Développeur : Lankhor
Éditeur : Lankhor
Testé sur : Atari ST – Amiga – PC (DOS)
Les enquêtes de Jérôme Lange :
1 – Le Manoir de Mortevielle (1986)
2 – Maupiti Island (1990)
Version Atari ST
Date de sortie : Mars 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Allemand, anglais, français |
Support : Disquette 3,5″ simple face (x2) |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Version disquette française testée sur Atari 1040 STe |
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Janvier 1954. À bord du Brisban, yacht égaré au milieu de l’Océan Indien, le détective Jérôme Lange fait route vers le Japon depuis Madagascar. Le 30 janvier, dans la soirée, une tempête est annoncée ; le navire doit faire escale sur l’île de Maupiti. Le 31, à neuf heures du matin, une certaine Maguy frappe à la porte de la cabine du détective : une jeune femme nommée Marie a été enlevée au cours de la nuit. Jérôme accepte de se pencher sur l’affaire avant de repartir pour le Japon : il aura devant lui 36 heures pour faire la lumière sur le sort de la dénommée Marie et sur le rôle qu’ont pu jouer les neuf personnes qui se trouvent sur Maupiti à ce moment. Une île paradisiaque… avec sa part d’ombre.
« Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette fameuse ambiance est très bien rendue, notamment grâce à une réalisation particulièrement réussie »
Quatre ans après Le Manoir de Mortevielle, Lankhor remet donc le couvert, bien décidé à offrir à son détective maison une autre enquête digne de son rang. On retrouve donc une nouvelle fois Jérôme Lange, mais aussi l’interface et les mécanismes qui avaient aidé au succès de sa première aventure graphique. Mais le cadre du jeu fait également le choix de s’éloigner des ambiances de vieux manoirs à la Agatha Christie : fini, la neige et les chambres cossues du premier épisode ; place à la moiteur tropicale, au ressac des eaux turquoises, aux cultes païens et à l’ambiance coloniale.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette fameuse ambiance est très bien rendue, notamment grâce à une réalisation particulièrement réussie pour un titre de 1990. À une période où la concurrence s’intitulait Loom ou The Secret of Monkey Island – excusez du peu ! – on ne peut malgré tout qu’être soufflé par les graphismes du jeu, qui donnent le sentiment de jouer dans une toute autre catégorie. Le moindre écran fourmille de détails et distille une atmosphère absolument fascinante, entres les nombreuses animations, les teintes de couleurs qui évoluent selon l’heure du jour ou de la nuit, ou encore les cris d’animaux sauvages et les craquements de la coque, le bruit des vagues dans le lointain… Car il faut souligner que la réalisation sonore est à l’avenant : on a très rapidement le sentiment d’évoluer sur une véritable île tropicale, que l’on va d’autant mieux apprendre à connaître qu’il faudra une nouvelle fois apprendre à mettre son nez absolument partout, à toute heure du jour ou de la nuit.
Les possibilités déjà copieuses offertes par l’interface du premier épisode ont en effet encore été gonflées. Il vous sera ainsi possible de vous cacher pour observer discrètement une situation pas claire, de suivre un personnage, voire de le passer à tabac. Mais vous pourrez également faire le choix de mémoriser jusqu’à huit phrases précises lors des conversations afin de les utiliser pour contredire les affirmations d’un de vos interlocuteurs, ou bien montrer des objets glanés sur les très nombreux endroits à visiter.
Autant dire, d’ailleurs, que tout ceux qui auront passé des heures à retourner le moindre bout de tapis du manoir de Mortevielle seront aux anges : la fonction « observer » intègre cette fois une loupe, qui vous aidera à distinguer des détails qui étaient impossibles à distinguer sur la vue normale. Il sera donc tout à fait possible – et souvent hautement nécessaire – de scruter le moindre pli, la plus infime cachette, du dos des tableaux jusqu’aux lattes de plancher mal fixées, afin d’espérer glaner petit à petit les centaines d’informations qui vous aideront à comprendre ce qui s’est passé. Attendez-vous à y passer des semaines, et à devoir recommencer le jeu à de très nombreuses reprises : il y a tout simplement trop de choses pour pouvoir espérer tout comprendre dès votre première partie, ou même à la dixième, et pour compliquer encore un peu la donne, certains lieux changent selon l’horaire de la journée (ah, les marées…) et la situation évolue au fur et à mesure de la partie !
« Les suspects sont devenus bien plus bavards, ce qui permet de profiter une nouvelle fois du très bon système de synthèse vocale »
Car non seulement vous pouvez tout à fait laisser la vie sur Maupiti Island, mais vous pourriez également vous retrouver avec un ou plusieurs morts sur les bras, ce qui fait que mener l’enquête jusqu’à sa conclusion risquera de vous demander de maîtriser à la perfection non seulement la personnalité et les contradictions des différents personnages, mais également de tenir un véritable registre de leurs allées-et-venues. Et bien évidemment, vous pourrez une fois de plus compter sur votre lot de passages secrets, de messages codés, de sous-texte politique et de références musicales.
L’excellent système de dialogue du premier épisode est heureusement toujours de la partie, et lui aussi s’est étoffé au passage. Les sujets à couvrir sont si nombreux qu’ils ont été répartis entre plusieurs thématiques, et de nouvelles questions viendront apparaître au fur et à mesure de vos découvertes.
« On se prend très vite au jeu, et on a rapidement envie de consacrer à cette île beaucoup plus que les 36 heures qu’y accorde Jérôme Lange. »
Cette fois, les différents protagonistes (superbement représentés, au passage) ne choisiront plus de vous envoyer paître au bout de quatre ou cinq questions : les suspects sont devenus bien plus bavards, ce qui permet de profiter une nouvelle fois du très bon système de synthèse vocale – enfin accompagné par défaut du texte écrit, ce qui permet aux interrogatoires de gagner en clarté et en confort. En revanche, fouiller partout en présence d’autres personnages ou même aller importuner les gens chez eux risque toujours de vous valoir des ennuis, sans même parler des recours les plus extrêmes, comme d’aller tabasser quelqu’un devant témoin ! Il faudra une nouvelle fois savoir attendre le bon moment pour aller mettre votre nez dans certaines affaires, et il pourra même être malin de regarder quelles fenêtres sont allumées la nuit pour être sûr de débarquer dans une pièce vide pour pouvoir fouiner tranquillement.
On se prend très vite au jeu, et on a rapidement envie de consacrer à cette île beaucoup plus que les 36 heures qu’y accorde Jérôme Lange. Si l’on est au début quelque peu perdu au milieu de tous ces personnages et de toutes ces données à intégrer (prise de notes obligatoire !), on finit par se fondre dans le décor, à retenir les petites histoires personnelles, les parcours de vie, les rancœurs, les aigreurs et les jalousies, et on s’émerveille également de réussir à trouver de nouveaux détails à chaque partie.
Si l’île de Maupiti semble vite visitée lors des premiers essais, on réalise après coup qu’il existe des dizaines d’endroits qui demandent de chercher un peu plus loin que le menu de déplacement ou que les portes bien en évidence. Surtout, comme on l’a vu, la quantité d’indices ou d’éléments en rapport avec l’histoire qu’il est possible de dénicher est proprement hallucinante. Toujours, on revient à la charge, et on trouve tantôt une pierre descellée sous laquelle est cachée une boule d’opium, tantôt une balle de pistolet, tantôt une mèche de cheveu ou une photo qui nous avait échappée jusqu’ici – sans jamais savoir à quel point ce que l’on vient de découvrir est un élément crucial ou une fausse piste. Le titre est très exigeant, à sa manière, et chacun pourra le résoudre en ayant suivi des trajets totalement différents. C’est un vrai jeu d’enquête avec tout ce que cela implique, et quand on voit à quel point la magie opère encore, on ne peut que regretter que les aventures du détective de Lankhor aient tourné court avant de donner lieu à un troisième épisode, à cause d’un accident nommé Black Sect. Mais ceci est une autre histoire…
Vidéo – Les dix premières minutes du jeu :
Récompenses :
- Tilt d’or 1990 (Tilt n°85, décembre 1990) – Meilleur jeu d’aventure
- Tilt d’or 1990 (ibid.) – Nommé dans la catégorie « Meilleur graphisme »
NOTE FINALE : 17,5/20 Si jamais vous avez toujours souhaité endosser le costume de Philip Marlowe ou d'Hercule Poirot, Maupiti Island est peut-être la concrétisation d'un de vos plus vieux rêves. Oubliez toutes les ficelles vues et revues du point-and-click : la deuxième enquête de Jérôme Lange vous demandera d'arpenter chaque centimètre de l'île et d'en connaître chacun des habitants sur le bout des doigts, au point d'être capable d'établir son emploi du temps heure par heure. La tâche est éprouvante, colossale, dantesque, tant chaque écran regorge de petits détails, de lettres, d'indices et d'anecdotes dont le simple fait d'établir la pertinence sera déjà une quête en soi. Riche en sous-intrigues et en éléments intimes, politiques ou passionnels, l'enquête que vous devrez résoudre nécessitera un esprit affuté et un investissement sur le long cours, et il faudra être bon, très bon, pour en voir le terme. Si vous êtes prêt à ne vivre qu'avec un carnet de notes pour établir la vérité à la force de déductions logiques, le titre de Lankhor est certainement de ceux qui vous feront marmonner dans un soupir : « Quel dommage qu'on ne fasse plus de jeux comme celui-là... » CE QUI A MAL VIEILLI : – C'est vraiment dur – Plusieurs énigmes qui demandent de se trouver à un endroit précis à un moment donné – La pression du temps à gérer, et l'état de forme de Jérôme par-dessus le marché ! – Certains indices pratiquement impossibles à trouver sans passer chaque écran au peigne fin centimètre par centimètre
Version Amiga
Développeur : Lankhor |
Éditeur : Lankhor |
Date de sortie : Juillet 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Allemand, anglais, français |
Support : Disquette 3,5″ (x2) |
Contrôleur : Souris |
Version testée : Version disquette française testée sur Amiga 600 |
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : OCS/ECS |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Ce qui tourne sur un Atari ST est normalement capable de tourner à l’identique sur un Amiga 500, et ce n’est pas ce portage de Maupiti Island qui permettra d’affirmer le contraire. Les choses auront le mérite d’aller vite : c’est, dans l’absolu, très exactement le même jeu que sur Atari ST, et je serais même tenté de dire « au pixel près ». La réalisation sonore étant déjà irréprochable sur la machine d’Atari, il n’y a pas raison d’espérer ici des jingles plus marquants ou une synthèse vocale plus travaillée, mais juste un très bon jeu – ce qui tombe bien, car c’est précisément le cas ici.
NOTE FINALE : 17,5/20
Aucune déception du côté de la version Amiga de Maupiti Island, qui livre une prestation identique à celle qu’on avait pu observer sur Atari ST. C’est toujours aussi beau, c’est toujours aussi prenant – à acquérir les yeux fermés.
Version PC (DOS)
Développeur : Guillaume Genty |
Éditeur : Lankhor |
Date de sortie : Décembre 1991 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langues : Allemand, anglais, français |
Supports : Disquette 5,25″ et 3,5″ (x2) |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Version disquette française émulée sous DOSBox |
Configuration minimale : Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 2.0 – RAM : 512ko Modes graphiques supportés : Amstrad, CGA, EGA, Hercules, Tandy/PCjr, VGA Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Comme on le sait, en 1991, le PC commençait à vivre un changement de statut. La machine d’IBM, qui avait longtemps été à la traîne sur le plan vidéoludique – au point de peiner à rivaliser même avec des ordinateurs 8 bits – était soudain de train de devenir plus puissante que les deux machines qui avaient écrasé la fin des années 80, à savoir l’Amiga et l’Atari ST. Restait, bien sûr, à avoir envie de développer une adaptation tirant spécifiquement parti des capacités techniques de modèles certes puissants, mais que leur prix réservait à un public fortuné. Bonne surprise, donc, que cette adaptation, qui décide de réellement utiliser le matériel disponible du PC… ou presque.
Graphiquement, le jeu, on l’a dit, se situait clairement dans le haut du panier au moment de sa sortie. Lankhor ne s’y est pas trompé, en prenant le soin de développer des graphismes adaptés pour toutes les cartes de l’époque. En VGA, le jeu dame clairement le pion des versions Amiga et ST : non seulement c’est bien plus coloré, mais c’est aussi beaucoup plus riche en détails. Admirez la maison de Maguy, ci-dessus : par moment, on a presque l’impression de regarder une photo digitalisée. Tous les écrans ont été patiemment redessinés, enrichis, détaillés – c’est absolument superbe. Pour ne rien gâcher, les personnages eux aussi ont été recréés, et changent de visage pour l’occasion. C’est pratiquement un autre jeu ! Et en plus, le titre a même le bon goût de ne pas se transformer en musée des horreurs si on joue dans les autres modes graphiques : en EGA, c’est toujours très joli (il faut dire que le programme passe alors en haute résolution), et les graphismes basculent en nuances de gris en CGA afin de ne pas souffrir des teintes horribles du cyan-magenta-jaune-noir ! Seule petite déception de ce côté-là, en revanche : dans n’importe quel mode, toutes les animations ont disparu. C’est dommage, car elles concouraient réellement à l’ambiance du titre – et surtout, à son côté vivant. Mais ce n’est pas à ce niveau, hélas, que se situe la vraie déception.
Du côté sonore, passé le thème musical de l’écran-titre, c’est pour ainsi dire le calme plat. Oh, je vous rassure, la synthèse vocale est toujours là… Mais les sons d’ambiance ? Les petits jingles ? Tout ce qui venait dynamiser l’action et contribuer à l’aspect vivant du jeu ? Pfuuuit, poubelle. Quelle que soit votre carte sonore, attendez-vous à passer l’essentiel de la partie dans un silence de mort. Ça, c’est un vrai coup dur, car ce qui aurait pu être la version définitive du jeu s’avère en fin de compte amputé d’une partie de ce qui faisait tout le sel de l’aventure. Ce qui fait qu’en dépit de sa réalisation graphique très agréable, on préfèrera néanmoins parcourir Maupiti Island sur Amiga ou Atari ST.
NOTE FINALE : 17/20
Maupiti Island est nettement plus beau sur PC que sur Amiga ou Atari ST, c’est indéniable. Mais cela justifiait-il autant de sacrifices ? Supprimer les animations ressemble à un accès de fainéantise, mais ce n’est pas trop grave; supprimer les sons d’ambiance, les jingles et tout ce qui rendait le jeu incroyablement vivant au lieu de le limiter à une accumulation de tableaux fixes, en revanche, est réellement un prix trop cher à payer pour quelques détails graphiques en plus. Le jeu est heureusement toujours aussi bon, mais si vous avez une autre version sous la main, mieux vaut peut-être la privilégier à celle-ci.
Bonus – Les différents modes graphiques sur PC :
Pour tous les nostalgiques de cette époque où développer sur PC signifiait (déjà) imaginer un jeu pour des dizaines de configuration différentes, voici un petit exemple de ce que pouvait offrir un titre s’efforçant de gérer tous les modes graphiques de la période :