Thunder Force V

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Développeur : Technosoft Co. Ltd.
Éditeur : Technosoft Co., Ltd.
Titres alternatifs : サンダーフォースV (graphie japonaise), Thunder Force V : Perfect System (PlayStation)
Testé sur : SaturnPlayStation
Disponible sur : PlayStation 3, PSP, PS Vita

La saga Thunder Force (jusqu’à 2000) :

  1. Thunder Force (1983)
  2. Thunder Force II (1988)
  3. Thunder Force III (1990)
  4. Thunder Force IV (1992)
  5. Thunder Force V (1997)

Version Saturn

Date de sortie : 11 juillet 1997 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais (menus), japonais (narration)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde des scores par mémoire interne ou BackUp RAM Cart

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le truc avec le succès, c’est qu’il a tendance à s’accompagner d’une certaine pression.

Chaque médaille ayant nécessairement son revers, côtoyer un peu trop régulièrement les hautes sphères de la réussite signifie également que vous serez attendu au tournant, et qu’un échec de votre part n’en sera que d’autant plus mal accueilli. Mine de rien et avec un peu de recul, Technosoft ne s’était peut-être pas rendu que des services en signant l’extraordinaire Thunder Force IV en 1992, car non contente d’avoir réalisé un des jeux les plus techniquement aboutis de toute l’histoire de la Mega Drive – au point de rivaliser avec certains des premiers titres de la Neo Geo, c’est dire ! – la firme japonaise venait également d’augmenter drastiquement le niveau exigence pour l’avenir de la saga.

Si Thunder Force V il y avait, il faudrait qu’il fasse encore mieux, et sur Mega Drive, cela paraissait pratiquement impossible. Autant dire que lorsque la Saturn débarqua enfin, n’importe quelle liste de gamer comprenait obligatoirement le prochain épisode de la série, et ce même si le genre du shoot-them-up – et surtout du shoot-them-up en 2D – était objectivement en perte de vitesse. Il aura quand même fallu attendre trois ans – autant dire trois siècle – pour que Thunder Force V montre enfin le bout de son nez… et, comme un cruel symbole des mutations abordées pendant la génération 32 bits, il n’aura même pas quitté le Japon. Un signal plutôt inquiétant, mais qu’on pouvait peut-être également attribuer à une machine qui ne marchait pas très fort hors du Japon, elle non plus. Alors la question était là, en suspens, lancinante : Thunder Force V était-il oui ou non cette suite qu’on avait tant espérée, cinq ans après un épisode qui demeure comme un monument du genre ?

Il est temps de revenir aux fondamentaux !

Une chose est sûre : ce n’est déjà pas du côté du scénario qu’on ira chercher une éventuelle révolution. Allons donc à l’essentiel : au début du XXIIe siècle, une sonde terrienne aura déniché, au sein du nuage d’Oort, un appareil inconnu baptisé « Vasteel » et dont la technologie se sera révélée si avancée qu’elle aura conduit à un bond technologique dans les deux décennies à suivre.

Pour l’étudier, un super-ordinateur surnommé « Gardien » aura été construit sur une gigantesque île artificielle nommée « Babel » (vous sentez déjà les ennuis arriver, à ce stade ?). Comme vous vous en doutez, Gardien finit par devenir autonome et par déclarer la guerre au Gouvernement du Monde Unifié, ce qui aboutit au massacre d’un tiers de la population du globe. Devinez quoi, il ne reste alors plus aux forces terriennes qu’à parvenir à produire un clone parfait du Vasteel original, le RVR-01 Gauntlet, et de vous en confier les commandes pour aller détruire Gardien une bonne fois pour toutes. Ça tombe bien, c’est pour ça que vous avez signé, il va donc être temps de vérifier que Technosoft était toujours aussi doué.

Les environnements sont variés, mais on reste toujours dans les mêmes délires mécanico-futuristes

À un heure où la 3D avait clairement et définitivement gagné à peu près toutes les guerres-éclairs qu’elle avait menées depuis l’essor de la génération 32 bits, on sera surpris de voir Thunder Force V prendre la forme… d’un shoot-them-up à défilement horizontal totalement classique dans sa structure comme dans son gameplay. Là où un titre comme Panzer Dragoon avait révélé des possibilités réjouissantes dans la forme comme dans le fond, le titre de Technosoft choisit donc, lui, de rester dans le moule des deux précédents épisodes : un bouton pour tirer, un bouton pour régler votre vitesse et un autre pour choisir votre arme, et vous voilà prêt à jouer.

Si cela pourra surprendre, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose – on se souviendra, après tout, que la 3D aura également causé bien des dégâts en cherchant à enrichir (et par extension à complexifier) des mécanismes dont la principale force était Le Free Range est beaucoup trop puissantprécisément leur simplicité et leur accessibilité. Ce n’est donc clairement pas de ce côté qu’il faudra chercher l’ambition du titre – ni, et c’est déjà plus décevant, du côté de son contenu : un seul mode de jeu, pas de multijoueur, trois modes de difficulté et seulement six niveaux au total ; en 1997, cela commençait à apparaître comme franchement chiche, surtout à une époque où les jeux vidéo avaient plutôt tendance à revoir leur durée de vie dramatiquement à la hausse. On choisit donc l’ordre des trois premiers stages (une tradition de la saga depuis Thunder Force III), et on lance la partie en espérant retrouver ce frisson d’adrénaline qu’on avait ressenti en découvrant le quatrième épisode cinq années plus tôt.

C’est joli, mais ça n’a clairement pas le charme du pixel art

Le système d’armement du jeu sent une nouvelle fois l’hommage, pour ne pas dire le réchauffé : vous retrouverez donc les satellites CRAWS (qui, cette fois, seront à collecter un à un jusqu’à un maximum de trois), et le tir arrière et le Hunter à tête chercheuse sont toujours de la partie sans altération notable. Le Wave, pour sa part, est devenu un peu différent : c’est désormais un tir assez faible mais qui a l’avantage de couvrir une large zone et surtout d’atteindre les cibles sans avoir à se soucier des obstacles placés entre vous et elles.

Le Free Range, enfin, est sans doute à la fois le tir le plus puissant et le plus déstabilisant : il consiste a déplacer une ligne de tir qui ne fera donc feu que sur les ennemis qu’elle englobe – mais qui le fera en les ciblant automatiquement, et surtout en effectuant des dégâts monstrueux qui ont en plus le bon goût d’augmenter en fonction de votre proximité avec lesdits ennemis ! On sent donc d’entrée de jeu un certain déséquilibre (on peut largement faire tout le jeu au Free Range sans jamais changer de tir) largement imputable au fait que les tirs les plus « stratégiques » (le Free Way ou le Snake, notamment), ne soient plus de la partie, et qu’il n’y ait plus de charge non plus. Bref, on attendait des surprises, on ne peut pas dire qu’on en trouve, et pour ce qui est des nouveautés, ça ne se bouscule pas au portillon non plus. On en notera néanmoins une, et de taille : l’ajout d’un mode « Over » pour chaque arme. Ce tir est souvent, comme son nom l’indique, beaucoup plus puissant que le tir de base, mais il vide des réserves contenues dans les CRAWS, lesquelles ne se rechargent que lorsque le vaisseau ne tire pas. Un petit aspect stratégique bienvenu qui peut avoir des effets dramatiques, surtout lorsque l’on est bien équipé – rien de renversant, mais on prend. Ceci dit, Thunder Force IV pouvait difficilement être considéré comme un titre à la jouabilité « technique » ; on était quand même avant tout venu chercher du bon gros shooter qui tache et qui en mette plein les mirettes, alors est-ce que la mission aura au moins été remplie à ce niveau-là ?

Technosoft ne maîtrisait visiblement pas les effets de transparence sur Saturn

Autant le dire : même s’il est difficile de donner une réponse objective à cette question, la plupart des joueurs seront d’accord pour dire que la 3D du milieu des années 90 a plutôt plus mal vieilli que le pixel art de la première moitié. Traduit en clair, si on peut encore considérer Thunder Force IV comme un des pinacles de la 2D, Thunder Force V hurle immédiatement son âge à grands coups de polygones taillés au burin, de textures baveuses et de fonds qui se veulent photoréalistes mais où l’on voit tous les pixels. Ce n’est pas que ce soit moche, d’autant que les décors ont le bon goût d’être très varié au sein d’un même niveau, c’est juste que ça ne reproduit jamais la claque qu’avait pu représenter l’opus précédent, et que ça ne parvient surtout pas à se hisser au niveau de… Panzer Dragoon, encore une fois, qui était pourtant sorti deux ans plus tôt, et encore moins à celui de Panzer Dragoon II : Zwei.

Voyons le bon côté des choses : l’action est très nerveuse (et bien soutenue par une musique pêchue qui emprunte un peu trop, une fois encore, aux thèmes des précédents épisodes), il se passe toujours quelque chose à l’écran, et il n’y a pas l’once d’un ralentissement de toute la partie. Par contre, il est clair qu’on n’est absolument jamais impressionné par la réalisation du jeu et que les gros modèles en 3D pataude font aujourd’hui plutôt pâle figure à côté des superbes sprites bourrés de détails de l’ère 16 bits. On espérait franchir une étape, et on a plutôt l’impression d’avoir laissé des choses en routes. Et bon sang, même avec un système de score pour encourager à s’y replonger, six niveaux, ce n’est pas assez, c’est à peine autant que le troisième épisode, et on ne peut pas dire qu’ils soient longs ou dépaysants sur un quelconque plan. On n’aura même pas droit aux classique du genre « affronter un vaisseau géant de plusieurs écrans », tout simplement parce que c’était vraisemblablement trop gourmand en termes de ressources processeur. Ça picote quand même un peu, on ne va pas se mentir. Surtout quand on constate que la 3D présente manque, elle, souvent de lisibilité, vous interdisant parfois de déceler rapidement si un ennemi se situe sur le même plan que vous. Énervant…

Les boss sont clairement l’attraction principale du jeu

Une fois écartée la déception de la claque technique et artistique avortée, on découvre heureusement que le gameplay est resté aussi fun qu’il est accessible, et qu’on s’amuse rapidement – à défaut d’être surpris ou estomaqué. La difficulté du jeu, basée sur la mémorisation de l’apparition des ennemis et des quelques patterns des boss, évoque davantage le troisième épisode que le quatrième – tout comme la durée du jeu et l’ambition générale.

En fait, c’est surtout là que le bât blesse : le titre s’appelle Thunder Force, il le hurle à chaque seconde, mais au lieu que cela se traduise par un monument qui soit un monstre d’efficacité, on a l’impression de découvrir un bon petit jeu développé par une petite équipe et qui puisse nous occuper les doigts une heure ou deux avant de retourner jouer à quelque chose de plus consistant. Rien de catastrophique, juste un retour dans le rang qui laisse un petit goût vaguement amer dans la bouche, juste parce que quand on se demandait « mais comment parviendront-il à faire mieux ? », on fond, on espérait une autre réponse que « il n’y parviendront pas ».

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 La question hantait une partie des esprits, mais elle était légitime : après avoir entraîné le shoot-them-up en 2D dans les plus hautes sphères via une maîtrise rarement atteinte du hardware de la Mega Drive, Technosoft allait-il accomplir le même exploit avec la Saturn ? La réponse est hélas négative : sans aucune évolution dans le gameplay et avec une réalisation en 3D qui non seulement ne fera plus rêver personne aujourd'hui mais gêne la lisibilité plutôt qu'autre chose, Thunder Force V fait indéniablement l'effet d'un retour en arrière, et ne peut jamais prétendre à aller chatouiller des titres aussi iconiques que Panzer Dragoon – ou même que son prédécesseur immédiat, l'excellent Thunder Force IV. Reste un jeu sympathique, défoulant et bourré d'action, mais atrocement convenu, prévisible, trop court et pas à moitié aussi impressionnant qu'il le voudrait - et qu'on espérait qu'il le serait. De quoi se changer les idées une heure ou deux, ce qui n'est déjà pas si mal, mais assurément pas de quoi frapper les esprits et maintenir la saga au niveau stratosphérique où les deux précédents épisodes l'avaient amenée.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une 3D nettement moins impressionnante que le pixel art des précédents épisodes... – ...et qui a surtout le tort de rendre parfois l'action inutilement confuse – Six niveaux, c'est peu – Toujours pas de mode deux joueurs

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Thunder Force V sur un écran cathodique :

Version PlayStation
Thunder Force V : Perfect System

Développeur : Technosoft Co., Ltd.
Éditeurs : SPAZ – Working Designs
Date de sortie : 21 mai 1998 (Japon) – 25 septembre 1998 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Avec un épisode sur Saturn au succès déjà suffisamment confidentiel pour rester cantonné au Japon, on peut comprendre que Technosoft, au moment de distribuer son jeu à l’international (enfin, en l’occurrence, aux États-Unis, où le succès n’a pas dû être mirobolant non plus puisque le jeu ne sera jamais arrivé en Europe…), ait décidé de le porter sur LA machine qui faisait un tabac planétaire, à savoir la PlayStation. Histoire de ne pas débarquer avec l’aura d’un simple portage depuis une machine réputée moins puissante, le titre se sera vu rajouter le sous-titre Perfect System et aura bénéficié d’une série d’ajouts plus ou moins sensibles, comme des galeries d’images ou un mode Time Trial à débloquer, et même un nouveau boss final.

Graphiquement, rien de révolutionnaire…

Tant qu’à faire, on n’aurait sans doute pas craché sur un ou deux niveaux en plus, mais on aurait tort de renâcler devant un peu de contenu supplémentaire. Du côté de la réalisation, la PlayStation avait beau s’en sortir généralement mieux que la Saturn, on ne peut pas dire qu’on sente un bond du côté des graphismes – non seulement les décors de fond en 2D sont plutôt plus pixelisés, mais on perd même en détails sur plusieurs passages en 3D, et si les effets de transparence abandonnent cette fois le dithering et son effet de damier désagréable, c’est parce qu’ils ont purement et simplement disparu ! En revanche, ça tourne comme un charme et avec une fluidité encore plus remarquable que sur la console de SEGA, et l’action m’est apparue comme un peu plus lisible. Bref, c’est plutôt du côté du contenu qu’on sera heureux de découvrir cette version, même si tous les Time Trial du monde ne compenseront pas la relative brièveté de l’expérience – et que, tant qu’à faire, on n’en aurait vraiment pas voulu à la machine de Sony de placer la réalisation technique encore un cran plus haut.

NOTE FINALE : 15,5/20

En débarquant sur PlayStation, Thunder Force : Perfect System aura eu la bonne idée d’arriver escorté d’un peu de contenu supplémentaire qui aidera à rallonger un peu la durée de vie du jeu mais sans que la réalisation graphique profite des mêmes largesses – elle est même plutôt inférieure. Pas de quoi tout plaquer pour découvrir cette version, mais au moins a-t-elle eu l’avantage de quitter le Japon, elle.

Dungeon Keeper

Développeur : Bullfrog Productions, Ltd.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre alternatif : 地城守護者 (Chine)
Testé sur : PC (DOS)PC (Windows 9x)
L’extension du jeu : The Deeper Dungeons
Disponible sur : Windows, MAC OS X (version PC)
En vente sur : Gog.com, (Windows)

La série Dungeon Keeper (jusqu’à 2000) :

  1. Dungeon Keeper (1997)
  2. Dungeon Keeper 2 (1999)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Juin 1997
Nombre de joueurs : 1 à 4 (via IPX, réseau local, modem ou câble null-modem)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), néerlandais, polonais, suédois
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée (Gold) émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 – OS : MS-DOS 6.2 – RAM : 8Mo* – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s) – MSCDEX : 2.21
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA (640×400), VGA (320×200)
Cartes sonores supportées : Ensoniq Soundscape, ESS AudioDrive, Gravis UltraSound/ACE, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Roland RAP-10, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32
*16Mo requis pour la version haute résolution

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Qui se souvient de l’époque où Peter Molyneux faisait encore de bons jeux ? Je sais que la chose doit paraître inimaginable pour les moins de vingt ans, mais il fut une période où, lorsque le créateur britannique prenait la parole, on l’écoutait avec une grande attention en attendant de savoir quelle idée géniale allait bien pouvoir sortir de son cerveau en ébullition pour être lâchée sur le monde par l’entremise d’un studio qui changeait tout ce qu’il touchait en or.

Comme le temps passe vite… Toujours est-il que, dès les premières annonces, le concept de Dungeon Keeper faisait déjà saliver les joueurs. Les glorieux anciens disent souvent que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ; Molyneux et son équipe, eux, auront eu l’idée de renverser le pot en question. Incarner un groupe d’aventuriers s’enfonçant dans un donjon était un poncif bien établi dans l’univers du jeu de rôle, au point qu’on n’y pensait même plus. Mais imaginez à présent que le grand méchant tapi au fond du repère maléfique, le seigneur des ténèbres, le Lord Chaos, ce soit VOUS ?

L’idée, déconcertante sur le papier, est pourtant plus rationnelle qu’il n’y parait. Après tout, puisque les titres de l’époque vous avaient déjà proposé de gérer une compagnie de chemin de fer, une ville ou même un parc d’attraction, pourquoi ne pas pousser le concept un peu plus loin en vous amenant à gérer un donjon comme on l’aurait fait de n’importe quelle entreprise ? À une nuance de taille près, toutefois : ici, votre objectif ne sera pas le profit, mais bel et bien l’accomplissement de votre démarche maléfique de conquête du monde. C’est vrai, quoi, vous n’êtes pas juste un banquier ou un exploiteur ordinaire : vous êtes le mètre-étalon de la méchanceté, celui-là même qui va motiver les aventuriers vertueux ou simplement cupides à venir le bouter hors de son antre, alors autant en profiter pour que cela se traduise dans les mécanismes une fois en jeu !

Mais comment démarre-t-on son activité de maître de donjon, au juste ? Le titre de Bullfrog propose une campagne qui vous enverra conquérir une vingtaine de royaumes affreusement vertueux et bien trop paisibles, d’ailleurs introduits par un narrateur démoniaque très bien doublé, en VO comme en VF, et dont les présentations devraient parfois vous arracher quelques sourires – car le jeu, vous le constaterez assez vite, a la bonne idée de ne pas trop se prendre au sérieux.

Une fois le niveau lancé, vous commencerez sous terre, là où se déroulera l’intégralité du jeu (pas de donjon en surface, désolé), généralement avec une seule et unique pièce qui représentera le « cœur » de votre nouveau royaume, au propre comme au figuré. Que des aventuriers – ou les troupes d’un maître de donjon adverse – parviennent à détruire ce cœur, et ce sera alors la fin de votre règne. Comme vous n’irez sans doute pas loin avec une seule pièce, il va être temps d’envoyer vos larbins creuser des galeries et ramasser de l’or histoire de commencer à dessiner vos premières salles et à attirer vos premiers monstres.

En effet, malgré votre statut démoniaque, vous ne « produisez » pas d’unités : comme tout bon (ou mauvais) employeur, il vous revient des les attirer dans votre domaine et de leur donner une bonne raison de rester. Il leur faudra donc un antre pour installer leurs quartiers, et un couvoir rempli d’innocents poussins pour leur servir de nourriture – soit la base pour espérer voir débarquer une créature depuis un des portails reliant votre royaume à la surface et qu’il vous faudra aller capturer.

Mais naturellement, selon leur nature et leurs affinités, la grande majorité des monstres ne daigneront venir dans votre donjon que lorsque vous proposerez des services aptes à les contenter : une salle d’entraînement où ils pourront gagner en puissance, un atelier où ils sauront occuper leurs mains en bâtissant des pièges ou des portes blindées pour protéger votre repaire, une bibliothèque où les sorciers et les dragons conduiront les recherches vous permettant de découvrir de nouvelles salles ou de nouveaux sortilèges… Et quitte à venir vous servir de main d’œuvre, ils attendront bien évidemment que les payiez pour cela, et ne manqueront pas d’être sensibles à quelques efforts de décoration, comme celui de laisser vos larbins renforcer vos murs lors de leurs (rares) périodes d’inactivité.

Mais n’oubliez pas que les monstres ne sont pas franchement des créatures sociables par nature, et qu’il vaudra mieux garder un œil sur eux si vous voulez que leur cohabitation se fasse sans heurts : évitez, par exemple, de laisser une araignée géante s’installer à côté d’une mouche… Les créatures les plus puissantes, comme le redoutable démon cornu, nécessiteront ainsi un soin particulier – quitte à les installer dans une partie du donjon qui leur sera réservée. En cas de tension, rien ne vous interdira d’intervenir en saisissant les belligérants de votre énorme main pour aller les déposer un peu plus loin, voire de distribuer quelques baffes pour calmer les ardeurs ou motiver les flemmards, mais n’en abusez pas trop : si certains monstres ont des pulsions masochistes assumées qui les feront aller en salle de torture pour se distraire, la plupart ne vivront pas bien le fait de se faire frapper à répétition et pourraient bien décider de vous laisser en plan si vous abusez de la force brute.

Si chaque niveau propose ses propres objectifs, il s’agira le plus souvent de faire face à l’opposition naturelle au maître de donjon : les aventuriers. Ceux-ci débarqueront généralement sans y avoir été invités, et il vous appartiendra de vous défendre d’une manière qui ne fera hélas que rarement appel à la stratégie : le plus souvent, larguer tous vos monstres sur les lieux d’un affrontement et laisser la situation (un brin chaotique) se régler toute seule en essayant de lancer quelques sorts pour faire pencher la balance sera le meilleur moyen de remporter la victoire – à condition, naturellement, d’avoir suffisamment bien géré votre donjon pour avoir des créatures puissantes et bien entraînées sous vos ordres.

Il arrive également de devoir composer avec un donjon adverse, avec des pièges et autres joyeusetés qui vous obligeront à faire preuve d’un peu de microgestion pour éviter de voir vos larbins se faire tuer un à un en cherchant à capturer un territoire ardemment défendu. Le boss final du jeu sera d’ailleurs incarné par le héros de ce qui était alors la plus grande série de jeu de rôle de l’époque : l’Avatar, qui arborera pour le coup l’apparence qui était la sienne dans Ultima VIII. Vous pourrez vous contenter de botter le train de tout ce petit monde, ou bien tenter des approches un peu plus subtiles, comme faire des prisonniers avant des les torturer pour les forcer à travailler pour vous. Et si vous avez la main un peu lourde, bah, au pire ils reviendront vous servir sous la forme de squelettes… On notera également quelques niveaux « bonus » faisant office de puzzles, où il faudra s’efforcer de maintenir quelques créatures en vie sans gérer une base. Quelques coffres secrets pourront également venir récompenser les joueurs qui prendront la peine d’explorer les différentes cartes, certains vous permettant de faire monter vos créatures de niveau voire d’en transférer au royaume suivant.

Au rang des possibilités du titre, citons également un mode multijoueur permettant à quatre humains de s’écharper dans la joie et la bonne humeur (impossible de jouer contre des IA, hélas), et d’autres petites trouvailles plus ou moins utiles, comme la possibilité de « posséder » un monstre pour le contrôler et voir le donjon à travers ses yeux – ce qui n’apporte pas encore grand chose en terme de gameplay, mais était un gros plus en terme d’immersion à l’époque de la sortie du jeu.

La réalisation de Dungeon Keeper a d’ailleurs plutôt bien vieilli en dépit de la faible résolution (qu’il est possible de doubler, au passage, en faisant Alt+R une fois en jeu) : votre donjon bénéficie de lumières dynamiques et d’ombres pré-rendues du plus bel effet, vous pourrez voir vos créatures grossir en fonction de leur niveau, chaque action est animée, parfois avec humour, et même si les mécanismes peinent un peu à se renouveler sur la durée, chaque niveau est suffisamment intéressant pour vous donner l’envie de mener l’aventure jusqu’à son terme. L’expérience n’est pas toujours aussi dépaysante qu’on aurait pu le penser – qui aurait cru qu’un donjon était finalement une entreprise (presque) comme les autres ? – mais le fait est que le tout reste suffisamment prenant et original pour qu’on s’y remette, aujourd’hui encore, avec grand plaisir.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 17/20 En dépit de son statut quasi-culte, Dungeon Keeper est, au fond, un jeu de gestion qui n'aura pas révolutionné grand chose en termes de mécanismes de jeu. Seulement voilà, avoir l'idée de vous faire endosser, pour une fois, le costume du grand méchant en vous plaçant dans le siège du maître de donjon fait une grosse différence, et on se surprend à bichonner nos monstres et nos larbins avec la même attention qu'on le faisait auparavant pour nos héros. Si la construction et l'entretien de son antre est finalement assez simple, le fait de composer avec des ressources limitées, avec des pièges et avec des combats aide à créer de nouveaux défis pour chaque niveau, et le multijoueur ajoute une cerise très appétissante au sommet d'un gâteau déjà copieux. Un bon exemple de jeu qu'on a sans doute un peu idéalisé avec le temps, mais qu'on relance toujours avec plaisir. CE QUI A MAL VIEILLI : – Aspect gestion assez basique – Combats confus – Un peu redondant sur la durée – On en veut toujours plus !

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dungeon Keeper sur un écran cathodique :

Dungeon Keeper : The Deeper Dungeons

Date de sortie : Novembre 1997
Nombre de joueurs : 1 à 4 (via IPX, réseau local ou câble null-modem)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français, néerlandais, polonais, suédois
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée (Gold) émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80486 – OS : MS-DOS 6.2, Windows 95 – RAM : 8Mo (sous MS-DOS)*, 16Mo (sous Windows 95) – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s) – MSCDEX : 2.21
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA, VGA
Cartes sonores supportées : Ensoniq Soundscape, ESS AudioDrive, Gravis UltraSound/ACE, Microsoft Sound System, Pro Audio Spectrum, Roland RAP-10, Sound Blaster/Pro/16/AWE 32
*16Mo requis pour le mode haute résolution

Comme on pouvait s’y attendre vu le succès du jeu, Dungeon Keeper aura rapidement bénéficié d’une extension – si rapidement, en fait, qu’on peut avoir l’impression qu’il s’agissait plus de surfer sur l’engouement qui entourait le titre plutôt que de réellement réfléchir à la meilleure manière de proposer du contenu en plus. Au menu ? Quinze nouveaux niveaux solo, quinze nouvelles cartes multijoueurs. Il n’y a toujours pas de mode escarmouche permettant d’affronter l’ordinateur sur des cartes multijoueurs, aucune nouvelle salle, aucun nouveau monstre. Même l’habillage est minimal : on choisit les niveaux par le biais d’un simple menu, il n’y a plus de présentation parlée, et le jeu par modem est passé à la trappe. Si le moteur est un peu plus beau, l’IA un peu meilleure et le jeu globalement plus difficile, il faut bien reconnaître que le contenu est suffisamment chiche en termes de nouveautés pour qu’on puisse hésiter à mettre la main au portefeuille – la question ne se pose de toute façon plus, l’extension étant vendue par défaut avec le titre de base sur les rares sites proposant le jeu à la vente. Autant dire un bon moyen de prolonger le plaisir – mais bon sang, un peu d’ambition n’aurait tué personne.

Version PC (Windows 9x)

Développeurs : Bullfrog Productions Ltd., RAD Game Tools, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Date de sortie : Juin 1997
Nombre de joueurs : 1 à 4 (via IPX, réseau local, modem ou câble null-modem)
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français (version française intégrale), néerlandais, polonais, suédois
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée (Gold) émulée sous PCem
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 16Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 4X (600ko/s)
Modes graphiques supportés : Résolution : 640×480 – API : DirectX 3.0a – RAM vidéo : 1Mo

Comme on pouvait s’y attendre avec un jeu paru en 1997, Dungeon Keeper aura également bénéficié d’une version Windows 95 – et disponible sur le même CD que la version DOS. La seule chose qui me paraisse valoir la peine de la mentionner dans un test à part entière est surtout la diffusion, peu après la sortie du jeu, d’un patch Direct3D qui permettait au titre de tirer profit des cartes graphiques de l’époque – de toutes les cartes graphiques de l’époque, ce qui n’était pas si évident si l’on se souvient de la domination de la librairie Glide qui équipait alors les cartes 3DFX. Cet ajout permettait au jeu de tourner en haute résolution (un peu plus élevée que sur la version originale : 640×480 contre 640×400) avec des textures lissées – et un processeur largement soulagé dans la manœuvre, cela va de soi. En revanche, tous les effets graphiques employés lors des phases de possession ont disparu, ce qui peut être vu comme un avantage tant ces effets rendaient cette fonction inintéressante d’une simple point de vue ludique Malheureusement, l’API Direct3D a depuis beaucoup évolué – tout comme les différentes versions de Windows – et faire fonctionner ce patch est aujourd’hui une telle gageure que la plupart des plateformes de vente en ligne se contentent de proposer le jeu dans sa version DOS en basse résolution. Cependant, les plus débrouillards (c’est à dire ceux sachant utiliser une machine virtuelle) où ceux disposant encore d’une configuration d’origine auront au moins le plaisir de bénéficier d’une version plus lisible, plus fluide et un peu moins pixelisée, ce qui ne se refuse pas.

NOTE FINALE : 17/20

Quitte à profiter des petits bonus permis par la reconnaissance des cartes accélératrices 3D – la meilleure fluidité ou le filtrage bilinéaire n’étant pas les moindres – cette version Direct3D du jeu est indéniablement plus plaisante à l’œil que la version DOS originale. N’allez cependant pas vous esquinter la santé à tenter de vous la procurer si vous n’avez pas le matériel ou les connaissances en émulation pour la faire tourner.