Golf (Nintendo)

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Développeur : Nintendo Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo Co., Ltd.
Titres alternatifs : ゴルフ (graphie japonaise), Arcade Archives GOLF (Switch), アーケードアーカイブス ゴルフ (Switch, Japon), Golf-e (e-Reader)
Testé sur : NESArcade (PlayChoice-10)Game Boy
Versions non testées : PC-88, Sharp X1
Disponible sur : 3DS, Game Boy Advance, Switch, Wii U
En vente sur : Nintendo eShop (Switch)

Version NES

Date de sortie : 1er mai 1984 (Japon) – 18 octobre 1985 (États-Unis) – 15 novembre 1986 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 192kb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Reconnaissons-le : le golf est une activité qu’on aurait bien du mal à recenser parmi les sports dits « populaires ». Il faut dire qu’entre le matériel et surtout le terrain nécessaire à sa pratique, sans oublier l’éventuel équipage, le golf n’est pas exactement le type de loisir auquel on peut prétendre se livrer en tapant dans une boîte de conserve au milieu d’une cour d’immeuble – contrairement à un sport nettement plus accessible comme le football.

Ici, un très bon joueur peut espérer accomplir un Albatros (trois coups sous le par)

Conséquence : à moins d’appartenir à une certaine « élite » économique, il y a peu de chance que vous ayez vous-même pratiqué le golf, ou même que vous portiez le moindre intérêt aux compétitions officielles. Fort heureusement, le jeu vidéo a toujours été le rendez-vous de tous les possibles, c’est pourquoi moins d’un an après sa sortie japonaise, la NES permettait déjà de se livrer à des joutes, heu, endiablées (?) sur le fairway, et tout cela via une simple cartouche et une manette à quatre boutons. L’occasion pour le commun des mortels de se livrer enfin à un sport hors de leur atteinte.

Le programme est clair, et il est annoncé dès le titre du jeu

Pour le coup, le programme est annoncé dès le titre : Golf, juste Golf, exactement comme Baseball ne s’embarrassait même pas à enrober le nom de l’activité qu’il proposait ou d’y adjoindre la caution d’un sportif célèbre, comme cela arriverait quelques années plus tard (n’est-ce pas, Jack Nicklaus ?).

Couper peut être tentant, mais c’est surtout un très bon moyen de finir dans les arbres ou au fond d’un bunker

De fait, loin des ambitions de simulation qui fleuriraient par la suite, le titre de Nintendo ne s’embarrasse même pas à offrir la moindre option de configuration, ou le plus petit menu des options. L’écran-titre vous laisse choisir entre un unique mode solo, et deux modes deux joueurs : là où jouer seul vous obligera à concourir selon la règle la plus commune, c’est à dire en vous efforçant d’utiliser le moins de coups possible, inviter un ami vous permettra, au choix, de jouer en stroke-play (le score est comptabilisé selon l’ensemble des coups sur la partie) ou en match play (le score est comptabilisé à chaque trou, et celui qui utilise le moins de coups remporte le point). Un moyen comme un autre de s’amuser à deux sur lequel on n’aura aucune raison de cracher.

Pour réussir ce genre de trou, mieux vaudra apprendre à bien doser vos coups

Une fois la partie lancée, ne vous attendez pas à choisir l’ordre des trous ni la durée de la partie : quoi qu’il arrive, vous enchaînerez les 18 trous du jeu et ce sera à prendre ou à laisser.

Ici, la subtilité sera de jouer de l’effet pour éviter le bunker au centre

Pas de choix du personnage, ni de son sexe : vous incarnerez obligatoirement un golfeur ressemblant furieusement à Mario, et à vous de faire en sorte de terminer chaque trou avec un maximum de coups sous le par. Il n’y a ni game over ni victoire, et si jamais vous réalisez un bon score, ce sera à vous de le noter quelque part puisque la cartouche ne comprend bien sûr aucune pile de sauvegarde (le concept ne verrait de toute façon pas le jour avant Legend of Zelda). L’action se sépare en plusieurs fenêtres : la vue aérienne située à droite vous présentera la disposition du trou en cours, le cadre en haut à gauche vous livrera les explications utiles, comme la distance à parcourir ou la force et la direction du vent, et enfin la zone en bas à gauche vous montrera votre golfeur, avec une idée originale qui fera florès par la suite : la présence d’une jauge symbolisant la force de votre frappe. Les flèches haut et bas vous serviront à choisir votre club, gauche et droite à établir la direction de votre prochain tir (uniquement par incréments de 45°, étrangement, sauf sur le green ou vous serez plus libre) et un seul bouton sera nécessaire pour valider l’ensemble de vos décisions.

Soyez précis sur le green !

Frapper la balle vous demandera en fait d’appuyer deux fois : la première définira la puissance de votre coup, la deuxième vous permettra d’appliquer un effet plus ou moins appliqué.

Vouloir sauter les étapes est le meilleur moyen de finir cinq coups au-dessus du par

Naturellement, tout le jeu consistera à maîtriser les finesses de cette interface, et à savoir quel type de club employer selon la situation. Globalement, vous emploierez vos bois pour les coups longue-distance, vos fers pour les coups intermédiaires, le putter une fois sur le green, et le sandwedge ou le low-wedge pour lever votre balle lorsque vous devrez éviter un obstacle ou vous sortir d’un bunker. Globalement, vous devriez vous sentir à l’aise au bout d’une poignée de minutes au plus tard, et mettre quelques heures à enchaîner les records, voire à vous placer des défis de plus en plus improbables comme de réussir chaque trou en un ou deux coups. Évidemment, la moindre erreur d’évaluation peut facilement envoyer votre balle à l’eau ou au milieu des arbres et vous obliger à recommencer le coup, mais le fait est qu’on peut très facilement s’amuser sans avoir à aller mettre le nez dans le manuel.

On peut très facilement s’amuser à deux

C’est, sans surprise, à la fois la principale force et la plus grande faiblesse de ce Golf. Très accessible, le jeu se laisse facilement dompter, et on peut très facilement se laisser happer pendant la vingtaine de minutes que réclamera l’intégralité du parcours.

Ce n’est pas avec un fer 3 que je vais me sortir de ce pétrin !

Seulement, âge oblige, il ne faudra tout simplement espérer aucun à-côté : pas de bonus ou de mode de jeu à débloquer, aucune subtilité : vous êtes là pour réaliser le parcours avec le moins de coups possibles, point barre. Si vous n’avez absolument aucune autre ambition que de jouer dix minutes de temps en temps histoire de vous vider la tête comme vous pourriez le faire en pratiquant le solitaire ou le démineur, alors vous devriez largement trouver matière à vous contenter. Dans le cas contraire, on se doute qu’il sera plus avisé de vous diriger vers des simulations plus tardives et plus exhaustives, mais pour les curieux ou les néophytes, voilà en tout cas un très bon moyen de se familiariser avec un sport qu’on a rarement l’occasion de pratiquer en vrai.

Vidéo – Le premier trou du jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20 Golf n'est peut-être pas la plus grande simulation du sport du même nom, mais il faut bien reconnaître que pour un titre de 1984, le logiciel de Nintendo offre déjà l'essentiel, allant même jusqu'à instaurer des mécanismes encore employés aujourd'hui. De fait, la jouabilité se maîtrise en une poignée de minutes, et on peut dès lors enchaîner les dix-huit trous du jeu en un temps record et avec un plaisir véritable, s'efforçant de choisir le bon club et d'appliquer le bon effet pour tenter d'atteindre l'improbable condor, quatre coups sous le par. Comme souvent, c'est beaucoup plus du côté de son manque d'options de configuration que le titre accuse son âge, et même si on ne rechignera pas à y repasser vingt minutes de temps à autre, on risque d'en faire le tour un peu trop vite pour y consacrer des heures. Une bonne initiation pour les néophytes, néanmoins.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un seul mode de jeu en solo : pas de quoi s'occuper des mois... – Un tir dont la direction ne se choisit que par incréments de 45° – Aucune option de configuration, aucun choix du parcours ou des règles

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Golf sur un écran cathodique :

Version Arcade (PlayChoice-10)

Développeur : Nintendo Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo of America
Date de sortie : 1984 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un joystick (huit directions) et deux boutons
Version testée : Version américaine
Hardware : Processeurs : Zilog Z80 4MHz ; Ricoh RP2A03G 1,789772 MHz
Son : Ricoh RP2A03G 1,789772 MHz ; RP2A0X APU 1,789772 MHz ; haut-parleur ; 1 canal
Vidéo : 256 x 240 (H) 60Hz (x2)
Yep, c’est tout pareil

Comme pour beaucoup de jeux développés pour la NES, la version arcade de Golf n’est rien de plus que le portage du jeu adapté à la formule « PlayChoice-10 » dont l’objectif était de faire découvrir la console aux joueurs via l’un des lieux où on était le plus susceptible d’en trouver en 1984 : les salles d’arcade. On se retrouve donc face à une copie conforme du jeu paru sur NES, à deux nuances près : il faut payer pour acheter du temps de jeu (ce qui, vu à quelle vitesse file une partie, devrait largement vous permettre d’enchainer plusieurs trous avec un seul crédit) et surtout, les règles apparaissent sur l’écran permettant de sélectionner son jeu. Un bon moyen d’avoir les caractéristique de chaque club directement sous les yeux sans avoir à chercher le manuel. Naturellement, à une époque où on a plus de chance de trouver une NES dans un musée que dans une salle d’arcade (elle-même probablement située dans un musée), autant dire que l’émulation sera à peu près votre seule chance de découvrir cette version, et que le faire n’a objectivement que peu d’intérêt dès l’instant où vous avez accès aux versions NES ou Game Boy.

NOTE FINALE : 12,5/20

On trouve ce qu’on est venu chercher : en tant que produit promotionnel chargé de faire connaître le jeu, l’itération PlayChoice-10 de Golf nous offre le jeu dans sa version NES, avec les règles consultables sur l’écran-supérieur. Aucune surprise, donc.

Version Game Boy

Développeur : Intelligent Systems Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo Co., Ltd
Date de sortie : 28 novembre 1989 (Japon) – Février 1990 (États-Unis) – 28 septembre 1990 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Surprise ! Pour l’itération Game Boy de Golf, on retrouve aux commande Intelligent Systems, un studio davantage connu pour des séries comme Fire Emblem, Advance Wars ou Paper Mario. Un changement d’équipe de développement qui annonce certainement une refonte du système de jeu, cinq années s’étant écoulées depuis la sortie du titre initial (autant dire cinq siècles). Premier ajout : la partie s’ouvre sur le choix de votre emplacement de sauvegarde, avec la possibilité d’entrer votre nom. Deuxième ajout, beaucoup plus substantiel : le choix du parcours, car il y en a désormais deux, pour un total de 36 trous : un tournoi au Japon, et l’autre aux États-Unis ! Mine de rien, cela revient déjà à doubler le contenu du jeu, ce qui n’est pas négligeable.

L’interface du jeu a été intelligemment repensée pour s’adapter à la taille de l’écran

Une fois la partie lancée, on découvre que la fenêtre de jeu a été réorganisée, comme on pouvait si attendre vu la petitesse de l’écran : dorénavant, vous n’aurez que la vue aérienne disponible par défaut, avec les informations sur la distance vous séparant du trou et la force du vent en bas. Une simple pression sur B vous permettra de passer à la vue générale du parcours ou à un zoom centré par défaut sur le green. Si la jouabilité n’a pas subi de transformation majeure, on appréciera néanmoins de constater que le choix de la direction du coup se fait désormais librement et plus par incréments de 45°, que les arbres constituent désormais des obstacles au sein desquels votre balle peut atterrir et pas juste une zone vous obligeant à recommencer votre coup, que le terrain reconnait l’existence du rough plutôt que de se limiter à un fairway avec des bunkers… Bref, c’est plus précis, c’est plus réaliste, ça fonctionne mieux, et c’est parfaitement adapté à une console comme la Game Boy. Bien sûr, on ne peut pas encore franchement parler de simulation poussée, et il n’y a toujours aucune option de configuration, mais si vous cherchez le type de jeu dans lequel vous pourrez facilement engloutir un quart d’heure en attendant le bus, voilà un très bon candidat.

Le jeu a gagné en confort

NOTE FINALE : 14,5/20

En débarquant sur Game Boy sous la houlette d’Intelligent Systems, Golf aura gagné en épaisseur, en confort et en contenu, offrant précisément le type de jeu qu’on peut apprécier pour une partie sur le pouce. Sans devenir une simulation de pointe, le titre a le bon goût de se montrer suffisamment riche et bien pensé pour qu’on puisse facilement y revenir afin de chercher à peaufiner son score. Une bonne surprise.

Cutthroats

Développeur : Infocom, Inc.
Éditeur : Infocom, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga, Amstrad CPC, Amstrad PCW, Apple II, Atari 8 bits, Atari ST, Commodore 16/Plus/4, Commodore 64, Macintosh, PC-Booter, TI-99, TRS-80

Version PC (DOS)

La plus grande limite de l’aventure textuelle a ceci de paradoxal qu’il s’agit également de sa principale force. Le texte à l’état pur, avec le langage comme seule interaction : pas de graphismes, pas de son, pas d’animation, ce sera votre imagination à la barre d’un bout à l’autre – et celle-ci, qu’on le veuille ou non, est capable de vous offrir des choses que même les plus grand artistes seront parfois incapables de vous transmettre. Avant que Mystery House ou King’s Quest ne viennent bouleverser cette conception, l’aventure vidéoludique, c’était ça : vous et votre esprit. C’est quand même quelque chose de fascinant, non ?

Du côté d’Infocom, en tous cas, pas de doute : c’était de cette façon qu’on concevait l’aventure informatique, et d’aucune autre – à tel point que la compagnie américaine aura continué à produire, envers et contre tout, des jeux textuels jusqu’au début des années 90. Cela aura engendré quelques titres majeurs, comme Zork ou A Mind Forever Voyaging, et quantités d’autres beaucoup plus secondaires, particulièrement vers le milieu des années 80. Cutthroats étant paru en 1984, la question est donc de savoir s’il appartient à la catégorie des grands titres ou à celle des jeux largement oubliables. Indice : vous n’en avez vraisemblablement jamais entendu parler, ce qui devrait vous mettre la puce à l’oreille.

Le récit vous place donc sur l’île d’Hardscrabble (à vos souhaits) à une époque indéterminée mais vraisemblablement contemporaine. Une nuit, un de vos vieux compagnons de la marine nommé Hevlin vient frapper à votre porte et vous tendre un livre qui, selon lui, mènerait à une des fameuses épaves chargées de trésors que tous les plongeurs locaux ont cherché à retrouver à un moment ou à un autre de leur vie. Il vous laisse l’ouvrage pour la nuit, mais ne survivra pas jusqu’au matin, probablement rattrapé par des hommes très intéressés par ce fameux livre. À vous, désormais, d’entreprendre de faire fortune… sans y laisser la vie.

En l’essence, tout est là : le point de départ du jeu est résumé en moins de deux pages de texte, vous abandonnant alors dans la nature avec la mission de retrouver une de ces fameuses épaves – car, petite surprise, le jeu en contient deux et vous ne serez pas toujours amené à visiter la même d’une partie à l’autre. Une idée qui aurait sans doute pu largement contribuer à la rejouabilité du titre si, dans les faits, le choix de l’épave n’était pas intégralement laissé à la chance, vous obligeant à recommencer le jeu depuis le début et à accomplir toute une longue série d’actions avant de savoir à quel navire vous allez avoir à faire. L’intrigue principale ne changeant de toute façon pas, et le titre étant fondamentalement très court une fois que l’on sait ce que l’on a à faire (comptez moins d’un quart d’heure alors pour en venir à bout), on ne peut pas franchement dire que le jeu en vaille la chandelle.

Le truc, c’est précisément que Cutthroats repose sur cette simple idée : découvrir ce qu’il va falloir faire – comme la grande majorité des titres de l’époque. Les enjeux sont placés dès le début : vous partez à la recherche d’un trésor, point barre. Vous visiterez bien quelques bars mal famés et pourrez parler à une poignée de personnages, mais l’écriture est très directe, les descriptions assez fades, les dialogues lapidaires, votre personnage n’a aucun background – bref, il n’y a tout simplement pas beaucoup de chair sur le récit pour nous inviter à nous passionner pour cette île. Surtout, les énigmes du jeu reposent à 95% sur un concept qui pourra sérieusement agacer le joueur moderne, et que j’appellerai le don de clairvoyance. Traduit en clair : vous ne pourrez pratiquement jamais anticiper aucun des problèmes, souvent mortels, qui se présenteront à vous, vous obligeant ainsi à recommencer le jeu encore et encore faute de pouvoir revenir en arrière (même si le fait de créer plusieurs sauvegardes pourra également vous éviter quelques pépins).

Vous allez ainsi vous retrouver à de nombreuses reprises à aller déposer de l’équipement dans une ruelle, à verrouiller la porte de votre chambre ou à aller glisser une enveloppe sous un matelas pour éviter de vous les faire voler – mais il vous était totalement impossible de le deviner avant que vous vous fassiez effectivement dérober le tout une première fois.

Dans le même ordre d’idées, il faudra parfois être très exactement au bon endroit au bon moment pour pouvoir accomplir des actions qui n’auront des répercussions que bien plus tard (récupérer la fameuse enveloppe mentionnée plus haut, par exemple), ce qui fait que l’essentiel de la difficulté – et de la durée de vie – du titre repose sur une série d’essais/erreurs vous imposant de tenter résoudre a posteriori des problèmes que vous aurez découverts lors d’une partie précédente. L’ennui étant que les possibilités sont virtuellement illimitées, votre imagination étant votre principal moyen d’action, ce qui peut parfois vous amener à rester bloqué pendant un très long moment – pas question ici de tester tous les objets sur tous les écrans du jeu, ce n’est tout simplement pas comme ça que ce type de logiciel fonctionne.

Or, voilà le pépin : on a quand même beaucoup de mal à se passionner pour un récit qui va tellement à l’essentiel qu’il échoue systématiquement à rendre son univers vivant. On ne s’attache à rien ni à personne, faute de profondeur, et la curiosité étant l’unique moteur pour prolonger l’aventure, autant dire qu’il faudra faire preuve d’un véritable dévouement pour mener l’histoire jusqu’à son terme. Lorsque enfin on met la main sur ce fameux trésor, on n’a aucun sentiment d’accomplissement, aucun souffle épique ; plutôt la désagréable sensation d’avoir lu un très long mode d’emploi pour grille-pain. Et c’est là que l’on réalise à quel point l’imagination est un outil merveilleux mais qui fonctionne beaucoup mieux quand on lui donne matière à s’en servir. Dans le cas de Cutthroats, elle risque de se mettre rapidement en grève, et c’est bien dommage.

NOTE FINALE : 08,5/20 Une aventure textuelle est généralement principalement portée par la qualité de son récit et de son écriture. Dans le cas de Cutthroats, le joueur devra hélas composer avec une histoire mal introduite et sans réel enjeu qui l'enverra plonger à la recherche d'un trésor sans jamais réellement se sentir concerné à un quelconque niveau. Avec des personnages sans épaisseur et un cadre sans intérêt, on s'accroche désespérément en espérant que le récit se décide à décoller un jour, ce qu'il ne fait malheureusement jamais. Reste au moins la satisfaction de surmonter quelques énigmes complexes dispersées au gré d'un jeu bien trop court, mais en-dehors des mordus nostalgiques du genre, rares sont ceux qui devraient y trouver leur compte. Une pièce de musée. CE QUI A MAL VIEILLI : – Peu d'enjeux, peu d'épaisseur, pas grand chose pour se passionner pour le récit – La gestion de la nourriture et de la boisson, vraiment pas passionnante – Des énigmes nécessitant de maîtriser les codes du genre (attendez-vous à recommencer le jeu des dizaines de fois) – Trop de possibilités pour des résultats qui n'en valent clairement pas la peine – Trop court malgré les deux épaves à fouiller – Évidemment totalement réservé aux anglophones

Cutthroats sur les autres systèmes

Comme toujours avec une aventure intégralement textuelle, comparer les différentes versions publiées n’offre à mes yeux que peu de sens – le titre n’a pas de réalisation à proprement parler, et le contenu du jeu ne change pour ainsi dire pas d’un iota d’une machine à l’autre. Seul le confort de lecture peut légèrement varier selon le système, les ordinateurs 16 bits étant bien évidemment les mieux équipés pour offrir un affichage optimal. Le Macintosh, comme souvent, propose ainsi une version haute résolution, mais le reste demeure purement une question de goûts. Si jamais vous souhaitez avoir un aperçu visuel d’à peu près toutes les versions en même temps, vous devriez pouvoir trouver votre bonheur sur cette page.

F16 Fighter

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Développeur : Nexa Corporation
Éditeur : ASCII Corporation
Titre original : F16 Fighting Falcon (États-Unis)
Titres alternatifs : F-16 Fighter (titre européen sur Master System), F-16 Fighting Falcon (Master System – Amérique du Nord), F-16 ファイティングファルコン (titre japonais)
Testé sur : MSXMaster System

Version MSX

Date de sortie : 1984
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux ordinateurs reliés par leur port joystick)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Clavier
Version testée : Version américaine
Configuration minimale : Système : MSX 1

À une époque où afficher simultanément plusieurs lignes sur un écran pouvait déjà représenter une contrainte technique, on se doute que l’imagination était reine. Alors que les aventures étaient textuelles, que les jeux de plateforme se résumaient souvent à deux ou trois écrans et que les jeux d’action étaient tellement abstraits qu’ils en devenaient ésotériques, à quoi pouvait bien ressembler le pinacle du réalisme et de l’exigence technique qu’était le simulateur de vol ?

Quel suspense !

Si à cette question, subLOGIC avait déjà apporté une réponse avec le tout premier Flight Simulator dès 1980, celle-ci avait le mérite d’être directe, avec un jeu qui ne proposait pas grand chose de plus que de voler entre des montagnes ou de tirer sur des adversaires. Dès lors, la notion de « simulation » mettra plusieurs années à commencer à prendre sens – au hasard, avec la sortie de Flight Simulator II en 1984 – et à offrir enfin l’indispensable richesse nécessaire à l’immersion tant recherchée.

J’ai appuyé sur une touche. J’ai lancé mon missile. J’attends que mon missile arrive. L’adrénaline coule dans mes veines. Ah non, tiens

La même année que Flight Simulator II paraissait F16 Fighter qui proposait alors, comme tous les simulateurs de vol de l’époque, de vous placer dans une situation de conflit armé. Le principe est simple, et déjà largement annoncé par le titre : vous êtes aux commandes d’un avion de combat multi-rôle F-16 Fighting Falcon, et vous allez affronter des MIG-25 Foxbat (car il était établi, à l’époque, que l’adversaire était nécessairement soviétique). Voilà pour l’objectif, et il a intérêt à vous plaire puisqu’il n’y a ni menu ni mode de jeu : vous enchainerez simplement des niveaux vous opposant à des forces de plus en plus nombreuses, un point c’est tout. Il n’y a ni cibles au sol, ni mission de bombardement, ni mission de reconnaissance, d’ailleurs il n’y a pas vraiment de décor non plus et vous n’aurez jamais à décoller ni à atterrir. En fait, vous resterez en l’air jusqu’à ce que vous vous fassiez abattre, ce qui sera vraisemblablement dû à un chasseur adverse puisque la gestion du carburant se limite à une jauge qui vous demandera de tourner en rond pendant une bonne heure pour avoir une chance de se vider. Un bon moyen de se rappeler ce que « simulation » pouvait vouloir dire à l’époque.

L’avion adverse est en plein milieu de mon viseur. Je fais feu. Mes coups atteignent-ils leur but ? Qui peut le dire ? La réalité est-elle une illusion de nos sens ? Sommes-nous abusés par un Malin Génie ? Vous avez deux heures.

Le jeu est jouable au joystick, mais sera comme souvent beaucoup plus précis au clavier. Vos options, comme vous allez rapidement le découvrir, sont plutôt limitées : vous pouvez diriger votre F-16, moduler sa vitesse, passer en pilotage automatique pour aller au prochain objectif (ce qui ne sert objectivement pas à grand chose vu le côté extrêmement court et directif des différents niveaux), verrouiller une cible (ce que le programme fera de lui-même le plus souvent), et faire feu soit avec des missiles à tête chercheuse, dont vous aurez un stock extrêmement limité, soit à l’aide de votre canon. Il est également possible de s’éjecter, ce qui ne sert strictement à rien.

Ah tiens, je change de niveau. Ça doit vouloir dire que j’ai abattu les avions du niveau précédent, mais je ne suis pas sûr

Dès le début du premier affrontement, on sent immédiatement les limites de ce F16 Fighter. Dans les faits, et en dépit des prétentions du titre à un réalisme de pointe, l’essentiel de votre expérience de jeu se limitera à placer des cibles dans votre viseur et à tirer. Manœuvrer ne sera nécessaire que si vous venez à croiser un de vos ennemis – ce qui prend du temps, car on ne peut pas dire qu’on ressente la vitesse supersonique des avions – et ne consistera le plus souvent qu’à amorcer un long virage jusqu’à replacer votre adversaire dans votre viseur. La majorité de vos instruments ne sert pratiquement à rien, et il n’y a pour ainsi dire aucun autre moyen que la chance d’éviter un missile adverse, ou même un tir de mitrailleuse d’autant plus difficile à conceptualiser qu’il n’est même pas affiché à l’écran. Ah si, il y a en théorie des contre-mesures, mais comme la moitié du temps vous ne saurez même pas qu’un missile vous poursuit, et que cela fonctionne une fois de plus au petit bonheur la chance…

Donc là, apparemment, je suis mort. Ou sur le point de l’être. Il y a sans doute une raison, mais je serais bien incapable de vous la donner

Détruire un chasseur adverse pourra se faire de deux façons : en tirant un missile à tête chercheuse ou en l’abattant à la mitrailleuse. Dans le premier cas, vous vous contenterez de tirer et de prier : il n’y a strictement aucun moyen de savoir à l’avance si votre tir fera mouche ou non. Des fois, ça marche, des fois, ça ne marche pas. Dans le second cas, il faudra alors passer au canon… et prier une nouvelle fois, puisqu’il n’existe strictement aucun moyen de savoir si vos tirs atteignent ou non leur but. Souvent, on a un adversaire sagement immobile en plein milieu de notre viseur, on vide la moitié de nos réserves de munitions dessus, et on attend. Parfois, il explose. Parfois non. Parfois il passe en rouge avant de disparaître, mais ce n’est pas systématique. Équité oblige, il en va de même pour notre F-16 : de temps en temps, l’écran passe au rouge et on s’écrase au sol sans qu’on n’ait jamais vu un tir ou un missile adverse se diriger dans notre direction.

Deux adversaires, trois missiles : on va tout tirer et puis regarder ce qui se passe. Des fois, ça marche. Des fois, non

Autant dire qu’avec de pareilles sensations de vol, le jeu peine énormément à présenter le moindre intérêt. On ne comprend jamais rien à ce qui se passe, on n’est jamais certain que ce que l’on fait a une réelle incidence sur les résultats, et jouer très exactement de la même manière peut donner des résultats dramatiquement différents d’une partie à l’autre selon le bon vouloir du programme. S’agit-il d’un simulateur de vol ou d’une loterie ? Tirer sur des cibles n’est déjà pas toujours passionnant, alors quand en plus on ne sait même pas si on les atteint… Pour ne rien arranger, ce n’est certainement pas la réalisation qui va transcender l’expérience : l’aire de jeu se limite à un fond bleu avec une grille en pseudo-3D ; il doit y avoir, lors des grands moments, jusqu’à 4 couleurs à l’écran, et le « moteur physique », si on ose l’appeler ainsi, est totalement incohérent. Niveau sonore, il n’y a naturellement pas de musique, et les bruitages sont insignifiants. Il y a bien un mode deux joueurs, à condition de relier deux MSX, mais franchement… En fait, le constat est sans appel : non seulement on ne s’amuse jamais, non seulement il n’y a rien à voir ni à entendre, mais on n’a même pas le sentiment de réellement jouer à quelque chose : le titre est presque une expérience mystique, un acte de foi pour décider si nos actes ont ou non un impact sur la réalité matérielle. De mon côté, la révélation aura au moins été limpide : la matérialité de la cartouche au fond de la poubelle où je l’ai jetée était irréfutable. Question théologique suivante.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 04,5/20 Non seulement F16 Fighter n'est fondamentalement pas grand chose de plus qu'un simulateur extraordinairement limité se réduisant à affronter des sprites monochromes se baladant anarchiquement sur un gros pâté bleu, mais en plus, il ne parvient même pas à le faire correctement. Confronté à une jouabilité infecte et à une réalisation infâme, le joueur cherche désespérément à comprendre ce qui se passe à l'écran en l'absence totale et irrévocable d'éléments pertinents – il n'est même pas possible de savoir si l'on vient ou non de toucher un avion adverse, ce qui, dans un jeu dont c'est le seul objectif, traduit un certain manque de clairvoyance. Après quelques minutes de jeu, on se surprend à réaliser le chemin parcouru depuis 35 ans et à se dire que non, nostalgie ou pas, tout n'était pas forcément mieux avant. Sans doute une des pires simulations jamais programmée. CE QUI A MAL VIEILLI : – C'est hideux – C'est à peine jouable – On ne sait même pas si on est parvenu à toucher un adversaire – Même le son est mauvais – Franchement, je pense que n'importe qui passant deux semaines de sa vie à apprendre à coder aboutirait fatalement à un jeu plus intéressant, même sans le vouloir

Bonus – Ce à quoi peut ressembler F16 Fighter sur un écran cathodique :

Version Master System

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA ENterprises Ltd.
Date de sortie : 22 décembre 1985 (Japon) – Octobre 1986 (Amérique du Nord) – Octobre 1987 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Cartouche, SEGA Card
Contrôleurs : Joypad*, SEGA keyboard
*Nécessite deux joypads
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche/carte de 256kb
Y’a pas à dire, visuellement, on se régale…

Incroyable mais vrai : F16 Fighter aura figuré au rang des tous premiers jeux disponibles sur Master System (ou plutôt, sur ce qui s’appelait alors le SEGA Mark III), dès 1985, au format carte – vu le faible poids du programme, on comprendra rapidement qu’une cartouche n’était pas absolument nécessaire. Dorénavant orthographié F-16 Fighter, le titre envisage donc de proposer une expérience sensiblement identique à celle offerte sur MSX, ce qui n’est pas enthousiasmant, mais attendons donc de voir.

Niveau réalisation, on se trouve à première vue avec un calque fidèle de la version MSX. À première vue seulement, car le titre bénéficie malgré tout d’un nouvel écran-titre, d’un nouvel écran en cas de Game Over, de jingles, d’un bruit de moteur… Bon, on ne va pas dire que ce soit devenu éblouissant, mais c’est quand même un peu moins brut de décoffrage. La jouabilité, pour sa part, n’est pas allé en s’améliorant… et est même devenue franchement pire car, tenez-vous bien, le jeu n’est jouable qu’en employant simultanément LES DEUX PADS de la console – ce qui suppose bien évidemment que vous en ayez deux, ça va de soi ! Non seulement l’idée est aussi paresseuse que scandaleuse, mais je ne vous raconte même pas à quel point l’ergonomie est atroce lorsque l’on doit ainsi jongler d’un pad à l’autre, parfois pour appuyer sur deux boutons en même temps, simplement pour profiter des possibilités inutiles à 95% d’une pseudo-simulation ! Pour ne rien arranger, le contenu est toujours aussi insignifiant, tout comme l’intérêt, et je doute que le titre ait franchement contribué à vendre la Master System par palettes. Bref, une horreur.

NOTE FINALE : 04,5/20

F-16 Fighter sur Master System offre un calque mal inspiré de la version MSX, avec une réalisation très légèrement supérieure (pouvait-elle franchement être pire ?) mais avec une jouabilité honteuse, inutilement complexe si l’on considère les possibilités ridicules qu’elle offre, et nécessitant l’usage simultanée des deux pads ! Après cinq minutes de bouillie ludique totalement sans intérêt, on s’éjecte et on regagne le plancher des vaches. À proscrire.

Kung-Fu Master

Développeur : Irem Corp.
Éditeur : Irem Corp.
Titre original : スパルタンX (Spartan X, Japon)
Titres alternatifs : Kung Fu (NES – Amérique du Nord, Europe), Seiken Achō (MSX – Japon), Taekwon-Do (MSX – Espagne)
Testé sur : ArcadeApple IICommodore 64MSXNESZX SpectrumAmstrad CPCArcade (PlayChoice-10) – Atari 2600Atari 7800
Disponible sur : Blacknut

Version Arcade

Date de sortie : Décembre 1984
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleur : Un joystick (quatre directions) et deux boutons
Version testée : Version internationale
Hardware : Irem M-62
Processeurs : Zilog Z80 3,072MHz ; Motorola MC6803 3,579545MHz
Son : Haut-parleur ; AY-3-8910A PSG 894,886kHz (x2) ; OKI MSM5205 ADPCM 384kHz (x2) ; Netlist Sound Device ; 1 canal
Vidéo : 256 x 256 (H) 56,338028 Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Quel titre faudrait-il nommer si on souhaitait retourner aux sources du beat-them-all ?

Final Fight ? Non, plus vieux. Double Dragon ? Non, encore plus vieux. Renegade ? Vous commencez à chauffer. Le débat commencerait sans doute ici à opposer plusieurs spécialistes, chacun décidé à extirper de l’oubli un titre méconnu pour l’ériger, preuves à l’appui, comme LE précurseur du genre. Mais pour les simples érudits du jeu vidéo appuyés sur leurs souvenirs d’époque, parmi les premiers noms à sortir figurerait sans aucun doute Kung-Fu Master, qu’on s’accorde généralement à considérer comme un des pères fondateurs du genre.

Nous sommes donc en 1984. Il faut bien un prétexte pour aller taper sur quelqu’un, on vous placera donc dans le kimono de Thomas, un jeune spécialiste du Kung-Fu qui doit s’en aller récupérer sa copine Sylvia, kidnappée par le maléfique M. X (on sent bien que « scénariste » n’était pas encore un métier à part entière dans le jeu vidéo des années 80). Vous allez donc devoir gravir les cinq étages d’un château japonisant, chacun défendu par un maître des arts martiaux, pour aller la sauver… avant de recommencer si le cœur vous en dit, puisque le scoring constituera comme souvent à l’époque le principal objectif du jeu. Si ce concept d’étages à gravir pour affronter des spécialistes d’arts martiaux pourra faire penser au célèbre Jeu de la Mort tel qu’il avait été scénarisé par Bruce Lee avant son décès, il tire en fait son inspiration d’un film de Jackie Chan : Soif de Justice (Kwai tsan seh à Hong Kong, ou Spartan X au Japon), dont le titre d’Irem se veut d’ailleurs l’adaptation. Quoi qu’il en soit, en quoi consistera exactement votre ascension au sein de ce palais du mal ?

Dès les premières minutes de jeu, on comprend immédiatement pourquoi Kung-Fu Master est souvent classifié comme étant l’un des premiers beat-them-all : on se déplace dans chaque étage du palais sur un axe horizontal, on saute, on utilise ses pieds et ses poings pour vaincre les ennemis qui arrivent par vagues, on défait un boss à chaque fin de niveau ; pas de doute, on est bien en terrain connu. Il n’y a pas encore de gestion de la profondeur, qui sera introduite dans Renegade, mais la principale « originalité » pour un joueur du XXIe siècle est que tous les adversaires, à l’exception des boss, seront vaincus en un seul et unique coup. On pourrait croire que cela rendrait le titre très facile, mais il faut se souvenir que l’on parle d’un jeu d’arcade de 1984, on se doute donc bien que la réalité va être un peu plus complexe que cela. De fait, si tous les principaux mécanismes du beat-them-all sont déjà là, le gameplay de Kung-Fu Master s’affirme d’abord comme l’héritier des titres d’arcade de l’époque, en comptant bien davantage sur votre mémoire et sur votre synchronisation que sur vos réflexes.

Ainsi, il n’y a que quelques types d’adversaires, mais chacun d’entre eux correspond à un comportement précis. L’ennemi le plus commun, un sbire qui vous foncera droit dessus, ne représentera une menace que par le nombre : si l’un d’entre eux parvient à votre contact, il commencera à vampiriser vote barre de vie jusqu’à ce que vous parveniez à vous en débarrasser en secouant anarchiquement votre stick et en tapant frénétiquement sur les deux boutons. Les lanceurs de couteaux, eux, demanderont de bien observer leurs mouvements afin d’éviter les lames qu’ils vous lancent jusqu’à ce que vous puissiez les atteindre au contact, des espèces de gnomes vous sauteront au visage, etc.

Si comprendre les différents patterns ne demandera jamais plus d’une poignée de secondes, les choses se compliquent très vite dès l’instant où vous devrez composer avec plusieurs types d’ennemis à la fois – c’est à dire très souvent – , la principale urgence étant alors de hiérarchiser en quelques dixièmes de seconde sur qui vous devrez aller taper en priorité. Ajoutez-y des insectes volants, des serpents qui rampent au sol, des jarres tombées du plafond – sans oublier la sempiternelle limite de temps bien serrée – et vous comprendrez alors rapidement à quel point le logiciel est loin des beat-them-all des années 90 : on est beaucoup plus proche du parcours d’obstacle à gérer avec méthode que du défouloir chargé en adrénaline.

Le titre d’Irem a donc un large aspect die-and-retry où la connaissance des dangers qui vous attendent constituera votre meilleure chance de progresser – on est finalement plus proche, toutes proportions gardées, d’un jeu comme Ghosts’n Goblins que d’un titre comme Final Fight. Le joueur devra également composer avec une rigidité imputable à la date de sortie du titre : il est ainsi impossible de sauter vers l’avant ou vers l’arrière en frappant alors que cela représenterait, dans 95% des situations, votre premier réflexe. On appréciera en revanche que chaque boss demande une approche particulière pour être touché, la méthode « frapper anarchiquement au hasard » n’étant que rarement couronnée de succès, surtout à partir du troisième étage. Encore une fois, il faudra se souvenir que le jeu n’a pas de fin à proprement parler et que le but est de vous laisser ré-enchainer le même parcours dans des difficultés de plus en plus élevées jusqu’à ce que vous trouviez la mort : le score représentera, une nouvelle fois, le réel objectif du titre.

Du côté de la réalisation, l’année de sortie vous indiquera que vous aurez peu de chance de vous prendre une claque en regardant les captures d’écran – ou alors dans le mauvais sens du terme. La représentation graphique est simple et lisible – ne cherchez pas de fioritures, il n’y en a pas. Le jeu ne dispose que d’un seul thème musical, qui sera de toute façon couvert par les bruitages de vos coups pendant l’essentiel de la partie. La jouabilité demandera un temps d’adaptation, les frappes devraient sinon s’enchaîner sans difficulté. Si le titre peut largement être « fini » en une dizaine de minutes, cela n’a de toute façon pas plus de sens que de terminer une partie de Donkey Kong : l’idée est d’y passer le temps que vous serez prêts à y consacrer ce qui, selon votre patience et votre curiosité, pourra atteindre une heure ou deux.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 12/20 Kung-Fu Master symbolise, à sa manière, une période charnière où les mêmes mécaniques de jeu ont commencé à aboutir à la naissance de plusieurs genres : si toutes les bases du beat-them-all sont d'ores et déjà présentes dans ce titre de 1984, on y trouve tout autant les fondements de jeux comme Ghosts'n Goblins ou Mega Man où la mémoire est au moins aussi importante que les réflexes. De fait, le fan de Streets of Rage ou de Captain Commando peinera sans aucun doute à trouver son compte dans ce qui reste un programme de scoring basé sur des routines vouées à être répétées jusqu'à la lassitude du joueur – ce qui n'empêchera nullement de prendre du plaisir, le temps de quelques parties, avant de revenir à ses successeurs plus évolués. CE QUI A MAL VIEILLI : – C'est peut-être l'ancêtre du beat-them-all, mais cela fait plus penser à un parcours d'obstacles – Réalisation spartiate – Durée de vie ridicule si vous visez autre chose que le scoring

Bonus – Ce à quoi pouvait ressembler Kung-Fu Master sur une borne d’arcade :

Version Apple II

Développeur : Berkeley Softworks
Éditeur : Data East USA, Inc.
Date de sortie : Novembre 1985
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Apple ][e
Configuration minimale : Système : Apple ][+ – OS : Aucun – RAM : 48ko
Mode graphique supporté : Haute résolution

En considérant sa date de sortie en salles d’arcade, on ne sera pas surpris d’apprendre que Kung-Fu Master aura été porté sur une vaste sélection de systèmes 8 bits. Parmi la première fournée, dès 1985, figurait l’Apple II. Le hardware assez rudimentaire de la machine d’Apple n’autorise pas beaucoup d’extravagances graphiques, mais le jeu est lisible et remarquablement coloré, et comporte même quelques bruitages. L’action est un peu plus molle que sur arcade, principalement à cause d’un héros qui se traine – les niveaux ont désormais une fâcheuse tendance à tirer en longueur, ce qui double la durée de vie du titre, d’une certaine façon… et le coup de poing est passé à la trappe, même s’il ne servait objectivement pas à grand chose. Pour le reste, on peut jouer au joystick comme au clavier, et même choisir la difficulté. Bref, une version sérieuse qui utilise assez bien les capacités – hélas très limitées – de l’Apple II.

NOTE FINALE : 10/20

L’Apple II n’aura sans doute jamais été la machine la plus appropriée pour faire tourner un jeu d’action, mais même si ce portage de Kung-Fu Master doit composer, comme souvent, avec une réalisation assez spartiate, force est de reconnaître que l’essentiel du titre d’Irem est bien là et que les sensations de jeu ne sont pas à des kilomètres de celle de l’arcade – en dépit d’une certaine lenteur. Pas franchement de quoi ébahir le joueur du XXIe siècle, mais une version sérieuse programmée avec soin.

Version Commodore 64

Développeur : Berkeley Softworks
Éditeur : U.S. Gold, Ltd.
Date de sortie : Novembre 1985 (États-Unis) – Février 1986 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Cartouche, cassette, disquette 5,25″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Du côté de chez Commodore, on sera heureux de profiter cette fois d’une version un peu plus soignée graphiquement parlant – bien que la résolution reste très limitée – avec des niveaux s’étirant moins en longueur. Le contenu du titre reste d’ailleurs très fidèle à celui de la version arcade, même si la présence d’un seul bouton sur le joystick obligera à appuyer sur la barre espace pour alterner entre les coups de poing et les coups de pied – autant dire que c’est un peu lourd, même si ça ne sert de toute façon pas à grand chose. La musique, quant à elle, est bien là, tout comme les boss, bref le joueur venu retrouver les sensations du Kung-Fu Master qu’il avait connu dans les salles d’arcade ne devrait pas se sentir volé.

NOTE FINALE : 10,5/20

Peu de reproches à faire à ce portage de Kung-Fu Master qui délivre très exactement et avec beaucoup de sérieux l’expérience qu’on était en droit d’espérer sur Commodore 64.

Version MSX
Taekwon-Do

Développeur : Irem Corp.
Éditeurs : ASCII Corporation (Japon) – Philips Ibérica S.A.E. (Espagne)
Date de sortie : 1985 (Japon) – 1986 (Espagne)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Supports : Cartouche, disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version cartouche
Configuration minimale : Système : MSX 1 – RAM : 16ko

Un peu d’attention s’il vous plaît, car les choses vont se compliquer un peu à ce stade. Il existe bien un jeu appelé Kung-Fu Master sur MSX, mais celui-ci, développé par Mass Tael et paru avant même la borne d’Irem, n’a rien à voir avec celui qui nous intéresse, lequel aura commencé par paraître sous le nom de Seiken Achō au Japon avant de débarquer en Espagne un an plus tard, cette fois sous le nom de Taekwon-Do. Vous suivez ? Dans tous les cas, on se retrouve face à une version dans la moyenne des autres ordinateurs 8 bits – en-dessous de ce que proposait la NES la même année, mais rien d’honteux non plus. Certes, ça manque un peu de couleurs, particulièrement du côté des décors qui se limitent à des grands fonds noirs, mais on conserve à la fois la musique et les bruitages, et la jouabilité fait le travail. Rien de suffisamment inoubliable pour vouloir se précipiter sur cette version plutôt qu’une autre, mais l’expérience originale est assez bien reproduite.

NOTE FINALE : 10,5/20

Version pas très tape-à-l’œil pour ce Taekwon-Do sur MSX, mais l’essentiel a été préservé. La jouabilité à deux boutons est correcte, les commandes répondent bien, on a droit à la musique et aux bruitages ; le service minimum, en quelque sorte, mais cela reste assez proche de ce qu’on était en droit d’attendre.

Version NES
Kung Fu

Développeur : Nintendo Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo of Europe, GmbH
Date de sortie : 21 juin 1985 (Japon) – Octobre 1985 (États-Unis) – Décembre 1987 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Anglais, traduction française par Génération IX
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne patchée en français
Spécificités techniques : Cartouche de 320kb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Après avoir été sobrement renommé Kung Fu en débarquant sur NES pour des raisons que personne ne connaîtra jamais, Kung-Fu Master délivre une réalisation très honnête pour une console en début de vie. Certes, on aura très peu de chances d’être estomaqué par la qualité des graphismes, mais force est de reconnaître qu’on ne se situe pas non plus à des kilomètres de la version arcade – pas très impressionnante, elle non plus, mais la question n’est pas là. La jouabilité tire pleinement parti des deux boutons du pad de la console – et pour cause, c’est aussi le nombre de boutons de la version arcade. La musique est toujours présente, et les bruitages sont même de meilleure qualité que dans la version originale ! À noter également que le titre propose deux modes de jeu correspondant en fait à deux niveaux de difficulté (« A » pour le facile et « B » pour le difficile). En résumé : à peu près tout ce qu’on pouvait trouver dans la borne d’arcade, et même un peu plus, avec une réalisation à la hauteur.

NOTE FINALE : 12/20

Kung Fu sur NES délivre à n’en pas douter une expérience qui n’a aucune raison de rougir de la comparaison avec Kung-Fu Master sur arcade. Si la réalisation est, sans surprise, inférieure à celle de la version originale (sauf pour la partie sonore), les sensations en jeu sont quasiment inchangées, et la durée de vie est même légèrement supérieure. Bref, un très bon exemple de cette époque oubliée où c’était la 8 bits de Nintendo qui pouvait prétendre offrir l’expérience de l’arcade à domicile.

Version ZX Spectrum

Développeur : U.S. Gold Ltd.
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Août 1986
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Cursor, Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko
Possibilité de redéfinir les touches

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Tout le monde connait les limites techniques de la très populaire machine de Sinclair – qui aboutissait souvent à des portages extraordinairement fainéants et quasi-monochromes. On sera donc d’autant plus agréablement surpris de découvrir une version de Kung-Fu Master qui tire enfin parti des capacités du ZX Spectrum : l’écran-titre est convaincant, et le jeu en lui-même est assez coloré – et surtout, lisible. Pour ne rien gâcher, on a également un thème musical dans un style musique électronique qui a le bon goût d’accompagner la partie en lieu et place du silence de mort qui était trop souvent la norme. En revanche, on n’aurait vraiment rien dit pour se plaindre si l’interface ne mangeait pas un tiers de la fenêtre de jeu. Niveau jouabilité, on retrouve le même système que sur Commodore 64, avec un bouton permettant de passer du poing au pied et inversement. En revanche, il faut bien reconnaître que le timing des coups est particulièrement serré dans cette version, en particulier à cause d’une portée ridicule, et que le titre est à peu près aussi lent que sur Apple II. C’est réellement dommage, car cela contribue à rendre le programme inutilement punitif là où il était déjà largement assez difficile dans sa version originale.

NOTE FINALE : 09/20

Techniquement correct, Kung-Fu Master sur ZX Spectrum est hélas beaucoup plus critiquable dès l’instant où l’on se penche sur sa jouabilité ou sa difficulté. Le titre est devenu inutilement exigeant, en grande partie à cause d’une allonge ridicule qui vous oblige à frapper au dixième de seconde près et qui vous condamne pratiquement à vous faire toucher chaque fois que vous êtes pris en sandwich. C’est réellement dommage, car il y avait là matière à tenir un bon portage, mais on devra se contenter d’un beat-them-all très frustrant.

Version Amstrad CPC

Développeur : Choice Software
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Août 1986
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version cassette testée sur Amstrad CPC 464
Configuration minimale : Système : 464

Comme les autres machines 8 bits, le CPC aura également eu le droit à son portage de Kung-Fu Master. On remarque, une nouvelle fois, une certaine liberté artistique vis-à-vis de la version arcade, avec un très bel écran-titre, des décors assez fouillés, plus quelques petits détails qui tuent comme le fait que le héros arrive à l’intérieur du temple par le biais d’un ascenseur (on n’était pas au rez-de-chaussée, alors ?) et qu’il passe d’un étage à l’autre de la même façon. Le jeu ne souffre pas de la résolution limitée de la machine d’Amstrad, mais il faudra composer sans musique (les bruitages, eux, sont bien là par contre). Côté jouabilité, le titre marche directement dans les traces de la version Commodore 64 : il faut appuyer sur espace pour alterner entre les coups de poing et les coups de pied, même quand on joue au joystick, et le timing comme la portée des frappes restent assez proche de ceux de la version arcade. En revanche, les ennemis sont beaucoup moins nombreux, ce qui fait que le jeu est bien plus facile que dans les autres versions.

NOTE FINALE : 10,5/20

Bonne surprise que ce Kung-Fu Master sur CPC, qui tire intelligemment parti des capacités de la machine pour proposer une version colorée, travaillée et agréable à jouer. Le titre ne souffre pratiquement pas de la comparaison avec la version arcade, à un détail près : l’absence de musique. Mais une très bonne pioche au sein de la ludothèque de la machine d’Amstrad.

Version Arcade (PlayChoice-10)
Kung Fu

Développeur : Nintendo Co., Ltd.
Éditeur : Nintendo of America Inc.
Date de sortie : 1986
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un joystick et deux boutons
Version testée : Version américaine
Hardware : Nintendo PlayChoice-10
Processeurs : Zilog Z80 4MHz – Ricoh RP2A03G 1,789772MHz
Son : Haut-parleur – Ricoh RP2A03G 1,789772MHz – RP2A0X APU 1,789772MHz – 1 canal
Vidéo : 256 x 240 (H) 60Hz – 256 x 240 (H) 60Hz

Kung Fu aura fait partie de la cinquantaine de jeux NES à avoir été distribué dans les salles d’arcade via la fameuse offre PlayChoice-10, qui permettait de découvrir jusqu’à dix cartouches sur une même borne (d’où son nom) et où les crédits achetaient du temps de jeu. Sans surprise, on hérite donc d’une version exactement identique à celle qui était disponible à la vente au même moment, la seule nuance (en-dehors de la limite de temps) étant la présence d’un deuxième écran pour résumer le scénario du jeu et présenter les commandes. Bref, une version que je ne consigne ici que par souci d’exhaustivité.

NOTE FINALE : 12/20

Comme toujours, Kung Fu version PlayChoice-10 n’est rien d’autre que la cartouche NES originale à laquelle on a ajouté une limite de temps de jeu en fonction du nombre de crédits insérés. À peu près introuvable de nos jours hors émulation, mais hé, c’est le même jeu et il est toujours aussi sympathique.

Version Atari 2600

Développeur : Activision Publishing, Inc.
Éditeur : Activision Publishing, Inc.
Date de sortie : Septembre 1987
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick
Version testée : Version PAL
Spécificités techniques : Cartouche de 64kb

En 1987, L’Atari 2600 fêtait mine de rien ses dix ans – autant dire un siècle, dans le paysage vidéoludique des années 80. On sera d’autant plus surpris que Kung-Fu Master ait mis trois ans à débarquer sur la très populaire console d’Atari – les mystères des portages de l’époque. La petite 8 bits était alors déjà largement à la ramasse sur le plan technique, ne devant son salut qu’à son prix très abordable. Cela se sent en posant les yeux sur le jeu – qui figure malgré tout largement dans le haut du panier de ce qu’a pu proposer la machine. Le thème musical n’est joué que sous forme de jingle au lancement de la partie, quant aux graphismes, disons simplement qu’il faut aimer les gros carrés et les sprites très semblables – mais l’essentiel est là et bien là. Petite curiosité : la jouabilité au joystick vous interdit de frapper lorsque vous êtes debout et immobile, ce qui vous oblige à vous baisser ou à avancer pour avoir une chance d’atteindre vos adversaires. L’action est rapide, mais le tout demeure jouable et représente à n’en pas douter l’un des meilleurs beat-them-all de la ludothèque de la machine. Pas de quoi oublier la version NES, mais si vous cherchez un jeu qui n’ait pas trop mal vieilli sur Atari 2600, celui-ci est à essayer.

NOTE FINALE : 10/20

À une époque où l’Atari 2600 pouvait déjà être considérée comme un véritable brontosaure, Kung-Fu Master tire assez bien son épingle du jeu en offrant une version jouable et relativement fidèle de la borne d’arcade. Sans doute pas la version ultime, mais à l’échelle de la console d’Atari, c’est un titre qui figure clairement dans le haut du panier.

Version Atari 7800

Développeur : Imagineering Inc.
Éditeur : Absolute Entertainment, Inc.
Date de sortie : 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Joystick
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Cartouche de 256kb

L’Atari 7800 n’aura jamais été en mesure de se faire une place entre les deux colosses qu’étaient alors SEGA et Nintendo, et en posant les yeux sur ce portage (sorti tout de même cinq ans après l’original sur arcade), on comprend immédiatement pourquoi : à une époque où la Mega Drive était déjà disponible sur le marché japonais, cette version de Kung-Fu Master rivalise à peine avec celle sortie quatre ans auparavant sur NES. La résolution calamiteuse de la machine d’Atari y est pour beaucoup, même s’il faut reconnaître que cette adaptation a au moins le bon goût d’être un peu plus colorée que celle parue sur la machine de Nintendo. Même si on bénéficie enfin de la musique pendant toute la partie, la jouabilité n’est finalement rien d’autre qu’un calque de la version Atari 2600 – avec les mêmes défauts. Autant dire un portage qui aurait sans doute été bien mieux reçu s’il avait été disponible beaucoup, beaucoup plus tôt – mais à l’échelle d’un joueur du XXIe siècle, cela reste une version honnête.

NOTE FINALE : 10,5/20

Si, dans l’absolu, cette version de Kung-Fu Master fait plutôt partie du haut du panier, sa date de sortie extrêmement tardive l’aura rapidement condamnée à l’oubli, surtout en Europe (L’Atari 7800 aura attendu 1991 pour sortir en France!). On y retrouve globalement l’essentiel de la version arcade avec les faiblesses de la version Atari 2600, c’est à dire une version trop rapide pour être véritablement agréable à jouer.

Wanted! Monty Mole

Cette image provient du site https://www.mobygames.com/

Développeur : Peter Harrap
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Testé sur : ZX SpectrumCommodore 64
Disponible sur : Windows (version ZX Spectrum)
En vente sur : Steam.com (Windows)

La série Monty Mole (jusqu’à 2000) :

  1. Wanted! Monty Mole (1984)
  2. Monty on the Run (1985)
  3. Monty is Innocent (1985)
  4. Auf Wiedersehen Monty (1987)
  5. Impossamole (1990)

Version ZX Spectrum

Date de sortie : Août 1984
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Supports : Cassette, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, joysticks Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko

Vidéo – L’introduction du jeu :

1984. Au Royaume-Uni, le projet lancé par le National Coal Board, soutenu par le gouvernement de Margaret Thatcher, de fermer vingt mines de charbon déficitaires – en annonçant, cerise sur le gâteau, que ce ne serait qu’un début – déclenche une grève nationale de la part du National Union of Mineworker. Problème : cette grève n’est soutenue que par 40% des adhérents au puissant syndicat des mineurs. Ses dirigeants, notamment Arthur Scargill, décident donc de déclarer la grève sans passer par un vote, la rendant de facto illégale. Tombés en plein milieu du piège préparé par le gouvernement Thatcher, qui avait parfaitement anticipé la grève et organisé le stockage d’importants stocks de charbon à proximité des centrales d’énergie, les mineurs reprendront finalement le travail un an plus tard sans avoir rien obtenu, marquant ainsi la mort symbolique du mouvement ouvrier britannique.

Savoir si ce wagonnet est une plateforme ou un ennemi vous demandera d’être prêt à risquer un tiers de vos vies

Pourquoi vous raconter tout cela ? Eh bien figurez-vous que la même année, le jeune Peter Harrap, alors âgé de dix-neuf ans, se sent inspiré par le conflit social en cours, et décide de créer un jeu prenant pour héros une taupe, bien décidée à reprendre assez de charbon aux mineurs pour pouvoir passer l’hiver au chaud. Un jeu engagé sur le plan politique ? On devinera sans peine les orientations de Peter Harrap, manifestement pas franchement du côté des ouvriers sur ce coup-là, mais toujours est-il que le contexte qu’il aura choisi pour servir de cadre à son jeu de plateforme lui aura valu à l’époque une certaine renommée à l’échelle britannique. Croyez-le ou non, mais Wanted! Monty Mole a été le premier titre d’une série tout à fait florissante sur ordinateurs 8 bits et qui aura engendré pas moins de six jeux en autant d’années, avant de s’éteindre avec l’improbable Impossamole en 1990.

Le premier écran vous réservera une mauvaise surprise dès que vous aurez ramassé le seau de charbon

Cessons de nous préoccuper des opinions politiques de Peter Harrap pour nous pencher sur son jeu, qui bénéficia en son temps d’un certain succès d’estime – ce qui nous permettra de nous intéresser à une époque quelque peu oubliée : celle où « jeu de plateforme » n’était pas nécessairement associé à « Super Mario Bros ». En 1984, la NES n’existe pas (du moins, pas en Europe), sa future mascotte vient de changer de nom l’année précédente pour passer de Jumpman à Mario mais n’apparait pas encore dans le jeu qui va lui attirer une notoriété planétaire, et le monde vidéoludique commence à peine à panser les plaies du fameux crash de 1983. Dès lors, les bases du genre n’ayant pas encore été gravées dans le marbre, la question mérite d’être posée : à quoi ressemblait un jeu de plateforme avant Super Mario ?

N’espérez pas franchir un écran sans le connaître par cœur

L’écran-titre est déjà tout un programme : on y trouve, pèle-mêle, la taupe que vous allez incarner, le gremlin de la société éponyme… et un mineur peu affable qu’on imagine être une caricature de Scargill, le tout avec la Marche du Colonel Bogey en fond sonore (que tout le monde a déjà entendu sans nécessairement connaître son nom depuis Le Pont de la rivière Kwaï). Puis vous choisissez de jouer au clavier ou au joystick et vous voilà largué sur le premier écran du jeu.  Je dis « largué » à dessein : en effet, si l’objectif semble clairement d’aller chercher le seau de charbon qui vous fait face, rien ne vous interdit de faire demi-tour et de faire tout le jeu sans vous préoccuper aucunement de ramasser quoi que ce soit ; en revanche, n’espérez pas gagner de points en procédant de la sorte, le scoring restant une nouvelle fois la principale raison d’être du jeu.

Ces presses opportunément baptisées « crush » s’abattent de façon totalement aléatoire. Oui, c’est injuste.

Une première tentative pour aller chercher ce fameux seau vous permettra de réaliser que, si la jouabilité est un peu… datée, elle n’est pas franchement dépaysante. L’unique bouton du jeu vous permettra de sauter ; parcourir les 21 écrans du jeu ne vous demandera rien d’autre que d’éviter les pièges, les monstres, les chutes et autres presses pour aller, si possible, récupérer tout le charbon avant de parvenir à rentrer chez vous. Seule la gestion (inexistante) des pentes vous permettra de réaliser que la façon dont le programme prend en considération la hauteur de votre personnage est un peu spéciale, mais vous ne devriez pas rester dépaysés très longtemps. 21 écrans ? Cela semble très peu, mais il ne faut pas oublier que nous sommes en 1984, où « finir un jeu » est une phrase qui n’a pas grand sens, autant en tant que concept qu’à cause de la difficulté générale des titres de l’époque.

Monty ne survivra pas à une chute supérieure à sa taille, évitez donc de vous rater en faisant un saut

Et en ce qui concerne ce dernier point, croyez-moi, Monty Mole ne va pas vous décevoir. Tout d’abord, votre personnage meurt au premier contact. Un pixel de travers, et vous aurez le droit d’attendre que l’interminable mélodie accompagnant votre trépas touche à sa fin pour retenter votre chance. Sachant que vous n’avez que trois vies, aucun continue, et que lancer le jeu dans sa version cassette nécessitera un temps de chargement de plus de quatre minutes, vous allez rapidement comprendre pourquoi il était plus rare, à l’époque, de rencontrer des gens passant toutes leurs journées à jouer aux jeux vidéo. Ah, votre taupe ne survivra pas non plus à une chute un peu trop haute – cela peut se jouer au pixel près, et sachant que le jeu n’est pas exactement débugué, attendez-vous à quelques mauvaises surprises.

Il est possible de s’accrocher à ces tuyaux, encore faut-il le deviner

Dans le même ordre d’idée, le programme ne voit absolument aucun problème à faire apparaitre un ennemi très exactement à l’endroit où vous commencez un écran moins de deux secondes après votre arrivée : attendez-vous donc à laisser quasi-systématiquement une vie à chaque nouvel écran que vous ne connaissiez pas. Pour ne rien arranger, distinguer un bonus d’un adversaire est un procédé hautement aléatoire – aussi aléatoire, d’ailleurs, que le rythme auquel s’abattent les presses sous lesquelles vous devez passer, ce qui fait que l’habileté et la connaissance d’un écran ne suffiront de toute façon pas : il vous faudra également de la chance.

Descendez trop vite et vous êtes mort. Restez sur la corde et vous êtes mort. Ratez le saut et vous êtes mort. Et ce n’est que le début…

C’est d’ailleurs la vraie et impardonnable fausse note d’un titre qui assume autrement pleinement son côté die-and-retry, même si ce terme n’existait pas à l’époque. Finir un écran sans connaître son déroulement par cœur est une impossibilité. Et votre marge de manœuvre étant limitée à vos trois malheureuses vies, ils vont peut-être durer plus longtemps que vous ne l’imaginiez, ces 21 écrans ! Prenons un exemple : le tout début du jeu. Vous sautez par-dessus un précipice, évitez les noisettes lâchées par un écureuil, et vous allez récupérer le premier objectif de la partie : le seau de charbon. Après quoi, vous vous retournez et prenez une seconde pour anticiper la prochaine chute de noisette et le saut à venir… et vous mourez. Vous mourez parce que le jeu a fait apparaître de nulle part un mineur exactement à l’endroit où se trouvait le seau, et que vous n’aviez aucun moyen de le savoir avant que cela ne vous ait coûté une vie. Voilà l’essentiel du jeu : toutes proportions gardées, c’est un peu Super Meat Boy avec un bandeau sur les yeux, en moins jouable et avec seulement trois vies. Pour savoir, il faut mourir. Tout le temps.

Aller chercher le morceau de charbon en bas à gauche n’est que la moitié du plaisir : après, il faudra revenir…

Inutile de dire que cet aspect du titre est de très loin le plus daté – infiniment plus que la réalisation, qui n’a pas trop à rougir de son emploi du ZX Spectrum. Le titre est relativement jouable pour un jeu de 1984, mais il faudra composer avec le mystère et la frustration permanents de ne jamais rien savoir, pas même ce qui peut vous blesser, avant de l’avoir expérimenté en y laissant la peau. Les joueurs à la recherche de défi apprendront donc à recommencer une partie de zéro toutes les trente secondes, les nostalgiques se souviendront du nombre d’heures gaspillées à atteindre le message de fin (que je ne spoilerai pas, mais qui ne sonne pas exactement comme une victoire), et le joueur moderne pourra mesurer le long, très long chemin accompli par le jeu vidéo en plus de trente ans. En se demandant, probablement, qui pouvait être assez cinglé pour mettre de l’argent là-dedans à l’époque.

Vidéo – Une partie lambda :

NOTE FINALE : 09,5/20 Soyons honnête : au moment de sa sortie, Wanted! Monty Mole était très loin d'être un mauvais jeu – la relative renommée et la longévité de la saga qu'il a initiée en étant un témoignage assez parlant. En-dehors de son sous-texte politique que les joueurs actuels seront libres de prendre comme ils l'entendent, le titre souffre surtout de son antériorité au titre fondateur qu'a été Super Mario Bros : tout, du concept à la jouabilité en passant, bien sûr, par la réalisation, a énormément vieilli. Difficile d'y voir aujourd'hui davantage qu'un témoignage un peu poussiéreux et vaguement maladroit des années Thatcher, relief d'une époque où jouer à ce type de jeux plus de dix minutes d'affilée était une anomalie. Mais les amateurs de titres exigeants à l'ancienne s'étant frotté à tous les jeux des séries Mega Man, Castlevania et autres Ghosts'n Goblins devraient s'y essayer au moins une fois, pour bien se souvenir de ce qu'était le seuil d'exigence normal d'un jeu de plateforme au début des années 80. CE QUI A MAL VIEILLI : – Ce jeu est plus vieux que la NES, et ça se voit, et ça s'entend, et ça se ressent une fois le joystick ou le clavier en mains. – C'est très court, et c'est atrocement dur. Ah, les années 80... – On ne sait pas franchement à quoi servent les bonus, en-dehors du score, et le problème est qu'on meurt souvent faute de savoir distinguer un bonus d'un piège – Le message politique aura du mal à parler à quelqu'un ayant moins de quarante ans

Version Commodore 64

Développeur : Anthony Crowther
Éditeur : Gremlin Graphics Software Limited
Date de sortie : Décembre 1984
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cassette
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version cassette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Surprise ! En étant porté sur C64, Monty Mole a beaucoup changé. Pas seulement en terme de réalisation : si les graphismes sont certes un peu plus détaillés, la palette gris/vert/marron du jeu l’empêche d’être franchement supérieur au ZX Spectrum de ce côté-là. Et niveau musical, il faudra cette fois-ci se coltiner la Marche du Colonel Bogey pendant toute la partie… Mais en terme de contenu, en revanche, les choses n’ont plus grand chose à voir avec la version originale.

Premier écran… Ah, tout de suite, il se passe plus de choses ! Mais cette fois, le mineur ne va pas nous faire le coup de l’apparition mystère

Jugez plutôt : loin d’être divisé en écrans, le jeu est désormais doté d’un défilement. De petit panneaux numérotés vous indiquent dans quel ordre vous êtes censé progresser : les pièges sont plus nombreux, mais bien moins aléatoires (fini le quitte ou double à chaque presse hydraulique). Les adversaires ont perdu l’habitude d’apparaitre n’importe où (le mineur qui vous pourchasse lorsque vous prenez le seau de charbon est cette fois visible dès le début du jeu), et surtout, vous avez dorénavant une jauge de vie ! Oui, fini la mort au premier pixel de travers… l’inconvénient, en revanche, c’est que vous n’avez désormais qu’une seule et unique vie. Le jeu vous laisse l’occasion de remonter votre santé en mangeant des boites de vers de terre (logique, pour une taupe), et des boucliers sont également à votre disposition.

Anthony Crowther s’adresse directement à vous via le décor !

Et enfin, cette fois, les bonus sont clairement identifiés dès l’écran-titre ! Le jeu a également son lot de passages secrets, et fini de mourir en tombant de vingt centimètres, bref on a cogité un peu chez Gremlin Graphics, et ça a fait beaucoup de bien. N’allez pas penser pour autant que le jeu est devenu simple : on a vite fait de frôler un ennemi et de voir notre vie dégringoler – et certains sauts sont à la limite de l’impossible. Ceci dit, le sentiment de frustration et d’injustice qui prédominait sur ZX Spectrum met ici plus de temps à se manifester : le fait d’avoir enfin le droit à l’erreur fait immédiatement une grosse différence, et on prend dans l’ensemble bien plus de plaisir à jouer.

Toutes proportions gardées, il y a même une certaine variété dans les décors

NOTE FINALE : 11/20

Monty Mole n’a certainement pas fait un bond technique en passant sur Commodore 64. En revanche, le level design et la jouabilité ont été entièrement revus, et il faut avouer que ça fait du bien ! On se retrouve certes toujours avec un jeu aussi court que difficile (comptez dix minutes pour un run parfait), mais la frustration et la lassitude s’invitent nettement moins vite que sur ZX Spectrum, et le titre acquiert même parfois une légère dimension puzzle game en vous demandant de bien considérer comment franchir un obstacle. Si on ne sait pas toujours au premier coup d’œil ce qui nous blesse, on a cette fois le droit à plusieurs bonus pour nous aider à surmonter le challenge du jeu, et c’est nettement plus agréable.