Battleship : The Classic Naval Combat Game (Use Corporation)

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Use Corporation
Éditeur : Mindscape, Inc.
Titre original : 海戦ゲーム NavyBlue (Kaisen Game : Navyblue, Japon)
Testé sur : Game BoyGame Boy Color

Version Game Boy

Date de sortie : 22 décembre 1989 (Japon) – 18 novembre 1992 (États-Unis) – 11 novembre 1993 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 512kb
Système de sauvegarde par mot de passe

On a déjà évoqué en ces pages l’émergence concomitante à la sortie de la Game Boy d’une question extrêmement intelligente à laquelle aura été donné énormément de réponses stupides : quels types de jeux offrir sur une console portable ? Qui dit nouveau concept dit, en principe, nouvelles approches, mais comme souvent lorsqu’il s’agit avant tout de proposer un produit à destination d’un marché, beaucoup d’éditeurs comme de développeurs ne se seront pas embarrassés très longtemps à méditer sur la chose.

Une fois votre cuirassé abattu, c’est une partie de votre arsenal qui disparaîtra avec lui

Les deux réponses les plus évidentes auront donc naturellement été les plus récurrentes lorsque le concept de « console portable » était encore frais : soit proposer exactement la même chose que sur les autres machines, en l’adaptant vaille que vaille aux capacités de la Game Boy, soit partir du principe qu’une telle machine était conçue pour des séances courtes, et offrir des « petits » jeux aptes à divertir pour une poignée de minutes. On ne sera pas surpris d’apprendre que la deuxième approche aura généré, au fil des ans, des dizaines de compilations extrêmement oubliables de jeux de cartes, de dames, d’échecs et autre activités d’ordinaire réservées aux longs dimanches chez mamie. Et quitte à essorer ce qu’on n’appelait pas encore le « casual gaming » jusqu’à la moelle, pourquoi ne pas également aller chercher du côté… de la bataille navale ?

Des navires, des canons, des casseroles, des gamelles et des bidons

Au cas où vous ne l’auriez pas compris, c’est exactement ce que désigne le terme anglophone Battleship : les bonnes vieilles bagarres à coup de coordonnées qu’on se livrait, étant enfant, sur les cases de nos cahiers d’école pour tromper l’ennui en cours de maths (oui, rappelez-vous qu’on parle aussi d’une époque où les téléphones portables, et à plus forte raison les smartphones blindés d’applications, n’existaient pas). Le principe, pour les extraterrestres qui ne le connaîtraient pas ? Une grille de 8×8 cases – une grille par joueur, naturellement – sur laquelle chaque participant dispose ses navires, reconnaissables à leur taille : le sous-marin fait une case, la frégate deux, le destroyer trois et le cuirassé cinq. Le but du jeu est très simple : détruire les navires du camp opposé, en tirant à l’aveugle sur une des 64 cases de la grille adverse et en attendant avec anxiété de connaître le résultat de votre tir (à savoir : « à l’eau » 90% du temps, « touché » en cas de coup au but et « coulé » lorsque vous venez de rayer un navire de la carte maritime).

Si vous voulez vous faire respecter, sortez très vite la très grosse artillerie !

Comment cela se traduit-il sur Game Boy ? Eh bien par un unique mode de jeu (deux en comptant le multijoueur, mais nous y reviendrons plus tard) : une espèce de super-campagne de douze niveaux, chacun divisé en quatre stages, et vous proposant invariablement de reproduire le schéma décrit dans le paragraphe précédent. Remportez un stage, et vous gagnerez à la fois un mot de passe et le droit de continuer, en cas de défaite, ce sera le game over. Simple.

Le radar sera un bon moyen de dénicher les navires les plus petits

On commence donc par placer ses navires (en les faisant éventuellement pivoter à l’aide du bouton B) avant de lancer la partie proprement dite et de savoir lequel des deux joueurs a davantage de chance que l’autre (parce que, soyons honnête, c’est principalement sur ce critère que se joue le jeu, l’aspect psychologique de type « ce sagouin serait bien du genre à placer son sous-marin ici » ne s’exprimant pas franchement lorsque l’on joue contre une machine). Chaque tir sera accompagné d’une petite animation histoire de vous montrer le résultat de votre tir, avant d’observer la tentative de votre adversaire – oui, ça prend du temps, oui, on s’en lasse très vite et non, il est impossible de la passer, ce qui est tout aussi désagréable que l’absence de la moindre forme de paramétrage de la partie. Une grille plus grande ? Un handicap ? Un mode de jeu alternatif ? N’espérez rien de tout ça ici : vous resterez coincé sur vos 64 cases jusqu’à ce que mort (ou, plus vraisemblablement, ennui) s’en suive.

Dans les derniers niveaux, caser tous vos navires pourra devenir un véritable casse-tête

Comme n’importe qui s’étant essayé au concept plus de dix minutes dans sa vie l’aura vraisemblablement réalisé, c’est aussi répétitif que stratégiquement limité. C’est pourquoi le titre d’Use Corporation aura au moins eu l’idée d’ajouter deux types de subtilités par rapport au jeu « papier » : les armes secondaires et les navires en plus. Dans le premier cas, votre tir de base (qui ne couvre naturellement qu’une seule case à la fois) peut être remplacé, en fonction de vos réserves, soit par un tir multiple, soit par un tir à la zone d’effet plus large, soit par l’emploi de radars qui vous permettront tous, selon leur taille, de couvrir plusieurs cases à la fois (jusqu’à neuf pour les plus perfectionnés). Le truc, c’est que ces armements ne sortent pas de nulle part : ils sont tirés par vos précieux navires. Impossible, donc, d’espérer faire usage d’un sonar si vous avez déjà perdu votre sous-marin, ou de tirer les munitions de votre cuirassé s’il git par deux-cents mètres de fond.

Votre arsenal répondra toujours au même besoin : atteindre davantage de cases

Si cela semble parfaitement cohérent sur le papier, cela se traduit hélas par une faiblesse stratégique évidente, qui vous pousse à utiliser vos armes les plus puissantes le plus rapidement possible, faute de quoi vous risquez de ne jamais avoir l’occasion de les tirer. Non que cela change grand chose – on n’a pas réellement de raison valable de garder ses munitions pour plus tard, l’intérêt étant toujours de couvrir le maximum de cases le plus vite possible pour augmenter nos chances – mais cela rajoute encore une couche de hasard supplémentaire dans un jeu qui n’en avait pas besoin. Imaginons par exemple que votre ennemi détruise votre sous-marin dès son premier tir (oui, ça arrive et c’est très désagréable) : vous voilà alors privé de sonar pour le restant de la partie, ajoutant un second coup dur au premier, et vous pénalisant d’autant plus que votre adversaire, lui, aura toujours accès au sien ! Bref, on ne joue pas toujours à armes égales, et le hasard étant le juge de paix définitif, autant dire que les joueurs malchanceux risquent de passer beaucoup de mauvais moments.

Un message que vous serez appelé à voir souvent…

Le jeu viendra également compléter, au fil des niveaux, votre flotte via l’ajout d’un porte-avions de pas moins de huit cases que vous aurez par conséquent énormément de mal à protéger plus de quelques tours, et qui contient une part importante de vos meilleures armes – raison de plus pour les utiliser en vitesse. Si l’idée de développer votre arsenal et votre flotte au fil des parties est la bienvenue, dommage qu’elle ne se produise qu’à chaque niveau – soit tous les quatre stages – parce qu’on finit quand même très rapidement par trouver le temps long ; bon courage pour s’accrocher jusqu’au 48e stage ! Rien de ce qui est proposé ne révolutionne le principe de base (on vise des cases, point barre), et autant dire que ceux ne mordant pas plus que ça au concept (ou ayant accès à quelques millions de jeux de stratégie ou de plateau plus pointus) passeront très vite à autre chose, faute d’avoir grand chose d’autre que leur chance à mettre à contribution. C’est bien simple, à titre d’exemple : rien que le mini-jeu nommé Car Bomb présent dans Sam & Max et pastichant le concept était déjà pratiquement plus riche en possibilités que ce titre vendu au prix fort à sa sortie ! Cela trahit à coup sûr un manque d’ambition certain, pour ne pas dire une paresse assez honteuse.

On peut carrément envoyer l’aviation!

Reste alors le multijoueur – à condition d’avoir un ami avec le jeu, une Game Boy et le câble Game Link puisqu’il est impossible de jouer à tour de rôle sur la même console. Ça fait quand même beaucoup de matériel très couteux à dégainer pour prétendre jouer à un jeu praticable, rappelons-le, sur une simple feuille de papier – et il y a fort à parier que, quitte à avoir tout cela sous la main, vous ayez de toute façon également des jeux bien plus intéressants à pratiquer à plusieurs, ne fut-ce que le Tetris vendu avec la console. Bref, sans être fondamentalement catastrophique, le gameplay ne surprend pas, le jeu ne se renouvèle pas, et ce qui peut se montrer amusant quelques dizaines de minutes selon votre patience risque quand même de montrer très rapidement ses limites. Vous voilà prévenu.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 10,5/20 À la question « Peut-on se contenter de programmer l'antique jeu de bataille navale avec un minimum d'adaptations avant de le vendre au prix fort ? », Battleship : The Classic Naval Game n'aura eu strictement aucun scrupule à répondre par l'affirmative. En dépit d'une poignée de bonus n'apportant pratiquement aucune valeur stratégique à un concept reposant principalement sur la chance (on ne fait jamais que viser plus de cases à la fois), le logiciel d'Use Corporation se contente de proposer très exactement le jeu que les écoliers de ma génération auront parfois pratiqué sur leurs cahiers : donner des coordonnées et attendre de voir si on a touché quelque chose. Si le principe reste ludique à petites doses, dommage qu'il doive se contenter de cette conversion extraordinairement paresseuse qui aura à peine cherché à apporter une molécule de sang neuf au genre. Durée de vie : dix minutes. CE QUI A MAL VIEILLI : – Un seul mode de jeu – Aucune option de configuration – Impossible de jouer à deux sur une seule console – Peu d'idées – Impossible de passer les animations – Réalisation fonctionnelle, sans plus – Un ajout d'arme ou de navire tous les cinq niveaux, ce n'est pas assez

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Battleship sur l’écran d’une Game Boy :

Version Game Boy Color

Développeur : Use Corporation
Éditeur : Majesco Sales, Inc.
Date de sortie : Mai 1999
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par mot de passe
La grille de jeu est indéniablement plus agréable en couleurs

Dix ans après sa version Game Boy, Battleship débarquait sur la petite sœur, la Game Boy Color. Sans surprise, on se retrouve – comme c’était alors souvent le cas – avec un jeu extrêmement proche de la version originale, mais cette fois en couleurs. La bonne nouvelle, c’est que de ce côté-là le boulot a été bien fait : de nombreux écrans ont été redessinés, et le jeu ne se contente pas de passer de gros aplats dégueulasses sur la version monochrome ; c’est indéniablement beaucoup plus agréable à l’œil. En revanche, et même si cela est très difficile à vérifier, l’intelligence artificielle m’a eu l’air de tricher sur cette version : déjà en employant davantage d’armes secondaires que moi dès le premier niveau, ce qui n’était pas le cas dans la version originale, ensuite en semblant parfaitement savoir où se trouvait mes navires dès le début de la partie. Afin de découvrir si j’étais devenu paranoïaque, je suis allé confronter mon expérience à celle des autres joueurs, et nombreux sont ceux qui ont eux aussi le sentiment que l’IA est truquée : elle fait preuve d’une précision plus que suspecte en début de partie avant de commencer à faire n’importe quoi pour vous laisser une chance lorsque vous avez pris trop de retard. En l’absence d’un programmeur sous la main, difficile de corroborer cette théorie, mais disons simplement que le titre semble pouvoir se montrer… bien plus frustrant que l’original. Ce détail mis à part, on retrouve le jeu à peu près dans l’état où on l’a laissé, alors à vous de voir si vous avez envie de vous faire votre propre avis sur l’I.A.

Dans un jeu reposant principalement sur la chance, à quel point l’IA triche-t-elle ?

NOTE FINALE : 10,5/20

Battleship sur Game Boy Color ne déçoit assurément pas sur le point où on l’attendait le plus, à savoir la réalisation : c’est plus beau, plus travaillé et plus lisible que sur Game Boy. En revanche, l’I.A. suspecte et clairement avantagée par rapport à vous ne fait certainement pas grand chose pour rendre le mode solo plus sympathique, et sachant qu’on joue rarement à la bataille navale pour sa réalisation, difficile de recommander cette version au détriment de l’originale.

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