
Développeur : Innerprise Software, Inc.
Éditeur : Innerprise Software, Inc.
Testé sur : Amiga
Disponible sur : Antstream
Version Amiga
Date de sortie : Octobre 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Disquette 3,5″ |
Contrôleurs : Clavier, joystick |
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500 |
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Mode graphique supporté : OCS/ECS Système de sauvegarde par mot de passe |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
La grande force – et le talon d’Achille – de la production informatique du début des années 90, c’était sa formidable profusion. À une époque où un jeu vidéo ne nécessitait pas une équipe de développement pléthorique, ni une durée de production dépassant quelques mois – ni même des chiffres de vente mirobolants pour espérer dégager un bénéfice –, on assistait exactement à ce qu’on revoit depuis que la distribution en ligne a contribué à ressusciter la production indépendante : une offre si vaste qu’il est quasi-impossible de ne pas s’y perdre.

Conséquence immédiate : si n’importe qui était théoriquement voué à y trouver son bonheur à force de recherches et de patience, la relative rareté des informations disponibles – se limitant alors à la presse informatique, au bouche-à-oreille et au piratage – faisait également que de nombreux programmes pas moins méritants que la moyenne passaient tragiquement sous les radars, leur exposition médiatique n’excédant pas trois lignes de test rapide dans des magazines qui avaient préféré mettre d’autres jeux plus sexy (et plus mis en avant par leurs éditeurs) en évidence. Autant dire que ces titres injustement oubliés représentent toujours de véritables trésors archéologiques auprès des rétrogamers qui aiment dénicher des surprises, même si leurs recherches aboutissent le plus souvent – avouons-le – à des logiciels médiocres qui méritaient pleinement leur sort faute de temps, de talent ou d’un mélange des deux. Et puis, de temps en temps, émerge une pièce intéressante : un titre qui n’est objectivement vraiment pas passé loin d’être vraiment bon… mais qui s’est un peu raté quand même. Globulus est un de ces programmes qui nous amènent à nous souvenir que la différence entre un petit jeu maladroit et un vrai grand titre enthousiasmant, c’est souvent une heure de réflexion et un mois de travail.

A priori, le titre d’Innerprise Software a déjà un tort : celui de ressembler à des dizaines d’autres jeux d’action comme il en fleurissait par wagons entiers à l’époque, en l’occurrence une espèce de clone de Q-Bert avec un improbable globule vert dans le rôle du héros. L’objectif est simple : atteindre la fin du niveau en un seul morceau, ce qui va donc obliger à éviter monstres et autres pièges avec lesquels le moindre contact s’avèrera immédiatement fatal.

Mais comme son titre ne l’indique pas, Globulus repose en fait sur une véritable idée : non seulement la petite créature ne sait pas sauter, mais elle est également pour ainsi dire incapable de gravir le plus infime relief ; en revanche, ce qu’elle peut faire, c’est « retourner » le plateau de jeu… pour transformer les côtes en pentes, et vice versa. Un mécanisme simplissime – mais c’est précisément là que repose sa force – pour transformer ce qui aurait pu n’être qu’un simple jeu de plateforme de plus en un intéressant concept de réflexion… sans pour autant abandonner son versant action, ce qui risque de lui attirer l’inimitié de beaucoup de joueurs qui gagneraient pourtant à lui accorder les cinq minutes d’acclimatation qu’il mérite. Car, loin d’avoir l’intelligence d’introduire progressivement ses mécanismes comme le ferait à peine quatre mois plus tard la référence incontournable qu’est Lemmings, Globulus fait hélas partie de ces innombrables titres où l’approche du game design s’est limitée à empiler des niveaux et à mettre le jeu en boîte sans franchement s’interroger sur la façon dont les nouveaux venus allaient aborder la partie.

Très bon exemple avec un premier niveau qui peut facilement représenter un motif de hurlements à force de trépasser sans avoir le temps de comprendre quoi que ce soit. Notre globule y débute en effet sur une plateforme, avec deux possibilités en vue : partir vers la gauche, et se ramasser un monstre au bout de quatre secondes, ou partir vers la droite, et composer avec un piège mortel nécessitant un timing extrêmement précis. Temps de jeu moyen avant trépas : quatre secondes.

Avant de tout balancer en prononçant avec véhémence des termes qui ne nous rendrons pas très populaire auprès des voisins, prenons donc le temps d’observer les possibilités offertes au héros : en bas à gauche se situe un décompte de ses pouvoirs restants, entre lesquels il est possible de passer via la barre d’espace : le premier est le fameux mécanisme de « retournement » qui va constituer le cœur du jeu, mais s’y ajoutent également des explosifs qui pourront faire sauter certains obstacles ainsi qu’une très pratique réserve de smart bombs qui font disparaître tous les monstres à l’écran. Commencez donc par vous en servir, et vous serez libre de parcourir un plateau plus dégagé qui vous laissera le plaisir de découvrir les autres subtilités que sont les tremplins, les tourniquets, les directions imposées et autres éléments dont on comprend très rapidement la fonction et qui constitueront le sel de l’expérience – laquelle s’avère, une fois ces premiers instants surmontés, étonnamment efficace.

Car même si Globulus s’accroche à des concepts punitifs dont on aurait tendance à se débarrasser immédiatement aujourd’hui – nombre de vies limité, pouvoirs qui s’épuisent d’un niveau à l’autre, mots de passe délivrés de façon très irrégulière et obligeant à ré-enchaîner plusieurs niveaux pour revenir là ou on était bloqué –, il a à la fois le mérite de ne jamais verser dans les casses-têtes insurmontables sans deux heures de planification (ce qui ne signifie pas que les derniers niveaux ne nécessiteront pas une cogitation de plusieurs minutes) et de mettre en place un système de points permettant de faire son marché entre les niveaux pour acquérir les pouvoirs – ou les vies – qui nous font défaut.

On appréciera également que la limite de temps se montre EXTRÊMEMENT généreuse au point de ne jamais représenter une pression inutile, et qu’il soit possible de collecter des pouvoirs directement sur le plateau, souvent au prix de quelques risques supplémentaires. Le level design s’avère globalement assez malin, alternant phases de réflexion et phases d’adresse, et de nombreux niveaux ne présentent que peu ou pas d’ennemis, ce qui fait qu’on ne devra pas passer son temps à investir dans des smart bombs pour pouvoir avancer en paix. L’expérience n’est pas immensément longue (seulement vingt niveaux au total), ce qui fait d’autant plus regretter que le programme n’ait jamais pensé à inclure ces trois ou quatre niveaux d’initiation supplémentaires histoire de prendre un peu le joueur par la main avant de le lâcher dans la fosse au lion – là encore, une tare récurrente de l’avant-Lemmings. Mais elle a surtout, malgré ses quelques maladresses, le mérite de fonctionner avec un minimum d’investissement là où d’autres titres comme Brat se seront vautrés en beauté faute d’avoir eu la moindre bribe d’intérêt pour leur propre équilibrage.

Dès lors, les reproches sont plutôt de l’ordre des finitions : on aurait apprécié des décors plus variés avec de véritables thèmes plutôt que ces simples enchaînements abstraits de tuiles colorées sur fond noir, une difficulté plus progressive, un game design qui n’impose pas de revenir en arrière pour recommencer en boucle des niveaux déjà finis afin d’avoir le droit d’arriver au prochain mot de passe, plus de contenu, quelques idées en plus… soit précisément tout ce qui fait la différence entre un jeu qui reste dans les mémoires et Globulus – autant dire trois fois rien.

Si les joueurs allergiques à toute forme de mélange entre les genres viscéralement opposés que sont l’action et la réflexion risquent de prendre la fuite avant même de lui avoir laissé sa chance, la vérité est qu’ils commettront ainsi peut-être une erreur : Globulus est un jeu qui parvient à émerger au-delà du magma de titres sans idées ni intérêt qui pullulaient à l’époque et qui peut réellement se montrer intéressant à jouer aujourd’hui avec un minimum d’investissement – allez, cinq minutes à tout casser. Ni un chef d’œuvre, ni un indispensable, mais clairement un programme pas trop mal conçu qui méritait mieux, et qui donne envie de retourner plonger au milieu de la jungle des logiciels anonymes pour vérifier s’il n’y aurait pas encore quelques perles mal dégrossies qui se cacheraient là-dedans. Et cela, trente ans après la fin de l’âge d’or de l’Amiga, ça a quand même une certaine saveur pour les curieux.













Vidéo – Cinq minutes de jeu :
Note : une version alternative du jeu, avec un héros remplacé par un personnage jaune avec des lunettes de soleil et quelques graphismes redessinés (les zones de sortie sont désormais des smileys) semble exister, mais son contenu est apparemment identique et les raisons de l’existence de cette version me sont inconnues (un prototype ?)
NOTE FINALE : 14/20
Bâti tout entier autour d'une excellente idée, Globulus est un titre d'action/réflexion qui aurait vraiment pu faire date s'il n'avait pas souffert, comme beaucoup de ses contemporains, d'un équilibrage au doigt mouillé entraînant une courbe de progression inutilement frustrante faute de prendre le temps d'enseigner patiemment au joueur les quelques mécanismes indispensables. Mais une fois les premières (désagréables) minutes de jeu surmontées, il louvoie de façon assez maligne entre la réflexion pure et les séquences d'adresse pour se révéler comme un titre étrangement addictif malencontreusement dissimulé derrière ce manque d'accessibilité. Loin des expériences intéressantes sur le papier mais au final totalement impraticables à la Brat, le titre d'Innerprise Software pourrait bien toucher au cœur une portion de joueurs patients pas effrayés par les habituels errement du game design à l'européenne du début des années 90. Un jeu qui mérite peut-être une deuxième chance.CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une courbe de progression assez raide
– Un mot de passe par niveau, ça aurait vraiment été un mal ?
– Absolument aucune variété dans les environnements et les thèmes musicaux
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Globulus sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :
« À la différence de Q-Bert et autres Skweek qui misent avant tout sur l’action, Globulus privilégie la stratégie. À chaque nouveau tableau, on se torture les méninges pour voir comment passer. La réalisation, très correcte, s’adapte bien à l’esprit du soft. Un excellent jeu qui aurait presque pu figurer parmi les hits. »
Olivier Scamps, Tilt n°84, décembre 1990, 15/20