Shinobi X

Développeur : Tose Co., Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – Vic Tokai, Inc. (Amérique du Nord)
Titre original : Shin Shinobi Den (Japon)
Titre alternatif : Shinobi Legions (Amérique du Nord)
Testé sur : Saturn

La saga Shinobi (jusqu’à 2000) :

  1. Shinobi (Arcade) (1987)
  2. The Revenge of Shinobi (1989)
  3. Shadow Dancer (1989)
  4. Shadow Dancer : The Secret of Shinobi (1990)
  5. The Cyber Shinobi (1990)
  6. Shinobi (Game Gear) (1991)
  7. Shinobi II : The Silent Fury (1992)
  8. Shinobi III : Return of the Ninja Master (1993)
  9. Shinobi X (1995)

Version Saturn

Date de sortie : 30 juin 1995 (Japon) – 21 septembre 1995 (Amérique du Nord) – 13 octobre 1995 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, japonais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On aurait pu penser, à l’heure du lancement de la Saturn, que le premier mouvement de SEGA – le plus évident, le plus rationnel, et pour ainsi dire le plus viable – aurait été de s’appuyer sur le succès de ses licences maisons.

De la même manière qu’on a du mal à imaginer la sortie d’une console de Nintendo sans un Mario au line-up et un Zelda ou un Metroid dans les cartons, la nouvelle pépite 32 bits de SEGA aurait eu du mal à être mieux mise en valeur que par un épisode de Sonic the Hedgehog – on sait comment cela se sera terminé au final, tant la cicatrice est restée vivace, comme le seront restées les absences de séries aussi iconiques que Streets of Rage ou Phantasy Star, tant la firme japonaise semblait davantage obnubilée par les portages de ses succès de l’arcade les plus récents. Néanmoins, on pourra au moins citer une licence majeure qui aura pu honorer la Saturn de sa présence : Shinobi, qui aura livré ce qui sera resté son ultime épisode sur une console SEGA (et son dernier opus au XXème siècle alors que la série venait d’enchaîner sept titres en quatre ans) : Shinobi X. Une sortie qui aura d’ailleurs fait assez peu de bruit à l’époque tant les joueurs occidentaux, ces ingrats, étaient déjà obnubilés par la déferlante de la 3D à laquelle les nouvelles aventures du ninja avaient choisi (courageusement ou curieusement ?) de ne pas appartenir, préférant en rester à la bonne vieille 2D de la génération précédente.

Parler des « nouvelles aventures du ninja » est d’ailleurs erroné, puisque Joe Musashi a cette fois tiré sa révérence pour laisser sa place à un nouveau venu nommé Sho. Au commencement était donc un maître du ninjitsu avec trois élèves : Sho, son frère Kazuma, et la propre fille du maître, Aya. Comme dans toutes les tragédies shakespeariennes, Kazuma aura fini par faire bande à part, dévoré par l’ambition et furieux que le maître ait refusé de lui transmettre la technique ultime de leur ordre.

Bien des années plus tard, longtemps après la mort de son maître, c’est à la tête d’une véritable armée qu’il fait son retour, bien décidé à arracher le dernier secret qui manque à sa puissance… ce qui est déjà passablement idiot, puisque comme on l’a vu son maître et mort et que rien n’indique qu’il ait transmis le secret de la technique à l’un des deux autres élèves – auquel cas, l’élève en question serait de toute façon assez puissant pour rivaliser avec Kazuma – mais c’est pas grave, l’important est qu’Aya se fait enlever et que c’est bien évidemment Sho, parti à sa rescousse, que le joueur va incarner au fil de neuf niveaux revisitant largement la plupart des passages marquants de la saga – l’environnement du premier, à titre d’exemple, évoquant furieusement celui du niveau inaugural de The Revenge of Shinobi.

Notre nouveau (et éphémère) ninja peut compter sur l’essentiel de la panoplie de son prédécesseur : double saut, réserve de kunai, rebonds sur les murs, accrochage aux branches, sans oublier l’inévitable katana. Il n’a plus cependant qu’un unique pouvoir de ninjitsu, lequel sera à dénicher au sein des niveaux et non plus fourni d’office avec chacune de ses vies, et fera toujours office de smart bomb.

On trouvera également plusieurs power-up dont des sphères permettant de gagner une vie toutes les dix unités collectées, un sabre doublant sa puissance et une invincibilité temporaire. Tous les piliers de la série sont donc a priori présents, mais Sho se révèle également capable de courir et d’enchaînements au katana auxquels Joe ne nous avait pas habitué, ce qui lui permet, entre autres gourmandises, de renvoyer les projectiles à leur lanceur à condition de respecter le bon timing, ce qui modifie mine de rien énormément l’approche de la jouabilité tant les kunai sont devenus nettement moins indispensables ; savoir parer et renvoyer les projectiles sera désormais la clef de beaucoup de combats où les ennemis vous laissent souvent assez peu de temps pour réagir.

Au moment d’aborder la question de l’exécution du jeu, autant en profiter pour mentionner l’éléphant dans la pièce : son esthétique. Quitte à embrasser la modernité, l’équipe de développement aura en effet fait un choix qui risque de ne pas plaire à tout le monde : celui de graphismes réalistes s’appuyant sur des acteurs digitalisés, à la Mortal Kombat. Dire que le résultat a plus mal vieilli que le pixel art auquel il succédait serait un euphémisme tant le résultat tient d’un collage cheap évoquant les vieux romans-photos et qui donne à son univers un aspect carton-pâte qui sonne faux de A à Z.

Si cela n’est pas trop gênant en jeu, où on sent malgré tout que le résultat aurait été bien meilleur avec des illustrateurs en lieu et place de photographes, difficile de ne pas être secoué d’un rire nerveux en assistant au déroulé d’un scénario objectivement pas fameux via des vidéos qui évoquent les pire nanars de ninjas philippins imputables à Godfrey Ho. On n’avait pas trop envie d’y penser, mais autant se rendre à l’évidence quand on voit un type en pyjama qui joue comme un pied se débattre dans des entrepôts et des couloirs désaffectés parce que ce sont les seuls décors que la production a les moyens de lui offrir : les ninjas sont ridicules, surtout quand ils n’ont pas de budget.

Sachant que Kazuma est de toute façon limité à être un gros méchant qui veut du pouvoir par pure mégalomanie et que l’unique rôle d’Aya et de se faire kidnapper à répétition (en trouvant malgré tout le temps de livrer à Sho le secret de la technique ultime qui ne l’empêche visiblement pas de se faire enlever toutes les cinq minutes), on ne va pas dire que ces séquences fauchées tournées maladroitement au premier degré aident à se sentir franchement impliqué dans les tracas de notre ninja. Un aspect « à côté de la plaque » qu’on retrouve hélas dans des thèmes musicaux pas très inspirés, heureusement remplacés dans la version européenne par des compositions de Richard Jacques inspirées de celles de Yuzo Koshiro – pour une fois, les perfectionnistes auront une raison de préférer cette version européenne à toutes les autres.

Si le cœur du jeu en lui-même fonctionne bien et se révèle globalement agréable à jouer, avec des combats efficaces et une jouabilité précise, on ne peut s’empêcher de sentir un certain manque de finition qui, sans faire basculer le titre dans le champ de la médiocrité, tend à faire pencher en sa défaveur la comparaison avec l’excellent Shinobi III à pratiquement tous les niveaux.

Loin de l’extraordinaire variété de son prédécesseur, qui enfilait les scènes d’anthologie comme des perles, Shinobi X se complait dans un level design sans inspiration avec beaucoup de grand couloirs rectilignes, et si apprendre à composer avec les différents obstacles et adversaires aide à garder les choses suffisamment intéressantes pour avoir envie d’arriver au bout de l’aventure, on regrette de ne retrouver absolument aucune des idées qui avaient fait mouche auparavant – les séquences à cheval ou en jet-ski, les énigmes à base de bombe, tout cela est passé à la trappe en même temps que le formidable sens du rythme qui avait tant impressionné deux ans plus tôt. Il en ressort souvent une impression mitigée, celle d’un jeu qui essaie d’être Shinobi mais qui a peur que la moindre tentative d’imprimer sa patte sur la licence soit vécue comme une trahison, et qui à force de chercher à se grimer en ninja finit par côtoyer le grotesque – comme si ce nom trop lourd à porter lui coupait définitivement les ailes.

En résulte un jeu imparfait mais sympathique avec ses bons moments entre deux hilarantes séquences de nanar, mais qui aurait peut-être mieux révélé son potentiel s’il avait eu à porter un nom moins chargé d’histoire et d’attentes des fans. Il restera comme ce qu’il est : une tournée d’adieux trop sage se contentant de reprises mécaniques de ses plus grands succès sans l’inclusion d’un seul titre original, aucun rappel, et merci pour tous les fans mais il est l’heure de profiter de la retraite. Un bon moment qui laisse pourtant comme un pincement amer – c’est sans doute ça qu’on appelle la nostalgie.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16/20

Pour sa dernière aventure au XXe siècle, la saga emblématique de SEGA signe avec Shinobi X un épisode qui place un peu trop d'efforts dans une réalisation en toc riche en vidéos nanardesques et en digitalisations à l'esthétique de roman-photo cheap et pas toujours assez du côté du game design. Même si l'efficacité de la jouabilité assure l'essentiel en offrant quelques possibilités intéressantes et en revisitant le système de jeu qui a fait la force de la série, on ne peut s'empêcher de sentir un manque d'inspiration générale, à l'image du scénario involontairement hilarant, où chaque composante du jeu fait un peu moins bien que celles de son fabuleux prédécesseur. Au final, on obtient un jeu d'action/plateforme efficace mais jamais surprenant qui porte sur ses épaules un nom un petit peu trop lourd pour lui.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Un level design paresseux se limitant trop souvent à de longs couloirs
– Un système de jeu rééquilibré pas toujours pour le meilleur
– Aucune originalité, peu de séquences marquantes
– Une réalisation qui a moins bien vieilli que celle de la génération précédente

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Shinobi X sur un écran cathodique :

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