Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : 2010 Street Fighter (Japon)
Testé sur : NES
Disponible sur : 3DS, Wii U
La série Street Fighter (jusqu’à 2000) :
1 – Street Fighter (1987)
2 – Street Fighter 2010 : The Final Fight (1990)
3 – Street Fighter II (1991)
4 – Street Fighter II Turbo (1992)
5 – Street Fighter II : Champion Edition (1992)
6 – Super Street Fighter II (1993)
7 – Super Street Fighter II Turbo (1994)
8 – Street Fighter Alpha : Warrior’s Dreams (1995)
9 – Street Fighter : The Movie (1995)
10 – Street Fighter II (1995)
11 – X-Men vs. Street Fighter (1996)
12 – Street Fighter Alpha 2 (1996)
13 – Street Fighter III : New Generation (1997)
14 – Marvel Super Heroes vs. Street Fighter (1997)
15 – Pocket Fighter (1997)
16 – Street Fighter EX Plus α (1997)
17 – Street Fighter III : 2nd Impact – Giant Attack (1997)
18 – Street Fighter Alpha 3 (1998)
19 – Street Fighter III : 3rd Strike (1999)
20 – Street Fighter EX2 Plus (1999)
21 – Street Fighter EX3 (2000)
Version NES
Date de sortie : 8 août 1990 (Japon) – Septembre 1990 (Amérique du Nord) – Juillet 1996 (Brésil) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Anglais, japonais |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Joypad |
Version testée : Version américaine |
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb |
Que faire avec une licence à succès ? Pour obtenir la réponse à cette question, il pourrait suffire d’aller la poser à Capcom : avec une moyenne de deux épisodes par an pendant dix ans, la série des Street Fighter aura matérialisé l’expression « traire une licence » d’assez belle manière – presque de quoi donner des leçons à Konami, qui n’a pourtant jamais été franchement timide en la matière, comme on avait pu le voir avec les Tortues Ninja. Mais de façon fort intéressante, on pourrait également se tourner vers Capcom – et, ironiquement, vers la même série – pour répondre à la question inverse : que faire avec une licence qui ne marche pas ?
Car il ne faut pas oublier qu’en 1990, un an avant la sortie de son deuxième opus, Street Fighter n’était pas grand chose – juste une borne d’arcade n’ayant pas marqué les esprits ni rencontré un grand succès et dont une partie des concepteurs avait entretemps été débauchée par SNK. La réponse aura là encore été d’un pragmatisme glaçant : quitte à avoir un nom qui n’évoque pas encore grand chose, autant essayer de le poser partout – comme ça, si un épisode marche accidentellement mieux que les autres, ça fera de la pub à toute la série. En termes de ripolinage marketing, le simple titre de Street Fighter 2010 : The Final Fight est déjà presque un cas d’école, la version américaine allant donc jusqu’à concaténer le nom de pas moins de deux licences maisons pour vendre un jeu… n’offrant finalement pratiquement aucun lien ni avec l’une, ni avec l’autre, et au succès duquel Capcom croyait tellement que le jeu n’aura même pas été commercialisé en Europe. De quoi aboutir au contraire de l’effet recherché et nimber la cartouche d’une bonne grosse couche d’opportunisme cynique, qui tend depuis lors à donner une mauvaise réputation à ce qui doit rester comme le titre le plus méconnu de la licence – au point de se demander s’il en fait partie. Autant s’y faire : la réponse, à l’heure actuelle, est toujours « oui ». Et cet épisode pourrait même vous apprendre des choses que vous ne soupçonniez pas.
Par exemple, saviez-vous que c’est finalement Ken qui a remporté le tournoi d’arts martiaux ? Un résultat assez surprenant lorsqu’on se souvient que le personnage n’était littéralement qu’un clone de Ryu à l’intention d’un éventuel deuxième joueur, mais moins que le fait que le guerrier soit apparemment devenu un scientifique de pointe vingt-cinq ans plus tard, au point de travailler avec son ami Troy sur un traitement révolutionnaire.
La surprise ne s’arrête pas là : le traitement en question est visiblement pour le moins… imparfait, puisque injecté en trop fortes doses, il provoque carrément la mutation de l’hôte en une espèce de monstre agressif, ce qui est légèrement problématique autant que cela créé des tension avec la Sécu, et plus encore à partir du jour où Ken retrouve son ami réduit à l’état de bouillie rose pendant que l’assassin de ce dernier entreprend de voyager de planète en planète pour transformer tout le monde en créature dangereuse, comme ça, pour s’amuser. Un peu vexé de voir le fruit de son travail se changer en arme de destruction massive, Ken se lance donc à la poursuite du tueur à travers l’espace… car oui, dans le passé de 1990, la terre aurait visiblement dû coloniser plusieurs systèmes solaires en 2010. On est grave à la bourre, les gars.
Quoi qu’il en soit, Street Fighter 2010 prend donc la forme… d’un run-and-gun à la Mega Man. Un choix qui a de quoi laisser perplexe pour une cartouche portant le nom d’un jeu de combat et d’un beat-them-all, mais un domaine où l’on sait Capcom relativement à l’aise, comme le prouvaient d’ailleurs les (très bons) débuts des aventures du petit robot. L’objectif de chacun des sous-niveaux du jeu va être de récolter assez d’énergie pour pouvoir activer le téléporteur de Ken afin de passer à la zone suivante – ce qui, dans les faits, va généralement se résumer à tuer tout ce qui bouge, et assez souvent à se contenter de liquider un boss, avant d’aller chercher le portail en question en moins de dix secondes sous peine de mort parce que sinon ça n’est pas drôle.
Car plutôt que d’adopter une structure linéaire traditionnelle se contentant de demander d’avancer vers la droite, le titre préfère opter pour une louable variété des situations : combat de boss en arène, vagues d’ennemis à repousser, séquences de plateforme en défilement forcé, et même un petit piège qui a de fortes chances de vous coûter une vie la première fois : un très bon moyen que le rythme ne retombe pas et qu’on ne sache jamais vraiment à quoi s’attendre pour la suite. Ken, pour sa part, est un personnage plein de ressources : il peut escalader des colonnes et faire usage d’une sorte de canon dont la puissance et surtout la portée peuvent augmenter en collectant d’indispensables power-up – mais attention, car un simple coup reçu suffit à diminuer sa puissance. Surtout, il dispose d’une panoplie de coups plus étendue qu’on pourrait le penser, puisque presser le bouton de tir en même temps qu’une des directions donne un résultat différent selon la combinaison, avec la possibilité de tirer en l’air ou d’activer des tirs à tête chercheuse… mais pas de faire feu vers le bas, ce qui correspondra donc à son plus redoutable angle mort.
Cette jouabilité où l’on se retrouve à tirer en diagonale vers le haut quand on pousse la croix directionnelle vers le bas pourra demander un petit temps d’adaptation, qui risque de s’avérer d’autant plus nécessaire que, comme souvent avec Capcom, la difficulté du jeu est redoutable. L’aventure a beau être relativement courte – comptez une demi-heure pour arriver au combat final – le programme compense en étant bien décidé à vous compliquer la vie, et il ne faut pas attendre longtemps pour se retrouver dans des situations où il faut composer à la fois avec un boss, des vagues continues d’adversaires et plusieurs tracas dans le décor.
Un défi certes frustrant, mais il faut également reconnaître que Street Fighter 2010 est un jeu où l’on tend à mesurer ses progrès assez vite – et à en ressentir une intense satisfaction. Les niveaux s’enchaînent sans temps mort, et si certains boss peuvent s’avérer assez énervants faute de pattern prévisible de leur part, la plupart d’entre eux peuvent être éliminés assez vite dès l’instant où on a la bonne idée d’arriver face à eux avec une puissance de feu conséquente. Pour ne rien gâcher, les artistes de chez Capcom n’étant pas brutalement devenus des manches, la réalisation est clairement dans le haut du panier de ce qu’a pu offrir la NES, avec notamment des ambiances colorées assez magnifiques. Bref, et contrairement à ce qu’on pouvait craindre, le fait est qu’on passe plutôt un très bon moment en compagnie de notre Ken du futur, à découvrir chaque étape d’un scénario de série Z cousu de fil blanc.
En fait, rétrospectivement, on peut surtout se dire que Capcom n’aura vraiment pas rendu service au jeu en le privant d’identité à trop chercher à lui coller n’importe quelle licence dessus. Car sans être un chef d’œuvre, Street Fighter 2010 n’est vraiment pas très loin d’être une très bonne cartouche, son principal défaut étant ironiquement son manque d’identité : faute d’idée marquante, et en dépit d’une jouabilité originale mais pas poussée au bout de sa logique, on se retrouve avec un jeu ludique et efficace mais qui échoue – de peu – à se montrer réellement marquant.
Il manque un petit truc, une trouvaille qui change tout, un vrai morceau de bravoure façon « forteresse du Dr. Wily » – en fait, quelque chose qui l’aide à réellement se détacher de l’écrasante série des Mega Man à laquelle il fait énormément penser, mais en un peu moins profond, en un peu plus court et en un peu moins bien équilibré. C’est peut-être d’ailleurs la véritable explication de ce titre alambiqué : Street Fighter 2010 : The Final Fight voudrait en fait se lire « ce titre qui n’a rien à voir avec Mega Man, promis ». Comme quoi, avoir trop de bonnes licences n’a pas que des avantages… et ce jeu trop souvent congédié comme étant « ce machin qui n’a rien à faire dans la licence Street Fighter » mériterait à coup sûr une autre chance, ne fut-ce que pour lui laisser le mérite d’exister enfin pour ce qu’il est : une bonne cartouche injustement égarée dans l’ombre de trop nombreux titres légendaires. Voilà le prix de n’être qu’un bon jeu, chez Capcom : parfois, on n’a juste pas le temps de se souvenir de vous.
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 15,5/20
En dépit de son nom quelque peu grotesque qui transpire le désir de capitaliser sur deux licences avec lesquelles il n'entretient aucun lien, Street Fighter 2010 : The Final Fight est un run-and-gun portant en lui la plupart des qualités qu'on est en droit d'attendre d'un titre de chez Capcom : une réalisation solide, une jouabilité irréprochable et un défi qui aura de quoi garder n'importe qui occupé pendant un petit bout de temps. On est finalement assez proche d'un Mega Man avec quelques (timides) idées en plus et beaucoup de mécanismes et de contenu en moins, ce qui résume finalement assez bien ce qu'il manque réellement à la cartouche pour se rendre mémorable : le petit truc en plus qui fait toute la différence. En l'état, on se contentera d'un jeu un peu trop générique, un peu trop court et un peu trop exigeant pour son propre bien, mais ça n'empêchera certainement pas de passer un très bon moment dessus dès l'instant où on sait ce qu'on vient chercher. Comme quoi, un jeu Capcom moins inspiré reste un jeu Capcom.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une difficulté « Capcom »...
– ...qui fait passer la pilule d'un jeu autrement un peu court
– Le mécanisme du portail à aller dénicher après avoir vaincu un boss, sérieusement ?