horizontal soient noyés de tirs. Le tout sans le moindre ralentissement – une vraie performance pour un système qui aura souvent pâti de la faiblesse de son processeur, en particulier pour les shoot-them-up. Il faudra en revanche accepter de composer avec quelques clignotements de sprites lors des séquences les plus gourmandes mais, objectivement, cela reste du très beau boulot.

Le premier boss peut déjà se montrer exigeant

Au final, on est presque surpris de reprocher à ce Axelay un certain déficit d’âme : le titre a beau chercher à hurler son identité à chaque instant, il reste finalement un titre assez convenu, n’inventant strictement rien en terme de gameplay (pas même son alternance vertical/horizontal), et caractéristique surtout pour ses niveaux en Mode 7 qui sont, paradoxalement, également les moins agréables à parcourir.

Les meilleurs moments du jeu sont plutôt sur la fin

Tous les amateurs du genre auront raison d’être tentés d’y jeter un œil : il demeure un logiciel particulièrement représentatif de ce qu’on pouvait espérer tirer d’une Super Nintendo en début de vie. Pour les néophytes, en revanche, ou ceux qui chercheraient à être réellement surpris, il n’est pas dit que le charme opère suffisamment pour transformer le jeu en expérience réellement marquante. Le genre de curiosité à essayer au moins une fois, le temps de voir si vous accrochez.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 – Troisième place dans la catégorie « Meilleur Shoot’Em Up Console » (Tilt n°109, décembre 1992)

NOTE FINALE : 15,5/20 En cherchant à mettre en avant la forme, Axelay n'aura pas transcendé le fond : original dans sa représentation, le titre de Konami échoue hélas à surprendre au-delà de son alternance entre les niveaux à défilement vertical et ceux à défilement horizontal. Avec peu d'idées originales et un faux rythme qui tranche avec celui des canons du genre, le titre ronronne, quitte, parfois, à s'égarer quelque peu en chemin. Le recours au Mode 7 restera plus, pour sa part, comme un gadget plutôt daté loin de justifier à lui seul l'achat du logiciel. Sans passer un mauvais moment - le titre comporte, après tout, sa dose de morceaux de bravoure -, le joueur lambda pourrait malgré tout finir par trouver le temps un peu long, la faute à un certain classicisme dans les environnements et dans les mécanismes qui échouent à donner au titre la personnalité qu'il revendiquait. Une curiosité. CE QUI A MAL VIEILLI : – Niveaux trop longs, boss trop longs, le jeu est mal rythmé – Avoir accès à tous les types de tir dès le début de la partie n'aurait pas été un mal – Une certaine mollesse dans le déroulement général, particulièrement dans les stages verticaux – Les niveaux employant le Mode 7 ont plutôt plus mal vieilli que le reste

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Axelay sur un écran cathodique :

Historyline : 1914-1918

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Blue Byte Studio GmbH
Éditeur : Blue Byte Studio GmbH
Titre alternatif : The Great War : 1914-1918 (Amérique du Nord)
Testé sur : AmigaPC (DOS)
Disponible sur : Windows (7, 8, 10)
En vente sur : Gog.com (Windows)

La série Battle Isle (jusqu’à 2000) :

  1. Battle Isle (1991)
  2. Historyline : 1914-1918 (1992)
  3. Battle Isle 2 (1994)
  4. Battle Isle 3 : L’Ombre de l’Empereur (1995)
  5. Incubation : Time is Running Out (1997)
  6. Battle Isle : The Andosia War (2000)

Version Amiga

Date de sortie : Décembre 1992
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Allemand, anglais, français
Support : Disquette 3,5″ (x7)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Battle Isle avait rencontré lors de sa sortie, en 1991, un joli succès critique et commercial qui aura fatalement donné des idées à ses développeurs, les allemands de Blue Byte. Étant parvenue à dépoussiérer un peu un genre d’ordinaire suffisamment austère pour le couper irrémédiablement du grand public, la compagnie à la tache bleue eut à cœur d’offrir du contenu pour capitaliser sur le succès du premier opus, comme en témoignent les deux data disks parus dans les deux années ayant suivi la publication du titre. Seulement voilà, à une époque où tout allait extrêmement vite, les trois ans nécessaires au développement de Battle Isle 2 ressemblaient à deux siècles, et l’idée de capitaliser sur le nom de la série avant même la sortie de son deuxième épisode dut fatalement se tracer un chemin jusqu’à l’esprit des commerciaux de chez Blue Byte, comme en témoigne la sortie en 1993 du seul véritable spin-off de la saga : Historyline.

À vous le plaisir des affrontements massifs !

Derrière ce nom ce cachait, à l’origine, un concept prometteur : utiliser le moteur de Battle Isle pour offrir des batailles à différentes périodes historiques : antiquité romaine, moyen-âge, guerres napoléoniennes… Mais les faibles ventes de cet opus décidèrent les développeurs à se cantonner, à l’avenir, à la science-fiction originelle.

La vue stratégique sera toujours le meilleur moyen d’avoir une vue globale du champ de bataille

Comme le sous-titre « 1914-1918 » vous l’aura déjà appris, cet épisode fait donc le choix un peu surprenant de vous placer en pleine première guerre mondiale. Surprenant car ce conflit, guerre de position par excellence où les choix stratégiques auront surtout brillé par leur médiocrité et par les répercussions catastrophiques qu’ils auront eu en termes de vies humaines, est rarement propice à un genre vidéoludique où l’intellect est censé primer sur la quantité de troupes alignées. Mais l’explication est finalement assez terre-à-terre : Blue Byte créait de rencontrer une certaine frilosité de la part des distributeurs au moment de vendre un jeu sur la seconde guerre mondiale développé par des allemands, d’où le choix d’une période historique un peu plus « neutre ».

Les combats sont devenus un peu plus graphiques – ce qui n’empêchera pas de couper les animations au bout de cinq minutes

Mais qu’apporte, au fond, ce changement de période au concept de Battle Isle ? Eh bien, en termes de possibilités de jeu, autant le dire tout de suite : pas grand chose. On retrouve l’interface, les mécanismes et la jouabilité du premier opus derrière un grand coup de peinture destiné à remplacer la planète futuriste de Chromos par le conflit franco-allemand – et aucun autre, autant le préciser d’emblée, le conflit étant purement réduit à son front le plus occidental. Oubliez donc l’Italie, la Russie, la Serbie, l’Autriche-Hongrie et toutes les autres nations donnant à cette guerre son appellation de « mondiale » : vous choisirez la France ou l’Allemagne en prélude de la première mission, chaque camp vous ouvrant une campagne longue de 24 missions, avec en plus les 24 cartes multijoueurs, cela fait donc pas moins de 72 missions au total. Un contenu qui témoigne de l’ambition réelle du titre, qui tient d’ailleurs sur par moins de sept disquettes : autant dire qu’un Amiga 1200 doté d’un disque dur est fortement recommandé pour vous y essayer dans des conditions optimales.

Les décors varient au gré des saisons, mais cela reste assez limité

Les nouveautés en termes de gameplay sont, comme on l’a vu, pratiquement inexistantes : le jeu reproduit à l’identique ce que le premier épisode avait installé, seule la prise en compte du terrain ayant été enrichie pour que des unités placées au milieu d’une forêt ou d’une tranchée puissent bénéficier d’un véritable bonus défensif. Pour le reste, on retrouve les mêmes ficelles : terre, air, mer, blindés, avions, unités de cavalerie… En revanche, la capture de dépôts joue ici un rôle nettement moins important, éloignant le titre de son aspect puzzle pour le rapprocher de sa composante stratégie où le rapport de force est toujours déséquilibré, mais moins qu’avant, et où les assauts de masse sont clairement privilégiés.

Tirer profit de vos fortifications pourra faire une grosse différence

Dans l’absolu, les principes gagnants sont toujours les mêmes : l’I.A. adverse, résolument agressive, essaiera de vous faire ployer sous le nombre pendant que votre salut reposera principalement sur votre capacité à éloigner les unités blessées de la ligne de front pour les convoyer jusqu’aux bases arrières pour y être soignées, afin d’accumuler des troupes de vétérans dont l’expérience jouera une nouvelle fois un rôle crucial sur les résultats des affrontements. Une unité d’artillerie d’élite, par exemple, pourra littéralement exterminer une division d’infanterie entière en un seul tour. Et tandis que de nouveaux modèles de tanks, de bateaux ou d’avions feront leur apparition, il sera toujours temps d’adapter votre stratégie à leurs caractéristiques.

l’enrobage a un peu changé, et on ne va pas s’en plaindre

C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de cet opus : chaque niveau viendra introduire une nouvelle unité, décrite par le biais d’un texte historique fort intéressant vous décrivant son apport dans le conflit réel, et le monde parfois un peu opaque de Battle Isle gagne ainsi beaucoup à laisser la place à un univers plus familier où on peut avoir une idée immédiate de la fonction de chaque type de troupes. Non seulement l’enrobage a indéniablement progressé – c’est plus coloré, il y a davantage de scènes cinématiques et de types de décors, les animations de combat sont plus visuelles – mais surtout une grande partie des faiblesses du premier opus appartiennent désormais au passé.

Les descriptions d’unités apportent un petit côté didactique bienvenu

Par exemple, l’état de santé et l’expérience de chaque unité apparaissent désormais clairement au bas de l’écran dès que votre curseur passe sur l’une d’entre elles – fini de compter uniquement sur sa mémoire. Le titre étant désormais pensé directement pour un Amiga 1200 ou des PC puissants, les temps de réflexion de l’I.A. sont nettement plus courts (conseil : n’y jouez pas sur A500), et l’expérience de jeu y gagne grandement en fluidité – rendant la partie solo d’autant plus intéressante. Les missions sont globalement plus variées, mieux pensées, plus longues, et mêmes si les mécanismes mis en jeu sont toujours à peu près identiques, on prend quand même plaisir à mener campagne dans un jeu qui aura eu le bon goût de se libérer d’une grande partie des lourdeurs du premier épisode.

En cas de doute, on peut très facilement accéder à toutes les informations nécessaires

Les innovations ont beau être extrêmement limitées, les deux années passées ont été plutôt bien employées, et à peu près tout ce qui contribuait à transformer Battle Isle en une expérience frustrante ou contre-intuitive (la maniabilité au joystick exceptée) est désormais passé à la trappe, ce qui tend à confirmer à quel point il ne manquait pas grand chose au premier opus pour reprendre un petit coup de jeune. On pourra regretter, en parallèle, le manque absolu de prise de risque : proposer de vraies batailles historiques plutôt qu’un simple environnement graphique « première guerre mondiale » aurait ainsi apporté un peu de nouveautés salutaires, par exemple. Mais le fait est qu’on s’amuse et qu’on peut même y passer volontiers des dizaines d’heures, preuve que le contrat n’en est pas moins rempli.

Les cinématiques ne changeront pas votre vie, mais elles ont le mérite d’exister

Quelques mots, en conclusion, sur la version française. Celle-ci compose avec quelques-unes des tares récurrentes de l’époque : elle contient son lot d’approximations (« unité nouveau ») et de petits ratages. En revanche, les textes historiques apparaissant entre les missions sont très bien traduits, aidant ainsi le joueur à avoir envie d’en apprendre un peu plus sur la période. Un travail correct, donc.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20 Historyline : 1914-1918, c'est un peu Battle Isle avec un simple coup de peinture neuf – ce qui n'interdit pas un grand soin dans les finitions. On a beau y trouver exactement ce qu'on était venu y chercher, à savoir sensiblement la même chose que dans le premier épisode, l’exécution est mieux pensée, le déroulement plus fluide, le cadre plus familier, l'interface plus fonctionnelle, l'I.A. bien plus rapide. Du coup, on a peut-être le sentiment de jouer à un n-ième data disk du premier titre, mais on y prend beaucoup plus de plaisir. Alors oui, on aurait aimé un peu plus de prises de risques : des embranchements dans la campagne, des missions un peu plus équilibrées, des batailles historiques, des équilibrages repensés, mais le tout est si efficace qu'on retourne au charbon avec un enthousiasme indéniable. Une très bonne porte d'entrée dans la saga. CE QUI A MAL VIEILLI : – Prise en main toujours aussi étrange, mais qui ne troublera plus les joueurs s'étant essayé au premier opus – Des mécanismes ayant très peu changé depuis Battle Isle

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Historyline sur un écran cathodique :

Version PC (DOS)

Développeur : Blue Byte Softwate GmbH
Éditeur : Blue Byte Software GmbH
Date de sortie : Novembre 1992
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langues : Allemand, anglais, français
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.3 – RAM : 640ko – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Sound Blaster
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Développer un jeu pour le marché informatique sans le développer directement sur PC était déjà une énorme prise de risque en 1993 – ne parlons même pas de s’abstenir de le porter sur la machine d’IBM (NdRA : il semblerait d’ailleurs que cette version ait été commercialisée avant la version Amiga, ou au moins simultanément). On a d’ailleurs un peu le sentiment que l’équipe de Blue Byte aura vécu ce portage davantage comme une obligation que comme un choix, tant il ressort que cette version n’a pratiquement pas été optimisée. Déjà, ne reconnaître que l’AdLib et la Sound Blaster en 1993, sans même proposer un programme de configuration, trahit un retard de plusieurs années sur les conventions de l’époque. Offrir une jouabilité aussi pénible à la souris est également profondément anachronique. Et quand en plus la réalisation graphique trouve le moyen d’être moins colorée que sur Amiga 1200, on a quand même un peu l’impression d’être pris pour des truffes. Alors, certes, on ne peut pas dire que l’expérience de jeu en souffre énormément, mais quand on se souvient de la réalisation des titres parus la même année, on a quand même le sentiment que Blue Byte avait un sérieux train de retard.

Les couleurs sont devenues plus tristes que sur Amiga, et les couleurs des bannières ne correspondent même plus à celles des troupes. C’était vraiment nécessaire?

NOTE FINALE : 14,5/20

Historyline : 1914-1918 sur PC accomplit le strict minimum de ce qu’on était en droit d’attendre de lui, c’est à dire une réalisation purement fonctionnelle ne se hissant même pas à la hauteur de la version Amiga 1200, et une maniabilité qui aurait sérieusement gagné à être repensée pour la souris. Si le jeu reste identique à 95%, on regrettera qu’il ne tire que si médiocrement parti du hardware des PC de l’époque.

Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender

Développeur : MPS Labs
Éditeur : MicroProse Software, Inc.
Testé sur : PC (DOS)
Version non testée : Macintosh
Disponible sur : Linux, Windows
En vente sur : Gog.com, Steam.com (Linux, Windows)

Les jeux basés sur le moteur MADS (jusqu’à 2000) :

  1. Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender (1992)
  2. Return of the Phantom (1993)
  3. Dragonsphere (1994)
  4. Once Upon a Forest (1995)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Dématérialisé, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Covox Sound Master, Covox Speech Thing, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

MicroProse. Voilà une société à laquelle il faudrait penser, un jour, à consacrer un dossier, tant il y aurait de choses à dire sur la compagnie cofondée par un certain Sid Meier – et qui évoquera bien des souvenirs enrobés de nostalgie aux joueurs de l’ancienne génération.

Songez qu’en 1992, MicroProse avait déjà dix ans. Et, comme cela a déjà été évoqué en ces pages, la compagnie alors principalement connue à l’époque pour ses simulations et ses jeux de stratégie était en train de chercher à sortir un peu de sa zone de confort pour s’attaquer à d’autres des genres-rois de la période : le jeu de rôle et surtout le jeu d’aventure. Dans le premier cas, cela aura donné cette année-là Challenge of the Five Realms et surtout Darklands. Dans le second, c’était l’occasion d’étrenner le moteur pompeusement intitulé Microprose Adventure Development System (ou MADS), qui ne comptera finalement que quatre titres à son actif. Et le premier jeu à en avoir tiré parti est sans doute le plus célèbre : Rex Nebular and the Cosmic Gender Bender.

L’histoire vous est narrée dans l’introduction visible en ouverture du test : vous êtes (fort logiquement) Rex Nebular, sorte d’aventurier macho du futur très « hansoloesque », de retour de mission pour le commandant Stone, lequel vous a envoyé chercher un vase ancien contre monnaie sonnante et trébuchante. Êtes-vous parvenu à mettre la main sur le fameux artéfact ? C’est ce qu’un Rex de mauvais poil va entreprendre de raconter à Stone, fort courroucé d’une expédition qui aura eu l’occasion de venir à bout de son vaisseau spatial, le Cochon Glissant, et qui, plus grave encore, aura également égratigné sa virilité…

Voilà pour le pitch de départ, qui vous voit donc débuter la partie au fond de l’océan, dans un appareil en ruines, pourchassé par des femmes ayant un sérieux contentieux à régler avec la gent masculine. L’occasion de découvrir une interface très inspirée de celle des production LucasArts de l’époque : une liste de verbes à gauche, un inventaire à droite. Seule absence marquante : pas de verbe « utiliser » au menu. Et pour cause, chacun des (très nombreux) objets en votre possession profitera de sa propre liste d’actions, comptant généralement au moins une action absurde (si vous ramassez un bras tranché, ne soyez donc pas surpris que le jeu vous propose de lui serrer la main). Un très bon moyen d’aborder deux éléments clés du jeu : sa tonalité et son humour.

L’interface a beau emprunter à LucasArts, difficile de ne pas immédiatement penser à l’autre compagnie maîtresse des jeux d’aventure de l’époque, Sierra On-Line, en lançant le jeu. Qu’il s’agisse de l’esthétique VGA très fouillée où on sent que le pixel art a rapidement cédé devant un scanner et une application 3D, ou des grands pavés descriptifs accompagnant la moindre des actions du jeu, comment ne pas immédiatement penser à Space Quest (qui s’apprêtait alors à publier son cinquième épisode) et ne pas trouver à Rex de faux airs de Roger Wilco ?

Dès les premiers plans sur le cockpit de votre vaisseau dans lequel on pourra distinguer, pêle-mêle, des dés pendus au rétroviseur, une cheminée, une voiture radiocommandée ou un panier de basket au-dessus d’une corbeille à papier, on comprend rapidement que le titre de Kenn Nishiuye ne se prend pas trop au sérieux. Autant le dire tout de suite : l’aventure vous mettant aux prises avec une planète intégralement dominée par les femmes aurait largement pu être imaginé par Mark Crowe, Scott Murphy et Al Lowe, tant leur influence semble prégnante à chaque écran du jeu. Al Lowe ? Eh oui car, thématique oblige, le jeu fait également appel – à très faible dose – à un érotisme léger qui oblige d’ailleurs le jeu à proposer une option afin de censurer les rares scènes salaces, au cas où vous seriez dangereusement émoustillé par la vue d’une paire de seins de trois pixels de large.

L’humour, quant à lui, repose principalement sur deux mécanismes : de longues descriptions textuelles, comme on l’a vu, proposant souvent un côté décalé assez mordant, et le décalage entre votre macho d’aventurier et le monde féminisé dans lequel il évolue. Autant dire que sans une solide maîtrise de l’anglais écrit, vous risquez de vous ennuyer ferme, tant le jeu n’a que rarement recours à des gags visuels – et tant ceux-ci font rarement mouche. Un reproche qu’on pourra d’ailleurs appliquer à la quasi-totalité du jeu, hélas.

À chercher à louvoyer quelque part entre Space Quest, Leisure Suit Larry et Maniac Mansion, il arrive en effet assez souvent que ce Rex Nebular s’égare en route. Le jeu, très ardu dans son ensemble (il propose heureusement trois modes de difficulté), semble chercher sa philosophie en même temps que son récit pendant la plus grande partie de l’aventure. Alors qu’on s’attend à évoluer au contact d’une société dominée par les femmes pendant l’essentiel de l’aventure, cet aspect n’occupe finalement qu’une place assez mineure de l’histoire, vous invitant à passer un bon quart du jeu à la surface d’une planète lambda où il n’y a rien à voir, un autre quart dans des couloirs tous semblables où les interactions avec les femmes sont extrêmement limitées à tous les niveaux, et enfin une moitié dans « Machopolis », une ville autrefois habitée par les hommes et désormais… totalement désertée !

Résultat : alors qu’on s’attendait à enchainer des dialogues hilarants et des situations ubuesques, bien encouragé par la promesse du « changeur de sexe » (gender-bender) du titre, on se retrouve au final avec de vagues séquences beaufisantes de type « les femmes veulent être indépendantes mais elles rêvent en secret d’un mâle pour les fertiliser, lol » et autres références hyper-datées qui font qu’on a bien du mal à s’attacher à un univers qui n’a aucune profondeur et, pour tout dire, pratiquement aucune idée.

D’autant que, plutôt que de tomber dans la farce et d’accepter de verser ouvertement dans la caricature, le titre passe son temps à chercher à se donner un côté adulte, avec son érotisme cheap d’un côté mais aussi avec des séquences de gore qui semblent totalement hors de propos dans un programme qui ne sait jamais s’il doit évoluer au premier, au deuxième ou au troisième degré. Écueil assez parlant à ce niveau, le jeu s’obstine jusqu’au bout à s’accrocher à la quête la plus insignifiante qui soit dans un univers de guerre des sexes : trouver ce foutu vase n’ayant absolument aucun lien avec le reste de l’intrigue. On se retrouve au final avec un titre qui fait penser à Martian Memorandum, avec un humour à peine plus fin, mais avec un univers et une enquête nettement moins travaillés.

Si ceux espérant se payer une bonne tranche de rigolade en s’essayant au jeu feraient bien de visionner en préambule quelques extraits du titre afin d’éviter une douche froide, les amateurs de défi relevé, eux, devraient passer un bien meilleur moment, à condition d’apprécier à la fois les énigmes corsées et légèrement fastidieuses (ah, la composition d’explosifs, ah, les piles à recharger, ah, les lasers à détourner…) ainsi qu’une bonne dose de chasse au pixel dans un environnement qui ne vous affiche jamais aucune information en promenant votre curseur : il faudra cliquer partout.

On meurt également souvent mais, pas de panique, le programme vous renvoie alors immédiatement à l’écran précédent. On regrettera en revanche que le jeu ne rebondisse jamais sur le fait que l’histoire est racontée à la première personne : Stone pourrait réagir au fait que vous lui racontiez votre mort alors que vous êtes en fait piqué juste devant lui (le genre de détail auquel avait pensé Monkey Island 2, par exemple) ; mais non, rien n’est prévu pour vous rappeler le point de départ du récit. Si, en dépit de tous ces reproches, Rex Nebular n’est pas à proprement parler un mauvais jeu, il ressemble plus à une promesse déçue, à un titre qui aurait pu être beaucoup d’autres choses mieux pensées et infiniment plus intéressantes à condition d’un game design mieux arrêté et d’une philosophie plus réfléchie.

Même la réalisation a perdu énormément de son charme, la plupart de ses digitalisations baveuses soutenant souvent très mal la comparaison avec des chef d’œuvre du pixel art comme The Legend of Kyrandia, paru la même année. Et quand on voit les monuments comme Day of the Tentacle qui s’apprêtaient à débarquer, en plein âge d’or du genre, on n’est au final pas très surpris que ce Rex Nebular ait quelque peu glissé dans l’oubli, ni que MicroProse n’ait jamais vraiment réussi à se faire un nom dans un domaine où la compagnie américaine avait manifestement pris le train avec un peu de retard. Reste un jeu qui parlera principalement aux nostalgiques et aux joueurs les plus avides de découvrir cette fameuse grande période du jeu d’aventure.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 (Tilt n°109, décembre 1992) – Meilleur jeu d’aventure Micro

NOTE FINALE : 14/20 Pour son entrée dans le monde du point-and-click, MicroProse aura décidé de composer avec des ingrédients éprouvés : une dose de LucasArts, un gros morceau de Space Quest, une pincée de Leisure Suit Larry... Le résultat est ce Rex Nebular imparfait dont l'intrigue à base de guerre des sexes est finalement dramatiquement sous-exploitée, n'offrant que des poncifs rebattus et accusant un gros coup de vieux sans jamais oser verser franchement dans la folie douce qu'elle laissait espérer. Dans un univers qui manque trop de personnalité pour marquer durablement les esprits, on pourra se laisser porter par un humour parfois plus fin qu'il n'en a l'air, mais reposant intégralement sur une bonne connaissance de l'anglais. Une balade souvent éprouvante qui pourra se montrer sympathique sur la durée, mais qui risque hélas de laisser pas mal de monde sur le bas côté. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un humour reposant beaucoup sur le texte et qui impose de bien maîtriser l'anglais... – ...et un côté beauf, heureusement à petites doses, mais qui peine franchement à faire sourire – Un univers qui sonne creux et auquel on ne s'attache pas – Une réalisation assez froide très loin de rivaliser avec les meilleurs titres de la période – Très difficile – Beaucoup d'allées-et-venues entrecoupées de cinématiques impossibles à passer dans la deuxième moitié du jeu

Les avis de l’époque :

« Le scénario combine magistralement science-fiction et humour décapant, sans tomber à aucun moment dans la vulgarité. L’intrigue est très bien menée et les énigmes demandent plus que jamais de la réflexion. […] Un chef d’œuvre qui n’a pas volé son Tilt d’or, même face au tout récent King’s Quest VI de Sierra. »

Thomas Alexandre, Tilt n°109, décembre 1992

Ultima VII : la porte noire

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Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeur : ORIGIN Systems, Inc.
Titre original : Ultima VII : The Black Gate
Titres alternatifs : Ultima VII : Die Schwarze Pforte (Allemagne), 創世紀7:黑月之門 (Chine), Ultima : The Black Gate (Super Nintendo)
Testé sur : PC (DOS)SNES
L’extension du jeu : Forge of Virtue
Disponible sur : Mac OS X (10.6.8), Windows (XP, Vista, 7, 8, 10) – au sein de la compilation Ultima 7 The Complete Edition
En vente sur : Gog .com (Mac, Windows)

La saga Ultima (jusqu’à 2000) :

  1. Akalabeth : World of Doom (1980)
  2. Ultima I (1981)
  3. Ultima II : The Revenge of the Enchantress… (1982)
  4. Exodus : Ultima III (1983)
  5. Ultima : Escape from Mt. Drash (1983)
  6. Ultima IV : Quest of the Avatar (1985)
  7. Ultima V : Warriors of Destiny (1988)
  8. Ultima VI : The False Prophet (1990)
  9. Worlds of Ultima : The Savage Empire (1990)
  10. Ultima : Worlds of Adventure 2 – Martian Dreams (1991)
  11. Ultima : Runes of Virtue (1991)
  12. Ultima Underworld : The Stygian Abyss (1992)
  13. Ultima VII : La Porte Noire (1992)
  14. Ultima : Runes of Virtue II (1993)
  15. Ultima VII : Part Two – Serpent Isle (1993)
  16. Ultima Underworld II : Labyrinth of Worlds (1993)
  17. Pagan : Ultima VIII (1994)
  18. Ultima Online (1997)
  19. Ultima IX : Ascension (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1992
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25 et 3,5″ (x6)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 SX – OS : PC/MS-DOS 4.0 – RAM : 2Mo
Modes graphiques supportés : MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Roland MT-32, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction du jeu :

Au début des années 90, ORIGIN Systems était au beau milieu de ce qu’on pourrait considérer comme son âge d’or. Depuis Wing Commander en 1990, chacun des jeux publiés par la compagnie fondée par Richard Garriott était attendu comme le messie, et faisait généralement à sa sortie l’effet d’une superproduction pensée pour mettre les PC dernière génération à genoux. Car oui, c’était devenu officiel autour de 1991, mais l’ordinateur ultime pour le jeu, en dépit de son prix, était bien devenu le PC – soit l’ordinateur que strictement personne n’aurait pensé à acquérir pour jouer à peine deux ans auparavant. Comme le temps passe…

Rarement on aura eu l’occasion de visiter un univers aussi détaillé

Ce n’était certainement pas l’année 1992 qui allait faire mentir cette réputation : le même mois, soit en mars, la glorieuse saga Ultima allait sortir pas moins de deux épisodes – et deux opus majeurs, pour ne rien gâcher : pendant qu’Ultima Underworld entamait la révolution 3D qui allait sévir pendant toute la décennie, Ultima VII, lui, débutait la dernière trilogie de la saga avec une ambition correspondant assez bien au nouveau statut de la compagnie : à renverser les murs. Dire que le jeu était attendu au tournant serait un euphémisme, mais même si c’est plutôt Underworld qui avait retenu la lumière à l’époque – ce qui n’était pas volé, loin de là – le nouveau titre de la saga « canonique », lui, avait peut-être également accompli à sa façon plusieurs révolutions moins voyantes mais tout aussi capitales dans l’histoire du jeu de rôle vidéoludique.

Vos compagnons n’hésitent pas à intervenir durant les conversations

Le scénario place l’ambiance d’entrée de jeu : alors que vous êtes, comme au début de chaque épisode, occupé à vivre votre existence sur Terre, un visage rouge apparait un jour sur l’écran de votre ordinateur pour se revendiquer comme le nouveau suzerain de Britannia avant de se présenter comme étant le « Gardien ». À peine le temps de digérer son intervention que vous réalisez qu’une porte de lune s’est levée dans votre cercle de pierre. Congédiant la prudence la plus élémentaire, vous la franchissez pour atterrir directement dans la ville de Trinsic, où vos retrouvailles avec votre vieil ami Iolo sont rapidement écourtées afin de vous demander d’enquêter sur un meurtre horrible ayant eu lieu la nuit précédente. Un meurtre qui sera l’occasion de vous intéresser aux agissements d’une nouvelle secte religieuse qui se fait appeler la Confrérie…

Les dragons sont coriaces, mais bien moins dangereux que dans les autres épisodes

Changement de trilogie, changement d’approche, changement d’ambition, changement de moteur. Il y aura énormément de choses à dire sur cet épisode, alors autant commencer par la plus flagrante : son interface. Beaucoup de joueurs contemporains rechignent à découvrir les jeux de rôles du siècle dernier parce qu’ils pressentent qu’ils vont passer de douloureux moments, le nez dans le manuel, à comprendre comment diable ils sont censés jouer.

Pour en apprendre plus sur la Confrérie, il faudra commencer par l’infiltrer

Ici, le premier choc est celui de la modernité : Ultima VII est intégralement jouable à la souris, et son maniement est si ergonomique qu’il ne faut qu’une poignée de secondes pour se sentir à l’aise. Un clic gauche sur un objet vous donne son nom, un double-clic vous permet de l’utiliser, un « cliquer-glisser » vous permet de le déplacer. Le clic droit, lui, servira au déplacement : plus le curseur est éloigné de votre personnage, et plus vous irez vite. Et voilà, vous savez jouer. Double-cliquez sur un personnage et vous lui parlerez, sur un coffre et vous l’ouvrirez, sur une torche et vous l’allumerez, sur un de vos compagnons et vous afficherez son inventaire ; faites glisser un objet jusqu’à vous et vous l’empocherez : c’est limpide, et ça fait du bien.

Pour accéder à certains endroits, il faudra se montrer ingénieux !

Le deuxième bouleversement vient de la discrétion de l’interface en question : toutes les informations étant accessibles en quelques clics, le jeu fait le choix de s’afficher en plein-écran, et ne fait apparaître les fenêtres nécessaires qu’à la demande. Un très bon moyen de profiter de la réalisation du jeu, affiché dans une perspective cavalière un peu étrange mais avec un luxe de détails absolument incroyable – et en tirant merveilleusement parti de la palette de 256 couleurs du VGA. La moindre bouteille, le moindre couvert, le plus petit brin d’herbe est visible à l’écran : la notion de « monde virtuel » touche ici à la perfection.

Le jeu regorge d’Easter eggs, comme ce vaisseau Kilrathi

Car non seulement tout est parfaitement agencé, mais tout, absolument tout a une fonction ! Il vous est ainsi parfaitement possible de ramasser un pinceau, de l’utiliser sur une palette avant de peindre un portrait sur une toile à partir de rien ! Encore plus fort : vous pouvez couper du blé, aller le placer sous la meule d’un moulin, en tirer de la farine, la mélanger avec de l’eau, et placer la boule de pâte ainsi façonnée dans un four pour faire votre propre pain – le niveau de possibilités est impressionnant, au point de transformer par moments l’univers du jeu en véritable bac à sable où l’on passe plus de temps à expérimenter qu’à suivre le cours de l’aventure.

Skara Brae a connu un sort rappelant beaucoup celui de Magincia dans Ultima IV

Certains joueurs se sont ainsi amusés à transporter des caisses sur une île déserte pour façonner des sortes de petites citadelles sur mesure pour entreposer leurs objets – ça ne sert certes pas à grand chose, mais on peut le faire, et c’est ça qui est fascinant. Dans le même ordre d’idées, vous pouvez attaquer n’importe qui, entreprendre de mener un casse à l’hôtel des monnaies de Britain, ou vous comporter en parfait kleptomane – méfiez-vous quand même des réactions de vos compagnons, qui risquent de ne pas être très enthousiastes en voyant l’Avatar se comporter comme un sagouin.

Le système de multi-fenêtrage permet de profiter du plein-écran

On notera d’ailleurs que ceux-ci participent régulièrement aux conversations pour donner leur opinion ou prendre votre défense, voire s’exprimer au cours du jeu, comme tous les PNJs, à l’aide de messages qui s’affichent tout simplement au-dessus de leur tête. Cela contribue non seulement à leur donner beaucoup de personnalité, mais également à rendre l’univers encore plus vivant : il sera fréquent de voir un citadin sortir de chez lui pour ouvrir ses volets et s’exclamer que sa maison est bien plus agréable avec un peu de lumière, on voit des enfants se poursuivre en criant « chat, à toi ! », les adversaires lâchent parfois des jurons ou des commentaires bien sentis pendant les combats… L’univers du jeu a indéniablement gagné en maturité, comme en atteste d’ailleurs la présence de nombreuses scènes de gore ou même de nudité qui tendent à offrir un monde « sans filtre » dans lequel on se sent immédiatement investi. Une vraie claque !

Le scénario devient rapidement prenant, et multiplie les références au troisième épisode

Notons d’ailleurs que le monde a encore gagné en taille. Ainsi, la ville de Britain, cantonnée à une dizaine de bâtiments dans Ultima VI, est par exemple gigantesque, et vous demandera pas mal de temps avant de prétendre en avoir visité chaque bâtisse et interrogé chaque citoyen. Lesquels sont plus bavards que jamais, profitant d’un système de dialogue vous demandant dorénavant simplement de sélectionner un mot-clé dans une liste, laissant ainsi à votre clavier l’occasion de prendre définitivement la poussière. Tout cela donne énormément de chair à un scénario passionnant, dont la principale faiblesse demeure le rôle cousu de fil blanc réservé à cette fameuse « Confrérie » sortie de nulle part et dont chaque membre pue l’opportunisme ou l’hypocrisie au bout de dix secondes de jeu.

Découvrez des créatures étranges, comme les Emps

Fort heureusement, l’enquête vous demandant de comprendre qui a bien pu vous faire venir sur Britannia ainsi que l’identité et les objectifs du Gardien est particulièrement prenante, des kilomètres au-dessus de celle du précédent opus, au point de vous donner parfois le sentiment de jouer à un jeu d’aventure plus encore qu’à un jeu de rôle. Le récit fait de nombreuses références aux anciens épisodes, particulièrement à Ultima III (une tendance qui se prolongera dans Forge of Virtue et plus encore dans Serpent Isle), et comporte pour la première fois des quêtes secondaires n’ayant aucune incidence sur la résolution de l’aventure mais rapportant de l’expérience en plus de renforcer, une fois encore, la crédibilité de l’univers. Il y a véritablement matière à y passer des dizaines d’heures.

Le tapis volant fait son grand retour

S’il faut aborder les quelques défauts du jeu, profitons-en d’ailleurs pour évoquer le problème des quêtes « à tiroirs ». Concrètement, il est assez fréquent, dans le déroulement de l’aventure principale, qu’on vous demande d’aller voir un personnage « a », qui lui même vous envoie remplir un objectif « b », lequel vous envoie à votre tour trouver un objet « c », qui nécessite de parler à une personne « d »… et ainsi de suite, ce qui oblige à accomplir une longue liste de sous-sous-sous-sous-objectifs avant de prétendre pouvoir régler enfin la question pour laquelle on cherchait à intervenir. On en vient rapidement à prendre des notes car, à force d’être trimballé ainsi à hue et à dia, on en oublie parfois ce qu’on était parti faire à l’origine. Corollaire immédiat : attendez-vous à effectuer des va-et-vient par dizaines.

Découvrir la vérité sur le dysfonctionnement de la magie vous obligera à visiter des endroits dangereux

Il arrive à plusieurs occasions que vous deviez faire la navette entre des PNJs pas facile à trouver, dans des zones très vastes, et que personne ne voie aucun problème à vous envoyer à l’autre bout du monde pour une tâche triviale. C’est par moments un tantinet énervant, surtout quand on ne maîtrise pas les subtilités des sorts « marque » et « rappel » qui peuvent vous faire gagner beaucoup de temps, à condition de comprendre leur fonctionnement un peu… contraignant. Bref, on se déplace beaucoup, et on finit parfois par se lasser de reprendre la même route pour la dixième fois.

Le jeu n’hésite pas à faire usage de gore

Autre écueil, et sans doute le plus dommageable de tous : le système de combat. Concrètement, ceux-ci se déroulent en temps réel, ce qui signifie que vous ne contrôlez que l’Avatar – le reste du groupe agira en fonction de consignes assez basiques décidées à l’avance, de type « concentrez vos attaques sur l’ennemi le plus fort ». L’ennui, c’est que vous ne ferez de toute façon pas grand chose : un affrontement lambda se résumera à double-cliquer sur un monstre et à attendre de voir ce qui se passe. À moins d’utiliser un sortilège, vous serez largement spectateur de toutes les escarmouches du jeu – qui ont certes l’avantage de se résoudre assez vite, mais on est très loin des mécanismes de tactical-RPG des quatre précédents épisodes.

Tous les livres sont lisibles, et contiennent fréquemment des informations importantes

Dans le même ordre d’idées, les donjons sont généralement assez courts, et repose souvent sur des énigmes et sur un aspect labyrinthique plus que sur un réel challenge. Autant dire que les fans de jeux de rôles basés sur les statistiques risquent d’être très déçus : c’est clairement sur ses aspects narration et exploration qu’Ultima VII rafle tous les suffrages, et nulle part ailleurs. Soyez donc prévenu : si votre passion est de monter un groupe et de le faire progresser de combat en combat, mieux vaut aller tenter votre chance avec des titres à la Pool of Radiance. Mais si vous souhaitez réellement incarner un personnage lâché dans un autre monde au sein duquel vous serez libre de faire à peu près n’importe quoi, alors vous tenez à n’en pas douter un des jeux les plus accomplis dans le domaine. Si jamais vous cherchez à comprendre pourquoi certains joueurs ne jurent encore aujourd’hui que par la saga des Ultima, laissez une heure ou deux à ce septième épisode : vous pourriez fort, à votre tour, être conquis.

Il y a de tout en Britannia, même des nudistes !

Quelques mots, en conclusion, sur la version française du titre. Celle-ci fait le choix assez osé du « vieux françois », en réponse au Middle English employé dans la version originale du jeu. Il faut bien reconnaître qu’en dépit de nombreuses coquilles et approximations, cela donne un charme certain au jeu, et ajoute grandement à l’immersion. En revanche, le doubleur français du Gardien, qui nous gratifie de ses interventions au fil du jeu, est très loin de la performance de Bill Johnson en V.O. : sans être honteuse, sa performance est en sous-jeu, et il finit rapidement par nous fatiguer plutôt qu’autre chose.

Smith le cheval parlant est toujours de la partie, et il est devenu bien arrogant, le bougre !

Détail important, en revanche : l’expérience de la localisation se sera limitée, pour Ultima VII, à cette première partie. Comprenez donc que ni Forge of Virtue ni Serpent Isle ni The Silver Seed n’auront jamais bénéficié d’une version française officielle – ce qui signifie qu’il est impossible de faire fonctionner Forge of Virtue avec cette version. La plupart des plateformes de vente en ligne vendant aujourd’hui le titre dans un coffret regroupant Ultima VII, Serpent Isle et leurs deux extensions, cela signifie également que cette version française est, à l’heure actuelle, indisponible à la vente. Un oubli qu’on espère voir corrigé un jour ou l’autre.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18,5/20 Ultima VII : la porte noire correspond, à n'en pas douter, à un des représentants les plus marquants et les plus accomplis du principe du « monde ouvert ». Au cœur d'une Britannia plus vraie que nature où la seule limite semble être notre imagination, la longue quête pour arrêter le Gardien et venger le père de Spark signe le point de départ d'une expérience grandiose que beaucoup de joueurs ne sont tout simplement jamais parvenus à oublier. L'enquête, le dialogue et l'exploration ont clairement pris le dessus sur des combats confus et des donjons articulés autour de la résolution d'énigmes, mais l'extraordinaire niveau de détails de l'univers, vivant à un niveau encore jamais atteint, nous pousse à passer suffisamment de temps dans l'autre monde pour nous faire amèrement regretter de le quitter. Plus qu'un jeu : une expérience. CE QUI A MAL VIEILLI : – Une Confrérie pas très subtile – Combats sans intérêt – Quêtes à tiroirs parfois fastidieuses – Beaucoup d'allées-et-venues – Impossible de bénéficier de Forge of Virtue sur la version française du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Ultima VII sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« J’ai apprécié la qualité du scénario, toujours aussi riche et même plus tortueux que les précédents épisodes, ce qui, je pense, constitue la raison du succès de cette série. En plus, j’ai craqué devant les graphismes, le réalisme de l’univers Britannien (sic), la diversité des situations et les mille trouvailles qui vous donnent envie de fouiller partout ! »

Man-X, Tilt n°100, mars 1992, 19/20

L’extension du jeu :
Ultima VII : Forge of Virtue

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Ultima VII aura été le premier épisode de la saga à avoir bénéficié d’une extension. On pourrait d’ailleurs presque dire « le dernier », le concept n’ayant pas survécu au-delà de Serpent Isle qui est, rappelons-le, la deuxième partie d’Ultima VII (une extension avait initialement été prévue pour Ultima VIII, mais celle-ci aura finalement été annulée à la dernière minute). Forge of Virtue creuse ainsi encore un peu plus le lien tissé ente le septième épisode (Serpent Isle inclus) et Ultima III, en faisant ressortir des océans L’Île du Feu sur laquelle se situait le château d’Exodus. Lord British vous informera que le palais avait été transformé en une suite d’épreuves portant sur les principes de l’amour, de la vérité et du courage en prélude à la quête d’Ultima IV, mais que l’île ayant sombré sous les flots peu après la défaite d’Exodus, il vous incombe dorénavant d’aller découvrir ce qui l’a conduite à remonter à la surface.

Erethian sera votre principal pourvoyeur d’informations et saura vous introduire les enjeux des différentes épreuves

L’extension prendra donc intégralement place à l’intérieur de l’Île du Feu (Lord British vous offrira généreusement un bateau pour vous y rendre) où vous rencontrerez un vieil ermite aveugle nommé Erethian, qui sera une mine d’information sur l’étrange créature « ni homme ni machine » qu’était Exodus et dont la mémoire est, semble-t-il, restée prisonnière à l’intérieur du palais. Une très bonne occasion de développer un peu le lore de la saga, et de vous donner l’occasion de forger une épée extrêmement puissante qui sera appelée à jouer un rôle important dans Serpent Isle. Le contenu de l’extension en lui-même est organisé autour des trois fameuses épreuves : celle de l’amour est assez simple, puisqu’il s’agira principalement de parler à deux golems et de répondre à leurs instructions. L’épreuve de la vérité, en revanche, est très frustrante (ou atrocement simple une fois que vous savez comment la compléter), alors que l’épreuve du courage vous demandera un groupe de bon niveau et bien équipé. Dans l’ensemble, le principal mérite de cette extension – en-dehors de sa façon de développer l’univers – est surtout de vous permettre d’en ressortir avec un personnage outrageusement puissant et une épée virtuellement capable d’abattre n’importe qui (même Lord British !) en un seul coup. L’occasion de prolonger l’expérience de jeu avec d’autant plus de bonne volonté que l’extension est de toute façon comprise par défaut dans toutes les compilations vendant le jeu (en anglais). Quoi qu’on pense de ses éventuelles forces et faiblesses, le seul véritable défaut rédhibitoire de Forge of Virtue est de n’avoir jamais été localisé, et d’être par conséquent totalement incompatible avec la version française d’Ultima VII.

Version SNES
Ultima : The Black Gate

Développeur : ORIGIN Systems, Inc.
Éditeurs : FCI – Pony Canyon, Inc.
Date de sortie : 18 novembre 1994 (Japon) – Juin 1995 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb (version japonaise) ou de 8Mb (version américaine)
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction du jeu :

Après une conversion d’Ultima VI relativement fidèle, on se demandait ce qu’allait nous réserver la Super Nintendo pour le septième épisode de la saga. La réponse, hélas, nous renvoie vers les expérimentations pas toujours heureuses subies par les autres épisodes de la série : c’est toujours Ultima VII, avec la même intrigue, mais le jeu est devenu très différent.

Ce n’est pas moche, mais on a quand même perdu énormément de détails

Comme un peu trop souvent, les dialogues et l’intrigue ont rétréci au lavage. Oubliez l’univers extrêmement détaillé où pratiquement tout est possible : le monde est beaucoup plus petit, moins vivant, les intérieurs sont plus vides… Il n’y a d’ailleurs même plus de groupe : vous serez seul pendant toute l’aventure, et le système de jeu verse clairement du côté de l’action-RPG, avec des combats en temps réel qui nécessiteront de vous exciter sur les boutons de votre manette. En contrepartie, il y a davantage de donjons, et la plupart des objets importants demanderont d’aller vous y frotter, rendant le déroulement du jeu plus convenu et plus linéaire. Les bateaux ont disparu, tout comme le tapis volant, et seuls 16 des 72 sortilèges ont survécu – ils ne nécessitent d’ailleurs plus de réactifs. Pour ne rien arranger, la censure made in Nintendo a encore frappé : oubliez la nudité et le gore, oubliez même carrément les meurtres : cette fois, les victimes ont été enlevées. Comme pour la plupart des précédentes adaptations sur consoles Nintendo, le jeu n’est pas à proprement parler mauvais ; il est simplement exactement aux antipodes des éléments et de la philosophie qui ont fait la réputation de la saga. En résulte un action-RPG assez générique à des kilomètres des cadors de la Super Nintendo comme Secret of Mana, et surtout un titre qui aura toutes les chances de faire fuir à toutes jambes les fans de la série dont il porte le nom. Du coup, on ne sait pas trop à qui ce destine cet opus qui aura bien du mal à soulever l’enthousiasme de quiconque.

Spark n’a dorénavant plus rien à vous dire !

NOTE FINALE : 13/20

Devenu un banal action-RPG amputé d’une très grande partie de ce qui faisait le sel du titre original, Ultima : The Black Gate offre une version lourdement expurgée de l’expérience de base. Certes, il y a davantage de donjons et les combats sont (un peu) plus intéressants que sur PC, mais l’histoire peine à intéresser et l’univers a perdu énormément de son charme. Un jeu assez mineur à l’échelle de la ludothèque de la Super Nintendo.

Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun

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Développeur : Westwood Associates
Éditeur : SEGA Enterprises, Inc.
Titre alternatif : HollowWorld (titre de travail), Warriors of the Eternal Sun (titre usuel)
Testé sur : Mega Drive

Version Mega Drive

Date de sortie : Août 1992 (Europe, États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction du jeu :

Autant l’avouer d’entrée, l’irrationnel joue souvent une grande part dans ce qui nous fait apprécier ou non un jeu vidéo. On en vient parfois à l’oublier, à l’heure de la distribution dématérialisée où n’importe quel titre n’est qu’à un clic de finir sur notre disque dur, mais le joueur du XXe siècle pouvait déjà bâtir tout une mystique autour d’un logiciel avant d’y avoir joué – et parfois, sans même en avoir jamais entendu parler avant de le découvrir en boutique.

En intérieur, on se croirait presque dans Eye of the Beholder

Combien d’enfants auront rêvé, le temps du trajet qui les ramenait du magasin, sur les images disponibles au dos d’une boîte ? Combien se seront bâtis des récits pendant des semaines en observant la jaquette, en attendant la date fatidique de l’anniversaire où ils seraient enfin autorisés à jouer ? Combien auront laissé courir leur imagination simplement à partir d’un titre ? Parfois, une poignée de mots raconte déjà tellement de choses… Warriors of the Eternal Sun… « Les Guerriers du Soleil Éternel », ça avait quand même de la gueule !

…alors que dehors, on pense plutôt à Savage Empire ou à Ultima VI

Immédiatement, on imaginait un autre monde, aux règles et aux coutumes différentes, un univers dépaysant, une aventure qui nous changerait peut-être à tout jamais… Quelle invitation au voyage ! Ça racontait quand même plus de choses que Léa passion cuisine, non ? Lorsque enfin venait l’heure de découvrir un univers sur lequel on avait déjà construit tant d’attentes, on glissait avec fébrilité la cartouche dans la console et on lançait le jeu avec le cœur qui battait la chamade, avide de confronter la réalité aux mille récits qu’on avait déjà eu le temps d’échafauder depuis l’achat. Et ainsi se lance l’histoire d’une guerre qui dura treize lunes…

Ce monde est très hostile, et il va vite vous le faire comprendre

Warriors of the Eternal Sun s’ouvre donc sur une cinématique, visible en ouverture de ce test, qui vous raconte comment le château du duc Hector Barrik, voué à tomber sous les assauts des gobelins, se retrouve soudainement téléporté dans un monde inconnu. Désormais coincé au fond d’une vallée encaissée au milieu d’une végétation luxuriante, sous un soleil rouge qui semble ne jamais se coucher, c’est à votre groupe qu’il appartiendra de partir explorer cet endroit étrange afin de trouver des alliés et de ne pas laisser votre culture mourir avec vous.

Découvrez des civilisations anciennes… et réglez-leur leur compte

Après avoir été accueilli par le très dynamique thème de l’écran principal, vous pourrez commencer immédiatement la partie avec un groupe prédéfini, ou bien en créer un autre – ce qui correspondra au choix de n’importe quel rôliste qui se respecte. Le jeu reprend les règles de base de Donjons & Dragons, avec une seule petite nuance : les races font ici office de classes. En plus des quatre archétypes de base (guerrier, mage, voleur, clerc) tous considérés comme des humains, vous pourrez donc créer un nain (sorte de guerrier bis), un elfe (guerrier/mage) ou un semi-homme (guerrier/voleur).

Les donjons constituent le plat de résistance du jeu

Il vous appartiendra également de choisir le sexe et le nom de chacun des quatre membres de votre groupe, avant de refaire les jets de caractéristiques jusqu’à ce qu’ils vous conviennent. Pas question ici de mettre 18 partout, ni même de redistribuer des points : quel que soit votre tirage, il sera à prendre ou à recommencer. N’hésitez donc pas à consacrer beaucoup de temps à cette phase, un bon groupe pouvant avoir un impact spectaculaire sur vos chances de survie.

L’assaut frontal n’est pas toujours une bonne idée : réapprenez à être mobile

Une fois la partie lancée, vous débutez donc immédiatement dans la salle du trône où le duc vous donne vos dernières instructions avant de vous laisser la main. Vous vous retrouvez alors dans un jeu en fausse 3D isométrique qui fera immédiatement penser à Ultima VI ou VII, au choix.

Vous pourrez également vous repérer une fois hors de la vallée, à condition de commencer par trouver une carte

Vous déplacez votre groupe avec les flèches, et l’interface tire très bien parti des quatre boutons de la manette : Start fera apparaître un menu où vous pourrez régler toutes les questions de magie, de statistiques, de repos ou d’inventaire, et vous pourrez attribuer une arme ou un sort pour chacun des boutons A et B pour chaque personnage. S’il est impossible d’accéder aux caractéristiques des différentes armes du jeu, chaque héros enfilera en revanche automatiquement la meilleure armure en sa possession. Comptez une poignée de minutes pour apprivoiser le tout, avant de vous lancer dans une aventure qui va reposer avant tout sur deux aspects : l’exploration et le combat.

Les graphismes sont très détaillés – dommage que la vallée en elle-même soit si uniforme

En effet, si le château de départ est rempli de PNJs et de vendeurs, et comporte également une église qui pourra vous remettre gratuitement tout le monde d’aplomb, il constitue également l’endroit où vous lirez 90% des dialogues du jeu. Le monde dans lequel vous vous trouvez, vous allez vite le réaliser, est du genre hostile, et la majorité de vos négociations se feront à grand coups de maillet dans la tronche.

Hop, un autre donjon caché ! Il faut vraiment être prêt à fouiller partout

Il faudra donc partir en vadrouille sans autre guide que la carte de la vallée disponible dans le menu du jeu afin d’accumuler des indices sur l’endroit où vous avez atterri, mais aussi sur ce qui vous a valu d’être ainsi transporté magiquement. Et à ce titre, fourrer son nez partout devra rapidement devenir une seconde nature : il y a déjà deux donjons secrets rien que dans le bâtiment de départ ! L’occasion de constater, d’ailleurs, que les phases en intérieur utilisent un autre moteur que les phases dans la nature. Si vos escapades dans la vallée se font donc en vue de dessus avec des combats en tour par tour, les donjons, eux, se vivent à la première personne et en temps réel, à la Eye of the Beholder !

La carte automatique s’effacera hélas sitôt le donjon quitté

Rien de très surprenant lorsqu’on se souvient que c’est précisément Westwood Associates qui est aux commandes – et la compagnie américaine n’a visiblement pas perdu la main tant le principe fonctionne encore en dépit de la petitesse de la fenêtre de jeu lors de ces phases en intérieur. Une nouvelle fois, il faudra être prêt à sonder tous les murs à la recherche de passages secrets (là encore, fouillez bien les premiers donjons, vous ne serez pas déçus), et ré-adopter les vieilles techniques consistant à tourner autour des monstres lors des affrontements les plus complexes. Le jeu met même à votre disposition une carte automatique, dont le seul défaut est de se réinitialiser à chaque fois que vous quittez un donjon. Conseil : n’hésitez pas à cartographier vous-même.

Les dialogues sont rares, et souvent assez… directs

Le titre suit donc un déroulement relativement classique pour les jeux de rôle de l’époque : suivre les instructions, explorer partout, monter de niveau et gagner en puissance. Vos premiers instants seront certainement les plus délicats, votre groupe étant extrêmement fragile en début de partie, mais une nouvelle fois la curiosité sera votre récompense : il est tout à fait possible de quitter la citadelle initiale avec de l’équipement +1 à profusion et quelques sortilèges de plus simplement pour avoir tenu à retourner la moindre pierre.

Tous les classiques du bestiaire de Donjons & Dragons sont là

Si on ne sait pas toujours exactement où aller, la vallée de départ n’est de toute façon pas gigantesque et les principaux donjons sont visibles sur la carte du menu ; on s’en sort donc très bien en se contentant de suivre les directions données au château. On se réjouit parfois d’avoir déniché une grotte secrète derrière une cascade ou dans le renfoncement d’une falaise, mais on peut également vite déchanter d’être tombé sur des monstres bien trop puissants pour nous… Fort heureusement, il est possible de sauvegarder n’importe où tant que vous êtes en extérieur. N’oubliez donc pas de bien vous préparer avant d’entrer dans un donjon, car ceux-ci peuvent être très long et c’est de toute évidence dans ce cadre que vous connaîtrez l’essentiel de votre mortalité.

Le temple des Azcans est sans doute le seul moment du jeu où vous regretterez de ne pas avoir de voleur dans votre équipe

Bien que le principe du jeu se limite au fond essentiellement à visiter des donjons et à massacrer tout ce qui se trouve sur notre route afin de collecter des éléments qui fassent avancer l’intrigue, il faut reconnaître qu’il le fait extrêmement bien. En mêlant habilement deux types de gameplay, le titre de Westwood varie intelligemment les plaisirs, et sait offrir suffisamment de renouvellement pour nous donner cette envie tenace de mener l’aventure jusqu’à son terme.

Le stock des magasins évolue avec votre niveau

On ne peut qu’être ébahi par l’ambition du jeu, avec pas moins d’une centaine de types de monstres au compteur : loin d’être le « RPG light » trop souvent développé sur les consoles de l’époque, Warriors of the Eternal Sun nous fait regretter que le concept n’ait pas eu sa chance sur ordinateur, et surtout que Westwood n’ait pas daigné persévérer dans cette voie. Parce que pour tous les amateurs de jeux de rôles à l’ancienne, se fussent-ils escrimés sur Ultima, Dungeon Master ou Pool of Radiance, le coup de foudre risque d’être immédiat. Les combats et l’exploration, qui sont le cœur du jeu, sont précisément ses aspects les plus réussis, et la réalisation a un charme certain qui ne rivalise certes pas avec que que pouvait offrir un PC à la même époque, mais n’empêche pas le jeu d’avoir un lien évident avec les références dans lesquelles il puise – difficile de ne pas penser à un moment ou à un autre à Savage Empire.

Les monstres sont très variés

On notera aussi une grande variété dans les thèmes musicaux, et celui du titre pourrait vous rester en tête un bon bout de temps. Seul vrai défaut : s’aventurer au fin-fond d’un temple de plusieurs étages remplis de pièges, c’est une chose, mais avoir ensuite à refaire tout le trajet en sens inverse, avec tous les adversaires qui réapparaissent à chaque étage et la carte automatique qui se réinitialise, le tout sans pouvoir sauvegarder, c’est déjà nettement moins amusant. Le jeu est également un peu court (comptez une dizaine d’heures, même si cela dépendra du temps que vous consacrerez au grinding). Bref, si les amateurs de RPG « moderne » porté essentiellement par la narration risquent de rester sur leur faim, les fans de système à l’ancienne où l’essentiel du récit était laissé à la charge de l’imagination du joueur devraient passer un excellent moment. L’exemple type du jeu sur console qui plaira avant tout aux possesseurs d’ordinateurs, ce qui explique peut-être qu’il ne soit pas parvenu à trouver son public. C’est bien dommage.

Vidéo – Les quinze premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Sorte d'improbable rencontre entre Savage Empire et Eye of the Beholder, Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun transpose avec talent le savoir-faire de Westwood sur Mega Drive. En mêlant avec beaucoup de culot un monde ouvert porté sur l'exploration et des phases de dungeon crawler, le titre accomplit une alchimie très réussie qui devrait immédiatement faire vibrer une corde nostalgique chez tous les amateurs de jeux de rôle à l'ancienne, en particulier chez les fans de la série des Ultima. Le déroulement est certes très linéaire, et la scénarisation reste globalement en retrait - comme c'était encore souvent la norme à l'époque - mais la richesse du contenu et l'extraordinaire efficacité du système de jeu font qu'on peut encore facilement prendre beaucoup de plaisir en découvrant le jeu aujourd'hui. Un OVNI au milieu des J-RPG de la Mega Drive, mais une expérience suffisamment convaincante pour nous faire regretter que Westwood n'ait pas persévéré dans cette voie. CE QUI A MAL VIEILLI : – Beaucoup d'aller-et-retours dans des donjons tentaculaires remplis de monstres à ras-bord – Le jeu aurait pu bénéficier des règles avancées de Donjons & Dragons plutôt que de se cantonner à la première édition – Trop court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Warriors of the Eternal Sun sur un écran cathodique :