Développeur : Blue Byte Software GmbH
Éditeur : UBI SOFT Entertainment Software
Titre alternatif : Battle Isle : Air-Land-Sea Strategy (titre complet)
Testé sur : Amiga – PC (DOS)
Les extensions du jeu : Scenario Disk Volume One, Battle Isle ’93 : The Moon of Chromos
Disponible sur : Windows (7, 8, 10)
En vente sur : Gog.com (Windows)
La série Battle Isle (jusqu’à 2000) :
- Battle Isle (1991)
- Historyline : 1914-1918 (1992)
- Battle Isle 2 (1994)
- Battle Isle 3 : L’Ombre de l’Empereur (1995)
- Incubation : Time is Running Out (1997)
- Battle Isle : The Andosia War (2000)
Version Amiga
Date de sortie : Octobre 1991 |
Nombre de joueurs : 1 à 2 |
Langue : Anglais |
Support : Disquette 3,5″ (x3) |
Contrôleur : Joystick |
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200 |
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 512ko* Modes graphiques supportés : OCS/ECS Système de sauvegarde par mot de passe Installation sur disque dur supportée *512ko de chip RAM et 512ko de Fast RAM requis pour bénéficier de tous les effets sonores |
Vidéo – L’introduction du jeu :
La stratégie est un genre qui aura toujours connu une forte affinité avec les ordinateurs domestiques. C’est, après tout, parfaitement cohérent : l’une des premières applications ludiques de l’intelligence artificielle aura été de fournir un adversaire dans des jeux de logique – à tel point que mesurer les progrès de l’avancement informatique par les performances des derniers programmes d’échecs ou de go face aux champions humains est encore une pratique courante. Mais, curieusement, si le genre partage, avec le jeu de rôle, la caractéristique d’être plus vieux que la micro-informatique elle-même, il est assez difficile de nommer des titres vraiment marquants publiés avant le début des années 90. Il faut dire que, à quelques titres façon Defender of the Crown près, le genre avait une furieuse tendance à proposer des mécanismes tellement balisés qu’on choisissait plus souvent un jeu de stratégie en fonction de la période ou des batailles traitées que pour une illusoire originalité dans son déroulement.
À ce titre, Battle Isle aura représenté une des premières initiatives pour venir dépoussiérer un peu un genre qui commençait déjà à sentir la naphtaline. Par son cadre futuriste, tout d’abord, pas encore si fréquent à une époque où la seconde guerre mondiale représentait le contexte ultra-majoritaire des titres du même genre. Mais bon, soyons honnête : le fait de combattre un adversaire quelconque sur la lointaine planète Chromos ne métamorphose visiblement pas la guerre telle qu’on la connait aujourd’hui ; on commande toujours des blindés lourds et légers, des unités anti-aériennes, des navires, des sous-marins, des avions, des hélicoptères… Bref, oubliez les lasers ou les robots géants : monde extraterrestre ou pas, on reste dans un conflit parfaitement conventionnel. Mais alors, qu’est-ce qui peut bien faire la spécificité de ce Battle Isle, au point d’en avoir fait un authentique succès critique et commercial à sa parution en 1991 ?
Le premier élément de réponse, et sans doute le plus original, apparait dès le lancement d’une des 32 niveaux du jeu (16 niveaux solos, 16 niveaux multijoueurs) : l’action est systématiquement découpée en deux fenêtres, une par joueur. Pourquoi s’échiner ainsi à sacrifier la moitié de la surface de jeu à un adversaire qui est normalement en train d’attendre son tour pour jouer ? Pour une raison très simple : Battle Isle est sans aucun doute le premier jeu de stratégie au tour par tour… en simultané.
Concrètement, et contrairement à ce que proposaient tous les titres du genre à l’époque, il n’est nul besoin pour un joueur de laisser sa place à son adversaire – voire de quitter la pièce – à la fin de son tour de jeu. Le déroulement est en fait divisé en deux phases : une phase de mouvement et une phase d’action, et chaque joueur participe obligatoirement à la phase complémentaire à celle de son opposant. Exemple : le joueur un est en phase de mouvement, il ne peut donc que déplacer ses troupes. Pendant qu’il le fait, son adversaire peut ordonner à ses unités de faire feu ou à ses usines de produire de nouveaux véhicules. Une fois qu’un joueur a terminé son tour, il sollicite l’autorisation de passer à la phase suivante, qui ne débutera donc que lorsque les deux joueurs l’auront accordée. Et ainsi, le joueur un se retrouve cette fois en phase d’action, pendant que le joueur deux se retrouve à déplacer des unités… qui ne seront peut-être déjà plus là au moment d’exécuter les mouvements planifiés, au tour suivant.
Le premier aspect un peu déstabilisant du jeu est en effet cette gestion de tour simultanée, qui commande donc de donner des ordres partiellement à l’aveuglette, puisque le tank ou l’unité d’infanterie que l’on est en train de déplacer est peut-être en train de servir de cible, au même moment, à une des unités commandées par l’adversaire pendant sa phase d’action. L’anticipation est donc la clef pour éviter de mener une offensive qui s’avèrera en fait tuée dans l’œuf faute d’avoir pris en compte les dégâts causés par les actions adverses au moment où l’on donnait nos consignes. Autant dire que si cela est déroutant au début, c’est en revanche l’une des trouvailles les mieux pensées pour permettre à deux joueurs humains de s’affronter simultanément avant que des titres comme Dune II et surtout Warcraft (Dune II ne comportant pas de mode multijoueur) ne viennent résoudre définitivement le problème en popularisant le concept de la stratégie en temps réel.
Le titre de Blue Byte préfigure d’ailleurs, à bien des niveaux, celui de Westwood Studios. On y trouve ainsi déjà une composante gestion, avec l’existence de dépôts permettant de réparer les troupes, d’usines permettant d’en produire, et surtout de ressources de minerai réparties sur la carte (on pensera immédiatement à Full Metal Planète) qui serviront à alimenter les différents bâtiments en énergie afin qu’ils puissent produire et réparer davantage. Il existe même une unité de chantier mobile qui pourra produire de nouveaux dépôts ! Bien évidemment, ces bâtiments seront la clé de n’importe quelle partie, l’objectif final étant soit la destruction totale de l’adversaire, soit la capture de son QG par le biais d’unités d’infanterie, seules aptes à prendre possession des bâtiments adverses.
Si le jeu a, à ce titre, plutôt bien vieilli lorsqu’on le pratique à deux (à quelques petits errements d’interface près sur lesquels nous reviendrons plus tard), le mode solo, lui, présente quelques écueils. Le premier est d’ailleurs son étrange manque d’accessibilité : le jeu est par défaut configuré pour vous faire démarrer une partie contre un joueur humain, et le seul moyen de lancer la campagne solo est d’entrer le mot de passe du premier niveau dissimulé dans la carte de référence ! Pas très ergonomique – il aura fallu que j’aille faire des recherches sur des forums pour réussir à jouer contre l’ordinateur, ce qui n’est jamais bon signe.
Le deuxième tient à l’intelligence artificielle : celle-ci, disons-le tout net, n’est pas le point fort du jeu. Ayant une fâcheuse tendance à foncer tout droit vers vos unités les plus vulnérables, elle est assez facile à manœuvrer ou à contourner, ce que les développeurs ont d’ailleurs dû réaliser assez vite puisque l’essentiel des missions solos compensent sa faiblesse en lui accordant un avantage numérique complètement délirant approchant régulièrement le deux contre un. De fait, la clef de la plupart des opérations reposera quasi-systématiquement sur votre capacité à prendre possession des différents dépôts de la carte (qui contiennent de nouvelles unités au moment de leur capture) et à organiser votre ligne de défense autour en y rapatriant les troupes nécessitant d’être réparées et en en ressortant les véhicules flambants neufs afin de vaincre votre adversaire à l’usure en dépit de ses moyens considérables. Ce qui serait déjà fastidieux si l’intelligence artificielle ne mettait pas régulièrement plus de cinq minutes, sur un Amiga 500, pour prendre ses décisions à chaque tour de jeu ! Les choses vont un peu mieux sur un Amiga 1200 mais dans tous les cas, le jeu solo est indéniablement celui qui a le plus mal vieilli.
On pourra d’ailleurs regretter qu’il soit aussi difficile d’anticiper les résultats d’un affrontement en dépit des nombreuses informations délivrées par le jeu. Car si chaque unité dispose de ses propres affinités (un tank anti-aérien ne fera pas long feu contre des blindés lourds), l’une des données majeures sera constituée par l’expérience que celle-ci gagnera au fil d’une mission. Réparer régulièrement une unité avant de la renvoyer au front est souvent la clef de la victoire, tout simplement parce que cela aura un effet dramatique sur ses capacités de combat. L’ennui étant que vous ne connaissez naturellement rien du niveau d’expérience des unités adverses, pas plus que vous ne pourrez anticiper leur portée de déplacement, ni même connaître leur état de santé en-dehors des animations de combat. Une bonne partie de la maîtrise du jeu passera donc par une excellente connaissance des différentes unités – ce qui placera un lourd désavantage sur les épaules d’un joueur débutant face à un adversaire expérimenté.
Au rang des errements, citons également une interface assez déstabilisante pensée pour être jouée au joystick plutôt qu’à la souris. Par exemple, ne cherchez pas les icônes : il n’y en a pas. Pour donner des ordres à une unité, il faut placer le curseur sur elle, laisser le bouton appuyé, puis pousser le manche dans une des quatre directions pour choisir l’action à effectuer ! On regrettera aussi que le scénario ne soit qu’un prétexte, que le contexte futuriste soit totalement négligé, ou que les unités aient une fâcheuse tendance à toutes se ressembler – sans parler d’une sauvegarde assez difficile d’accès dont bien des joueurs auront ignoré jusqu’à l’existence. Autant de faiblesses qui trahissent l’âge du jeu, qui resterait à n’en pas douter un excellent titre aujourd’hui encore avec une interface modernisée et remise au goût du jour. En l’état il conservera un charme indéniable aux yeux des nostalgiques et des amateurs du genre, mais la faiblesse de l’expérience solo, la lourdeur de la prise en main et le manque d’informations délivrées par le jeu risque en revanche de pousser les joueurs contemporains à faire assez rapidement demi-tour.
Vidéo – La première mission du jeu :
NOTE FINALE : 13,5/20 Derrière son aspect classique, Battle Isle cache en fait un jeu relativement original rempli de bonnes idées... dont la plupart souffrent d'un exécution maladroite. Si la difficulté du jeu en solo ne tient qu'à des affrontements affreusement déséquilibrés nécessitant de bien maîtriser les forces et les faiblesses des différentes unités, c'est clairement à deux joueurs que le titre prend son intérêt - à condition d'avoir des amis retrogamers avec beaucoup de temps devant eux. On se retrouve ainsi aux prises avec un jeu de stratégie complet, parfois frustrant, avec une ergonomie pas toujours limpide mais offrant l'essentiel de ce qu'on est en droit d'attendre d'un programme de ce type. À essayer pour les amateurs du genre, mais les joueurs moins patients préfèreront sans doute débuter avec un des autres épisodes de la série. CE QUI A MAL VIEILLI : – Prise en main contre-intuitive – Besoin de passer par la carte de référence pour trouver comment lancer le mode solo – Intelligence artificielle très limitée... – ... compensée par un rapport de force très déséquilibré... – ...et qui met parfois beaucoup trop de temps à agir – Très difficile d'anticiper les résultats d'un affrontement... – ...tout comme la portée des mouvements adverses
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battle Isle sur un écran cathodique :
LES EXTENSIONS DU JEU :
Battle Isle : Scenario Disk Volume One
Date de sortie : Juin 1992
Publié sur : Amiga, PC
Signe du succès rencontré par Battle Isle, le titre de Blue Byte n’aura pas tardé à accueillir son lot d’extensions – ou de « data disks », comme on les appelait plus volontiers à l’époque. Le principe était généralement d’offrir davantage de contenu au jeu de base en ne modifiant pas le gameplay d’un iota, ce qui est exactement le cas ici avec pas moins de 32 nouvelles cartes : 24 pour le jeu solo, et 8 pour le multijoueur. Un choix qui pourra paraître étrange à première vue – le jeu étant nettement plus amusant à deux – mais qui est au fond parfaitement logique si l’on considère qu’une carte multijoueur offre une rejouabilité très supérieure à celle d’une carte solo, surtout contre une I.A. aussi limitée. Histoire de soigner un peu l’enrobage, on remarquera que cette extension contient surtout un nouveau type de décor, sous la forme d’un désert (la boîte du jeu montrait également des étendues de glace, ce qui ressemble fort à de la publicité mensongère car je n’en ai jamais rencontré dans le jeu). Cela ne change hélas strictement rien en termes de possibilités de jeu (le gameplay n’a pas subi l’once d’une évolution), mais cela permet de remettre un coup de peinture fraîche histoire de rajeunir un jeu dont on commence à avoir fait le tour. L’extension étant de toute façon vendue par défaut, comme toutes les autres, avec le jeu de base, la question de son acquisition ne se pose pas. Un bon moyen de prolonger l’expérience au cas où vous auriez épuisé le contenu de base.
Battle Isle ’93 : The Moon of Chromos
Année de sortie : Mars 1993
Publié sur : Amiga, PC
Comme son nom l’indique, la deuxième extension de Battle Isle est parue en 1993. Sans surprise, elle propose une nouvelle brouette de contenu : encore 24 niveaux solos et 8 niveaux multijoueurs. La bonne nouvelle, c’est qu’elle intègre, en plus d’un nouveau décor lunaire un tantinet grisâtre, de nouvelles unités un peu plus originales comme des robots – cela reste de l’infanterie, mais on a enfin le sentiment de voir quelque chose d’un peu neuf. La mauvaise, c’est que le gameplay n’a, une nouvelle fois, absolument pas évolué. Plus frustrant, il n’intègre même pas les modifications aperçues dans Historyline (pourtant paru l’année précédente), à commencer par des scènes de combat un peu plus visuelles. N’espérez donc pas de révolution : on rempile pour plus ou moins la même chose avec un emballage tout neuf, et si vous commencez à estimer avoir fait le tour du jeu, peu de chance que vous y passiez plus de cinq minutes. Et la version PC ne reconnait toujours aucune carte son en dehors de l’AdLib et de la Sound Blaster ! En 1993 ! C’est dommage car le paysage vidéoludique avait énormément évolué en deux ans, et pour sympathique qu’elle soit cette extension a peut-être été celle de trop.
Version PC (DOS)
Développeur : Blue Byte Software GmbH |
Éditeur : Blue Byte Software GmbH |
Date de sortie : Décembre 1991 |
Nombre de joueurs : 1 à 2 |
Langue : Anglais |
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x3) |
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris |
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox |
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.2 – RAM : 640ko Modes graphiques supportés : EGA, VGA Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster Système de sauvegarde par mot de passe Disque dur requis |
Vidéo – L’introduction du jeu :
Parallèlement à la version Amiga, Blue Byte aura également sorti Battle Isle sur PC – ce qui, en 1991, commençait à s’imposer comme une évidence tant le PC apparaissait alors de plus en plus comme une des plateformes de jeu les plus performantes disponibles sur le marché. On sent bien, ceci dit, que le jeu s’efforce de faire légèrement mieux qu’un bête portage : les graphismes sont légèrement plus colorés (on voit bien que certaines parties de l’introduction, par exemple, ont été redessinées : observez le ciel au-dessus de la maison). Du côté de la musique, petite déception : le titre ne reconnait que l’AdLib et la Sound Blaster, soit le minimum vital de l’époque. Si cela s’entend pendant l’introduction et l’écran-titre, où la puce Paula faisait clairement mieux, on ne peut pas dire que le thème musical en jeu en souffre beaucoup. Les sensations au cours de la partie sont globalement identiques – on se sent peut-être un tout petit peu plus à l’étroit – mais le gros avantage de cette version est bien évidemment la puissance des PC actuels : fini d’attendre cinq minutes que l’I.A. prenne ses décisions ! C’est quand même un gros avantage par rapport à un jeu solo qui accumulait les écueils, et c’est à coup sûr un très bon prétexte pour acquérir cette version à la vente sans nourrir de regrets.
NOTE FINALE : 14/20
Pour une fois, l’âge vénérable de Battle Isle constituera plutôt un avantage pour les joueurs sur PC : vu la puissance des processeurs actuels, autant dire que l’I.A. réfléchit beaucoup plus vite et que le confort de jeu y gagne énormément en solo. La réalisation étant à peu près équivalente à celle de la version Amiga, aucune raison de bouder cette version MS-DOS.