Développeur : Japan System House Co., Ltd.
Éditeurs : SEGA Enterprises Ltd. (Europe, Japon) – SEGA of America, Inc. (Amérique du Nord)
Titre alternatif : 忍者外伝 (graphie japonaise)
Testé sur : Game Gear
La série Ninja Gaiden (jusqu’à 2000) :
- Shadow Warriors (NES) (1988)
- Shadow Warriors (Arcade) (1989)
- Shadow Warriors II : Ninja Gaiden II (1990)
- Ninja Gaiden III : The Ancient Ship of Doom (1991)
- Shadow Warriors (Game Boy) (1991)
- Ninja Gaiden (Game Gear) (1991)
- Ninja Gaiden (Master System) (1992)
Version Game Gear
Date de sortie : 1er Novembre 1991 (Japon) – Décembre 1991 (Amérique du Nord, Europe) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Anglais, traduction française par Terminus Traduction |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Console |
Version testée : Version américaine patchée en français |
Spécificités techniques : Cartouche d’1Mb |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
La mémoire est un outil sélectif qui tend à déformer, voire à occulter, la réalité.
Si vous vous demandez pourquoi je vous raconte cela, c’est parce que la série des Ninja Gaiden est, à mon sens, presque un cas d’école à ce sujet : elle est aujourd’hui si fermement associé à la NES qu’on en vient régulièrement à oublier – ou à ignorer – qu’elle est également un beat-them-all sur borne d’arcade, ou même qu’elle aura été portée sur des dizaines de systèmes, y compris sur ceux où on ne l’attendait pas forcément, comme sur Amiga, sur PC… ou sur les consoles SEGA.
Petit détail souvent mis de côté, en effet : non seulement le célèbre ninja aura largement fait faux bond à Nintendo, mais il aura même eu le culot de tenter sa chance chez le principal rival de l’époque… avec un succès mesuré, il est vrai. Le fait que beaucoup de gens ne soient même pas au courant que des itérations Master System et Game Gear de la série existent en est d’ailleurs le premier indice – le second étant qu’une version Mega Drive assez avancée aura carrément été annulée. Mais pour l’Histoire, on retiendra donc que l’année même où la licence clôturait sa trilogie sur NES, moins de deux semaines après une escapade assez réussie sur Game Boy, elle sera également partie tenter sa chance sur Game Gear via un titre s’appelant tout bêtement Ninja Gaiden. Avec une inscription doublement mensongère sur l’écran-titre, pour l’occasion, qui affiche fièrement un « reprogrammed game ©1991 SEGA » quand bien même la cartouche n’est pas une version reprogrammée mais bien un jeu inédit… et qu’elle n’a pas été programmée par SEGA mais par Japan System House, un studio habitué aux développements d’exclusivités pour les machines de la firme, parmi lesquelles on pourra citer Pepenga Pengo sur Mega Drive ou encore les adaptations de Streets of Rage ou de Ristar sur Game Gear.
Cette version s’ouvre d’ailleurs sur un petit faux pas : bien que l’aspect narratif n’ait pas été largement occulté comme cela avait été le cas pour la version Game Boy, on n’aura même pas le droit ici à une cinématique d’introduction pour placer les enjeux de l’histoire… laquelle est de toute façon globalement décevante, tournant autour du fameux sabre de Ryu Hayabusa sans jamais parvenir à faire monter la sauce.
Un bon moyen de réaliser qu’en dépit de ses très nombreuses maladresses, la trame de la trilogie originale avait au moins le mérite d’introduire sa dose régulière de retournements et de se laisser suivre, là où le récit hyper-basique de la version Game Gear (un puissant armateur veut vous voler votre sabre pour devenir maître du monde) manque cruellement de chair. Qu’importe : l’histoire représentant plus un bonus qu’un élément crucial, la grande question est plutôt de savoir si le cœur du jeu, lui, est à la hauteur. Et comme un bref coup d’œil vers le pavé de note final vous l’aura déjà indiqué (ne niez pas, on le fait tous), la réponse est : non. Il faut dire que la saga – ou du moins, ses épisodes les plus réputés – a toujours reposé sur un savant mélange entre une jouabilité irréprochable, une réalisation inattaquable, un level design aux petits oignons, une variété bienvenue et une difficulté monstrueuse. Soit autant d’éléments qu’on ne retrouve pas ici – ou du moins pas avec autant de succès.
Pourtant, dans l’absolu, le système de jeu est à peu près le même que celui de la saga « canonique » : notre ninja peut sauter, attaquer, collecter des power-up, utiliser des armes secondaires grâce à une réserve de pouvoir, et comme dans Ninja Gaiden II il peut directement escalader les parois sans avoir à tenter des sauts à la Batman.
On remarquera néanmoins que, pour une raison quelconque, l’emploi des armes secondaires se fait ici avec la flèche du bas cumulé au bouton d’attaque plutôt qu’avec la flèche du haut – une nuance moins symbolique qu’elle n’en a l’air, puisqu’elle signifie qu’il sera désormais impossible de s’accroupir en attaquant sans dilapider votre réserve d’énergie pour utiliser vos fameux pouvoirs… un choix aussi stupide qu’injustifié qui trahit un cruel manque de recul dans le game design, et qui tend à révéler ce qui manque le plus à un jeu qui ne parvient jamais à s’élever au-dessus de la catégorie « sympathique » : les finitions. Il y a comme un goût un peu amer d’inachevé, dans ce Ninja Gaiden sur Game Gear, sur tous les plans, et le fait que les cinq niveaux du jeu puissent facilement être évacués en une petite vingtaine de minutes dès la première partie n’en est que le premier symbole.
Autant commencer par là, d’ailleurs : dans une saga réputée pour son exceptionnelle difficulté, proposer un logiciel à ce point dépourvu de challenge est une sévère faute de goût. Certes, tout le monde ne lance pas un jeu de plateforme pour s’arracher les cheveux pendant toute la durée de l’expérience, et l’épisode sur Game Boy avait démontré qu’on pouvait tout-à-fait tempérer un peu le défi sans rendre pour autant le jeu insipide.
Malheureusement, ici, non seulement l’essentiel du parcours est une promenade de santé – il y a peu d’ennemis et d’obstacles, des bonus de soins dans tous les sens, et même les boss sont ridiculement simples – mais les rares difficultés sont souvent ardues pour de mauvaises raisons, comme ces « plongeurs-sauteurs » du niveau deux qui vous laissent un dixième de seconde pour éviter leurs attaques. La taille des sprites fait qu’on a souvent très peu de temps pour réagir, et certains niveaux, comme le troisième qui se limite à sauter d’une façade à une autre en évitant des pots de fleur (!), font davantage penser à un stage bonus tiré de la licence concurrente de Shinobi qu’à un de ces passages finement ciselés qui nécessitaient de connaître le placement du moindre adversaire à la perfection pour espérer survivre. Les niveaux sont trop courts pour laisser le temps de surprendre, la fenêtre de jeu est trop petite pour laisser au level design assez d’espace pour être autre chose qu’un grand couloir, la réalisation est correcte mais laisse un sentiment de vide, et les quelques bonnes idées du jeu – comme les plateformes rotatives du dernier niveau – sont assez vite noyées dans un manque d’imagination général, les armes secondaires fades et globalement inutiles en étant sans doute la meilleure illustration. Bref, si la cartouche n’est pas honteuse et peut se montrer amusante par courtes sessions (au hasard : le temps de finir le jeu), on a affaire à un petit programme vite bouclé avec trop peu de séquences marquantes pour donner envie d’y retourner régulièrement. Autant dire un titre qui se serait sans doute rendu service en ne s’appelant pas Ninja Gaiden.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 14/20 En débarquant sur Game Gear, Ryu Hayabusa n'aura hélas pas pensé à prendre avec lui le savoir-faire ni l'ambition que lui avait transmis Tecmo. Laissé aux bons soins de Japan System House, Ninja Gaiden nous démontre ce qu'aurait été été la licence dépourvue de sa légendaire difficulté, de sa réalisation inattaquable, de ses scénarios alambiqués et de son level design irréprochable : un simple jeu d'action/plateforme comme on en a vu des centaines, jouable et efficace à son petit niveau mais trop vite bouclé, dépourvu de passages vraiment marquants et fondamentalement oubliable. Rien d'intrinsèquement honteux, mais certainement pas non plus de quoi faire entrer la licence de Tecmo sur les machines de SEGA par la grande porte, surtout quand celle-ci est déjà barrée par un certain Shinobi qui fait bien mieux sur la même machine. Une curiosité, mais pas grand chose de plus.
CE QUI A MAL VIEILLI : – Le mécanisme des armes secondaires changé, et pas pour le mieux – Un aspect narratif très éloigné de celui des épisodes NES – Un jeu trop court, et globalement bien trop facile... – ...avec un boss final qui ne tient que par la limite de temps
« Mon » Ninja Gaiden. J’y ai beaucoup joué à l’époque, je trouvais les graphismes très fins et plutôt jolis.
Par contre que vous le trouviez facile ça me démontre une fois de plus que j’étais une bille car j’ai eu du mal à le finir 🙂
Disons que comparés aux épisodes NES, c’est le mode « ultra-facile » ^^