Développeur : Krisalis Software Ltd.
Éditeur : Krisalis Software Ltd.
Testé sur : Amiga – Atari ST
La licence Rogue Trooper (jusqu’à 2000) :
- Rogue Trooper (Design Design) (1986)
- Rogue Trooper (Krisalis Software) (1990)
Version Amiga
Date de sortie : Octobre 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Supports : Disquette 3,5″ |
Contrôleurs : Clavier, joystick |
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600 |
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Modes vidéos supportés : OCS/ECS |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
L’industrie vidéoludique française n’est pas la seule à avoir entretenu une relation privilégiée avec les bandes dessinées. Il faut dire qu’une série au long cours et au retentissement international, comme Tintin ou Astérix, présente à peu près tous les avantages d’une licence de blockbuster plus clinquante, tout en étant souvent davantage inscrite dans la durée et dans la culture populaire – et en coûtant également moins cher, ce qui ne gâche rien.
Les américains n’auront d’ailleurs pas mis longtemps à puiser dans leur propre catalogue, les adaptations de comics se matérialisant dès les années 80 (les japonais n’étaient pas en reste : on pourrait d’ailleurs rappeler que Donkey Kong aura vu le jour suite au désir de Nintendo d’adapter… Popeye), quant à nos voisins d’outre-Manche… eh bien, eux n’avaient peut-être pas tous les trésors de la BD franco-belge sous la main, mais ils avaient au moins 2000 AD. Si ce nom ne vous évoque rien, dites-vous que cet hebdomadaire de science-fiction évoquant fatalement la référence française Métal Hurlant aura notamment vu les débuts de séries comme Judge Dredd, et aura lancé de jeunes auteurs devenus depuis des noms incontournables comme Neil Gaiman, Alan Moore ou Dave Gibbons – ce dernier nom étant appelé à parler aux fans de Beneath a Steel Sky. Parmi les autres séries connues issues de 2000 AD, Rogue Trooper est également un nom récurrent – elle continue d’ailleurs de connaître des adaptations, comme le prouve le titre de 2017. Après des débuts sur ZX Spectrum en 1986, elle aura tenté une deuxième apparition sur Amiga et ST en 1990… avant de disparaître des radars pendant presque seize ans. Cet opus 16 bits a depuis largement disparu de la mémoire des joueurs, alors même qu’il avait été plutôt bien accueilli par la presse de l’époque, mais méritait-il vraiment un meilleur sort ?
Le jeu imaginé par Krisalis Software propose, on s’en doute, d’incarner le héros éponyme – un soldat du futur génétiquement modifié – dans un scénario qui a le mérite d’exister et d’être présenté via des planches de comics du plus bel effet, même si on sent rapidement qu’il va droit à l’essentiel : suite à l’éradication de son peloton, le G.I. à la peau bleue part à la recherche de ses coéquipiers (dont la personnalité est préservée sur des puces électroniques) avant de se lancer à la poursuite de celui qui les a trahis.
Autant dire que les joueurs n’étant pas familiers avec le comics d’origine risquent de ne pas saisir grand chose au-delà du fait qu’il y a des dessins cools, mais ce n’est objectivement pas très grave. L’aventure est divisée en quatre niveaux correspondant à deux types de séquences : la plus copieuse, qui servira à la fois d’ouverture et de conclusion au programme, est une phase d’action en vue de profil mélangeant beat-them-all, run-and-gun et un petit aspect réflexion – sans oublier quelques éléments de plateforme. Les deux niveaux centraux, pour leur part, seront des phases de tirs en 3D évoquant furieusement Space Harrier, tout en intégrant un léger aspect gestion. Un programme plutôt copieux qui trahit une certaine ambition, et de fait, celle-ci se confirme rapidement une fois la partie lancée.
Sans être à proprement parler une claque graphique – des Shadow of the Beast étaient déjà passés par là –, Rogue Trooper se distingue d’entrée par un thème musical très entrainant à l’écran-titre, avant d’enfoncer le clou via ses fameuses planches de comics et de présenter un personnage relativement bien dessiné et surtout très bien animé dans une action fluide et à la jouabilité solide – et dans une résolution assez élevée, qui plus est, en 320×256. Chaque « sous-niveau » (la première séquence est divisée en quatre stages) demande de parcourir des couloirs et d’emprunter des ascenseurs tout en s’efforçant d’actionner des leviers et de consulter des ordinateurs pour dénicher des clefs permettant de poursuivre son avancée.
Le concept est classique, mais il est assez bien mis en œuvre, chaque stage présentant ses propres subtilités : par exemple, l’un d’eux vous demandera d’aller dénicher une tête pour pouvoir passer un scanner rétinien, à condition d’avoir commencé par allumer la lumière puisque le niveau débutera dans l’obscurité, etc. Le tout demandera au joueur de se creuser un minimum les méninges, les niveaux étant rarement assez grands pour qu’on puisse y tourner en rond pendant très longtemps, mais les objectifs n’étant jamais donnés clairement, il peut facilement arriver qu’on passe à côté d’une subtilité. Par exemple, les fameuses bio-puces de vos coéquipiers trouveront parfois une utilisation dans des situations bien précises, généralement matérialisées par le fait qu’elles clignoteront dans votre interface, ce qui vous obligera alors à passer par les touches de fonction pour en faire usage (conseil : le menu accessible via F1 vous présentera les touches). Le seul vrai regret est surtout que les ennemis réapparaissent quand vos munitions, elles, sont limitées, ce qui veut dire que le temps passé à comprendre ce que vous êtes censé faire se paiera souvent au prix fort, et l’expérimentation est d’autant plus cher payée que le programme adopte une philosophie qui trahit son âge : une seule vie, aucun continue ! Trouvez la mort, et vous devrez repartir du tout début du jeu, car il n’y a aucun point de passage. Ce qui nous amène d’ailleurs au premier écueil du titre : sa difficulté.
Comme beaucoup de logiciels de sa génération, Rogue Trooper est en effet exigeant et tolère assez peu l’erreur – mais l’équilibrage est néanmoins relativement cohérent… au début. Passé les quatre premiers stages, qui risquent déjà de vous demander pas mal de temps, le jeu bascule dans les fameuses séquences en 3D qui vous demandent de tirer sur tout ce qui bouge avant de vous faire passer par un magasin afin d’améliorer votre vaisseau – voire d’en acheter un meilleur – et de recommencer.
Outre le fait que ces fameuses séquences souffrent, comme toutes les autres, d’une certaine opacité (aucune prise en main, aucune explication ni aucune caractéristique donnée pour les différents composants que vous pouvez acheter, et dont la simple fonction n’est explicitée nulle part), elle s’avèrent surtout très confuses, la faute à des tirs ennemis qui vous arrivent dessus bien trop vite pour pouvoir faire mine d’anticiper quoi-que-ce-soit, et connaissent un pic de difficulté totalement ahurissant à partir du troisième niveau. C’est bien simple : même avec des savestates et en commençant le niveau avec les réserves d’énergie et de bouclier à fond, je ne serai tout simplement jamais parvenu à survivre plus de dix secondes à cette troisième phase ! Autant dire que je serais curieux de savoir combien d’êtres humains ont un jour posé les yeux sur le quatrième et dernier niveau, dont je n’aurai jamais trouvé la moindre image en ligne, surtout quand on sait que la seule version crackée du jeu à intégrer un trainer plante lamentablement au début du niveau deux…
En substance, cela résume assez bien l’expérience du jeu : un titre qui part sur de bonnes bases avant de s’essouffler, la faute à des séquences qui s’étirent un peu trop pour leur propre bien jusqu’à devenir inutilement laborieuses avant que les développeurs ne semblent avoir décidé que personne n’irait au-delà de la moitié de leur jeu et que s’intéresser à l’équilibrage au-delà de ce point représenterait une perte de temps.
Plutôt que d’être présentées en « blocs » indigestes de vingt minutes, les séquences auraient vraiment gagné à être mieux ventilées pour introduire une variété bienvenue, car en l’état, le joueur arrive trop vite à une conclusion dérangeante : il manque tout simplement quelque chose pour avoir envie de progresser, et l’inclusion des séquences en 3D fait finalement plus de mal que de bien à un titre qui aurait sans doute mieux fait de se concentrer sur un seul type de gameplay pour le perfectionner. Après des premières minutes vraiment sympathiques, le soufflé retombe et les différents stages s’avèrent trop redondants dans leur design pour donner envie d’en voir davantage. Bref, en dépit d’un potentiel indéniable, Rogue Trooper est un jeu qui semble avoir vidé toutes ses munitions au bout d’un quart d’heure et qui peine ensuite à offrir une motivation suffisante pour obliger le joueur à tout se re-farcir depuis le début – un système de mot de passe n’aurait vraiment pas fait de mal. Pas étonnant, finalement, qu’il ait largement sombré dans l’oubli depuis : il fait partie de ces nombreux titres qui « auraient pu » (et qui ne sont parfois vraiment pas passés loin de réussir), mais qui a mis à côté sur le plan du rythme et de l’équilibrage. Bien essayé, mais raté.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 12,5/20 Au rang des titres ayant des arguments à avancer, Rogue Trooper part clairement sur de bonnes bases : jouabilité précise, réalisation correcte, level design cohérent, avec même de petits éléments de réflexion et un scénario qui a le mérite d'exister et de respecter sa licence d'origine. Que demander de plus ? Malheureusement, après avoir assommé le joueur à empiler des niveaux aux principes très similaires en une seule et unique vie, le titre décide d'abandonner toute tentative d'équilibrage à mi-chemin avec des séquences en 3D confuses et stupidement difficiles. Lassé d'avoir à repartir du début à chaque fois dans un programme qui n'offre clairement pas assez de variété ni assez de renouvellement pour pouvoir se passer d'un système de sauvegarde, on soupire et on abandonne. Mieux équilibré et mieux rythmé, le logiciel aurait largement fait illusion, mais en l'état le commun des mortel devrait avoir son compte au bout d'une heure. Dommage. CE QUI A MAL VIEILLI : – Difficulté à l'ancienne : une seule vie, aucun continue, aucun mot de passe... – ...et qui devient totalement insurmontable à partir de la moitié du jeu – Des objectifs imposant souvent de tâtonner pour comprendre quoi faire... – ...avec beaucoup d'allées-et-venues – Des munitions limitées, mais des ennemis qui ne le sont pas – Des séquences en 3D frustrantes et pas très lisibles
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Rogue Trooper sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Rogue Trooper est donc un bon logiciel, joli et difficile, mais qui n’apporte vraiment rien de neuf à l’impressionnante ludothèque que compte l’Amiga dans le domaine de l’action. On a déjà vu bien mieux. Aussi, seuls les plus purs amateurs et les plus fortunés investiront dans ce soft. »
Olivier Hautefeuille, Tilt n°86, janvier 1991, 13/20
Version Atari ST
Développeur : Krisalis Software Ltd. |
Éditeur : Krisalis Software Ltd. |
Date de sortie : Décembre 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Disquette 3,5″ double face |
Contrôleurs : Clavier, joystick |
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe |
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Reconnaissons au moins un mérite supplémentaire à Rogue Trooper : ce n’est visiblement pas un jeu développé avec toutes ses caractéristiques techniques tirées vers le bas pour s’adapter à l’Atari ST, comme le prouve ce portage qui perd quelques plumes dans le transfert. Au niveau sonore, tout d’abord : comme souvent, alors que la machine était capable de lire les mêmes MODs que l’Amiga, le rendu du thème aura été simplifié, sans doute pour des questions de place (beaucoup de ST étaient encore équipés de lecteurs simple face). Le résultat n’en est pas moins très correct, simplement pas à la hauteur du rendu de la machine de Commodore. Au niveau graphique, ensuite : plus question de bénéficier d’une résolution en 320×256 ici, ni même en 320×200 : la fenêtre de jeu s’affiche en 320×192, ce qui fait que la vue est fatalement plus resserrée, mais seul l’axe vertical étant impacté, ça n’a heureusement pas trop de conséquence sur la lisibilité. En revanche, le framerate est plus bas que sur Amiga et l’action moins fluide. Rien de très grave à chaque fois, mais additionnés, ces quelques sacrifices finissent par pénaliser un peu l’expérience de jeu sans corriger aucun des problèmes entrevus dans la version originale. Le contenu en lui-même n’a naturellement pas changé.
NOTE FINALE : 12/20
Rogue Trooper fait clairement un peu moins bien dans tous les domaines sur Atari ST : moins fin, moins coloré, moins fluide, avec une musique légèrement inférieure. Pas de quoi rendre l’expérience insupportable, loin de là, mais à tout prendre mieux vaut quand même découvrir le jeu sur Amiga si l’occasion vous en est donnée.