Beyond Shadowgate

Développeur : ICOM Simulations, Inc.
Éditeur : Turbo Technologies, Inc.
Testé sur : PC Engine CD

La série Shadowgate (jusqu’à 2000) :

  1. Shadowgate (1987)
  2. Beyond Shadowgate (1993)
  3. Shadowgate 64 : Trials of the Four Towers (1999)

Version PC Engine CD

Date de sortie : Décembre 1993 (Amérique du Nord)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Super System Card requise 
Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le sorcier maléfique qui avait rêvé d’invoquer le Béhémoth – et y était d’ailleurs parvenu – avait à peine été vaincu que déjà naissait la légende de Shadowgate et du héros qui allait devenir le roi Aronde. Son règne devait engendrer la « lignée des rois » et se traduire par une ère de prospérité.

Dans cette optique, le jeune prince Erik fut envoyé à travers le royaume pour parfaire ses connaissances et vivre au contact de ses futurs sujets… mais le jour de son dix-huitième anniversaire, le conseiller personnel de son père, Belezaar, l’informa que le roi venait d’être assassiné. Dévasté, Erik se mit en route pour regagner ses terres natales et rejoindre sa sœur Elizabeth, mais leurs retrouvailles furent de courte durée : à peine débarqué, le prince fut accusé d’avoir commandité la mort de son père et jeté dans les geôles du donjon. C’est pourtant bien à lui qu’il revient à présent de recouvrer sa liberté et de vaincre Belezaar afin de sceller une bonne fois pour toute la légende de Shadowgate

Six ans se sont écoulés depuis la sortie de ce qui doit rester comme le titre le plus célèbre jamais développé par ICOM Simulations. Alors que le genre du jeu d’aventure est en pleine apogée et connait ce qui restera a posteriori comme son âge d’or, la firme américaine décide d’offrir la suite que tout le monde attendait avec Beyond Shadowgate… sur PC Engine CD.

Une grosse surprise, tant le point-and-click était fermement associé aux ordinateurs plus qu’aux consoles, et un choix qui aura certainement valu à cette suite pourtant très attendue de sombrer rapidement dans l’oubli, cantonnée à une machine très marginale sur le marché américain et pratiquement inexistante sur le vieux continent. Une décision qui aura d’ailleurs sans doute participé au fait qu’ICOM Simulations ne publiera plus un seul jeu passé l’année 1993 avant d’être racheté, de changer de nom et finalement de fermer définitivement ses portes en 1998. Sic transit… En attendant, voici l’occasion de se re-pencher sur la suite d’un titre qui avait marqué les esprits, particulièrement sur NES, et de redécouvrir la forteresse qui lui donnait son nom – avec, cette fois, le monde qui s’étend autour.

Pour ce faire, nouvelle surprise : Beyond Shadowgate prend la forme d’un jeu d’aventure/action. Traduit en clair, si le titre abrite bel et bien les fonctions de base d’un point-and-click, avec les actions sous forme d’icônes désormais résumées à observer, parler et prendre/agir, le prince Erik se contrôle pour sa part directement à la croix directionnelle et un bouton lui permet de s’accroupir tandis que l’autre lui servira… à frapper.

Un mécanisme dont vous risquez d’user assez régulièrement, les ennemis étant fréquents dès les premiers écrans du jeu, ce qui vous laissera l’occasion de réaliser que Beyond Shadowgate est, à l’instar du premier opus, un jeu où l’on meurt beaucoup. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de sauvegarder n’importe où et n’importe quand, et qu’il ne sera cette fois pas nécessaire de collectionner les torches pour espérer mener l’aventure à son terme. La mauvaise, c’est que les combats sont frustrants, sans intérêt, et que les plus difficiles interviennent en large majorité au tout début du jeu – une fonction inutile qu’on aurait autant aimé pouvoir désactiver, surtout que le titre a fort heureusement d’autres choses à offrir.

La grande force de Beyond Shadowgate, comme son nom l’indique, c’est précisément de ne pas se cantonner à la célèbre forteresse – qui ne représentera d’ailleurs qu’une poignée d’écrans. Cette fois, c’est tout le royaume qui s’offre à vous : le donjon initial, bien sûr, mais aussi des grottes, des montagnes, des prairies, des forêts, des marécages, des villes, des gens à qui parler…

En tout et à vue de nez, sans doute pas loin d’une centaine d’écrans qui risquent de vous garder occupés, le simple fait de parcourir l’univers d’un bout à l’autre en accomplissant tout ce que vous devez y faire vous prenant au grand minimum 1h30 – à condition, bien sûr, de savoir exactement quoi faire. Pour une première partie, attendez-vous à engloutir des heures à parcourir chaque écran, à fouiller partout, à interroger tout le monde… et à faire d’inutiles allées-et-venues, votre héros n’étant pas spécialement rapide et le jeu n’intégrant hélas aucune forme de voyage rapide. Les énigmes sont globalement cohérentes mais parfois franchement tirées par les cheveux, et mieux vaut prendre l’habitude de sauvegarder souvent et d’expérimenter méthodiquement pour avoir une chance de voir la fin. Fort heureusement, il n’y a pas une seule bonne façon de mener l’aventure, et vous n’êtes pas obligé d’avoir ramassé tous les objets ni d’avoir résolu toutes les énigmes pour venir à bout de Belezaar.

Votre promenade risque heureusement de s’avérer plutôt plaisante, notamment grâce à une réalisation visiblement effectuée à partir d’aquarelles scannées et qui tire magnifiquement parti des capacités graphiques de la PC Engine CD. Même si les artefacts graphiques sont nombreux et que tous les écrans ne sont pas forcément très soignés – on croise souvent des petits artefacts de couleur ou des perspectives ratées – certains décors sont vraiment bluffants, et la grande variété des paysages rencontrés, bien aidée par une réalisation sonore de qualité, aide à se sentir investi dans ce monde qu’on découvre à hauteur d’homme.

On est à ce titre des kilomètres au-dessus d’un programme comme Lure of the Temptress qui vous limitait pour l’essentiel à un village de quelques écrans : les graphistes d’ICOM Simulations n’ont pas chômé, et le jeu parvient à dégager une atmosphère assez magique qui fait plutôt mouche. On notera également qu’il a le bon goût de ne pas se prendre trop au sérieux (en dépit de quantités de morts très graphiques), avec des séquences très cartoon et même la possibilité de venir à bout du boss final à l’aide d’un jokari…

Au final, la dernière vraie surprise est surtout que Beyond Shadowgate n’ait pas fait davantage de bruit à sa sortie. Il faut dire que ne paraître qu’aux États-Unis et sur une console qui était clairement la troisième roue du carrosse que formaient SEGA et Nintendo était indubitablement une mauvaise idée – et que le faire en 1993, année où les concurrents se nommaient Day of the Tentacle, Sam & Max ou Simon the Sorcerer, n’aura pas dû aider non plus.

Ce qui est véritablement dommage, car le titre est doté d’une personnalité propre et d’une atmosphère bien à lui qui le rendent assez unique en son genre, en particulier sur des consoles de salon où le genre du point-and-click n’aura jamais percé. Alors certes, il est parfois fastidieux, parfois limité, parfois injuste, mais il a assurément sa place dans une mémoire vidéoludique qui aura parfois retenu des titres infiniment inférieurs. Si, comme je le suspecte, vous n’en avez jamais entendu parler, alors le temps est peut-être venu de lui laisser une chance.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 14,5/20 Six ans après Shadowgate, ICOM Simulations prenait tout le monde par surprise en donnant enfin une suite à son titre phare avec Beyond Shadowgate... et en la réservant, en plein âge d'or du point-and-click sur PC, à la PC Engine CD. Le résultat est surprenant autant par la forme – un jeu d'aventure/action en vue de profil avec combats en temps réel – que par son ambition, et force est de reconnaître qu'il évite la plupart des écueils qu'on pouvait craindre pour proposer une aventure dépaysante et enchanteresse quelque part entre Lure of the Temptress (en beaucoup plus grand !) et King's Quest V. En dépit de quelques lenteurs et d'une surface de jeu impressionnante qui risque de vous condamner à consacrer beaucoup de temps à vous déplacer, la magie agit plutôt bien, et on se surprend à redécouvrir un charme un peu oublié qui nous amène à considérer le manque de notoriété du jeu comme une véritable injustice. Si vous aimez explorer et découvrir, laissez-vous surprendre, tentez votre chance, et vous ne le regretterez sans doute pas.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des combats très limités et extrêmement punitifs qui n'apportent rien – Quelques énigmes reposant plus sur l'expérimentation que sur la logique... – ...et d'autres purement grotesques (arrêter un fleuve de lave avec un seau ?) – Aucune possibilité d'afficher des sous-titres – Énormément de terrain à couvrir, et pas de voyage rapide

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Beyond Shadowgate sur un écran cathodique :

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