
Développeur : Artdink Corporation
Éditeur : Artdink Corporation (Japon) – JVC Music Europe, Ltd. (Europe) – Acclaim Entertainment, Inc. (Amérique du Nord)
Titre original : ドミノ君をとめないで。: No One Can Stop Mr. Domino!!!!!! (Domino-kun o Tomenaide: No One Can Stop Mr. Domino!!!!!! – Japon)
Titre alternatif : No One Can Stop Mr. Domino (Amérique du Nord)
Testé sur : PlayStation
Version PlayStation
Date de sortie : 8 janvier 1998 (Japon) – 15 Septembre 1998 (Europe) – 30 novembre 1998 (Amérique du Nord) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : CD-ROM |
Contrôleur : Joypad |
Version testée : Version européenne |
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc) |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
On pourra sans doute arguer que je suis en quelque sorte juge et partie dans l’affaire, mais j’ose l’affirmer : les vieux nostalgiques qui soupirent en se lamentant que le jeu vidéo a perdu de sa magie au fil de son évolution n’ont pas complètement tort. Certes, on se doute que ce discours cache à la fois une large part de subjectivité et le souvenir d’une époque plus simple où les pères d’aujourd’hui étaient encore des enfants chargés de rêves et d’optimisme dont les après-midi d’alors étaient toujours plus longs et plus ensoleillés que ceux de maintenant, mais il se trouve qu’il existe également dans leur affirmation désabusée un fond de vérité qui est, en fin de compte, tout à fait cohérent.

Plus l’industrie du jeu vidéo se professionnalise, plus elle devient un marché comme un autre et plus elle se structure pour reproduire des modèles éprouvés et pour éliminer ceux qui n’ont pas fonctionné – c’est très commun, inutile de sortir d’une école de commerce pour comprendre cela. Les jeux vidéo impliquant des équipes de plus en plus étendues nécessitant des moyens sans cesse croissant, la moindre prise de risque devient de plus en plus coûteuse, et à force de rationaliser les processus de développement, on se retrouve fatalement avec des logiciels correspondant à des schémas établis où les surprises deviennent rarissimes. Bref, en vieillissant, le joueur aura certes vu des jeux plus longs, plus beaux et souvent – on ne va pas se mentir – bien plus intéressants, mais la petite étincelle de l’imprévu qui avait toutes les caractéristiques de la magie aura eu tendance à disparaître avec le temps pour ne plus jamais se manifester.
C’est la raison pour laquelle il existe toujours une place particulière dans le cœur d’une certaine catégorie de joueurs pour des titre comme No One Can Stop… Mr. Domino.

Reconnaissons-le : quand on aborde un test en se demandant comment on va décrire le gameplay du jeu qu’on aborde, au fond, c’est plutôt bon signe – surtout si l’on appartient à la catégorie des blasés nostalgiques décrite dans le paragraphe précédent. Certes, les dominos évoquent rarement les pics d’excitation et plus souvent les longues après-midi coincé chez mémé à jouer aux petits chevaux ou au nain jaune plutôt que d’avoir le droit de brancher la Mega Drive, alors en contrôler un dans une version anthropomorphe – ou sa compagne, ou d’autres variations à débloquer en cours de jeu –…

Ceci dit, le titre annonce déjà une couleur assez originale en 1998 : si personne n’arrête M. Domino, c’est d’abord parce que le titre d’Artdink est une forme de runner (genre encore très rare à l’époque) ; il va effectivement s’agir de diriger notre héros en train de courir d’un bout à l’autre des six niveaux du jeu, et le programme a beau avoir la générosité de nous laisser choisir entre deux vitesses, on se doute par avance qu’il va s’agir d’être réactif et d’éviter des obstacles… mais pas seulement. D’ailleurs, pour bien marquer sa différence, les six parcours du jeu s’avèrent être des boucles, et le principal ennemi va prendre la forme d’une limite de temps qui, de façon assez maladroite, n’est jamais clairement matérialisée à l’écran. Mais s’il n’y a pas de ligne d’arrivée à franchir, alors quel est l’objectif ? Eh bien accrochez-vous, car c’est là que ce No One Can Stop… Mr. Domino commence à devenir réellement intéressant.

Comme vous allez rapidement le réaliser, tous les boutons de la manette n’ont qu’une seule fonction dans le jeu : laisser derrière vous… une ligne de dominos, dont le compte (limité) est d’ailleurs indiqué en bas à droite de l’écran. Pour quel motif ? L’idée est d’apprendre à repérer des sortes d’interrupteurs placés sur votre trajet, sur lesquels il faudra s’efforcer de faire tomber ces fameux dominos – d’où le sens de la « boucle », votre deuxième tour de manège vous autorisant à pousser les dominos installés lors du premier.

Ces interrupteurs déclencheront un événement dans le décor, qu’il s’agisse d’un dé en train de tomber, du grand-père en train de se réveiller ou d’un tank venu ouvrir le feu en pleine rue (!), en fonction du cadre, et cet événement viendra à son tour faire chuter un élément sur une autre case, figurée par un cadre lumineux… laquelle, si vous vous êtes bien débrouillé, pourra lancer une autre réaction en chaîne vers un autre interrupteur, et ainsi de suite. Parvenez à enclencher tous ces « événements » dans les temps, et vous passerez au prochain niveau ; parvenez à produire une réaction en chaîne qui en enclenchera plusieurs – voire tous – à la suite, et vous gagnerez davantage de points – car oui, par essence, No One Can Stop… Mr. Domino est avant tout un jeu de scoring. Vous obtiendrez ainsi un programme déstabilisant, et souvent très exigeant… mais également bien plus addictif qu’il n’en a l’air.

Pour tout dire, le titre d’Artdink est sans doute de ceux avec qui vous nouerez une relation compliquée lors des premiers instants, commençant par ne pas trop comprendre ce qu’on attend de vous avant de fulminer sur les nombreuses occasions de se rater – même en vitesse « lente », M. Domino va vite, et le jeu pardonne assez peu l’erreur, surtout dans les niveaux les plus avancés.

Cependant, plus le temps passe et plus on prend ses marques – et plus on réalise, en fin de compte, qu’on s’amuse davantage avec la pratique, en apprenant à reconnaître du premier coup d’œil les zones d’intérêt et à faire de plus en plus naturellement des runs « parfaits », avec cette étrange et inexplicable satisfaction d’inscrire son nom au sommet du tableau des scores (d’autant que, carte mémoire oblige, ceux-ci sont pour une fois sauvegardés). La réalisation mettant en scène des décors surprenants donne envie de découvrir la suite du programme – et on pourra d’ailleurs regretter que celui-ci n’ait pas encore cinq ou six environnement supplémentaires à offrir. C’est joli, c’est jouable, c’est efficace, mais la meilleure partie est surtout que le plaisir va croissant sur la durée et qu’on s’amuse finalement beaucoup plus au bout de deux heures qu’au bout de cinq minutes. On aurait volontiers signé pour un peu de rab, ce qui est toujours bon signe – même si venir à bout du dernier niveau risque déjà de vous demander de parvenir à réaliser une prestation parfaite, avec le doigt bloqué sur la flèche du haut pour accélérer votre domino pendant toute la manœuvre.

Au final, on hérite d’un jeu qui a l’avantage de ne pas ressembler à grand chose d’autre, qui se révèle véritablement attachant au terme d’une courbe d’apprentissage pas trop violente, et qui saura contenter tous les curieux – même si on se doute que son véritable public de destination reste les perfectionnistes capables de refaire le même niveau en boucle pour la centième fois histoire d’essayer de grappiller encore dix points.

L’opportunité de débloquer d’autres personnages (un particulièrement rapide, un particulièrement lent, entre autres) ne suffit hélas pas à écarter l’inévitable lassitude qui se dégagera des parcours une fois que vous aurez appris à les maîtriser, mais certains d’entre eux ont la bonne idée de proposer des routes alternatives, et il y a assurément plusieurs heures très satisfaisantes à consacrer à notre surprenant M. Domino. Vous cherchez quelque chose d’inhabituel pour vous sortir un peu des sentiers battus sans avoir à se plonger dans un manuel de 200 pages pour assimiler un concept opaque ? Vous venez peut-être de trouver votre bonheur. Parfois, une bonne idée bien réalisée, aussi bizarre soit-elle sur le papier, est la meilleure chose sur laquelle on puisse compter pour réenchanter un peu un univers qu’on commence à trop bien connaître. No One Can Stop… Mr. Domino, c’est comme un petit coup de jeune sur CD-ROM, une étincelle pour raviver un temps cette flamme qui commençait un peu à vaciller. Ça ne se refuse pas.















Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 16/20
Véritable petit OVNI dans le domaine du runner – par ailleurs déjà assez avant-gardiste en 1998 –, No One Can Stop... Mr. Domino commence par être un titre déstabilisant, avec ses objectifs peu clairs et ses mécanismes inhabituels, avant de devenir un logiciel frustrant par sa difficulté, pour finalement s'accomplir dans ce qu'il est réellement : un jeu de scoring étrangement addictif auquel on revient beaucoup plus volontiers qu'on ne l'aurait imaginé de prime abord. Mémoire, observation et timing seront la clé pour profiter d'univers dépaysants et bourrés de détails à la Micro Machines, et on aurait volontiers signé pour quelques niveaux supplémentaires – et pour un défi un peu moins ridiculement ardu dans les derniers d'entre eux. Certes, il faudra accepter de lui consacrer un peu de temps et de risquer un orteil hors de sa zone de confort, mais le titre d'Artdink vaut clairement le détour pour se donner la peine de le découvrir. Une bonne surprise.CE QUI A MAL VIEILLI :
– Un gameplay un peu déstabilisant qui nécessitera plusieurs parties pour être assimilé
– Une difficulté qui repose sur la mémoire davantage que sur l'anticipation...
– ...et qui laisse très peu de place à l'erreur
– Aucune matérialisation concrète du temps restant pour finir le niveau
Bonus – Ce à quoi peut ressembler No One Can Stop Mr. Domino sur un écran cathodique :
