Yo! Joe!

Développeur : Scipio
Éditeur : Play Byte
Titre alternatif : Yo! Joe! Beat the Ghosts! (titre complet), Scipio’s Yo! Joe! (écran-titre)
Testé sur : AmigaPC (DOS)

Version Amiga

Date de sortie : Juillet 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le jeu de plateforme européen, c’est une catégorie à part entière. Les anglo-saxons, qui aiment bien avoir un mot pour tout, le désignent prosaïquement sous le terme d’europlatformer. Et on se doute qu’à l’instar du western spaghetti, son identité en tant que genre ne s’arrête pas à son origine géographique.

Tous les utilisateurs d’Atari ST ou d’Amiga, sur lequel le genre pullulait, sauront vous décrire ses caractéristiques d’ailleurs pas toujours flatteuses : un programme souvent pensé pour en mettre plein les yeux sur le plan technique, avec des codeurs, des graphistes et des musiciens largement issus de la scène du demomaking, un level design et un game design accusant facilement dix ans de retard sur la production japonaise, une difficulté élevée, un équilibrage fait avec les pieds, une jouabilité à un seul bouton où on saute en poussant le stick vers le haut (blasphème !), et un type de programme généralement copieusement piraté et auquel il fallait jouer avec un trainer pour avoir une chance d’en voir le bout. Bref, une production considérée comme « exotique » hors d’Europe et généralement observée avec un certain mépris, mais d’où quelques élus parviennent parfois à s’extirper.

Yo! Joe! est, à ce titre, clairement un europlatformer. Curiosité développée par une équipe dont il restera l’unique production en dépit des bons retours critiques, avec à son bord des artistes ayant rarement plus de trois jeux au compteur dans toute leur carrière (la plupart ayant en commun d’avoir travaillé sur une obscure adaptation d’Hägar Dünor sur Amiga et Commodore 64), le titre de Scipio vous place aux commande de deux graffeurs opposé à des ennemis hauts en couleur.

On ne cherchera pas trop à comprendre comment ces deux zonards se sont retrouvés en bisbille avec une voyante, un minotaure, un cyborg ou un Dracula de pacotille : la seule chose qui compte, c’est que cela leur offrira un prétexte en valant bien un autre pour parcourir cinq environnements immédiatement reconnaissables (plus un court passage dans le métro), entrecoupés de stage-bonus à dos de dragon (!) histoire de regagner de la santé. Comme on le voit, le scénario ne se prend pas trop au sérieux, et c’est tant mieux, parce qu’il faut bien reconnaître que c’est rarement pour l’histoire qu’on joue à un jeu de plateforme.

Vous vous souvenez de la liste des caractéristique de l’europlatformer ? Yo! Joe! ne cherche pas franchement à s’en émanciper, heureux d’assumer son héritage de titre typiquement pensé pour l’Amiga et rien d’autre, et il coche à ce titre pratiquement toutes les cases évoquées plus haut – les bonnes comme les mauvaises.

Commençons par la réalisation : sans être une claque technique à la Jim Power, les graphismes d’Harald Kuhn s’en sortent néanmoins très bien, faisant oublier les limites de la palette de l’Amiga et pouvant largement prétendre rivaliser avec bien des jeux de plateforme développés pour les consoles 16 bits. Le défilement est fluide, les ralentissements sont rares, les décors savent se montrer variés au sein d’un même niveau (et tant mieux, car ceux-ci sont plutôt longs), et le tout a une identité indéniable remplie de petits détails savoureux, comme ce poster de pin-up squelettique qu’on pourra observer à l’intérieur des sarcophages d’où sortent les momies du niveau deux. La musique de Michael Bialas est également très efficace, et on n’aura heureusement pas besoin de se priver des bruitages pour en profiter. Bref, à ce niveau, Yo! Joe! se place instantanément vers le haut du panier.

Niveau game design, les choses sont un peu moins idylliques, mais l’équipe aux commandes aura néanmoins su limiter la casse inhérente au genre. Comme souvent, le plus gros grief est cette maniabilité à un bouton qui manque de précision et qui vous obligera à des manipulations pas très naturelles pour changer d’arme ou pour vous raccrocher aux corniches. Le level design s’en sort plutôt mieux qu’à l’accoutumée, avec des niveaux étendus et non-linéaires qu’on prend plaisir à visiter, chacun comprenant son boss et ses mini-boss (extrêmement basiques : ne vous attendez pas à des patterns hyper-complexes).

Les passages secrets et autres blocs destructibles sont de la partie, même si comme souvent, 95% des bonus du jeu n’ont pour unique fonction que le scoring. On retrouve toujours cet aspect maladroit de l’équilibrage typique de ce genre de jeu : beaucoup de pièges sont inévitables la première fois qu’on les rencontre, et il arrive fréquemment que des adversaires ou certains passages se révèlent pratiquement infranchissables sans se faire toucher. Néanmoins, la générosité de votre barre de santé additionnée à la présence de nombreux bonus de soin aide d’autant mieux à faire passer la pilule que les points de passages sont également très permissifs et vous renvoient rarement plus de quelques mètres en arrière en cas de trépas. Sachant que les ennemis vaincus ont le bon goût de ne pas réapparaître et qu’il n’y a pas de limite de temps, un joueur méthodique et patient pourra donc espérer arriver loin sans avoir à s’arracher les cheveux – et la chose n’est que plus vraie à deux joueurs, où on pourra se répartir les tâches et envoyer le personnage le plus en forme en première ligne.

C’est d’ailleurs l’une des grandes forces d’un jeu qui n’offre autrement strictement rien qu’on n’ait pas déjà eu l’occasion de voir un million de fois. N’attendez aucune surprise, aucun effet de mise en scène une fois un niveau commencé : le gameplay ne cherche jamais à se renouveler ou à offrir du neuf.

Encore une fois, cela n’a rien de rédhibitoire : ce qui est présent a le mérite d’être relativement efficace et bien pensé, sans pour autant se hisser à la hauteur des références du genre, que ce soit sur consoles ou sur ordinateurs. Néanmoins, la plupart des lacunes de l’europlatformer ont été évitées avec suffisamment d’intelligence pour que la majorité des joueurs allergiques à ce type de programme sur Amiga n’aient pas de raison de prendre la fuite en hurlant. Parfois, on ne tient ni un titre majeur ni une révolution mais simplement un petit jeu qui remplit bien son office, et c’est déjà pas mal.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14,5/20 Dans la masse des jeux de plateforme européens, Yo! Joe! est l'exemple-type du titre qui n'invente ni ne révolutionne rien mais qui parvient malgré tout à viser assez juste pour s'extraire de la masse. En dépit d'un aspect un peu brut de décoffrage dans son level design et sa jouabilité - une tare récurrente dans les europlatformers, mais ici relativement bien canalisée - sa réalisation, sa variété et son mode deux joueurs lui permettent de tirer son épingle du jeu et de passer un bon moment. On n'est certes absolument jamais surpris par un logiciel dont les équivalents se comptent par centaines sur consoles, mais sur Amiga, il demeure un challenger sérieux derrière les intouchables à la Gods ou à la James Pond 2. Une bonne surprise.

CE QUI A MAL VIEILLI : – L'éternelle jouabilité à un seul bouton, avec ses lourdeurs et son manque de précision – Des niveaux qui s'étirent en longueur – Pas de mots de passe ni de sauvegarde – Des boss aux patterns simplistes

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Yo! Joe! sur un écran cathodique :

Version PC (DOS)

Développeur : Scipio
Éditeur : Play Byte
Date de sortie : Novembre 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : MS-DOS 3.0 – RAM : 580ko*
Modes graphiques supportés : Vesa, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, DA Converter, Disney Sound Source, haut-parleur interne, Sound Blaster
*640ko requis pour le mode deux joueurs

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Choix surprenant : alors qu’on pouvait s’attendre à voir Yo! Joe! tenter sa chance sur les consoles de salon – Mega Drive en tête – l’unique portage du jeu aura finalement été effectué sur PC… soit un ordinateur de plus en plus répandu et largement apte à faire tourner le jeu, certes, mais pas la première machine à laquelle on pensait alors pour faire tourner un jeu de plateforme. On notera que c’est l’équipe de développement originale qui s’est chargé de cette adaptation, avec un logiciel de paramétrage assez pointu conçu pour tirer parti de la plupart des cartes graphiques SVGA de l’époque, permettant notamment un affichage jusqu’à 70Hz.

Au rang des mauvaises nouvelles, même avec le support du VESA, le jeu trouve le moyen de ne pas être aussi beau que sur Amiga 500 ! L’interface est devenue plus terne, et surtout les dégradés de fond ont disparu – alors oui, c’est une fonction matérielle de l’Amiga, mais on ne me fera jamais croire qu’un PC de 1993 ne pouvait pas afficher ce genre de choses en 256 couleurs. Rien de dramatique, surtout quand on est en intérieur, mais ça fait quand même un peu tache. En revanche, on peut verser pratiquement tout le reste au rang des bonnes nouvelles : le jeu est très fluide, la maniabilité est irréprochable au clavier comme au joystick, le défilement est impeccable… et surtout, sur le plan sonore, le jeu a la bonne idée de tirer profit des mods, ce qui veut dire qu’on hérite très exactement de la musique de la version Amiga ! Bref, à quelques couleurs perdues près, une version difficilement attaquable qui a au moins le mérite d’offrir au PC un bon jeu de plateforme là où sa ludothèque n’en offrait pratiquement pas.

NOTE FINALE : 14/20

À quelques fioritures près, la version PC de Yo! Joe! fait jeu égal à l’itération Amiga : c’est fluide, c’est jouable, et ça va même encore un peu plus vite. Même la musique est identique ! Dommage d’avoir perdu les dégradés de fond, en revanche, mais l’expérience de jeu reste très satisfaisante.

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