Phantasy Star II

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : Phantasy Star II : 帰らざる時の終わりに (Phantasy Star II : Kaerazaru Toki no Owari ni, Japon)
Titres alternatifs : 梦幻之星2 (Chine), 환타지 스타 2 (Corée), Phantasy Star II Classic (Android, iOS)
Testé sur : Mega DriveSaturn
Disponible sur : Android, Game Boy Advance, iPad, iPhone, Linux, Macintosh, PlayStation 3, Windows, Xbox 360
Présent au sein des compilations :

  • Phantasy Star Collection (1998 – Saturn)
  • Sega Ages 2500 : Vol.32 – Phantasy Star : Complete Collection (2008 – PlayStation 2, PlayStation 3)

Présent au sein de la ludothèque intégrée à la Mega Drive Mini 2
En vente sur : Steam.com (Windows)

La série Phantasy Star (jusqu’à 2000) :

  1. Phantasy Star (1987)
  2. Phantasy Star II (1989)
  3. Phantasy Star II Text Adventure : Amia no Bōken (1990)
  4. Phantasy Star II Text Adventure : Kinds no Bōken (1990)
  5. Phantasy Star II Text Adventure : Shilka no Bōken (1990)
  6. Phantasy Star III : Generations of Doom (1990)
  7. Phantasy Star II Text Adventure : Anne no Bōken (1991)
  8. Phantasy Star II Text Adventure : Huey no Bōken (1991)
  9. Phantasy Star II Text Adventure : Nei no Bōken (1991)
  10. Phantasy Star II Text Adventure : Rudger no Bōken (1991)
  11. Phantasy Star II Text Adventure : Yushi no Bōken (1991)
  12. Phantasy Star Adventure (1992)
  13. Phantasy Star Gaiden (1992)
  14. Phantasy Star IV (1993)
  15. Phantasy Star Online (2000)

Version Mega Drive

Date de sortie : 21 mars 1989 (Japon) – Janvier 1990 (États-Unis) – 1991 (Europe) – Mars 1996 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Player Time et Alucard73
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 6Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme on aura déjà eu l’occasion de le détailler dans ces pages, en octobre 1988, la Mega Drive avait cruellement raté son lancement japonais. Loin de déplacer les foules, plus occupées à se jeter sur un Super Mario Bros. 3 paru trois semaines plus tôt, la prometteuse machine n’avait pour line-up que des titres médiocres à la durée de vie rachitique qui peinaient à démontrer les capacités de la console face à la NES et surtout face à la PC Engine.

La période de Noël s’étant révélée tout aussi catastrophique, l’année 1989 allait être celle de tous les défis pour SEGA, qui devait s’atteler en prélude au lancement américain à fournir à la 16 bits ce qui lui manquait alors dramatiquement : des jeux qui donnent envie de l’acheter. L’occasion de continuer de s’appuyer sur les licences qui avaient marché dans les salles d’arcade, bien sûr, mais aussi d’aller prolonger celles (trop rares, hélas) qui avaient raflé tous les suffrages sur Master System. Du côté des jeux de rôle, genre devenu majeur au Japon au moins depuis le succès de Dragon Quest, le constat était simple : s’il existait un nom, un titre qui ait fait briller les yeux de tous les joueurs de chez SEGA, c’était bien l’excellent Phantasy Star. Dès lors, la suite logique apparut rapidement comme une évidence : la Mega Drive avait besoin d’un Phantasy Star II qui lui soit exclusif, et ce titre devait placer la barre au moins aussi haut que son prédécesseur. Une mission difficile, surtout sur une console en début de vie, mais un défi qui s’annonçait passionnant.

L’histoire de cette suite se situe dans le même univers que le premier opus, à savoir le système solaire d’Algol et ses trois planètes, mais un millénaire plus tard, à une époque où les colonies spatiales sont dirigées par un cerveau central informatique nommé… « Mother Brain » (j’aurais pas déjà entendu ça ailleurs ?).

Sur la planète Motavia, un jeune ingénieur nommé Rolf a un rêve récurrent à propos d’une jeune guerrière opposée à une force maléfique – et justement, il est envoyé en mission pour enquêter sur un dysfonctionnement de Mother Brain, qui semble désormais échouer à réguler le climat et la faune comme il est censé le faire. Il se met alors en route, accompagné de la jeune Nei, étrange hybride mi-humain, mi-monstre qu’il a secouru sept mois plus tôt et qu’il a juré de protéger depuis… Une quête que vous allez bien évidemment mener à leurs côtés et qui, on s’en doute, va vous emmener beaucoup plus loin que le laboratoire où on vous envoie faire vos recherches.

Vous démarrez donc votre aventure dans un univers à la fois très familier et très différent de celui du premier épisode – un bon moyen de concilier à la fois les fans invétérés du premier opus et les nouveaux venus qui devraient pouvoir profiter de l’épopée sans déceler les dizaines de références à Phantasy Star.

Le système de jeu n’a que peu changé, et reste très largement fidèle à celui initié par Dragon Quest : un groupe pouvant contenir jusqu’à quatre personnages, des combats au tour par tour où vous pourrez sélectionner un groupe de monstres mais jamais une unité au sein de ce groupe, des techniques faisant office de magie, un équipement à gérer, de multiples objets de soin… Le joueur débarquant tout juste de son expérience sur Master System notera néanmoins quelques différences palpables, la première étant que le titre assume désormais plus ouvertement son aspect science-fiction. Ainsi, il n’y a plus d’églises, mais des centres de clonage qui serviront à ressusciter vos personnages, les donjons prendront la forme d’environnements futuristes en lieu et place des éternels couloirs en pierre, toutes les villes disposent d’un téléporteur capable de vous emmener vers les autres cités, vous avez saisi l’idée. Surtout, le titre a profité de son arrivée sur Mega Drive pour apporter un certain nombre de modifications au système de jeu, certaines assez évidentes et d’autres… un peu plus surprenantes.

Tout d’abord, la réalisation tire bien évidemment avantage des capacités de la Mega Drive. Pour un logiciel paru sur une console en début de vie, le résultat est graphiquement très honnête avec notamment de multiples parallaxes, même si on regrettera que les deux tiers du jeu vous cantonnent désormais sur la planète Motavia, dans des environnements qui peinent dramatiquement à se renouveler (surtout du côté des donjons, où les divers laboratoires que vous serez amenés à parcourir ne seront rien d’autre que des color swap des mêmes tuiles reproduites à l’identique) – et ce, d’autant plus que le titre est beaucoup plus linéaire que le premier opus.

Loin de l’aspect « monde ouvert » souvent assez déstabilisant de Phantasy Star, où on ne savait pas toujours quoi faire ni où aller, les choses sont désormais beaucoup plus cadrées ici selon la bonne vieille formule « une ville, un donjon » et il est rare que vous n’ayez pas un objectif précis à remplir avec une direction claire. Les thèmes musicaux sont également sympathiques, même si eux aussi mettent du temps à se diversifier – mais certains, surtout dans les donjons encore une fois, sont vraiment très réussis. On remarquera en revanche qu’il n’est plus possible de sauvegarder n’importe où, la démarche s’effectuant dorénavant dans un bâtiment dédié en ville, ce qui n’est pas franchement une bonne surprise (pas plus que le fait d’avoir à ré-entrer le nom de la sauvegarde à chaque fois). Il est en fait possible, à un stade assez avancé du jeu, de dénicher un objet vous permettant de sauvegarder n’importe où – mais bon courage pour mettre la main dessus si vous n’avez pas une solution pour vous expliquer comment vous y prendre. Un changement de philosophie qui introduit assez bien une caractéristique qui participe aujourd’hui à la renommée, bonne comme mauvaise, de ce Phantasy Star II : sa difficulté.

À ce titre, commençons par rendre à César ce qui appartient à César : le système de combat, plus complet que celui du premier opus, est à la fois très bien fait, fluide (vous vous battez en combat automatique que vous pouvez interrompre pour modifier les ordres), et surtout extrêmement graphique. Les monstres sont animés, leurs attaques le sont également, vous voyez vos personnages porter leurs coups : de quoi rendre vivant un écran sur lequel vous serez appelé à passer énormément de temps, comme dans tous les J-RPG. Seul regret : le décor, lui, se limite toujours à un grand fond noir avec une perspective futuriste en fausse 3D.

La première grosse surprise intervient lors des donjons : alors que Phantasy Star avait fait le choix d’une vue à la première personne (d’ailleurs très réussie) dans le style de Wizardry, Phantasy Star II choisit cette fois d’adopter le même moule que ses concurrents Dragon Quest et Final Fantasy en affichant les donjons dans le même moteur que le reste du jeu. Un choix surprenant qui dépouille le logiciel d’une partie de son identité, et a surtout l’inconvénient de rendre les donjons très délicats à cartographier, puisqu’il ne sera pas question ici de se déplacer case par case comme c’était le cas auparavant.

Une contrainte qui pourrait apparaître comme assez mineure si les donjons du jeu ne figuraient pas parmi les plus labyrinthiques et les plus étendus du genre. S’étendant parfois sur pas loin d’une dizaine d’étages avec des téléporteurs dans tous les sens, dans des environnements où tout se ressemble et où vous n’avez jamais aucun moyen de savoir à quel étage vous vous trouvez, ceux-ci comptent parmi les plus complexes et les plus exigeants qui soient, poussant parfois le vice jusqu’à l’absurde. Le meilleur exemple qui me vienne à l’esprit étant celui de la tour de contrôle, dont le rez-de-chaussée comporte pas moins de SOIXANTE-NEUF téléporteurs. Autant dire qu’assez rapidement, vaincre un de ces donjons pourra prendre des heures, voire des jours ou des semaines, et qu’on ne parle pas là d’une balade de santé.

En fait, sans être exagérément complexe, le jeu exige simplement une quantité hallucinante de grinding pour espérer amasser assez d’argent et assez d’expérience pour progresser. Dès le début du jeu, l’équipement est extraordinairement cher, et vos personnages progressant lentement (exception faite de Nei), vous pouvez facilement vous attendre à consacrer au moins une heure, sinon le double, à enchaîner les combats juste pour vous monter un groupe à la hauteur de la tâche avant chaque donjon.

Et il y a BEAUCOUP de donjons. Pour ne rien arranger, si votre groupe est désormais éditable et peut comporter des personnages ayant chacun leur point fort (Kain est fort contre les robots, Hugh contre les montres organiques, Amy est une soigneuse, Shir peut voler du matériel dans les boutiques…), chacun d’entre eux commence au niveau un et ne progresse pas tant qu’il n’est pas intégré dans votre groupe. Ce qui signifie que chaque fois que vous souhaiterez modifier la composition de votre équipe, vous en serez quitte pour vous relancer dans du grinding supplémentaire pour remettre le personnage et son équipement à niveau ! Autant dire que si l’aspect « combattre tout le temps » est celui qui vous dérange dans les jeux de rôles de l’ère 8-16 bits, vous risquez ici de tomber face à l’un de vos pires cauchemars : Phantasy Star II est un titre où explorer en combattant est clairement le centre du jeu, et vous passerez l’immense majorité de votre temps à ça et à rien d’autre.

Le scénario fait des efforts pour se mettre encore davantage en scène et se laisse suivre avec plaisir, avec son lot de drames et de révélations, même si on est encore à des kilomètres du réel tournant « aventure » introduit plus tard par des titres comme Final Fantasy IV (et surtout Final Fantasy VI et Chrono Trigger, qui modifieront durablement les attentes dans ce domaine).

D’ailleurs, dans l’ensemble, ce Phantasy Star II est vraiment un titre extrêmement solide tant qu’on sait face à quoi on se trouve, à savoir un digne représentant de la « vieille école », celle où monter son groupe pour parvenir à surmonter des combats de plus en plus exigeants était l’alpha et l’oméga du gameplay avec un enrobage minimal. Dans ce domaine, il reste un excellent logiciel, et sans doute un de ceux que les « vieux de la vieille » parcourront avec le plus de plaisir, grâce à son univers original et à sa réalisation à la hauteur. Par contre, pour ceux qui auront vu leurs attentes évoluer et qui espèreraient quelques surprises, des personnages creusés, une intrigue capable de les tenir en haleine pendant des heures, soyons clairs : ce n’est pas ici que vous trouverez votre bonheur. Un jeu pour les puristes.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15/20 Après le succès d'un premier épisode qui avait raflé tous les suffrages en visant juste à pratiquement tous les niveaux, Phantasy Star II héritait de la difficile mission de parvenir à faire encore mieux, en s'appuyant sur les capacités de la jeune Mega Drive. Un bilan partiellement rempli grâce à une ambition indéniable et à un certain nombre de prises de risques, mais qui apparait aujourd'hui davantage comme le pinacle du J-RPG « à l'ancienne » que comme un épisode introduisant la modernité sur la nouvelle génération. Mieux écrit, mieux réalisé, plus long, sensiblement mieux construit, le titre de SEGA est également devenu beaucoup plus linéaire, bien plus difficile, et impose désormais un grinding systématique qui représentera facilement 80% du temps de jeu. Autant être prévenu : si le fait de faire des allers-et-retours pendant des heures pour enchainer les combats en boucle afin de gagner de l'argent et de l'expérience pour avoir une chance de survivre aux interminables et labyrinthiques donjons dont certains doivent figurer parmi les pires de toute l'histoire du genre ne vous emballe pas, vous risquez de décrocher avant la fin d'un jeu qui s'appuie sur des mécanismes datés jusqu'à la caricature. Mais si vous aimez sentir cette montée en puissance qui vous amènera à guider un groupe jusqu'au bout de la (longue) aventure, vous devriez trouver ici un défi apte à vous retenir plusieurs dizaines d'heures grâce à des combats bien pensés. Autant dire un titre à réserver en priorité aux adeptes assumés de la vieille école - les joueurs plus habitués aux jeux de rôles « modernes » feraient sans doute mieux de se diriger d'emblée vers Phantasy Star IV.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un grinding obligatoire qui représente désormais l'essentiel de l'expérience de jeu pendant toute la partie... – ...et qu'il faudra recommencer chaque fois que vous (ré)intègrerez un personnage dans votre groupe – Des donjons interminables, gigantesques et labyrinthiques devenus extrêmement difficiles à cartographier – Des techniques aux noms pas très parlants – Impossible de sauvegarder n'importe où avant un stade avancé de l'aventure, via un objet très délicat à dénicher – Un cruel manque de variété dans les environnements

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Phantasy Star II sur un écran cathodique :

Version Saturn
Phantasy Star Collection

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 2 avril 1998 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou carte mémoire

Comme les lecteurs s’étant déjà penché sur le cas du premier Phantasy Star le savent déjà, toute la saga aura été portée sur Saturn en 1998, plutôt que de profiter de ce que les joueurs auraient sans doute attendu avec une impatience certaine, à savoir un réel cinquième épisode solo. Une nouvelle fois, on se retrouve ici avec une adaptation fidèle au pixel près à celle qui tournait sur Mega Drive sans la moindre altération, les seules différences résidant dans le fait de devoir obligatoirement jouer en japonais et de bénéficier de quelques vidéos promotionnelles et autres artworks en guise de bonus. Pour ce deuxième épisode, la moisson n’est une nouvelle fois pas fameuse de ce côté-là : une quinzaine d’images très oubliables dont une partie ne correspond d’ailleurs qu’à la jaquette japonaise du jeu, le tout même pas spécialement bien scanné et n’offrant aucun moyen de zoomer ou d’affiner l’image. Autant dire pas vraiment de quoi motiver l’achat du CD-ROM, surtout si vous ne parlez pas japonais, mais rien à reprocher au jeu en tant que tel puisqu’il n’a pas changé d’un pouce.

NOTE FINALE : 15/20

Toujours aucun changement pour ce Phantasy Star II à la sauce Saturn, et pour cause : c’est la transcription très exacte de la version parue sur Mega Drive. Les quelques bonus présents sont parfaitement anecdotiques, et le jeu est désormais obligatoirement en japonais.

Kid Chameleon

Développeur : SEGA Technical Institute
Éditeur : SEGA Europe, Ltd.
Titre original : カメレオン キッド (Chameleon Kid)
Titre alternatif : Kid Chameleon Classic (iOS, Android)
Testé sur : Mega Drive
Disponible sur : iOS, Android – Figure au sein de la ludothèque pré-installée de la Mega Drive Mini

Version Mega Drive

Date de sortie : Mars 1992 (États-Unis) – Mai 1992 (Europe) – 29 mai 1992 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (à tour de rôle)
Langues : Anglais, japonais, traduction française par Player Time
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dans un futur proche, la réalité virtuelle a envahi, non pas les foyers, mais les salles d’arcade. Les jeux programmés pour en tirer parti deviennent de plus en plus réalistes – et l’un d’eux en particulier pousse l’implication à un degré encore jamais atteint. En effet, l’expérience ne s’y limite pas à ce que vous pouvez voir : il est possible de se déplacer dans un monde reconstitué à partir d’hologrammes, avec une qualité sans commune mesure… à tel point, d’ailleurs, que le jeu devient un peu trop réel. Les boss du jeu commencent à retenir prisonniers les joueurs venus tenter leur chance – et ayant échoué. Heureusement, le meilleur joueur de la ville, Kid Chameleon, est bien décidé à venir à bout de ce maudit programme pour libérer les captifs…

Dans un passé proche, à présent – en 1992, pour être précis – SEGA est au mieux de sa forme. La firme japonaise a enfin trouvé une mascotte en mesure de rivaliser avec le plombier moustachu du rival de toujours en la personne de Sonic the Hedgehog. Mais quelque part dans les locaux américains, une question semble trotter dans le crâne d’une petite équipe : à quoi ressemblerait Super Mario à la sauce Sega, c’est à dire entouré de l’aura que la société au hérisson bleu cherchait à se donner à l’époque : plus mature, plus sombre, plus badass en un mot ? Le résultat donnera lieu au scénario improbable que vous venez de lire, et à un jeu qui aura glissé dans un relatif anonymat depuis : Kid Chameleon.

Le titre vous place donc aux commandes du héros éponyme, chargé de venir à bout du boss final de Wild Side dans une des premières approches méta du jeu vidéo. Afin de venir à bout des quatre-vingt-dix (!) niveaux, notre personnage pourra compter, tout comme Mario, sur une série de costumes – ou plutôt, ici, de masques – chargés de le transformer et de lui accorder de nouveaux pouvoirs. Loin des fleurs et autres champignons géants, ces dix masques vous permettront de vous changer en clone de Jason Voorhees, en samouraï, en rhinocéros voire en mouche ou même en tank (!).

Très bon point : ces différentes transformations ont un impact majeur sur le gameplay et sur le level design du titre : Votre tank, par exemple, peut tirer des projectiles et se protéger en baissant son écoutille, mais pas passer dans les cheminées verticales ; cheminées dans lesquelles votre transformation en mouche vous permettra en revanche de vous faufiler sans problème, tout comme de vous accrocher au mur. Le chevalier, en plus d’une réserve confortable de cinq points de vie (votre personnage de base n’en ayant que deux et toutes les autres transformations, trois) pourra escalader les parois verticales, mais son poids lui fera également détruire les blocs sur lesquels il retombe de trop haut ; le samouraï saute plus haut et est armé d’un sabre ; Jason lance des haches, etc. Plus original : Eyeclops et son rayon qui ne blesse pas les adversaires… mais révèle les blocs cachés. D’autres, comme Skycutter, équipent Kid d’un hoverboard et ne prennent leur sens que dans les niveaux spécialement pensés pour leur usage. Notons également que Kid Chameleon, sous sa forme de base, dispose lui aussi d’un pouvoir qui lui est propre et lui permettant de se raccrocher au bord des plateformes à l’aide d’un gracieux salto. Toutes ces différentes aptitudes représenteront souvent un gros avantage – mais aussi, comme nous le verrons, une contrainte majeure lorsque le level design se fera de plus en plus sadique.

Les contrôles du jeu sont très simples : maintenir A permet de courir – on reconnaitra encore une fois l’influence de Super Mario – B permet de sauter, et C est la touche attribuée à l’action spéciale de votre masque. Le gameplay ne devrait une fois de plus pas dépayser les aficionados de la mascotte de Nintendo – du moins au début. On se déplace le plus souvent de la gauche vers la droite, jusqu’au drapeau – tiens, tiens… – annonçant la fin du niveau. On peut blesser les ennemis en leur sautant dessus, et casser les blocs – ou en révéler d’autres – avec la tête. Oui, ça commence furieusement à ressembler à un clone. Mais première originalité : le drapeau n’est pas le seul moyen de quitter un niveau. Il existe en effet de nombreux téléporteurs, parfois bien cachés, qui peuvent vous emmener à des endroits inattendus.

C’est d’ailleurs la première richesse du jeu : son déroulement est loin d’être aussi linéaire qu’il y parait au premier abord, et un joueur prenant le temps de fouiller un peu et de trouver les – très – nombreux passages secrets du jeu pourra effectuer des dizaines de parties sans suivre exactement la même route à chaque fois. Autre originalité : en collectant les gemmes qu’on trouve dans la plupart des blocs, chaque transformation dispose de pouvoirs spéciaux activables en pressant simultanément A et Start, et qui coutent généralement 25 ou 50 gemmes. Un passage par le manuel du jeu pour savoir ce qu’autorise chaque masque est vivement conseillé, car si la plupart des pouvoirs ne font qu’utiliser les gemmes pour vous protéger d’une manière ou d’une autre en entourant votre personnage ou en balayant l’écran histoire de faire le ménage des ennemis présents, d’autres comme le pouvoir à 50 gemmes du chevalier, permettent à toutes vos apparences de gagner un point de vie jusqu’à votre prochaine mort – sachant que ce pouvoir est utilisable jusqu’à quatre fois d’affilée, je vous laisse imaginer les bienfaits de profiter d’une jauge de vie parfois plus que doublée. Mieux vaut ne pas trop trainer à collecter ces gemmes, cependant : tous les stages disposent d’un temps limité, et s’il est possible de trouver du temps bonus sous la forme d’une horloge, la course contre la montre représentera l’une des nombreuses difficultés du titre.

« L’une » ? Oui, car autant aborder tout de suite la caractéristique qui participe encore aujourd’hui à la renommée du titre chez les hardcore gamers : le jeu est très exigeant. Si les tous premiers niveaux n’ont rien d’insurmontable, le challenge va rapidement croissant, et à ce titre Kid Chameleon ne vous épargne rien.

Le level design peut en effet se montrer particulièrement sadique : orage faisant tomber des grêlons qui vous blessent, machine géante qui vous poursuit dans un niveau au défilement imposé, stages verticaux ou la moindre chute vous imposera de reprendre votre ascension depuis le début (en temps limité, souvenez-vous), mais également dédales labyrinthiques vous imposant parfois d’avoir la bonne transformation au bon endroit sous peine d’être misérablement coincé, téléporteurs vous ramenant en arrière… sans oublier bien sûr les adversaires scientifiquement placés aux pires endroits, dans des couloirs bardés de pointes où vous ne pouvez pas sauter, sol qui disparait par intermittence, et même quelques boss massifs qui vont vous donner encore un peu plus de fil à retordre. Sans atteindre les niveaux de frustrations d’un Ninja Gaiden, par exemple, qui ne laissait vraiment aucune place à l’erreur, Kid Chameleon est vraiment dur, et mieux vaut avoir les nerfs solides lors des passages les plus ardus, d’autant qu’il va y en avoir un paquet. Car le jeu est également long. Très long.

Comme cela a été mentionné plus haut, le jeu comporte pas moins de quatre-vingt-dix niveaux. Et même s’il ne sera pas nécessaire de tous les boucler pour finir le jeu, il faudra facilement en parcourir 90% dans le meilleur des cas.

Ce qui signifie qu’un excellent joueur connaissant le titre par cœur mettra déjà au grand minimum une heure et demie à venir à bout du titre – comptez facilement le double pour un joueur lambda, mais tenace, à condition bien évidemment de ne pas rencontrer de game over auparavant… et voilà que se profile la vraie, l’impardonnable faute du jeu : l’absence totale de système de sauvegarde ou de mot de passe. Les trois heures de jeu, vous devrez vous les avaler ou bien repartir de zéro, c’est à prendre ou à laisser. Comble du sadisme : le jeu ne comprend qu’une seule véritable Warp Zone, et celle-ci, placée très tôt dans le jeu, vous expédiera directement au boss final avec très peu de vies et probablement un masque pas du tout adapté. Bref, pour le possesseur de la cartouche originale, point de salut : il allait falloir cravacher dur, et longtemps.

C’est d’autant plus dommageable que, en dépit sa difficulté, le jeu est très agréable à parcourir – une fois que vous aurez pris la mesure de l’inertie du personnage, ce qui risque de prendre un peu de temps. Les niveaux, malgré leur profusion, sont suffisamment bien pensés pour que la lassitude ne s’installe jamais, les différentes aptitudes liées à vos masques renouvellent efficacement le gameplay, et la course aux passages secrets et aux blocs cachés réserve parfois d’excellentes surprises.

Sans être magnifique, le jeu tire très bien parti des capacités graphiques de la Mega Drive – seuls les niveaux forestiers offrent des verts un peu fadasses, mais on ne pourra qu’apprécier l’éclectisme des environnements rencontrés : forêts, grottes, mondes de glace, villes, égouts, volcans, pyramides, mondes japonisants… le tout s’enchaine sans aucune forme de logique – après tout, nous sommes dans un univers de réalité virtuelle – mais permet d’être constamment surpris. La musique est un peu en retrait, les thèmes ayant tendance à se répéter avec les environnements – mais certains morceaux, comme celui qui accompagne les environnements volcaniques, sont vraiment pêchus, et quelques-uns sont vraiment marquants. Bref, on fait face à de la pure plateforme sans aucune concession, mais cela ne la rend pas moins efficace, bien au contraire.

Vidéo – Les dix premières minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17/20

Kid Chameleon, c'est un peu Super Mario Bros. en plus long, en plus sombre, en plus dur – à la sauce SEGA, en un mot. Le plaisir de jeu est réel, mais la difficulté aussi, et la longueur sidérante du jeu le réservera à une caste d'acharnés prêts à lutter une après-midi entière sur un jeu – ou bien à des joueurs sachant tirer parti des savestates parfois disponibles sur les nombreuses compilations modernes où on peut encore trouver le jeu aujourd'hui. Ceux qui sauteront le pas, cependant, auront à faire à un titre de la vieille école bien réalisé et qui vaut réellement le détour ; les mordus des titres difficiles servis par une jouabilité accessible, pour leur part, pourraient carrément tomber amoureux.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Pas de sauvegarde ni de mot de passe pour 90 niveaux ? Sérieusement ?
– Certains niveaux tiennent du die-and-retry : si vous n'avez pas le bon costume au bon endroit, vous êtes très, très mal.
– La précision des sauts demande un sérieux temps d'adaptation : essayez de sauter sur un bloc isolé et vous allez vite comprendre votre douleur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Kid Chameleon sur un écran cathodique :