Crime Wave

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Développeur : Access Software, Inc.
Éditeur : Access Software, Inc.
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari ST

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1990
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquette 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick*
*Version 2.0 uniquement
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 640ko
Modes graphiques supportés : EGA (320×200), EGA (640×200), MCGA, Tandy/PCjr, VGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Il faudra un jour penser à établir une science du pompage. Je ne fais pas référence ici au pompage dans les nappes phréatiques – même si, à la réflexion, cela sera sans doute utile – mais plutôt de cette tendance à aller chercher son inspiration dans le travail des autres ; une tare qui aura pratiquement été élevée au rang de vertu lors des premières décennies du jeu vidéo.

Les graphismes digitalisés : la claque graphique des années 80

En la matière, il y aura eu ceux qui auront choisi les mauvaises cibles (entre ici, The Great Giana Sisters…) et ceux qui seront miraculeusement passé entre les gouttes. Access Software, curieusement, appartient à la deuxième catégorie ; société basée à Salt Lake City et largement composée de mormons, on aurait pu penser que la firme américaine observerait scrupuleusement le commandement « Tu ne déroberas point » – mais la boîte de Mean Streets, plus qu’inspirée de l’affiche de Blade Runner, nous avait déjà indiqué qu’il n’existe qu’une fine ligne entre l’hommage et le plagiat. Voici à présent un cas encore plus litigieux : Crime Wave. Vous voulez savoir de quoi il est question ? Un conseil : allez d’abord lire le test de NARC. Vous gagnerez du temps.

Lucas McCabe, faut pas lui baver sur les rouleaux !

Attardons-nous un peu sur le « scénario » du titre (j’insiste sur les guillemets) puisque, nous allons vite le réaliser, il s’agit ici du principal apport de Crime Wave. Figurez-vous donc en 1995, soit le futur du passé (le jeu est sorti en 1990), où la sculpturale Brittany Cole – qui se trouve incidemment être la fille du président des États-Unis – est kidnappée par un groupe criminel lors d’un gala de charité alors qu’elle était partie se repoudrer le nez en oubliant d’emmener ses gardes du corps. Heureusement, il y a Lucas McCabe, « super combattant du crime » (je vous jure que je n’invente rien) qui veille au grain.

Les salles qui vous permettront de refaire vos stocks sont également remplies de pièges

Lui, c’est un vrai, un dur, pas du tout un employé d’Access Software avec une veste en cuir et des lunettes noires qui lui couvrent la moitié du visage. Lucas, il a tout compris avant tout le monde, il sait déjà qui a fait le coup : le chef de la pègre locale. Comme c’est un professionnel, il prend quand même le temps d’aller consulter son « ordinateur du crime » qui a un accès direct aux fichiers de la police et du FBI – lesquels ont apparemment des données si complètes sur leurs concitoyens qu’ils ont même une modélisation de la fille du président torse nu (je n’invente toujours rien ! Consultez la vidéo de gameplay si vous ne me croyez pas). Et là, McCabe se met en route, parce qu’il sait déjà qui il doit suivre pour remonter toute la filière, faire chuter la pègre et sauver la fille du président. Il est comme ça, Lucas.

Le jeu en lui-même consiste donc en un repompage de NARC entrecoupé de cinématiques digitalisées qui étaient à la pointe de la technologie de 1990. Le gameplay reprend pratiquement tous les aspects – les qualités comme les défauts – de la borne de Williams Electronics : on tire sur tout ce qui bouge dans des niveaux où il y a tellement de monde qu’on décide au bout de quinze secondes qu’avancer sans se préoccuper des adversaires est plus rapide que de chercher à leur faire face, on récolte des bonus et des munitions, on peut faire sauter les ennemis dans des effets gores bien cheap, et on peut franchir des portes qui donnent en règle générale accès à des salles remplies de pièges et de bonus.

Vu le monde à l’écran, on ne cherche jamais à faire le ménage – les ennemis réapparaissent de toute façon à l’infini

On peut sauter sur place (ce qui ne sert à rien) et s’accroupir (ce qu’on fera 100% du temps, puisque cela fait de nous une cible moins facile sans rien changer à notre vitesse) ; pour le reste, c’est pour ainsi dire le même jeu que NARC, avec les mêmes possibilités et les mêmes environnements – moins la capacité d’arrêter les criminels plutôt que de les occire, qui ne servait de toute façon pas à grand chose dans le jeu de base. Le titre va jusqu’à reprendre le principe des acteurs filmés et digitalisés – et on peut même dire que c’était clairement le principal argument de vente du jeu.

Les décors sont variés ; l’action, moins

En 1990, les joueurs PC n’étaient pas encore exactement habitués à voir des graphismes en 256 couleurs qui puissent donner des leçons à l’Amiga, voire à certaines bornes. Access Software avait la chance d’être doté d’un matériel de capture vidéo pour une série à laquelle on ne pense pas forcément tout de suite quand on évoque le studio américain, mais qui se sera révélée sa principale source de revenus pendant son existence : celle des jeux de golf Links. Le jeu abuse donc de sa mise en scène « cinématique » hyper-cheap entre les niveaux, en particulier pour nous présenter ce qui sera la véritable récompense des joueurs : la fille du président, ou plutôt l’actrice (le modèle ?) qui lui prête ses traits – et surtout son corps.

Ne cherchez pas la subtilité dans le combat final : tirez !

On ne va pas se mentir : vu le plaisir qu’a le jeu à nous la montrer sous toutes les coutures, y compris quand elle ne fait rien, on sent bien que les employés d’Access Software étaient comme des gosses à l’idée de pouvoir travailler avec la (très séduisante) jeune fille, qui n’est naturellement créditée nulle part. Le casting masculin, lui, n’aura pas bénéficié du même soin : McCabe est incarné par un employé lambda aussi crédible pour incarner un héros que moi pour incarner une danseuse étoile, et dont les interventions sans intérêt sont rendues d’autant plus confuses que le kidnappeur qu’il poursuit lui ressemble comme deux gouttes d’eau et porte les mêmes vêtements… Mais ironiquement, ce côté « carton-pâte » joue plutôt en faveur du titre, lui donnant des aspects de parodie des années 80 à la Kung Fury avec vingt-cinq ans d’avance. Niveau sonore, le résultat est un peu moins emballant, le titre ne tirant parti d’aucune carte – préférant faire usage du fameux RealSound qui permettait au haut-parleur interne de jouer des sons digitalisés. Le rendu reste largement à la hauteur de celui d’une Sound Blaster, mais il faudra en revanche oublier la musique une fois franchi l’écran-titre et son sampling d’un morceau de Pink Floyd.

« Vu l’ambiance dans les rues, moi je tente le hall d’immeuble. »

Autant le confesser : bien que j’ai accordé à Crime Wave une note supérieure à celle de NARC, ce n’est en aucun cas un meilleur jeu d’un point de vue strictement ludique – il est même sensiblement moins bon que la borne de Williams Electronics qui, en plus d’être techniquement supérieure, avait le mérite d’être jouable à deux. Je ne peux d’ailleurs même pas invoquer la nostalgie, ayant découvert le programme au moment du test. Oh, la jouabilité, pour raide et limitée qu’elle soit, n’est pas mauvaise, et on peut sincèrement espérer terminer le jeu assez vite sans déployer des trésors d’habileté. Surtout, il y a quelque chose de presque attachant dans la façon dont le jeu est viscéralement inscrit dans son époque, pour ne pas dire dans son année de sortie.

On fait le tour des possibilités du jeu en une demi-minute

Il n’y avait vraiment qu’Access Software pour chercher à sortir un logiciel pareil sur PC en 1990, sans même avoir la réelle compétence pour le faire (le jeu se traine sur un 386, ce qui était alors une configuration de pointe) ; ce n’est pas très beau, ce n’est pas très jouable, mais quelque part ça fonctionne au même niveau que les shareware à la Commander Keen et ça a le charme de cette extraordinaire prétention à offrir un film sur huit disquettes 5,25″, à une époque où le copyright était visiblement facultatif. Sans cet aspect historique, il y a quand même moyen d’être diverti par l’aspect nanardesque d’un scénario qui ne fait jamais mine de tenir debout, et par un casting qui sent – en-dehors de la jeune femme qui joue la fille du président – les employés du studio en train de s’en payer une tranche. Oui, c’est très subjectif, et il y a des chances qu’un joueur contemporain puisse encore enlever facilement deux points à la note finale s’il n’est pas passionné par l’histoire vidéoludique, en particulier sur PC. Mais pour ceux qui ont envie de comprendre ce qui pouvait réellement faire briller les yeux d’un joueur en 1990 (et sans doute pas deux ans plus tard), il faut avoir posé les yeux sur ce genre de logiciels foutraques qui ne marchent objectivement pas mais qu’on a du mal à détester.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 11/20  On peut prendre le problème sous n'importe quel angle, Crime Wave est difficile à décrire autrement qu'un plagiat de NARC (avec un thème musical piqué à Pink Floyd !) adapté aux capacités d'un PC de pointe de 1990. Le résultat respire autant les années 80 que la borne dont il s'inspire, avec un héros d'actioner de Prisunic parti secourir une jeune fille bien évidemment sublime en descendant tout ce se trouve sur son chemin. Comme souvent avec Access Software, le jeu est sauvé par son ambition et sa totale absence de complexes – même si les programmeurs auraient objectivement dû passer beaucoup plus de temps sur le gameplay et l'équilibrage de leur jeu et moins à photographier leur modèle féminin sous toutes les coutures pour (échouer à) mettre de la chair sur un scénario crétinissime. Un gros bonbon à la poudre au yeux à destination exclusive d'un certain public de nostalgiques, certes, mais qui conserve le charme des productions nanardesques qui nous font aujourd'hui sourire après nous avoir décroché la mâchoire il y a trente ans. Passable et très limité, mais à découvrir par curiosité – sans doute pas pour très longtemps.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Beaucoup trop de monde à l'écran pour chercher à s'occuper des adversaires – Aucun moyen de jouer au joystick (version 1.0) – Exclusivement solo – Un gameplay programmé à la truelle... – ...sans la plus infime once de variété – Pas de musique passé l'écran-titre

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Crime Wave sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Sprites de bonne taille et graphisme de très haut niveau, Crime Wave développe un jeu de type beat-them-all comme il est rare que l’on en voit sur PC. Les personnages et décors sont très bien dessinés. […] Un très bon beat-them-all que je vous conseille vivement, ne serait-ce que pour étayer votre ludothèque sur compatible PC. »

Olivier Hautefeuille, Tilt n°86, janvier 1991, 16/20

Version Amiga

Développeur : The Code Monkeys, Ltd.
Éditeur : Acces Software, Inc.
Date de sortie : Avril 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 500/2000 – RAM : 512ko
Modes graphiques : OCS/ECS
Lecteur de disquette externe supporté

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Aussi surprenant que cela puisse paraître – surtout aux yeux d’un public européen – Crime Wave était un jeu d’action pensé spécifiquement pour le PC, et non pour l’Amiga. C’est donc l’équipe des Code Monkeys qui aura hérité de la tâche de porter le jeu. Problème : le principal argument de vente de la version MS-DOS était sa réalisation en 256 couleurs, soit précisément ce que ni l’Amiga 500 ni l’Atari ST ne pouvaient espérer afficher. Le jeu aura donc été entièrement redessiné – même les cinématiques, qui passent en noir et blanc.

Les digitalisations qui n’ont pas été passées en noir et blanc ont été redessinées à la truelle

Autant dire qu’on perd ce qui participait largement au charme de l’itération PC – même si le jeu a le goût de bien tourner, au moins sur un A1200. On remarquera également qu’il n’y a toujours pas de musique pour accompagner l’action. Autre problème : le jeu de base était pensé pour être joué au clavier, aberration qui n’aurait eu aucune chance de passer sur Amiga. Tout le jeu est désormais jouable à un seul bouton… même si le résultat n’est pas enthousiasmant : je n’ai jamais compris par quel miracle notre personnage décidait de sauter ou de s’accroupir, ce qui est d’autant plus handicapant que Crime Wave est un jeu où on a tout à gagner à être accroupi 95% du temps. Au moins le jeu est-il plus convaincant que le portage de NARC sur la même machine, mais on ne va pas se mentir : je doute que beaucoup de joueurs Amiga tombent sous le charme.

La réalisation fait peine à voir comparé à celle de la version PC – qui faisait déjà son âge

NOTE FINALE : 09/20

Crime Wave était un jeu pensé pour un PC de pointe, et cela se sent dans cette itération Amiga dépouillé de ses digitalisations et de ses 256 couleurs – et qui souffre de faire jouer au joystick un titre pensé pour être manipulé au clavier. Sachant que le logiciel original ne tenait déjà que pour sa réalisation technique, on se retrouve face à un programme qui ne devrait intéresser que ceux qui espéreraient trouver un portage vaguement mieux agencé de NARC.

Version Atari ST

Développeur : The Code Monkeys, Ltd.
Éditeur : Acces Software, Inc.
Date de sortie : Mars 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ double face
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520ST – RAM : 512ko
Écran couleur requis

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Avec la même équipe aux commandes, on se doute que le portage de Crime Wave sur Atari ST va correspondre à la même philosophie que celui qu’on déjà pu voir sur Amiga.

Quand ton petit cousin redessine les photos des magazines

En fait, il la respecte si scrupuleusement qu’on se retrouve pour ainsi dire avec exactement le même jeu que sur la machine de Commodore – peut-être en un peu plus lent que sur un Amiga 1200, ce qui ne devrait surprendre personne, mais rien de franchement rédhibitoire – ça tourne toujours plus vite que sur un 386SX. Pour le reste, le charme de redécouvrir la fille du président à chaque cinématique s’est un peu évaporé, comme sur Amiga, et on se retrouve au final avec un clone de NARC qui fait certes mieux que le portage initial sur la même machine, mais qui n’est jouable qu’en solo. Bref, une nouvelle fois, un jeu PC à destination des joueurs PC, et un titre juste médiocre pour les autres.

Ça envoie toujours du rêve, hein ?

NOTE FINALE : 09/20

Comme sur Amiga, Crime Wave sur Atari ST offre avant tout une version moins belle et moins jouable d’un jeu qui n’était déjà pas très emballant sur PC. Les rares éléments pouvant pousser à une vague mansuétude sur la machine d’IBM n’ayant plus cours ici, autant dire qu’on réservera cette version aux fans absolus de NARC n’ayant qu’un Atari ST pour jouer. Ça ne doit quand même pas faire grand monde.

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