
Développeur : Ken Wright
Éditeur : Impressions Games
Testé sur : Amiga – Atari ST
Version Amiga
Date de sortie : Décembre 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Disquette 3,5″ |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Versions disquette testée sur Amiga 500 |
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko Mode graphique supporté : OCS/ECS |
Quand on y pense, un jeu de stratégie est un fameux exercice de game design. Il consiste, la plupart du temps, à placer le joueur dans un rôle qui n’existe tout simplement pas : celui d’une espèce de généralissime qui aurait un contrôle absolu sur la totalité de ses troupes, souvent sur des millions d’hommes, au point de décider du positionnement individuel de chaque division, quand ce n’est pas carrément de chaque régiment ou brigade.

Et pour parfaire le tableau, on le laisse même parfois décider d’une partie des aspects logistiques et économiques, les séries plus récentes à la Hearts of Iron allant même jusqu’à lui demander de s’impliquer dans les décisions politiques et scientifiques – un programme hallucinant, d’une complexité délirante, et qui peut facilement transformer n’importe quelle simulation en une usine à gaz inaccessible demandant de gérer des centaines de facteurs à la fois. Nombreux auront donc été les titres se proposant de rendre les wargames un peu plus accessibles, avec des fortunes diverses. Parmi les plus oubliés du lot, il convient de nommer la collection dite « Plato » chez Impressions Games, qui a proposé entre 1989 et 1990 de nombreux titres plus ou moins stratégiques (Emperor of the Mines, Feudal Lords, Rorke’s Drift, The Final Conflict…) ayant largement échoué à marquer les esprits. Le dernier se sera nommé Blitzkrieg May 1940, et à en juger par son approche de la guerre moderne, on peut comprendre que pratiquement personne ne se souvienne de son existence aujourd’hui.

Pour ce qui est de l’accessibilité, on ne peut pas dire que le titre fasse de gros efforts au premier abord pour accueillir le joueur. Pas d’introduction, même pas un écran-titre, le titre s’ouvre sur un menu austère qui le divise officiellement en deux programmes – en fait, simplement la sélection d’un des deux camps du conflit : « Blitzkrieg » place le joueur aux commandes de la Wehrmacht spécifiquement lors que la campagne de mai 1940 prenant place sur un front s’étendant du Nord Pas-de-Calais aux Ardennes, en englobant la Belgique (mais pas les Pays-Bas, qui faisaient pourtant partie des cibles de l’offensive lancée par le IIIème Reich le 10 mai 1940, ne me demandez pas pourquoi).

« May 1940 », pour sa part, correspond exactement au même théâtre d’opération, mais cette fois du côté des alliés. Les objectifs ne sont jamais mentionnés clairement dans le jeu : on se doute qu’il s’agit d’aller le plus loin possible (jusqu’à Paris ?) pour les Allemands, et de les retarder au maximum (pendant combien de temps ?) pour les alliés, malheureusement le manuel du jeu étant devenu à peu près aussi rare que ses copies (le titre n’a pas exactement fait un carton planétaire à sa sortie), il faudra accepter de composer avec un certain flou dans ce domaine. De toute façon, l’idée est claire : progresser les plus vite possible pour un camp, multiplier les façons de casser le « fer de lance » de la progression adverse de l’autre.

Pour ce faire, le joueur n’a pas directement accès au contrôle des troupes. En fait, le front est divisé de chaque côté en une quinzaine de corps d’armées, et l’action du joueur se limite à donner des instructions consistant à indiquer une position, à « tracer » virtuellement une ligne de front en positionnant le flanc gauche, le flanc droit et le centre d’un corps, et à indiquer si le corps en question devra lancer un assaut, se retrancher, ou bien s’il est laissé libre de choisir de lui-même l’attitude à adopter.

Une fois les ordres donnés, le joueur laisse alors les commandes au programme (ou plutôt à ses généraux) qui s’efforcent d’appliquer ses instructions au mieux, avant de laisser l’adversaire effectuer son tour de jeu et de recommencer. Le problème, comme on peut l’imaginer, c’est que non seulement les possibilités stratégiques ne sont pas immenses – il s’agit, du côté allié, de s’efforcer de dessiner un front continu tandis que la Wehrmacht, elle, aura tout intérêt à concentrer un maximum de ses forces en un point pour foncer tout droit et faire voler en éclats le front en question – mais qu’en plus, elles sont soumises à l’exécution de vos généraux, lesquels ont souvent une façon très personnelle d’interpréter des décisions se limitant pourtant à placer correctement des troupes sur une grille. Donc, non seulement le joueur n’a pratiquement aucun autre pouvoir que de bouger des pions sans une réelle prise sur les affrontements, mais en plus même cette partie n’est déjà pas bien faite. Ça commence très fort.

Certes, l’interface est relativement claire, et il faudra difficilement plus de dix minutes pour maîtriser les très maigres possibilités du jeu. La vraie question se dessinant rapidement étant « mais le jeu, justement, où est-il ? » parce que passer cinq minutes à donner des instructions très limitées, puis dix minutes à regarder vos généraux les appliquer n’importe comment, sur le papier, ce n’est déjà pas très emballant.

Dans les faits, c’est même encore pire, car non seulement la carte est hideuse et n’offre pratiquement rien à voir et strictement rien à entendre, mais en plus, on ne peut que grincer des dents à lire la boîte du jeu s’épancher sur l’aspect révolutionnaire du « blitzkrieg » et son impact sur la guerre moderne… alors que le programme, lui, offre virtuellement les possibilités de la première guerre mondiale ! Passe encore, par exemple, que la marine ne soit pas gérée – il se passait deux ou trois petites choses sur la Manche, demandez aux dunkerquois, mais on peut encore comprendre que cet aspect soit assez logiquement mis de côté. En revanche, ne proposer absolument aucune gestion de l’aviation dans un conflit où elle a joué un rôle central (« Si nous perdons la guerre dans les airs, nous perdons la guerre. Et nous la perdrons vite » disait Montgomery), ça commence à faire beaucoup pour une « simulation » qui commence à ressembler à une partie de Risk en moins jouable ! Le terrain ? Aucun effet non plus : les blindés comme l’infanterie franchissent les fleuves comme on traverse la rue. Quant aux fortifications, on ne peut connaître leur position qu’à partir du moment où nos troupes les abandonnent. Malin…

Pour ne rien arranger, non seulement on n’a aucune prise sur des secteurs comme le ravitaillement – il est théoriquement géré, mais dans les faits c’est purement cosmétique – mais en plus le programme semble décidé à ce que n’importe quelle unité allemande, quel que soit son opposant, fasse systématiquement deux à quatre fois plus de dégâts que son vis-à-vis.

Sachant que les troupes allemandes sont deux fois plus nombreuses (en négation totale de la réalité historique, au passage), autant dire que la partie ira vite en jouant du côté de l’Axe ! Quant au côté allié, le joueur prenant les commandes en mai 1940, il n’a bien évidemment aucune latitude pour repositionner ses troupes et réorganiser sa défense, et vu qu’il n’a même pas accès aux forces de la Ligne Maginot, après s’être demandé où est le jeu, on en vient à se demander où est la stratégie ! Autant dire qu’au bout d’un quart d’heure, on éteint le programme en soupirant et en comprenant mieux pourquoi cette fameuse gamme « Plato » a été totalement oubliée. La stratégie est une chose trop sérieuse pour la confier à des développeurs – surtout quand ils n’ont visiblement aucune idée de ce qu’ils font.
Vidéo – Dix minutes de jeu :
NOTE FINALE : 07,5/20
Dans le domaine de la stratégie « à l'ancienne », on comprend assez rapidement pourquoi Blitzkrieg May 1940 n'a pas exactement marqué les esprits à sa sortie. Proposant une approche extrêmement basique se limitant à déplacer les éléments d'une ligne de front, le titre de Plato parvient certes à présenter les choses via une interface relativement accessible, mais au prix d'une réalisation datée, d'une lenteur pachidermique et surtout d'une absence totale de profondeur. Concevoir une simulation de la seconde guerre mondiale dite « réaliste » en tirant un trait total sur l'aviation, voilà qui était osé ! D'un bout à l'autre de la partie, on n'a jamais le sentiment d'avoir une prise sur quoi que ce soit faute de données pertinentes, et après vingt minutes passées à regarder des unités se déplacer toutes seules sur une carte hideuse, on se demande s'il y a vraiment un jeu derrière cette simulation poussive, ultra-limitée et peu réaliste. Mieux vaut retourner jouer à Panzer General.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une présentation minimaliste où il n'y a pas grand chose à voir...
– ...et la plupart du temps, hélas, pas grand chose à faire
– Aucune gestion de l'aviation !
– Des objectifs peu clairs
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Blitzkrieg May 1940 sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :
« Blitzkrieg 1940 (sic) ne séduira pas les wargamers confirmés, mais c’est le programme idéal pour ceux qui désirent s’initier au genre sans trop se prendre la tête. La présentation du terrain d’opération est très claire, le mode de contrôle est simple et la notice n’est pas trop épaisse. Un programme intéressant et très accessible. »
Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°84, décembre 1990, 13/20
Version Atari ST
Développeur : Plato |
Éditeur : Impressions Games |
Date de sortie : Décembre 1990 |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Disquette 3,5″ simple face |
Contrôleurs : Clavier, souris |
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe |
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko |

Comme 99% des jeux parus sur Amiga en 1990, Blitzkrieg May 1940 aura eu droit à son portage sur Atari ST. Et comme pour une très large portion des jeux parus sur Amiga cette même année, il s’avère que ce portage est un clone en bonne et due forme… avec une nuance inexplicable, cependant, puisque pour une raison quelconque il est strictement impossible d’incarner le côté allié dans cette version ! Sachant que, comme on l’a vu, l’axe est certainement le camp le moins intéressant à incarner dans ce jeu (massez vos troupes, foncez tout droit), on se retrouve face à une version qui parvient à être encore inférieure à celle disponible sur Amiga. Bel exploit.
NOTE FINALE : 07/20
Quitte à adapter un jeu de stratégie moche et ultra-limité, autant en profiter pour sabrer la moitié de son contenu : c’était apparemment l’idée derrière ce Blitzkrieg May 1940 à la sauce Atari ST, qui parvient à offrir encore moins de choses qu’une version Amiga déjà très pauvre en la matière. Sans doute pas le jeu de stratégie à posséder sur la machine.