Götzendiener

Développeurs : Gainax Co., Ltd. – Studio Alex, Ltd.
Éditeur : NEC Home Electronics, Ltd.
Titre alternatif : ゲッツェンディーナー (graphie japonaise)
Testé sur : PC Engine CD

Version PC Engine CD

Date de sortie : 25 novembre 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Super System Card requis

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Parmi les curiosités récurrentes des jeux japonais, on notera une forme d’appétence étrange pour les titres en allemand (pour ceux en anglais aussi, naturellement, mais on touche là à une tendance assez évidente pour un marché mondialisé).

Je ne ferai pas semblant ici d’en connaître les raisons ni d’avoir cherché à le faire, mais le fait est que de Der Langrisser à Herzog Zwei (on pourrait même citer des cas un peu à part comme Märchen Maze, qui emprunte autant à l’anglais qu’à l’allemand), le jeu vidéo japonais semble, de temps à autre, trouver un certain cachet à la langue de Goethe (alors que, à titre de comparaison, je serais bien en peine de vous citer un jeu japonais doté d’un titre en français). Comme vous l’aurez sans doute déjà deviné, j’évoque aujourd’hui cette intéressante incongruité pour mieux introduire le logiciel qui nous intéresse, et dont le titre est Götzendiener – ce qui signifie, à en croire mes maigres connaissances en allemand, « idolâtre ». Une histoire où il n’est d’ailleurs jamais question, à ce que j’en ai compris, d’une quelconque idole, mais le jeu étant intégralement en japonais (et ne pouvant compter sur aucune traduction de fans au moment où j’écris ces lignes), vous devrez vous contenter de la sympathique introduction animée visible ci-dessus pour espérer comprendre l’essentiel des enjeux de l’aventure.

Sur le papier, on commence en tous cas en terrain plus que connu : figurez-vous que la princesse Mia a été enlevée par le dieu démoniaque. Une fois n’est pas coutume, le roi décide de ne pas se montrer trop pingre pour sauver la vie de sa fille, et envoie carrément toute son armée à l’assaut de la forteresse du mal.

La bonne nouvelle, c’est que le dieu aura bien été vaincu par un valeureux chevalier et par son épée magique, comme dans tous les contes de fée. La mauvaise, c’est que non seulement toute l’armée royale a laissé la vie dans l’opération, mais qu’en plus le héros lui-même s’effondre au terme du combat final, laissant alors à la princesse la difficile responsabilité… de se libérer elle-même. Excellent contrepied ; après quelques secondes de jeu, surprise : vous n’allez donc pas incarner le vaillant chevalier mais bien la princesse, pour mieux la faire s’emparer de l’épée magique sur le cadavre encore tiède du héros de service avant de la guider jusqu’à la liberté. Avouez que ça change !

La valeureuse Mia, qui se retrouve donc enfin aux commandes de sa propre existence (avec votre aide quand même, mais pour une fois qu’elle a voix au chapitre…), va donc devoir composer avec ses capacités, lesquelles sont globalement celles d’une femme tout à fait ordinaire devant s’adapter aux circonstances. Le bouton I lui servira à accomplir les action les plus communes : ouvrir une porte, pousser ou tirer un objet, utiliser un mécanisme, ramasser un objet… II servira uniquement à sortir ou à ranger votre épée, car vous vous doutez que quelques adversaires ont survécu au passage de l’armée royale – les combats sont de toute façon extrêmement basiques, se résumant quasi-exclusivement à des échanges de coups avec victoire assurée pour le premier qui frappe.

Select vous permettra de lâcher ce que vous avez en mains – la malheureuse princesse n’ayant ni poche ni sac, elle n’aura d’autre inventaire que ce que pourront contenir ses mains, même si cela pose la question de l’endroit où elle peut bien ranger son épée quand elle ne la tient pas vu qu’elle n’a pas de fourreau non plus, mais je m’égare. C’est également le même bouton qui vous permettra, à proximité de certains objet, de faire usage d’une forme de magie : comme vous aurez l’occasion de le réaliser, Mia semble avoir une certaine affinité avec les flammes tant qu’elle dispose d’une torche ou d’un brasier à proximité. Les déplacements, eux, se font via la croix directionnelle, mais la vue étant isométrique, cela signifie qu’il faudra user et abuser des diagonales pour faire avancer notre héroïne, d’où une jouabilité assez contraignante et imprécise, pour ne pas dire pénible –  ce sera fort heureusement assez rarement pénalisant pour ce qu’on vous demande d’accomplir. Pour le reste, il sera également possible de sauter (la princesse le fera automatiquement) lorsque ce sera nécessaire, ce qui ne l’est à ma connaissance qu’à une seule reprise dans tout le jeu. Pour le reste, rassurez-vous : à une cinématique près, il n’y aura pas une ligne de texte de toute l’aventure, ce qui signifie que ne pas parler japonais ne devrait pas vous pénaliser outre mesure.

Après ces quelques précisions sur la jouabilité, la question mérite d’être posée : quel type de jeu est Götzendiener ? C’est une si bonne question, pour être honnête, qu’y répondre risque d’être plus complexe qu’il n’y parait : le titre de Gainax et du Studio Alex est assez difficile à faire rentrer dans une case ou dans un genre spécifique. Par sa vue et son approche, on pourrait être tenté de le comparer à des titres comme D/Generation ou surtout The Immortal à l’univers duquel il se rapproche davantage.

Comme dans ces deux jeux, on compose ici avec un mélange d’action, de réflexion et d’aventure, et une large part du charme de l’épopée est précisément de ne pas trop savoir ce qui nous attend – créant ainsi un lien évident avec la princesse qui n’en sait pas davantage que nous. La force de l’atmosphère du jeu tient d’ailleurs à cet aspect d’une narration tenant quasi-intégralement au cadre et à la situation : il n’y a pas de textes, pas de livres ou de parchemins à trouver, pas de vieux sage avec une grande barbe pour vous expliquer votre mission en vous envoyant au casse-pipe ; vous êtes une jeune femme livrée à elle-même dans une forteresse étrange en train de se démener pour s’en sortir en vie, basta. Un point de départ engageant et qui laisse authentiquement présager du meilleur, mais qui s’essouffle hélas très vite – tout simplement parce qu’on ne découvre au final pas grand chose et qu’il ne se passe rien de très passionnant dans cette grande forteresse aux trois-quarts vide.

Le vrai problème du jeu pourrait d’ailleurs tenir à son côté indéfinissable, qui repose moins sur son originalité que sur le fait que le titre ne semble pas très bien savoir lui-même sur quoi repose son gameplay. Ce n’est pas un hack-and-slash car les combats sont trop rares et sans intérêt, ce n’est pas un jeu de rôle puisqu’il n’y a ni équipement, ni choix, ni caractéristiques, ce n’est pas un jeu de plateforme puisqu’il n’y a pas de sauts à faire, ce n’est pas un jeu de réflexion puisque les quelques énigmes peinent à reposer sur une quelconque logique (ce qui semble quand même être la base !)…

En fait, le décrire comme un jeu de déambulation dans des grands couloirs avec rien de précis à accomplir serait plus proche de la vérité, et c’est là que le bât blesse : on aurait facilement pu avoir un titre marquant s’il avait simplement tranché en faveur d’une des catégories énumérées ci-dessus, mais en n’optant pour rien, il n’offre au final vraiment pas grand chose passé la curiosité des premières minutes de jeu. Le plus souvent, on se balade au hasard jusqu’à trouver l’échelle menant au prochain niveau, et le drame est que la plupart des mécanismes ne servent tout simplement à rien et que 95% des affrontements peuvent être évités en se contentant de passer à côté d’un monstre sans s’y intéresser. Les rares énigmes vaguement cohérentes interviennent plutôt vers le début de l’aventure, laquelle est assez courte (une demi-heure), et la seule chose qui pourra vous bloquer est d’échouer à comprendre ce que le programme attend de vous dans des situations très spécifiques où vous ne pourrez jamais compter sur le moindre indice pour deviner ce que vous êtes censé faire.

Une partie du jeu se limite littéralement à errer en attendant de trouver un endroit où le sol s’effondre, par exemple, et elle est suivie du niveau zéro du level design : le labyrinthe de téléporteurs ! Le programme s’achève également sur un des combats finaux les plus minables de toute l’histoire vidéoludique consistant à massacrer deux plots inoffensifs en trois coups chacun. C’est d’autant plus frustrant qu’entre le point de départ original et une réalisation qui se démarque (malgré la jouabilité atroce et quelques ralentissements malvenus), on sent à chaque instant qu’il y avait vraiment matière à proposer un logiciel quelque part entre The Immortal et Prince of Persia, voire avec des éléments de Solstice ou de Landstalker, qui aurait vraiment fait mouche. Las ! On se retrouve avec une sorte de coquille vide au level design sans cohérence ni idée, qui fait penser à une sorte de version beta développée en attendant qu’un game designer se décide à trouver quoi faire de tous ces couloirs. Reste un petit côté intrigant qui pourra susciter votre intérêt au lancement de la partie, mais pour combien de temps ?

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11/20 En nous plaçant aux commandes d'une princesse chargée de se libérer elle-même, suite à la mort de son libérateur, du donjon où elle était retenue prisonnière, Götzendiener a le mérite de prendre le contrepied des clichés du genre pour proposer une aventure qui sort des sentiers battus... au point de se perdre en route. Avec un gameplay basé sur l'exploration et la réflexion saupoudré d'une pincée de combats, difficile de ne pas penser immédiatement à un titre comme The Immortal, mais en beaucoup plus abordable, et surtout en beaucoup plus vide. De quoi se sentir intrigué et donner envie de mener la quête à bien au début, mais des niveaux mal inspirés aux énigmes particulièrement opaques et desservis par une jouabilité assez pénible risquent de venir à bout de votre patience avant même d'atteindre la conclusion de votre courte épopée. C'est d'autant plus dommage qu'on sent à chaque instant qu'il y avait véritablement matière à créer un jeu plus ambitieux, mieux agencé et assez unique en son genre, mais en l'état on a parfois un peu l'impression de jouer au prototype d'un logiciel qui ne sait pas très bien lui-même à quel genre il appartient et qui aurait nécessité six ou sept mois de développement en plus. Reste un titre qui a de quoi soulever une réelle curiosité, avec une atmosphère assez réussie, mais qui risque au final de ne pas laisser un souvenir franchement impérissable. Dommage.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Beaucoup trop court quand on sait quoi faire – Une maniabilité « en diagonale » vraiment mal pensée – Un level design à base de grandes zones vides... – ...avec des énigmes à la logique totalement lunaire... – ...et des combats rigoureusement sans intérêt

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Götzendiener sur un écran cathodique :

Flashback

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Titres alternatifs : Flashback : The Quest for Identity (États-Unis), フラッシュバック (Japon), פלאשבק: זיכרון גורלי (graphie hébraïque)
Testé sur : Mega DriveAmigaPC (DOS)Super NintendoFM TownsPC-98SEGA CD3DOJaguarMacintosh
Versions non testées : Acorn 32 bits, CD-i
Disponible sur : Android, Dreamcast, iPad, iPhone, Macintosh, PlayStation 4, Switch, Windows, Xbox One, Xbox Series X/S
En vente sur : GOG.com (Macintosh, Windows), Nintendo eShop (Switch), PlayStation Store (PlayStation 4), Steam.com (Windows), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series X/S, Windows)

La série Flashback (jusqu’à 2000) :

  1. Flashback (1992)
  2. Fade to Black (1995)

Version Mega Drive

Date de sortie : 20 février 1993 (États-Unis) – Juin 1993 (Europe) – 29 décembre 1993 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne, révision A
Spécificités techniques : Cartouche de 12Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En signant ses débuts avec Les Voyageurs du Temps en 1989, Delphine Software aura immédiatement fait son entrée dans le monde vidéoludique sous les projecteurs, en héritant au passage de la difficile étiquette de « studio français qui grimpe » dont on attendrait désormais chaque jeu avec grande impatience.

S’il serait exagéré de dire que tous les titres du studio seront venus conforter cette étiquette (qui aujourd’hui se souvient de Castle Warrior ou de Bio Challenge ?), dans le domaine de l’aventure, la société française aura indéniablement fait beaucoup de bruit. À ce niveau, l’année 1991 aura certainement marqué le pinacle de la compagnie, Croisière pour un Cadavre et surtout le renversant Another World se chargeant définitivement de placer Delphine Software sur la scène internationale avec une énorme pression sur les épaules : parvenir à placer la barre encore un peu plus haut à l’avenir. Un défi auquel Éric Chahi n’était visiblement pas prêt à répondre tout de suite : son prochain jeu, Heart of Darkness, ne verrait le jour que sept ans plus tard. C’est à ce moment, alors que tout le monde se demande quelle forme prendra le prochain projet du studio, que Paul Cuisset entre en scène.

À ce stade, Paul Cuisset n’était pas exactement un débutant. L’homme, qui avait fait ses classes sur Apple II puis sur Oric Atmos, avait notamment réalisé le portage de Space Harrier sur Atari ST avec son complice Mickaël Sportouch avant de travailler sur tous les titres du studio à l’exception de Castle Warrior (et d’Another World, bien sûr, celui-ci étant l’œuvre du seul Éric Chahi).

Or voilà justement qu’au début des années 1990, alors que Delphine Software commence à devenir un nom qui compte, le studio est contacté par U.S. Gold pour développer un jeu sur une console qui n’a alors même pas encore été commercialisée en Europe : la Mega Drive. Une colle, mine de rien, pour une équipe qui a alors l’habitude de développer des point-and-click sur Atari ST et sur Amiga ; pas question cette fois de proposer une aventure à la souris se déroulant sur de grands écrans fixes. Comme il l’aura déclaré lui-même dans une interview de 2019, une console était « une machine à sprites » qui fonctionnait à base de tuiles graphiques à assembler plutôt que d’illustrations en un seul bloc ; pas vraiment de quoi rester dans sa zone de confort pour un développeur qui voulait malgré tout offrir un jeu narratif. Le résultat sera au final allé puiser autant dans la précédente référence du studio, Another World, que dans l’excellent Prince of Persia de Jordan Mechner et aura pris la forme du plus grand succès français de la période : Flashback.

Le jeu s’ouvre, chose déjà inhabituelle sur console, sur une cinématique réalisée en graphismes vectoriels (comme dans un certain… Another World) et nous présentant un personnage en train de prendre la fuite, pourchassé par des hommes armés. Après s’être emparé d’une moto volante (ce qui nous indique donc que le récit se déroule dans le futur), le fugitif entreprend de semer ses poursuivants, ce à quoi il échoue : rapidement rattrapé par un vaisseau plus puissant, son véhicule est abattu au-dessus d’une jungle inconnue.

Apparait alors l’écran-titre. Cette entrée en matière pour le moins percutante va servir de prologue à l’aventure telle que vous allez la vivre dans le rôle du dénommé Conrad, qui reprend ses esprits après son crash en en sachant rigoureusement autant que vous, puisqu’il ne se souvient de rien. Une amnésie qui n’a apparemment rien d’accidentel, car l’étrange cube qu’il a renversé à son réveil et que vous irez récupérer lors les premières secondes de jeu lui révèlera un message holographique qu’il a manifestement enregistré lui-même afin de lui indiquer la marche à suivre pour retrouver sa mémoire. Le début d’une longue quête qui l’amènera à voyager entre le satellite de Saturne nommé Titan et la planète Terre, et même jusqu’à une galaxie lointaine…

Le jeu prendra donc largement la forme d’un titre d’action/plateforme dont la première référence évidente sera, comme on l’a vu, Prince of Persia. Lâché dans un environnement hostile présenté en vue de profil, Conrad a visiblement la chance d’être un athlète accompli capable de courir, de sauter, de se raccrocher au bord des falaises, de grimper, ou encore de faire des roulades pour mieux faire usage de son pistolet aux munitions illimitées.

Il aura également l’occasion de ramasser et d’utiliser de nombreux objets, allant de simples pierres très pratique pour activer des dispositifs à distance ou détourner l’attention d’un adversaire à des crédits qui trouveront leur utilité dans le déroulement du jeu, sans compter des dispositifs comme un téléporteur ou même un champ de force directement importé d’Another World, cette fois. Il pourra également trouver sur son chemin des stations de recharge afin de remonter son bouclier qui fait office de jauge de vie, ainsi que des bornes de sauvegarde qui serviront de checkpoints dans des niveaux généralement assez longs (comptez entre vingt minutes et une heure pour certains), que vous ne serez de toute façon pas obligé d’enchaîner en une seule fois puisque le titre vous dévoilera un mot de passe au lancement de chacun d’entre eux. Un menu déjà copieux pour ce qui aurait pu n’être qu’un simple clone de Prince of Persia, auquel il reprend d’ailleurs le principe de la rotoscopie pour offrir une animation irréprochable en 24 images par seconde, mais dans la grande force aura surtout été d’être bien plus que cela.

On aurait en effet pu s’attendre à enchaîner des sauts au-dessus du vide, des combats contre des mutants et des petites énigmes à base de plaques de pression et de pièges mortels pendant toute la partie, ce qui n’aurait d’ailleurs rien eu d’anormal – c’est littéralement le principe de Prince of Persia et d’autres jeux à la Blackhawk, et on aura eu l’occasion de constater à quel point il est efficace lorsque le level design est à la hauteur. Mais la vraie ambition de Flashback se situe dans sa dimension narrative, qui ne se limite d’ailleurs pas à son enrobage cinématique de haute volée qui avait déjà de quoi détonner au milieu de la librairie de la Mega Drive.

Dès le premier niveau, vous rencontrez par exemple un homme blessé qui vous demande de récupérer son téléporteur ou un personnage prêt à vous vendre une ceinture anti-gravité (et donc l’accès au prochain niveau) contre monnaie sonnante et trébuchante – des interactions encore assez inhabituelles dans un genre où on n’avait pour ainsi dire encore jamais eu l’occasion d’échanger une phrase avec n’importe qui. Mais tout le génie du game design apparait au cours d’un deuxième niveau qui aura marqué bien des joueurs. Après y avoir rencontré votre ami Ian et récupéré vos souvenirs, dévoilant par là-même une intrigue prenante avec des éléments plus qu’inspirés de Total Recall (autre originalité dans un domaine où le scénario tenait jusqu’ici rarement en plus d’une ligne), vous allez donc vous retrouver en position de réunir de l’argent afin de vous payer des faux papiers vous permettant de retourner sur terre via une émission très inspirée, cette fois, de Running Man (on pensera également au Prix du Danger d’Yves Boisset).

On aurait donc pu imaginer passer le niveau à avancer vers la droite en faisant feu sur des ennemis pour une raison quelconque, mais le déroulement sera bien plus original : vous voyagerez en métro entre les quatre quartiers de New Washington, visiterez le centre administratif pour vous y faire délivrer un permis de travail, et enchainerez des missions rémunérées vous demandant de livrer un colis, de nettoyer une zone ou encore d’empêcher l’explosion d’un réacteur en temps limité ! Un excellent moyen de varier l’action et de modifier le rythme dans une séquence « aventure » de plus de quarante minutes passionnante d’un bout à l’autre, et qui ne ressemble à strictement rien de ce qu’avait pu offrir le genre à l’époque – ni vraiment à ce qu’il a d’ailleurs pu offrir depuis !

Certes, on peut se douter que cette fameuse suite de missions, riche en nombreux allers-et-retours, est un peu moins divertissante quand on l’entreprend pour la dixième fois, mais le jeu offrant la possibilité de reprendre au niveau qui nous intéresse via son système de mot de passe, on n’aura de toute façon pas besoin de recommencer le jeu depuis le début.

Le troisième niveau, présentant votre participation au Death Tower Show, représente pour sa part un déroulement pensé dès le début comme une référence assumée à Prince of Persia, et consiste en un condensé d’action et de mini-puzzles intervenant au meilleur moment pour regonfler notre jauge d’adrénaline après un niveau plus méditatif et plus lent. L’intrigue continue ensuite sur terre, avec l’occasion de découvrir de nouveaux enjeux et d’avoir envie de connaître le fin mot de l’histoire, etc. Bref, on est toujours intéressé par ce qui se produit, on est toujours motivé à connaître la suite, le déroulement sait surprendre quand il le doit et imposer son rythme sans que celui-ci ne soit jamais au détriment du joueur. C’est à ce niveau-là que le titre accomplit le miracle d’une alchimie quasi-parfaite qui explique certainement, avec le recul, qu’il jouisse encore aujourd’hui d’une popularité suffisante pour que des remakes et autres remasters continuent encore de voir le jour plus de trente ans après sa sortie.

Sachant que la réalisation a également excellemment vieilli grâce à des graphismes détaillés et dotés d’une vraie patte conférant une ambiance fascinante à chacun des environnements visités, et que la dimension cinématique avec ses séquences en 3D a conservé un charme à nul autre pareil, on découvre qu’on prend toujours autant de plaisir à parcourir le jeu aujourd’hui en dépit de certains pics de difficulté et de quelques passages frustrants.

Peut-être parce qu’on a réellement le sentiment d’effleurer la surface d’un univers très vaste au sein duquel on aurait adoré retourné pour en découvrir les détails ; cette sensation d’avoir visité un monde tangible peuplé par des gens vivant leur vie plutôt qu’un bête enchainement de plateformes avec des ennemis posés dessus. Une approche clairement inhabituelle pour un jeu de cette forme et de cette génération mais qui aura visé juste à presque tous les niveaux et laissé à des millions de joueurs des souvenirs émus sur des planètes lointaines. C’est exactement pour cela qu’on joue aux jeux vidéo, et si vous avez envie d’être surpris, d’être transporté ou tout simplement de passer un très bon moment, Flashback a l’avantage de cocher toutes ces cases avec un brio rarement atteint. Ce serait quand même dommage de passer à côté.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 18/20 En dépit des très nombreux points communs qu'il entretient avec les deux références évidentes que sont Prince of Persia et Another World, la grande force de Flashback est précisément d'être un titre assez unique en son genre. Longue aventure où le scénario a pour une fois un intérêt autre que purement cosmétique, le titre imaginé par l'équipe de Paul Cuisset parvient à aligner les moments de bravoure en introduisant une variété aussi subtile que bienvenue dans ce qui aurait pu n'être qu'une suite de fusillades écran après écran. Que l'on explore New Washington en métro, que l'on participe à un show télévisé à la Running Man ou que l'on fuie à toutes jambes une planète extraterrestre peuplée de polymorphes, il est fascinant de voir que le jeu ne fait jamais l'erreur de rester sagement engoncé dans une zone de confort où il ne jugerait plus nécessaire de chercher à nous surprendre. En y ajoutant une réalisation irréprochable, une mise en scène bluffante et une jouabilité inattaquable dans un univers qui aura rarement paru aussi palpable, on comprend immédiatement que ce Flashback soit toujours considéré aujourd'hui comme le magnum opus de Paul Cuisset. Un jeu à découvrir d'urgence, si ce n'est déjà fait.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Certains niveaux (le deuxième, au hasard) qui imposent d'assez longues séances de jeu – Quelques lourdeurs dans le déroulement de ce même niveau, malgré son concept génial

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Flashback sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Curieusement, alors que Flashback avait été pensé et développé depuis le début pour la Mega Drive, cela n’aura pas empêché le titre de sortir au préalable sur Amiga avec quelques mois d’avance. Une bizarrerie sur laquelle Paul Cuisset ne s’est, à ma connaissance, jamais étendu, et qui tient sans doute à des détails de planning de production n’ayant que peu de rapport avec le développement du jeu en lui-même. En effet, le logiciel présente toutes les caractéristiques d’un parfait jumeau vis-à-vis de la version Mega Drive, avec des graphismes pour ainsi dire identiques, même si on constatera que d’autres détails manquent par défaut dès l’instant où le jeu n’est pas installé sur un disque dur : les bruitages d’ambiance de la jungle disparaissent, plusieurs bruitages sont aux abonnés absents, quelques étapes d’animation sautent, certaines cinématiques sont supprimées pour laisser la place à un message textuel… On peut les activer via Ctrl-F, mais on sent malgré tout que le programme perd quelques plumes sur une configuration Amiga 500 standard et qu’il est mieux avisé de découvrir le jeu sur un Amiga 1200. Du côté musical, en revanche, l’Amiga fait plutôt un peu mieux que la Mega Drive, mais la jouabilité à un bouton oblige à aller chercher plusieurs fonctions sur le clavier, ce qui est toujours désagréable dans un jeu où on est souvent appelé à réagir très vite. Dans tous les cas, le jeu est toujours aussi bon, à vous donc de voir si la jouabilité au combo joystick/clavier vous ennuie et si vous préférez découvrir le titre au pad.

NOTE FINALE : 18/20

Flashback sur Amiga est un titre identique à 99% à la version parue sur Mega Drive – dès l’instant où on a la configuration nécessaire pour cela, ce qui n’est pas le cas avec un simple Amiga 500 dénué de disque dur, auquel cas la disparition de multiples petits détails qui participaient au charme du jeu invite à penser qu’on se trouve davantage face à une sorte de version bêta que face au titre définitif. Lancé sur une configuration plus solide, le jeu fait largement jeu égal avec la console de SEGA, seule la jouabilité à un bouton pouvant entraîner quelques lourdeurs malvenues. Les fans de la machine de Commodore ne devraient donc pas se sentir lésés en découvrant cette version.

Version PC (DOS)

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Septembre 1993 (version disquette) – Juin 1995 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Versions testées : Versions disquette et CD-ROM émulées sous DOSBox
Configuration minimale : Version disquette :
Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 1Mo
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Version CD-ROM :
Processeur : Intel 80386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA (320×240)
Cartes sonores supportées : AdLib, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme on peut s’en douter, dans les années 90, il commençait à devenir difficile de faire l’impasse sur le PC, surtout pour un jeu multiplateforme. Flashback aura donc débarqué sur une machine qui n’entretenait qu’une passion assez distante avec les jeux d’action/plateforme pour un résultat qui a le mérite d’être à la hauteur : le jeu est toujours exactement identique à la version Mega Drive (pas de gain de couleurs dû à la palette étendu du VGA, mais était-ce nécessaire, de toute façon ?) et il tourne même un peu plus vite que la version PAL, avec une fluidité totale – même si, curieusement, il arrive que DOSBox fasse tourner le jeu deux fois plus lentement qu’il le devrait, même en lui disant d’utiliser toutes les ressources processeur, il faudra donc souvent forcer un nombre élevé de cycles. Côté sonore, tout est à sa place même si la Roland MT-32 ne fait pas aussi bien que la puce Paula de l’Amiga – question de goûts, encore une fois. En revanche, la bonne nouvelle est que non seulement les cinématiques du jeu sont toujours là, mais que l’introduction est même sensiblement plus longue, comme vous pourrez le voir ci-dessus : la course-poursuite entre Conrad et ses mystérieux ennemis comprends des plans en plus, ce qui est toujours le bienvenu. Sachant qu’en plus la jouabilité au joystick n’est cette fois pas cantonnée à un seul bouton, on se retrouve face à une version qui fait non seulement jeu égal avec l’itération Mega Drive, mais peut-être même un peu mieux à certains niveaux. Bref, une bonne surprise.

La version CD-ROM :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1995, les joueurs eurent parfois la surprise de voir resurgir dans les bacs à CD une version CD-ROM de Flashback pour PC et Mac qui ne s’embarrassait même pas à être vendue dans une boîte en carton – un simple boîtier CD et basta. Cela ne sentait pour ainsi dire pas franchement le remaster de haute volée, et une fois la partie lancée, que constate-t-on ? Eh bien on est tout bonnement devant la transcription fidèle de la version 3DO, ni plus ni moins. Les fans de 3D pré-calculée du siècle dernier pourront donc profiter des cinématiques « améliorées » sur PC ou sur Mac sans profiter du moindre type d’ajout en-dehors de cela, pas même de la musique qui avait fait son apparition sur SEGA CD. Bref, du bon gros recyclage de fond de catalogue qui ne devrait laisser de souvenir impérissable à personne, mais un moyen comme un autre de découvrir un excellent jeu. Oh, en revanche, même si le jeu est censé proposer une V.F., bon courage pour en profiter puisqu’il n’y a plus de sous-titres et que les voix sont toujours en anglais !

NOTE FINALE : 18/20

Un PC n’avait théoriquement que peu de raisons de rougir face à une Mega Drive, et cette excellente version de Flashback vient nous le rappeler, en offrant au passage une introduction plus longue que dans les autres versions. Sachant que rien ne manque et que tout est toujours aussi jouable, inutile de bouder ce portage. Ceux qui voudraient profiter des caractéristiques de la version 3DO, pour leur part, pourront se diriger vers la version CD-ROM.

Version Super Nintendo

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Décembre 1993 (Europe) – Mars 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Cartouche
Contrôleur : joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Après la Mega Drive, la Super Nintendo était un choix plus que logique. Sans surprise, cette version n’offre que peu de différences avec celle parue sur Mega Drive ; au rang des bonnes nouvelles, on pourra citer le rendu sonore, avec une musique qui rend très bien malgré des bruitages un peu sourds. Au rang des moins bonnes, on remarquera que le jeu est un peu lent dans sa version PAL, et que c’est particulièrement visible lors des cinématiques, qui se trainent. Encore une fois, on ne peut pas dire que cela bouleverse l’expérience de jeu à un quelconque niveau, d’autant que la jouabilité est toujours irréprochable, mais ceux qui ne jurent que par les titre en soixante images par seconde pourront tiquer. Dans tous les cas, objectivement pas de quoi se détourner d’un portage qui fait le travail – ni plus, ni moins.

NOTE FINALE : 18/20

Pas de réelles surprises pour Flashback sur Super Nintendo : le processeur de la console montre une nouvelle fois ses limites, mais cela n’impacte pas le gameplay, et très marginalement les cinématiques. Bref, un portage minimal mais sérieux réalisé avec l’attention nécessaire.

Version FM Towns

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : Victor Entertainment Inc.
Date de sortie : Avril 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus) / japonais (narration)
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Un FM Towns n’étant finalement pas grand chose de plus qu’un PC avec un lecteur de CD-ROM installé en série, on ne s’attendait pas à une grande révolution au moment de lancer cette version de Flashback. Sentiment confirmé une fois la partie lancée : on se retrouve grosso modo face à une copie conforme de la version parue sur la machine d’IBM, ceux qui auraient espéré profiter des animations de la version 3DO ou de la version PC CD-ROM en seront donc pour leurs frais. À ce détail près, la seule nuance serait plutôt à chercher de la réalisation sonore, qui fait un tout petit peu mieux que sur PC sans que ce soit autant suffisamment marquant pour qu’on puisse parler d’un gain indiscutable. Oh, et malheureusement, même si les menus sont en anglais, tous les textes de narration du jeu, eux, sont en japonais – pas un très bon moyen de découvrir le jeu pour ceux qui ne parlent pas la langue, donc.

NOTE FINALE : 18/20

Flashback sur FM Towns n’a vraiment rien de plus à offrir que sur la version PC parue au format disquette, dont il reprend au passage l’introduction et la réalisation graphique. En dépit d’un gain sensible sur le plan de la qualité sonore, l’inconvénient du jeu reste de devoir le parcourir en japonais, ce qui réservera cette version à un public extrêmement spécifique.

Version PC-98

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : Victor Entertainment Inc.
Date de sortie : 22 Avril 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus) / japonais (narration)
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Même en 1994, on pouvait encore compter sur le PC-98. La principale originalité de cette version, à la base exactement identique à la version PC occidentale, c’est d’être jouable en 16 couleurs ; si la machine de NEC limite alors les dégâts grâce à sa résolution élevée, comme elle l’a toujours fait, il est difficile de voir en ce portage autre chose que la version FM Towns passé à travers un filtre dégueulasse où la réalisation ne fait vraiment illusion qu’en plissant les yeux pendant toute la partie ou en se plaçant a vingt mètres de l’écran. Pour le reste, autant vous référer au test de la version PC – le titre reconnait même la Roland MT-32 et la Sound Blaster 16 – mais en vous disant que le titre est cette fois en japonais

NOTE FINALE : 18/20

Si les amateurs de versions alternatives pourront trouver un certain charme à la possibilité de jouer à Flashback en 16 couleurs, les autres ne verront probablement que peu d’intérêt à découvrir un clone parfait de la version PC uniquement jouable en japonais.

Version SEGA CD
Flashback : The Quest for Identity

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold, Inc.
Date de sortie : Novembre 1994 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Configuration minimale : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Pour la petite histoire, cette itération Mega-CD de Flashback n’aura jamais été commercialisé en Europe – U.S. Gold ayant décidé que chercher à vendre le jeu aussi longtemps après la version Mega Drive était voué à le condamner à un four commercial. Pourquoi alors l’avoir distribué aux États-Unis ? Les mystères du marketing… Toujours est-il qu’on hérite cette fois d’une version qui, histoire de justifier son support, va repêcher directement toutes les vidéos (et les voix digitalisées) qui seront utilisées un peu plus tard sur PC et 3DO, mais avec la compression dégueulasse en 16 couleurs propre à la machine. Encore une fois, savoir si ces cinématiques refaites constituent un apport sera laissé à votre discrétion en fonction de vos goûts, mais vous serez heureux d’apprendre que, si l’on excepte la disparition de la VF (faute de version européenne), le jeu est resté exactement identique… à un détail près. On gagne en effet cette fois la présence de thèmes musicaux pendant la totalité du jeu ! Là encore, ce sera à vous de décider si les bruitages d’ambiance qui composaient l’essentiel de la réalisation sonore du titre étaient insuffisants à vos yeux, mais ces thèmes ont en tous cas le mérite d’être très bien réalisés et de bien correspondre à l’ambiance, en lui donnant des aspects « terminatoriens » avec des sonorités assez lourdes. Un petit bonus qui aura ses partisans et ses détracteurs, mais qui aura au moins le mérite d’apporter un peu de nouveauté dans un titre qui n’a autrement pas changé.

NOTE FINALE : 18/20

Minime prise de risque pour cette itération SEGA CD de Flashback qui, en plus de reprendre (en moins bien) les vidéos en 3D pré-calculée, a surtout l’idée d’ajouter de la musique, d’ailleurs assez réussie, en jeu. Pour le reste, le déroulement du titre est toujours parfaitement identique à ce qu’il était sur Mega Drive, même s’il n’est plus possible d’y jouer en français.

Version 3DO

Développeur : Delphine Software International
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Juin 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Sur une machine alors présentée comme un monstre de puissance et de technologie, on aurait été très surpris de ne pas bénéficier a minima d’une version au moins équivalente à celle parue sur Mega Drive ; à ce niveau-là, aucune mauvaise surprise à craindre, le jeu est cette fois identique et il ne manque pas un pixel où que ce soit. Seulement voilà, la grosse attraction de la 3DO, en-dehors de la 3D elle-même, c’était le lecteur CD-ROM. Comme il aurait été dommage de ne pas le mettre à contribution, ce sont naturellement les cinématiques du jeu qui en bénéficient, avec de la 3D pré-calculée intégralement refaite pour remplacer les gros polygones originels, et des textes cette fois intégralement doublés (mais uniquement en anglais, même quand on choisit la langue française). Décider si cette 3D objectivement atrocement vieillotte a plus ou moins de charme que celle observée sur les autres versions sera avant tout une question de goût, mais il est clair que les nostalgiques de la 3D polygonale à la Another World préfèreront sans doute la fuir à toutes jambes. Pour le reste, le jeu offrant toujours exactement les mêmes qualités, on tient à coup sûr un programme qui doit figurer dans la ludothèque de n’importe quelle 3DO.

NOTE FINALE : 18/20

Flashback sur 3DO n’est finalement pas grand chose de plus que l’exact clone de la version Mega Drive avec de nouvelles cinématiques refaites et doublées pour l’occasion. Vraiment pas de quoi jeter votre version 16 bits à la poubelle, surtout que cette 3D pré-calculée n’a pas nécessairement plus de charme que la précédente, mais un bon moyen de bénéficier d’un excellent jeu sur 3DO.

Version Jaguar
Flashback : The Quest for Identity

Développeur : Tiertex Design Studios
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Juin 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joypad
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La Jaguar n’était pas exactement en forme en 1995 – elle n’aura d’ailleurs jamais été en forme à un quelconque stade de sa courte histoire, et le simple fait que Flashback ait été porté dessus (par Tiertex, cette fois) en dit déjà long sur le succès du jeu. Une chose est sure, c’est que les 64 bits n’auront pas ici été mis à contribution : on est très exactement face à la version Mega Drive avec une musique un peu supérieure et quelques bruitages en plus, soit certainement pas de quoi justifier plus de deux ans d’attente. On ne récupère même pas les scènes supplémentaires des versions PC et FM Towns ! À peine notera-t-on que les cinématiques sont jouées plus vite ici, mais peut-être est-ce un problème d’émulation.

NOTE FINALE : 18/20

Les (rares) possesseurs de la Jaguar n’auront peut-être pas été ravis d’avoir dû attendre plus de deux ans pour hériter d’une version du jeu qui ne soit objectivement pas grand chose de plus qu’un portage de la version Mega Drive avec une meilleure réalisation sonore, mais ça ne fait pas de Flashback un mauvais jeu pour autant, loin de là. Par contre, il n’y a clairement aucune raison de remuer ciel et terre pour le découvrir spécifiquement sur la machine d’Atari.

Version Macintosh

Développeur : MacPlay
Éditeur : MacPlay
Date de sortie : 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Supports : CD-ROM, disquette 3,5″
Contrôleur : Clavier
Versions testées : Versions disquette et CD-ROM
Configuration minimale : OS : System 7.0 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : 256 couleurs
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Au milieu des années 90, le développement sur Macintosh connut une certaine accélération, avec des titres s’efforçant de tirer parti des capacités graphiques de la machine. Comme cela avait déjà été le cas avec des titres comme Prince of Persia, Flashback aura donc débarqué sur la machine d’Apple dans une résolution native de 512×448, soit le double de sa résolution originelle. Concrètement, et comme trop souvent, cela veut surtout dire que les graphismes 2D du jeu n’ont pas été redessinés, mais donnent plutôt le sentiment d’avoir été passés dans un des filtres qui pullulent aujourd’hui sur la plupart des émulateurs. En revanche, le résultat est déjà un peu plus enthousiasmant sur la 3D polygonale des scènes cinématiques, qui apparait ainsi plus fine – et sachant que le jeu reprend l’introduction de la version PC, difficile d’en demander davantage à ce niveau. Autre spécificité : la musique remixée emploie ici des sonorités très particulières, qui évoqueront un peu celles utilisées dans le thème principal du film Akira – un choix culotté, mais assez bien vu. Ces détails mis à part, on se retrouve face à une copie conforme de la version PC – et de la plupart des autres portages, pour être honnête. Pour ce qui est de la version CD-ROM, les choses sont encore plus simples : on se retrouve alors face à une copie carbone de la version PC (plus de graphismes en haute résolution, donc).

NOTE FINALE : 18/20

Le Macintosh essayait déjà de tirer son épingle du jeu en 1995, et ce Flashback y parvient à sa façon avec sa résolution doublée et sa musique remixée. Strictement rien de neuf du côté du contenu, et on pourra arguer que la « refonte » graphique tient surtout du gros filtre, mais le jeu est toujours aussi bon. Sur CD-ROM, le jeu est identique à ce qu’offraient les itérations PC et 3DO.

The Oregon Trail

Développeur : MECC
Éditeur : MECC
Testé sur : Apple IIPC (DOS)PC (Windows 3.1) & Macintosh
La version de 1971 : Oregon
La version de 1984 : Expeditions
Disponible sur : Android, Blackberry, BREW, DSi, Fire OS, iPad, iPhone, J2ME, Macintosh, tvOS, webOS, Windows Mobile, Windows Phone

La série Oregon Trail (jusqu’à 2000) :

  1. Oregon (1971)
  2. Expeditions (1984)
  3. The Oregon Trail (1985)
  4. Oregon Trail II (1995)
  5. Oregon Trail II : 25th Anniversary Limited Edition (1996)
  6. The Oregon Trail : 3rd Edition (1997)

Version Apple II

Date de sortie : 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Apple IIe
Configuration minimale : Système : Apple II – OS : Apple DOS 3.3 – RAM 64ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

Note : une large partie des informations ayant servi à rédiger ce test sont tirées de l’excellent site The Digital Antiquarian et de la série d’articles qu’il aura consacrés au jeu et disponible (en anglais) à cette adresse.

Tout d’abord, un peu d’histoire.


Celle qui nous intéresse aujourd’hui commence en 1971, à une époque si lointaine que même le terme de « micro-informatique » n’y avait pas encore cours – ce qui m’encourage à penser que le logiciel que nous abordons ici devrait rester comme le titre le plus ancien jamais testé sur ce site. Projetons-nous donc à Carleton College, Minnesota, où se trouvaient trois professeurs nommés Paul Dillenberger, Bill Heinemann et Don Rawitsch – les deux premiers enseignant les mathématiques tandis que le dernier, lui, donnait des cours d’histoire.

C’est Don Rawitsch qui eut le premier l’idée de concevoir un jeu de plateau intitulé The Oregon Trail et chargé de retracer, de manière ludique, l’épopée de colons américains depuis la ville d’Independence jusqu’à l’Oregon, trois mille kilomètres plus à l’ouest – et ce furent ses deux collègues qui l’encouragèrent à le coder en Timed-Shared BASIC sur ce qu’on appelait alors un mini-ordinateur, un HP-2100. Les premières personnes à essayer ce fameux programme furent donc les élèves de Don Rawitsch, lorsqu’ils le découvrirent sur un télétype qu’il avait lui-même amené en cours le 3 décembre 1971. De son propre aveu, les étudiants l’adorèrent, mais lorsqu’il quitta l’établissement l’année suivante, il effaça le programme du système qui l’hébergeait et se contenta de garder le listing du code qu’il rangea dans un tiroir pour l’y oublier.

Il aurait pu y rester à jamais si, en 1974, le Minnesota Educational Computing Consortium (ou MECC), fondé un an plus tôt, n’avait pas embauché Rawitsch pour lui demander de servir d’intermédiaire entre l’organisme et un groupe de « collèges communautaires » (community college) locaux. Alors qu’on lui demandait de réfléchir aux usages que pourraient avoir les ordinateurs dans le système éducatif, Rawitsch se souvint de son fameux programme et sortit son listing de son tiroir pour le transcrire, lors du week-end de Thanksgiving, sur l’UNIVAC 1100 situé au siège du MECC, à Minneapolis.

Le jeu fut joué par des milliers d’élèves au cours de la décennie suivante, et connut de nombreuses révisions au fil des années – à tel point qu’elles continuent de nos jours, où la version la plus récente remonte, au moment où j’écris ces lignes, au 2 avril 2021. En 1985 fut publié ce qu’on considère aujourd’hui comme la version « canonique », à savoir celle commercialisée sur Apple II. Il est difficile de mesurer ce que représente ce simple logiciel à l’échelle américaine où, pour reprendre les mots de John Teti dans 1001 Video Games You Must Play Before You Die : « des millions d’enfants auront grandi dans les années 80 avec The Oregon Trail installé sur un ordinateur personnel de la salle de classe ». De quoi donner envie de se pencher sur ce père fondateur vidéoludique dont beaucoup en Europe auront entendu parler mais auquel assez peu auront finalement joué.

Le jeu – car c’en est un, ses vertus éducatives étant objectivement assez limitées – vous propose donc de revivre la migration de colons du Minnesota en direction de la côte ouest (et plus précisément, vous l’aurez compris, de l’Oregon) au milieu du XIXème siècle. Votre objectif sera de vous efforcer d’arriver en vie en ayant échappé à la maladie, à la famine, aux raids de bandits, aux accidents bêtes, au froid, à la chaleur, aux animaux et à quantité d’autres petits tracas qui vous rappelleront au passage qu’une expédition de deux mille miles en chariot était alors tout sauf une escapade touristique.

La bonne nouvelle est que la prise en main est particulièrement limpide pour un titre ayant fêté ses cinquante ans : un écran affichable dès le menu du titre vous résumera les enjeux, les dangers et les possibilités qui s’offrent à vous afin que vous sachiez jouer en moins d’une minute. Puis vous nommerez votre groupe de cinq colons qui correspondront symboliquement à votre « jauge de vie », en quelque sorte (tant que l’un d’eux est encore en vie, la partie n’est pas perdue) avant de choisir votre métier qui définira la difficulté de la partie en même temps que votre pécule de départ.

Comme vous pouvez vous en douter, jouer un banquier aux poches pleines ne représentera pas exactement les mêmes contraintes au moment d’investir dans du matériel, des munitions et des réserves de nourriture que d’incarner un fermier avec quelques dollars en poche – le titre prendra d’ailleurs le temps de vous expliquer tout cela sans que vous ayez à vous référer à un quelconque manuel. Vous faites donc vos emplettes de départ en vous efforçant d’établir des priorités (acheter davantage de bœufs vous permettra d’avancer plus vite, la nourriture sera bien sûr indispensable mais, si vous ne voulez pas vous reposer sur vos réserves, vous aurez intérêt à investir dans des munitions pour pouvoir chasser, etc.) avant de choisir votre date de départ (là encore, le jeu vous expliquera très bien les tenants et les aboutissants d’un départ précipité ou, au contraire, d’une épopée trop tardive qui risquerait de vous voir finir en fâcheuse posture dans les Rocheuses au milieu de l’hiver). Puis, vous lancez votre expédition vers l’ouest, les verts pâturages et les opportunités – ainsi que le score, car oui, il y en a un.

L’essentiel de votre épopée prendra la forme d’un écran vous demandant de sélectionner vos options à chaque étape de votre (long) trajet : vous pourrez choisir votre rythme, l’importance de vos rations, consulter la carte, partir chasser pour refaire vos réserves de nourriture, marquer une pause pour vous reposer si la santé de votre groupe commence à décliner dangereusement (ce qui aura l’inconvénient de vous faire perdre du temps et de la nourriture, deux ressources ô combien précieuses) ou bien parler aux locaux pour obtenir des conseils et des indices afin d’optimiser vos chances de survie.

On n’est donc pas à des kilomètres d’une aventure textuelle (ce qui, pour un titre prenant ses racines en 1971, n’a rien d’anormal), avec un aspect gestion qui vous demandera constamment de penser à long terme pour ne pas vous retrouver dans une situation délicate lors des dernières semaines de votre épopée, qui seront les plus ardues. La principale interaction étant de composer avec les événements aléatoires qui viendront vous compliquer la tâche, ou bien de surmonter les obstacles naturels que seront les fleuves et les rivières. Chercherez-vous à passer à gué ? À payer de votre poche et à perdre quelques jour à prendre un ferry ? Entreprendrez-vous la traversée en faisant flotter vos chariots ? Chaque décision aura ses avantages et ses inconvénients, et jouer la carte de la sécurité absolue pourra d’ailleurs finir par vous coûter cher, au propre comme au figuré, lorsque vous découvrirez que vous n’avez plus un sou vaillant en poche et que l’hiver arrive à force d’avoir été trop précautionneux. Il faudra donc être prêt à prendre des risques et à improviser – quitte à en payer le prix.

Histoire de casser un peu la routine, le titre propose également quelques petites scènes d’action, pour la chasse ou la descente d’un fleuve, par exemple, où on prendra toujours le temps de vous expliquer les commandes et les objectifs avant de vous lâcher devant des mini-jeux pas trop méchants. On appréciera également que cette version ait pris la peine de proposer un habillage graphique, avec une illustration différente à chaque lieu visité, une petite animation pour vous montrer votre chariot en train d’avancer ou de se lancer sur une rivière, etc. Le plus surprenant reste surtout de constater avec quelle rapidité et avec quelle évidence on se prend au jeu en dépit de son âge plus que canonique : là où on pouvait craindre une machine à gaz obtuse et illisible comme les années 80 savaient en offrir, on est au contraire en face d’un des principes vidéoludiques les plus évidents et les plus accessibles qui soient ; il suffit de savoir lire.

Bien évidemment, il y a de fortes chances que la dixième épopée s’avère nettement moins surprenante et nettement moins intéressante que la première, et sachant qu’une partie n’est de toute façon pas très longue, vous risquez d’avoir votre compte au bout d’une heure ou deux grand maximum – au bout d’un moment, c’est un peu comme relire tout le temps le même livre avec quelques modifications secondaires apportées à la même trame. Il y a néanmoins de quoi être impressionné qu’un jeu « éducatif » aussi ancien soit doté d’un véritable potentiel ludique, et que celui-ci fonctionne encore, même un demi-siècle après : on est tout de suite à l’aise, et on a réellement envie de mener l’aventure à son terme au moins une fois. Peut-être pas de quoi découvrir l’objet d’une nouvelle passion… Mais pour tous les retrogamers un minimum intéressés par l’histoire vidéoludique, difficile de ne pas immédiatement ressentir une sympathie réelle vis-à-vis de ce titre pionnier qui n’a jamais cessé son chemin depuis sa création. Quand on y pense, c’est quand même assez extraordinaire.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12/20 Difficile de définir un logiciel comme The Oregon Trail. Véritable monument de la culture vidéoludique américaine – combien de millions d'enfants y auront joué dans les écoles du pays de l'Oncle Sam ? – jeu éducatif qui n'apprend pas grand chose mais véritable titre d'aventure avec ses composantes action et gestion, antiquité plus ancienne encore que la micro-informatique elle-même, le titre imaginé par Paul Dillenberger, Bill Heinemann et Don Rawitsch impressionne autant par son efficacité que par son accessibilité et son intemporalité. Tandis que l'on mène notre groupe de colons depuis le Missouri jusqu'à la côte ouest, on a du mal à imaginer que cette improbable épopée reposant sur la prise de risques calculée, sur la chance et un peu sur l'habileté a déjà fêté ses cinquante ans. Peut-être pas de quoi y engloutir des semaines aujourd'hui, mais le logiciel a indéniablement un caractère assez unique qui le range dans une catégorie à part. Une vraie curiosité à découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une aventure où on prend finalement assez peu de décisions – Une part de chance qui peut vous coûter cher – Des mécanismes dont on fait très vite le tour

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Oregon Trail sur un écran cathodique :

Version PC (DOS)

Développeur : MECC
Éditeur : MECC
Date de sortie : 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquette 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.1 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : CGA, CGA Composite, EGA, MCGA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster

Il aura donc fallu attendre pas loin de vingt ans pour que The Oregon Trail se décide à tenter sa chance sur PC. Si beaucoup d’eau avait eu le temps de couler sous les ponts depuis le listing de 1971, force est de reconnaître que cette version n’a en revanche enregistré pratiquement aucune modification par rapport à celle de 1985. C’est pour ainsi dire le même jeu, au détail près que la réalisation graphique a été légèrement rehaussée – le VGA est reconnu, c’est une bonne nouvelle, mais on sent bien que le MECC ne croulait pas exactement sous les graphistes : c’est plus coloré que sur Apple II, mais ça s’arrête là. L’aspect sonore, pour sa part, ne se fait entendre une nouvelle fois que pendant les illustrations ; le reste du temps, ce sera un silence de mort. Le contenu n’ayant, pour sa part, pas évolué, et sachant que les graphismes ne jouent vraiment qu’une part extrêmement marginale dans le plaisir qu’on peut retirer du jeu, on ne peut donc pas annoncer une grande avancée par rapport à la version publiée cinq ans plus tôt. Décevant, mais pas très surprenant.

NOTE FINALE : 12/20

Cinq ans après la version parue sur Apple II, on pouvait nourrir l’espoir que The Oregon Trail sur DOS embarque quelques nouveautés. Perdu ! Il faudra se contenter d’une retouche graphique pas très spectaculaire et de strictement rien d’autre. Pas de quoi bouder le jeu, mais pas de quoi se jeter sur cette version non plus.

Version PC (Windows 3.1) & Macintosh

Développeur : MECC
Éditeur : MECC
Date de sortie : 1993
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : PC :
Processeur : Intel 80386 – OS : Windows 3.1 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : SVGA (640×480 8 bits)

Macintosh :
Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : 256 couleurs

Une fois n’est pas coutume, en ressortant sur Windows, sur Macintosh et sur CD-ROM trois ans après sa parution sur MS-DOS, The Oregon Trail aura décidé de dépoussiérer un peu les choses. La différence la plus frappante, comme on pouvait s’y attendre, est à chercher du côté de la réalisation : cette fois, le jeu est bien décidé à tirer parti de la résolution et de la palette de couleur du SVGA (et du Mac) pour afficher une interface revue où toutes les informations sont disponibles en permanence à l’écran, et où les illustrations ne donnent plus l’impression d’avoir été réalisées en dix secondes et en état d’ébriété sous Paint.

Tant qu’à faire, tout est désormais jouable à la souris, on profite de nouveaux jingles musicaux ; bref, on a un peu moins l’impression de jouer à un logiciel de plus de vingt ans d’âge. Si le système de jeu est resté globalement identique à celui qu’on connaissait, on y remarquera quelques adaptations : par exemple, il y a désormais pas moins de huit professions à incarner, et certaines offrent des aptitudes au-delà du pécule de départ (le taux de mortalité sera plus faible avec un médecin, les chariots seront plus faciles à réparer avec un forgeron ou un charpentier, etc.). On remarquera également des critères qui n’apparaissaient pas auparavant, comme le poids des chariots (avoir des stocks, c’est bien, mais cela vous ralentit) ou encore une carte plus lisible qui vous aidera à voir à partir de quel moment vous allez attaquer les montagnes et les vrais problèmes. La chasse se joue dorénavant à la souris, en déplaçant un curseur comme dans un rail shooter (ce qui la rend d’autant plus simple) et on bénéficie de quelques événements supplémentaires (et il est enfin possible de sauvegarder) ; bref, à tout prendre, on bénéficie enfin de quelques ajouts par rapport à la version de 1985, et c’est une bonne chose. À noter que sur Macintosh, le titre a également été vendu au format disquette, pour une version exactement équivalente à quelques jingles près.

NOTE FINALE : 12,5/20

En débarquant sur CD-ROM, The Oregon Trail gagne enfin en contenu (un peu) et en qualité de la réalisation (beaucoup). Si on risque une nouvelle fois de faire le tour du jeu assez vite, on appréciera le confort et la richesse accrus de cette itération.

La version originale du jeu :
Oregon

Développeurs : Paul Dillenberger, Bill Heinemann et Don Rawitsch
Éditeur :
Date de fin de développement : 3 décembre 1971
Système de développement : HP-2100
Plateformes : Teletype, Sol-20, Apple II, Atari 8 bits
Version testée : The Oregon Trail sur Atari 8 bits (1982)

Comme on l’a vu, The Oregon Trail était déjà un jeu très ancien au moment de sa sortie sur Apple II en 1985 – aussi incroyable que cela puisse paraître, le titre s’apprêtait alors à souffler sa quatorzième bougie. Comme on peut s’en douter, il est aujourd’hui impossible de remettre la main sur la version codée par Don Rawitsch pour sa salle de classe en 1971 – tout comme il est extrêmement complexe de retrouver une des différentes versions tournant sur l’UNIVAC du MECC à partir de 1974. En fait, le code le plus ancien encore « disponible » à ma connaissance semble remonter au 27 mars 1975, et a été déterré par le Digital Antiquarian à cette adresse ; comme vous pourrez le constater, il ne s’agit même pas d’un programme à proprement parler mais bel et bien du listing du code en BASIC. Cette version de 1975 nous confirme d’ailleurs que le programme sera resté en constante évolution avant sa sortie sur Apple II dix ans plus tard, des différences notables existant avec un deuxième code de 1978 (disponible à cette adresse) et avec les versions ultérieures que nous allons aborder plus bas. Autant dire que partir à la recherche d’une « version originale » – ce qui correspondrait, stricto sensu, au listing écrit par Rawitsch en 1971, et qu’il reconnait lui-même avoir perdu depuis – ressemble à une chasse au dahu, j’ai donc choisi d’aborder deux des plus anciennes que je sois parvenu à trouver : la version Atari 8 bits de 1982, et la version Commodore 64 apparaissant sur une compilation ludo-éducative intitulée Expeditions et publiée en 1984. Commençons donc par nous intéresser à la version Atari 8 bits qui, contrairement à la version C64 simplement titrée Oregon, porte bel et bien le nom complet The Oregon Trail.

La version Atari 8 bits

Développeur : MECC
Éditeur : Softswap
Date de sortie : 1982
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette testée sur Atari 800 XL PAL
Configuration minimale :

En lançant cette version de The Oregon Trail, difficile de ne pas faire le lien avec la version parue trois ans plus tard sur Apple II – et surtout de réaliser à quelle point cette « version 1982 » est infiniment plus primitive. Pour commencer, inutile d’espérer la moindre illustration ici : l’intégralité du jeu se limite à une suite de tableaux et d’écrans de texte où vous n’aurez même pas le plaisir de voir votre chariot avancer jusqu’au prochain point de repère. Conséquence : le jeu avance beaucoup plus vite, puisqu’on passe directement d’un écran de texte à l’autre. On remarquera qu’il n’est d’ailleurs pas question ici de choisir son métier en guise de niveau de difficulté : on commencera avec 700$, point barre, à diviser en quatre catégories (nourriture, munitions, vêtements, et ressources diverses) avant de prendre la route, laquelle se résumera à 95% à rencontrer des problèmes (les bonnes surprises sont très rares) vous amenant à perdre du temps, des ressources ou la vie (et vu que vous ne créez cette fois pas toute une famille, ce sera le game over immédiat). Principale curiosité de cette version dont on risque de faire vite le tour : la chasse (ou les attaques de bandits). Celle-ci ne prendra pas la forme d’un mini-jeu d’action mais bien d’un exercice de vitesse, où il faudra écrire des mots comme « BANG », « POW » ou « WHAM » le plus vite possible (ce qui représente d’ailleurs un progrès sur la version de 1975, ou seul le terme « BANG » était utilisé). C’est d’ailleurs pour cette séquence, et pour aucune autre, que le jeu vous laissera choisir votre difficulté en début de partie.

Autant le préciser, cette version est beaucoup plus courte et vous demandera de la jouer un peu différemment de la version « canonique » de 1985 – partir ici avec d’abondantes réserves de nourriture est pratiquement inutile tant vous êtes voué à les perdre d’une manière ou d’une autre lors d’un des innombrables accidents aléatoires du jeu, mieux vaudra donc investir dans le reste et prendre le temps de chasser tous les jours. Ne pas s’arrêter à tous les forts pourra également améliorer vos chances d’arriver en Oregon avant d’être coincé par l’hiver, surtout que vous n’avez pas l’occasion ici de choisir votre date de départ. La partie se limite essentiellement à une poignée de choix au lancement suivie d’écrans vous demandant si vous voulez chasser ou continuer votre route – il n’est même pas possible d’afficher la carte ici. Inutile de dire que le jeu fait cette fois vraiment son âge, et qu’il va être difficile d’y passer plus de dix minutes tant le concept trahit assez vite ses limites, mais on comprend facilement la fascination qu’elle aura pu exercer sur des élèves des années 70 et 80.

NOTE FINALE : 07/20

Soyons honnête : inutile d’être sévère avec un titre aussi ancien que ce The Oregon Trail sur Atari 8 bits qui, indépendamment de ses éventuelles vertus éducatives, a déjà bien du mérite à présenter une quelconque valeur ludique étant donné son âge. Sans être inintéressante, cette version est tout simplement beaucoup trop limitée en termes de possibilités et de contenu pour que vous mettiez plus de dix minutes à en faire le tour. Une curiosité historique.

Oregon (dans Expeditions) sur Commodore 64

Développeur : MECC
Éditeur : MECC
Date de sortie : 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

En lançant cet Oregon sur Commodore 64, l’aspect le plus intéressant reste de constater les apports comparé à la version parue deux ans plus tôt sur Atari 8 bits. Comme on peut s’en douter, le jeu dans les grandes largeurs demeure à peu près identique, mais on remarquera l’ajout de quelques petites idées qui feront ensuite leur chemin jusqu’à la version Apple II. Ainsi, si la réalisation est toujours aussi spartiate, on constatera l’apparition de quelques bruitages (principalement pour accompagner la baisse ou la hausse de vos ressources), et surtout celle de la fameuse carte des États-Unis qui vous permet de mesurer l’étendue du trajet qu’il vous reste à parcourir. La vraie nouveauté, cependant, vient des séquences de chasse : pour la première fois, on a affaire à un mini-jeu d’action reposant uniquement sur le timing (vous ne pouvez pas bouger votre mire, juste décider quand tirer) plutôt que de taper des onomatopées comme dans les versions précédentes. Une bonne occasion de découvrir enfin un écran qu’on puisse qualifier de « graphique » au milieu de tout ce texte. Autant dire que cela reste globalement limité, même si la difficulté a grimpé au passage, vous obligeant à mieux répartir vos dépenses, mais dans tous les cas cette pièce de musée restera une curiosité pour tous ceux qui voudraient suivre l’évolution du jeu.

NOTE FINALE : 08,5/20

Oregon a beau rester un jeu très basique sur cette compilation parue sur C64, on peut mesurer les progrès accomplis depuis la version Atari 8 bits publiée deux ans auparavant. C’est d’ailleurs le principal intérêt d’une version qui n’en présente autrement que très peu, surtout à une époque où des déclinaisons beaucoup plus modernes du titre sont aisément accessibles.

Myst

Développeur : Cyan, Inc.
Éditeur : Brøderbund Software, Inc.
Titre alternatif : ミスト (Japon)
Testé sur : MacintoshPC (Windows 3.1)Saturn3DOPlayStationCD-i
Version non testée : Amiga, Jaguar
Disponible sur : iPhone, PlayStation 3, PSP, PS Vita, Windows Mobile
Également testés : Myst : L’ApogéeReal Myst

La série Myst (jusqu’à 2000) :

  1. Myst (1993)
  2. Riven : La suite de Myst (1997)
  3. Myst : L’Apogée (1999)
  4. Real Myst (2000)

Version Macintosh

Date de sortie : 24 septembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Versions testées : Versions CD-ROM testée sur Quadra 650
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68020 – OS : System 7.0.1 – RAM : 4Mo
Mode graphique supporté : 256 couleurs
Mode sonore supporté : Sound Manager 3.0
Nécessite Quicktime 1.6

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le talent, c’est parfois d’être au bon endroit, au bon moment, et d’y prendre la bonne décision. Certains parleront de « chance ». Appelons cela du « karma ».

En 1991, la carrière de Robyn et Rand Miller était sur le point de connaître un tournant. Les deux frères, fondateurs d’un minuscule studio baptisé Cyan, avaient profité de l’engouement suscité par la publication du logiciel Hypercad par Apple, en 1987, pour se lancer dans le développement de jeux éducatifs. Parler de « jeux » est d’ailleurs déjà presque un abus de langage : pour être honnête, le jeu vidéo, les frères Miller n’y connaissaient rien. Les sublimes productions de LucasArts et de Sierra On-Line qui auraient pu leur servir d’inspirations, à l’époque où le jeu d’aventure vivait son âge d’or, ils n’en possédaient même pas la plus infime notion ; du propre aveu de Robyn, celui-ci n’avait à l’époque touché qu’à un seul jeu vidéo : l’antique aventure textuelle Zork II, qui fêtait alors déjà ses dix ans. Mais cela n’empêchait pas l’idée d’en développer un de leur trotter dans la tête, et pour eux qui développaient alors exclusivement sur Macintosh et à destination d’un support CD-ROM encore extrêmement confidentiel, il allait être temps que le destin joue son rôle.

Entre Sunsoft. En 1991, donc, les frères Miller avaient soumis à leur éditeur, Mediagenic, leur envie de développer un « vrai » jeu vidéo. Seulement voilà, la firme ressortait alors à peine d’un procès perdu contre Philips et n’était clairement pas au sommet de sa forme – à tel point qu’elle venait de se faire racheter par un certain Bobby Kotick en février, ce qui lui avait valu de retrouver son ancien nom : Activision. Et aux désirs des fondateurs de Cyan, la nouvelle direction n’avait qu’une seule réponse à offrir : qu’ils continuent de faire ce qu’ils avaient fait jusqu’ici. Les deux frères eurent à peine le temps de se lamenter qu’Activision avait déjà déclaré faillite et cessé de leur payer leurs royalties, les laissant dans une situation très préoccupante, sans revenus ni perspective d’avenir.

Jusqu’à ce que le destin, donc, arrive sous l’apparence de la compagnie Sunsoft, avec sa hotte, son traineau, et un chèque de 265.000$ pour proposer aux deux développeurs de créer un jeu d’aventure sur CD-ROM dans le même style que leurs créations pour enfants – mais à destination des adultes, cette fois. La firme japonaise était tellement convaincue qu’il y avait un marché en attente pour le CD-ROM et pour les machines qui l’exploiteraient qu’elle s’engagea à recruter elle-même les équipes en charge du portage du futur programme vers les différents systèmes qui pourraient l’accueillir. Les frères Miller étaient peut-être ignorants de l’univers vidéoludique, mais ils étaient largement capables de reconnaître un miracle quand ils en voyaient un. La suite fait partie de l’Histoire : leur fameux logiciel, Myst, restera comme le jeu d’aventure le plus vendu des années 90, avec plus de six millions de boîtes écoulées. Le karma, vous dis-je.

Là où le talent entre en jeu, c’est que Myst aura, plus ou moins involontairement, pris le contrepied total des jeux d’aventure de l’époque, qui se vivaient alors à la troisième personne avec des personnages très caractérisés, pour revenir aux bases de l’aventure textuelle : un titre à la première personne où vous jouez votre propre rôle.

Pas d’introduction de cinq minutes pour vous placer le contexte et l’univers ici : une vidéo mystérieuse où vous entendez un homme dont vous ignorez l’identité parler d’un livre qu’il a lâché dans un vide étoilé, pendant que vous voyez une silhouette tomber dans le vide en question. Justement, le livre se trouve face à vous ; vous l’ouvrez, pour vous retrouver sur une île étrange. Voilà pour le point de départ, voilà pour l’enjeu. Et le mieux ? C’est que ça marche. Le moteur principal de l’aventure, qui aurait pu œuvrer comme un repoussoir absolu – à savoir ignorer, précisément, qui vous êtes, où vous vous trouvez et ce que vous êtes censé faire – va au contraire être la principale force d’un jeu dont l’exploration et la logique seront les deux piliers.

L’interface du jeu est fort heureusement d’une simplicité confondante : un unique curseur, prenant la forme d’une main, accomplira toutes vos actions à l’écran. Cliquez sur une destination, et vous vous y rendrez ; sur un levier, et vous l’activerez ; sur un bouton, et vous appuierez dessus.

Il est impossible de mourir ou d’être irrémédiablement bloqué, il n’y a pas d’inventaire, et les seuls objets à ramasser prendront la forme de pages de livre que vous ne pourrez d’ailleurs porter qu’à raison d’une à la fois, et de quelques éléments comme des clefs ou une boîte d’allumettes qui seront généralement à employer dans les environs immédiats de l’endroit où vous les aurez trouvés. Tout le jeu reposera donc sur votre capacité à observer votre environnement, à recueillir les indices qui y sont placés et à saisir la logique des énigmes afin de partir à la découverte des quatre mondes, baptisés « âges », auxquels est reliée l’île de Myst sur laquelle vous débutez la partie. Dans quel but ? Eh bien, pour en partir, déjà. Tout le reste, vous devrez le découvrir sur place – ce qui sera difficile, car le jeu l’est, la pure logique étant toujours particulièrement satisfaisante lorsqu’on l’a comprise et domptée, mais souvent atrocement opaque tant que ce n’est pas le cas.

Le véritable héros de l’aventure, et une des raisons de son succès en première ligne de la révolution numérique, c’est précisément l’île en elle-même. Intégralement modélisée en 3D avant d’être présentée sous la forme de dizaines d’écrans fixes, Myst est un endroit qui en envoyait plein les yeux en 1993, à une époque où la dimension « monde virtuel » du jeu aura immédiatement tapé dans le mille. Aujourd’hui, l’endroit parait surtout un peu… statique, disons-le.

Il y a une forme de froideur presque sépulcrale dans cette 3D trop lisse où vous ne rencontrerez pour ainsi dire personne ni ne mènerez jamais la moindre discussion – mais cela participe justement au sentiment d’étrangeté qui accompagne l’extraordinaire solitude qui sera la vôtre, et à laquelle la bibliothèque du jeu offrira à la fois les premières réponses et les premières portes de sortie. Un sentiment d’ailleurs merveilleusement rendu par une ambiance sonore fascinante, où le moindre bruitage participe à l’identité des lieux que vous visitez, et où absolument tout a son importance – à tel point que plusieurs énigmes du jeu reposent précisément sur le son et sur rien d’autre. Pour avancer, il va falloir explorer, lire, écouter, et prendre des notes, jusqu’à parvenir enfin à comprendre comment se connectent tous les différents éléments qui vous sont dévoilés. Et c’est précisément à ce niveau que Myst aura fait mouche.

On ne s’intéresse pas toujours à la narration dans le jeu vidéo, élément pourtant ô combien central – et on oublie surtout un peu vite à quel point celle-ci ne repose pas uniquement sur le texte et sur les dialogues. La grande force de Myst, c’est précisément tout ce que le titre suggère sans vraiment le raconter. L’histoire en elle-même, engageant un père et ses deux fils, est finalement très simple et pourrait tenir en deux lignes ; seulement il y a tout le reste. Les lettres et autres journaux que vous trouverez, bien sûr, et qui annoncent déjà à leur manière ce qui sera le mécanisme narratif principal d’un titre comme System Shock.

Mais surtout, tandis que vous voyagerez d’un « âge » à l’autre en quête de réponse, l’aspect le plus fascinant du jeu restera son sens du détail : chaque pièce vous racontera quelque chose sur la personne qui y vit – ou qui y a vécu, et les questions de fond tournant autour de l’écriture, des âges en eux-mêmes, des populations qui devraient y vivre et que vous ne croisez jamais, sans parler du sort de leurs fameux « créateurs » – ou sont-ce juste des découvreurs ? – n’auront pas toujours une réponse claire ; certaines vous seront données directement, d’autres en filigrane, et d’autres encore seront laissées intégralement à votre imagination. Une contrainte avant tout due au temps de développement du jeu, qui n’aura pas laissé aux frères Miller l’occasion de concevoir un background hyper-développé, fabuleusement retournée en une force : comme le yin équilibre le yang, une histoire, c’est aussi tout ce que vous ne racontez pas… et que le joueur peut se raconter lui-même.

De façon très intéressante, lorsque Robyn et Rand Miller présentèrent leur jeu à un groupe de test, sous la direction de leur éditeur Brøderbund Software, la première réaction fut unanime : les testeurs le détestèrent, si vous me permettez la formule. Mais alors même que les deux frères se demandaient s’ils venaient de perdre deux ans de leur vie à développer un titre dont personne ne voulait, un deuxième groupe de test fit lui aussi connaître ses retours, et cette fois, ceux-ci étaient dithyrambiques.

Un bon résumé de la perception que le public allait avoir de Myst, en dépit de son indéniable et colossal succès commercial : une sorte de relation amour/haine, où ceux qui n’étaient fascinés ni par le cadre ni par l’aventure tendaient à voir avant tout un monde vide, un rythme lent et parfois même l’annonciateur de la mort du point-and-click, les clones de Myst à la Rama, Atlantis ou Zork : Nemesis commençant alors à chasser les King’s Quest, les Monkey Island ou les Gabriel Knight pour les remplacer par ces mondes froids habités de logique pure où on était loin, très loin des hilarants dialogues de Day of the Tentacle. Pour d’autres, il restera une expérience à nulle autre pareille, où la découverte de l’île correspondait également à celle du support CD-ROM et de l’ère du multimédia, où le commun des mortels commença enfin à se pencher sur ces étranges machines qui ne fascinaient jusqu’ici qu’une catégorie d’allumés et où toute la famille pouvait tout à coup se retrouver devant cet ordinateur ou cette console qu’elle avait si longtemps boudés. Des considérations qui dépassent largement un jeu qui divisera certainement tout autant les joueurs actuels que ceux de l’époque, mais qui conserve une aura indéniable pour permettre de découvrir un univers qui peut se montrer largement aussi fascinant qu’à ses débuts. Clairement un titre à découvrir pour tous ceux qui s’intéressent, de près ou de loin, aux jeux d’aventure.


Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

Myst restera dans les livres d'histoire comme le jeu d'aventure le plus vendu des années 90, un succès planétaire dû autant à son support, à sa réalisation, au timing de sa sortie qu'à d'authentiques qualités ironiquement dérivées, pour la plupart, des limitations techniques rencontrées par ses créateurs. Dans les faits, le titre de Cyan est presque moins intéressant en tant que jeu – où ses mécanismes n'ont pour ainsi dire rien inventé – qu'en tant qu'exercice de narration et de game design, où il vise merveilleusement juste à de nombreux niveaux. Myst est une visite autant qu'une enquête, une méditation autant qu'une épopée, un passe-temps autant qu'un titre réellement exigeant qui demandera un esprit actif et de quoi prendre des notes. Son histoire, finalement très simple, distille pourtant quelque chose de grisant dans les possibilités qu'elle laisse entrevoir et de tout à fait pertinent dans son efficacité. Une lente errance guidée par la logique pure, qui tend à diviser tous ceux qui l'approchent – et qui l'adorent ou la détestent, sans demi-mesure. Cela reste en tous cas indéniablement un voyage qui vaut la peine d'être entrepris. À découvrir.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un système de déplacement à l'imprécision franchement énervante
– Beaucoup d'allées-et-venues parfois très fastidieuses simplement pour constater les effets de nos actes
– Certaines énigmes qui risquent de poser des problèmes à beaucoup de monde...
– ...notamment celles qui reposent sur le son

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Myst sur un écran cathodique :

Version PC (Windows 3.1)

Développeur : Cyan, Inc.
Éditeur : Brøderbund Software, Inc.
Date de sortie : Mars 1994
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version française émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 DX 33MHz – OS : Windows 3.1 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Mode graphique supporté : 640×480 8 bits

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Vous l’aurez sans doute constaté, les titres parus conjointement sur Macintosh et sur PC à partir du milieu des années 90 tendent à être testés ensemble, tout simplement parce que les versions concernées sont généralement très largement identiques d’une machine à l’autre. Une tendance qu’on pourrait d’ailleurs appliquer à Myst, où les deux versions offrent bien évidemment le même contenu, dans la même résolution native (en 544×322 avec des bandes noires occupant le reste de la fenêtre en fonction de la résolution du bureau) et avec le même nombre de couleurs. Néanmoins, il convient d’appliquer ici une minuscule nuance : la version PC tire ses 256 couleurs d’une palette moins large (8 bits) que celle de la version Mac (16 bits). La différence est très subtile, et impose pratiquement de zoomer sur les images pour être visible, mais elle est malgré tout perceptible, notamment au niveau des dégradés et du curseur. Les deux captures d’écran ci-dessous vous aideront à déterminer si vous parvenez à faire le différence. Pour le reste, de l’interface au contenu en passant par la réalisation sonore, on retrouve exactement la même chose que sur Macintosh.

NOTE FINALE : 17/20

Minimes variations techniques pour une version PC qui n’emploie pas tout-à-fait la même palette que sur Macintosh, mais la nuance est pratiquement imperceptible. En termes d’expérience de jeu, le résultat est en tout cas strictement le même.

Version Saturn

Développeur : Sun Corporation
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 22 novembre 1994 (Japon) – 9 août 1995 (États-Unis) – 6 octobre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, chinois, coréen, espagnol, français (voix en anglais, textes en français), japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, souris
Versions testées : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou carte mémoire

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme on l’a vu, Sunsoft avait pour ambition de porter Myst sur de nombreuses plateformes avant même le début du développement du jeu. Naturellement, cela nécessitait malgré tout des machines alors à la pointe de la technologie, ce qui signifie que seuls les systèmes 32 et 64 bits auront eu droit à leur version du jeu. Parmi les candidates naturelles à une adaptation, la Saturn fut la première à accueillir le titre des frères Miller – et on se doute bien, comme pour toutes les autres versions, que les différences ne seront pas à chercher au niveau du contenu, bien évidemment strictement identique à ce qu’offraient les versions Macintosh et PC.

Sans surprise, le jeu reste graphiquement extrêmement proche de la version originale – même si la résolution est plus faible (la fenêtre de jeu tient désormais en 320×182), la palette de couleurs est plus élevée, et la déperdition graphique reste très mineure, à tel point que vous aurez certainement besoin de placer les deux versions côte-à-côte pour distinguer une différence. En revanche, on pourra regretter que le titre ne soit toujours pas en plein écran, et surtout qu’il impose un léger temps de chargement de l’ordre de la demi-seconde à chaque changement d’écran. Rien de dramatique, mais cela pourra quand même agacer les joueurs pressés, surtout dans un jeu où on passe son temps à se déplacer. La jouabilité au pad est bien sûr plus raide qu’à la souris, ce qui n’est de toute façon pas franchement un handicap, mais le jeu reconnait la souris (jamais commercialisée en Europe) pour ceux qui y tiendraient. Seule différence réellement notable : si le jeu est bel et bien disponible en français dans sa version européenne, les voix resteront, elles, obligatoirement en anglais, avec des sous-titres en français. Bref, la version à laquelle on pouvait s’attendre.

NOTE FINALE : 16,5/20

Myst sur Saturn livre à peu près la version à laquelle on pouvait s’attendre, sans aucune mauvaise surprise, même si la relative lenteur des déplacements risque aujourd’hui de faire grincer quelques dents. Si le titre est indéniablement plus « fluide » sur PC ou sur Macintosh, cette version reste une excellente alternative à des titres comme Le Manoir des Âmes Perdues sur la machine de SEGA.

Version 3DO

Développeur : Micro Cabin Corp.
Éditeur : Panasonic Software Company
Date de sortie : Mars 1995 (Amérique du Nord) – 14 avril 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Allemand, anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad
Versions testées : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Parmi les autres candidates désignées, la 3DO n’allait certainement pas faire l’impasse sur un jeu qui commençait à faire du bruit – même si cette version de Myst n’a, à ma connaissance, jamais été commercialisée en Europe. Signe d’un hardware qui commençait déjà à montrer ses limites par rapport aux concurrentes 32 bits, les graphismes sont encore un peu moins bons que sur Saturn, et la baisse du nombre de couleurs est cette fois palpable, particulièrement dans les dégradés – les quelques vidéos m’ont également paru souffrir d’un framerate plus bas que dans les autres versions, et la courte introduction a disparu. En revanche, les chargements sont légèrement plus rapides. On se doute que cette version ne sera de toute façon pas la plus facile à trouver pour les joueurs actuels, qui n’auront par conséquent aucune raison de découvrir le titre de Cyan sur 3DO, mais ceux qui auront eu à le faire n’auront probablement pas dû se sentir trop lésés face aux autres versions.

NOTE FINALE : 16/20

Myst sur 3DO délivre une réalisation un peu décevante, avec des dégradés qui commencent à sentir la bouillie de pixels, mais l’expérience de jeu reste très bonne, notamment grâce à des temps de chargement légèrement supérieurs à ceux observés sur Saturn. Une curiosité plus qu’autre chose, à une époque où il reste infiniment plus simple de découvrir le titre via un de ses énièmes remakes sur PC ou Mac.

Version PlayStation

Développeur : Visual Science Ltd.
Éditeur : Psygnosis Limited
Date de sortie : 27 janvier 1995 (Japon) – 30 septembre 1996 (États-Unis) – Novembre 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (voix en anglais, textes en français), italien
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, souris
Versions testées : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Réputée pour ses capacités en 3D temps réel, la console de Sony se révèle un peu moins à l’aise avec la 3D pré-calculée. Si la résolution de la fenêtre de jeu est la même que sur PC et Macintosh, le résultat produit des dégradés assez baveux, comme si l’image était passé par une sorte de filtre.

Pour ne rien arranger, les vidéos sont assez mal compressées, les textes sont traduits mais les vidéos ne sont pas sous-titrées, et surtout les temps de chargement sont assez longs à chaque déplacement, ce qui rend cette version particulièrement inconfortable à parcourir. Rien de dramatique – Myst n’est pas soudainement devenu un mauvais jeu pour autant – mais, à tout prendre, je ne peux que vous déconseiller de découvrir le titre sur PlayStation si une alternative se présente, et il serait très surprenant que ce ne soit pas le cas.

NOTE FINALE : 16/20

La PlayStation était moins à l’aise avec la 2D, et cela se sent, avec une version de Myst plus lente et moins aboutie graphiquement que jamais. Si le jeu conserve toutes ses qualités, mieux vaudra être très patient pour composer avec des déplacements qui s’engluent, et au final le titre demeurera infiniment plus agréable à découvrir dans n’importe laquelle de ses itérations actuelles.

Version CD-i

Développeur : Ledge Multimedia
Éditeur : Sun Corporation
Date de sortie : 1996
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (voix en anglais, textes en français), italien, néerlandais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Joypad, télécommande
Versions testées : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

En 1996, le CD-i était déjà reconnu comme un échec commercial ayant péniblement atteint le million d’unités vendues à l’échelle mondiale – c’est d’ailleurs cette même année que Philips aura annoncé la fin de sa production et de sa commercialisation. Cela n’aura pas empêché Myst d’y faire une apparition, même si le résultat ne peut pas vraiment prétendre rivaliser avec ce qu’offraient les autres systèmes 32 bits. Graphiquement, le résultat est encore plus décevant que sur 3DO, avec une fenêtre de jeu qui représente à peine plus de la moitié du cadre et une résolution assez basse – même le curseur n’est plus qu’un pâté monochrome. Les temps de chargement sont une nouvelle fois très médiocres, ce qui fait que se déplacer prendra beaucoup plus de temps que sur PC ou Mac. On remarquera également que certaines animations ont disparu. Bref, un assez bon exemple de la raison pour laquelle personne n’achetait un CD-i pour jouer.

NOTE FINALE : 15,5/20

Myst commence vraiment à sentir la fin de vie pour un CD-i qui peine à offrir une réalisation qui puisse rivaliser avec celle de n’importe quel autre système 32 bits. Si le jeu n’a pas changé, des temps de chargement à rallonge additionnés à des graphismes perdus dans un large cadre noir font qu’on ne privilégiera cette itération que si on n’a accès à absolument aucune autre.

Myst : L’Apogée

Développeur : Cyan Worlds, Inc.
Éditeur : Mindscape International Ltd.
Titre original : Myst : Masterpiece Edition (États-Unis)
Titre alternatif : 迷霧之島重製版 (Chine)
Disponible sur : PC (Windows), Macintosh
En vente sur : GOG.com (PC, Macintosh), Steam.com (PC, Macintosh)
Date de sortie : Septembre 1999
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), japonais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Version PC : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – DirectX : 6.1 – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Mode graphique supporté : 640×480 24 bits

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Signe de son succès, Myst aura connu de très nombreux remasters et autres remakes dont la production continue encore au moment où j’écris ces lignes, où une nouvelle version simplement intitulée Myst a vu le jour le 26 août 2021 (elle ne sera donc pas testée ici, où les versions sorties après 2000 ne sont pas abordées).

En 1999, on se doute qu’une version pensée pour Windows 3.x ne faisait plus vraiment sens alors que la plupart des utilisateurs de PC étaient sous Windows 98, une bonne excuse pour dépoussiérer un peu le jeu, dans une version qui fonctionne d’autant mieux sur les systèmes d’exploitation actuels qu’elle aura été retouchée par Cyan en 2018 suite à un KickStarter (auparavant, elle ne fonctionnait pas sous Windows 7 et ultérieur). Au menu, que trouve-t-on ici ? Eh bien très exactement la même chose que sur la version de 1993, avec quelques petites retouches pour l’occasion. Si les modèles 3D n’ont pour ainsi dire pas changé d’un iota, on remarquera en revanche que les graphismes sont désormais en plein écran quelle que soit la résolution et qu’il y a davantage de couleurs que dans la version Windows originale (qui tournait en 8 bits, c’est à dire en 256 couleurs, pendant que celle-ci est en 24 bits). La qualité sonore est également supérieure. Histoire de faire bonne mesure, une aide intégrée a également fait son apparition – ce qui, à l’heure d’internet, est de toute façon un peu gadget. À tout prendre, si vous souhaitez découvrir l’expérience originale sans vous arracher les cheveux avec un émulateur (même si cette version tourne, stricto sensu, sous ScummVM), voici certainement un très bon point de départ.

NOTE FINALE : 17,5/20

Quitte à découvrir le titre des frères Miller, ce Myst : L’Apogée est assurément un très bon point de départ, modernisant très légèrement la réalisation et le maniement du jeu sans trahir en rien son style d’origine. Les puristes ne devraient donc pas avoir à faire beaucoup de concessions pour découvrir le jeu via cette version ; les néophytes, de leur côté, préfèreront peut-être débuter par la version de 2021 ou par Real Myst.

Real Myst

Développeur : Cyan Worlds, Inc.
Éditeur : Mindscape International Ltd.
Titres alternatifs : realMyst (graphie alternative), realMyst : Masterpiece Edition (version dématérialisée de 2014)
Disponible sur : PC (Windows), Macintosh
En vente sur : GOG.com (PC, Macintosh), Steam.com (PC, Macintosh)
Date de sortie : 15 novembre 2000 (première édition) – 5 février 2014 (Masterpiece Edition)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée Masterpiece Edition testée sous Windows 10
Configuration minimale : Version CD-ROM (PC) : Processeur : Intel Pentium II – OS : Windows 95 – RAM : 64Mo – DirectX : 7.0a – API : OpenGL – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s) – VRAM : 16Mo
Modes graphiques supportés : 640×480, 800×600 (carte accélératrice 3D nécessaire)
Optimisé pour les cartes graphiques nVidia

Version CD-ROM (Macintosh) : Processeur : PowerPC 7xx/PowerPC G3 – OS : Mac OS 8.6 – RAM : 64Mo (128Mo avec Mac OS X 10.1 et ultérieur) – Vitesse lecteur CD-ROM : 6X (900ko/s) – VRAM : 16Mo
Mac OS X supporté

Avec les progrès galopants de la 3D temps réel, la tentation était grande d’imaginer un Myst explorable à la première personne sans souffrir des nombreuses maladresses de la maniabilité originale. Ce fut accompli dès l’année 2000, avec un titre pompeusement baptisé Real Myst qui vous proposait donc de redécouvrir en temps réel ce que vous aviez déjà eu l’occasion de visiter en 3D pré-calculée. L’occasion, pour le coup, de profiter d’un système de déplacement type FPS, avec l’occasion de regarder partout sans passer votre temps à vous situer à chaque changement de caméra, et de profiter de graphismes remis au goût du jour pour l’occasion. Et des fois que cela aurait paru un peu maigre aux fans qui venaient juste d’investir dans Myst : L’Apogée, un cinquième âge fut ajouté en conclusion du jeu afin de faire la jonction avec Riven – et d’allonger encore un peu la durée de vie avec quelques énigmes supplémentaires.

À ceux qui me diraient que la 3D temps réel de 2000 ne devait pas être beaucoup plus impressionnante que la 3D pré-calculée de 1993, je répondrais « certes »… mais le truc est que la seule version disponible (à ma connaissance) à la vente aujourd’hui est la Masterpiece Edition de 2014, qui se sera chargé de re-dépoussiérer une 3D vieillissante – soit à peu près ce que fera sept ans plus tard la version 2021 de Myst, mais sans offrir un âge supplémentaire, elle. Et histoire de faire bonne mesure, le système de déplacement original est toujours disponible, juste pour ceux qui trouveraient cela plus naturel. Le résultat est un titre indéniablement débarrassé d’une partie de ses lourdeurs et offrant une réalisation un peu plus à la hauteur des standards actuels – sans trahir en rien l’esthétique originale, fort heureusement. Même si on s’éloigne ici un peu du retrogaming à proprement parler, cette version devrait constituer une autre excellente porte d’entrée vers la série même si, pour une raison mystérieuse, personne n’aura jugé utile d’y transférer la version française.

Ce n’est pas la 3D la plus éblouissante qu’on ait vu, mais ça a quand même son charme, non ?

NOTE FINALE : 17,5/20

Au milieu de toutes ces version de Myst, on s’y perd et on ne sait parfois plus trop que choisir, mais cette version en temps réel, mise à jour graphiquement en 2014, présente beaucoup de qualités et assez peu d’inconvénients. Le cinquième âge, un peu gadget, a au moins le mérite d’apporter encore du contenu en plus, et le tout a l’avantage d’être moins cher (pour l’heure) que le Myst de 2021. Bref, une autre excellente façon de découvrir l’aventure aujourd’hui… sauf si vous cherchez une version française à tout prix, auquel cas vous devrez sans doute faire l’impasse.

Dragon’s Lair (Advanced Microcomputer Systems)

Développeur : Advanced Microcomputers Systems
Éditeur : Cinematronics, Inc.
Titres alternatifs : Dragon’s Lair CD-ROM (PC CD-ROM), Логово дракона : Побег из замка Синджа (Russie), 龙穴历险记 (Chine), ドラゴンズ・レア (Japon)
Testé sur : ArcadeMega-CDPC (CD-ROM) & Macintosh3DOGame Boy Color
Version non testée : CD-i, Jaguar
Disponible sur : Android, DS, DSi, iPad, iPhone, lecteur Blu-Ray, lecteur DVD, lecteur DVD HD, navigateur, PlayStation 3, PlayStation 4, PlayStation Now, PSP, Switch, Windows, Windows Apps, Xbox 360, Xbox One, Xbox Series X/S
En vente sur : GOG.com (Dragon’s Lair Trilogy, Windows), Nintendo eShop (Dragon’s Lair Trilogie, Switch), PlayStation Store (Dragon’s Lair Trilogy, PlayStation 4), Steam.com (Windows), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series X/S)
Les adaptations 8 bits du jeu : Coleco AdamAmstrad CPCCommodore 64ZX Spectrum
Les adaptations 16 bits du jeu : AmigaAtari STPC (disquettes)Macintosh (disquettes)

La série Dragon’s Lair (jusqu’à 2000) :

  1. Dragon’s Lair (Advanced Microcomputer Systems) (1983)
  2. Dragon’s Lair Part II : Escape from Singe’s Castle (1987)
  3. Sullivan’s Bluth Presents Dragon’s Lair (1990)
  4. Dragon’s Lair II : Time Warp (1991)
  5. Dragon’s Lair : The Legend (1991)
  6. Dragon’s Lair (Motivetime) (1992)
  7. Dragon’s Lair III : The Curse of Mordread (1992)

Version Arcade

Date de sortie : 19 juin 1983
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : LaserDisc
Contrôleur : Un stick (huit directions) et un bouton
Version testée : Version américaine, révision F2
Hardware : Processeur : Zilog Z80 4MHz ; Zilog Z80 2,5MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; AY-3-8910A PSG 2MHz ; Pioneer LD-V1000 ; 2 Canaux
Vidéo : 704 x 480 (H) 59,940057Hz

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

En 1983, le jeu vidéo n’était pas la seule activité au bord de la crise : le dessin animé ne se portait pas très bien, lui non plus.

Les studios Disney étaient alors un peu dans le creux de la vague – pour ne pas dire en pleine crise existentielle – et ne savaient plus trop sur quel pied danser au moment de réfléchir à l’orientation de leurs futurs projets.

La volonté de se diriger vers des projets plus « adultes », promue par de jeunes animateurs dont un certain Tim Burton, se sera au final vue constamment sabordée par les vieux grognards de la firme, résultant en des atermoiements qui culmineront avec le bide de Taram et le Chaudron magique en 1985. Parmi les animateurs moyennement emballés par le manque d’inspiration de la direction de Disney, Don Bluth, lui, avait déjà claqué la porte en 1979 après huit ans de bons et loyaux services pour aller fonder Don Bluth Productions avec ses collègues Gary Goldman et John Pomeroy. Malheureusement pour eux, leur premier projet adapté de Robert O’Brien, Brisby ou le secret de NIMH, sera sorti une semaine après E.T. l’extra-terrestre, en 1982, et aura connu un échec commercial. Les caisses désormais vides, les trois hommes se retrouvent, avec toute leur équipe, dans une situation financière assez délicate.

C’est alors qu’entre en jeu Rick Dyer. Fondateur d’Advanced Microcomputer Systems (qui deviendra ensuite RDI Video Systems), l’homme est un game designer fasciné par les jeux d’aventure, et avec de l’ambition à revendre. Son épiphanie à lui aura eu lieu en posant les yeux sur les premières images d’Astron Belt, un jeu SEGA qui employait le premier support optique de l’époque qu’était le LaserDisc pour diffuser des images d’une qualité sans commune mesure avec ce qu’offraient les bornes d’arcade d’alors.

Justement, Rick avait imaginé une histoire très inspirée du Seigneur des Anneaux et intitulée Shadoan – et il était même allé jusqu’à imaginer une console de jeu nommée Halcyon utilisant le support LaserDisc et qui permettrait de commercialiser des jeux d’une qualité visuelle exceptionnelle. Pour la petite histoire, l’Halcyon aura bel et bien vu le jour en 1985 à un prix prohibitif, pour des ventes pires que confidentielles, et seuls deux titres auront été développé pour elle : Thayer’s Quest et un jeu de football américain intitulé NFL Football LA Raiders vs SD Chargers. Mais la carrière de Rick Dyer ne se sera heureusement pas limitée à cet échec : non seulement son Shadoan aura bel et bien fini par voir le jour (en 1996 tout de même), mais la rencontre de ses projets avec le Bluth Group formé à la suite de la fermeture de Don Bluth Productions aura abouti à l’un des titres les plus ambitieux, les plus improbables et les plus aboutis du genre : Dragon’s Lair.

Imaginez donc l’histoire la plus éculée qui soit : celle de la belle et jeune princesse Daphné, enlevée par un dragon maléfique qui la détient captive au fond d’un château particulièrement mal famé. Pour la sauver, on envoie le chevalier Dirk, qui n’a peut-être pas la carrure du héros à qui tout réussit, mais qui n’a clairement pas froid aux yeux – c’est naturellement lui que vous allez incarner au fil de sa quête pour aller récupérer Daphné, vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants, et croyez-moi, il faudra le mériter.

Le jeu prend donc une forme inhabituelle et particulièrement spectaculaire au moment de sa sortie, où les prouesses techniques étaient encore pour le moins balbutiantes : celle d’un dessin animé interactif. Et même si le concept sera réutilisé lors des années qui suivront (citons Badlands, Cobra Command ou Road Blaster, entre autres), rares seront les productions à pouvoir se vanter d’avoir un (ex-)animateur de Disney aux commandes ! Le gameplay est donc un peu particulier, lui aussi : imaginez une suite de saynètes correspondant à des scènes (magnifiquement) animées par Don Bluth et son équipe – plus de vingt minutes en tout. Chacune de ces saynètes correspond en fait à une série d’épreuves que vous ne pourrez résoudre que d’une seule façon, en faisant usage d’une des quatre directions du joystick pour bouger Dirk au moment précis où il doit le faire, ou en employant l’unique bouton de la borne pour lui demander de faire usage de son épée.

Deviner quelle action entreprendre et à quel moment sera laissé entièrement à votre discrétion, même si le jeu a néanmoins la gentillesse de faire clignoter certains éléments afin d’attirer votre attention sur la direction à suivre. Réussissez et vous pourrez découvrir la suite de la scène – et la prochaine action à réaliser ; échouez et vous pourrez assister à l’une des innombrables animations vous présentant la mort de Dirk… avant de repartir d’une autre scène. Car, et c’est là une autre excellente idée du jeu : le déroulement de l’aventure ne suit pas un fil linéaire. Les saynètes sont présentées dans un ordre aléatoire afin d’offrir un peu de variété – et également de compliquer votre apprentissage des différentes épreuves, on ne va pas se mentir. Toujours est-il que vous allez vivre un dessin animé de qualité « Disney » (ou plutôt, Don Bluth, mais vous m’aurez compris) et que quelque part, le seul fait de parvenir à en voir quelques secondes de plus sera votre principale récompense. Ça, et le fait de repartir avec la princesse la plus canon de toute l’histoire vidéoludique.

Comme on peut s’en douter, d’un strict point de vue ludique, Dragon’s Lair n’est pas grand chose de plus qu’une très longue série d’essais/erreurs au timing affreusement serré (même si cela pourra changer selon le réglage de difficulté de la borne) mettant en jeu votre mémoire et pas grand chose d’autre. Sur le papier, c’est extrêmement limité – et une fois en situation, c’est à la fois injuste et frustrant. Ça ne devrait tout simplement pas marcher – et pourtant, ça marche.

Le fait est que composer avec un dessin animé aussi bien réalisé, avec des animations souvent aussi loufoques qu’imaginatives et un univers médiéval sombre et menaçant (mais pas trop) tel qu’on rêvait justement de voir Disney en produire un à l’époque (ce qui ne sera que très partiellement accompli dans Taram et le Chaudron magique, justement) change beaucoup de choses, en fait. Dragon’s Lair, en 1983, c’était un peu le film d’animation qu’on avait toujours rêvé de voir au milieu de toutes ces productions cucul-la-praline pleines de bons sentiments et de chansons insupportables, en nous offrant enfin des monstres, des morts, et une princesse directement dessinée à partir de modèles pris dans Playboy (!) – et, à la réflexion, c’est toujours un peu le cas, du moins du côté des studios occidentaux ou ni Disney ni Pixar n’auront jamais franchement revu leur conception de l’animation comme un medium réservé principalement aux enfants. Dirk, c’est cet aventurier qu’on n’aura jamais eu sur grand écran en train de vivre une aventure dont on n’aura jamais fait un long-métrage. Et c’est chouette.

Bien sûr, cela signifie aussi qu’il faut aborder le jeu avec une certaine curiosité, un mélange d’âme d’enfant et d’acharnement à vaincre des situations qui ne sont au fond pas bien complexes juste pour le mérite de pouvoir en voir davantage. On peut tout-à-fait comprendre que certains joueurs y soient totalement hermétiques – et nombreux seront d’ailleurs ceux qui préfèreront tout simplement regarder jouer quelqu’un plutôt que de s’y essayer eux-mêmes, tant Dragon’s Lair demeure, dans son essence, un logiciel qui se joue avec les yeux.

Seulement voilà, on a tous cherché à travers les jeux d’aventure ce petit frisson de rêve qui nous donne l’impression d’être transporté ailleurs et de vivre autre chose, et à ce niveau, le jeu réalisé par Don Bluth tient toujours miraculeusement ses promesses : celle de redevenir ce gamin prêt à se retrousser les manches pour aller sauver une princesse et d’y croire comme jamais. Ça n’est jamais qu’un (très bon) dessin animé, au fond, mais se dire au terme de vingt minutes d’efforts que c’est quand même nous, au moins autant que Dirk, qui avons vaincu ce foutu dragon, ça fait mine de rien toujours son petit effet. Et cela mérite d’être expérimenté au moins une fois, surtout à une époque où le jeu est très largement disponible sur à peu près tous les systèmes existants via des éditions remasterisées magnifiques. L’un des rares titres de près de quarante ans d’âge qu’on pourra toujours ressortir en famille avec un plaisir préservé – avant de s’attaquer, tant qu’à faire, à Space Ace ou à Dragon’s Lair II.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20 Jouer à un dessin animé sur borne d'arcade ? Réalisé par Don Bluth ? Grâce à un support numérique de pointe ? En 1983 ? L'idée de Dragon's Lair paraissait complètement folle – et, en un sens, c'est toujours le cas – mais le fait est que, quitte à prendre les commandes d'un chevalier envoyé secourir la princesse, difficile de trouver mieux. Certes, le titre imaginé par Advanced Microcomputer Systems est frustrant, opaque et souvent injuste – la mémoire, l'expérimentation et le timing restant vos seules armes face à des épreuves dont l'issue se décide souvent en l'espace d'un dixième de seconde. Malgré tout, la surprenante variété des quelques vingt minutes de séquences animées aide à s'accrocher pour le simple plaisir de tout voir – y compris, d'ailleurs, les très spectaculaires trépas de notre pauvre Dirk. Cela pourrait sembler atrocement limité sur le plan ludique, mais curieusement, cela fonctionne envers et contre tout, et on tient très certainement là l'un des seuls logiciels du début des années 80 à pouvoir prétendre avoir conservé sa magie intacte depuis le premier jour. Une expérience un peu trop courte et un tantinet maladroite, mais qui peut encore vous laisser des étoiles dans les yeux. À découvrir, clairement.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un gameplay très frustre qui demande souvent un sens du timing délirant... – ...quitte, souvent, à vous laisser sans aucune indication claire... – ...et qui vous demandera régulièrement d'apprendre des séquences entières par cœur fragment par fragment – Des séquences qui perdent beaucoup de leur charme quand on les rencontre pour la quinzième fois

Note : Parmi les nombreuses sources utilisées pour la rédaction de cet article, mention spéciale à la vidéo réalisée par King Wallop! en 2017 et consultable à cette adresse.

Version Mega-CD

Développeur : Epicenter Interactive, Inc.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : Décembre 1993 (États-Unis) – Mars 1994 (Europe) – 3 juin 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dix ans. Il aura fallu attendre un peu plus de dix ans pour qu’un système domestique puisse enfin prétendre offrir sans altération drastique l’expérience permise par Dragon’s Lair en 1983. Bon, dans les faits, l’extension CD de la PC Engine en aurait sans doute été capable dès 1988, soit deux fois plus vite, mais cela aide assez bien à mesurer à quel point le titre réalisé par Don Bluth jouissait encore d’une certaine aura (particulièrement en occident) en 1993. Le Mega-CD était bien évidemment la plateforme toute désignée dans cette optique, restait à savoir si le hardware, lui allait suivre – car évidemment, cette fois, la console ne se contenterait pas de sélectionner des passages d’un LaserDisc. À ce niveau, autant dire que la comparaison avec la borne d’arcade est assez cruelle : avec seulement seize couleurs à l’écran et une image qui n’est même pas en plein-écran, la superbe qualité technique du métrage original perd énormément de plumes, et on a bien du mal à être ébahi par ce qui se passe à l’écran, surtout quand on a du mal à y voir quoi que ce soit à force de bruit et d’artefacts graphiques. On remarquera en revanche que cette version bénéficie de voix françaises – ce dont même la borne de 1983 n’aura jamais profité !

Niveau jouabilité, on remarquera qu’il n’y a pas de menu des options ici, et donc pas de choix de la difficulté. L’expérience est un peu plus linéaire que sur la borne : on commence toujours par le pont-levis du château, et chaque scène est à refaire en boucle jusqu’à ce que l’on soit à court de vies (vous n’en aurez que quatre), après quoi on puisera dans les continues illimités et on changera de séquence. L’épée est obligatoirement attribuée à B sans que ce soit indiqué nulle part, là où tous les boutons auraient pu faire l’affaire, mais pour le reste la jouabilité est restée équivalente – on entend même les fameux « bips » pour indiquer que votre action a été validée. Autant dire que dans un titre reposant très largement sur sa réalisation, la vidéo baveuse et fenêtrée du Mega-CD casse un peu la magie, mais dans l’ensemble on se laisse une nouvelle fois prendre au jeu, même si on n’y engloutira sans doute pas des semaines. Une alternative qui faisait sens à l’époque, mais plus trop aujourd’hui.

NOTE FINALE : 11,5/20

Dragon’s Lair a beau proposer, sur Mega-CD, une expérience très comparable à celle qu’offrait la borne, il faut bien avouer que les limites techniques du hardware font beaucoup de dégâts au superbe dessin animé réalisé par Don Bluth et son équipe. Si on a toujours envie de guider Dirk jusqu’à la princesse Daphné, on préfèrera néanmoins le faire sur du hardware offrant une réalisation de meilleure qualité.

Version PC (CD-ROM) & Macintosh
Dragon’s Lair CD-ROM

Développeur : Epicenter Interactive, Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : 1993 (PC) – 1994 (Macintosh)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : PC : Processeur : Intel 80386 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Carte sonore supportée : Sound Blaster

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Évidemment, s’il y avait une autre catégorie de machines chez qui le CD-ROM commençait à être de plus en plus populaire en 1993, c’étaient les deux ordinateurs en forme du moment : le PC et le Mac. Après avoir hébergé une première adaptation du jeu quelques années plus tôt (voir le test des version 16 bits plus bas), cette fois, c’était bien la borne d’arcade qui débarquait à domicile… avec une résolution plus basse, certes, mais on était déjà heureux de voir débarquer dans les chaumières un titre qui avait tant fait rêver depuis dix ans.

Techniquement, si c’est encore un peu la foire aux pixels, le résultat est incontestablement supérieur à ce qu’offrait le Mega-CD, d’autant que la vidéo est cette fois en plein écran. Là où le bât blesse un peu, en revanche, c’est que non seulement il n’y a toujours aucune option de difficulté, mais surtout que le timing est devenu extrêmement serré dans cette version – plus encore que sur la borne ! J’ai ici été rigoureusement incapable de franchir des passages que je connaissais pourtant par cœur, le jeu exigeant parfois de réagir à une action… avant même qu’elle se produise à l’écran. Sans doute la façon la plus stupide de toutes d’augmenter la difficulté du jeu…Surtout que cette fois, il faudra enchaîner les scènes dans le même ordre, et tant pis si vous ne réussissez jamais à comprendre à quel centième de seconde vous étiez censé agir. Bref, un portage qui aurait pu être intéressant, mais qui se saborde tout seul.

NOTE FINALE : 08/20

Un portage, c’est une science, et bon sang quel était l’intérêt de rendre Dragon’s Lair aussi difficile ? Désormais pieds et poings liés par un système au timing aussi arbitraire qu’aléatoire, le joueur s’arrache les cheveux et repasse en boucle les mêmes séquences jusqu’à la nausée. Dommage, car la réalisation faisait à peu près illusion, mais au bout d’un moment, on était quand même venu chercher un jeu. À fuir.

Version 3DO

Développeur : Epicenter Interactive, Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : 1994 (États-Unis) – 26 mars 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français, italien
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On retrouve la même équipe aux commandes de cette version 3DO de Dragon’s Lair, et malheureusement, on se retrouve avec une version qui est une copie quasi-conforme de celle vendue sur CD-ROM sur PC et Macintosh. Une nouvelle fois, si la réalisation technique est très correcte – la VF est toujours présente, et la compression m’a même parue légèrement supérieure dans cette version – la difficulté est une nouvelle fois délirante, avec une fenêtre d’action de l’ordre du millième de seconde. On ne s’amuse strictement jamais, et on oublie très vite ce ratage dont on aura toutes les peines du monde à voir plus de quelques écrans. Allez hop, poubelle.

NOTE FINALE : 08/20

La seule chose au monde qui soit pire qu’un gameplay limité, c’est bien un gameplay limité couplé à une difficulté aux trois-quarts impossible. Avec un timing infect vous demandant d’être prescient plutôt que réactif, ce Dragon’s Lair sur 3DO devient une bonne grosse purge qu’on fuira à toutes jambes. Beurk.

Version Game Boy Color

Développeur : Digital Eclipse Software
Éditeur : Capcom Eurosoft Ltd.
Date de sortie : Décembre 2000
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, chinois, espagnol, français, japonais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dragon’s Lair ? Sur Game Boy Color ? La chose pourrait ressembler à une plaisanterie, voire à une provocation, et pourtant c’est bel et bien à une conversion stricte du jeu d’arcade qu’on a affaire ici. Le principe est intrigant, pour ne pas dire gonflé, mais on retrouve bel et bien une grande partie des scènes du jeu redessinées à la main, avec les thèmes musicaux et même quelques bruitages digitalisés ! Alors certes, la réalisation perd clairement beaucoup de sa superbe, mais le tout est suffisamment rythmé pour qu’on n’ait jamais le temps de s’ennuyer – même si on ne sait pas toujours pourquoi on meurt, faute d’indications à l’écran. On notera que cette version est plus facile est plus permissive – et surtout plus courte – que sur arcade, et qu’elle comprend également un mode « initiation » avec les commandes à réaliser qui apparaissent en bas de l’écran et qui vous permettra de vous faire la main avant de vous lancer dans la « véritable » aventure. Alors certes, on est plus face à une curiosité que face à quoi que ce soit qui puisse prétendre à rivaliser avec la version originale sur LaserDisc, mais à tout prendre, c’est plus intéressant à jouer que sur PC ou sur 3DO. Une bizarrerie qui vaut bien la peine qu’on y jette un œil.

NOTE FINALE : 10,5/20

Surprise ! Dragon’s Lair aura bel et bien débarqué sur Game Boy Color, et le mieux, c’est qu’il ne s’y débrouille pas mal du tout ! Alors certes, la réalisation est naturellement nettement moins impressionnante, et la lisibilité est souvent problématique, mais le rythme est plutôt meilleur et le titre est plus accessible que jamais. Une expérience dont on risque hélas de faire très vite le tour, mais certainement un des logiciels les plus inattendus de toute la ludothèque de la console portable.

Les adaptations 8 bits du jeu

Dragon’s Lair aura immédiatement été un succès dans les salles d’arcade (il aura généré plus de trente millions de dollars de bénéfices dès sa première année de commercialisation). Qui dit « succès d’arcade » dit également « portage sur les systèmes domestiques », oui mais voilà : comment transposer un jeu reposant sur un LaserDisc contenant vingt minutes de dessin animé sur des disquettes ou des cassettes contenant généralement moins de 100ko de données ? La première réponse aura originellement vu le jour sur le Coleco Adam (un ordinateur qui était une évolution de la ColecoVision et qui n’aura pas rencontré le succès à cause de très nombreux problèmes techniques) dès 1984 : Dragon’s Lair étant une série d’épreuves, l’idée fut de programmer un jeu présentant une sélection de ces épreuves tout en les adaptant à un gameplay plus « traditionnel ». Les versions Amstrad CPC, Commodore 64 et ZX Spectrum auront suivi deux ans plus tard. Au menu, donc : neuf mini-jeux reprenant certains des passages iconiques de la borne d’arcade, et reposant sur le fait de sauter, d’esquiver ou d’attaquer avec le bon timing.

Comme on peut s’en douter, cette adaptation n’a plus grand chose à voir avec la borne d’arcade : on davantage l’impression d’être face à une sorte de California Games à la sauce médiévale que devant un dessin animé interactif. La difficulté majeure de la plupart des séquences sera de commencer par comprendre comment elles se jouent, via de multiples essais/erreurs qui vous obligeront, une fois vos six vies épuisées, à repartir depuis le début – car l’ordre des épreuves est imposé. La jouabilité, correcte mais manquant souvent de précision, vous obligera souvent à lâcher le joystick pour aller chercher certaines actions sur le clavier, et votre seul salut sera d’apprendre des séquences par cœur pour les reproduire jusqu’au niveau suivant. Un mécanisme qui n’avait rien de choquant en 1984, mais qui a vraiment mal vieilli – d’autant qu’on n’aura pas ici un dessin animé réalisé par Don Bluth en guise de récompense. Autant dire qu’on est typiquement face au genre de titre qui faisait parfaitement illusion dans les années 80, mais qui exigera aujourd’hui une curiosité et une patience à toute épreuve.

Version Coleco Adam

Développeur : Coleco Industries, Inc.
Éditeur : Coleco Industries, Inc.
Date de sortie : Décembre 1984 (version Digital Data Pack) – Mai 1985 (version disquette)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Digital Data Pack, disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le premier ordinateur servi – longtemps avant les autres – aura donc été l’Adam, ordinateur dans lequel Coleco avait investi la broutille de 34 millions de dollars, autant dire une paille. Une chose est sûre, c’est qu’en dépit de son statut d’éclaireur, cette version est également une des meilleures parmi les ordinateurs 8 bits. Les graphismes sont relativement colorés, les commandes répondent bien, mais c’est surtout la musique qui est une excellente surprise, non seulement parce qu’elle a le mérite d’exister mais aussi et surtout parce qu’elle rend très bien. Autre bonne surprise : là où les autres versions auront tendance à imposer au joueur l’ordre des niveaux, ici le déroulement est aléatoire, comme sur la borne d’origine, ce qui fait qu’on aura pas à s’imposer de tout refaire à la perfection depuis le départ et dans le même ordre à chaque fois qu’on rencontrera une difficulté. Et pour ne rien gâcher, on peut choisir le niveau de difficulté parmi quatre, ici. Bref, toutes proportions gardées, une bonne surprise pour une machine qui n’aura pas exactement croulé sous les jeux.

NOTE FINALE : 10,5/20

Bonne surprise : si Dragon’s Lair sur Adam n’a bien évidemment plus grand chose à voir, techniquement parlant, avec le dessin animé sur LaserDisc, il parvient néanmoins à proposer une expérience relativement cohérente et un peu moins frustrante que celles des versions l’ayant suivi. Sans doute pas de quoi y engloutir des semaines, mais il y a un jeu d’action correct à découvrir là-dessous.

Version Amstrad CPC

Développeur : Software Projects Ltd.
Éditeur : Software Projects Ltd.
Date de sortie : 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Après s’être ouvert sur un écran-titre fort sympathique présentant le château de Singe (le dragon – oui, il s’appelle Singe), le titre démarre sur une séquence de saut en 3D isométrique où il faudra se débarrasser d’un adversaire sur chaque plateforme avant de passer à la suivante – en essayant de ne pas s’éterniser, les plateformes disparaissant sous vos pieds sans crier gare si vous vous tournez les pouces trop longtemps. On enchaîne avec la séquence de la chute du plateau, puis avec celle des squelettes dans le couloir, et ainsi de suite –  mais autant vous prévenir qu’il faudra s’accrocher pour espérer aller loin, car le maniement est loin d’être irréprochable.

Si le premier niveau est relativement jouable (on regrettera que Dirk aille souvent un peu trop loin pour son propre bien, ce qui se traduit évidemment par une mort immédiate), le deuxième est tout bonnement atroce à cause d’une imprécision si abominable que vous pourrez tout à fait perdre vos six vies rien qu’à essayer de rejoindre le plateau ! Dans l’ensemble, la jouabilité est de toute façon le gros point noir : on est face à du pur die-and-retry qui vous demandera de recommencer en boucle des séquences apprises par cœur pour pouvoir enfin ré-affronter la difficulté qui était venue à bout de votre périple, le plus souvent en ayant que quelques dixièmes de secondes pour assimiler ce que vous êtes censé faire et comment. Si la réalisation est plus que correcte, avec des tableaux colorés et un thème musical entre chacun d’entre eux, le gameplay ultra-punitif « à l’ancienne » réservera vraiment ce titre aux vieux-de-la-vieille prêts à engloutir de très longues minutes à recommencer un niveau au principe très limité en boucle juste pour avoir le droit de refaire la même chose au niveau suivant. Sans doute pas le meilleur moyen de découvrir la saga, donc.

NOTE FINALE : 09,5/20

En dépit de quelques soucis de précision, le plus gros défaut de ce Dragon’s Lair sur Amstrad CPC n’est pas tant sa jouabilité (très perfectible) que sa philosophie qui vous imposera de recommencer les mêmes séquences jusqu’à l’écœurement pour avoir une chance de profiter de son (maigre) contenu. Ce qui est présent est varié et bien réalisé, mais frustrant, répétitif, injuste, et aurait vraiment bénéficié d’un menu permettant de choisir l’ordre des niveaux. Une expérience à réserver aux nostalgiques les plus patients.

Version Commodore 64

Développeur : Software Projects Ltd.
Éditeur : Software Projects Ltd.
Date de sortie : Septembre 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Quelques changements à noter pour Dragon’s Lair sur Commodore 64. Tout d’abord, on remarquera que le jeu ne s’ouvre plus sur le même niveau que la version CPC : on démarrera cette fois directement sur le plateau, la séquence initiale ayant désormais été déplacée plus loin dans l’aventure. La jouabilité est ici un peu plus précise, ce qui ne signifie pas que le jeu soit devenu plus simple, loin de là. Si la réalisation graphique n’est pas franchement plus impressionnante que ce qu’on a connu sur la machine d’Amstrad, la réalisation sonore, elle, est clairement très au-dessus, avec des thèmes en jeu et même deux dès l’écran-titre (le tableau des scores s’accompagnant de L’Apprenti sorcier de Paul Dukas). Une nouvelle fois, le titre est toujours aussi frustrant et toujours aussi exigeant avec quelques séquences franchement opaques, mais à tout prendre, il est plutôt plus agréable à jouer dans cette version, où on ne sera pour une fois pas assommé par des temps de chargement à rallonge à chaque nouvelle tentative. Limité, mais correct. À noter que la version américaine du jeu, elle, regroupe à la fois Dragon’s Lair et Dragon’s Lair Part II : Escape from Singe’s Castle sur un seul et même support.

NOTE FINALE : 10/20

Toujours aussi exigeant, toujours aussi difficile et toujours aussi limité, Dragon’s Lair sur Commodore 64 profite néanmoins d’une réalisation musicale revue à la hausse et d’une jouabilité un peu moins aléatoire que sur CPC pour offrir l’essentiel – mais pas grand chose de plus. Ceux qui accepteront d’y passer du temps auront de quoi y laisser de l’énergie, mais le commun des mortels risque d’avoir son compte au bout de cinq minutes.

Version ZX Spectrum

Développeur : Software Projects Ltd.
Éditeur : Software Projects Ltd.
Date de sortie : Décembre 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick Cursor, Kempton et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale :

Sur ZX Spectrum, Dragon’s Lair reprend la structure de la version Commodore 64, mais il n’en reprend hélas ni la réalisation ni la jouabilité. Traduit en clair : non seulement c’est sensiblement plus moche, mais il n’y a plus de musique, à peine quelques bruitages, et la maniabilité est suffisamment pénible pour vous demander plusieurs essais rien que pour accéder à la plateforme de la première épreuve. La difficulté est atroce : on a à peine un centième de seconde pour réagir dès le premier niveau, et vu que ça ne fait qu’empirer par la suite, bon courage pour espérer s’amuser à un quelconque moment de la partie – sauf si vous êtes du genre à vous enfoncer des clous dans la main en vous couvrant de cire chaude par loisir. Bref, autant être honnête : fuyez cette version et retournez plutôt jouer à la borne.

NOTE FINALE : 06/20

Même avec toutes les circonstances atténuantes du monde, difficile de reconnaître beaucoup de mérites à ce Dragon’s Lair sur ZX Spectrum : c’est moche, c’est à peine jouable, et c’est dix fois trop dur. Le simple fait de voir la moitié du contenu du jeu pourra vous demander des heures d’entrainement, et croyez-moi, ça ne vaut vraiment pas l’investissement. À oublier.

Les adaptations 16 bits du jeu

Changement complet de philosophie pour cette version 16 bits de Dragon’s Lair. Là où on aurait pu s’attendre à un choix très semblable à celui opéré sur les versions 8 bits, à savoir une suite de mini-jeux, cette adaptation fait le choix plutôt culotté d’offrir… exactement la même chose que la borne d’arcade originale. Oui, exactement comme la version Game Boy Color le ferait plus d’une décennie plus tard. L’ambition est immense, puisque toutes les scènes-clef ont été intégralement redessinées pixel par pixel pour pouvoir tenir sur un support qui ne soit ni un LaserDisc ni un CD-ROM… ou plutôt, la moitié des scènes-clefs, puisque les autres deviendront un titre à part entière nommé Dragon’s Lair Part II : Escape from Singe’s Castle. On pourrait évidemment hurler à l’opportunisme, mais il faut signaler que sous cette forme, même le « demi-jeu » que représente cette adaptation tenait déjà sur la bagatelle de six disquettes dans sa version Amiga, à l’époque (et c’était à vous de remplacer le disque dur !). Une approche qui laisse forcément des traces dans un concept déjà limité… mais qui s’en sort néanmoins, toutes proportions gardées, assez bien – on pourrait même arguer que ces scènes redessinées sont plutôt plus plaisantes à l’œil que la bouillie de pixel mal compressée de la version Mega-CD. Le contenu reste hélas très léger (à peine une petite dizaine de séquences, parfois inversées pour donner le change), et la difficulté aura été gonflée en conséquence pour allonger une durée de vie rachitique, mais on appréciera l’effort qui n’aura sans doute pas déçu, à l’époque, des joueurs qui espéraient spécifiquement en prendre plein les yeux.

Version Amiga
Don Bluth’s Dragon’s Lair

Développeur : Visionary Design Technologies Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : Mars 1989
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x6)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko (1Mo sur Amiga 500 ou 2000)
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation possible sur disque dur uniquement avec un contrôleur SCSI de type Comspec

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Première étape sur Amiga, soit sans doute la machine sur laquelle on attendait le plus de voir ce que pourrait donner Dragon’s Lair en 1989. Techniquement, le résultat est parfois très solide, avec des tableaux bien réalisés, des animations soignées, et même des bruitages digitalisés directement tirés de la borne.

Bien sûr, certains écrans manquent un peu de couleur, mais on appréciera de retrouver toutes les petites animations reproduites avec un grand luxe de détails – y compris, naturellement, les mille morts du malheureux Dirk. Bon, tout n’est pas idéal – la princesse Daphné est nettement moins sexy dans cette version – et l’expérience peut même virer au cauchemar absolu si vous y jouez sur un Amiga 500, car vous devrez changer de disquette littéralement toutes les quinze secondes. Oh, et le timing est encore une fois affreusement serré, même s’il ne l’est pas encore autant que dans les versions CD-ROM qui verront le jour quelques années plus tard. Clairement le genre de jeu qu’on ressortait pour épater ses copains plutôt que pour y engloutir des heures, mais la curiosité mérite quand même le détour – pas trop longtemps.

NOTE FINALE : 10/20

D’accord, c’est trop court, c’est trop frustrant, c’est trop contraignant (surtout si vous n’avez pas un Amiga doté d’un disque dur !), mais ce Dragon’s Lair est quand même ce qui pouvait se rapprocher le plus de (la moitié de) l’expérience de la borne d’arcade sur un Amiga 500. Vraiment pas de quoi y engloutir des heures, hélas, tant on est plus face à une démo technique que face à un jeu, mais l’accomplissement mérite d’être salué.

Version Atari ST
Don Bluth’s Dragon’s Lair

Développeur : Visionary Design Technologies Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : Juillet 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double-face (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

La version Amiga nous ayant déjà dévoilé le principe de ce Dragon’s Lair sur ordinateur, doit-on s’attendre à quelque chose de fondamentalement différent pour l’Atari ST ? En dépit de l’année qui sépare les deux versions, la réponse est « non », et on serait même tenté de rajouter « vraiment pas du tout », tant le titre parvient à faire exactement aussi bien que la version Amiga dans tous les domaines. Les digitalisations sonores sont toujours là – bruitages comme musique – et la réalisation graphique est identique, même si (comme dans 99% des jeux sur Atari ST), l’image n’est pas réellement en plein écran (question de hardware, mais c’était également souvent le cas sur la machine de Commodore). Bref, on n’a rien perdu – et rien gagné non plus, hélas, mais c’était assez prévisible.

NOTE FINALE : 10/20

Dragon’s Lair sur Atari ST parvient à accomplir ce qu’on était sans doute en droit d’en espérer de mieux, à savoir une copie conforme de la version parue sur Amiga. Le contenu comme le gameplay sont toujours aussi limités, mais encore une fois, quitte à transposer le contenu de l’imposant LaserDisc sur la machine d’Atari, on pouvait difficilement imaginer mieux.

Version PC (disquettes)
Sullivan Bluth Presents : Dragon’s Lair

Développeur : Visionary Design Technologies Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : Mars 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x13) et 3,5″ (x4)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – RAM : 640ko
Mode graphique supporté : EGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Trois ans avant sa version CD-ROM, Dragon’s Lair aura donc déjà connu une itération sur PC… qui aura au moins le mérite de permettre de réaliser à quel point les choses changeaient vite, au début des années 90. Alors qu’on aurait été tenté d’imaginer une version qui s’attèle à mettre tous les atouts de son côté, on se retrouve avec un sous-portage des versions ST et Amiga, en 16 couleurs baveuses et strictement aucune carte sonore reconnue ! Alors la bonne nouvelle, c’est que la jouabilité, elle, n’est impactée en rien (et le contenu non plus, encore heureux !), mais bon sang, quand on pense à ce qu’auraient pu offrir le VGA ou la simple reconnaissance de la Sound Blaster… En l’état, le résultat fait surtout un peu peine à voir. Triste période, pour les possesseurs de PC, vraiment…

NOTE FINALE : 09/20

Le PC était déjà capable de pas mal de choses, en 1990, l’ennui étant que le mettre à profit nécessitait du travail. On aura donc préféré proposer un sous-ersatz de Dragon’s Lair en 16 couleurs et au haut-parleur interne pour pigeonner d’éventuels acheteurs qui n’avaient de toute façon certainement pas acheté leur ordinateur pour jouer. Le résultat reste correct, mais honteux comparé à ce à quoi le portage aurait pu – et dû – ressembler.

Les avis de l’époque :

« C’est surtout la beauté de la réalisation qui a fait la gloire de ce programme, dont l’intérêt de jeu est discutable. En effet, il s’agit plus d’un (sic) démo dans laquelle on intervient, que d’un jeu tel qu’on l’entend généralement. Cette version présente de très bons graphismes, bien qu’ils soient moins fins que ceux de l’Amiga, et les couleurs ne sont pas très réussies en EGA. C’est un peu décevant. »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°78, mai 1990, 13/20

Version Macintosh (disquettes)
Don Bluth’s Dragon’s Lair

Développeur : Visionary Design Technologies Inc.
Éditeur : ReadySoft Incorporated
Date de sortie : 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur System 6.0
Configuration minimale : Processeur : Motorola 68000 – RAM : 1Mo

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le Macintosh, au sortir des années 80, était toujours avant tout une machine de bureau (Olivier Scamps vous en dira sans doute le plus grand bien…). En revanche, pour ce qui est du jeu, les modèles couleurs n’étaient alors pas encore franchement démocratisé, ce qui vaudra donc à ce Dragon’s Lair sur Mac de débarquer… en noir et blanc. Le résultat, comme on pouvait s’y attendre, manque quand même furieusement de lisibilité – et pour une fois, la haute résolution de la machine n’y changera pas grand chose. Techniquement, le programme reste une curiosité, surtout que l’animation est irréprochable, mais pour ce qui est de découvrir le magnifique dessin animé de Don Bluth, on ne va pas se mentir : on évitera plutôt cette version.

NOTE FINALE : 08,5/20

Dragon’s Lair sur un Macintosh en noir et blanc ? Étrange idée, étrange résultat, mais le titre est toujours à peu près aussi jouable – même s’il est dramatiquement peu lisible. Au-delà d’une curiosité légitime, disons malgré tout que les raisons de le lancer aujourd’hui sont à peu près nulles.

Harlan Ellison : I Have No Mouth, and I Must Scream

Développeur : The Dreamers Guild
Éditeurs : Acclaim Entertainment, Inc. – Cyberdreams, Inc.
Titres alternatifs : I Have No Mouth And I Must Scream (GOG.com), 无声狂啸 (Chine), Безмолвный Крик (Bezmolvnyj Krik, Russie), No Tengo Boca y Debo Gritar (Espagne)
Testé sur : PC (DOS) & Macintosh
Disponible sur : Android, iPad, iPhone, Linux, Windows
En vente sur : GOG.com (Windows, Linux, Mac)

Version PC (DOS) & Macintosh

Note : Exceptionnellement, la version française du jeu ayant été lourdement censurée d’une large partie de son contenu, c’est la version originale américaine qui sera testée ici.

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

« Je suis une sorte de grosse masse de gelée molle. Ronde, sans aspérité, sans bouche, avec deux trous blancs remplis de brume qui palpitent là où se trouvaient jadis mes yeux. Des protubérances caoutchouteuses en lieu et place de mes bras ; des appendices réduits à de simples moignons d’une matière visqueuse en guise de jambes. Je laisse derrière moi une traînée gluante. Des taches d’un gris mauvais, maladif, apparaissent et disparaissent à ma surface, comme si de la lumière en émanait depuis l’intérieur.


Extérieurement : stupidement, je me traîne sans but, pauvre être qu’on ne pourra jamais définir comme vivant, une chose dont la forme est si grotesque dans sa parodie d’humanité que la vague ressemblance qu’elle entretient avec elle n’en est que plus obscène.
Intérieurement : seul. Ici. En vie. Sous la terre, sous les mers, dans le ventre d’AM, que nous créâmes parce que notre temps était mal employé et que nous avons dû sentir inconsciemment qu’il en ferait meilleur usage que nous. Au moins sont-ils enfin saufs, tous les quatre.
AM n’en sera que plus fou de rage. Cela me rend un peu plus heureux. Et pourtant… AM a gagné, tout simplement… il a pris sa revanche…
Je n’ai pas de bouche. Et il faut que je crie. »

C’est sur ces mots (traduits par mes soins depuis le texte original) que se termine ce qui est sans doute le texte le plus célèbre d’Harlan Ellison, Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie, présenté depuis comme un des textes anglophones les plus réédités de l’histoire. Récit dystopique d’un rare pessimisme présentant une humanité désormais réduite à cinq personnes maintenues prisonnières au centre d’une terre post-apocalyptique par un super-ordinateur sadique qui les torture pour l’éternité, la courte nouvelle n’était a priori pas la meilleure candidate pour une adaptation vidéoludique au sein de la production pléthorique d’un auteur également connu pour ses scénarios télévisés, et en particulier pour Star Trek où on lui doit l’histoire de Contretemps, qui est généralement considéré comme le meilleur épisode de la série.

En fait, et pour être totalement honnête, la participation du fantasque écrivain (qui continuait d’écrire sur une antique machine à écrire à l’ère du traitement de texte) à un jeu vidéo paraissait hautement improbable. Jusqu’à cette journée de 1992 où Pat Ketchum, cofondateur de la société Cyberdream qui travaillait alors encore sur un point-and-click nommé Dark Seed, décida d’aller rencontrer Harlan Ellison pour racheter les droits de sa célèbre nouvelle – ce qui, face à un homme qui considérait les jeux vidéo comme « une totale perte de temps confinant à la stupidité absolue », nécessitait un certain culot. À la surprise générale, non seulement l’écrivain accepta, mais il s’engagea même à collaborer activement au développement du jeu. Il commença donc à travailler en binôme avec le journaliste David Sears, lequel gagna miraculeusement le respect de l’auteur en lui posant une question qui, à l’en croire, ne lui avait encore jamais été posée : « Pourquoi AM (NdRA : le superordinateur du texte) a-t-il choisi de sauver spécifiquement ces cinq personnes ? » Le début d’une collaboration mouvementée de trois ans, dont les curieux pourront lire tous les détails dans l’excellent article de The Digital Antiquarian dont le lien sera disponible en clôture du test.

Le jeu reprend donc le point de départ de la nouvelle : suite à une troisième guerre mondiale ayant engagé des manœuvres si complexes qu’il aura fallu confier leur supervision à une intelligence artificielle appelée « AM », celle-ci aura fini par acquérir son autonomie et par prendre sa mission tellement à cœur qu’elle en aura conçu une haine indicible pour l’humanité dans son ensemble – au point d’organiser son extermination.

Pourtant, elle a sciemment choisi de garder cinq humains en vie, non dans un acte de miséricorde, comme on l’a vu, mais bien pour les torturer depuis désormais cent-neuf ans. Mais là où la nouvelle originale racontait comment la dernière humiliation organisée par AM finissait par tourner court lors d’une expédition de routine, les cinq protagonistes ont ici été convoqué par l’ordinateur lui-même qui leur fait miroiter une libération – ne fut-ce que par la mort – à laquelle ils se doutent qu’ils n’auront de toute façon pas droit. Projetés, chacun leur tour, dans un univers factice où ils devront faire face aux fantômes de leur passé, les personnages devront commencer par comprendre ce qu’AM peut bien attendre d’eux pour pouvoir espérer le battre à son propre jeu en accédant à une forme de salut… et peut-être même le vaincre définitivement.

La partie s’ouvre sur un discours d’AM, d’ailleurs largement repris de la nouvelle, et doublé – raffinement ultime – par Harlan Ellison lui-même.

L’intelligence artificielle vous invitera à choisir lequel des cinq personnages jouables vous désirerez contrôler en premier, l’aventure demandant de conclure les cinq arcs pour espérer atteindre une phase commune où, pour peu que vous ayez pris les bonnes décisions, vous pourrez espérer arriver à la « bonne fin » du jeu qui verra vos héros parvenir à échapper définitivement à l’emprise d’AM. Le déroulement prend la forme d’un point-and-click à première vue assez classique, avec des verbes d’action en bas à gauche et un inventaire en bas à droite. La vraie spécificité du jeu, ceci dit, n’apparaîtra qu’au niveau du portrait de votre personnage, ou plutôt du fond de celui-ci, dont la couleur changera en fonction d’une donnée délicate à maîtriser mais qui sera la clé d’une part importante du gameplay : sa santé mentale.

La grande originalité d’I Have No Mouth, and I Must Scream est d’ailleurs précisément son enjeu de départ : vous, comme vos personnages, ne savez pas ce qu’AM attend de vous. Quitte à chercher une libération, la plus évidente serait de trouver un moyen de vous donner la mort – mais le superordinateur, on s’en doute, ne compte sans doute pas vous laisser vous en tirer aussi facilement.

Il va donc falloir découvrir le passé de vos cinq personnages, leurs doutes, leurs peurs, leurs hontes, et choisir de les surmonter… ou pas. L’occasion de composer avec des thèmes assez sombres comme le viol ou la trahison, le récit le plus dérangeant étant sans nul doute offert par Nimdok, vieillard évoluant dans un camp de concentration de la deuxième guerre mondiale où il aura officié en tant qu’assistant du Dr. Mengele. Le titre a fort heureusement l’intelligence de ne pas se complaire dans la surenchère du glauque et du sordide, et vous présente des personnages qui sont assez complexes pour pouvoir viser, en dépit de toute leur part d’ombre, à une forme de rédemption – à condition, naturellement, de commencer par les cerner, ce qui représentera le véritable « cœur » de l’aventure.

C’est d’ailleurs à ce niveau que le jeu peut à la fois se montrer passionnant et déroutant. L’essence d’une bonne partie de l’aventure reste avant tout de comprendre ce que vous êtes censé faire, dans un univers d’où il est évident qu’AM, qui vous hurle sa haine dès les premiers instants, n’acceptera jamais de vous laisser partir. On entre donc dans une phase d’exploration visant à découvrir ce que nos personnages cherchent absolument à oublier – une sorte d’introspection par le jeu – pour essayer ensuite de déceler la logique d’AM pour mieux la prendre à rebours.

Un aspect « avancer les yeux bandés » qui pourrait se révéler frustrant, mais qui est généralement suffisamment bien guidé pour qu’on soit davantage gagné par la curiosité que par la perplexité. Ce qui demandera également de composer avec une logique volontairement déroutante : on évolue après tout dans des mondes largement oniriques – même s’il s’agit plus de cauchemars que de rêves – ou il faut parfois penser en termes de métaphores ou de parabole, comme lorsque Gorrister se retrouve à enterrer son passé – littéralement. C’est à ce niveau que le récit prend tout son sens, et on regrettera d’autant plus que votre personnage puisse parfois être « puni » (comprendre : perdre de la santé mentale) d’avoir simplement tenté des choses sans avoir jamais pu anticiper une réaction négative alors que cela est pour ainsi dire l’essence même du gameplay. Même s’il n’est pas à proprement parler possible de se retrouver « bloqué » définitivement, accéder à la « bonne » fin vous demandera vraisemblablement plusieurs parties, et sans doute une sauvegarde au début de l’arc final pour comprendre dans quel ordre agir et pour accomplir quoi.

Autant dire un passage essai/erreur qui risque de moins emballer les joueurs habitués à la « philosophie LucasArts », surtout à un moment où on n’a pour ainsi dire plus rien à découvrir sur les personnages ni sur leurs motivation. Néanmoins, le jeu se révèle réellement prenant, déstabilisant, dérangeant et fascinant à la fois pendant tout son déroulement, que l’on cherche ou non à atteindre la « bonne » fin, et il offre à ce titre une épopée « au cœur des ténèbres » pour citer Joseph Conrad, qui a le mérite de ne ressembler à rien d’autre – en-dehors peut-être du surprenant Sanitarium, qui verrait le jour trois ans plus tard. On aurait peut-être pu apprécier des mécanismes un peu moins convenus, des arcs narratifs un peu plus longs, une écriture parfois un peu plus audacieuse, mais on aurait tort de bouder un titre qui cherche pour une fois à nous déstabiliser un peu plutôt que nous placer sur des rails dont la destination est connue d’avance.

Si la réalisation du titre est assez réussie, avec des personnages bien dessinés, des ambiances très bien rendues, des animations très correctes et des thèmes musicaux qui fonctionnent bien, il sera important ici d’évoquer la version française du jeu. Celle-ci est bien traduite, et le doublage a été confié à des professionnels qui mettent hélas dramatiquement à-côté en termes d’intentions.

Quand on écoute la haine qui suinte de la performance d’Harlan Ellison dans le rôle d’AM et ce que le doubleur français, qui donne davantage l’impression de se livrer à une imitation de Julien Lepers en train de lire une question à l’antenne, difficile de prétendre que cela soutienne la comparaison. On notera d’ailleurs d’autres absurdités de ce goût, quand Gorrister parle de la voix « haut-perchée » de sa belle-mère… alors qu’on vient d’entendre un timbre grave qui n’est jamais monté dans les aigus. Le vrai crime de cette version est cependant d’avoir été censurée à la tronçonneuse, puisque tout l’arc de Nimdok a purement et simplement été coupé – soit un sixième du jeu en moins. Non seulement c’est un peu radical (l’arc en question n’étant pas particulièrement ambigu dans sa présentation des horreurs du nazisme), mais cela vous privera surtout de toute forme de chance d’accéder à la « bonne » fin. Raison de plus pour lui préférer la version originale.

Pour la petite histoire, fidèle à lui-même (ou en tous cas, à la personnalité pour le moins extravagante qu’il affichait en public), Harlan Ellison aura engagé un procès contre Cyberdreams en 1996, estimant que la compagnie ne lui avait pas versé les royalties qui lui étaient dus. Le fait est que le jeu, qui n’aura trouvé que 40.000 acheteurs, ne s’était tout simplement pas assez vendu pour générer des bénéfices, et que la compagnie fondée par Pat Ketchum et Rolf Klug aura déposé le bilan en 1997. Un destin correspondant assez bien à celui du point-and-click dans son ensemble à la fin des années 90, et qui ne témoigne pas nécessairement des qualités réelles de ce qui restera comme une des adaptations vidéoludiques les plus improbables, les plus ambitieuses et les plus réussies qui soient.

BONUS : Les fichiers musicaux du jeu en version haute qualité, avec quelques thèmes inédits. Copiez simplement tous les fichiers présents dans le répertoire de l’archive à la racine du jeu avant de le lancer sous ScummVM. Le fichier ici, partagé par Аллард sur les forums de GOG.com

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20 Collaboration improbable autant que surnaturelle entre un écrivain que ne s'approchait jamais d'un ordinateur et un genre qui était déjà passé de mode, I Have No Mouth, and I Must Scream est à la fois l'un des point-and-click les plus dérangeants, les plus étranges, les plus osés et les plus déroutants qui soient. Projeté sans objectifs clairs dans un monde de cauchemar sans jamais être certain de savoir à qui ou à quoi il doit conduire des personnages torturés depuis un siècle par une machine omnipotente, le joueur vacille, expérimente et lève le voile sur une surprenante quête de rédemption. En acceptant de développer et de prolonger son récit oppressant d'une humanité torturée à jamais par sa propre inconséquence, Harlan Ellison aura mené une démarche surprenante et inhabituelle, et conduit à un titre à la fois fondamentalement classique dans la plupart de ses mécanismes tout en restant constamment déstabilisant dans sa résolution. En résulte une aventure avec ses maladresses et ses lourdeurs, mais aussi une de celles qui prêtent le plus à réfléchir une fois l'ordinateur éteint et la partie terminée. Une bizarrerie unique en son genre qui mérite clairement qu'on y revienne aujourd'hui. À découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un cheminement volontairement brumeux qui fait qu'on n'est jamais réellement certain de l'objectif – Beaucoup de situations menant à une perte de santé mentale de votre personnage totalement impossibles à anticiper – Une séquence finale encore plus cryptique que le reste, surtout pour espérer arriver à la bonne fin – Une version française sous-jouée et copieusement censurée à fuir comme la peste – Un peu court

Note : Les joueurs curieux de connaître l’histoire du développement du jeu, avec de nombreuses anecdotes et des détails sur la personnalité pour le moins fantasque d’Harlan Ellison seront heureux de se plonger dans cet excellent article de The Digital Antiquarian (en anglais, hélas) dont aura été tirée une partie des informations décrites dans ce test.

Bonus – Ce à quoi peut ressembler I Have No Mouth, and I Must Scream sur un écran cathodique :

The Lords of Midnight

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Beyond Software
Testé sur : ZX SpectrumAmstrad CPCCommodore 64
Disponible sur : Android, Blackberry, iPad, iPhone, Macintosh, Windows, ZX Spectrum Next
Téléchargeable gratuitement sur : Gog.com (Windows), Google Play (Android)
Le site officiel du jeu : The Lords of Midnight

La série Lords of Midnight (jusqu’à 2000) :

  1. The Lords of Midnight (1984)
  2. Doomdark’s Revenge (1984)
  3. Mike Singleton’s Lords of Midnight (1995)

Version ZX Spectrum

Date de sortie : Mai 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 48k
Configuration minimale : RAM : 48ko

On a beau être un joueur informatique depuis près de trente-cinq ans, s’être essayé à des milliers de titres et jouir d’une certaine forme de curiosité (et par extension de culture) vidéoludique, on découvre malgré tout encore des choses. Comme toutes les passions, l’univers vidéoludique porte en lui cette force d’être fondamentalement inépuisable, ne fut-ce que par l’étendue considérable de machines et de titres qui le composent. Inutile de le nier : on a tous des lacunes, des systèmes qu’on maîtrise moins que d’autres, et la plupart des ordinateurs 8 bits entrent à n’en pas douter dans cette catégorie en ce qui me concerne ; avant de lancer ce site, je n’avais pour ainsi dire jamais eu l’occasion de poser les doigts sur un Commodore 64 ou un ZX Spectrum, même si j’avais déjà vu tourner leurs jeux.

L’avantage de l’inconnu, c’est qu’il peut nous surprendre, et nous permettre d’exhumer occasionnellement des bijoux à la Project Firestart qui méritent objectivement d’être remis en lumière au XXIe siècle. Alors quand deux vieux briscards comme Laurent Cluzel et Olivier Scamps m’ont tous les deux cité, parmi la liste des jeux qui les avaient marqués, un titre sur ZX Spectrum dont je n’avais jamais entendu parler, vous comprendrez que ma curiosité ait été piquée. Il était temps d’aller découvrir ce fameux The Lords of Midnight programmé par un certain Mike Singleton et qui aura tellement marqué les esprits à sa sortie, le bougre, qu’il a encore un site internet à son nom, des versions distribuées gratuitement sur les système modernes, et même des gens qui rêvent encore de lui offrir une suite. L’occasion de se pencher sur l’histoire de Luxor, Morkin, Corleth et Rorthron et sur le destin du monde de Midnight…

Le scénario détaillé sur pas moins d’une quinzaine de pages dans le manuel du jeu vous évoquera en grand détails l’éveil de l’être maléfique appelé Doomdark au sein de sa citadelle d’Ushgarak, dans les royaumes du nord, et la quête de quatre héros pour chercher à le vaincre, que ce soit en lui faisant face militairement ou en parvenant à détruire la couronne de glace, siège de tous ses pouvoirs. Pour ceux qui souhaiteraient connaître l’essentiel des tenants et des aboutissants, autant le dire d’emblée : vous connaissez probablement toute l’histoire du jeu dès l’instant où vous êtes familier avec celle du Seigneur des Anneaux ; remplacez Sauron par Doomsdark, Aragorn par un prince nommé Luxor Moonlight, Frodon par Morkin, fils de Luxor, l’anneau unique par la couronne de glace et la montagne du destin par… la tour du destin et vous devriez immédiatement vous sentir en terrain connu.

Histoire de compléter le tableau, remplacez les elfes par des « fey » et Gandalf le Gris par un sage appelé Rorthron visiblement assez puissant pour faire face à des dragons, et vous comprendrez pourquoi les joueurs de cette lointaine époque (1984 !) où la fantasy était encore considérée comme un genre de niche réservé à une poignée d’excentriques boutonneux pouvaient être aux anges. Ceci dit, Tolkien était déjà une source particulièrement en vogue dans tous les jeux de rôle de la période (bien que son œuvre majeure, elle, n’ait alors pas encore été adaptée en jeu, contrairement au roman Bilbo le Hobbit), on se doute que ce n’est donc pas là que réside la principale trouvaille de The Lords of Midnight. De fait, l’une des premières incongruité du titre est…de ne pas être un jeu de rôle – du moins pas au sens classique du terme, à savoir avec des statistiques et des points d’expérience dans tous les sens. Et ce qu’il sera exactement dépendra en fait en grande partie de la façon dont vous déciderez d’y jouer…

Comme le scénario détaillé plus haut vous l’aura déjà fait comprendre, il existe deux moyens de triompher du jeu – et cela est clairement établi dans le manuel. La première, souvent vue comme la plus riche et la plus complexe, sera de parvenir à recruter des seigneurs de guerre à l’aide de vos héros, d’aller de citadelle en forteresse pour y lever des troupes, et de faire face aux armées de Doomdark venues du nord avant qu’elles ne mettent le royaume à feu et à sang (ou même après, l’important étant surtout de parvenir à les vaincre).

Dans cette approche, The Lords of Midnight prend alors la forme d’un jeu de stratégie où vous jouerez principalement contre la montre : l’idée sera moins de faire preuve de génie militaire que de parvenir à lever un maximum de troupes en un minimum de temps pour faire face aux armées de Doomdark, avant d’aller porter le combat dans les terres du nord, jusqu’à Ushgarak. Une tâche compliquée par le fait que les troupes subiront une peur croissante causée par la couronne de glace au fur et à mesure de leur avance vers le nord – peur à laquelle seul Morkin est immunisé. Ce qui fait donc naturellement de lui la clé de la deuxième approche : partir seul et sans armée dans les royaumes du nord, se faufiler jusqu’à la tour du destin en se cachant lorsque c’est nécessaire, et parvenir à détruire la couronne de glace. La bonne nouvelle étant que strictement rien ne vous interdit de jouer sur les deux tableaux à la fois, et que quel que soit le destin de vos armées et de votre campagne militaire, le jeu n’est pas fini (ni perdu !) tant que Morkin est encore en vie. Un bon moyen de s’accrocher à une quête désespérée lorsque tout semble perdu… ce qui dénote déjà d’une intelligence indéniable dans le game design et dans la façon d’impliquer le joueur.

Partant de ce principe, le titre aurait pu opter pour le choix le plus évident en se présentant par le biais d’une carte vue de dessus avec des cases ou des hexagones et en nous demandant d’y déplacer des unités – quoi de plus logique, au fond ? Seulement voilà, la véritable idée de génie de Mike Singleton, c’est de n’avoir jamais perdu de vue un élément vital à une époque où la technique ne pouvait pas tout (et pouvait même assez peu) : l’immersion. Partant de cette évidence, et plutôt que de vous présenter un conflit abstrait avec la froide distance analytique d’un général penché sur sa carte d’état-major, le titre vous propose donc de vivre l’épopée… à la première personne, en passant d’un personnage à un autre.

D’une simple pression d’une touche sur le clavier, il est en effet possible de changer de héros : selon un mécanisme très malin, vos troupes ne peuvent se déplacer que de jours alors que les armées adverses ne progressent, elles, que la nuit. Votre objectif sera donc de couvrir un maximum de terrain pendant la journée pour aller rencontrer des chefs militaires, visiter des ruines, des citadelles, des tours, des villages, trouver de l’équipement magique, lever des troupes – et prendre le contrôle de tout vos leaders nouvellement recrutés grâce à l’anneau porté par Luxor (ce qui signifie également que vous ne contrôleriez plus que Morkin si Luxor venait à mourir). Et le mieux, c’est que vous ferez cette exploration… via une vue en simili-3D, où vous pourrez apercevoir les villes, les forêts, les collines, les grottes et les montagnes à plusieurs kilomètres de distance. 32000 écrans au total. Sur une cassette contenant quelques dizaines de kilo-octets de données, tournant sur un système à 48ko de mémoire. Vous commencez à comprendre la claque que cela représentait à l’époque ?

De fait, vous allez rapidement comprendre – le temps de dompter une interface assez intimidante qui vous demandera quasi-obligatoirement de passer par le manuel, sauf à avoir la carte clavier fournie avec le jeu – que The Lords of Midnight n’est en fait ni tout à fait un jeu de stratégie ni réellement un jeu d’aventure. Vous ne prenez jamais aucune décision tactique : les affrontements se déroulent automatiquement et se décident en fonction de la puissance des armées opposées, de la fatigue et de la peur de vos troupes et de la puissance du héros qui les mène – et les statistiques en elles-mêmes ne sont jamais présentées sous forme de chiffres mais plutôt grâce à des descriptions, autant dire de quoi faire hurler les habitués des jeux de stratégie classiques.

La clé du gameplay est en fait surtout de savoir où aller et quand, en optimisant au maximum ses routes pour pouvoir lever un maximum de troupes en un minimum de temps – ou, a minima, trouver une route à peu près sûre pour mener Morkin jusqu’au cœur du territoire ennemi. Autant dire que lancer vos héros aux quatre vents et au hasard est statistiquement voué à l’échec, et que la carte fournie avec le titre ne vous donnant que des directions assez vagues, le mieux sera sans doute de cartographier avec précision tout l’univers du jeu, quitte à utiliser ce qui vous passe sous la main en guise de pion pour représenter vos divers héros et ainsi vous souvenir où ils se situent ! C’est réellement dans cette dimension « exploration d’un monde ouvert à la première personne » – longtemps, très longtemps avant des programmes comme Arena – que le titre, qui repose autrement sur des mécanismes assez simples (avoir plus d’hommes que l’ennemi), a le mieux vieilli et peut encore se montrer réellement prenant : pour vaincre Doomdark, vous devrez finalement faire comme vos héros et apprendre à connaître le royaume comme votre poche. Un principe basique, mais qui sait en tous cas se montrer toujours aussi efficace.

Car pour le reste, les barrières sont nombreuses : on a déjà parlé de l’interface qui risque de vous demander un peu de temps pour la dompter, on pourrait également soulever quelques mécanismes trop flous : on ne sait jamais trop s’il vaut mieux avoir deux armées côte-à-côté ou présentes sur la même case, si les hommes sont plus efficaces placés en garnison dans une forteresse ou sous les ordres des héros stationnés dans cette même forteresse, on ne connait jamais vraiment les effets de la peur, tout comme on peut souvent perdre un héros faute de savoir ses capacités réelles lors des premières parties (conseil : si Rorthron et Luxor savent se défendre, parfois face à des ennemis redoutables, évitez d’envoyer Morkin ou Corleth au milieu des loups ou des trolls de glace).

Bref, on doit composer avec une caractéristique récurrente des titres de la période qui a assez mal vieilli aujourd’hui : constamment avancer au jugé. Mais on peut aussi prendre cet aspect essai/erreur comme un mécanisme à part entière, apprendre à connaître les forces et les faiblesses de nos personnages, et recommencer une dixième, une centième partie pour apprendre à domestiquer le monde de Midnight, à le faire nôtre et à le parcourir comme on parcourrait un endroit qui nous est familier. Comme souvent, c’est en acceptant d’y consacrer du temps, de se laisser prendre au jeu et de laisser l’imagination prendre le pas sur la froide logique que The Lords of Midnight dévoile toutes ses qualités. Et qu’on se retrouve une nouvelle fois, à une heure avancée de la nuit, avec une carte, un carnet et un stylo, à se rêver au milieu d’un autre monde pour s’atteler à le sauver. Une magie très présente dans les titres de la période, et qui a un peu disparu depuis. C’est peut-être là, au fond, une des raisons fondamentales de notre nostalgie, non ?

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 13/20 The Lords of Midnight, c'est un peu le condensé de tout ce qui pouvait faire rêver un joueur en 1984 : un scénario plus qu'inspiré du Seigneur des Anneaux, un jeu de stratégie où l'on court contre la montre, une aventure épique dans un monde gigantesque qu'on visite à la première personne en fausse 3D... et le tout dans un programme de quelques kilo-octets. Pas étonnant que tous les vieux briscards lui vouent un culte : c'est typiquement un de ces logiciels qui parviennent à nous faire oublier toutes les limitations techniques d'une époque où elles étaient pourtant colossales. Entre son interface entièrement au clavier, son background imposant et ses mécanismes finalement extrêmement basiques, le titre de Mike Singleton demandera au joueur actuel une période d'environ une heure pour espérer le dompter et comprendre les véritables enjeux du gameplay. Mais une fois ses marques prises, on se découvre à cartographier le monde de Midnight case par case, à optimiser ses routes, à recruter ses armées, à trouver comment guider Morkin jusqu'à la couronne de glace... et ça marche. Si vous avez envie de redécouvrir ces nuits où l'imagination nous portait dans des univers lointains à écrire la légende, les exploits comme les tragédies de nos héros, laissez à Lords of Midnight le temps de vous conquérir. Ce type de magie est devenu trop rare pour accepter de le bouder.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des mécanismes finalement extrêmement simples... – ...Surtout si on choisit de s'en tenir à l'épopée de Morkin – Une interface contre-intuitive, surtout si vous n'avez pas la carte clavier sous la main – Aucune indication sur les chances de remporter un combat... – ...et quelques ratés notables dans la gestion de la fatigue ou de la peur glaciale – Un silence de mort pendant toute la partie

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Lords of Midnight sur un écran cathodique :

Version Amstrad CPC

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Amsoft
Date de sortie : Octobre 1984
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version cassette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko

Fort de son succès critique et commercial, The Lords of Midnight n’aura évidemment pas mis longtemps à poursuivre sa carrière sur les autres systèmes 8 bits, avec des adaptations minimales, pour ne pas dire inexistantes. Premier exemple avec cette version CPC, publiée à peine quelques mois après l’originale, et qui ne prend pour ainsi dire aucun risque : à quelques nuances près dans les teintes employées, les graphismes sont identiques (dommage que les couleurs choisies soient plus sombres), l’interface n’a pas changé d’un iota, et il n’y a toujours pas l’ombre d’un bruitage ou d’un thème musical. Autant dire que dans un jeu ne reposant de toute façon pas directement sur la qualité de sa réalisation, difficile de trouver une raison objective de préférer une version plutôt qu’une autre. Au moins n’aurez-vous aucune raison de vous détourner du CPC si jamais vous cherchez à découvrir le jeu.

NOTE FINALE : 13/20

Aucune surprise, ni bonne ni mauvaise, en lançant The Lords of Midnight sur Amstrad CPC : c’est exactement le même jeu que sur ZX Spectrum, avec des teintes un peu plus sombres pour les graphismes.

Version Commodore 64

Développeur : Mike Singleton
Éditeur : Beyond Software
Date de sortie : 1985
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Dernier passage sur les ordinateurs 8 bits, The Lords of Midnight aura donc terminé sa course sur Commodore 64 avant de connaître une très, très longue parenthèse. Une nouvelle fois, les nouveautés ne seront clairement pas à aller chercher du côté de la réalisation, pratiquement identique à celle du ZX Spectrum, au détail près que l’affichage de chaque écran prend désormais un très court temps de chargement qui n’était pas présent (ou alors de façon à peine apparente) sur la machine de Sinclair. Toujours aucun son, ce qui est un peu dommage sur un Commodore 64. En revanche, l’interface a été repensée, ce qui risque de perturber ceux qui connaissaient l’ancienne plutôt qu’autre chose : on avance désormais avec la barre d’espace, et la plupart des actions ont été déplacées vers les touches numériques ou les touches de fonction. Non, on ne peut pas se déplacer au joystick. Pour le reste, on est toujours exactement en terrain connu, ce qui n’est peut-être pas plus mal.

NOTE FINALE : 13/20

Les très rares nouveautés de cette itération de The Lords of Midnight sur Commodore 64 seront principalement à chercher du côté de son interface plus que de sa réalisation, où le programme reste parfaitement fidèle à la version originale, juste que dans son absence totale de musique ou de bruitage.

Le manoir des âmes perdues

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : 新説夢見館 扉の奥に誰かが… (Shinsetsu Yumemi Yakata : Tobira no Oku ni Dareka ga…, Japon)
Titres alternatifs : The Mansion of Hidden Souls (États-Unis), Mystery Mansion : Das Haus der verlorenen Seelen (Allemagne), La Mansión de las Almas Ocultas (Espagne)
Testé sur : Saturn

La série Mystery Mansion (jusqu’à 2000) :

  1. Yumemi : Mystery Mansion (1993)
  2. Le Manoir des Âmes Perdues (1994)
  3. Ge _Kka _Mu _Gen _Tan : Torico (1996)

Version Saturn

Date de sortie : 2 décembre 1994 (Japon) – 1995 (reste du monde)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version française
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou par carte mémoire

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

L’élément-clef au moment d’espérer vendre une console aux joueurs, ce sont les jeux. Une constatation qui pourrait paraître évidente, mais qui n’aura visiblement jamais été totalement intégrée par SEGA, grand spécialiste mondial des lancements ratés aux line-up faméliques. Pour la défense de la compagnie japonaise, il est arrivé à bien d’autres qu’elles de lancer une machine sans une pléthore de grands jeux pour l’accompagner dans les semaines, voire dans les mois suivant sa sortie – et ce ne sont sans doute pas les possesseurs de PS5 ou de Xbox Series qui viendront dire le contraire…

Mais dans le cas de la Saturn, on pourrait disserter longuement de l’absence ô combien malvenue de Sonic au lancement (et, plus grave, de son absence tout court), et surtout du choix des exclusivités à mettre en avant pour vendre la machine. De toutes les licences 16 bits que SEGA aurait pu prolonger sur la nouvelle génération, ce fut ainsi l’assez confidentiel Yumemi : Mystery Mansion sur Mega-CD qui fut parmi les premiers titres à bénéficier d’une suite exclusive sur Saturn, avec pour le coup un investissement réel et une localisation dans plusieurs pays d’Europe avec traduction et doublage complet (le type de traitement dont on aurait aimé voir bénéficier tellement de jeux de rôles, Shining Force III en tête…). Ainsi la jeune 32 bits accueillit-elle Le Manoir des Âmes Perdues, un jeu d’aventure auquel SEGA croyait visiblement beaucoup, et je dois confesser d’entrée que je me demande encore pourquoi.

Premier imbroglio : le titre américain du jeu, identique à un article près à celui du premier épisode, aura conduit bien des joueurs et des journalistes de l’époque à penser que Le Manoir des Âmes Perdues était un simple remake du titre paru sur Mega-CD. Pour leur défense, bien que l’on se trouve en fait face à une suite, ce n’est pas immédiatement évident : on se retrouve en effet une nouvelle fois plongé dans un manoir perdu quelque part dans la forêt et dont la principale caractéristique est d’être peuplé par des papillons qui parlent.

Et histoire de bien enfoncer le clou, le manoir en question reprend très exactement le plan et l’esthétique du premier opus, seules quelques chambres ayant été modifiées – sachant que l’on parle d’une bâtisse comprenant en tout et pour tout neuf pièces plus le hall, on se surprend déjà à penser que l’équipe technique du jeu n’a pas dû se tuer à la tâche à aller récupérer les assets 3D du précédent épisode pour les afficher une nouvelle fois via des vidéos pré-calculées à peine plus belles qu’auparavant, le titre n’étant pas affiché en 3D temps réel comme on aurait pourtant pu s’y attendre.

L’intrigue, qui avait au moins le mérite d’être introduite (maladroitement) dans Yumemi : Mystery Mansion, part cette fois du principe que vous avez joué à l’épisode précédent (ce qui, vu ses ventes très confidentielles en occident, est déjà assez gonflé), en ne vous offrant aucune exposition ni aucune mise en contexte, et en vous larguant à l’entrée de la bâtisse sans la moindre idée de son histoire ni de ce que vous êtes censé y faire. En entrant dans la bonne pièce (ce qui sera le mécanisme essentiel du gameplay du jeu, mais nous y reviendrons), vous finirez par rencontrer l’ancien (maladroitement appelé « Elder », soit « ancien » en anglais, dans la VF), qui vous introduira les deux personnages que sont June (vous) et Mike avant de leur confier une mission visant à enquêter dans le manoir suite à un mauvais pressentiment de sa part causé par l’apparition d’une lune rouge. Une enquête qui devrait trouver sa résolution moins d’une heure plus tard, sans avoir jamais mis à contribution votre intellect d’une quelconque façon.

Comme pour le premier épisode, Le Manoir des Âmes Perdues n’est en effet pas tout-à-fait un jeu d’aventure au sens classique du terme : il n’y a pour ainsi dire aucune réelle « énigme » à l’intérieur. Votre « enquête » va en fait se limiter à visiter le manoir en allant parler à des personnages dont le visage apparaîtra alors en 3D (alors que ce sont censé être des papillons, mais on va dire que s’adresser à des faciès de lépidoptères en gros plan aurait sans doute été une expérience légèrement dérangeante), et votre seule interaction avec eux se limitera à deux mots, assignés chacun à un bouton du pad : « oui » et « non ».

Même quand ceux-ci vous posent une question ouverte, ce qui offre des moments assez malaisants où on se retrouve face à des dialogues surréalistes de type : « Comment allez vous ? – Oui. » Vous allez donc globalement passer une heure à écouter des personnages assez mal doublés vous raconter leur vie en quelques secondes, en menant une enquête ultra-guidée consistant à visiter toutes les pièces une par une jusqu’à ce que vous rencontriez quelqu’un ayant quelque chose à dire, collectant parfois occasionnellement un objet auquel vous pourrez accéder via l’inventaire et qu’on vous expliquera systématiquement quand utiliser. Autant dire qu’on se trouve ici davantage face à un récit interactif que face à un jeu à proprement parler. Ce qui aurait malgré tout pu être le gage d’un bon moment si le scénario s’était révélé prenant et bien mis en scène. Malheureusement, c’est magistralement raté.

Les jeux d’aventure commençaient à bénéficier, dans le courant des années 90, d’une qualité d’écriture qui signalait le passage à une certaine maturité – des titres comme The Beast Within étant largement à même de rivaliser avec de bons romans fantastiques ou policiers.

D’autres, comme Myst, étaient de véritable petits bijoux dans leur manière d’aborder la narration par l’exploration et par l’assemblage d’indices qui ne devenaient pertinents qu’à partir du moment où les joueurs étaient prêts à les voir. Autant dire qu’on on est très loin ici, où le récit cahote entre l’indigent, le grotesque, le convenu et le n’importe quoi (la séquence de fin, hallucinante). Très sincèrement, je me demande encore s’il m’était déjà arrivé d’être aussi profondément consterné par le déroulement d’une aventure au fil de la partie – au point de finir par me sentir insulté par l’extraordinaire bêtise de ce qui se déroulait sous mes yeux. Certes, Yumemi : Mystery Mansion ne transpirait déjà pas le génie à ce niveau, mais il parvenait au moins à entretenir une certaine curiosité de la part du joueur jusqu’à l’aboutissement du récit.

Ici, n’espérez absolument aucune forme de non-dit, de sous-entendu ou de finesse : à côté des dialogues débilitants du jeu qui auraient très bien pu être écrits par mon petit cousin de cinq ans, au milieu d’une intrigue si incroyablement dépourvue d’enjeux, d’épaisseur et de suspense qu’on pourrait la voir comme le fruit d’une improvisation menée au terme d’une soirée (trop) arrosée, même un jeu comme Dragon Lore donne la sensation de jouer à du Ingmar Bergman ! Sans même parler de chercher la plus infime cohérence : comment pouvez-vous avoir un inventaire, comment Mike a-t-il pu se voir prêter un livre, comment sa chambre a-t-elle pu être fouillée et ses meubles renversés alors que vous êtes tous des PAPILLONS qui ne devraient même pas avoir la capacité physique d’ouvrir les nombreuses portes du bâtiment ? Cela aurait encore fait sens dans le premier jeu, où vous incarniez un enfant, mais pour ce qui est d’avoir la moindre bribe d’explication ici, vous pourrez toujours compter sur LA solution du scénariste feignant: « c’est magique ! ».

Plutôt costauds, les papillons locaux !

Le tout n’est d’ailleurs pas aidé pas une version française mal traduite et très médiocrement jouée, mais même un travail de qualité n’aurait jamais réussi à sauver quoi-que-ce-soit parmi tant d’indigence. Je suis sûr qu’il doit exister quelque part sur Terre, comme c’est à peu près toujours le cas avec les œuvres indéfendables, des cercles secrets de défenseurs acharnés du titre prêts à m’expliquer avec des explications très élaborées que l’histoire du jeu révèle en fait un message extraordinairement profond sur le Japon d’après-guerre ou sur la condition humaine, mais à ceux-là je répondrai : on peut sans doute trouver des messages cachés derrière n’importe quel clip d’Arielle Dombasle, mais l’écriture, au bout d’un moment, c’est aussi un métier.

Et si jamais vous cherchez à enseigner à quelqu’un comment porter un récit, comment créer du suspense, comment accrocher le spectateur et comment faire en sorte qu’il se sente impliqué, la réponse sera ici exactement la même dans tous les cas : pas comme ça. En conséquence, on se retrouve face à un micro-trip écrit avec les pieds où l’ennui ne se dissipe que pour laisser place à l’agacement, et on éteint la console en poussant un gros soupir et en se demandant par quel miracle SEGA a pu accepter de dépenser autant d’argent pour distribuer un machin pareil. Et de se poser une question cruelle : on jouait vraiment à ce genre de jeux, il y a 25 ans ?

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 08/20 Un an après Yumemi : Mystery Mansion, SEGA remettait le couvert avec Le manoir des âmes perdues sur Saturn. L'occasion de creuser enfin un peu l'univers esquissé dans le premier opus, mais hélas... Si le titre précédent parvenait encore à peu près à se rendre intrigant en dépit de ses très nombreuses maladresses, Le manoir des âmes perdues n'apparait comme rien d'autre que comme une sorte de redite assez grotesque. Non seulement le gameplay est toujours aussi limité (pour ne pas dire inexistant), non seulement l'aventure est toujours aussi courte, mais le scénario minable porté par des personnages atrocement creux aux dialogues incroyablement mal écrits donne le sentiment tenace d'avoir été rédigé par un enfant de six ans, avant de s'achever en eau de boudin dans un final incohérent et ridicule jusqu'à évoquer les plus belles heures des parodies des Inconnus. Difficile d'en retirer une autre sensation que celle d'avoir fait les frais d'une mauvaise blague pendant une heure et d'avoir envie d'éteindre la console en se sentant vaguement sale. Le mieux est probablement de laisser ce manoir et ses papillons s'évanouir une bonne fois pour toute de la mémoire des hommes. Si vous voulez vraiment jouer à un jeu d'aventure en 3D sur Saturn, allez plutôt essayer Myst.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une histoire toujours aussi courte... – ...avec un gameplay encore plus limité... – ... au service d'un scénario absolument pitoyable – Une traduction française aux ras des pâquerettes, avec des doublages ratés – On ne peut toujours pas passer les animations des déplacements... – ...le mixage sonore est toujours raté... – ...et on ne peut toujours pas afficher des sous-titres

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Le manoir des âmes perdues sur un écran cathodique :

Toonstruck

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Burst
Éditeur : Virgin Interactive Entertainment (Europe) Ltd.
Testé sur : PC (Windows)
Disponible sur : Linux, Macintosh, Windows
En vente sur : GOG. com

Version PC (Windows)

Date de sortie : Novembre 1996
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Oui (Version française intégrale)
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous ScummVM
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 DX2 – OS : MS-DOS 5.0 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, chipset ARIA, Ensoniq Soundscape, ESS Audiodrive, General MIDI, Gravis UltraSound/Ace, I/O Magic Tempo, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Reveal FX/32, Roland MT-32/LAPC-I/RAP-10, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32, Sound Galaxy NX Pro 16, Thunderboard, Toptek Golden 16, Wavejammer

Vidéo – L’introduction du jeu :

Aussi surprenant que cela puisse paraître, je serai parvenu à isoler au moins deux points communs entre le marketing et l’humour : l’un comme l’autre reposent dramatiquement sur une science du timing ainsi que sur une certaine capacité à saisir l’air du temps. Deux aspects qui, mal maîtrisés, peuvent au contraire rapidement virer à la tragédie. Vous en voulez un exemple ? Alors laissez-moi vous raconter l’histoire d’un jeu auquel vous n’avez probablement jamais joué.

Mignonia est clairement un royaume qui mérite son nom

Octobre 1993. Le point-and-click est au sommet de sa gloire. Alors que toutes les rédactions journalistiques se battent pour savoir s’il faut récompenser Day of the Tentacle ou Simon the Sorcerer à l’issue d’un cru exceptionnel, on s’attelle déjà à accueillir Sam & Max en s’enivrant des possibilités annoncées par Myst. Bref, à ce moment précis, l’aventure est reine, elle place des étoiles dans les yeux des joueurs, et on est encore loin de se douter qu’elle est en fait à un tournant de son histoire qui correspond à l’amorce d’une longue agonie. À tel point qu’une des équipes internes de Virgin Interactive se dit que le moment est parfaitement choisi pour lancer un projet d’une ambition rare, mêlant acteurs réels et animation 2D comme l’avait si bien fait Qui veut la peau de Roger Rabbit ? cinq ans plus tôt.

Zanydu, terre étrangère

Et justement, pour bien s’inscrire dans une ère où le jeu vidéo commençait à prétendre pouvoir rivaliser avec le cinéma, quoi de plus parlant que d’aller chercher un acteur comme Christopher Lloyd, à l’affiche de ce même Roger Rabbit mais avant tout immortalisé par son rôle de Doc Brown dans Retour vers le futur ? Sur le papier, le succès est immanquable. Dans les faits, après avoir coûté la bagatelle de huit millions de dollars (un budget colossal pour l’époque), le jeu sera sorti en 1996 dans une indifférence polie, les joueurs étant alors massivement obnubilés par la 3D. Bide commercial, Toonstruck – car c’est le nom du projet en question – ne verra jamais la suite annoncée par sa fin ouverte entamer son développement, et aura au final largement contribué à mener Virgin Interactive Entertainment vers sa perte, sans doute pour être sorti deux ou trois ans trop tard par rapport au marché qu’il visait. Le timing et l’air du temps, je vous dis…

Prendre les commandes de Christopher Lloyd, ça ne se refuse pas !

Bien, mais nous sommes à présent dans un XXIe siècle largement entamé, loin des considérations commerciales de l’époque. Et la vraie question qui nous intéresse aujourd’hui est la suivante : Toonstruck mérite-t-il d’être joué ? Pour y répondre, commençons par nous pencher sur l’introduction, visible en ouverture du test.

On appréciera les personnages… hauts en couleur

On y découvre donc un loser incarné par Christopher Lloyd et nommé Marc Blanc (la blague de son nom original, Drew Blank, étant pour l’occasion rendue tant bien que mal en français), sommé de dessiner une énième cargaison de petits lapins mignons pour un show intitulé « Les amis de Dorothée » (on se doute que la référence vient de la VF) qui l’emploie depuis dix ans. Car Marc est un dessinateur sur le retour qui avait autrefois rêvé de devenir le nouveau Walt Disney grâce à son personnage, Flux Radieux… et qui se retrouve désormais dramatiquement en panne d’inspiration au moment de créer de nouveaux personnages sans âme pour respecter sa deadline placée au lendemain matin. Seulement voilà, un événement imprévu le transporte dans son propre univers animé, où il apprend qu’un personnage néfaste nommé fort logiquement Néfarius est en train de transformer les toons mignons en monstruosités à l’aide d’une machine nommée « perfidificateur ». Pour recevoir l’aide du bon roi Hilarius, Marc devra donc commencer par trouver les éléments permettant de bâtir un « mignonnificateur » afin de contrer les effets de la machine de Néfarius, avant de se voir accorder le moyen de rentrer chez lui.

Le jeu prend donc sans surprise la forme d’un point-and-click des plus classiques. L’interface est d’une simplicité à pleurer : votre curseur adoptera de lui-même la forme appropriée à chaque action sans que vous ayez besoin de lui indiquer la marche à suivre, un inventaire illimité fera rapidement son apparition en bas à gauche, et selon la philosophie popularisée par Ron Gilbert chez LucasArts, il est impossible de mourir ou de se retrouver irrémédiablement bloqué.

Il faudra apprendre à dénicher les indices partout !

On pourrait d’ailleurs penser que le côté « guidé » de l’interface pourrait rendre le jeu trop simple : rassurez-vous tout de suite, il n’en est rien. Car pendant la vingtaine, voire la trentaine d’heures que devrait vous demander le titre pour voir sa (longue) séquence de fin, il faudra surmonter des énigmes à la logique réelle mais pas toujours évidente, composer avec des situations loufoques, dompter quelques mini-jeux, aligner des dialogues bien évidemment absurdes, et comprendre des associations d’idées heureusement parfaitement rendues par une version française d’une qualité rare.

Un énorme travail a été réalisé du côté de la traduction

Commençons par le premier contact : la réalisation en SVGA est clairement difficile à prendre en défaut. Le jeu pullule de séquences animées intégrant Christopher Lloyd et dont la qualité d’animation professionnelle (très loin au-dessus de titres à la King’s Quest VII) fait réellement plaisir à voir.

Vous allez apprendre à haïr ce téléphone

Découvrir l’univers de Toonstruck revient à se déplacer entre trois mondes : Mignonnia, Perfidia et Zanydu, qui déploient chacun leur propre humour en ne résistant hélas pas toujours à la tentation de verser dans la facilité et dans le graveleux, mais avec néanmoins de très nombreux morceaux de bravoures dont certains devraient bien parvenir à vous faire vous bidonner à un moment ou à un autre. On est réellement face à un univers à mi-chemin entre Roger Rabbit et Cool World, et il est difficile de ne pas développer une affection réelle pour certains lieux ou personnages, ni de ne pas se féliciter de la qualité globale de l’écriture qui réserve quelques dialogues savoureux et authentiquement bien vus. Le tout bénéficiant d’ailleurs d’une version française de qualité professionnelle menée avec maestria, et qui mérite que je me penche sur elle pendant au moins quelques lignes.

Vous pourrez même aller jouer à la salle d’arcade ! C’était le bon temps !

Continuons donc en saluant l’évidence : la qualité du doublage. Première bonne nouvelle : on a mobilisé les professionnels, et on n’est pas allé chercher les plus mauvais. Christopher Lloyd retrouve Pierre Hatet, sa voix française jusqu’à 2015 (Pierre nous a hélas quittés en 2019), et son timbre hyper-caractéristique qui aura également habité des personnages comme Cortex ou le Joker est toujours un véritable régal à entendre.

Des mini-jeux sont également de la partie

Autour de lui, c’est une vraie équipe de choc, avec notamment Luq Hamet – qui lui avait déjà donné la réplique en doublant Michael J. Fox dans Retour vers le futur ou Roger Rabbit dans le film éponyme – dont les quadragénaires se souviendront comme de l’animateur interprétant tous les personnages du Hanna-Barbera dingue-dong sur Antenne 2 dans les années 90. Signalons également Richard Darbois (voix française d’Harrison Ford) dans le rôle de Néfarius, ou Daniel Beretta (voix française d’Arnold Schwarzenegger) dans celui d’un chien culturiste, sans oublier Gilbert Lévy (Les Simpson) dont vous pourrez entendre la voix dès l’introduction, dans le rôle du patron de Marc Blanc, avant de le retrouver à plusieurs reprises en jeu. Sans même mentionner Micheline Dax, Michel Elias ou Annabelle Roux – de très bons acteurs qui ont en plus le mérite d’être bien dirigés, ce qui fait que les erreurs d’intention sont rares et que chaque dialogue est généralement un aussi grand moment que ce qu’on était en droit d’espérer.

Marc Blanc est quelqu’un qui sait aussi se faire respecter

Il serait néanmoins criminel de ne pas évoquer la qualité de la traduction en elle-même, qui se met littéralement en quatre pour retranscrire les nombreux jeux de mot de la V.O. et même en placer de nouveaux au détour de la moindre phrase.

Dorothée et son côté « personnage des Kassos »…

Non seulement ceux-ci sont souvent excellemment trouvés, mais la localisation a même poussé le travail jusqu’à traduire les textes figurant dans le décor – le genre de luxe qui reste exceptionnel même aujourd’hui, où changer le texte d’une texture est pourtant infiniment plus facile que de redessiner une image ! Je confesse ainsi m’être esclaffé en lisant les grades de puissance de la machine à tester la force située dans la salle d’arcade, et m’être délecté de quelques uns des jeux de mot qui ne font certes pas tous mouche, mais l’effort est si considérable qu’on ne peut qu’applaudir. En y ajoutant une très bonne transcription des références culturelles (la simple présence d’une Dorothée devrait à ce titre être parlante, parmi des dizaines d’autres), on sent un travail fait avec amour par une équipe qui s’est vraiment creusé la tête, et ça fait plaisir. À ce niveau-là, le bilingue que je suis ne donnera pour une fois pas dans le pédantisme de mauvais aloi : jouez à Toonstruck en français, clairement !

Perfidia est un endroit à l’ambiance plus sinistre et à l’humour plus gras

Alors certes, tout n’est pas encore parfait dans l’univers animé du jeu : certaines énigmes sont tirées par les cheveux, d’autres sont franchement fastidieuses (ah, ce maudit téléphone à couleurs avec ses « numéros » à recomposer à chaque fois…), sans parler de celles qui ne sont tout simplement pas très inspirées (oh, un taquin, ça c’est original… ah, un jeu de mémoire, avec une séquence de pas moins de ONZE mouvements à retenir, super…).

Soyez ingénieux !

Dans l’ensemble, il peut arriver qu’on soupire à force de tourner en rond et de ne plus trop savoir quoi faire, comme c’est souvent le cas avec ce type de jeu. Mais bon sang, il y a tellement de bons moments, de dialogues savoureux, d’animations délectables et d’idées grandioses qu’on peut bien pardonner quelques passages plus convenus ou quelques gags ratés ! De fait, si vous aimez les jeux d’aventure, pour moi le verdict est clair : il faut avoir joué à Toonstruck. Vous ne vivrez pas nécessairement un rêve éveillé d’un bout à l’autre, surtout si l’humour ne prend pas, mais il sera difficile de ne pas déceler une bonne partie des qualités évidentes d’un titre qui risque de faire chauffer vos méninges à plusieurs reprises. Pour tous les amateurs de Roger Rabbit, des Tiny Toons, de Tex Avery ou de Christopher Lloyd, faire l’impasse sur le jeu serait encore plus regrettable, à moindre d’être vraiment hermétique au genre du point-and-click. Parce qu’on tient à coup sûr un logiciel qui serait à n’en pas douter entré définitivement dans la légende s’il était simplement sorti quelques années plus tôt. À découvrir, et je serais vraiment surpris que vous puissiez le regretter.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 Sorte d'équivalent vidéoludique de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, avec nul autre que Christopher Lloyd à l'affiche, Toonstruck est un jeu comme on n'en verra sans doute plus jamais, fruit d'une époque où une ambition sans limite se heurtait souvent aux cruelles contraintes de la réalité. Sorti à une période où les joueurs avaient largement déserté les point-and-click, le titre de Burst est passé tragiquement sous les radars d'un public qui le regardait déjà comme un vestige un peu dépassé de l'ancien monde. Pourtant, entre une réalisation inattaquable, un univers plein de charme, une aventure prenante, un humour qui fait souvent mouche et une version française de haute volée, Toonstruck est un logiciel qui mérite indéniablement une deuxième chance d'aller revendiquer sa place, vraiment pas très loin de titres comme Curse of Monkey Island ou Day of the Tentacle, et largement à la hauteur de jeux à la Discworld. Si vous êtes passé à côté à sa sortie - ou que vous n'en avez jamais entendu parler - alors laissez-vous tenter. Vous pourriez bien passer un très, très bon moment.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un humour qui tombe parfois dans la facilité, pour ne pas dire dans le lourdingue – Quelques énigmes franchement fastidieuses (le concours des Trois Belges...)

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Toonstruck sur un écran cathodique :

Blazing Dragons

Développeur : The Illusions Gaming Company
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Testé sur : PlayStationSaturn

Version PlayStation

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La vie réserve décidément toujours des surprises. Le temps passe, les rides se creusent, les cheveux blanchissent, les dents jaunissent, et voilà qu’un matin on se dit, en se rasant pour la millionième fois, qu’on commence à vieillir et que plus rien ne peut nous surprendre.

Et puis voilà que le cours des événements vient nous donner tort, une nouvelle fois, et nous rappeler à quel point on est bien peu de choses. Il aura donc fallu attendre 2021 pour que je découvre, moi, fan impénitent des Monty Python depuis ma plus tendre enfance, que Terry Jones, membre actif et réalisateur attitré de la troupe, avait scénarisé une série en dessin animé intitulé Blazing Dragons – malicieusement devenue Sacrés Dragons en référence à Sacré Graal dans la version française – à la fin des années 90. Et non seulement cette série dont je n’avais jamais entendu parler, et qui présentait une version un peu spéciale du mythe arthurien où les chevaliers de la table ronde – désormais carrée – étaient tous des dragons (face à des méchants bien humains, eux) avait été diffusée pendant deux ans sur Canal +, mais en plus, un jeu vidéo avait même été développé simultanément, avec une nouvelle fois Terry Jones en invité spécial.

Et là, qu’apprends-je ? Ce jeu vidéo, lui-même fort logiquement appelé Blazing Dragons, est un point-and-click développé par The Illusions Gaming Company, qui nous avait déjà délivré le très sympathique (et très surprenant) Scooby-Doo Mystery sur Mega Drive ! Et, fidèle à sa ligne de conduite, la compagnie britannique aura décidé de publier le jeu sur PlayStation et sur Saturn, et pas sur l’écosystème le plus naturel qui soit pour un point-and-click, à savoir le PC. Étrange obsession… qui n’aura d’ailleurs sans doute pas porté chance au titre, totalement disparu des radars depuis lors, et sans doute pas aidé par la publication, un mois après sa sortie, d’un certain Tomb Raider sur la même plateforme…

Le jeu reprend donc les grandes lignes du dessin animé, en nous présentant un royaume de Camelhot (blague intraduisible) peuplé de dragons et constamment harcelé par les humains du roi Georges et de son maléfique acolyte Mervin l’enchanteur.

Tandis que vous prenez les commandes de Flammèche, simple serviteur dont la présence au château royal n’est d’ailleurs jamais expliquée, voilà justement que le roi Artifur organise un grand tournoi dont le vainqueur héritera à la fois du royaume et de la main de la princesse Flamme, dont Flammèche est bien naturellement amoureux. Seulement voilà, n’étant pas chevalier – pas même un simple écuyer -, pas question pour notre héros de concourir, pas même quand le roi Georges en personne débarque à la table carré pour annoncer que son champion, le dragon noir, va participer au tournoi. Et avant de pouvoir ambitionner de devenir chevalier, de vaincre le dragon noir et d’épouser la princesse Flamme, Flammèche va devoir commencer par s’acquitter de la première mission confiée par le roi : nettoyer la vaisselle…

On se retrouve donc dans un univers qui ne pourra qu’être familier aux connaisseurs de la geste arthurienne, fans de Kaamelott en tête. Le cadre et la situation de départ (le héros qui se réveille dans sa chambre) devraient immédiatement faire penser à une autre référence, partiellement vidéoludique celle-là : Discworld, dont le premier épisode avait justement vu le jour l’année précédente, et qui embarquait pour sa part un certain… Eric Idle, autre membre des Monty Python, au casting ! Une sorte d’inception vidéoludique…

Du côté de l’interface, on retrouve les grandes lignes des titres de l’âge d’or : une fenêtre de jeu en plein écran, un sac pour figurer l’inventaire, et des actions basiques (se déplacer, parler, observer, prendre/agir) présentées via des icônes relativement parlantes et entre lesquelles vous pourrez passer très simplement via les boutons de tranche L1/R1. Votre héros se dirige pour sa part à la croix directionnelle, et si cela n’offre toujours pas le confort d’un maniement à la souris, cela reste néanmoins très naturel et ne devrait pas vous poser de souci – d’autant plus qu’on est une nouvelle fois dans la droite lignée de la philosophie initiée par Ron Gilbert avec Monkey Island : on ne peut pas mourir, on ne peut pas se retrouver irrémédiablement coincé. Seule mauvaise nouvelle : chaque changement d’écran s’accompagnera d’un chargement de deux à trois secondes ; en 1996, on n’était plus trop habitué à ça… Mais on sent immédiatement que Blazing Dragons veut aller se frotter aux meilleurs titres du genre, et la bonne nouvelle est qu’il a effectivement quelques arguments pour cela.

À ce titre, il serait dommage de ne pas mentionner la réalisation du jeu, qui n’aurait certainement pas à rougir de la comparaison avec Discworld, justement, ni même avec la plupart des meilleurs jeux de LucasArts. Les yeux des joueurs de l’époque n’étaient peut-être obnubilés que par la 3D, mais pour les amateurs de pixel art actuels, difficile de faire la fine bouche : les décors sont finement dessinés, parfaitement mis en couleurs, les personnages sont très bien animés, et la réalisation sonore étant à l’avenant, on n’a vraiment aucun grief à adresser à l’équipe de développement de ce côté-là.

Les quelques (rares) connaisseurs du dessin animé pourront être surpris du character design : on constatera en effet que les personnages présentés ici n’ont que peu de choses en commun avec leurs alter ego sur celluloïd. Sachant que la sortie du jeu a été repoussée pour coïncider avec celle de la série, on peut en déduire que les deux ont en fait été développés en parallèle, ce qui expliquerait par exemple qu’on voit ici des dragons à six pattes alors que les héros animés sont des bipèdes beaucoup plus conventionnels. Le tout a en tous cas un charme immédiat – même si on sent bien que la plupart des cinématiques animées qui agrémentent l’action ne sortent pas des studios Disney – et on a immédiatement envie de découvrir ce royaume, sa faune et ses énigmes.

À ce niveau-là, on sera heureux de retrouver un humour typiquement anglais que la V.F. aura d’ailleurs largement échoué à rendre (nous y reviendrons).

Dans un univers riche en sous-entendus et en références aux contes (attendez-vous à recroiser Raiponce, le haricot magique, le joueur de flute d’Hamelin…), l’équipe de développement n’aura pas pu s’empêcher d’ajouter un psychiatre du nom de Sigmund Fraude, des paysans régicides avec un accent français (en V.O.), un joueur de cricket avec un accent indien (en V.O.), un syndiqué avec un accent écossais (en V.O.), des séquences de travestissement, des références sexuelles à peine voilées… et une large part d’humour pipi-caca en-dessous de la ceinture, où on ressentira pour l’occasion nettement moins la patte des Monty Python que celle de Benny Hill. Hé, l’humour anglais, c’est aussi ça…

Si les dialogues ne sont pas excessivement nombreux (le jeu n’est pas extraordinairement long et vous devriez difficilement mettre plus d’une dizaine d’heures pour en venir à bout), ils sont bien écrits, avec quelques répliques qui font mouche et quelques commentaires bien vus. On n’est clairement pas au niveau de titres à la Curse of Monkey Island, mais on passe néanmoins un très bon moment, et on est toujours heureux de rencontrer un nouveau personnage pour profiter de nouveaux échanges absurdes. Pour ne rien gâcher, les énigmes sont globalement bien conçues, et aucune n’est suffisamment opaque pour nous amener à nous arracher les cheveux à cause de la fameuse « moon logic » qui infestait, au hasard, les logiciels made in Sierra Online. Bref, on est dans les clous… et peut-être même un peu trop dedans.

Avec le recul, on peut imaginer quantité de raisons pour lesquelles Blazing Dragons sera passé relativement inaperçu à sa sortie : entre le déclin du point-and-click et le fait que les consoles 32 bits n’étaient sans doute pas les machines de prédilection pour accueillir un titre du genre, le pari était risqué d’emblée. Surtout, à une époque où on commençait à toucher à la quintessence du jeu d’aventure (entre Curse of Monkey Island, Discworld, Full Throttle, The Dig ou Grim Fandango, sans mentionner tous les jeux en FMV), on peut comprendre que les joueurs aient été suffisamment exigeants pour attendre un titre d’exception plutôt qu’un simple « bon jeu ».

En dépit de ses qualité évidentes, le titre de The Illusions Gaming Company manque encore un tantinet de personnalité, un peu d’ambition et un chouïa d’efficacité pour vraiment pouvoir rivaliser avec des titres qui faisaient au moins aussi bien dans à peu près tous les domaines, et qui étaient souvent beaucoup plus long (ce n’est sans doute pas vrai pour un logiciel à la Full Throttle, pour reprendre les exemples évoqués plus haut, mais Curse of Monkey Island ou Discworld sont facilement trois à quatre fois plus longs que Blazing Dragons). On est intéressé, charmé, titillé, mais jamais réellement conquis : ça fonctionne à presque tous les niveaux, mais quand on a déjà touché aux maîtres du genre, on sent juste qu’on est face à un élève très appliqué avec une certaine dose de talent, mais encore trop besogneux pour dévoiler réellement son génie. Certainement pas de quoi bouder le titre pour autant : si vous vous sentez sevré de bons point-and-click, il faudrait vraiment être masochiste pour faire l’impasse sur ce Blazing Dragons.

Quelques mots, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu. On va d’ailleurs aborder là une question qui touche à la traduction en général (qui est mon métier, cela tombe bien) et à la retranscription de l’humour. Les doublages du jeu – largement repris de ceux de la série animée, pour le coup – sont effectivement difficilement attaquables sur un plan purement technique : on a affaire à des doubleurs professionnels qui connaissent leur métier, et cela s’entend.

En revanche, on sent bien dans la distribution la marque d’une tendance très française à vouloir offrir un doublage à destination des enfants sur un titre dont ce n’est pourtant de toute évidence pas le public cible, ce qui donne parfois des résultats… troublants. Flammèche, notre héros, est ainsi doublé avec un ton assez niais, échouant pour l’occasion à rendre le côté beaucoup plus mordant qui caractérisait en V.O. son personnage de serviteur qui doit apprendre à composer au quotidien avec le fait d’être traité comme un larbin dont l’opinion n’a aucune valeur. Loin d’être acide ou caustique, le héros est ici plaintif, geignard, monocorde, et une bonne partie de l’humour reposant sur sa répartie ne fonctionne tout simplement plus.

Une sensation qui se retrouve dans la traduction du jeu au sens large, ou on a souvent l’impression d’un ton qui se cherche, le cul entre deux chaises. La moitié du temps, on a l’impression d’être devant les Télétubbies, et puis tout à coup arrive un commentaire graveleux et/ou passablement ambigu (dès l’introduction, où les « joyaux de la couronne » sont devenus les « bijoux de famille »), comme ce passage où Brûleval évoque le fait de « casser du dragon noir » comme « bien français ». Un changement de ton souvent sorti de nulle part qui attise plus le malaise que la franche rigolade, et qui m’encourage à pousser les joueurs disposant d’une maitrise confortable de l’anglais à privilégier la V.O. du jeu en dépit de l’absence de sous-titres.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Décidément, The Illusions Gaming Company voulait vraiment développer des point-and-click sur console ! Après un Scooby-Doo Mystery qui allait braconner sur les terres de LucasArts, Blazing Dragons, lui, s'aventure plutôt sur celles de Discworld. Sans qu'on sache trop si le titre a été tiré du dessin animé Sacrés Dragons ou si c'est l'inverse, le fait est que le résultat, qui est carrément allé mobiliser Terry Jones himself, a quelque chose de franchement réjouissant ! Le jeu, qui multiplie les références à l'âge d'or du genre, ne se hisse peut-être pas tout à fait à leur hauteur, la faute à un déroulement un peu court, à des temps de chargement omniprésents et à un humour qui ne fait pas toujours mouche, particulièrement en français. Mais autant dire que sur une PlayStation plus habituée à l'action en 3D, Blazing Dragons demeure assez unique en son genre - ce qui explique d'ailleurs sans doute en grande partie qu'il n'ait pas davantage marqué les esprits, publié à une époque et sur une plateforme où les jeux d'aventure n'avaient pas exactement le vent en poupe. Si vous cherchez un point-and-click plaisant, efficace et très bien réalisé, ce serait vraiment un crime de ne pas laisser une chance à celui-ci. À découvrir !

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un temps de chargement entre chaque écran – Une V.F. de qualité professionnelle, mais dont l'humour n'est clairement pas à la hauteur de la V.O. – Un character design qui n'a en fait pas grand chose à voir avec celui du dessin animé – Une maniabilité au pad qui ne rivalise clairement pas avec la souris – Un peu court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blazing Dragons sur un écran cathodique (PAL) :

Version Saturn

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Blazing Dragons n’aura donc pas daigné bénir le PC de sa présence, et aura préféré tenter sa chance sur une autre console 32 bits : la Saturn. Autant vous prévenir tout de suite : les différences entre les deux versions sont quasiment indécelables, et tiennent à de très légers détails : les temps de chargement m’ont par exemple semblé très légèrement plus longs dans cette version, et les vidéos moins bien encodées. Rien d’insurmontable : il faut vraiment jouer aux deux versions à la suite pour avoir une minime chance de déceler quoi que ce soit. On remarquera aussi que, par défaut, le changement d’action est attribué ici à A et C plutôt qu’aux boutons de tranches, mais puisque vous pouvez de toute façon modifier cela dans les options, aucune raison de râler. Même le nombre de sauvegarde est équivalent à ce qu’autorisait l’itération PlayStation ; bref, aucune raison de se précipiter sur une version plutôt qu’une autre.

NOTE FINALE : 16,5/20

À jeu semblable, observations identiques : Blazing Dragons est toujours un jeu très sympathique sur Saturn, et vu la rareté des point-and-click sur cette machine, vous auriez tort de bouder celui-ci.